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TECH INFOTECH # 41 SPéCIAL COMPLéMENTAIRE SANTé © 2016 ACTUARIS – Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation INTRODUCTION La transformation du secteur de la santé initiée depuis quelques années s’est largement poursuivie en 2016. Une actualité réglementaire riche ainsi que des modifications importantes dans les comportements et attentes des assurés mettent à mal les organismes complémentaires cette année encore. Pour faire face à ces bouleversements, les acteurs sont ainsi contraints de continuellement s’adapter en revoyant leurs approches commerciales et leurs méthodes actuarielles. 1) Le premier article, proposé dans ce numéro spécial de l’Infotech, analyse les principales évolutions observées sur le marché cette année 2016 : ❚❙ L’ANI du 11 janvier 2013 : l'heure du bilan n’a pas encore sonné, il est urgent d’attendre ! ❚❙ Les accords de Branche face à la recommandation : comment se sont positionnés les acteurs ? ❚❙ Premier bilan sur la réforme de l’ACS (Aide à la Complémentaire Santé) ❚❙ Labellisation des contrats Séniors – du décrochage à la déconnexion Les dernières rumeurs estiment que le projet de décret relatif à la labellisation des contrats séniors, dont la sortie a été plusieurs fois repoussée, pourrait être mis de côté. Ceci serait évidemment une très bonne nouvelle pour les assureurs santé, et récompenserait le lobbying intensif effectué par toutes les familles d’assureurs et d’intermédiaires pour démontrer l’inadéquation du projet de décret aux besoins et risques santé des retraités.* 2) Le deuxième article s’intéresse quant à lui à un sujet plus actuariel : Comment faire évoluer les méthodes de tarification en plaçant l’assuré au centre des réflexions ? Nous vous souhaitons une excellente lecture de ces articles, en espérant qu'ils vous apportent un certain nombre de clés de lectures pour aborder l'année 2017, qui, nous n'en doutons pas, sera également riche d'événements. Spécial Complémentaire Santé Senior Advisor, ACTUARIS E-mail : [email protected] Actuaire Qualifiée IA , Consultante E-mail : [email protected] Jacques NOZACH Consultante E-mail : [email protected] Hélène JOURDAIN Jennifer CHRISTIN 1

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introdUction

la transformation du secteur de la santé initiée depuis quelques années s’est largement poursuivie en 2016. Une actualité réglementaire riche ainsi que des modifications importantes dans les comportements et attentes des assurés mettent à mal les organismes complémentaires cette année encore. pour faire face à ces bouleversements, les acteurs sont ainsi contraints de continuellement s’adapter en revoyant leurs approches commerciales et leurs méthodes actuarielles.

1) le premier article, proposé dans ce numéro spécial de l’infotech, analyse les principales évolutions observées sur le marché cette année 2016 :

❚❙ l’ani du 11 janvier 2013 : l'heure du bilan n’a pas encore sonné, il est urgent d’attendre !

❚❙ les accords de Branche face à la recommandation : comment se sont positionnés les acteurs ?

❚❙ premier bilan sur la réforme de l’acS (aide à la complémentaire Santé)

❚❙ labellisation des contrats Séniors – du décrochage à la déconnexion

les dernières rumeurs estiment que le projet de décret relatif à la labellisation des contrats séniors, dont la sortie a été plusieurs fois repoussée, pourrait être mis de côté. ceci serait évidemment une très bonne nouvelle pour les assureurs santé, et récompenserait le lobbying intensif effectué par toutes les familles d’assureurs et d’intermédiaires pour démontrer l’inadéquation du projet de décret aux besoins et risques santé des retraités.*

2) le deuxième article s’intéresse quant à lui à un sujet plus actuariel : comment faire évoluer les méthodes de tarification en plaçant l’assuré au centre des réflexions ?

nous vous souhaitons une excellente lecture de ces articles, en espérant qu'ils vous apportent un certain nombre de clés de lectures pour aborder l'année 2017, qui, nous n'en doutons pas, sera également riche d'événements.

Spécial Complémentaire Santé

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leS principaleS evolUtionS dU marcHé en 2016

ANI du 11 janvier 2013 : l'heure du bilan n’a pas encore sonné, il est urgent d’attendre !

les articles de presse et les annonces tirant un premier bilan de la loi de généralisation de juin 2013 se sont multipliés au premier semestre 2016, comme s’il suffisait de franchir l'échéance du 1er janvier 2016 (date fatidique d'application obligatoire de la loi de généralisation) pour enfin connaître l'ampleur du bouleversement attendu.

l'ensemble des analystes s'accordent pour conclure que le "tsunami" annoncé ne s'est pas produit. la plupart des acteurs annoncent des succès commerciaux : tous ont gagné, personne n'a perdu !

Sauf, peut-être, le marché dans sa globalité dont le chiffre d'affaire, avec 34,253 milliards d'euros, n'a progressé que de +1,31% (alors qu’une progression de +2,7% à +3% était attendue et qu'il avait progressé de +3,21% en 2014). et, bien entendu, le fonds cmU qui ne voit, de ce fait, progresser ses recettes totales (2,499 milliards d'euros) que de +0,2%.

Soyons sérieux !

Quand on connaît l'assurance de personnes et en particulier, l'assurance collective, on sait que le chiffre d'affaire d'une année se joue au cours du dernier trimestre de l'année précédente. l'essentiel des résultats de 2015 découlent donc des performances commerciales et de décisions prises à la fin de 2014.

Quels sont, néanmoins, les enseignements et les indices à retenir pour cette année 2015 ?

1 - Comment expliquer cette relative stagnation (+1,31%) du marché de l'assurance maladie complémentaire ?

cette progression est à rapprocher de celles ayant un impact sur les assiettes permettant de calculer ou d'indexer les cotisations des complémentaires santé :

❚❙ le plafond de la Sécurité Sociale dont la progression 2014/2015 est également de +1,31% (c'est l'assiette la plus couramment utilisée en assurance collective et pour indexer de nombreux produits individuels).

❚❙ l'évolution 2014/2015 du salaire interprofessionnel moyen est de +1,2%, celui des cadres est de +1,4%.

❚❙ la hausse des prix 2014/2015 est de +0,2%.

❚❙ nombre de contrats sont indexés sur l'évolution des dépenses. il est intéressant de connaître l'évolution de l'ondam (objectif national des dépenses d'assurance maladie) : pour 2015, il était prévu à +2,4%, il est en réalité à +2% (pour mémoire, l'objectif 2016 est de +1,75%).

2 - D'autres facteurs ont pu peser à la marge sur l'évolution du chiffre d'affaire :

la prise d'effet au 1er avril 2015 de la nouvelle définition des contrats "solidaires et responsables" ne peut avoir d'effets significatifs à la baisse sur le niveau des cotisations en 2015 (à suivre en 2016 et 2017 pour les contrats collectifs).

l'effet ani reste probablement encore peu significatif mais commence certainement à se faire sentir en 2015. rappelons que le dernier rapport de la dreSS qui analyse 2014, signale que la part du collectif par rapport à l'assurance individuelle passe de 41% à 43% entre 2013 et 2014. il paraît établi que peu d'entreprises ont anticipé l'échéance du 1er janvier 2016. il est probable que cette tendance ne s'est pas accélérée en 2014 pour 2015 du fait de l'absence des décrets d'application de la loi de généralisation, de la confusion juridique autour des clauses de désignation et de la complexité de mise en œuvre de la réforme des "contrats responsables".

cependant, à supposer que la progression du collectif soit également de +3% en 2015, sa part serait de 46% et expliquerait, en partie, la faible évolution de +1,31% (en fin de processus, le transfert vers le collectif était évalué à 5 milliards d'euros en 2013). rappelons, en effet, que les contrats collectifs sont globalement moins coûteux techniquement que les contrats individuels ( car moins "anti sélectifs") et sensiblement moins chargés au niveau de la distribution et de la gestion.

le rapport Germain, présenté à la commission sociale de l'assemblée nationale, lors de l'examen de la loi de généralisation en 2013, chiffrait à 6€ par assuré et par mois, le montant de l'économie réalisée en collectif par rapport à l'individuel.

il semblerait que la tendance se poursuive et s’accentue en 2016 puisque le fonds cmU a enregistré une très faible progression (+0,2% du chiffre d'affaires de la complémentaire santé au premier semestre).

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L’effet ANI en 2015 : qui a gagné, qui a perdu ?

Un effet encore limité de l'ani en 2015. on l'a vu, la part du collectif par rapport à l'individuel ne progresserait probablement que de +3% et s'établit à 46% : très loin du basculement attendu (de 55% à 60%). 2015 s'inscrit dans la continuité des dernières années qui intègrent à la fois une anticipation de la loi de généralisation et l'entrée en vigueur de Solvabilité 2.

la répartition du marché entre les trois familles d'assureurs confirme, en effet, l'évolution structurelle constatée au cours des cinq dernières années.

1. Une lente érosion de la part de marché des mutuelles : 18,166 milliards d'euros (53%), soit -6% en 10 ans.

cette érosion marque une pause en 2015, mais le secteur poursuit sa restructuration : 919 mutuelles en 2005, 415 dix ans plus tard... Une trentaine de mutuelles disparaissent chaque année par fusion, et 2015 confirme cette tendance (35 mutuelles en moins) sans l'accentuer de manière significative.

Si l'on en croit certaines projections, il resterait en 2018, une centaine de mutuelles. Force est de constater que l'accélération du processus de concentration ne s'est pas encore produite, même si certains rapprochements spectaculaires se sont concrétisés. et en particulier, celui d'Harmonie-mutuelle et de la mGen qui avec 3,75 milliard d'euros de chiffre d'affaire, donne naissance à un leader qui représente 11% du marché de la complémentaire santé et 20% de la mutualité. d'autres rapprochements significatifs tels que celui d’aesio, eovi-mcd et viasanté se multiplient. Quatre mutuelles sont dans le top 10 des ocam.

au-delà du nombre des mutuelles, il faudra s'intéresser au décompte des pôles de regroupements, car les dispositifs du type UGm, UmG, SGam et SGapS, tout en maintenant juridiquement (et souvent facilement) les mutuelles de base, deviendront peu à peu les vrais acteurs du marché.

la question est de savoir si cette restructuration et les succès commerciaux de mUteX dans les accords de branches, permettront à la mutualité d'enrayer la tendance qui, du fait de l'ani, réduirait sa part de marché sensiblement au-dessous des 50%. mais aussi du fait de son positionnement sur l'assurance individuelle et des difficultés rencontrées par de nombreuses mutuelles pour se reconvertir en assurance collectives (de nombreuses mutuelles anticipaient en 2013, une perte de chiffre d'affaires de 20% à 35%).

2. Une stabilisation de la part de marché des Institutions de Prévoyance (IP), qui se situe autour de 18% avec 6,3 milliards d'euros en 2015.

le nombre d'acteurs s'est réduit de moitié au cours de ces dix dernières années : il existe 25 ip aujourd'hui, dont la plupart sont intégrées dans des Groupes de protection Sociale (GpS).

on dénombre quatre ip dans les dix premiers ocam du marché. cependant, ces chiffres doivent être relativisés car aujourd'hui, il existe des pôles mutualistes dans les GpS qui regroupent 30% des mutuelles de la FnmF, avec constitution de SGapS ou SGam. c'est donc le portefeuille santé des GpS, et non seulement celui des ip, qui sera intéressant de suivre. il serait de l'ordre de 11 milliard d'euros (source ctip), soit 32% du marché.

en 2015, certains GpS ont réalisé des arbitrages qui renforcent la part de portefeuille de leurs mutuelles par rapport à leurs ip (une centaine de millions d'euros est concernée).

3. Une progression continue de la part des sociétés d'assurance (29%) avec 10 milliards d'euros, soit +3,74% par rapport à 2014

elles sont les premières bénéficiaires du déclin de la mutualité du fait de réseaux de distribution particulièrement efficaces en assurance individuelle, sur un marché de plus en plus concurrentiel. elles ont gagné +5% de part de marché en 10 ans.

curieusement, leur nombre reste stable (autour de 100) et a même tendance à progresser (+6 en 2015). cette augmentation du nombre d'acteurs marque, sans doute, l'intérêt que l'industrie de l'assurance porte au marché de la complémentaire santé dont la pression concurrentielle s'accentue, dans un contexte où les autres marchés (mrH et vie) n'offrent pas les mêmes perspectives de croissance (dans le contexte actuel).

il est par ailleurs, intéressant de faire un zoom sur les performances de la bancassurance en 2015, du fait d'un impact attendu de l'ani très sensible sur ces portefeuilles constitués exclusivement de contrats individuels : loin de régresser, ceux du crédit mutuel et du crédit agricole, par exemple, progressent l'un et l'autre de près de +8% (effet ani non encore sensible ?... reconversion réussie en assurance collective ?).

il est à noter que les chiffres des sociétés d'assurance n'intègrent pas la réassurance (en particulier celle des ip, de l'ordre de 2 milliard d'euros).

en outre, ces chiffres ne tiennent pas compte des accords qui se développent aujourd'hui avec des acteurs de l'économie sociale (covea / apGiS / Smi / Uneo / mGp, aXa / Uniprévoyance / interiale…).

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au global, les clivages entre les trois familles d'ocam et les "barrières idéologiques" s'estompent. Solvabilité 2 et les réformes incessantes diligentées par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux provoquent un bouleversement sans précédent.

les partenariats, les rapprochements qui, hier encore, paraissaient improbables, voire impossibles, se multiplient, se réalisent à un rythme soutenu et se consolident en utilisant, souvent sous l'impulsion de l'acpr, les nouveaux "véhicules juridiques" mis à leur disposition (SGam, SGapS, UmG, UGm, GapS...).

Il faut donc s'affranchir des distinctions et des modes de classement antérieurs : on peut d'ores et déjà dire que le marché de la complémentaire santé se répartit en trois tiers de taille équivalente : l'un à dominante mutualiste, le second constitué par les GPS et le troisième piloté par les sociétés d'assurances.

au-delà de ces constats, l'année 2015 s'est traduite par des mouvements de chiffres d'affaires importants au sein du top 50 des ocam. en effet 18 d'entre eux sont en régression, pour un montant global de 400 millions d'euros, ramené à 250 millions d'euros (compte non tenu des transferts réalisés au sein des mêmes GpS ou entre partenaires). cette baisse impacte principalement trois organismes (deux ip pour près de 100 m€ et une mutuelle pour 60 m€).

Les 32 autres progressent de +1,3 milliard d'euros, ce qui signifie que près de 3,5% du marché de la complémentaire santé (12% du portefeuille des OCAM en deçà des cinquante premiers) a changé de main en 2015, principalement au détriment des plus petits acteurs (493) dont une partie par fusions-absorptions 35 mutuelles et 1 ip). ce qui est considérable, surtout si on tient compte du fait que l'essentiel de l'effet ANI est à venir !Au global, les 50 premiers OCAM représentent donc 72% du marché, les 10 premiers concentrant plus du tiers de ce marché.

Quels effets pouvons-nous anticiper pour 2017 concernant l’entrée en vigueur de l’ANI ?

toutes les informations dont nous disposons sont "médiatisées" par les acteurs du marché, ce qui doit nous conduire à la plus grande prudence quant aux extrapolations qu'elles permettent. cependant, elles confortent toutes l'idée que le choc provoqué par la loi de généralisation ne s'est pas ou ne va pas se réaliser brutalement, en provoquant un phénomène de rupture à une date donnée (au 1er janvier 2016, par exemple), mais va s'amortir sur plusieurs années.

Que disent les acteurs du marché, et en particulier, les réseaux de distribution ?

toutes les entreprises n'étaient pas entrées dans le nouveau dispositif au 1er janvier dernier. le fait que certains décrets d'application n'aient été publiés, dans l'urgence, que dans les derniers jours de décembre 2015, est à cet égard symptomatique.il est donc probable que les souscriptions se soient poursuivies au moins durant le premier semestre, et il n'est pas certain que toutes les entreprises soient aujourd'hui couvertes.

La plupart des nouvelles souscriptions se font par DUE (Décision Unilatérale de l'Employeur) et non par accord d'entreprise ou référendum, ce qui autorise les salariés en place à refuser leur adhésion au contrat collectif (qui est considéré comme un changement substantiel de leur contrat de travail) et donc à conserver leurs contrats individuels. Seuls les nouveaux salariés sont obligatoirement tenus d'y adhérer. Un contrat collectif peut donc être mis en place sans qu'aucun salarié n'y soit affilié.il semblerait que beaucoup d'entreprises (en majorité des tpe) aient eu recours à cette solution, souvent sur le conseil de leur assureur.

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certains ocam y ont trouvé le moyen de limiter l'ampleur des résiliations de contrats individuels (ou du moins, d'en répartir les effets dans le temps). il n'est pas difficile, en effet, de convaincre une entreprise qui perçoit l'obligation de mettre en place un contrat collectif pour ses salariés comme une nouvelle "taxe" (un prélèvement obligatoire supplémentaire) de retenir une solution qui en limite ou en supprime l'impact financier immédiat, et d'en convaincre également ses salariés qui découvrent que le panier de soins ani rembourse sensiblement moins bien que le contrat individuel qu'ils ont souscrit précédemment.certes, ce processus est juridiquement fragile, à la limite du "défaut de conseil" lorsqu'il est préconisé, sans réel suivi, par un intermédiaire ou un organisme d'assurance et il peut être "rattrapé" à tout moment par un accord de branche. il s'est néanmoins largement répandu.

Les possibilités de dispenses d'adhésions, prévues par le législateur et devenues "d'ordre public" par décret de décembre 2015 (ce qui permet à chaque salarié d'y recourir de plein droit), peuvent limiter ou retarder très sensiblement le choc attendu en 2016 du passage généralisé de l'individuel vers le collectif.

le cas qui semble le plus fréquent concerne les salariés qui, n'ayant pas pu résilier leur contrat individuel dans les délais contractuels, l’ont conservé jusqu'à son échéance normale (courant 2016 et au plus tard au 31 décembre) et ont différé leur affiliation au contrat collectif pour éviter d'avoir à payer une double cotisation.

mais il existe des cas de dispense plus structurels. en particulier les salariés qui sont "ayant droit" de leur conjoint et couverts, à ce titre, dans d'autres contrats : les salariés bénéficiaires de la cmU-c ou de l'acS, les salariés à temps partiel ou en contrats de travail court, bénéficiaires du "versement santé" (chèque santé).

L'ensemble de ces cas de dispenses d'affiliation explique sans doute le constat fait par nombre d'observateurs selon lequel le taux d'affiliation des salariés dans les nouveaux contrats collectifs se situerait, en moyenne, autour de 50%, alors qu'il était de 90% habituellement ; avec une part non négligeable de contrats de TPE ne comptant aucun affilié.

le bilan de 2016 et les tendances constatées début 2017 permettront de tirer les conséquences et les enseignements de ces évolutions qui, en première approche (du fait d'une plus grande segmentation des assurés reposant très largement sur des choix individuels), sont susceptibles d'entraîner des risques d'anti sélection, qui pourraient remettre en cause les équilibres techniques calculés sur la base d'une adhésion obligatoire (et donc d'une mutualisation plus large).

Accord de Branche et Recommandation

Un autre point à souligner : le nombre important d'accords de branches comportant des "clauses de recommandation" conclus en 2015.

en effet, plus de 60 nouveaux accords ont été signés, majoritairement au cours du dernier trimestre de l'année, ce qui porte à plus de 120 (sur les 250 branches ayant négocié des accords en prévoyance) le nombre de dispositifs santé désignant ou recommandant des opérateurs sur la base de garanties et de tarifs spécifiques à chacune de ces branches.

le nombre de salariés concernés est potentiellement de 7,2 millions (soit près de 38% des salariés).

Ce constat suscite plusieurs remarques :

Le caractère "bancal" des clauses de recommandation n’a pas dissuadé les partenaires sociaux et certains assureurs de mettre en place ces dispositifs en complémentaire santé dont le taux de pénétration est très incertain du fait d'une concurrence permanente sur ces dispositifs, en amont et en aval de leur mise en place.

l'une des raisons principales qui a incité les partenaires sociaux à négocier ces accords, est le faible niveau de couverture du "panier de soins ani" (dont certaines garanties sont inférieures au panier de soins de la cmU-c) et la volonté, malgré tout, d'essayer de faire fonctionner des mutualisations solidaires avec le seul outil juridique possible.

les délais très courts impartis pour négocier (1er janvier 2016) ont souvent conduit à traiter de manière sommaire le "haut degré de solidarité" qui est associé obligatoirement à la clause de recommandation et dont le dispositif réglementaire n'est toujours pas abouti.

de notre point de vue, en général (des exceptions sont toujours possibles), les taux de pénétration attendus ne devraient pas dépasser 15% en régime de croisière, et concerner principalement les entreprises présentant des risques plus lourds que la moyenne et en particulier des tpe : les performances de ces dispositifs seront donc à suivre avec beaucoup d'attention. les premiers bilans de pénétration des nouveaux accords font ressortir des taux très bas, inférieurs à 5%.

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il convient de noter que les ocam qui ont répondu aux "appels à concurrence" et ont été majoritairement retenus, sont les mêmes que ceux qui, antérieurement, étaient présents sur ce marché (ip et mutuelles). pas ou peu de nouveaux acteurs, et en particulier de sociétés d'assurances (hormis allianz), ont concouru.

Le nombre d'accords ainsi conclus a des incidences structurelles fortes sur le marché de la complémentaire santé. En effet les garanties définies dans ces accords, lorsqu'ils sont "étendus", ont "force réglementaire" et doivent donc s'appliquer à l'ensemble des salariés de la branche.

les ocam non recommandés qui souhaitent démarcher les entreprises de la branche concernée doivent adapter leur offre et la faire évoluer au gré des nouveaux avenants négociés par les partenaires sociaux. les contrats souscrits antérieurement doivent être revus lorsqu'ils prévoient des niveaux de garanties inférieurs.

Ces contraintes (nécessitant de disposer d'outils de veille et d'équipes commerciales capables de s'adapter) sont contradictoires avec l'objectif de standardisation de la distribution et de la gestion que recherche la plupart des acteurs. cela contrarie la stratégie commerciale de certains ocam qui ont mis en place une offre comportant un "panier de soins ani" tarifé au plus bas et servant de produit d'appel complété par une gamme de produits individuels sur complémentaires permettant une compensation financière.

peu de nouveaux accords de branches ont été conclus depuis le début de l'année 2016, signe que le marché des accords de branches est peut-être aujourd'hui (provisoirement ?) stabilisé, ce qui donnerait une meilleure visibilité aux acteurs pour adapter leurs offres.

d'autres branches semblent avoir retenu des formules plus souples que la clause de recommandation, en procédant à des référencements ou en n'intervenant pas du tout dans le choix de l’assureur par les entreprises. ce qui ne signifie pas pour autant qu'elles n'aient pas conclu des accords comportant des garanties étendues.

Premier bilan sur la reforme de l'acs (Aide à la Complémentaire Santé)

Hâtons-nous de conclure trop tôt… car la réforme a pris effet au 1er juillet 2015, et nous n'avons pas connaissance des résultats en année pleine.

après une hausse sensible des plafonds de la cmU-c et de l'acS intervenus en 2013 (+8,3%), les pouvoirs publics ont restructuré fortement l'offre des contrats acS autour de trois niveaux de garanties (a, B et c), en considérant que le marché n'était pas adapté et lisible pour les populations concernées, et en limitant à 11 (après appel à la concurrence sur la base d'un cahier des charges) le nombre d'opérateurs, de dimension nationale, habilités à proposer ces contrats, au motif que les intervenants trop nombreux et disparates, ne permettaient pas une diffusion optimale.

Le résultat, pour autant, ne se traduit pas par un grand bouleversement de la situation antérieure, puisque derrière les 11 offres validées, ce sont plus de 200 OCAM qui continuent à distribuer les nouveaux contrats.

l'objectif étant, bien sûr, de permettre un meilleur accès aux soins.

Que disent les chiffres issus du rapport d'activité 2015 du Fonds cmU concernant l'acS ?

❚❙ rappel du niveau de ressources mensuelles pour une personne : entre 721€ (le plafond cmU-c est de 720€) et 974€ (soit 135% du plafond cmU-c).

❚❙ le nombre de bénéficiaires potentiels évalué se situe dans une fourchette de 2,4 millions à 3,4 millions (chiffre corrigé des salariés bénéficiant d'une couverture collective). progression 2014/2015 de +13%, liée essentiellement au relèvement du plafond de ressources de juillet 2013.

❚❙ le nombre de bénéficiaires d'une attestation acS en 2015 s'établit à 1,35 millions. il a progressé de 140 000 en un an (soit +12,6%), au même rythme que les bénéficiaires potentiels.

il est à souligner qu'aucune progression de tendance n'est observée depuis le 1er juillet.

❚❙ le nombre de bénéficiaires effectif, quant à lui, n'a progressé que de 40 000 et s'établit à 981 000, cette hausse annuelle de +4,2%, s'étant réalisée à un rythme mensuel de +6,9% au cours des 4 derniers mois de l'exercice, avec une stagnation du taux d'utilisation des attestations autour de 74%.

Au global, pour l'instant, force est de constater que plus des deux tiers des bénéficiaires potentiels continuent à ne pas avoir recours à l'ACS. la réforme engagée ne semble pas faire quantitativement bouger les lignes de façon significative mais, sans doute, est-il encore trop tôt pour en juger, eu égard aux efforts de communication faits par ailleurs. l'ouverture de droits pour 325 000 bénéficiaires en janvier 2016 est, peut-être, en effet, le signe avant-coureur d'un réel rebond.

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Par contre, la refonte des garanties semble être une réussite. Les bénéficiaires ont en effet clairement plébiscité les niveaux de couverture les plus élevés : 39,4% pour le contrat B et 38,9% pour le contrat C.

le montant de la dépense acS atteint 287 millions d'euros en 2015 (en progression de +4,4% par rapport à 2014) et le résultat de l'exercice, charges de la cmU-c comprises, s'établit à +46 millions d'euros (pour un total de recettes de 2,5 milliards d'euros, sur la base d'une assiette qui a moins progressé que prévu).

on peut légitimement s'interroger sur la capacité du fonds à faire face à une réelle montée en charge de nouvelles adhésions à l'acS : un taux d'adhésion comparable à celui de la cmU-c (deux tiers des bénéficiaires potentiels) se traduirait, en effet, par un doublement de la charge actuelle (600 millions d'euros). nous n'en sommes pas là, mais on ne s'étonnera donc pas que le fonds cmU parle de "perspectives financières à surveiller".

Labellisation des contrats Séniors – du décrochage à la déconnexion

ces dernières années, plusieurs réformes Santé ont été mises en place dans le but de faciliter le recours à la complémentaire santé :

❚❙ la généralisation de la complémentaire santé (toujours en cours jusqu’en janvier 2018) pour l’ensemble de la population française (dont l’ani pour les salariés du secteur privé qui a pris effet au 1er janvier 2016)

❚❙ l’aide à la complémentaire santé (acS)

❚❙ la cmU-c pour les plus démunis

dans la continuité, la lFSS de 2016 réaffirme la volonté du gouvernement de généraliser à horizon 2017 une complémentaire santé de qualité, visant les personnes de plus de 65 ans (les séniors) par la labellisation de contrats santé.

la lFSS 2016 prévoit de « permettre aux séniors (de 65 ans et plus) d’accéder à des offres d’assurance complémentaires santé qui seront sélectionnées à l’issue d’une procédure de mise en concurrence sur des critères reposant sur la qualité des garanties et le prix proposé. cette procédure doit permettre d’améliorer le rapport entre les prestations et les cotisations offertes par ces contrats » (adéquation entre le besoin des séniors et les prestations complémentaires dont ils bénéficient).

le projet de décret (publié en juillet et révisé cet automne) détaille les 3 niveaux de couvertures, ainsi que les niveaux de cotisations plafonds (hors taxe).les dernières rumeurs estiment que le projet de décret, dont la sortie a été plusieurs fois repoussée, pourrait être mis de côté. ceci serait évidemment une très bonne nouvelle pour les assureurs santé, et récompenserait le lobbying intensif effectué par toutes les familles d’assureurs et d’intermédiaires pour démontrer l’inadéquation du projet de décret aux besoins et risques santé des retraités.dans l’attente de savoir si ce projet de décret est seulement repoussé ou définitivement enterré, actUariS produit ci-dessous son analyse technique.

1er constat d’ACTUARIS : Déconnexion des niveaux de couvertures du projet de décret par rapport aux garanties habituellement souscrites par les retraités

la dreSS a établi une classification des contrats les plus souscrits après des organismes complémentaire santé selon leur niveau de garantie :

❚❙ classe a : niveau très haut de gamme

❚❙ classe B : Haut de gamme

❚❙ classe c : milieu de gamme

❚❙ classe d : milieu à entrée de gamme

❚❙ classe e : entrée de gamme :

le descriptif de la classification (distribution des niveaux de garanties des 5 classes) figure en annexe.cette classification nous a permis de positionner les contrats présentés dans le projet de décret.

Si on reprend la classification des contrats établie par la dreSS, les niveaux de prestations proposés au sein du projet de décret correspondent principalement à des garanties milieu ou haut de Gamme. Les trois niveaux de couvertures du projet de décret correspondent davantage à des garanties « collectives obligatoires » généralement offertes aux salariés du privé qu’à des garanties « individuelles »

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Source « les contrats les plus souscrits auprès des organismes complémentaires santé en 2010 » - dreSS

afin d’étayer notre avis, nous positionnons ci-dessous - par catégorie d’acte santé - les garanties du projet de décret dans le cadre de la classification établie par la dreeS :

les garanties de niveau 1 du projet de décret sont équivalentes aux classes :

❚❙ d et e (62.6% des contrats santé individuels) pour les consultations de spécialistes, les honoraires hospitaliers et les prothèses dentaires

❚❙ c (34% des contrats santé individuels) pour les prothèses auditives

❚❙ B (28.5% des contrats santé individuels) pour les lunettes complexes

Au global, il s’agit d’un niveau entrée de gamme pour les principaux actes, mais renforcé sur les prothèses auditives et les lunettes.

les garanties de niveau 2 du projet de décret sont équivalentes aux classes :

❚❙ c (34% des contrats santé individuels) pour les consultations de spécialistes, les honoraires hospitaliers et les prothèses dentaires

❚❙ a (2.7% des contrats santé individuels) les prothèses auditives et les lunettes complexes

Au global, il s’agit d’un niveau milieu de gamme pour les principaux actes, mais renforcé sur les prothèses auditives et les lunettes avec un niveau haut de gamme.

les garanties de niveau 3 du projet de décret sont équivalentes à :

❚❙ entre les classes B et a pour l’ensemble des actes

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Il s’agit d’un niveau haut de gamme pour l’ensemble des actes, rarement souscrit en assurance individuelle, avec un fort risque d’anti-sélection.

pour l’ensemble des 3 niveaux de garanties du projet de décret, on observe un meilleur niveau de couverture sur les lunettes et les prothèses auditives que le panel établi par la dreeS.ce renfort peut en partie s’expliquer par le fait que les besoins des séniors sur ces garanties n’est pas le même que celui des 25 - 55 ans. toutefois, le décrochage parait disproportionné.

pour une garantie « entrée de gamme », on peut s’attendre à ce que les prestations proposées pour les lunettes soient proches du plancher du contrat responsable (soit respectivement 50€ pour les lunettes simples et 200€ pour les lunettes complexes). or le projet de décret prévoit un remboursement des lunettes complexes à hauteur de 350 € pour le niveau 1, supérieur de 150 € au plancher du contrat responsable !

rappelons par ailleurs que les plafonds de prestations appliqués sur les consultations hors caS vont générer de forts restes à charge pour les séniors dans de nombreux cas de consultations, notamment hospitalières (le hors caS restant très majoritaire).

Un décrocHaGe deS cotiSationS amoindri maiS toUJoUrS préSent

Bien que les taux de cotisations aient été revus à la hausse une seconde fois (prix révisés cet automne), les nouveaux seuils sont plus cohérents avec les primes attendues. Cependant, on observe toujours des écarts tarifaires qui sont loin d’être similaires selon la tranche d’âge et le niveau de garantie.

Contrat 1 – Bien que les primes évoluent de manière régulière (+12% environ par tranche d’âge), on observe que les primes des jeunes séniors sont cohérentes avec les primes attendues pour ce risque. cependant un écart reste présent à partir de 80 ans (bien qu’il soit moins significatif qu’il ne l’a été).

Contrat 2 – l’écart tarifaire observé sur le contrat 2 est assez similaire à celui observé pour le contrat 1. Bien que les primes aient été revues à la hausse, le lissage sur les individus de plus de 80 ans semble encore trop « plat » pour être techniquement correct.

Ecarts tarifaires suite à la dernière révision :

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Ecarts tarifaires observés par contrat et tranches d'âge

Ecarts tarifaires initialement observés des prix présentés à la concertation de juillet :

Contrat 3 – ce contrat est très anti-sélectif. le niveau de cotisation indiqué ne semble pas tenir compte de cet effet (qui est difficilement mesurable).

en règle générale, l’écart des primes s’amenuise à mesure que l’âge des séniors augmente. cette tendance est encore plus importante sur les primes du contrat 3 (alors qu’il est fortement anti sélectif). de plus le décrochage pour la dernière tranche d’âge ne s’explique pas :

les primes proposées ici par le Gouvernement semblent représentatives de ce que nous pourrions voir sur le marché des jeunes séniors (bien que légèrement au dessus). ce sont donc eux qui contre balanceront les sous-estimations des séniors plus âgés et qui permettront un potentiel équilibre technique.

QUe Faire ?

les assurés concernés par ce projet de décret représentent près de 40% des portefeuilles individuels. ce taux correspond à une répartition datant de 2010. or depuis l’ani, la part est très certainement un peu plus importante (bascule des assurés individuels vers le collectif) et va continuer à augmenter.

en pourcentage des assurés

Assurés jusqu'à 24 ans

Assurés de 25 à 59 ans

Assurés de 60 ans et plus

Total

Collectif 8,6 78,7 12,7 100,0

Individuel 7,5 52,8 39,7 100,0

Ensemble 7,9 61,4 30,7 100,0

Source « les contrats les plus souscrits auprès des organismes complémentaires santé en 2010 » - dreSS

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Une alternative pour éviter le risque de perte technique significative serait de faire labelliser uniquement le premier contrat (techniquement plus proche de la réalité) et/ou éventuellement le second (avec prudence aux âges extrêmes). rappelons que les contrats individuels bénéficient d’une marge qui est de moins en moins importante et que les contrats collectifs sont, quant à eux, difficilement à l’équilibre. il devient de plus en plus délicat de se développer sur un produit avec un très fort « potentiel de perte technique ».

dans cette alternative, les autres contrats n’étant pas labellisés, l’organisme complémentaire peut alors garder ses produits actuels (avec des tarifs plus élevés en adéquation avec le risque) pour les séniors souhaitant disposer d’un bon niveau de couverture. cette solution présente le risque de les voir partir à la concurrence, mais semble moins coûteuse que de leur proposer des garanties (contrat 2 et/ou 3) qui seront forcément vendues à perte.

Autre alternative envisageable : labelliser les niveaux 1 et 2, en menant une campagne de distribution active auprès des Seniors « à faible perte technique » (tranche d’âge 2 à 4 selon nos résultats) et/ou des zones géographiques les moins consommatrices, et en se laissant la possibilité de quitter le dispositif dès que la dérive du risque se fait sentir.

Quoi qu’il en soit, la situation actuellement proposée semble imposer à l’organisme assureur une mutualisation forcée avec le portefeuille des actifs au profit des retraités. la question peut se poser de savoir s’il s’agit d’une politique délibérée des pouvoirs publics, visant à réintroduire une mutualisation / solidarité intergénérationnelle au sein des portefeuilles d’assurance complément santé.

comparaiSon deS niveaUX de remBoUrSement en optiQUe et appareillaGe

Source « les contrats les plus souscrits auprès des organismes complémentaires santé en 2010 » - dreSS

la distribution des prestations moyennes versées selon le type d’organismes assureurs et le type de contrat présenté ci-avant étaye encore le constat de déconnexion du poste optique, et notamment entre les contrats collectifs et individuels. il s’agit ici d’un remboursement d’une paire de lunette simple de 200€.

le niveau de prestation du contrat 1 (150€) se situe très largement au-dessus du premier quartile de l’ensemble des contrats individuels (proche de 100€ pour 200€ de dépense). ce niveau se situe d’ailleurs juste en dessous du 3ème quartile de l’ensemble des contrats individuels (160€ environ). ce constat montre que le niveau contrat 1 est très largement au-dessus de ce qui peut être présent sur le marché individuel notamment et est assez similaire au niveau de prestations « bas » (1er quartile) des contrats collectifs.

les contrats 2 et 3 sont, eux, égaux (frais réels atteints) et dépassent le 3ème quartile des remboursements correspondant à des contrats de type haut de gamme.

la vue des séniors ayant tendance à se stabiliser, la dépense d’une nouvelle paire de lunette reste occasionnelle. il peut être difficile d’accepter de payer une prime mensuelle intégrant un fort montant de prestation pour une consommation plutôt exceptionnelle.

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ce constat est similaire, voir s’aggrave pour les lunettes complexes :

Source « les contrats les plus souscrits auprès des organismes complémentaires santé en 2010 » - dreSS

pour les prothèses auditives, le constat est légèrement plus nuancé que les lunettes. cependant, les niveaux de garanties restent significatifs et largement au-dessus des niveaux de prestations observés sur le marché.

Source « les contrats les plus souscrits auprès des organismes complémentaires santé en 2010 » - dreSS

Finalement, on constate un réel décalage de niveaux de prestations (haut à très haut de gamme) pour une population à niveau de vie modéré. de plus, le contrat 3 est à un niveau tellement haut de gamme que cela va forcément entraîner une très forte anti-sélection (population réellement consommatrice d’appareillage – optique et/ou auditif), renforçant l’idée que le niveau de cotisation renseigné dans le décret est insuffisant.

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Pour information, “Les contrats les plus souscrits auprès des organismes complémentaires santé en 2010” (DRESS)

distribution des niveaux de garanties des biens de référence au sein des cinq classes de contrats :

remboursement des biens de référence utilisés pour l'élaboration de la typologie, en euros, hors remboursement de la sécurité sociale

Consultation chez un spécialiste dans le parcours de soins

Honoraires des practiciens hospitaliers*

Prothèses auditives*

1er quartile Médiane 3eme quartile 1er quartile Médiane 3eme quartile 1er quartile Médiane 3eme quartile

Classe A 40 prix total* prix total* prix total* prix total* prix total* 1 198 1 598 1 997

Classe B 7 30 prix total* 218 478 prix total* 719 1 039 1 188

Classe C 7 13 18 156 170 294 550 976 1 020

Classe D 7 7 7 18 18 248 260 419 739

Classe E 7 7 7 18 18 202 140 140 190

Optique complexe Prothèse dentaire* Chambre particulière*

1er quartile Médiane 3eme quartile 1er quartile Médiane 3eme quartile 1er quartile Médiane 3eme quartile

Classe A 453 prix total* prix total* 376 430 516 60 79 prix total*

Classe B 258 310 408 269 301 332 35 58 prix total*

Classe C 220 296 306 247 301 332 31 40 50

Classe D 148 171 218 140 178 240 31 40 61

Classe E 8 115 148 32 72 86 0 29 66

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l’assurance complémentaire santé est probablement l’un des marchés qui a subi de plein fouet le plus grand nombre de ruptures ces dernières années.

ces ruptures peuvent être globalement regroupées en trois catégories :

❚❙ Des ruptures réglementaires :

les différentes réformes règlementaires de la complémentaire santé, avec notamment l’ani, les décrets sur les contrats responsables, les contrats d’accès aux Soins, ou encore les contrats labellisés, ont largement ébranlé le secteur.

L’encadrement réglementaire - progressif et systématique - des produits santé a entrainé une uniformisation des offres.

la part des contrats individuels standards est par ailleurs en voie de forte réduction, au profit de contrats d’entreprise obligatoires ou de contrats dédiés à une population spécifique, comme les agents territoriaux, les agents de la fonction publique, les bénéficiaires de l’acS…, et demain les seniors !

Ces modifications de la structure des portefeuilles remettent sérieusement en cause les équilibres techniques des assureurs santé.

❚❙ Des ruptures comportementales :

aujourd’hui, grâce à internet notamment, les individus peuvent comparer facilement les offres qui leur sont proposées et ne manquent pas d’utiliser cette possibilité.

ils sont par ailleurs beaucoup moins fidèles que ne pouvaient l’être les générations précédentes envers leur assureur.

le critère prix est prioritaire pour une part significative des assurés, qui achètent leur assurance comme tout produit « landa » de consommation.

Les nouvelles générations veulent payer le juste prix par rapport à leur risque, et n’acceptent plus de mutualiser leur risque avec d’autres qui seraient plus dégradés, remettant en cause les fondements même de l’assurance.

❚❙ Des ruptures technologiques :

l’évolution rapide des nouvelles technologies, avec le développement de nouveaux produits permettant de suivre et d’intégrer des données en masse, bouscule également le quotidien des organismes assureurs complémentaires.

Face à ces ruptures de tout ordre qui n’en sont qu’à leur début, les organismes assureurs complémentaires doivent se transformer en profondeur, et les chantiers à mener sont multiples. La refonte des méthodes de tarification fait partie des chantiers essentiels pour maximiser les marges techniques, dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

L’assure sous les feux des projecteurs

dans un environnement où les contrats santé sont de plus en plus contraints par la législation et donc de plus en plus comparables, la concurrence s’est accrue et les marges sont mécaniquement réduites. l’enjeu pour les organismes complémentaires qui cherchent à rester compétitifs est donc de parvenir à cibler les « bons risques » d’une part, et de maitriser les dépenses des assurés en portefeuille d’autre part.

la réponse à ces nouvelles problématiques peut être envisagée selon 3 axes :

1 ) L’utilisation optimisée des données disponibles relatives aux assurés par la datascience

alors que le cadre réglementaire autour des contrats santé se resserre et que le critère prix est plus que jamais décisif dans le choix de couverture des assurés, les organismes complémentaires voient leur capacité d’innovation et de différentiation se réduire (*)1 en termes de création de produits, de tarification, et même de taux de chargement. dans le but de rester compétitif, ils s’orientent donc naturellement vers un meilleur ciblage des populations à assurer, couplé à une meilleure gestion de leurs dépenses.

aSSUrance Santé : le comportement de l’aSSUré aU centre de la tariFication

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la question est alors de savoir comment cibler les bonnes populations et comment les qualifier ?

la stratégie actuelle des organismes vise à se recentrer sur les individus qu’ils couvrent plutôt que sur les produits en eux-mêmes. l’objectif de chacun est alors de proposer les bonnes garanties aux bonnes cibles, et ce de façon dynamique, afin de s’adapter toujours mieux aux besoins de chaque assuré.

les organismes complémentaires doivent pour cela être en mesure d’interpréter et d’utiliser les nombreuses informations qu’ils détiennent sur chaque personne. les données concernant leurs assurés et les produits et dépenses associés sont heureusement à la fois plus nombreuses et plus variées dans l’univers connecté actuel.

en effet, en plus de connaitre les caractéristiques « basiques » propres à chacun (âge, sexe, situation de famille…), les organismes complémentaires peuvent aujourd’hui aussi s’appuyer sur :

❚❙ des éléments relatifs aux attentes et aux besoins des assurés au travers du recueil de l’historique de couverture et des habitudes de consommation de chacun : l’assuré est-il présent en portefeuille depuis longtemps, a-t-il changé fréquemment de niveau de couverture, a-t-il des niveaux de dépenses stables sur plusieurs exercices, semble-t-il appliqué à « rentabiliser » ses garanties ?....

❚❙ des données élargies à d’autres risques : l’assuré est-il multidétenteur de garanties au sein de l’organisme complémentaire (épargne, dommage,….)

❚❙ des données externes : internet regorge de données statistiques nationales très complètes et détaillées qui permettent aux organismes complémentaires de croiser les informations qu’ils détiennent en portefeuille afin de créer de nouvelles segmentations de leurs assurés.cette segmentation peut alors se faire en considérant la densité de médecins, le caractère rural / urbain des lieux d’habitation, les taux de chômage et les revenus moyens par zones géographiques… l’idée générale est de rechercher une segmentation non fondée sur des zones géographiques mais sur des conditions d’accès aux soins et des niveaux de revenus similaires, et donc in fine sur des caractéristiques de consommations voisines. la segmentation optimale doit tenir compte du niveau de couverture et du groupe d’actes santé considéré. notons par exemple que l’impact du revenu de l’assuré sur sa consommation est très différent selon le niveau de couverture considéré ; son effet est amplifié sur les garanties "entrée de gamme".

❚❙ � de nouvelles méthodes de modélisation via l’utilisation de modèles prédictifs du risque : comment l’assuré réagit-il aux sollicitations commerciales, aux aménagements de garanties ou de prix proposés (« élasticité aux prix »), aux changements de situation qui l’affectent personnellement (mariage, divorce, enfant, changement de travail, déménagement…) ?

il s’agit de prédire le comportement des assurés face aux changements de la vie impactant leur besoin de couverture.

l’apport de la datascience est fondamental pour exploiter les nouvelles données disponibles et enrichit significativement les méthodes de tarification et de ciblage classiques.

2) La mise en place d’actions de prévention

de nombreux organismes complémentaires incluent depuis plusieurs années des actions de prévention dans leurs contrats santé et/ou en prévoyance, sur tout ou partie de leur portefeuille.les actions proposées concernent la prévention primaire qui vise à éviter l’apparition de certaines maladies en agissant sur les causes, ou la prévention secondaire dont l’objectif est de détecter précocement certaines maladies.

Alors que ces actions de prévention étaient initialement pensées comme un atout en termes de marketing et de communication, il est essentiel de passer à la vitesse supérieure en les intégrant dans une démarche de gestion du risque, avec une véritable évaluation du retour sur investissement technique.

la mise en place de telles actions de prévention peut notamment permettre une identification des personnes dont le risque de dépense est faible ou au contraire élevé. la répartition des assurés selon ces deux segments pourra être réalisée sur la base de mesures portant par exemple sur la sédentarité, le sommeil, l’alimentation, les résultats à des tests révélant des maladies chroniques…les organismes complémentaires visent également une évolution de l’exposition au risque de leurs assurés en les motivant à adopter des comportements « positifs ». des incitations à prendre soin de sa santé peuvent être proposées via des actions très ciblées et permettre un réel retour sur investissement pour les organismes complémentaires. en effet, un assuré faisant davantage de sport sera probablement moins sujet à la dépression ou aux maux de dos, de même qu’un assuré ayant une alimentation plus équilibrée et un sommeil suffisant consommera vraisemblablement moins de médicaments par exemple.

dans ce contexte, l’assuré est à nouveau au centre du processus.

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3) Une éradication de la fraude

la dématérialisation des échanges entre assurés et organismes complémentaires favorise les comportements frauduleux, et la traque à la fraude est devenue un véritable enjeu pour les assureurs. c’est précisément sur ces comportements que se penchent de plus en plus d’organismes en vue de définir des profils d’assurés susceptibles de fraudes. il s’agit concrètement de recueillir un maximum d’informations sur chaque assuré en portefeuille via toutes les voies possibles, c’est-à-dire les données internes dont disposent l’organisme complémentaire, mais également des données récupérées sur internet via les navigations des assurés sur la toile ou encore leurs réseaux sociaux. Ces informations sont ensuite analysées en vue de comparer chaque assuré à la modélisation de l’"assuré frauduleux" mise en place. de très nombreux prédicteurs sont nécessaires pour rendre la modélisation pertinente et une analyse des données en temps réel s’avère également nécessaire pour permettre aux organismes complémentaires d’apporter une réponse rapide et efficace. là encore, l’usage de la datascience est parfaitement indiqué pour le traitement de la fraude, du fait notamment des données massives à traiter, et des algorithmes de détection existants reposant sur l’auto-apprentissage.

ce dispositif contribue à la baisse des charges des assureurs santé, en maitrisant non seulement les dérives des prestations, santé mais également les coûts de gestion. il s’agit aussi de dissuader les futurs actes de fraude éventuels en renforçant la confiance dans les relations qui se créent entre l’organisme complémentaire, l’assuré et le praticien de santé.

par mois

par mois

par mois

par mois25%

50%

100%

75%+

Assurésaux profils di�érents Pannel de produits Tarifs commerciaux

PréventionDétection

de la fraude

la refonte des modèles de tarification, avec entre autre l’usage de la datascience, est un des enjeux essentiels des assureurs santé pour préserver leurs marges techniques dans un secteur de plus en plus concurrentiel et chahuté.

l’assuré, de par son comportement plus mobile, plus individualiste, plus comparateur, pratique à sa manière les techniques de ciblage … des assureurs. en réponse, l’assureur doit profondément revoir ses méthodes de ciblage et de fidélisation de clientèle, afin de prédire les besoins changeants de couverture de ses assurés. cela lui permettra de lui aussi cibler les bons risques à assurer, leur proposer le bon produit au bon tarif au bon moment, et ce de manière dynamique ! la révolution est en marche, mais les défis techniques à relever sont passionnants !

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