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Dimanche 26 décembre 2004. La terre tremble au large des côtes de Sumatra. C’est l’un des plus puissants séismes jamais enregis- trés (magnitude 9.3). S’en suit un tsunami cataclysmique, le plus meurtrier de l’histoire avec près de 230 000 victimes. Les vagues ont ravagé les côtes indonésiennes proches, avant de se propager vers la Thaïlande, le Sri Lanka, l’Inde puis les côtes africaines. La province d’Aceh, au nord-ouest de Sumatra, est de loin la plus touchée. La moitié de la ville de Banda Aceh est rasée par des vagues de plus de 15 m de haut, l’eau ayant même atteint une hau- teur de 50 m sur les falaises de la côte ouest de Lhok Nga. De nombreux villages sont rayés de la carte. Durant près de deux ans (2005-2006), les scientifiques du programme de recherche « Tsunarisque » se sont relayés sur le terrain pour essayer de décrypter, reconstituer le tsunami dans ses moindres détails, afin de tirer les enseignements d’une catastrophe hors norme et de proposer des stra- tégies de prévention plus efficaces. Cet ouvrage retrace tout ce travail en trois volets : tout d’abord la reconstitution et la modélisation du tsunami, de l’extension des vagues à la cartographie des dégâts infligés au bâti, ensuite l’impact du tsunami sur l’environnement, et notamment les formes d’érosion et de dépôts, et enfin les aspects socioculturels, des facteurs eth- niques aux enjeux de la reconstruction et de la prévention. Publications de la Sorbonne 212, rue Saint-Jacques, 75005 Paris Tél. : 01 43 25 80 15 – Fax : 01 43 54 03 24 VIENT DE PARAÎTRE TSUNARISQUE sous la direction de Franck Lavigne et Raphaël Paris ISBN 978-2-85944-643-7 ISSN 0766-0448 Prix : 35 Le tsunami du 26 décembre 2004 à Aceh, Indonésie

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Dimanche 26 décembre 2004. La terre tremble au large des côtes de Sumatra. C’est l’un des plus puissants séismes jamais enregis-trés (magnitude 9.3). S’en suit un tsunami cataclysmique, le plus meurtrier de l’histoire avec près de 230 000 victimes. Les vagues ont ravagé les côtes indonésiennes proches, avant de se propager vers la Thaïlande, le Sri Lanka, l’Inde puis les côtes africaines. La province d’Aceh, au nord-ouest de Sumatra, est de loin la plus touchée. La moitié de la ville de Banda Aceh est rasée par des vagues de plus de 15 m de haut, l’eau ayant même atteint une hau-teur de 50 m sur les falaises de la côte ouest

de Lhok Nga. De nombreux villages sont rayés de la carte.

Durant près de deux ans (2005-2006), les scientifiques du programme de recherche « Tsunarisque » se sont relayés sur le terrain pour essayer de décrypter, reconstituer le tsunami dans ses moindres détails, afin de tirer les enseignements d’une catastrophe hors norme et de proposer des stra-tégies de prévention plus efficaces. Cet ouvrage retrace tout ce travail en trois volets : tout d’abord la reconstitution et la modélisation du tsunami, de l’extension des vagues à la cartographie des dégâts infligés au bâti, ensuite l’impact du tsunami sur l’environnement, et notamment les formes d’érosion et de dépôts, et enfin les aspects socioculturels, des facteurs eth-niques aux enjeux de la reconstruction et de la prévention.

Publications de la Sorbonne212, rue Saint-Jacques, 75005 ParisTél. : 01 43 25 80 15 – Fax : 01 43 54 03 24

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sous la direction de Franck Lavigne et Raphaël Paris

ISBN 978-2-85944-643-7ISSN 0766-0448 Prix : 35 €

Le tsunami du 26 décembre 2004 à aceh, indonésie

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tsunarisque

sous la direction de Franck Lavigne et Raphaël Paris

Le tsunami du 26 décembre 2004 à aceh, indonésie

Sommaire

Poème ............................................................................................................................ 4

Avant-propos ............................................................................................................... 5

Introduction

Franck Lavigne et Raphaël Paris

................................................................................ 11

Chapitre 1. Reconstitution et modélisation du tsunami

Le tsunami du 26 décembre 2004 : chronologie et reconstitution de la catastrophe dans la région de Banda Aceh

Franck Lavigne, Raphaël Paris, Delphine Grancher, Patrick Wassmer, François Flohic, Benjamin De Coster, Frédéric Leone, Taufik Gunawan, Fachrizal, Anggri Setiawan, Syahnan, Rahmat Triyono, Rino Cahyadi, Daniel Brunstein, Christopher Gomez, Danang Sri Hadmoko ..............................

27

Interpolation spatiale de données circulaires : application au tsunami du 26 décembre 2004

Delphine Grancher, Avner Bar-Hen, Raphaël Paris, Franck Lavigne, Daniel Brunstein, Patrick Wassmer ........................................................................

49

Modélisation numérique du tsunami dans les districts de Banda Aceh et Lhok Nga

Hélène Hébert, Daniel Brunstein, Anne Loevenbruck, Anthony Sladen, Jean Roger, François Schindelé, Franck Lavigne, Franck Vautier ..........................

59

L’analyse spatiale des dommages sur le bâti : contribution méthodologique et enseignements pour les futurs scénarios de risque tsunami

Frédéric Leone, Freddy Vinet, Jean-Charles Denain, Syamsul Bachri

................... 77

Chapitre 2. Impacts environnementaux du tsunami

Formes et estimation de l’érosion côtière causée par le tsunami du 26 décembre 2004 à Lhok Nga, ouest de Banda Aceh

Raphaël Paris, Émilie Desgages, Franck Lavigne, Patrick Wassmer,Franck Vautier

............................................................................................................. 99

Étude sédimentologique des dépôts de tsunami du 26 décembre 2004 à Lhok Nga, ouest de Banda Aceh

Raphaël Paris, Patrick Wassmer, Junun Sartohadi, Franck Lavigne

..................... 111

L’apport du géoradar pour l’étude des impacts géomorphologiques du tsunami du 26 décembre 2004

Christopher Gomez, Nicolas Lespinasse, Franck Lavigne

........................................ 127

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TSUNARISQUE

Accumulations de blocs par le tsunami du 26 décembre 2004 à Lhok Nga, ouest de Banda Aceh

Benjamin Barthomeuf, Raphaël Paris, Delphine Grancher, Patrick Wassmer, Franck Vautier

.............................................................................. 137

Transferts sédimentaires syn- et post-tsunami à Kajhu, nord-est de Banda Aceh

Patrick Wassmer, Philippe Baumert, Franck Lavigne, Raphaël Paris, Junun Sartohadi

........................................................................................................... 145

Approche pédogéomorphologique pour l’évaluation des impacts du tsunami du 26 décembre 2004 sur la qualité des sols et des eaux phréatiques du secteur de Lampuuk, ouest de Banda Aceh

Junun Sartohadi, Djati Mardiatno, Anggri Setiawan, Rino Cahyadi, Danang Sri Hadmoko, Patrick Wassmer, Raphaël Paris

......................................... 163

Chapitre 3. Impacts socio-culturels, reconstruction et prévention des risques

Acihais, Minangkabaus et Simeulues : trois ethnies face à la catastrophe du 26 décembre 2004

JC Gaillard, Elsa Clavé, Océane Vibert, Azhari, Dedi, Jean-Charles Denain, Yusuf Efendi, Delphine Grancher, Desi Sofian R. Sari, Ryo Setiawan

................................................................................................................ 177

Aceh : les déséquilibres et les tensions de la province à la veille du tsunami

Elsa Clavé, Raffaele Cattedra, Jean-Charles Denain, Jean-Christophe Gaillard, Freddy Vinet

................................................................................................................. 199

De l’urgence à la reconstruction de Banda Aceh (2005-2006) : enjeux urbanistiques, acteurs et perspectives

Raffaele Cattedra, Jean-Charles Denain, Freddy Vinet, Jean-Christophe Gaillard

............................................................................................ 213

Modalités spatiales et enjeux préventifs de la reconstruction post-tsunami à Banda Aceh

Freddy Vinet, Jean-Claude Gaillard, Frédéric Leone, Jean-Charles Denain,Elsa Clavé, Syamsul Bachri.......................................................................................

233

L’éducation des populations : mesure essentielle pour la réduction du risque de tsunami en Indonésie

Julie Morin, Benjamin De Coster, François Flohic, Franck Lavigne, Damien Le Floch, Raphaël Paris

................................................................................ 271

Conclusion

Franck Lavigne et Raphaël Paris

................................................................................ 289

Références bibliographiques ...................................................................................... 295

Auteurs de l’ouvrage .................................................................................................. 321

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Avant-propos

Cet ouvrage présente une étude pluridisciplinaire originale sur les impacts dutsunami catastrophique du 26 décembre 2004 dans la région de Banda Aceh,sur l’île indonésienne de Sumatra. Il est le fruit d’un travail collectif mené parune équipe franco-indonésienne de 50 personnes entre janvier 2005 et février2007.

Ce travail a pu être réalisé grâce au soutien financier de plusieurs partenairesque nous tenons à remercier chaleureusement :

– la Délégation interministérielle pour l’aide post-tsunami (DIPT), quifinança le programme Tsunarisque à hauteur de 360 000

 ;– le CNRS, qui finança le programme ATIP Jeunes Chercheurs à hauteur de

20 000

 ;– l’Agence nationale pour la recherche (ANR, programme CATELL) via le

financement TSUMOD ANR-05-CATT-016-01, ainsi que le CEA/DASEqui ont permis d’effectuer les modélisations numériques ;

– l’université Paris-I, qui a accepté de publier cet ouvrage et qui participafinancièrement à ce programme via le laboratoire de géographie physiqueUMR 8591 ;

– le Pôle universitaire européen du Languedoc-Roussillon qui a financé lamission de R. Cattedra à Banda Aceh.Nous remercions également pour leur soutien institutionnel : Annie Evrard,

Vincent Morel et Solène Le Doze, du Service d’action culturelle de l’ambassade deFrance en Indonésie pour leur support sans faille tout au long de ce programme ;Éric Chevallier, Jean-Claude Mallet, Béatrice Ravanel, Joël Cazale et Jean-PaulMontagner de la DIPT ; le Service océanographique de l’UNESCO, qui a autoriséles deux responsables du programme TSUNARISQUE à participer à la premièreITST (International Tsunami Survey Team) en janvier 2005 ; Madame le ministrede la Défense Michèle Alliot-Marie, qui a autorisé un membre de notre équipe(P. Wassmer) à séjourner sur la Jeanne d’Arc et à effectuer plusieurs missions dereconnaissance en hélicoptère en février 2005 ; le Général François Beck, qui a faci-lité nos démarches auprès du ministère de la Défense ; le professeur Sutikno del’université Gadjah Mada, et l’Office de réhabilitation et de reconstruction de BandaAceh (BRR) ; Jean-Noël Juttet, Stéphanie Genc, Alexis Rinckenbach et DominiqueChatton (DRIC – ministère de l’Éducation nationale et de la recherche) ; Jean-LucClément, Francois Bienenfeld et Minh-Hà Pham (Direction des relations interna-tionales du CNRS) ; Michèle Saumon, Christine Rulliat et Sylvain Rives (Délé-gation régionale CNRS Île-de-France Nord et Ouest) ; Charles Le Cœur, ex-direc-teur du laboratoire de géographie physique à Meudon (UMR 8591) ; Marie-Françoise André, ex-directrice du laboratoire Géolab à Clermont-Ferrand.

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TSUNARISQUE

Un remerciement particulier à toutes les personnes ayant procuré une aidescientifique ou technique, notamment : Michelle Pennec (laboratoire de géo-graphie physique à Meudon), qui géra le programme d’une main de maître ;Marc Le Moullec et sa société Enrique, qui ont autorisé l’utilisation des photo-graphies aériennes à haute résolution de Banda Aceh ; Catherine Balladur, PaulRambaud et Christophe Gombert du CNRS Image et l’association Planet Riskpour la coproduction du film

Tsunarisque, appréhender une catastrophe

 ; Fran-çoise Vadot (Géolab, Clermont-Ferrand) ; Laurent Simon (ex-directeur del’UFR 08 de l’université Paris-I) ; Christiane Prigent (Direction des relationsinternationales de l’université Paris-I) ; les photographes de bord de la

Jeanned’Arc

, messieurs Briantais et Cottais, ainsi que le pilote de l’hélicoptère ÉricLacambre ; Josette Duprat ; Jérôme Fournier pour la détermination des bioclas-tes ; Jean-Philippe Bonté pour les analyses géochimiques ; Martine Trautmannpour les analyses au granulomètre laser ; les bénévoles de Planet Risk ; SamuelÉtienne ; Attila Ciner ; Higman Bretwood ; tous les traducteurs et interprètes enindonésien ou en anglais : Emma Lavigne, Heather Gunnell, Danang Sri Had-moko, Cyril Bernard (Géolab) pour la gestion du site web de Tsunarisque(www.tsunarisque.cnrs.fr).

Ce travail a pu bénéficier de l’expérience et de conseils de chercheurs expéri-mentés que nous tenons à saluer, notamment Kerry Shieh (CALTECH), lesmembres de la Société française de statistique, Medhi Adjeroud, Michel LePichon et Bernard Salvat (EPHE Perpignan) pour leurs commentaires sur lesblocs de corail.

Nous remercions également toutes les personnes ayant permis d’améliorerla qualité rédactionnelle de cet ouvrage par leurs relectures bénévoles, en parti-culier : Mathilde Baker (université Paris-I), Muriel Charras (Centre Asie duSud-Est), Jean-Claude Thouret (université Blaise-Pascal), Hervé Regnauld(université de Rennes), Stéphane Cartier (laboratoire de géophysique interne etde tectonophysique), Greg Bankoff (The University of Auckland), Pierre Pechet Jean-Louis Chaléard (université Paris-I), Emmanuel Parent pour la mise enpage du rapport préliminaire.

Un grand merci à nos partenaires indonésiens de l’université Gadjah Madaet de l’Indonesian Meteorological and Geophysical Agency, qui furent lespiliers de nos études sur le terrain ; aux ONG indonésiennes Yayasan LeuserInternasional, Tikar Pandan, GeRAK et Forum LSM Aceh pour leurs précieu-ses informations ; et enfin aux habitants de Banda Aceh pour leurs témoigna-ges, récoltés dans la douleur, mais qui furent fondamentaux pour la réalisationde ce travail.

Nous dédions enfin ce livre à notre regretté Rino Cahyadi, étudiant de lafaculté de géographie de l’université Gadjah Mada à Yogyakarta, qui nous quittabrusquement en 2007 dans un tragique accident de bateau en Thaïlande.

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AVANT-PROPOS

7

Rino Cahyadi Srijaya Giyanto

Après de brillantes études de géographie à l’univer-sité Gadjah Mada de Yogyakarta, Rino venait d’ache-ver un master 2

Geo-Information for Spatial Planningand Disaster Risk Management

, en collaborationavec le Department of Applied Earth Science ITC àEnschede (Pays-Bas). Il disparaît alors qu’il venaitd’obtenir une bourse de thèse au Japon.Jeune marié et père d’un bébé de quelques mois, Rinoaurait eu 25 ans le 13 février 2008.Que cet ouvrage puisse conserver sa mémoire.

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Introduction

Franck L

AVIGNE

et Raphaël P

ARIS

1. Le tsunami du 26 décembre 2004 dans son contexte scientifique

1 . 1 . L ’ I n d o n é s i e e s t u n d e s p a y s l e s p l u s t o u c h é s p a r l e s t s u n a m i s

Un tsunami est une onde marine exceptionnelle qui, en s’approchant descôtes, s’exprime par des vagues de très haute énergie et une inondation deszones côtières. Le terme est dérivé d’un mot japonais qui signifie « vagueportuaire » (

harbor wave

). D’autres appellations ont été utilisées, telles que« vague marine sismique » (

seismic sea wave

), les séismes étant la premièrecause de tsunami (82,3 %). Les côtes proches des zones de convergence deplaques, et particulièrement les arcs insulaires, sont donc les plus exposées(Fig. 1 et 2) : Chili et Pérou (1570, 1746, 1868, 1960), Japon (plus de 330 tsu-namis répertoriés par la NOAA depuis l’an 684), Caraïbes (127 tsunamis dont 80clairement avérés et plus de 3 000 victimes depuis 1498, d’après O’Loughlin& Lander, 2003), Indonésie (11 tsunamis ayant entraîné des pertes humainesdepuis 1965, 235 tsunamis durant les 4 derniers siècles), Kamtchatka et Kouriles(124 tsunamis entre 1737 et 1990, dont 15 ayant traversé une partie du Pacifique,

FIG. 1. Carte des sources potentielles de tsunami dans le monde.

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12

TSUNARISQUE

d’après Gusiakov & Osipova, 1993). En termes de risque, les côtes les plusvulnérables sont celles alliant l’aléa de tsunami à de fortes densités de popu-lation et d’infrastructures économiques (Fig. 1). Le total des victimes detsunamis depuis 450 ans s’élève désormais à environ 491 000, dont 130 000au Japon et 221 000 en Indonésie (statistiques fournies par le National Geo-physical Data Center, NOAA).

La propagation des ondes de tsunamis sur de longues distances affecte aussides secteurs où la sismicité est faible, comme les îles du Pacifique (Hawaii, Poly-nésie) et la côte est de l’Australie. Certes moins menacées en termes de récur-rence, les côtes européennes situées à proximité des principales failles marquantla limite entre les plaques africaine et eurasiatique ne sont pas épargnées,comme l’atteste le tsunami de Lisbonne en 1755 (environ 90 000 morts). Lesglissements de terrain et éruptions volcaniques peuvent aussi générer des tsu-namis destructeurs (ex. éruption tsunamigénique du Krakatau en 1883, enIndonésie). Les tsunamis de forte intensité engendrent donc des catastrophes àl’échelle régionale, voire transocéanique. Ainsi, le tsunami de décembre 2004,généré par un puissant séisme de magnitude 9.3 à une centaine de kilomètres àl’ouest de Sumatra, s’est-il propagé à la fois vers le nord et la mer d’Andaman(faisant plus de 5 000 victimes en Thaïlande deux heures après le séisme), etdans l’océan Indien, frappant successivement le Sri Lanka au bout de 2 heures

FIG. 2. Carte des tsunamis répertoriés depuis 2 000 ans et des principales régions vulnérables

(1 : golfe du Bengale ; 2 : Indonésie ; 3 : Philippines ; 4 : Japon ; 5 : nord de la Nouvelle-Zélande ;6 : Hawaii ; 7 : côtes du Washington et de la Californie ; 8 : Amérique centrale ; 9 : Pérou ; 10 :Chili central ; 11 : Antilles ; 12 : Bassin oriental de la Méditerranée).

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INTRODUCTION

13

de propagation (31 000 morts), puis l’Inde en moins de 3 heures (11 000 morts)et enfin les côtes africaines 9 heures plus tard (240 morts en Somalie, pays afri-cain le plus touché, à 5 700 km de l’épicentre).

Près de 75 % des littoraux indonésiens sont exposés aux tsunamis, soit12 000 km de côtes. Avant le dramatique tsunami du 26 décembre 2004 dansl’océan Indien (au moins 180 000 morts et disparus pour l’Indonésie), les tsuna-mis avaient déjà entraîné la mort de plus de 130 000 personnes en Indonésie,dont 19 000 au cours du

XX

siècle. Durant les 4 derniers siècles, les côtes indo-nésiennes auraient subi quelque 250 tsunamis (145 de ces événements étantplus particulièrement attestés et documentés), soit une moyenne d’environ60 tsunamis par siècle (63 au

XX

siècle, 52 au

XIX

siècle et déjà 10 pour le

XXI

siè-cle). Au moins 35 % de ces tsunamis ont été meurtriers.

L’archipel indonésien s’étire d’ouest en est sur plus de 5 000 km, entre leslatitudes 6° N et 10° S, à la charnière entre trois grandes plaques tectoniques.Globalement, les plaques australienne au sud et pacifique à l’est s’enfoncent sousla plaque eurasiatique (sur laquelle reposent presque toutes les îles). Ce schéma,très général, se complique lorsqu’on considère les nombreux accidents tecto-niques secondaires, également sources de séismes tsunamigéniques, et qui scin-dent l’archipel en blocs (on parle aussi de microplaques). Les zones sismiques

TAB. 1. Principaux tsunamis répertoriés en Indonésie depuis 1900.

Année Localisation Magnitude Runup (m) Victimes1907 Ouest Sumatra 7.4 4001917 Nord Bali 6.5 15 0001918 Nord Sulawesi 8.2 12 1021927 Ouest Sulawesi 6.0 15 501928 Ouest Sulawesi 10 1281965 Buru, Moluques 7,5 4 711967 Sud Sulawesi 5,8 581968 Ouest Sulawesi 7,5 10 2001969 Sud-ouest Sulawesi 6,9 641977 Sumba 8.3 15 1891979 Nord Flores 10 5391992 Est Flores 7,5 26 1 9601994 Sud-Est Java 6,8 14 2381996 Biak, Irian Jaya 8.0 7 1102004 Nord-ouest Sumatra 9.3 > 30 180 0002006 Sud Java 7.7 15 7232010 Ouest Sumatra 7.7 8,8 > 500

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14

TSUNARISQUE

sources de tsunamis sont donc proches des côtes, ce qui rend délicate la mise enplace de politiques de réduction des risques. De plus, les nombreux volcans pro-ches des côtes représentent des sources potentielles de tsunamis, également trèsdifficiles à prévoir. Ces édifices volcaniques sont par définition instables et peu-vent générer des tsunamis, sans être forcément actifs. L’éruption du Krakatau,dans le détroit de la Sonde en 1883, avait provoqué plusieurs tsunamis en quel-ques heures, causant la mort de 36 000 personnes à Sumatra et Java.

1 . 2 . Q u e l q u e s r a p p e l s s u r l e s c a r a c t é r i s t i q u e s h y d r o l o g i q u e s d e s t s u n a m i s

Les caractéristiques hydrologiques des tsunamis dépendent du phénomène lesinitiant, de la profondeur du plancher océanique et de la morphologie côtière. Lestermes utilisés pour décrire les caractéristiques hydrologiques des vagues océani-ques sont applicables aux tsunamis. Ainsi, la longueur d’onde désigne la distanceentre deux crêtes successives. Elle est en moyenne de 100 m pour les vagues océa-niques mais peut dépasser 200 km pour les ondes d’un tsunami. L’amplitude cor-respond à la dénivellation entre la crête et le niveau normal de la mer. En pleinemer, elle reste généralement faible (< 1 m). Les ondes de tsunamis se propagent enpleine mer à des vitesses de plusieurs centaines de km/h (180 km/h pour le tsu-nami du 2 septembre 1992 au Nicaragua, 800 km/h pour le tsunami du 1

er

 avril1946 entre l’Alaska et Hawaï, 800-900 km/h pour le tsunami du 26 décembre2004 dans l’océan Indien). La vitesse de propagation augmente avec la puissancede l’impulsion initiale (origine du tsunami) et avec la profondeur d’eau, maisdiminue avec la rugosité du fond. Les tsunamis sont donc freinés brutalement dèsqu’ils atteignent la plate-forme continentale, d’où une augmentation très forte del’amplitude de la vague au contact avec la côte (Fig. 3). Il se produit alors un

FIG. 3. Diminution de la longueur d’onde et de la vitesse de propagation d’un tsunami en fonction de la profondeur d’eau.

50 m

4 000 mProfondeur

(m)

4 0002 000

2005010

Vitesse(km/h)

7105001608035

Longueur d’onde(km)

210150502510

20 km

200 km

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INTRODUCTION

15

transfert entre l’énergie cinétique déclinante et l’énergie potentielle grandis-sante. Des modalités de ce transfert dépendent les caractéristiques du tsunamià la côte, sa propagation dans les terres et sa capacité destructrice.

Les tsunamis sont classés en fonction de leur magnitude, qui correspond àl’énergie totale libérée par le tsunami. Plusieurs échelles de magnitude sont uti-lisées. Celle introduite par Imamura (1942) et développée par Iida (1956) est laplus simple et la plus pratique, mais elle ne prend pas en compte l’extension spa-tiale des tsunamis. Les six niveaux de magnitude (m) sont calculés à partir dulogarithme (en base 2) de la hauteur maximum de la vague principale à la côte(Hmax) : m = log2H

max

. D’après les premières estimations de hauteur desvagues, le tsunami du 26 décembre 2004 fut de magnitude 2 au Sri Lanka, enThaïlande et en Inde, et de magnitude 3 à 4 sur la côte nord-ouest de Sumatra,située entre 50 et 250 km de l’épicentre.

1 . 3 . L ’ i m p a c t e n v i r o n n e m e n t a l d e s t s u n a m i s

L’impact d’un tsunami sur l’environnement est à la fois d’ordre géomorpho-logique, hydrologique et biologique. Le rôle des événements catastrophiques,comme les tsunamis, les ouragans et les tempêtes, dans l’évolution morphologi-que et sédimentaire des milieux côtiers est un thème de plus en plus abordé dansla littérature scientifique (Dawson, 1994 ; Bryant

et al.

, 1996 ; Felton & Crook,2003 ; Scheffers & Kelletat, 2003 ; Nott, 2004). Les grands tsunamis engendrentdes crises géomorphologiques majeures car ils impliquent en quelques minutesune érosion côtière localement très accentuée (abrasion des platiers, érosion desfalaises, recul des plages), une mobilisation et un dépôt dans les terres de sédi-ments sous-marins et littoraux. Cet impact s’étend sur plusieurs centaines dekilomètres de côtes et jusqu’à plusieurs kilomètres dans les terres, dévastantainsi plusieurs centaines de km

2

. Beaucoup de travaux ont déjà été réalisés surles dépôts de sables et de blocs associés à d’anciens tsunamis, surtout sur lescôtes proches des frontières de plaques convergentes (Tab. 2). L’identificationet l’analyse de ces dépôts permettent de mieux comprendre les traces sédimen-tologiques laissées par les anciens tsunamis, de reconstituer leur étendue, dedéterminer des intervalles de récurrence des séismes et d’estimer les risques detsunami à l’échelle locale et régionale. C’est pourquoi les missions scientifiquespost-tsunami sont nécessaires pour établir des liens entre les traces géomorpho-logique et sédimentaire des anciens tsunamis et les processus et formes observésà la suite d’un tsunami (Synolakis & Okal, 2005). De telles investigations, plusou moins complètes, ont été menées lors des tsunamis de 1992 à Florès (Shi

etal.

, 1995 ; Minoura

et al.

, 1997) et au Nicaragua (Bourgeois & Reinhart, 1993 ;Satake

et al.

, 1993), de 1993 à Hokkaido (Nishimura & Miyaji, 1995 ; Sato

et al.

,1995), de 1994 à Java Est (Dawson

et al.

, 1996 ; McSaveney

et al.

, 2000), de 1998en Papouasie Nouvelle-Guinée (Gelfenbaum & Jaffe, 2003) et de 2001 au Pérou

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16

TSUNARISQUE

TAB. 2. Principales publications sur les dépôts de sables et de blocs attribuables à d’anciens tsunamis (antérieurs à 1950). AD : Anno Domini (apr. J.-C.) ;

BP : before present (= 1950) ; ka : milliers d’années.

Pays – région Auteurs* Âge du tsunamiAustralie – côte sud-est Bryant et al. (1996) PléistocèneAustralie – côte sud-est Bryant & Nott (2001) PléistocèneAustralie – Grande Barrière Nott (1997) 2 depuis 1 000 BPCanada – Colombie-Britannique Clague et al. (2000) 7 depuis 3 500 BPCaraïbes – Antilles néerlandaises Scheffers (2004) 3 500, 1 500 et 500 BPCaraïbes – Bahamas Hearty (1997) 120-75 kaCaraïbes – Bahamas Kelletat et al. (2004) 2 entre 3 000 et 500 BPChili – côte nord Cantalamessa & Di Celma (2005) MiocèneChili – côte nord Le Roux et al. (2004) PliocèneChili – synthèse Cisternas et al. (2005) 1575, 1737 et 1837 ADChypre Kelletat & Schellmann (2002) 1700-1750 ADCrète et Turquie Minoura et al. (2000) 3 400 BPEspagne – côte Atlantique Whelan & Kelletat (2005) 1755 AD (Lisbonne)Espagne – îles Canaries Pérez Torrado et al. (2006) 800-700 kaEspagne – synthèse côte sud Luque et al. (2001) 2 300 BPFrance – Polynésie – Tuamotu Bourrouilh-Le Jan & Talandier

(1985)?

France – Polynésie – Tuamotu Harmelin-Vivien & Laboute (1986)

?

Indonésie – détroit de la Sonde Carey et al. (2001) 1883 AD (Krakatau)Italie – côte Ionienne Mastronuzzi & Sansò (2000) 1421-1568 ADItalie – côte sud Massari & D’Alessandro (2000) PléistocèneItalie – Stromboli Tanner & Calvari (2004) 5 000 BP ?Japon – Honshu centre Fujiwara et al. (2000) Holocène et 1923 ADJapon – Honshu centre Shiki & Yamasaki (1996) MiocèneJapon – Honshu centre Takashimizu & Masuda (2000) Pléistocène supérieurJapon – Honshu nord-est Minoura & Nakaya (1991) HolocèneNorvège Bondevik et al. (1997) 7 000 BPNouvelle-Zélande – centre Goff et al. (2004a) XVe siècleNouvelle-Zélande – nord Nichol et al. (2004) 660-510 BPNouvelle-Zélande – nord Regnauld et al. (2004) 5 590-930 BPNouvelle-Zélande – sud Goff et al. (2004b) 1826 ADNouvelle-Zélande – synthèse Goff et al. (2001) Holocène

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INTRODUCTION

17

(Okal

et al.

, 2002 ; Jaffe

et al.

, 2003). Cependant, l’impact géomorphologiquedes tsunamis demeure peu documenté, de même que leur impact sur l’environ-nement en général. Seuls quelques auteurs ont tenté de corréler les dépôts detsunamis avec les formes et processus d’érosion (Andrade, 1992 ; Shi

et al.

,1995 ; Bryant

et al.

, 1996 ; Bondevik

et al.

, 1997 ; Gelfenbaum & Jaffe, 2003).Les effets biologiques des tsunamis sont pour l’instant peu documentés.

L’action mécanique des vagues entraîne des destructions massives au sein desbiocénoses néritiques, intertidales et littorales. Les récifs coralliens sont particu-lièrement sensibles aux tsunamis (ex. Hawaï, Indonésie, Polynésie), en raisonde l’impact mécanique initial et des matières demeurant en suspension plu-sieurs semaines après l’événement. L’incursion d’eau salée dans les terres peutégalement être néfaste pour les cultures et pour certaines espèces ayant résistéau choc (ex. Florès 1992). Les tsunamis récents ayant frappé l’Indonésie (1992et 1994) et la Papouasie-Nouvelle-Guinée (1998) ont montré le rôle protecteurde la mangrove, qui réduit l’impact mécanique des tsunamis ; ce que confir-ment les modèles analogiques (BPPT, 2004). Or, dans de nombreux pays d’Asiedu Sud-Est, l’anthropisation galopante et la pression agricole menacent lesmangroves du fait de l’exploitation de leurs ressources (bois de palétuvier), del’augmentation des apports turbides liée à l’érosion accélérée des versantsdéboisés, et de l’implantation d’aquacultures (ex. crevettes). Dans de nombreu-ses régions, les marais maritimes ont été asséchés et poldérisés, et la mangrove alaissé place à de nouvelles terres agricoles, industrielles ou urbaines (ex. littoralde Banda Aceh, Sumatra). Enfin, le tsunami du Japon en février 2011 a drama-tiquement illustré les risques secondaires liés aux activités industrielles à risque(ex. centrale nucléaires) et aux pollutions qui en découlent.

* Publications avant 2006

Pays – région Auteurs* Âge du tsunamiPortugal – Algarve Andrade (1992) 1755 AD (Lisbonne)Portugal – Algarve Dawson et al. (1995) 1755 AD (Lisbonne)Portugal – Algarve Hindson et al. (1996) 1755 AD (Lisbonne)Royaume-Uni – Écosse Dawson & Smith (2000) 7 600-7 200 BPRoyaume-Uni – îles Shetland Bondevik et al. (2005) 3 entre 8 000-1 500 BPUSA – Hawaii – Lanai Moore & Moore (1984) 110 kaUSA – Hawaii – Molokai Moore et al. (1994) 240-200 kaUSA – Hawaii – Oahu Noormets et al. (2002) 1946 ADUSA – État de Washington Atwater (1987) HolocèneUSA – État de Washington Shennan et al. (1996) 8 depuis 5 000 BPUSA – État de Washington Williams et al. (2005) 9 depuis 2 500 BP

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18 TSUNARISQUE

1 . 4 . É t a t d e s l i e u x s u r l a p r é v i s i o n e t l a p r é v e n t i o n d e s t s u n a m i s

Malgré les catastrophes retentissantes du XIXe siècle (36 000 morts au Kra-katau en 1883 et 26 000 à Honshu en 1896), il faudra attendre la seconde moitiédu XXe siècle pour voir apparaître des publications scientifiques sur les tsuna-mis, sous l’impulsion des Japonais. Les tsunamis majeurs de ces dernièresannées (Nicaragua 1992, Flores 1992, Java 1994, Papouasie-Nouvelle-Guinée1998, océan Indien 2004) ont eu un impact médiatique et scientifique impor-tant. Le Japon fait figure de leader, à la fois en matière de modélisation des tsu-namis, de prévision et de protection des zones exposées. Seule l’aire Pacifiquebénéficie actuellement d’un réseau de surveillance international. Les tsunamisde Hawaii en 1946 et du Chili en 1960 ont en effet précipité la création del’International Tsunami Warning System (ITWS) et de l’InternationalTsunami Information Center (ITIC), dont l’objectif est de détecter, localiser etdéterminer la magnitude des tsunamis d’origine sismique. Son organisationest basée sur des centres de surveillance régionaux, au rang desquels le PacificTsunami Warning Center (PTWC, 26 États membres) est le plus actif. Cescentres sont administrés par la National Oceanic and Atmospheric Adminis-tration (NOAA, Honolulu) et bénéficient des données sismiques de l’U.S.Geological Survey (USGS). L’intérêt d’une collaboration internationale est decentraliser les données fournies en temps direct par un ensemble de stationssismiques, de marégraphes et un réseau de bouées flottantes détectant lesvariations de la pression de l’eau en profondeur (DART : Deep-Ocean Assess-ment and Reporting on Tsunamis). Les populations vivant à plus de 750 km del’épicentre sont ainsi prévenues 1 heure avant l’arrivée du tsunami. Des systè-mes d’alerte régionaux comme l’Alaska Tsunami Warning Center (ATWC), leFrench Polynesia Tsunami Warning Center (FPWC, Tahiti) ou le TsunamiHazards Reduction Utilizing Systems Technology (THRUST, Valparaiso), ontété mis en place afin de donner l’alerte 10 à 12 minutes après un séisme, pourles populations situées entre 100 et 750 km. Au Japon, le système Ocean Bot-tom Seismograph (OBS) permet de détecter les séismes en pleine mer à l’aidede 180 sismographes, 103 marégraphes (dont 6 sont télémétrés) et de capteursdes variations de pression exercée par l’eau, à 2 200 m et 4 000 m de profon-deur. Pour ce dernier système, les signaux générés par les marées et les signauxparasites qui modifient la pression de l’eau (changements de température) sonteffacés à l’aide de filtres de différentes fréquences. Les données sont transféréespar câble toutes les 20 secondes à des stations de surface, puis par téléphone auTsunami Warning Center de la Japan Meteorological Agency (JMA, Tokyo).Au Japon, un séisme devient tsunamigénique à partir de 7 degrés sur l’échellede Richter. Une magnitude de 7,5 entraîne généralement un tsunami de plu-sieurs mètres d’amplitude. Cas unique au monde, la prévention est fondée surune modélisation numérique spatialisée de la propagation des ondes. À partir

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INTRODUCTION 19

de 4 000 sites de séismes sous-marins potentiels, plus de 100 000 cas scénariosde tsunamis ont été programmés. En cas de séisme, la recherche de la simula-tion la plus proche de la réalité s’effectue en seulement une minute trente. Lespopulations situées à moins de 100 km du séisme sont alertées 2 à 3 minutesavant l’arrivée du tsunami.

Le tsunami de Flores en décembre 1992 a joué un rôle moteur dans la sensi-bilisation des communautés politiques et scientifiques et entraîné une véritableprise de conscience des autorités indonésiennes. Les derniers tsunamis ayantfrappé l’Indonésie (1996, 2004, 2006 et 2010) posent à la fois des problèmesscientifiques (ex. variations des hauteurs de vagues ; nombre de vagues différentsuivant les endroits ; déferlement à la côte ou dans les terres), politiques etsociaux (manque de prévision et de prévention), et environnementaux. Le tsu-nami qui avait touché le sud de Java en 1994 avait déjà révélé des lacunes dans ledomaine de la gestion et de la prévention du risque : télécommunicationsdéfaillantes, voies de communication en mauvais état, manque de matériel des-tiné aux réfugiés, distribution des vivres inégalement répartie, manque de pré-vention envers les populations et manque d’expérience des autorités. L’accent aété mis sur la surveillance sismique. Le réseau de sismographes TREMORS, crééen 1996 et géré par le BMG (Meteorological and Geophysical Agency), est opé-rationnel 24 h/24. La nouvelle du séisme du 26 décembre 2004 a été transmiseinstantanément aux autorités indonésiennes et a été diffusée sur une chaîne detélévision (Metro TV) 5 minutes avant l’arrivée du tsunami sur les côtes deBanda Aceh. L’Indonésie demandait depuis plusieurs années un systèmed’alerte, jugé alors trop coûteux. Mais c’est surtout l’absence de politique de pré-vention auprès des populations et d’aménagements des littoraux qui expliquel’ampleur de la catastrophe. Trente-cinq pour cent des tsunamis ayant touchél’Indonésie ont causé des pertes humaines, contre 15 % seulement au Japon. Lestravaux en matière de modélisation et de cartographie des risques, d’aménage-ment des littoraux et de prévention restent très limités en Indonésie et ne sontpas à la hauteur des risques encourus par ce pays.

1 . 5 . T i r e r l e s e n s e i g n e m e n t s d e l a c a t a s t r o p h e d u 2 6   d é c e m b r e 2 0 0 4

Le tsunami du 26 décembre 2004 a touché une dizaine de pays dont certainssitués à plusieurs milliers de kilomètres de l’épicentre du séisme et causé la mortde plus de 280 000 personnes. C’est le tsunami le plus meurtrier et l'une des catas-trophes les plus meurtrières de tous les temps. L’Indonésie a été le pays le plusaffecté par ce tsunami (180 000 victimes à Sumatra, dégâts chiffrés à 2 milliards dedollars, plus de 300 km de côtes dévastés). Au-delà du retentissement médiatique,cet événement a confirmé un paradoxe crucial en matière de connaissance et deprévention du risque de tsunami : les apports scientifiques sont de plus en plusnombreux et l’explication physique du phénomène progresse sans cesse, alors

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20 TSUNARISQUE

que les politiques de prévention sont la plupart du temps dérisoires et très inégalessuivant les pays. Par ailleurs, les effets du tsunami sur la côte ouest de Sumatra,notamment l’impact géomorphologique, la destruction des écosystèmes (récifscoralliens, mangroves) et des cultures, ont mis en évidence le fait que la vulnéra-bilité n’est pas seulement socio-économique, mais aussi environnementale.

En tirant les enseignements de la catastrophe du 26 décembre 2004, uneréponse de la communauté scientifique s’imposait, en démontrant l’intérêtd’une collaboration franco-indonésienne et d’une approche pluridisciplinairedes tsunamis pour les futurs travaux d’évaluation et de prévention des risques.Les objectifs du programme Tsunarisque répondent ainsi aux besoins et auxlacunes révélés par le tsunami du 26 décembre 2004 en croisant les approchesscientifiques, pédagogiques et opérationnelles en matière de prévention desrisques.

2. Naissance du programme et mise en place de l’équipe de Tsunarisque2 . 1 . L e s p r é m i c e s d u p r o g r a m m e a v a n t m ê m e l e t s u n a m i d e 2 0 0 4

Le consortium franco-indonésien Tsunarisque est né de la volonté d’allierles activités de recherche, de formation et de prévention des tsunamis en Indo-nésie, ceci quelques mois avant la catastrophe du 26 décembre 2004. L’idée detravailler sur les tsunamis en Indonésie est initialement née de discussions ausein du laboratoire de géographie physique (LGP) de Meudon entre les deuxfuturs responsables du programme, Franck Lavigne et Raphaël Paris. Le pre-mier est spécialisé dans les risques naturels en Indonésie, tandis que le second atravaillé dans les tsunamis aux Canaries dans le cadre de sa thèse de doctorat.L’idée initiale s’oriente sur 3 points :

– l’étude des dépôts de tsunamis, en particulier ceux liés à l’éruption du volcanTambora à Sumbawa en 1815, qui fut la plus grosse éruption volcanique des500 dernières années ;

– la cartographie de l’aléa et des risques par modélisation numérique sur lacôte sud de Java, en particulier dans l’agglomération et le port de Cilacap.L’équipe prend alors contact début 2004 avec H. Hébert du CEA qui estséduite par le projet et accepte d’y participer ;

– la prévention des risques par l’information des populations côtières. L’asso-ciation Planet Risk (représentée par sa présidente J. Morin), qui œuvre pource type d’actions, est partie prenante pour collaborer à ce projet.L’ossature initiale de la future équipe Tsunarisque étant née, une partie de

ses membres effectuent une première mission de repérage mi-décembre 2004,soit une dizaine de jours avant la catastrophe du 26 décembre. Les principauxresponsables indonésiens impliqués dans la recherche sur les tsunamis ou dansla prévention des risques (BMG, ITB UGM) se sont rencontrés et acceptent decollaborer à ce projet, sans se douter alors de la suite tragique des événements.

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INTRODUCTION 21

2 . 2 . L e s m i s s i o n s d e r e c o n n a i s s a n c e j u s t e a p r è s l e t s u n a m i

Trois semaines après la catastrophe du 26 décembre 2004, F. Lavigne etR. Paris effectuent une première mission de reconnaissance à Aceh dans lecadre d’une mission internationale ITST (International Tsunami SurveyTeam), du 19 au 29 janvier 2005, coordonnée par l’UNESCO à Hawaii (LauraKong). Cette mission comprenait des chercheurs japonais, américains etindonésiens. Elle avait permis de commencer une campagne de mesures(hauteurs et orientations des vagues) et d’entretiens visant à reconstituer defaçon grossière le déroulement de la catastrophe et à jeter les bases de l’étudeplus complète présentée dans Tsunarisque. Quelques semaines plus tard, àl’invitation de Mme Alliot-Marie, ministre de la Défense, et avec l’appui de laMarine nationale, P. Wassmer procède à plusieurs repérages aériens sur lacôte sud d’Aceh (région de Meulaboh) à partir du porte-hélicoptère Jeanned’Arc.

2 . 3 . L a m i s e e n p l a c e d e l ’ é q u i p e T s u n a r i s q u e

À l’issue de ces missions de repérage, l’équipe de Tsunarisque se renforceavec l’arrivée de l’équipe montpelliéraine de GESTER pour l’étude des domma-ges et des problèmes de reconstruction, puis celle de J-C. Gaillard (université deGrenoble) pour l’étude des aspects culturels. Au total, le projet TSUNARISQUEévolue vers un véritable consortium franco-indonésien à vocation pluridiscipli-naire associant :

– 4 universités françaises (Paris-I, Clermont-II, Paris-VII, Grenoble-I) et4 UMR (Unités mixtes de recherche) du CNRS (LGP, Géolab, Prodig, Terri-toires) ;

– un organisme public français de recherche et de prévention des risques(CEA) ;

– une association loi 1901 française (Planet Risk) ;– une université indonésienne associée à un centre de recherche (UGM) ;– un organisme public indonésien de recherche et de prévention des risques

(BMG).Un gros projet est soumis et accepté en mai 2005 par la Délégation pour

l’aide aux pays touchés par le tsunami (DIPT) avec le soutien de l’ambassadede France en Indonésie. Le budget alloué permet d’investir dans du matérielde mesure performant – dont une grosse partie offerte à nos partenaires indo-nésiens d’UGM et du BMG –, puis d’effectuer 5 missions de terrain d’unequinzaine de personnes en moyenne, d’août 2005 à février 2006 (comptesrendus et bases de données en français, anglais et indonésien disponibles surle site Web de Tsunarisque : http://www.tsunarisque.cnrs.fr). L’ensemble desmembres ayant participé au programme, avec leurs coordonnées, figure enfin d’ouvrage.

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22 TSUNARISQUE

3. Objectifs et méthodologie pour une étude intégrée des risques de tsunamis

L’objectif du projet Tsunarisque s’oriente autour de 4 grands axes :– la reconstitution du tsunami du 26 décembre 2004 dans la région de Banda

Aceh ;– l’étude et la cartographie des impacts environnementaux, économiques,

sociaux et culturels du tsunami ;– la modélisation et la cartographie des risques de tsunamis en Indonésie ;– des actions spécifiques de prévention auprès des populations (sensibilisa-

tion aux risques).L’organigramme du programme (Fig. 4) souligne la volonté de combiner

des missions de terrain et une modélisation numérique dans le but d’améliorerles modèles hydrauliques existants pour mieux comprendre l’impact d’un tsu-nami à la côte et dans les terres, et proposer une cartographique de l’aléa et durisque le long de la côte.

Le premier chapitre de cet ouvrage est consacré à la reconstitution du tsunamidans toute sa complexité. Il vise à montrer l’intérêt d’associer quatre approches,qui sont le plus souvent utilisées par des chercheurs de disciplines différentes :

– la télédétection, grâce à des photographies aériennes détaillées et des imagessatellites à haute résolution ;

FIG. 4. Méthodologie globale du programme Tsunarisque.

Reconstitution du tsunami

– Chronologie des événements – Hauteurs de vagues et run ups – Direction du flux à terreImpact environnemental

– Érosion des côtes – Dépôts de sédiments à terre – Qualité des sols et de l’eau

Impact socioculturel

– Réponse des populations– Rôle des facteurs ethniques– Dommage au bâti

Modélisations numérique

et géostatistique

MNTterre-mer

Cartographie de l’aléa

tsunami

Cartographie des risques

Prévention des risques

calibrations

Vu

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bilit

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Vu

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comparaison comparaison

échelle régionale échelle locale

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INTRODUCTION 23

– les relevés de terrain, effectués à l’aide d’outils perfectionnés (topographie,bathymétrie, hauteurs de vagues, orientations, analyse des destructions, etc.)le plus souvent par des géomorphologues ;

– les enquêtes auprès des survivants du tsunami, approche plus géographique,d’un intérêt majeur pour reconstituer une chronologie précise de l’événe-ment ;

– des modélisations, qu’elles soient numériques ou statistiques.L’étude chronologique et la reconstitution détaillée de la catastrophe a été

réalisée en premier lieu à partir des données récoltées sur le terrain lors des4 missions de 2005 (Lavigne et al., p. 27). La deuxième contribution proposeune modélisation géostatistique originale des directions de vagues – à partir desrelevés de terrain – par le code FlowDGeos (Grancher et al., p. 49), une appro-che complémentaire de la modélisation numérique, présentée dans le troisièmearticle (Hébert et al., p. 59), qui est confrontée aux données de terrain. Lesapports et les limites de la modélisation sont ainsi mis en valeur. Dans le qua-trième article, nous présentons une analyse spatiale des dommages au bâti àBanda Aceh. Cette étude a permis de mettre en place la première échelled’intensité des tsunamis à partir de fonctions de pertes, qui ont pour objectifl’élaboration de scénarios de risque tsunami (Leone et al., p. 77).

Les travaux présentés dans le chapitre 2 viennent combler des lacunesconcernant la connaissance de l’impact environnemental des grands tsunamis,notamment de leur impact géomorphologique. La première contribution traitedes formes d’érosion engendrées par le tsunami et de l’estimation du recul dutrait de côte et des volumes emportés à Lhok Nga, baie située à l’ouest de BandaAceh, à partir de relevés de terrain et d’images satellites (Paris et al., p. 99).L’érosion engendrée par le tsunami a alimenté une sédimentation sous la formede dépôts sableux, qui sont étudiés en détail par Paris et al. (p. 111). Une troi-sième contribution se concentre sur des dunes érodées par le tsunami et lesdépôts de sable à partir de relevés au radar géologique, cet outil n’ayant jamaisété utilisé auparavant sur des formes d’érosion et de dépôts associés à un tsu-nami (Gomez et al., p. 127). La contribution suivante se focalise sur l’accumula-tion de blocs parfois plurimétriques déposés par le tsunami dans le même sec-teur de Lhok Nga (Barthomeuf et al., p. 137). Les aspects géomorphologiquessont abordés également sur la côte nord-est de Banda Aceh, où Wassmer et al.(p. 145) envisagent les transferts sédimentaires associés au tsunami sur l’instan-tané, mais aussi durant les mois qui ont suivi le tsunami. Enfin, un dernier arti-cle traite de l’impact du tsunami sur la qualité des sols et des eaux phréatiques(Sartohadi et al., p. 163).

L’impact économique, social et culturel des plus grands tsunamis peut se tra-duire par l’anéantissement de sociétés organisées à l’échelle régionale, commecela s’est produit dans le passé en Méditerranée (Santorin) et probablement enIndonésie. L’intérêt économique d’un site, à l’échelle vivrière ou industrielle,

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exposé au risque conditionne en partie la rapidité de sa recolonisation post-tsu-nami et de la reconstruction d’infrastructures, à l’instar des cultures fertilesimplantées sur les cendres volcaniques en Indonésie ou aux Philippines. Mais lesfacteurs ethniques et culturels entrent aussi en jeu dans la réponse des popula-tions face aux risques, comme le montre le premier article du chapitre 3 (Gaillardet al., p. 177). Au lourd bilan de la catastrophe s’ajoute la situation de la provinced’Aceh, appauvrie et socialement affaiblie par des années de conflit armé, vivantencore dans l’état d’urgence civil au moment de la catastrophe. Si le contextepolitique et socio-économique a influencé la réponse des populations à la catas-trophe, il a aussi conditionné la gestion de l’urgence et de la reconstruction (voirClavé et al., p. 199, et Cattedra et al., p. 213). Les enjeux et modalités spatiales dela reconstruction post-tsunami sont ensuite abordés à travers 4 axes d’évalua-tion (Vinet et al., p. 233) : la mise en évidence des structures territoriales de lareconstruction à l’échelle locale, la question foncière, la prise en compte desaléas naturels et l’adéquation des programmes de reconstruction. Enfin, unultime article (Morin et al., p. 271) fait état des actions préventives menées parl’association Planet Risk sur la côte sud de Java, également menacée par lestsunamis. Ces actions s’inspirent des enseignements tirés par les articlesprécédents et reposent sur la réalisation d’un film de prévention, de posters etde brochures diffusés dans le cadre d’une exposition itinérante et d’un centrepermanent de sensibilisation aux tsunamis.

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