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Son Excellence Monsieur Philippe DOUSTE-BLAZY Ministre des Affaires étrangères Quai d'Orsay 37 F - 75007 - PARIS Commission européenne, B-1049 Bruxelles/Europese Commissie, B-1049 Brussel – BelgiumTelephone: 00 32 (0) 2 299.11.11. COMMISSION EUROPÉENNE Bruxelles, le 10.V.2007 C(2007)1954 final Objet : Aide d’Etat N 854/2006 – France Soutien de l’Agence de l’innovation industrielle en faveur du programme de R&D TVMSL Monsieur le Ministre, 1. PROCÉDURE (1) Par courrier électronique du 19 décembre 2006 enregistré le 21 décembre par la Commission sous la référence COMP(2006)A/40443, les autorités françaises ont notifié le projet d’aide de l’Agence de l’innovation industrielle (ci-après désignée par « l’Agence ») au programme mobilisateur pour l’innovation industrielle « TVMSL ». (2) Une première réunion de travail entre la Commission et les autorités françaises s’est tenue le 1 er février 2007. Suite à une demande de la Commission datée du 8 février 2007, les autorités françaises ont communiqué des informations supplémentaires par courrier daté du 8 mars 2007, enregistré le même jour sous la référence COMP(2007)A/32092. Deux autres réunions de travail se sont tenues les 29 et 30 mars 2007 à la suite desquelles les autorités françaises ont transmis des éléments additionnels par lettre datée du 19 avril 2007, enregistrée le jour suivant par la Commission sous la référence COMP(2007)A/33323. 2. DESCRIPTION 2.1. Objectif de la mesure (3) La mesure notifiée est un cas d’application du régime N 121/2006 approuvé par la Commission par décision du 19 juillet 2006 1 . Elle soutient un programme de 1 Lettre SG(2006)D/204076 du 20.7.2006 ; JO C 218 du 9.9.2006, p. 9.

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Son Excellence Monsieur Philippe DOUSTE-BLAZY Ministre des Affaires étrangères Quai d'Orsay 37 F - 75007 - PARIS

Commission européenne, B-1049 Bruxelles/Europese Commissie, B-1049 Brussel – BelgiumTelephone: 00 32 (0) 2 299.11.11.

COMMISSION EUROPÉENNE

Bruxelles, le 10.V.2007 C(2007)1954 final

Objet : Aide d’Etat N 854/2006 – France Soutien de l’Agence de l’innovation industrielle en faveur du programme de R&D TVMSL

Monsieur le Ministre,

1. PROCÉDURE

(1) Par courrier électronique du 19 décembre 2006 enregistré le 21 décembre par la Commission sous la référence COMP(2006)A/40443, les autorités françaises ont notifié le projet d’aide de l’Agence de l’innovation industrielle (ci-après désignée par « l’Agence ») au programme mobilisateur pour l’innovation industrielle « TVMSL ».

(2) Une première réunion de travail entre la Commission et les autorités françaises s’est tenue le 1er février 2007. Suite à une demande de la Commission datée du 8 février 2007, les autorités françaises ont communiqué des informations supplémentaires par courrier daté du 8 mars 2007, enregistré le même jour sous la référence COMP(2007)A/32092. Deux autres réunions de travail se sont tenues les 29 et 30 mars 2007 à la suite desquelles les autorités françaises ont transmis des éléments additionnels par lettre datée du 19 avril 2007, enregistrée le jour suivant par la Commission sous la référence COMP(2007)A/33323.

2. DESCRIPTION

2.1. Objectif de la mesure

(3) La mesure notifiée est un cas d’application du régime N 121/2006 approuvé par la Commission par décision du 19 juillet 20061. Elle soutient un programme de

1 Lettre SG(2006)D/204076 du 20.7.2006 ; JO C 218 du 9.9.2006, p. 9.

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recherche-développement (R&D) intitulé « TVMSL » pour « Télévision Mobile Sans Limite ». Ce programme vise le développement d’une solution permettant la diffusion sur téléphones mobiles de chaînes de télévision. La solution dite « hybride » combine satellite et réseau terrestre. Elle se distinguera de l’état de l’art par sa capacité de diffusion, par la qualité de la réception, notamment à l’intérieur des bâtiments, et par sa couverture géographique étendue. La solution intégrera aussi un service de gestion de crise qui permettra aux autorités de communiquer entre elles en période critique et d’adresser des informations urgentes au public.

(4) TVMSL implique la mise au point d’un nouveau standard de diffusion nommé DVB-SH2. DVB-SH est une évolution du DVB-H3 lui-même développé à partir du DVB-T4. Le DVB-SH utilise la bande ‘S’ (bande de fréquence de 2,2 GHz) alors que le DVB-H utilise la bande UHF (bande de fréquence entre 470 et 830 MHz).

(5) La solution TVMSL s’appuiera sur plusieurs composants :

– un satellite par grand pays ou groupe de pays,

– une tête de réseau par pays,

– des milliers de répéteurs terrestres qui seront localisés sur les sites déjà utilisés par les stations de base UMTS (réseau de téléphonie mobile de troisième génération dit « 3G »),

– des téléphones mobiles 3G équipés de composants microélectroniques compatibles avec les standards DVB-SH (bande S) et DVB-H (bande UHF).

2 DVB est l’acronyme de « Digital Video Broadcasting » ; SH signifie « Satellites to Handhelds ».

3 Pour « Handheld DVB ».

4 Pour « Terrestrial DVB ».

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Figure 1 : Le DVB-SH, un standard hybride combinant satellite et réseau terrestre

2.2. Etat de l’art

(6) La télévision mobile est déjà une réalité. Tout d’abord, elle peut être délivrée en utilisant les réseaux 3G en mode connecté (ou point à point) mais une utilisation massive de cette solution serait d’une grande inefficacité économique puisqu’elle mobiliserait la précieuse ressource radio 3G pour un service à faible valeur ajoutée.

(7) La télévision peut aussi être accessible sur des terminaux mobiles grâce aux technologies Wifi ou Wimax. En effet, lorsque le terminal se situe dans une ère couverte, la communication est déviée sur le réseau Internet via une transmission sans fil. Cette technologie ne fonctionne que dans les lieux équipés d’infrastructures Wifi ou Wimax.

(8) Enfin et essentiellement, la télévision mobile peut être diffusée mais toutes les technologies de diffusion existantes et adaptées aux marchés européens souffrent de limitations techniques empêchant une bonne couverture :

– MBMS5 est le mode diffusé des réseaux 3G. Il offre un nombre restreint de chaînes et, s’il était largement utilisé, il saturerait les réseaux 3G. Il faut noter cependant que TDtv, une technologie émergente développée par IPWireless, apporte des améliorations notables pour la diffusion TV sur les réseaux 3G.

– DVB-H est déjà disponible en Finlande et en Italie. Plusieurs Etats membres dont la France mettent aussi actuellement en place ce système. Son déploiement est limité par

5 Multimedia Broadcast / Multicast Service.

Réseau

DVB - SH

Répéteurs

Satellite

Tête de réseau

Autres technologies

Téléphones mobiles

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la faible disponibilité de la bande UHF qui est encore utilisée par la TV analogique terrestre.

– MediaFLO6 est une technologie propriétaire de Qualcomm d’ores et déjà disponible aux Etats-Unis (USA). Elle est assez similaire au système DVB-H et utilise comme lui la bande UHF.

– T-DMB7 ou DAB-IP8, est aujourd’hui déployé au Royaume-Uni et en Allemagne. Il s’agit d’une évolution de la norme radio DAB utilisant la bande VHF ou la bande L qui souffrent d’une faible accessibilité et de problèmes techniques pour une bonne couverture.

(9) Des technologies hybrides semblables au DVB-SH ont été développées pour les marchés japonais, sud-coréen et aux USA mais elles ne peuvent pas être déployées en Europe sans remettre en cause la planification des fréquences.

2.3. Programme de travail

(10) Les autorités françaises ont notifié une mesure d’une durée de quatre ans à compter du 1er mai 2006. Toutefois, les travaux sont initialement programmés pour une durée de trois ans, de mi 2006 à mi 2009, date à laquelle le service TVMSL devrait être déployé.

(11) Le programme de R&D d’un montant total de 98,350 millions d’EUR est articulé suivant cinq lots :

– Le lot 1 « stratégie du programme » rassemble les multiples études et travaux permettant de préciser les produits et services à mettre au point dans le cadre du programme de R&D.

– Le lot 2 « ingénierie système » couvre la définition de l’architecture générale.

– Le lot 3 « segments » est composé de quatre sous-lots : composant, terminal, répéteur et tête de réseau.

– Le lot 4 « validation et intégration du système » est organisé suivant plusieurs campagnes incrémentales.

– Le lot 5 « pré-déploiement » inclut deux réseaux pilotes, le deuxième n’étant pas retenu dans les coûts éligibles du programme.

(12) Ces lots sont constitués de recherche industrielle (RI) et de développement expérimental (DE), tels que définis aux points 2.2 f) et g) de l’encadrement communautaire des aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation9 (ci-après désigné par « encadrement R&D&I ») mais aussi de

6 Media Forward Link Only 7 Terrestrial-Digital Multimedia Broadcast 8 Digital Audio Broadcasting over Internet Protocol 9 JO C 323 du 30.12.2006, p. 1.

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travaux inéligibles. Globalement, RI et DE représentent respectivement 28% et 48% du budget du programme.

(13) Les coûts ont été décomposés en frais de personnel, en achats, en sous-traitance et en matériel affecté au programme. Ces rubriques correspondent à celles prévues par le point 5.1.4 de l’encadrement R&D&I, à savoir respectivement, les dépenses de personnel et les frais généraux, les autres frais d’exploitation, la recherche contractuelle et les coûts d’amortissement du matériel sur la durée du programme de recherche.

Montants Catégories de recherche Coûts admissibles

(kEUR) RI DE Non éligible

Personnel Achats Sous-traitance

Matériel

Lot 1 […]* […] […] […] […] […] […] […]

Lot 2 […] […] […] […] […] […] […] […]

Lot 3.1 […] […] […] […] […] […] […] […]

Lot 3.2 […] […] […] […] […] […] […] […]

Lot 3.3 […] […] […] […] […] […] […] […]

Lot 3.4 […] […] […] […] […] […] […] […]

Lot 4 […] […] […] […] […] […] […] […]

Lot 5 […] […] […] […] […] […] […] […]

Total 98 349 28% 48% 24% […] […] […] […]

Tableau 1 : Montants, catégories de recherche et coûts admissibles des lots composant le programme de recherche

2.4. Partenaires

(14) Le programme est coordonné par la filiale française d’Alcatel-Lucent, qui développe principalement le système (lots 1, 2, 4 et 5) et les répéteurs (lot 3.3). Une autre filiale d’Alcatel-Lucent participe aussi marginalement au programme : Alcatel Radio Frequency System (dénommé ci après « Alcatel RFS ») étudie une antenne évoluée pour les répéteurs (lot 3.3).

(15) Trois autres grandes entreprises participent au programme : Thales Alenia Space (TAS) contribue au développement du système (lots 1 et 2) et réalise essentiellement les têtes de réseau (lot 3.4), Sagem Communication (filiale du groupe Safran) développe les terminaux mobiles (lot 3.2) et une filiale française du groupe NXP (entreprise indépendante fondée en 2006 par Philips) offre une deuxième source de composants électroniques pour les mobiles et intervient sur une puce évoluée (lot 3.1).

* Information couverte par le secret professionnel

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(16) Trois petites ou moyennes entreprises (PME)10 sont partenaires. Il s’agit de DiBcom qui développe les composants microélectroniques équipant les terminaux mobiles (lot 3.1), de Teamcast qui apporte son expertise à Alcatel-Lucent pour réaliser les répéteurs (lot 3.3) et d’UDcast qui travaille sur les aspects logiciels du réseau terrestre (lot 3.3).

(17) Trois organismes de recherche11 collaborent avec les entreprises participantes en réalisant des travaux prospectifs concernant l’ingénierie du système (lot 2). Il s’agit du Laboratoire d’Electronique et de Technologies de l’Information qui dépend du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA-LETI), du Laboratoire des Signaux et Systèmes qui dépend du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS-LSS) et de l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA). L’organisme de recherche allemand Fraunhofer – Institut Integrierte Schaltungen intervient également en tant que sous-traitant d’Alcatel-Lucent.

Lot 1 Lot 2 Lot 3.1 Lot 3.2 Lot 3.3 Lot 3.4 Lot 4 Lot 5 Total

Alcatel-Lucent

[…] […] […] […] […] […] […] [39 214 + dépenses non

éligibles]

Alcatel RFS

[…] 540

TAS […] […] […] [11 521 + dépenses non

éligibles]

Sagem […] […] [7 107 + dépenses non

éligibles]

NXP […] [1 533 + dépenses non

éligibles]

DiBcom […] […] […] [8 623 + dépenses non

éligibles]

Teamcast […] […] [3 066 + dépenses non

éligibles]

Udcast […] 2 600

CEA-LETI

350 350

10 Au sens de la recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro,

petites et moyennes entreprises, JO L 124 du 20.5.2003, p. 36 – 41.

11 Au sens de la définition 2.2.d) de l’encadrement R&D&I.

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CNRS-LSS

300 300

INRIA 200 200

Total […] […] […] […] […] […] […] […] 98 349

Tableau 2 : Répartition des coûts du programme par partenaire et par lot (kEUR)

2.5. La mesure

(18) Le soutien total de l’Agence s’élèvera à 37,6 millions d’EUR dont 16,0 millions d’EUR de subventions et 21,5 millions d’EUR d’avances remboursables12.

(19) Les entreprises recevront des subventions à hauteur de 50% pour les travaux de recherche industrielle. Pour Alcatel-Lucent, TAS, Sagem et DiBcom, les travaux de développement expérimental seront soutenus au travers d’avances remboursables représentant 50% des coûts éligibles. Seules Teamcast et UDcast recevront des subventions pour leurs activités de développement expérimental, à hauteur de 45%.

(20) Les organismes de recherche seront également soutenus par l’Agence à hauteur de 100% des coûts additionnels s’agissant du CNRS-LSS et de l’INRIA et de 50% des coûts complets pour le CEA-LETI.

Instruments

Bénéficiaires

Subvention (RI)

Avance remboursable

(DE)

Subvention (DE)

Total

Alcatel-Lucent 6 356 13 251 19 607

Alcatel RFS 270 270

TAS 535 5 225 5 760

Sagem 2 375 1 179 3 554

NXP 767 767

DiBcom 2 418 1 894 4 312

Teamcast 150 1 245 1 395

UDcast 623 610 1 233

CEA-LETI 175 175

CNRS-LSS 300 300

INRIA 200 200

Total 14 169 21 547 1 855 37 571

12 Au sens de la définition 2.2.h) de l’encadrement R&D&I.

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Tableau 3 : Soutien de l’Agence réparti par bénéficiaire et par instrument d’aide (kEUR)

(21) TVMSL ne fait l’objet d’aucune autre aide publique que le financement apporté par l’Agence. Dans le cadre du suivi réalisé par l’Agence, les entreprises déclarent tout financement supplémentaire qui pourrait être reçu sur ce programme. Le montant de l’aide est réajusté par l’Agence en cas de cumul.

(22) Les remboursements des avances sont indexés sur les chiffres d’affaires cumulés des produits suivants :

– Pour Alcatel-Lucent, les répéteurs pour stations de base comportant la fonctionnalité DVB-SH ;

– Pour TAS, les satellites ou charges utiles dont l’exploitation en bande S assure la couverture de signaux codés DVB-SH ;

– Pour Sagem, les terminaux dotés des éléments matériels nécessaires à la réception et au décodage du DVB-SH en bande S ;

– Pour DiBcom, les puces pour réception en bande S et décodage DVB-SH.

(23) Les remboursements s’échelonneront sur quatre phases définies suivant trois seuils de ventes (V1, V2 et V3). Au total, le montant des retours financiers vers l’Agence ne dépassera pas deux fois le montant initial (principal) de l’avance remboursable :

– Dans la première phase où les ventes cumulées demeurent inférieures au premier seuil V1, aucun remboursement n’est réalisé. Les remboursements démarrent au-delà.

– Dans la deuxième phase, lorsque les ventes cumulées sont comprises entre V1 et V2, les entreprises versent un pourcentage de leur chiffre d’affaires, en appliquant un taux nominal (%nom). Le paramètre V2 est calculé afin qu’au terme de cette deuxième phase, les entreprises aient remboursé le principal de l’avance. Cette deuxième phase s’étend au plus tard jusqu’au 31 décembre […].

– Dans la troisième phase, lorsque les ventes cumulées sont comprises entre V2 et V3, les entreprises appliquent un taux égal à la moitié du taux nominal.

– Dans la quatrième phase, lorsque les ventes cumulées dépassent V3, les entreprises appliquent un taux égal au quart du taux nominal. La troisième et la quatrième phase s’étendent au plus tard jusqu’au 31 décembre […].

V1 V213 V3 %nom

Alcatel-Lucent

[…] […] […] […]

TAS […] […] […] […]

13 V2 sera ajusté si la date butoir du 31 décembre 2016 est atteinte avant que les entreprises aient

remboursé le principal de l’avance.

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Sagem […] […] […] […]

DiBcom […] […] […] […]

Tableau 4 : Valeurs des seuils pour les remboursements (MEUR)

(24) Dans le cas des téléphones portables commercialisés par Sagem, aucun paiement ne sera dû avant le déploiement commercial du DVB-SH en bande S, par couverture conjointe satellitaire et terrestre, dans un pays de l’Union européenne au moins.

(25) De même, en cas d’échec commercial ou technique de la solution TVMSL ou du standard DVB-SH, l’Agence ne demandera pas de retour financier sur les avances remboursables consenties à DiBcom sur la base des ventes des puces DVB-SH ; celles-ci seraient en effet alors vendues uniquement pour leur fonctionnalité DVB-H développée hors programme TVMSL.

3. ANALYSE

3.1. Existence d’une aide d’Etat

3.1.1. Soutien direct aux entreprises

(26) Le soutien financier octroyé aux entreprises participant au programme TVMSL par l’Agence constitue une aide d’Etat au sens de l’article 87, paragraphe 1 du traité CE :

– La mesure provient de la dotation budgétaire accordée par l’Etat français à l’Agence. Il s’agit donc de ressources d’Etat.

– Elle est sélective puisqu’elle accorde à certaines entreprises un soutien financier pour un projet de R&D.

– En contribuant à leurs dépenses de recherche et développement, la mesure procure aux entreprises bénéficiaires un avantage concurrentiel par rapport à leurs concurrents dans l’Union européenne.

– Les entreprises bénéficiaires opèrent dans des secteurs économiques ouverts au commerce intracommunautaire. La mesure est donc de nature à perturber les échanges intracommunautaires.

3.1.2. Participation des organismes de recherche

(27) Le soutien financier octroyé aux organismes de recherche par l’Agence ne constitue pas une aide d’Etat. En effet, ces organismes conduisent de la R&D en collaboration avec des entreprises et le point 3.1.1 de l’encadrement R&D&I indique que de telles activités sont en principe non économiques.

(28) Par ailleurs, les conditions de coopération assurent qu’aucune aide d’Etat indirecte supplémentaire n’est octroyée aux entreprises par l’intermédiaire des organismes de recherche en raison de modalités favorables de la coopération :

– En effet et conformément au point 3.2.2 de l’encadrement R&D&I, l’examen du lien contractuel entre les partenaires du programme permet de conclure que tous les droits

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de propriété industrielle sur les résultats de la R&D, ainsi que les droits d’accès auxdits résultats sont attribués aux différents partenaires et reflètent adéquatement leurs intérêts respectifs, l’importance de leur participation aux travaux et leurs contributions financières.

– De plus, si les organismes de recherche transfèrent aux entreprises participantes certains droits de propriété intellectuelle, les entreprises paieront en contrepartie aux organismes une rémunération équivalente au prix du marché.

3.2. Légalité de l’aide

(29) Le cas a été notifié individuellement en application des dispositions de l’encadrement R&D&I. En effet, les coûts éligibles du projet sont principalement constitués de travaux de développement expérimental et l’aide accordée à un bénéficiaire est supérieure à 7,5 millions d’EUR.

(30) L’Agence a décidé d’accorder l’aide en objet le 19 avril 2006. Toutefois et conformément à l’article 88, paragraphe 3 du traité CE, la mise en œuvre de cette décision est conditionnée à l’approbation de la Commission.

3.3. Base de l’analyse de la compatibilité de l’aide

(31) Au vu des objectifs de la mesure, la Commission a procédé à l’analyse de la compatibilité de l’aide au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c) du traité CE, plus particulièrement au regard des dispositions de l’encadrement R&D&I. L’encadrement R&D&I distingue deux niveaux d’analyse de la compatibilité pour les projets de R&D :

– Les points 5.1, 6 et 8 décrivent les conditions formelles de la compatibilité des projets de R&D. Ceux-ci correspondent au premier niveau d’analyse.

– Les coûts éligibles du programme TVMSL sont composés à 63% par des activités de développement expérimental. Le point 7.1 de l’encadrement R&D&I indique que les aides en faveur de tels projets, dont le montant excède 7,5 millions d’EUR par entreprise, doivent faire l’objet d’un examen approfondi. Celui-ci doit garantir que les montants élevés d’aides à la R&D ne faussent pas la concurrence dans une mesure contraire à l’intérêt commun, mais qu’elles contribuent bien à ce dernier. La Commission procède à l’examen approfondi de l’aide suivant les éléments positifs et négatifs décrits respectivement dans les sections 7.3 et 7.4 de l’encadrement R&D&I. Ceux-ci correspondent au second niveau d’analyse.

(32) Dans le cas d’espèce, les aides accordées à TAS, Sagem, NXP, DiBcom, Teamcast et UDcast sont inférieures à 7,5 millions d’EUR. Elles ne sont donc soumises qu’au premier niveau d’analyse.

(33) Alcatel-Lucent reçoit quant à lui plus de 7,5 millions d’EUR d’aide. Il fait donc l’objet d’un examen à deux niveaux d’analyse. Alcatel-Lucent bénéficiera de l’aide qu’il reçoit directement (pour un montant total de 19,607 millions d’EUR) mais aussi de celle octroyée à Alcatel RFS (270 000 EUR) qu’il détient à 100%.

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3.4. Effets positifs

(34) A titre préliminaire, la Commission note et apprécie que le programme TVMSL vise des objectifs soutenus par le 5ème Programme Cadre pour la Recherche et le Développement (PCRD) dans le cadre des projets MODIS, SATIN et MODRY et par le 6ème PCRD dans le cadre du projet MAESTRO. La Commission regrette néanmoins que la collaboration suscitée par l’aide ne soit pas transfrontalière.

3.4.1. Existence de défaillances de marché

(35) L’encadrement R&D&I indique que les aides d’État peuvent se révéler nécessaires pour renforcer la R&D dans l’économie uniquement dans la mesure où le marché seul ne génère pas un résultat optimal. L’encadrement R&D&I établit par ailleurs que certaines défaillances du marché entravent le niveau global de R&D dans la Communauté et c’est dans cette optique que la Commission a approuvé le 19 juillet 2006 le régime d’aide mis en œuvre par l’Agence.

(36) Néanmoins, l’encadrement R&D&I indique que toutes les entreprises ne sont pas confrontées de la même façon auxdites défaillances. L’encadrement R&D&I précise qu’en ce qui concerne les aides soumises à un examen approfondi, il convient d’établir les défaillances de marché spécifiques rencontrées par les bénéficiaires. Dans le cas d’espèce, les autorités françaises ont identifié plusieurs défaillances de marché limitant l’effort de R&D d’Alcatel-Lucent.

(37) La Commission note quant à elle que des solutions hybrides combinant satellite et réseau terrestre existent déjà au Japon, en Corée du Sud et aux USA :

– La technologie S-DMB14 est utilisée au Japon et en Corée du Sud, pays couverts par un même satellite. Toshiba a créé en 1998 une filiale nommée Mobile Broadcasting Corp. pour développer cette solution. Le service MobaHO! est disponible au Japon depuis le 20 octobre 2004. En Corée du Sud, SK Telecom a créé en 2003 avec Mobile Broadcasting Corp. une filiale nommée TUMedia Corp. qui diffuse un service de TV mobile depuis le 1er mai 2005. La technologie S-DMB est une technologie propriétaire qui ne peut être déployée en Europe car la bande de fréquence (2,6 GHz) et la bande passante (25 MHz) ne sont pas adaptées au plan de fréquences européen.

– Aux USA, XM Satellite Radio Inc. et Sirius Satellite Radio Inc. ont développé des technologies propriétaires pour diffuser de la radio. Les terminaux pour ces technologies ne sont pas des terminaux mobiles mais des radios de voiture ou d’appartement sans écran d’affichage. Les formats de modulation ne sont ni ouverts ni standardisés. Il est improbable que ces technologies puissent intervenir dans le domaine de la télévision mobile car ces systèmes ne peuvent pas diffuser un grand nombre de programmes de télévision en raison de leur faible bande passante. De plus, la fréquence de 2,3 GHz utilisée n’est pas disponible pour un système hybride terrestre et satellitaire en Europe.

(38) La solution TVMSL repose sur des technologies différentes des solutions japonaise, sud-coréenne et américaine ainsi que sur un standard ouvert. La

14 Satellite Digital Multimedia Broadcasting, cette technologie diffère du S-DMB étudié dans le cadre

des projets de R&D européens MODIS et MAESTRO.

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Commission constate aussi que ces solutions hybrides existantes n’ont pas été adaptées par leurs propriétaires ou par d’autres entreprises pour pénétrer les marchés européens. Cette attitude peut être suscitée par des défaillances de marché spécifiques à l’Europe que rencontrent aussi les partenaires du programme TVMSL. L’Europe n’est en effet pas comparable au Japon, à la Corée du Sud et aux USA dans la mesure où les services de diffusion de télévision sont fragmentés entre les Etats membres du fait de la multiplicité des langues et des plans de fréquences.

Problèmes de coordination

(39) Les problèmes de coordination rencontrés par des partenaires engagés dans un projet de R&D collaboratif comme TVMSL s’amplifient avec le nombre de partenaires, la divergence de leurs intérêts, l’intensité de leur collaboration, les problèmes de rédaction de contrats gouvernant la coopération ou encore les problèmes des tiers pour coordonner la collaboration. Ces difficultés peuvent être notamment dues à une information imparfaite et asymétrique entre les acteurs.

(40) Dans le cas présent, les problèmes de coordination semblent constituer un obstacle majeur au développement dynamique d’un projet aussi ambitieux que TVMSL, dans une période de temps aussi courte.

(41) Du côté de l’offre, le marché pourrait ne pas susciter spontanément une coordination structurée entre des constructeurs de satellites, d’infrastructures de réseaux terrestres, de téléphones mobiles et de semi-conducteurs alors que ce partenariat est nécessaire pour réaliser le programme TVMSL. Les multiples projets de R&D déjà financés par le PCRD confirment le besoin de financement public pour surmonter ces difficultés de coordination. Ainsi, dans le cas d’espèce, les partenaires du programme de TVMSL n’ont jamais collaboré tous ensemble auparavant.

(42) Plusieurs études de marché annoncent un succès important pour la TV mobile avec des revenus mondiaux compris entre 10 et 30 milliards d’EUR dès 2010. Néanmoins, la TV mobile est encore un marché émergent et les acteurs européens pourraient attendre que le déploiement des technologies existantes confirme les prévisions optimistes des analystes avant d’investir dans de nouvelles technologies comme celle visée par TVMSL. Un tel attentisme est suscité par les multiples incertitudes de nature technologique, réglementaire et économique environnant le programme. Ces incertitudes sont décrites dans la section suivante consacrée à l’information asymétrique et imparfaite.

(43) Toutefois, si le chef de file du projet, à savoir Alcatel-Lucent, avait une forte incitation dynamique à conduire le projet (c’est-à-dire des revenus et profits espérés significatifs), il devrait être capable de proposer un accord de partage des risques et des revenus à ses partenaires pour les convaincre de l’accompagner dans ce programme. A cet égard, l’analyse de l’effet incitatif de l’aide reçue par Alcatel-Lucent indique que les incitants dynamiques sont trop faibles pour que le chef de file surmonte les problèmes de coordination rencontrés par le consortium et les risques du projet.

(44) L’existence de difficultés de coordination entre Alcatel-Lucent et TAS est aussi discutable dans la mesure où, au moment de l’attribution de l’aide, le 19 avril 2006, TAS s’appelait Alcatel Alenia Space (AAS) et 67% de son capital était

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détenu par Alcatel (Alcatel a cédé récemment à Thales les parts qu’il détenait dans le capital d’AAS15). Les autorités françaises font valoir cependant que les synergies entre les activités d’AAS et d’Alcatel-Lucent étaient rares. Ce constat serait d’ailleurs illustré par la cession d’AAS à Thales, décidée avant l’attribution de l’aide et le démarrage du programme de R&D. Le conseil d’administration de Thales a en effet approuvé l’acquisition d’AAS le 4 avril 2006, soit quelques jours avant l’attribution de l’aide par l’Agence et le lancement de TVMSL.

(45) Après examen, la Commission considère qu’en général les collaborations entre entreprises actives dans les secteurs des satellites et des infrastructures terrestres sont inhabituelles et qu’elles sont difficiles à mettre en place. La Commission n’estime cependant pas nécessaire de prendre position sur l’existence de difficultés spécifiques de coordination entre Alcatel-Lucent et TAS car, comme le montre l’analyse de l’effet incitatif de l’aide, les incitants dynamiques demeurent insuffisants pour qu’Alcatel lance le programme sans aide, même en prenant en compte les retombées de TVMSL pour TAS. Par conséquent, même si Alcatel-Lucent et TAS étaient considérées comme appartenant au même groupe, cette entité ne s’engagerait pas dans le programme de R&D sans aide car la rentabilité qu’elle en attendrait en cas de succès serait trop limitée au regard des risques encourus. Sous cette hypothèse, TVMSL associerait encore neuf partenaires indépendants dont des groupes industriels, des PME et des organismes de recherche.

(46) La Commission estime que les multiples partenaires indépendants et associés dans le cadre du programme TVMSL peuvent rencontrer des difficultés de coordination dans la mesure où l’information connue par chacun d’entre eux est imparfaite et asymétrique (voir la section suivante).

(47) Du côté de la demande, des problèmes de coordination sont aussi perceptibles. La TV mobile peut être vendue au consommateur final par des opérateurs de téléphonie mobile ou des distributeurs de bouquets de chaînes. La technologie utilisée pour délivrer le service influence fortement le partage de pouvoir entre les deux types d’acteurs :

– les solutions basées sur la technologie 3G donnent un avantage aux acteurs de téléphonie mobile qui opèrent les réseaux 3G ;

– les solutions inspirées de la diffusion hertzienne privilégient les distributeurs de bouquets de chaînes qui diffusent déjà leurs programmes par voie hertzienne.

(48) A cet égard, le DVB-SH est une solution de diffusion hertzienne neutre puisque sa mise en œuvre va nécessiter que les distributeurs de bouquets de chaînes s’accordent avec les opérateurs de téléphonie mobile. En effet, les répéteurs constituant le réseau terrestre seront localisés sur les sites déjà utilisés pour les stations de base UMTS. Ceci implique qu’un nouveau modèle d’affaires soit mis en place entre ces acteurs. Cependant, le marché pourrait ne pas inciter fortement ces opérateurs à coopérer dans la mesure où les solutions existantes, certes moins optimales, leur permettent d’évoluer indépendamment.

15 Cas M.4403 - Thales / Finmeccanica / AAS / Telespazio ; décision de la Commission du 4 avril 2007.

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(49) Par ailleurs, la Commission note que le déploiement de la solution TVMSL nécessite une coordination du côté de la demande avec un troisième type d’opérateur, à savoir, les opérateurs de satellite.

Information imparfaite et asymétrique

(50) Le niveau de risque et la complexité de la recherche peuvent induire une information imparfaite et asymétrique entre les acteurs suscitant les problèmes de coordination décrits précédemment.

(51) Certes la TV mobile est appelée à un avenir prometteur mais à ce stade les études de marché ne sont pas confirmées. Par conséquent, les acteurs pourraient attendre que le marché se développe à partir des technologies existantes et confirment les prévisions des analystes concernant la télévision mobile, avant d’investir dans la télévision mobile « sans limite ».

(52) A cet égard, le programme répond à plusieurs défis technologiques dont le développement :

– d’une forme d’onde OFDM16 visant à satisfaire à la fois un service terrestre performant avec une excellente qualité de réception en zone urbaine (à l’intérieur des bâtiments) et un service par satellite performant en extérieur à des vitesses de déplacement aussi élevées que possible (dans les moyens de transport) ;

– d’une sensibilité très améliorée en bande S pour assurer un niveau de service comparable en zone de couverture par satellite et en zone de couverture par les répéteurs terrestres ;

– de solutions techniques performantes pour assurer la coexistence des services UMTS et DVB-SH dont les bandes de fréquence sont immédiatement connexes ;

– d’un système complexe d’antennes pour les terminaux mobiles permettant de recevoir en parallèle des signaux en bande S et UHF ;

– de techniques de « Single Frequency Network » au sein du réseau des répéteurs pour qu’il transmette en simultané le même signal sur les mêmes canaux de fréquence.

(53) Les solutions japonaise, sud-coréenne et américaine ne répondent pas aux défis technologiques et aux incertitudes posées par TVMSL :

– La solution américaine n’est technologiquement pas comparable avec la solution TVMSL puisqu’il s’agit de diffusion de radio et non de télévision. De plus, elle ne fait pas appel à des terminaux mobiles mais à des radios de voiture et d’appartement, sans affichage. Ainsi, beaucoup moins d’informations sont transmises par le système hybride et les terminaux utilisés ont moins de contraintes en termes de taille et de consommation d’énergie que des téléphones mobiles.

– La solution japonaise / sud-coréenne présente aussi plusieurs différences techniques avec TVMSL. La forme d’onde est différente (W-CDMA contre OFDM) et la bande de fréquence n’est pas la même (2,6 GHz contre 2,2 GHz). Le changement de forme

16 Orthogonal Frequency-Division Multiplexing

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d’onde implique de reprendre les travaux de R&D pour obtenir des services terrestres et satellitaires tous deux performants. Le changement de bande de fréquence induit des complications dans la mesure où la bande 2,2 GHz est adjacente à la bande UMTS, ce qui introduit des interférences entre les signaux DVB-SH et 3G.

(54) En plus de ces risques technologiques, TVMSL est confronté à d’importants risques réglementaires. Au moment de l’attribution de l’aide, il existait une incertitude majeure concernant l’allocation de la bande S. Ce risque a récemment diminué avec la décision de la Commission du 14 février 2007 sur l’utilisation harmonisée du spectre radioélectrique dans les bandes de fréquences de 2 GHz pour la mise en œuvre de systèmes fournissant des services mobiles par satellite17. Cette décision offre une sécurité juridique pour la disponibilité de ressources radio utiles pour les services tels que celui visé par TVSML dans l’Union. Cependant, la décision de la Commission, qui intervient dix mois après le lancement du programme de R&D, ne précise pas comment les fréquences seront allouées aux différents services et opérateurs. Cette incertitude représente toujours un risque très important pour le développement de la TV mobile par satellite.

(55) Aussi, les entraves au développement de la TV mobile persistent et la Commission a d’ailleurs récemment enjoint l’industrie et les Etats membres à élaborer une stratégie européenne proactive pour dépasser ces obstacles18.

Diffusion de connaissances

(56) Le standard DVB-SH a été développé pendant les dix premiers mois de mise en œuvre de TVMSL. L’adoption de ce standard est un résultat issu du programme. A l’époque où les partenaires ont démarré leurs travaux, en mai 2006, le DVB-SH n’existait pas. Les partenaires ont conçu le standard puis l’ont proposé au forum DVB. Il a été approuvé par le comité de pilotage du forum DVB le 14 février 2007 et à ce titre, le nouveau standard est déjà accessible à toute l’industrie.

(57) Le forum DVB est un consortium coordonné par l’industrie qui élabore des standards de portée mondiale pour la transmission de la télévision et des données numériques. Ses membres s’engagent à accorder à toute partie tierce, dans des termes justes, raisonnables et non discriminatoires des licences pour les éventuels droits de propriété intellectuelle nécessaires pour la mise en œuvre des spécifications agréées par le forum DVB. Alcatel-Lucent et ses partenaires devront donc accorder ces licences à tout acteur en faisant la demande, à un prix qui ne devrait pas permettre aux partenaires du programme d’en approprier toutes les externalités.

Autres externalités positives

(58) TVMSL est porteur d’autres externalités positives. La Commission note :

17 Décision de la Commission publiée au JO L 43 du 15.2.2007, p. 32 – 33.

18 Communiqué de presse de la Commission IP/07/340 du 16 mars 2007 : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/07/340&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr

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– la couverture géographique optimale permettant d’offrir ce service à toute la population d’un territoire grâce au satellite. Cela constitue un nouveau service, pas encore proposé par le marché, pour le bénéfice des consommateurs19 ;

– le service de gestion de crise qui permettra aux populations concernées de réagir plus rapidement à des catastrophes majeures.

Conclusion

(59) En conclusion, la Commission constate qu’Alcatel-Lucent et ses partenaires rencontrent des défaillances de marché dont la conjugaison rend peu probable la réalisation du programme TVMSL en l’absence d’aide. Les défaillances de marché mises en exergue s’appliquent aussi aux concurrents des entreprises bénéficiaires.

3.4.2. Moyen d’action adapté

(60) La Commission a envisagé deux moyens d’action ayant un effet de distorsion moins important et susceptible d’obtenir le même résultat que l’utilisation d’aide d’Etat :

– l’implication de l’Etat membre dans les travaux de normalisation pour y jouer un rôle d’arbitrage ;

– le recours à la régulation.

(61) L’un des premiers résultats de TVMSL est l’adoption du standard DVB-SH mais il ne s’agit pas du cœur du programme de R&D. Celui-ci consiste à la mise au point de nouveaux composants micro-électroniques, téléphones mobiles, répéteurs et autres têtes de réseau. Si les forums de normalisation tels que le groupe DVB ne permettent pas de déclencher de tels investissements en R&D, la Commission estime que l’implication de la France dans ces forums n’y contribuera pas non plus.

(62) La TV mobile sera disponible très bientôt en France grâce à la technologie DVB-H mais le service ne couvrira pas plus de 30% de la population. La France aurait pu imposer par voie réglementaire une large couverture du territoire dès 2007 mais cela aurait empêché le déploiement des technologies actuelles. La France aurait pu imposer une couverture progressive comme elle l’a fait pour la téléphonie 3G20. Une obligation similaire pour la TV mobile conduirait à une couverture de 80% de la population à partir de 2015. La Commission constate que l’aide rend la TV mobile sans limite accessible plus rapidement, à partir de mi-2009.

(63) Ainsi, le recours à une aide d’Etat apparaît un moyen d’action adapté pour inciter Alcatel-Lucent et ses partenaires à réaliser ce programme.

19 En France par exemple, une couverture similaire coûterait trois à quatre fois plus chère (en fonction du

nombre de chaînes diffusées) avec les technologies existantes.

20 80% de la population française doit être couverte huit ans après l’attribution des licences, c’est-à-dire en 2009.

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3.4.3. Effet incitatif de l’aide

(64) Les aides d’Etat doivent avoir un effet d’incitation, c’est-à-dire, dans le cas d’espèce, déclencher chez les bénéficiaires un changement de comportement les amenant à intensifier leurs activités de R&D.

3.4.3.1. Date de démarrage du projet

(65) La section 6 de l’encadrement R&D&I indique que l’aide est dépourvue d’effet d’incitation lorsque les activités de R&D ont démarré avant la demande d’aide adressée par le bénéficiaire aux autorités nationales. La Commission a établi que ces activités n’ont démarré qu’après cette date :

– le programme a été présenté pour la première fois à l’Agence en décembre 2005 ;

– une demande formelle d’aide a été déposée le 10 février 2006 ;

– les travaux de R&D ont démarré en mai 2006 après que l’Agence ait décidé d’y accorder son soutien le 19 avril 2006.

(66) La Commission note que TVMSL avait été précédé par d’autres projets de recherche portant sur des systèmes hybrides (projets MODIS, SATIN, MODRY, MAESTRO). Ces projets financés aussi par des fonds publics, dont les 5ème et 6ème PCRD, ciblaient d’autres technologies et d’autres standards. Ils différaient donc de TVMSL.

(67) La Commission note aussi qu’Alcatel et Sagem avaient annoncé publiquement le lancement du programme dès février 2006. La Commission constate néanmoins que de telles pratiques sont courantes dans le secteur et que les travaux n’ont réellement commencé qu’en mai 2006.

3.4.3.2. Entreprises recevant moins de 7,5 millions d’EUR

(68) La Commission présume de l’effet incitatif des aides à la R&D d’un montant inférieur à 7,5 millions d’EUR reçues par des PME. A ce titre, la Commission a vérifié que DiBcom, Teamcast et UDcast étaient bien des PME au sens communautaire, notamment au regard des critères de personnel, de chiffre d’affaires et d’indépendance. La Commission peut donc conclure positivement sur l’effet incitatif des aides reçues par ces trois entreprises.

(69) La section 6 de l’encadrement R&D&I ajoute que pour toutes les mesures inférieures à 7,5 millions d’EUR bénéficiant à de grandes entreprises, le changement de comportement doit être démontré par l’Etat membre par une évaluation ex ante de l’augmentation de l’activité de R&D&I. TAS, Sagem et NXP sont concernés par cette provision. L’évaluation se fonde sur une comparaison de la situation avec et sans octroi d’aide. Différents critères peuvent illustrer l’effet d’incitation et si un effet significatif peut être démontré sur au moins un de ces critères, la Commission considère que l’aide a un effet d’incitation compte tenu du comportement normal d’une entreprise du secteur concerné.

(70) Les autorités françaises considèrent que sans aide, les bénéficiaires n’auraient pas conduit TVMSL car le niveau d’investissement et les risques encourus n’étaient

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pas compensés par la profitabilité attendue du programme. L’aide permet aux acteurs de dépasser ces considérations et de travailler ensemble au développement de la solution.

(71) TAS reçoit une aide totale de 5,760 millions d’EUR en l’absence de laquelle, il aurait conduit de nouvelles études de faisabilité pour diffuser la TV mobile purement par satellite, sans l’appui d’un réseau terrestre. Les dépenses affectées à ces travaux alternatifs auraient été inférieures à ce que TAS va consacrer à TVMSL comme l’indique le tableau suivant :

MEUR 2006 2007 2008 2009 2010 Total Moyenne

TAS […] […] […] […] […] […] […]

Tableau 5 : Variation nette des dépenses de TAS dans le programme R&D

(72) Sagem reçoit une aide totale de 3,554 millions d’EUR en l’absence de laquelle il n’aurait pas pris part à TVMSL. Comme les autres fournisseurs de téléphones mobiles, Sagem est confronté à la nécessité de maintenir un niveau d’effort en R&D compte tenu des cycles de production très courts du secteur et de l’augmentation constante du niveau technologique des produits. En parallèle, la diminution des prix de vente et les objectifs financiers fixés par les investisseurs réduisent la marge de manœuvre de l’entreprise pour conduire trop d’activités exploratoires. Dans ce contexte et sans aide, Sagem aurait concentré ses activités sur les technologies émergentes telles que le DVB-H, la radio 3G, la voix sur IP, etc. Les dépenses affectées à ces travaux alternatifs auraient été inférieures à ce que Sagem va consacrer à TVMSL comme l’indique le tableau suivant :

MEUR 2006 2007 2008 2009 2010 Total Moyenne

Sagem […] […] […] […] […] […] […]

Tableau 6 : Variation nette des dépenses de Sagem dans le programme R&D

(73) L’aide implique également une augmentation significative du personnel R&D et des dépenses totales de R&D de l’entité « Mobile Communication Business Group » (MCBG) de Sagem Communication.

2006 2007 2008 2009 2010 Total Moyenne

Dépenses R&D (MEUR) […] […] […] […] […] […] […]

Personnel R&D […] […] […] […] […] […] […]

Tableau 7 : Variation nette de l’effort total de R&D de Sagem MCBG

(74) NXP intervient dans le programme de R&D à la demande d’Alcatel-Lucent, pour fournir une seconde source de composants microélectroniques en complément de ceux développés par DiBcom. NXP reçoit une aide de 767 000 EUR pour ses travaux de recherche industrielle qui visent à étudier un nouveau modulateur fonctionnant sur une plage étendue de fréquence. Ces activités ne sont pas indispensables à la mise en œuvre de la solution TVMSL mais elles anticipent une éventuelle concentration de standards qui fonctionnent sur différentes fréquences. Sans aide, NXP n’aurait pas étudié ce nouveau modulateur.

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(75) A ce stade de son analyse, la Commission estime que l’effet incitatif des aides aux entreprises recevant moins de 7,5 millions d’EUR est démontré conformément au chapitre 6 de l’encadrement R&D&I.

3.4.3.3. Entreprise recevant plus de 7,5 millions d’EUR

(76) L’encadrement R&D&I précise que les indicateurs de son chapitre 6 peuvent être insuffisants pour démontrer l’effet incitatif des aides soumises à l’examen approfondi. Pour Alcatel-Lucent, les autorités françaises ont donc soumis les renseignements supplémentaires requis par le point 7.3.3 de l’encadrement.

Précision du changement visé

(77) Les autorités françaises ont indiqué que sans aide, Alcatel-Lucent continuerait des travaux préalables de faible ampleur (étude « système » et expérimentation en bande S) mais que l’entreprise ne se lancerait pas dans le programme TVMSL. Les dépenses affectées à ces travaux alternatifs auraient été inférieures à ce qu’Alcatel-Lucent va consacrer à TVMSL comme l’indique le tableau suivant :

MEUR 2006 2007 2008 2009 2010 Total Moyenne

Alcatel-Lucent

[…] […] […] […] […] […] […]

Tableau 8 : Variation nette des dépenses d’Alcatel-Lucent dans le programme R&D

(78) L’aide implique aussi une augmentation significative du personnel R&D et des dépenses totales de R&D d’Alcatel-Lucent.

2006 2007 2008 2009 2010 Total Moyenne

Dépenses R&D (MEUR) […] […] […] […] […] […] […]

Personnel R&D […] […] […] […] […] […] […]

Tableau 9 : Variation nette de l’effort total de R&D d’Alcatel-Lucent

(79) Les activités d’Alcatel RFS toutes classées en recherche industrielle se situent plus en amont que le reste du programme et il n’est pas indispensable que les antennes développées par cette filiale d’Alcatel-Lucent soient disponibles pour le déploiement de la solution TVMSL. Sans aide, l’élaboration de ces antennes n’aurait pas fait partie du programme.

(80) A ce stade de son analyse, la Commission constate prima facie que l’aide a un effet significatif sur la taille, la portée et le rythme du programme de R&D mené par Alcatel-Lucent, ainsi que sur ses effectifs et ses dépenses totales de R&D. Dans le cadre de son examen approfondi, la Commission doit vérifier si l’aide versée à Alcatel-Lucent est à l’origine de ces indicateurs positifs. En d’autres termes, la Commission doit vérifier si Alcatel-Lucent n’aurait pas entrepris le programme TVMSL même en l’absence d’aide. Pour cette raison, elle a examiné les éléments suivants.

Analyse contradictoire

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(81) Alcatel-Lucent est un fournisseur de solutions de communication créé en 2006 suite à la fusion d’Alcatel et de Lucent Technologies21. Le groupe est leader mondial dans la téléphonie fixe et numéro trois dans le mobile ; la diffusion de la télévision n’appartient pas à son cœur de métier. Même si les revenus totaux générés par TVMSL sont assez conséquents (environ [500-1 000] millions d’EUR sur quatorze ans dans un scénario de ventes médian), ils ne sont pas essentiels en comparaison du chiffre d’affaires du groupe (18,6 milliards d’EUR en 2005).

(82) Les autorités françaises ont remis à la Commission le compte-rendu du Comité exécutif d’Alcatel réuni le 27 septembre 2005. Celui-ci a décidé d’étudier la faisabilité du programme TVMSL en fixant comme objectif l’obtention d’un soutien externe. Ce document ne démontre pas pour autant que l’attribution de l’aide ait été une condition nécessaire au lancement de TVMSL.

(83) Le même document mentionne les bénéfices de TVMSL pour les activités terrestres et satellites. La Commission ne peut à ce titre exclure que la décision d’Alcatel de lancer TVMSL n’ait été influencée par les perspectives du programme pour les activités satellites. D’une part, 67% du capital d’Alcatel Alenia Space, aujourd’hui nommée Thales Alenia Space, appartenait au groupe Alcatel lorsque TVMSL a été conçu. Alcatel a néanmoins décidé de céder ces 67% avant l’attribution de l’aide et le démarrage du programme. D’autre part, et à la différence d’Alcatel-Lucent, la diffusion de la télévision est stratégique pour Alcatel Alenia Space. L’entreprise a par exemple déjà participé à plusieurs projets de R&D portant sur la même thématique. De plus, les revenus attendus (environ [500-1 000] millions d’EUR sur cinq ans dans un scénario de ventes médian) pour les activités satellites sont conséquents et significatifs en comparaison avec son chiffre d’affaires ([1-2] milliards d’EUR en 2005).

(84) Aussi et même s’il est discutable qu’Alcatel-Lucent bénéficie effectivement de l’aide accordée à TAS, la Commission a par précaution considéré les activités terrestres et satellites conjointement, afin d’analyser les opportunités et les risques du programme TVMSL et de conclure sur l’effet incitatif de l’aide pour Alcatel-Lucent.

Niveau de rentabilité

(85) Les autorités françaises ont remis des plans d’affaires du programme TVMSL pour Alcatel-Lucent et TAS. Ces calculs n’intègrent pas les risques technologiques du programme, les entreprises n’ayant pas utilisé de méthode d’évaluation statistique des risques. Quatre situations ont été simulées : dans un scénario de ventes médian, dans un scénario de ventes pessimiste, avec et sans aide. Les scénarii de ventes sont décrits dans la partie relative aux avances remboursables du paragraphe « 3.4.4.2 Intensité des aides ». Le tableau suivant reprend les conclusions de ces plans d’affaires :

21 Cas M.4214 -Alcatel / Lucent Technologies ; Décision de non-opposition de la Commission du 24

juillet 2006.

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Scénario médian Scénario pessimiste

avec aide sans aide avec aide sans aide

Répéteurs (Alcatel-Lucent)

[0-20] -[0-20] -[20-40] -[40-60]

Têtes de réseau (TAS) -[0-20] -[0-20] -[0-20] -[0-20]

Satellites (TAS)22 [0-40] [0-20]

Total [0-40] [0-40] -[20-40] -[40-60]

Tableau 10 : Valeur actualisée nette (VAN) de TVMSL en 2014 (MEUR)

(86) Les plans d’affaires indiquent que, sans aide, la VAN des répéteurs en 2014 est estimée à une valeur légèrement négative de -[0-20] millions d’EUR. Le taux de rentabilité interne (TRI) des répéteurs est en effet proche du coût pondéré moyen du capital d’Alcatel-Lucent (10%). L’aide qui augmente le TRI à [10-15%] rend cet indicateur financier favorable au déclenchement du programme. […] les ventes de satellites dont le développement n’est pas aidé génèrent des revenus excédentaires dont la rentabilité estimée est comprise entre [0-10%]. Cette estimation se base sur les cycles de longue durée enregistrés dans le secteur, durant lesquels la rentabilité peut varier entre une valeur négative et environ 10%.

(87) Aussi, sans aide, dans un scénario de ventes médian, la valeur actualisée nette23 (VAN) du programme en 2014 pour les activités terrestres et satellites est estimée à une valeur relativement faible comprise entre [0-40] millions d’EUR pour un chiffre d’affaires correspondant de [1-2] milliards d’EUR. L’aide améliore un peu cette rentabilité qui atteint une valeur comprise entre [0-40] millions d’EUR. L’effet de l’aide est plus sensible dans le scénario pessimiste où, sans aide, les pertes cumulées ont une valeur comprise entre -[40-60] millions d’EUR. L’aide, qui alors n’est pas totalement remboursée, permet de limiter ces pertes à une valeur comprise entre -[20-40] millions d’EUR.

Niveau de risque

(88) La Commission a déjà explicité les multiples risques encourus par le programme dans la partie relative à l’information imparfaite et asymétrique du paragraphe « 3.4.1 Existence de défaillances de marché ». Ces risques ont été confirmés par les experts de la Commission. Ils sont aggravés par l’irréversibilité de l’investissement R&D : les partenaires n’ont pas de solution de repli en cas d’échec du programme. Ce risque est accru par la sensibilité du système par rapport à chacun de ses éléments. En cas d’échec de la R&D menée au niveau d’un composant, c’est toute la solution TVMSL qui est remise en cause.

22 Rentabilités calculés avec des marges de [0-10%].

23 Le taux d’actualisation utilisé est égal au coût pondéré moyen du capital d’Alcatel-Lucent, à savoir 10%.

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(89) A partir des plans d’affaires d’Alcatel-Lucent et de TAS, la Commission a estimé la probabilité critique de succès au-delà de laquelle le programme TVMSL devient attractif pour Alcatel même sans aide. La Commission a conclu que les risques encourus étaient tels que cette probabilité critique n’était vraisemblablement pas atteinte. Aussi, la Commission estime que les risques sont trop élevés au regard de la rentabilité attendue en cas de succès, pour que le groupe Alcatel lance le programme sans aide, et ce même en prenant en compte les retombées pour les satellites. Alcatel n’a pas d’incitants dynamiques suffisants pour réaliser TVMSL sans aide.

(90) La rentabilité a priori du programme pour Alcatel-Lucent est fortement dégradée si l’entreprise ne compte pas sur les revenus générés par les activités satellites. En effet, la VAN de TVMSL en 2014 pour les seuls répéteurs est alors estimée à une valeur légèrement négative de -[0-20] millions d’EUR. Sous cette hypothèse, les risques encourus par Alcatel-Lucent sont tels que l’entreprise ne lancerait pas le programme sans aide.

Evaluation continue

(91) Le projet fait l’objet d’une évaluation opérationnelle continue précisée contractuellement. Cinq jalons décisionnels ont été convenus qui, s’ils n’étaient pas franchis avec succès, pourraient remettre en cause tout ou partie de l’aide de l’Agence. Ces jalons portent notamment sur l’adoption du standard DVB-SH et l’adoption d’un cadre réglementaire compatible avec le projet, ce qui souligne la criticité et les risques de ces chantiers. L’encadrement R&D&I considère cet élément comme positif au regard de l’effet d’incitation.

Conclusion

(92) La Commission est en mesure de conclure que l’aide est nécessaire pour que TVMSL devienne attractif pour Alcatel-Lucent. Même si Alcatel-Lucent a pu être influencée par les opportunités générées pour les activités satellites, celles-ci ne sont pas de proportion à compenser la rentabilité modeste des activités terrestres et les risques élevés du programme.

3.4.4. Proportionnalité de l’aide

3.4.4.1. Coûts éligibles

(93) La répartition des activités de R&D entre les catégories de recherche industrielle et développement expérimental ainsi que les coûts éligibles relatifs à ces activités sont conformes respectivement aux points 5.1.1 et 5.1.4 de l’encadrement R&D&I.

3.4.4.2. Intensité des aides

Subventions

(94) L’intensité de 50% pour les subventions soutenant la recherche industrielle est conforme à celle prévue au point 5.1.2 de l’encadrement R&D&I.

(95) L’intensité de 45% pour les subventions soutenant les travaux de développement expérimental réalisés par Teamcast et UDcast est aussi conforme aux 25%

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d’intensité de base prévus au point 5.1.2 augmentés de 20% de bonus tel que le permet le point 5.1.3 de l’encadrement R&D&I dans la mesure où :

– il s’agit de PME au sens communautaire du terme ;

– le programme repose sur une coopération effective entre plusieurs entreprises indépendantes dont aucune d’entre elles ne supportent plus de 70% des coûts et parmi lesquelles on compte trois PME.

Avances remboursables

(96) L’intensité de 50% pour les avances remboursables soutenant les travaux de développement expérimental réalisés par Alcatel-Lucent, TAS, Sagem et DiBcom est, quant à elle, conforme aux 40% d’intensité de base prévus au point 5.1.5, augmentés de 10% de bonus collaboratif suivant le point 5.1.3, dans la mesure où les règles concernant les modalités de remboursement spécifiés au point 5.1.5 de l’encadrement R&D&I sont respectées.

(97) Les remboursements des avances sont indexés sur les chiffres d’affaires cumulés des produits résultant du programme à l’exception de l’avance accordée à TAS. En ce qui concerne ce bénéficiaire, les autorités françaises ont tenu compte de la vente des satellites alors que leur développement n’est pas soutenu par l’Agence. […]

(98) La Commission doit d’abord vérifier que l’issue favorable du projet a été définie sur la base d’une hypothèse prudente et raisonnable. Le scénario visé, dit médian, suppose un déploiement du DVB-SH dans une majorité de pays européens. Afin de juger du réalisme de ce scénario, les autorités françaises ont aussi prévu un scénario commercial pessimiste selon lequel le déploiement serait limité aux grands centres urbains de quelques pays européens et un scénario optimiste selon lequel l’ensemble des pays européens adopte le DVB-SH ainsi qu’au moins un très grand pays hors d’Europe (Chine, Inde ou Brésil). Ce dernier scénario est d’autant plus optimiste qu’à ce stade, aucun signe n’indique que le DVB-SH serait adopté par un de ces grands pays.

(99) Dans le scénario médian, la part des terminaux mobiles équipés de la fonction DVB-H / DVB-SH augmente progressivement à partir de 2008 pour atteindre 55% en 2016. DiBcom fournit [60-80%] des composants microélectroniques en 2008 mais sa part de marché chute rapidement à [40-60%] en 2010. Elle tend ensuite vers [20-40%], niveau auquel elle se stabilise jusqu’en 2016. Sagem fournit [60-80%] des terminaux mobiles en 2008 mais sa part de marché chute rapidement à [10-30%] en 2011. Elle se stabilise à ce niveau jusqu’en 2016. Le marché européen des répéteurs représente quant à lui environ 60 000 unités dans les dix années à venir (la couverture des zones urbaines et suburbaines, soit 75% de la population, nécessite environ […] répéteurs pour un pays comme la France). Alcatel-Lucent détient initialement [60-80%] de part de marché en 2008, cette part diminuant progressivement pour atteindre [30-50%] en 2016. Enfin, [0-5] satellites et [5-10] têtes de réseau sont vendus par TAS.

(100) Ce scénario médian conduit à des remboursements supérieurs aux avances reçues par Alcatel-Lucent, TAS, Sagem et DiBcom (cf. le tableau suivant où les

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24

montants sont actualisés en utilisant un taux de 3,70%, taux de référence en vigueur en France au moment de l’attribution de l’aide24).

Tableau 11 : Valeur nette des avances remboursables dans le scénario médian

(101) Ainsi, en cas d’issue favorable du programme, l’avance sera remboursée à un taux supérieur au taux de référence. Les modalités prévues par l’Agence conduisent à un remboursement encore supérieur en cas de réussite allant au-delà de l’issue favorable définie précédemment. En cas de succès partiel, le remboursement sera proportionnel au degré de réussite du programme.

(102) Dans le scénario pessimiste, les remboursements ne couvrent pas les avances reçues, néanmoins ils demeurent substantiels pour Sagem et DiBcom. La Commission estime que ce dernier point confirme la proportionnalité des avances reçues par ces entreprises pour qui les hypothèses de vente du scénario médian semblent optimistes. La garantie qu’une part significative de l’avance sera remboursée même dans le scénario pessimiste permet à la Commission de valider les modalités de remboursement prévues pour Sagem et DiBcom.

Tableau 12 : Valeur nette des avances remboursables dans le scénario pessimiste

Cumul

(103) Enfin, les règles de cumul définies au chapitre 8 de l’encadrement R&D&I sont respectées. A ce stade, les bénéficiaires ne reçoivent aucune autre aide publique pour TVMSL que le financement apporté par l’Agence. Dans l’hypothèse d’aides supplémentaires, le montant de l’aide de l’Agence serait réajusté.

Conclusion

24 Taux résultant de l’application de la communication de la Commission concernant la méthode de

fixation des taux de référence et d’actualisation, JO C 273 du 9.9.1997, p. 3. Taux consultable à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/comm/competition/state_aid/legislation/reference.html.

MEUR Alcatel-Lucent TAS Sagem DiBcom

Avance actualisée 12,625 5,020 1,134 1,826

Remboursement actualisé -15,443 -5,486 -2,045 -3,243

Valeur nette -2,818 -0,466 -0,912 -1,417

MEUR Alcatel-Lucent TAS Sagem DiBcom

Avance actualisée 12,625 5,020 1,134 1,826

Remboursement actualisé -2,110 -0,093 -0,818 -1,575

Valeur nette 10,514 4,927 0,316 0,252

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(104) A ce stade de son analyse, la Commission estime que le caractère proportionné de l’aide aux entreprises recevant moins de 7,5 millions d'EUR est démontré conformément aux chapitres 5 et 8 de l’encadrement R&D&I.

3.4.4.3. Entreprise recevant plus de 7,5 millions d’EUR

(105) Dans le cadre de l’examen approfondi de l’aide attribuée à Alcatel-Lucent, les autorités françaises ont présenté les informations complémentaires requises par le point 7.3.4 de l’encadrement R&D&I.

Procédure de sélection ouverte

(106) L’Agence a mis en place un appel à projets permanent et sélectionne sur base de critères objectifs préétablis les programmes de R&D soutenus. Les industriels sont invités à manifester à l’Agence leur intérêt à proposer un programme mobilisateur pour l’innovation industrielle (PMII). Les propositions de PMII sont recueillies par l’Agence de façon continue, examinées sur base d’un canevas de référence25 et font l’objet d’expertises indépendantes.

(107) Lorsqu’il existe plusieurs candidats potentiels pour réaliser un projet de R&D dans un Etat membre et que le projet a été attribué sur base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires, comme dans le cas d’espèce, la Commission considère que la probabilité que le critère de proportionnalité soit respecté est plus élevée.

Aide limitée au minimum

(108) En premier lieu, Alcatel-Lucent et Alcatel RFS reçoivent une aide de 6,626 millions d’EUR sous forme de subvention pour leurs travaux de recherche industrielle et Alcatel-Lucent reçoit 13,251 millions d’EUR sous forme d’avances remboursables pour ses travaux de développement expérimental. La Commission prend note du choix des autorités françaises de privilégier l’instrument des avances remboursables, plutôt que des subventions, pour les activités de R&D les plus proches du marché.

(109) A cet égard, les avances remboursables se révèlent, par construction, moins distortives que les autres formes d’aides utilisées. En effet, dans un scénario de succès commercial médian, le bénéficiaire rembourse la totalité de l’avance, y compris les intérêts d’actualisation. Si le succès commercial du produit issu du programme de R&D dépasse l’issue favorable définie sur base d’une hypothèse prudente et raisonnable, le bénéficiaire verse à l’Etat membre un intéressement en complément. En revanche, si le programme de R&D ne débouche pas sur un succès commercial, soit en raison d’un échec technologique, soit pour des raisons commerciales, le bénéficiaire ne rembourse qu’une partie de l’avance, proportionnée au succès partiel. Dans ce cas, les distorsions de concurrence seront aussi plus limitées puisque le projet n’aura que partiellement abouti à la commercialisation de nouveaux produits et donc le marché aura été moins perturbé. En tout état de cause, le remboursement de l’avance limite la distorsion de concurrence induite.

25 http://www.aii.fr/upload/flb/15/trame_presentation_pmii_051128_1139498618399.pdf

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(110) Par ailleurs, en cas de succès médian du programme, les avances seront fortement remboursées puisque leur valeur nette actualisée au taux de 3,70% sera de -2,818 millions d’EUR. L’aide totale conservée in fine par Alcatel-Lucent sera d’un montant relativement faible de 3,556 millions d’EUR, en comptabilisant la subvention reçue par Alcatel RFS. Elle portera uniquement sur des activités de recherche industrielle qui, par définition, aboutissent à la création de savoir, et constituent la part des travaux pour lesquels la diffusion des résultats est la plus importante et dont la communauté scientifique et industrielle tire le plus grand bénéfice.

(111) Enfin, du fait des caractéristiques du programme, Alcatel-Lucent et Alcatel RFS auraient pu recevoir des subventions d’une intensité maximale de 65% pour leurs travaux de recherche industrielle et des avances-remboursables couvrant 55% des coûts admissibles de développement expérimental. Les autorités françaises ont limité leur intervention à un taux de 50% inférieur aux plafonds prévus par l’encadrement R&DI.

Conclusion

(112) En conclusion et pour l’ensemble des raisons précédemment évoquées, la Commission estime que l’aide à Alcatel-Lucent est proportionnée.

3.5. Distorsion de la concurrence et des échanges

(113) Le point 7.1 de l’encadrement R&D&I précise que l’examen approfondi des aides d’un montant élevé a pour objet de garantir qu’elles ne faussent pas la concurrence dans une mesure contraire à l’intérêt commun, mais qu’elles contribuent bien à ce dernier. L’encadrement R&D&I ne prévoit pas d’analyse de l’impact sur la concurrence et les échanges des aides à la R&D dont le montant est inférieur à 7,5 millions d’EUR et qui sont conformes aux critères de compatibilité des chapitres 5, 6 et 8. A ce titre, la Commission n’est tenue d’identifier les potentielles distorsions de la concurrence et des échanges que sur les marchés affectés par les aides reçues par Alcatel-Lucent et par Alcatel RFS.

(114) Dans le cas d’espèce, la Commission a néanmoins vérifié que l’aide reçue par TAS d’un montant total de 5,760 millions d’EUR avait un impact limité sur la concurrence et les échanges. En effet, à l’époque de la notification de l’aide en objet, Alcatel-Lucent détenait 67% d’Alcatel Alenia Space et le groupe était ainsi actif dans le secteur des satellites. Les autorités françaises ont donc fourni des informations sur les marchés satellites affectés et la Commission s’est assurée que l’impact de l’aide y était bien limité. La Commission n’était pas tenue de réaliser cette analyse car au moment de la présente décision, Alcatel-Lucent détient 21% du capital de Thales qui ne lui permettent pas de contrôler TAS. En effet, le point 7.4 de l’encadrement R&D&I indique que l’analyse de la distorsion de la concurrence et des échanges est prospective.

3.5.1. Identification des marchés pertinents

Produits du programme

(115) Les aides reçues par Alcatel-Lucent et Alcatel RFS vont financer le développement des répéteurs constituant l’infrastructure terrestre de la solution TVMSL. Ces produits seront spécifiques au standard DVB-SH.

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27

(116) Alcatel-Lucent retirera aussi du programme de R&D des droits de propriété intellectuelle, qui feront l’objet d’échanges sur les marchés dits « technologiques », notamment par l’octroi de licence. Néanmoins Alcatel-Lucent ne détiendra pas de brevet fondamental opposable au standard DVB-SH. En effet, le « Memorandum of Understanding » fondateur du forum DVB spécifie que ses membres s’engagent au niveau de leurs droits de propriété intellectuelle à discuter de manière équitable, raisonnable et non discriminatoire de la question des coûts de licence. La commercialisation par Alcatel-Lucent de licences d’exploitation sera donc marginale et les revenus liés seront négligeables par rapport aux ventes d’équipement.

Marchés de produits

(117) En premier lieu, la Commission note que la télévision mobile sera très différente de la télévision classique et qu’à ce titre, ces services se complèteront et ne seront pas concurrents. En effet, la TV mobile sera consommée souvent en dehors du foyer, dans les transports ou les salles d’attente par exemple, de manière non pas familiale mais individuelle.

(118) La mise au point des répéteurs DVB-SH va créer un nouveau segment dans les marchés plus globaux des infrastructures de télévision mobile. Dans la mesure où certains opérateurs pourraient choisir des équipements DVB-SH au détriment de produits intégrant d’autres technologies, la commercialisation des répéteurs par Alcatel-Lucent pourrait avoir un impact sur l’ensemble des infrastructures de télévision mobile, toutes technologies confondues.

(119) La TV mobile est un secteur émergent caractérisé par des cycles rapides de développement et l’introduction de nouvelles technologies. Il est donc difficile de définir le degré de substitution des différents produits et de délimiter avec précision les marchés pertinents.

(120) S’agissant tout d’abord des infrastructures liées au MBMS, c’est-à-dire les infrastructures 3G, les principaux acteurs sont Ericsson, Nokia et NEC. Alcatel-Lucent est aussi présent sur ce segment mais avec une part de marché modeste via les activités MBMS de Nortel Networks récemment acquises par le groupe26. Les acteurs du MBMS ne devraient pas être significativement affectés par l’aide pour les raisons suivantes :

– Les infrastructures 3G sont déjà établies et le DVB-SH ne va pas remettre en cause ces réseaux.

– Le MBMS étant capable de diffuser un nombre très restreint de chaînes, la technologie 3G apparaît plutôt conçue pour des services personnalisés tels que la vidéo à la demande.

(121) S’agissant des infrastructures de diffusion hertzienne de TV mobile, celles-ci supportent plusieurs technologies terrestres déjà concurrentes en Europe : DVB-H, MediaFLO, T-DMB et DAB-IP. Les acteurs principaux pour ces

26 Cas M.4451 - Alcatel / Nortel Networks ; Décision de non-opposition de la Commission du 7

décembre 2006.

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infrastructures sont Rohde&Schwarz (Allemagne), Thomson (France), Harris (USA) et Qualcomm (USA).

(122) Les autorités françaises font valoir que le standard DVB-SH se positionne en complément des solutions purement terrestres en cours de déploiement. En effet, les technologies actuelles qui ont trois ans d’avance par rapport au DVB-SH, seront déjà établies lorsque les équipements résultant de TVMSL seront commercialisés. Aussi, cette nouvelle infrastructure devrait compléter plutôt que se substituer aux infrastructures liées aux technologies existantes.

(123) La Commission note que la TV mobile est en effet déjà disponible dans plusieurs Etats membres (Allemagne, Finlande, Italie, Royaume-Uni) et qu’elle est en cours d’établissement dans d’autres (Autriche, Espagne, France, Irlande, Pays-Bas, République Tchèque). Aussi la Commission confirme que les technologies actuelles disposent d’un avantage temporel qui devrait limiter leur substitution par le DVB-SH. Néanmoins, la Commission ne peut exclure que certains territoires ne soient pas équipés lorsque la nouvelle technologie sera introduite et que les opérateurs correspondants préfèrent DVB-SH aux technologies existantes. Ainsi la Commission estime plus prudent de considérer l’impact de l’aide sur l’ensemble des infrastructures de diffusion hertzienne de TV mobile.

Marchés géographiques

(124) Les marchés géographiques des infrastructures de diffusion hertzienne de TV mobile semblent nationaux car les clients, c’est-à-dire les opérateurs, offrent des services nationaux et doivent respecter des réglementations nationales, notamment en termes de planification de fréquences. Une illustration du caractère national des marchés est déjà donnée par le déploiement des technologies existantes. Le DVB-H est disponible en Italie parce que des fréquences UHF y étaient disponibles. En revanche, il n’est pas envisagé au Royaume-Uni où aucune fréquence n’est disponible. C’est le T-DMB qui utilise les fréquences VHF qui y est déployé.

(125) Les autorités françaises estiment quant à elle que les marchés géographiques des équipements de TV mobile sont plus larges. La Commission pense que ce peut être le cas, mais considère cependant que le marché n’est pas plus large que l’Union. En tout cas, la Commission n’a pas besoin de se prononcer sur ce point dans la mesure où son analyse montre que l’aide peut être déclarée compatible quelle que soit l’étendue des marchés géographiques, nationale ou européenne.

(126) Comme déjà mentionné plus haut, plusieurs études de marché annoncent un succès important pour la TV mobile avec des revenus mondiaux compris entre 10 et 30 milliards d’EUR dès 2010 dont 1 milliard d’EUR pourrait revenir aux fournisseurs d’infrastructure. Les autorités françaises ont fourni des prévisions de déploiement des différentes technologies dans cinq Etats membres (Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni). Deux scénarii ont été envisagés dépendant de la pénétration en Europe de la technologie MediaFLO. Le scénario le plus favorable au développement du DVB-SH est celui où MediaFLO ne s’impose pas et où le DVB-H est largement adopté. Ce scénario de faible pénétration de MediaFLO semble a priori le plus probable. En effet, MediaFLO est une technologie propriétaire et les opérateurs semblent préférer les standards ouverts. Sous cette hypothèse DVB-SH rencontrerait un succès plus important

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puisque les synergies entre les technologies DVB-SH et DVB-H sont plus fortes qu’entre DVB-SH et MediaFLO (par exemple, les terminaux issus du programme de R&D seront compatibles avec le DVB-SH et le DVB-H). Dès 2010, les infrastructures correspondantes représenteraient globalement 68% des infrastructures de diffusion hertzienne de TV mobile installées dans ces cinq Etats membres. Alcatel-Lucent aurait fourni [40-50%] de ces infrastructures :

MEUR %

Alcatel-Lucent […] [40-50%] DVB-SH

Autres sociétés […] [20-30%]

Thomson […] [0-10%]

Rohde&Schwarz […] [10-20%]

Harris […] [0-10%]

Autres technologies

Autres sociétés […] [0-10%]

Total [500-700] 100%

Tableau 13 : Ventes cumulées d’infrastructures de diffusion hertzienne de TV mobile dans cinq Etats membres en 201027

(127) Sur le segment des répéteurs DVB-SH proprement dit, les autorités françaises prévoient que la part d’Alcatel-Lucent sur les équipements commercialisés chaque année en Europe sera initialement de [60-80%] en 2008, cette part diminuant progressivement pour atteindre [30-50%] dès 2015.

2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Répéteurs DVB-SH vendus en Europe

[…] […] […] […] […] […] […] […]

Part d’Alcatel-Lucent [60-80%] […] […] […] […] […] […] [30-50%]

Tableau 14 : Répéteurs DVB-SH commercialisés chaque année en Europe28

(128) Les tableaux précédents indiquent qu’Alcatel-Lucent prévoit de gagner une part de marché significative. Cependant, sur des marchés émergents qui enregistrent un développement rapide, une importante part de marché n’est pas forcément significative d’entraves au fonctionnement concurrentiel des marchés. La Commission a examiné dans quelle mesure l’aide reçue par Alcatel-Lucent est susceptible de fausser la concurrence sur les marchés affectés précédemment identifiés.

27 Source : prévisions des autorités françaises, avec une faible pénétration de MediaFLO en Europe.

28 Source : prévisions des autorités françaises, dans le scénario de ventes médian.

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(129) Conformément au point 7.4 de l’encadrement R&D&I, les aides à la R&D peuvent fausser la concurrence de trois manières distinctes :

– elles peuvent fausser les incitants dynamiques des opérateurs à investir ;

– elles peuvent créer ou maintenir des positions de pouvoir de marché ;

– elles peuvent perpétuer une structure de marché inefficace.

3.5.2. Distorsion des incitants dynamiques

(130) L’encadrement R&D&I indique que la principale préoccupation que soulèvent les aides à la R&D en faveur des entreprises concerne leur capacité à fausser les incitants dynamiques des entreprises concurrentes à investir. En effet, la probabilité de succès des activités de R&D augmentant avec l’octroi d’une aide, l’entreprise pourrait accroître sa présence sur le marché visé et, de ce fait, inciter les concurrents à réduire leurs plans d’investissements initiaux sur ce marché (effet d’assèchement). Dans son analyse, la Commission prend notamment en considération les éléments suivants :

Montant de l’aide

(131) L’aide à Alcatel-Lucent est d’un montant élevé (19,877 millions d’EUR sur trois ans) mais dans le scénario de ventes médian, l’entreprise en rembourse une grande partie pour ne conserver in fine que 3,556 millions d’EUR en valeur actualisée. Le montant de l’aide peut être relativisé au regard du budget annuel de R&D d’Alcatel-Lucent France, qui s’élevait à [250-350] millions d’EUR en 2005 et à celui d’Alcatel-Lucent monde qui totalisait 2,7 milliards d’EUR en 2005. Il peut être aussi relativisé au regard des dépenses de R&D du secteur. Ces dernières sont estimées à une valeur de l’ordre de la centaine de millions d’EUR par an dès 201029.

Proximité du marché

(132) L’aide soutient de la recherche industrielle (33% des travaux éligibles engagés par Alcatel-Lucent et Alcatel RFS) et du développement expérimental (67% des travaux), ce dernier étant proche du marché. Toutefois, les activités de développement expérimental sont soutenues avec des avances, remboursables avec intérêt en cas de succès, et donnant lieu à un intéressement en cas de ventes supérieures au scénario médian.

Incitations à se disputer un marché futur

(133) L’aide accordée vise un marché émergent présentant un fort potentiel de croissance. Aussi tous les acteurs sont incités à se disputer ce marché futur de la TV mobile. Le DVB-SH permettra d’accroître la taille du marché car il sera

29 Estimation de la Commission en appliquant un ratio moyen de dépenses annuelles de R&D / CA de

10% au milliard d’EUR de revenus dont pourraient profiter les fournisseurs d’infrastructures de TV mobile en 2010.

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introduit en complément des services déjà proposés, il permettra de couvrir des zones géographiques moins denses et il offrira des chaînes supplémentaires30.

(134) La technologie résultant de TVMSL sera disponible en 2009. D’ici là, les concurrents d’Alcatel-Lucent auront commercialisé leurs équipements basés sur les technologies actuelles. L’avantage temporel des concurrents d’Alcatel-Lucent pour les technologies existantes permettra à ces entreprises de prendre une longueur d’avance dans plusieurs Etats membres.

(135) Ces concurrents pourraient néanmoins ne pas déployer leur technologie dans tous les territoires avant l’arrivée du DVB-SH. Alcatel-Lucent se trouverait alors dans une position très favorable uniquement dans les Etats membres non équipés pour lesquels le DVB-SH présentera un avantage de coût déterminant par rapport aux autres technologies. Ce sera le cas dans les Etats membres non équipés qui souhaiteraient couvrir très vite une population répartie sur un grand territoire. En effet, la solution TVMSL présente des coûts fixes liés essentiellement au lancement du satellite. Ces coûts sont tels que, par exemple en France, cette solution devient plus intéressante que les technologies existantes seulement si les opérateurs souhaitent couvrir plus de 50% de la population. La Commission estime que cette situation devrait être rare en Europe.

(136) De plus, l’avantage temporel des concurrents d’Alcatel-Lucent pourrait devenir décisif si le marché était finalement satisfait avec les technologies existantes et s’il n’avait pas besoin d’investir dans une technologie « sans limite ».

Barrières à la sortie

(137) Des barrières à la sortie du processus d’innovation existent dans la mesure où les concurrents seront engagés dans une trajectoire de R&D particulière liée à leurs investissements passés. En effet, une part du marché sera liée à la densification des infrastructures installées avant l’arrivée du DVB-SH. Ceci rend moins vraisemblable que les autres acteurs arrêteront ou réduiront sensiblement leurs efforts de R&D sur les marchés qu’ils auront investis.

Différenciation des produits

(138) Le programme TVMSL vise à développer des produits fonctionnant sous un standard différent des technologies existantes. Ces produits offriront des services d’une qualité améliorée mais leur structure de coût sera différente puisque les coûts fixes seront significatifs. De plus, comme décrit précédemment, les technologies existantes sont en cours de déploiement. Moins coûteuses pour une couverture moins importante, elles permettront de répondre aux premières demandes du marché. Dans les zones où les technologies existantes seront installées (principalement les zones urbaines), il est probable que les acteurs concernés seront capables de rivaliser avec Alcatel-Lucent. En effet, les produits issus de TVMSL se différenciant de ceux existants et les marchés concernés étant en croissance, les concurrents d’Alcatel-Lucent seront moins susceptibles d’être

30 Cette nature complémentaire du DVB-SH est illustrée par les terminaux développés dans le cadre de

TVMSL qui seront compatibles avec le standard DVB-H.

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lésés par l’aide au moins dans le court terme. Ils pourront donc s’adapter aux innovations introduites par le programme TVMSL si celui-ci est un succès.

Procédure de sélection ouverte

(139) L’Agence sélectionne ses projets dans le cadre d’un appel à projets permanent. Les concurrents d’Alcatel-Lucent auraient pu et pourront encore soumettre à l’Agence un projet similaire.

Conclusion

(140) L’ensemble de ces considérations permet à la Commission de conclure que les concurrents d’Alcatel-Lucent devraient maintenir ou même augmenter leurs plans d’investissement dans les marchés affectés par l’aide. L’effet principal de TVMSL devrait être d’augmenter la taille des marchés plutôt que de dégrader les ventes actuelles et futures de ces acteurs.

(141) Les concurrents d’Alcatel-Lucent ne devraient pas diminuer leur effort de R&D à cause de l’aide accordée à TVMSL. L’avantage temporel dont bénéficieront ces entreprises leur permettra d’être déjà présentes et établies sur les marchés lorsqu’Alcatel-Lucent commencera à commercialiser sa solution en 2009. En cas de succès du programme, l’aide aura permis de faire sauter les verrous technologiques pour le déploiement de la TV mobile « sans limite ». Les concurrents dont les réseaux seront déployés auront dès lors d’autant plus d’incitation à poursuivre leurs efforts sur des marchés désormais « sans limite ».

3.5.3. Création de pouvoir de marché

(142) Les aides à la R&D peuvent avoir un effet de distorsion en renforçant ou en entretenant le degré de pouvoir de marché d’un opérateur. Ce pouvoir de marché peut se traduire dans une capacité à influencer les prix, la production, la variété ou la qualité des biens pendant une période significative au détriment des consommateurs. Dans son analyse, la Commission prend notamment en considération les éléments suivants :

Pouvoir de marché du bénéficiaire et structure du marché

(143) Actuellement et mis à part la technologie […], Alcatel-Lucent n’est pas actif sur les marchés principalement affectés par l’aide. En tant que nouvel entrant, Alcatel-Lucent a d’ailleurs recours à l’expertise d’une PME déjà active dans le secteur, à savoir Teamcast, pour développer ses répéteurs.

(144) Les répéteurs issus du programme TVMSL sont des émetteurs en basse tension. Les fournisseurs actuels de ce type d’équipement sont des petites entreprises comme Teamcast qui maîtrisent les technologies de diffusion. Les autorités françaises prévoient qu’avant même l’issue du programme TVMSL, dès 2008, 20% des répéteurs DVB-SH commercialisés en Europe soient vendus par des concurrents d’Alcatel-Lucent.

Niveau des barrières à l’entrée

(145) Il est probable que de grands groupes actifs dans le secteur de la téléphonie mobile ou de la diffusion développent eux aussi des équipements DVB-SH. Pour

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se faire, ils pourront s’appuyer sur leur compétence interne ou opérer des rapprochements avec des entreprises possédant l’expertise technique comme l’a fait Alcatel-Lucent. Cette hypothèse est en effet réaliste dans la mesure où :

– le standard DVB-SH est ouvert : l’accès à ses spécifications et à sa technologie est garanti par les engagements du forum DVB ;

– le standard DVB-SH est une évolution du standard DVB-H déjà maîtrisé par les entreprises actives dans le secteur.

(146) Les principaux concurrents européens d’Alcatel-Lucent sont par ailleurs parties prenantes dans un projet de R&D nommé « B21C » proposé pour financement intergouvernemental dans le cadre du programme Eureka. Alcatel-Lucent qui participe aussi à ce projet fera bénéficier ses partenaires de l’expérience acquise dans TVMSL.

(147) L’objectif principal de ce projet est de contribuer à la définition d’un standard DVB-T de deuxième génération. Afin de définir ce nouveau standard, les travaux s’appuieront notamment sur les résultats du programme TVMSL, qui apporteront des compléments utiles à la définition des modèles de propagation, à l’étude de la faisabilité de répéteurs domestiques et aux mesures de terrain.

(148) Le projet comportera aussi des travaux de moindre ampleur sur le standard DVB-SH qui se situent en aval de ceux réalisés dans le cadre de TVSML. Il s’agira d’aborder les problèmes de mise en œuvre et de planification de réseaux intégrant les circonstances les plus difficiles comme les zones d’ombres.

Puissance d’achat

(149) Les clients d’Alcatel-Lucent seront des opérateurs de téléphonie mobile ou des diffuseurs. Ces acheteurs puissants pourront compenser l’éventuelle existence d’une position de force d’Alcatel-Lucent en cherchant à préserver un degré suffisant de concurrence. Ces acheteurs privilégient d’ailleurs les solutions basées sur des standards ouverts tels que le DVB-SH, qui leur permettent de disposer de plusieurs fournisseurs.

Processus de sélection

(150) Les projets de R&D sont sélectionnés par l’Agence suivant l’examen d’experts indépendants. Les membres du Conseil de surveillance de l’Agence ne prennent pas part au vote décisif lorsque les projets examinés sont du ressort de leurs activités (voir décision sur le régime N 121/2006). L’influence des bénéficiaires sur le processus de sélection de l’Agence apparaît aussi limitée que possible.

Conclusion

(151) L’ensemble de ces considérations permet à la Commission de conclure qu’Alcatel-Lucent ne devrait pas acquérir de pouvoir de marché et ce, en dépit de la forte part de marché qu’il anticipe.

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3.5.4. Maintien de structures de marché inefficaces

(152) Si elles ne sont pas bien ciblées, les aides à la R&D peuvent entretenir des structures de marchés inefficaces. Dans le cas d’espèce, la Commission doit examiner le dynamisme des marchés visés par l’aide.

(153) Comme souligné précédemment, l’aide accordée vise à introduire une nouvelle technologie dans des marchés émergents destinés à une forte croissance. L’aide ne fige donc pas les marchés et n’entretient vraisemblablement pas de structures inefficaces. Au contraire, l’introduction de cette nouvelle technologie permet d’accroître la taille du marché en élargissant le champ des possibilités de fréquences utilisables pour la télévision mobile. A l’heure actuelle en effet, le développement de la TV mobile se heurte au problème de disponibilité des fréquences utilisables.

3.5.5. Conclusion

(154) En conséquence, la Commission considère que l’aide au programme de R&D TVMSL n’est pas de nature à perturber le fonctionnement concurrentiel des marchés visés dans une proportion contraire à l’intérêt commun.

3.6. Mise en balance

(155) Les aides d’un montant inférieur à 7,5 millions d’EUR accordées aux bénéficiaires autres qu’Alcatel-Lucent répondent aux critères de compatibilité prévus par les chapitres 5, 6 et 8 de l’encadrement R&D&I.

(156) L’aide d’un montant supérieur à 7,5 millions d’EUR accordée à Alcatel-Lucent vérifie elle aussi les critères des chapitres 5, 6 et 8. A l’issue de son examen approfondi, la Commission estime que :

– l’aide vise à remédier à plusieurs défaillances de marché identifiées ;

– l’aide constitue un moyen d’action adapté ;

– l’aide a un effet d’incitation ;

– l’aide est proportionnée ;

– l’aide n’est pas de nature à perturber le fonctionnement concurrentiel des marchés visés dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

(157) Au regard de ces éléments, la Commission considère que les effets positifs de l’aide attribuée à Alcatel-Lucent l’emportent sur les effets négatifs en conformité avec les critères du chapitre 7 de l’encadrement R&D&I.

4. DÉCISION

(158) La Commission a décidé de considérer l’aide comme compatible avec le traité CE en application de son article 87, paragraphe 3, sous c).

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(159) Cette appréciation positive comporte néanmoins l’obligation de notifier à la Commission un rapport annuel sur l’application de l’aide et de lui notifier les changements éventuels du projet.

Dans le cas où cette lettre contiendrait des éléments confidentiels qui ne doivent pas être divulgués à des tiers, vous êtes invités à en informer la Commission, dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de réception de la présente. Si la Commission ne reçoit pas une demande motivée à cet effet dans le délai prescrit, elle considérera que vous êtes d’accord avec la communication à des tiers et avec la publication du texte intégral de la lettre, dans la langue faisant foi, sur le site Internet http://ec.europa.eu/community_law/state_aids/index.htm. Cette demande devra être envoyée par lettre recommandée ou par télécopie à :

Commission européenne Direction générale de la Concurrence Greffe Aides d’Etat Rue Joseph II, 70 B-1049 BRUXELLES Fax : + 32.(0)2.29.61.242

Veuillez croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération.

Par la Commission

Neelie KROES Membre de la Commission