Sens & écran (2)Marc Jahjah - Licence 3 « Communication et multimédia » Université de Haute-Alsace

Aujourd’hui

✤ Comment percevait-on autrefois ?

✤ Comment a émergé une « conscience de soi » ?

✤ Une affaire historique et culturelle…

Plan

1. La hiérarchie des sens

2. Se sentir, s’éprouver : une longue conquête

A. Jusqu’au 18ème siècle, des frémissements

B. Les lumières et le sentiment de l’existence

C. Le 19ème siècle et l’invention des sens internes

D. Le 20ème siècle et le triomphe du psychologique

1. La hiérarchie des sens

Source : https://www.youtube.com/watch?v=PIkpwP_o6lw

✤ Exemple de l’odorat

✤ Il peut être trompé dans notre société…Mais il est un critère de véracité dans d’autres !

✤ La vue : dans notre société indicateur de vérité (« je ne crois que ce je vois », Saint-Thomas d’Aquin)

✤ L’odorat et les autres sens : ils peuvent être trompés

✤ Hiérarchie des sens depuis des siècles…voire une passion pour l’oeil et l’oreille !

✤ Des transformations mais des continuités

1. La hiérarchie des sens

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (A) jusqu’au 18ème siècle, des frémissements

✤ La lente conscience de soi

• XII-XIIIème : développement de la confession au XIIème s et introspection des marchands du MA

• 14ème : une nouvelle intimité avec Pétrarque

• 15ème : lectures démultipliées avec l’imprimerie

• 16ème : le « moi » devient un objet d’étude

• 17ème : étude philosophique de l’âme

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (A) jusqu’au 18ème siècle, des frémissements

✤ Mais l’étude de soi est encore l’étude de la pensée

✤ Conception des sens : ils sont « externes »

• Rôle des sens : informer le corps des dangers

• Métaphore de la « forteresse » : les sens-sentinelles

• Conséquence : attention limitée aux sensations internes

• Maladies mentales : signes de la présence du diable

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (A) jusqu’au 18ème siècle, des frémissements

✤ Exemple de la lycanthropie

✤ Une conception (possession par une force extérieure) uniquement représentée dans la fiction aujourd’hui

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (B) Les lumières et le sentiment de l’existence

✤ XVIIIème siècle : la connaissance vient de la perception (« je sentis avant de penser », Rousseau)

✤ Philosophie empirique

• L’exemple de l’aveugle recouvrant la vue

• Valorisation d’un sens intime, interne

• Invention du « Soi » (Diderot)

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (B) Les lumières et le sentiment de l’existence

✤ Un univers émerge : l’univers intérieur

• De petits indices (malaises, etc.) qui ont leur place et ne sont plus méprisés (conséquences : on est plus malade)

• Besoin de métaphores pour décrire ce nouvel univers : la découverte de l’électricité sert de modèle

• Un univers «   sympathique   » : il permet paradoxalement de se mettre au contact des autres

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (B) Les lumières et le sentiment de l’existence

✤ L’univers extérieur : il a des effets sur l’intérieur

• Il agit sur le corps : « étouffement » parisien

• Les sens donnent accès à l’univers social (exemple des premières pages de Le Parfum de Süskind)

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (B) Les lumières et le sentiment de l’existence

«  A l’époque dont nous parlons, il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable pour les modernes que nous sommes. Les rues puaient le fumier, les arrière-cours puaient l’urine, les cages d’escalier puaient le bois moisi et la crotte de rat, les cuisines le chou pourri et la graisse de mouton  ; les pièces d’habitation mal aérées puaient la poussière renfermée, les chambres à coucher puaient les draps graisseux, les courtepointes moites et le remugle âcre des pots de chambre. Les cheminées crachaient une puanteur de soufre, les tanneries la puanteur de leurs bains corrosifs, et les abattoirs la puanteur du sang caillé. Les gens puaient la sueur et les vêtements non lavés   ; leurs bouches puaient les dents gâtées, leurs estomacs puaient le jus d’oignons, et leurs corps, dès qu’ils n’étaient plus tout jeunes, puaient le vieux fromage et le lait aigre et les tumeurs éruptives. Les rivières puaient, les places puaient, les églises puaient, cela puait sous les ponts et dans les palais. Le paysan puait comme le prêtre, le compagnon tout comme l’épouse de son maître artisan, la noblesse puait du haut jusqu’en bas, et le roi lui-même puait, il puait comme un fauve, et la reine comme une vieille chèvre, été comme hiver. Car en ce XVIIIe siècle, l’activité délétère des bactéries ne rencontrait encore aucune limite, aussi n’y avait-il aucune activité humaine, qu’elle fût constructive ou destructive, aucune manifestation de la vie en germe ou bien à son déclin, qui ne fût accompagnée de puanteur. »

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (C) Le 19ème siècle et l’invention des sens internes

✤ Le rôle de la médecine

• L’écoute objective du corps

• La parole donnée au patient

✤ Inventions et développement

• Journal intime : une passion d’intériorité

• La cénesthésie : s’éprouver unitairement

• Synesthésie : tout se répond

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (C) L’invention des sens internes

✤ Expérience des états extrêmes : drogue, rêves, folies

✤ Le rêve : un terrain de découvertes

✤ Opium et hachich : des expériences sur soi

✤ La folie : prise au sérieux

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (C) L’invention des sens internes

Source : https://www.youtube.com/watch?v=xKxEhVN1eEk&t=24s

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (D) le 20ème siècle et le triomphe de la conscience corporelle

✤ En 150 ans : naissance d’un corps habité

✤ Triomphe du psychologique

2.Se sentir, s’éprouver, se reconnaître : une longue conquête (D) le 20ème siècle et le triomphe de la conscience corporelle

«  J’appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l’oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance. Je frottais une allumette pour regarder ma montre. Bientôt minuit. C’est l’instant où le malade qui a été obligé de partir en voyage et a dû coucher dans un hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour. Quel bonheur ! c’est déjà le matin ! Dans un moment les domestiques seront levés, il pourra sonner, on viendra lui porter secours. L’espérance d’être soulagé lui donne du courage pour souffrir. Justement il a cru entendre des pas ; les pas se rapprochent, puis s’éloignent. Et la raie de jour qui était sous sa porte a disparu. C’est minuit ; on vient d’éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit à souffrir sans remède.  » (Proust, À la recherche du temps perdu, tome 1, Du Côté de chez Swann, 1913)

Bilan

✤ Ce qui nous semble évident (parler de soi, être triste, etc.) a fait l’objet d’une élaboration historique

✤ Comment ressent-on aujourd’hui ?