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** Année 1949. 83 C. R. Le Numéro : 5 francs. Vendredi 9 Décembre 1949. * * JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉBATS P ARLEM ENTAIRES CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE COMPTE RENDU IN EXTENSO DES SÉANCES QUESTIONS ÉCRITES ET RÉPONSES DES MINISTRES A CES QUESTIONS Abonnements à l'Édition des DÉBATS DU CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE : MÉTROPOLE ET PRATCE JD'O CTHE-MER : 500 fr. ; ÉTnAsrGER : 1.400 fr. ( Compte chèque postal ; 100.97,Paris.) PRIÈRE DE JOINDRE LA DERNIÈRE BANDE aux renouvellements et réclamations DIRECTION, RÉDACTION ET ADMINISTRATION QUAI VOLTAIRE, V» 31. PARIS- 7« POUR LES CHANGEMENTS D' ADRESSE AJOUTER ±5 FRANCS SESSION DE 1949 COMPTE RENDU IN EXTENSO 81 ° SÉANCE Séance du Jeudi 8 Décembre 1949. SOMMAIRE 1 1. Procès-verbal. 2. Transmission de projets de loi. 3. — Transmission de propositions de loi. 4. Dépôt de rapports. 5. »— Dépôt d'une question orale avec débat. 6. Mission d'études aux îles Kerguelen et Crozet. Adoption d'un avis sur un projet de loi. Discussion générale : MM. Saller, rappor teur de la commission des finances; lïan- cesohi. Passage à la discussion des articles. Adoption des articles Ie* et 2 et de l'en semble de l'avis sur le projet de loi. 7. Crédits pour la sixième session des mi nistres des affaires étrangères. Adoption d'un avis sur un projet de loi. Discussion générale: M. Bolifraud, rappor- teur de la commission des finances. Passage à la discussion des articles. Adoption des articles 1er et 2 et de l'en semble de l'avis sur le projet de loi. 8. Politique française à l'égard de l'Alle magne et on Europe. Discussion d'une question orale avec débat. Discussion générale : MM. Michel Debré, Berlioz. 9. Congé. 10. Politique française à l'égard de l'Alle magne et en Europe. Suite de la discus sion d'une question orale avec débat. Suite de la discussion générale : MM. Kalb, Robert Schuman, ministre des affaires étrangères; Jean Maroger, Marcel Plaisant, président de la commission des affaires étrangères; Marius Moutet, Léo Hamon, Westphal, Brizard. Georges Pernot, Charles Morel, le général Petit, Georges Bidault, président du conseil. Proposition de résolution de M. Michel Debré. MM. Michel Debré, le ministre, Carcassonne, Pierre de Gaulle, Léo Hamon, Marrane, Mathieu. Adoption. 11. Dépôt de propositions de résolution. 12. Dépôt d'un rapport. 13. Propositions de la conférence des pré sidents. 14. Règlement de l'ordre du jour. PRÉSIDENCE DE M. GASTON MONNERVILLE La séance est ouverte à quinze heures trente minutes. 1 ' PROCÈS-VERBAL M. le président. Le procès-verbal de la séance du mardi 6 décembre a été affkhé et distribué. Il n'y a pas d'obseYvation ? Le procès-verbal est adopté. 2 TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI M. le président. J'ai reçu de M. le prési dent de l'Assemblée nationale un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale,- autorisant la concession de la construction et de l'exploitation des ouvrages destinés à l'utilisation des forces hydrauliques du Rhin et à la réalisation du grand canal d'Alsace. Le projet de loi sera imprimé Sous la 857; distribué et, s'il n'y a pas d'oppo* sition, renvoyé à la commission de la prn duction industrielle. (Assentiment J'ai reçu de M. le président de l'Assem blée nationale un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la création d'un établissement administratiî permanent à l'île Amsterdam. Le projet de loi sera imprimé sous le 858, distribué et, s'il n'y a pas d'oppo sition, renvoyé à la commission de la France d'outre-mer. ( Assentiment .) J'ai reçu de M. le président de l'Assem blée nationale un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, rendant applicables à la Nouvelle-Calédonie et dépendances les dispositions du décret du 30 octobre 1935 réformant le régime de l'interdiction de séjour. Le projet de loi sera imprimé sous le 859, distribué et. s'il n'y a pas d'>oppo- * (2 f.) îaa

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** Année 1949. — N° 83 C. R. Le Numéro : 5 francs. Vendredi 9 Décembre 1949. * *

JOURNAL OFFICIELDE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

DÉBATS PARLEMENTAIRES

CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUECOMPTE RENDU IN EXTENSO DES SÉANCES

QUESTIONS ÉCRITES ET RÉPONSES DES MINISTRES A CES QUESTIONS

Abonnements à l'Édition des DÉBATS DU CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE :

MÉTROPOLE ET PRATCE JD'OCTHE-MER : 500 fr. ; ÉTnAsrGER : 1.400 fr.

(Compte chèque postal ; 100.97,Paris.)

PRIÈRE DE JOINDRE LA DERNIÈRE BANDE

aux renouvellements et réclamationsDIRECTION, RÉDACTION ET ADMINISTRATION

QUAI VOLTAIRE, V» 31. PARIS- 7«

POUR LES CHANGEMENTS D'ADRESSE

AJOUTER ±5 FRANCS

SESSION DE 1949 — COMPTE RENDU IN EXTENSO — 81° SÉANCE

Séance du Jeudi 8 Décembre 1949.

SOMMAIRE

1 1. — Procès-verbal.

2. — Transmission de projets de loi.

3. — Transmission de propositions de loi.

4. — Dépôt de rapports.

5. »— Dépôt d'une question orale avec débat.

6. — Mission d'études aux îles Kerguelen etCrozet. — Adoption d'un avis sur un projetde loi.

Discussion générale : MM. Saller, rappor­teur de la commission des finances; lïan-cesohi.

Passage à la discussion des articles.Adoption des articles Ie* et 2 et de l'en­

semble de l'avis sur le projet de loi.

7. — Crédits pour la sixième session des mi­nistres des affaires étrangères. — Adoptiond'un avis sur un projet de loi.Discussion générale: M. Bolifraud, rappor-

teur de la commission des finances.

Passage à la discussion des articles.Adoption des articles 1er et 2 et de l'en­

semble de l'avis sur le projet de loi.

8. — Politique française à l'égard de l'Alle­magne et on Europe. — Discussion d'unequestion orale avec débat.Discussion générale : MM. Michel Debré,

Berlioz.

9. — Congé.

10. — Politique française à l'égard de l'Alle­magne et en Europe. — Suite de la discus­sion d'une question orale avec débat.

Suite de la discussion générale : MM. Kalb,Robert Schuman, ministre des affairesétrangères; Jean Maroger, Marcel Plaisant,président de la commission des affaires

étrangères; Marius Moutet, Léo Hamon,Westphal, Brizard. Georges Pernot, CharlesMorel, le général Petit, Georges Bidault,président du conseil.Proposition de résolution de M. Michel

Debré. — MM. Michel Debré, le ministre,Carcassonne, Pierre de Gaulle, Léo Hamon,Marrane, Mathieu. — Adoption.

11. — Dépôt de propositions de résolution.

12. — Dépôt d'un rapport.

13. — Propositions de la conférence des pré­sidents.

14. — Règlement de l'ordre du jour.

PRÉSIDENCE DE M. GASTON MONNERVILLE

La séance est ouverte à quinze heurestrente minutes.

— 1 —

' PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de laséance du mardi 6 décembre a été affkhéet distribué.

Il n'y a pas d'obseYvation ?

Le procès-verbal est adopté.

— 2 —

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le prési­dent de l'Assemblée nationale un projetde loi, adopté par l'Assemblée nationale,-autorisant la concession de la construction

et de l'exploitation des ouvrages destinésà l'utilisation des forces hydrauliques duRhin et à la réalisation du grand canald'Alsace.

Le projet de loi sera imprimé Sous lan° 857; distribué et, s'il n'y a pas d'oppo*sition, renvoyé à la commission de la prnduction industrielle. (Assentiment

J'ai reçu de M. le président de l'Assem­blée nationale un projet de loi, adoptépar l'Assemblée nationale, relatif à lacréation d'un établissement administratiîpermanent à l'île Amsterdam.

Le projet de loi sera imprimé sous len° 858, distribué et, s'il n'y a pas d'oppo­sition, renvoyé à la commission de laFrance d'outre-mer. (Assentiment .)

J'ai reçu de M. le président de l'Assem­blée nationale un projet de loi, adopté parl'Assemblée nationale, rendant applicablesà la Nouvelle-Calédonie et dépendances lesdispositions du décret du 30 octobre 1935réformant le régime de l'interdiction deséjour.

Le projet de loi sera imprimé sous len° 859, distribué et. s'il n'y a pas d'>oppo-

* (2 f.) îaa

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sllion, renvo\é à la· Commission. de_ la J'ai reçu de M. \'alle U!-1 . rapv_qrt _tait Ftitnce d'outic-m~r; (thscnlimcnt.) a.u nain de la commission de l'mtérteur · J'ai reçu de ~(. Iè nrésidcnt ùe l'Àsscm- (administration gCnérnle, dt!pattcmentale

l': et communale, Algél'ie), sur· la proposition !Jiéc natlonalc un projet de loi, adopté par de loi, -ndopléc 11ar J'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale, tendant à rendre tendant à refuser l'homologatiOn de la np{J'Iicnhle--J à l'J\fdquc équatoriale fran.- décision volée par l'asscmhlée algérienne caisc, _ntix · établi~en.cn1s fr~mçais de au coul's de sa session exlra.ol·dinaire de l'Océanie Ct un x étahli 'scmcnts (r:tn('ais jan\'ier 19HJ,. étendant à_ l~Aigéi'ie. lÇs dis­danc; l'Inde le.s di!=ipOsitiOils du décret-loi !JOSUiOilS do fond de ltL loi du· ter seplcm-du 3ù octobre 1035 rérot·mant le régime de 1re 1Dl8. réglant lés rapports cnlt·c bait-l'intcrdiclion de séjour. leurs ct Jocalnires 0~ occupants tic locaux

I.e projet de loi sera imprimé sous le d'ha•hit:tlion ou à usage · pro!cssionncl n• 8GO, distribué cl, s'il n'y a pas tl'oppo- (n• 7~7, année 1949).

·silion, l'envoyé i'L la commi~sion de la France d'outre-mer: (11sscnlimcnt.) Le rai! port sera imprimé sous le n• 865

ct di:;h·thué. _ J'ni rC\'U de ~(. le présitlent de l'Asscm-

lllée nationale un projet tic loi, a•IO)>Ié par l'Asscm!Jléc nalionalc, tendant à la sup­prc,.lon de la cout· tic justice tle l'lntlo­chinc.

I.e projet de lui scr.1 imprimé sous le n• 861, dislrihué ct, s'il n'y a JlfiS d'oppo­Hilion, rcnvové il la conimis~ion de la France d'outre-mer. (,lsscnlimcnl.)

J'ai l'C\'U de )1. le prësidenl de 1'~\sscm­IJléc nalionalc uu projet de loi, adopté l''"' l'AsscmlMe nalionalc, pm·lant rém·gamsa­lion Uu rl'gime tlc l'ëmi.ssfon à )fatl:~gas­car.

l'ai re~u de li. René Dcpt·cux un raJiport fui! au nom de la commtsslon de la pro­duction lnduslrielle, sur la proposition de résolution de li. ncné Dcprcux el des mem: bres de la· commission de ·la pt·oduction industrielle, tendant à inviter le Gouverne-. ment à ne compromettre par· aucune me4

sure· prématurée raplilude de la production fr:m .. ai~c à afTrontcr Ja· concm-rence inter­nationale ~t à me lire· fln à certaines im­porlations sans licence (n• 821, année !!MD.)

I.e ral!port sera imprimé sous le n• 800 ct dislntiué.

-5-

MISSION D'ETUDQ AUX ILES K"RQUELEH. ET.· -CROZET ·

AdOpuori d'un av;s ·iur un:prtlfel. dO loi. . . - , .. Il. le président. L'ordre du jour appcllê­

: la discussion du projet de loi, adopté J13r l'Assemblée nationale, relatif à l'organisa ... lion ct au fonctionnement d'une mission d'éludes aux iles J(crguclcn ei Crozet. <N•• 780 ct 8-11; ·année 1010.)

·· Avant d'ou\Tir la. discussion générale, je dois f:IÎI'C connattre au Conseil de la llépu!Jiique que j'ai re~u tic M. Je presi­dent du .conseil un décret désignanl. en qu::~.lilé de commissairé dn Gouvernement ·pour· assister &1. le sous-secrétaire d'Etat à la France d'outrc~mcr:

1\1. Douznmy, administrateur des coto~ nies, direclion des affaires économiques.

Acte est donné do cotte communication, Dans la discussion générale, la p:u ole

e:;t à Ptt. le r-apporteur de la commissio~ des Onanccs.

· M. Sttlltr, rapporteur de ta commts.•ilon des fimmces. Mesdames et messieurs, le projet qui \'ons est présenlé, bien •Jue d•imp01·1ance secondaire, pt·ésente CC}Jen­dntit un lt·i)Jie intérêt: celui d'afllrmcr 1~

Le projet de loi sera Imprimé sous le no 862, distrihu~ et, s'il n'y a pas d'oppo­sit.ion, rem·oyé à la commission de la France d'ouirc-IUCI'. (tlssclllimelll.) DII'OT D'UNIE QUE&TIOH ORALI! AVI!C DEBAT souveraineté françaiso sur les Iles Ker-

gu.elen et Crozet, celui d'assurer les J·ela­

-a-TRAHSMtSStOH DE PROPO&ITIOHS Dl! LOI

M. le president. J'ai rc~u de li. le pré­sident de" l'A~sembléc n:llionalc une /n·o­posilion de loi, adoptée par l'Asscm >léc nationale, tendant à la motlifit'ation ct à la codillcalion ùc; lexies relatif; aux pou­voirs I>ttblics.

La proposilion de loi sm·a impl"iméfl suu~ le n• 856, disU·ibuéc, lt, s'tl n'y a pas d'Ollposilion, rcn\·oyéc à lü commission de la /uslicc ct de législallon civile, crimi­nel c ct comrnerdalc. (tlssclllimclll.)

J'ai reçu de ~f. le président de l'Asscm· blée nationale une 1•roposition de loi, adop­tée par l'Assemblee uatioualc, tendant à élentlro l'application des majurallons de service Jlrhucs par la loi du 26 mars 10:!1 aux méilccins ct pharmaciens de réserve admis dans l'armée nctivc en vertu des articles 3 et .! de la loi du 4 janvier 1920.

La proposition de loi sera imprimée sous Jo n• 863, distribuée, el s'il n'y a pas d'opposilion, ren\·oyéc A (a commission de la dctcnso nationJle. (Assentiment.)

-4-

DEPOT DE RAPPORT&

111. hl .préold•nt', J'ai reçu de M. Y alle un rapport rait au non\ de la commission tic J'intérieur (administration générale, dépar­tementale et communale, .Algét·lc) sur la proposition do loi, adoptée par l' .Assemblée nallonale, tendant il refuser l'homologation do la décision votée par l'assemblée alçé­rlenne au cours de sa session ordlnatrc de février-mars 1949, portant rcstrlcllon à la prorogallon résultant de l'cxhmslon à l' .Afgério de la loi n• 48-2(1(Y.) du 31 dé­cemllre 1948 concernant certains locaux à usnge commercial, Industriel ou nrlisanal (n• J55, ànnée 1919).

J.o raflporl sera Imprimé sous Je u• SG·I el dlslrlliué,

M. te présldenl, J'informe le Conseil do la DépuhlifJUe que j'ai été saisi de la ques­tion orale suivante avec débal:

M. lln•·lial Brousse expose à M. le ml· nlstrc de J'agriculture quo la situation éco­nomitrue de l'enscmbJo de l'agt·icntturc fmnçaisc ne f~it <JUC s'aggraver depuis •JU'cn 1018 la baisse des proiluils agt·icoles et même. leur mévcnlc a mis dans· une situation économique déplorable la plupart des e~ploitations agricoles fran.;aiscs, el cela d'aulan! plus •tne les Irais de Jlro· dnclion sc malnlirnnenl à un nh·•.!au trt~s é!c\·é;

J.ul demande quelles ont été les mesures pl'iscs par le Gouvel'llemcnt ct les mesures •tu'il cn,·isagc de pt·cndro en vue:

1 o D'assurer à la production apricolc des p1·ix ùc \'cnte couvrant les !rats do celle pt•oduction ct pel'mcltant une rémunéra­lion no1·male du travail· paysan;

2• D'améliorer les condilions de la vio rm·alc, notamment dans les rl-gions défa­vorisées;

3° Ile réduire )es Jn·ix de l'C\'ÎCill, notam­ment pat· la diminution des trais de pro­duction, p:•r J'augmentation des rcntlc­mcnls ct l'accroigsemcnt 'le la procluclivité du travail des cxploilnnls et des ou\'ricrs agt·icolcs;

-1° ne limiter les impol'lttliuns oux ]Je­soins réels, df:\·clopper syslér!laliqncrncnl les expot·lalions ct les organ1scr l'Ur un· plan rationnel cl réaliste pat· la condusiou rapide de Irai lés commerciaux;

tions aériennes inlernalioualcs, celui cntln de compléter l'inventaire économique ùes tcJTiloh·cs d'ouh·e-mer.

En co qui concerna la suU\'crainelé fran­~nisc sur· les Ucs I<erguelcn·, I'Organisntion des liatlons Unies a ndoplé Je principe qn'mteunc souvcminclé ne saurait l·lrc aflh·méc sm· des terres inhahiléce, si ello ne sa mauifcsle par des élalilissemenls pcr­mancnls. Or, tlcpuis fch·riC!t' i712, date à laf(Ucllc l'at·chipcl des Hcrguclcn est de­venu teno rwnçaise, aucnu cHalJJisscment pcnnnncnl n'y a ~lé installé. Il lmpmto uhsolumcnl CJ11C le I>ilssll sn cpntinue ditllB Je !m'sen! cl ~ans J'avenir ct que cet éla J!isscmcnl permanent soit instilu(! Jo

'

>lus t·apiflcmcut possible, alln que les lies iCJguelcn restent terre fran~·aîse, s:ilJs

contestation. Bn cc qui coJICCJ"JJC los J'ela lions· aét·icn ..

ne:; ill let nalior.aJcs, il c~l nécessaire de rcmarCJUCr IJIIC Jcs terres françaises IJUi sc trouvent an Sntl tlc Mnllaga:;car cl •tui sont composécs de l'nrchipel des J(crguc­lcn cl des Çrozct, des lies Sainl-l'aul cl Amsterdam. - !JOUr Jc.sqncllcs un pt·••lcl fllli vient d'être lrJnsmis ft celle Asscut .. hlée sera discuté )ll'OCha!ncuiCnt - cl ~o la 'J'cn·o 1\tlëlic, ou sc trouve tll!jà la mis­~ion do l';~uJ.gmiJe Vlctur, sont siluécs entre J'AiriiJno du Sud cl l'AusJralle.

Il <SI infiisncmable rtu'cnlro ces deux pays soi! é!ahli un relais aérien, composé ft la fois tl'un. terrain d';n-ialion ct d 111\0 lnstnJ!alion 1lo mét6orolnl{ie, qui assure lJ sûeurité cie:; :witms allant 11'111\.}lays fl un auiJ·c. ·

linfln, cunccrnanl l'in\'cnlairc écono• r,• Enfin, d'obtenir une protlnclion sulfl- mique d~s po;scsslons d'outre-mer, il csl

sanie pour atleindrc les ohjecllrs flx~s par l néccssait·o pour la ml:lropule ùo savoir si, Jo plan quadriennal concomant les ·cxpor- lnd~pûnrhnuncnt de~ 1·:u·cs facllllés do talions tTc pro~uils ngrlcolcs '\"1 dolvcul

1

pèche - uotauuncnl celle des élépltanls conlrihncr ~ érJuiliht·cr noire ho ance géné- de mer - IJUi sont ofTcrles aux Ucs lier· rn.lc des comp\cs en JOW. guclcn, il extslc d'autres ressources ma1"i·

lin.cs ou minil:rcs ttu'H est possiblè ù't:x· Conlormémcnl aux arliclcs 87 cl 88 du . j•luilr"·· C'c>l dans le hui •t'arriver Il ce

règlement, celte IJUCsliou onilo avec llêhnl : riJ•le n·· ... nllal IJIIO I'Cil\'oi tl'nrto mis!'ion a l:IU eou.rnunil)lll:c au f;•>urcmcuwnt ct la · a élt! ,,,-;drl1! Il:! l' Jr, c;um·t:f·uemcnt cl CJU'nn flxalion de J~ dale du dê<hal aura lieu ullé· i' f'J'r'•rlil tic \'ill)(l million~ vous est dcmautl6 ricurcmcnt, JIUlll' rm)'Cl' les frais de ctlic mission.

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CONSEIL DE LA REI'UBLIQUil - SllANcil DU. 8 DllCil~IÎIJill 1010 2837

Ce créa!l de 20 millions ne conslilue pas ·Une d~_pense nouvelle qui vient s•ajouter au budget de l'exercice 1949; !1 est pré­levé sur les disponibilités qui avaient été atlectées au développement économique el social des territoires d'nuire-mer ~t, à cau~e même du caractère économique de celte mission, consiilue une dépense régu­lièrement impulée,

En conséquence; votre commission des finances vous propose d'émeltre un avis favorable au jirojet de loi qui vous esi présenté, sans aucune manileslation. (Ap-plaudissements.) ·

·· M. le président. la parole esi à ~1. Fran-ceschi. .

. 11. Franceachl. Mesdames, messieurs, on nous demande de voter un crédit.de vingt millions de francs destiné à couvrir les frais de voyage et do séjour d'uno mission aux Iles J{erguelen.

Le projet nous apprend quo celle mis­sion aura pour obJet essentiel de recon­naltro. l'archipel des Kerguelen, d:en etrec·. tuer la prOSJ.lectlon ~conomh1ue et d'y étu­dier les possobilités d'installation ultérieure d'un élablissement 11ermanent constituant un relal sur les grandes lignes aériennes intercontinentales.

Ce problème avait déjà. lait l'objet d'une étude à l'Assemblée nationale. Une propo­sition d.e loi de ~. Louis Rollin a donné lieu à un rapport qni n'a pn ~Ire Imprimé, ni . dislribuè, .en raison de l'obligation constitutionnelle d'une décision f!réalable de l'Assemblée de J'Union françaosc. · Dans l'exposé des motifs de celte propo­sition on rçll:vc la phrase suivante: ·

,, I.n. position slraté~ique des Kerguelen, ses grandes possibihlés commnnùcnt de .no•·; y Installer rapidement"·

Celle phrase a l'uvantagc, à noire avis, <je poser le r,rohlèmo plus clairement <)Ue les raisons c onnées par le Gouvernement dans l'exposé des molils de son projet de loi. Il s'agil de l'réoccupations stralégi<liiCS ct non économ <JUCS. ·

Cela se lrom·c. d'ailleurs confio·mé dans la déclaration que faisait M. Castellarol, dé­puté de ~lndagascar, rapporiP.lor au nom de la commission de la l'rance d'outre-mer do l'As•emhléc nationale, do la P.roposilion de -résolution <till sc trouve à 1 origine dn présent projet de loi.

Voicl cc <JUO disait M. Castcllanl: " Je rapr,ene quo cos Iles sont situées

à 1.000 ki omètres envir<lfi do l'Airlquc du Sud, de Madagascar, de I'Auslralic et do la Nouvellejélandc. "·

L'Importance des Iles Kerguelen cst.donc lrès grande du point da vue stratégique. 11 est de J'lntéri!t do la Franco d'y n!Ormer sa souveraineté dans un très court délai. Ill dans son rapport écrit, M. Castellani précisait: ·

li n. n'est peut-étrc liaS Inutile de signa­lor l'Importance stratégique de ·J•arclilpel de Kerguelen ct du groupe des Iles Saint· Paul et Amsterdam. 11 su lill, vour .s'en ren· dra compte, d'éxamlner la carle do l'archi­pol ausfral. L'archipel des Kerguelen est

. sllud à environ 4.000 kilomètres do l' Alri­.que du Sud, ào Madagascar, do I'Auslralic ct du pOle sud, à 6.000 kilomètres de Ill Nouvel!o·Zélando ct il 8.000 kilomètres du (;hill. Il sufllt de' se rappeler les moyens dont disposent les nrmécs mod~rncs elles tlfogrôs lnouls réalisés par l'avlallon. "

Oo son cOié M. Durlot ra1ororleur do la commission des llnanccs do I'AsscmiMo nallonnle lmliquo dans son rapport que la rulsslon doit érudler la possiiJOflé ll'lnsln!· lco· aux J{crguclcn un pnsio de rndlomé-

,· . ' - . '

léorolofiiè permanent, rolnsi !\u'uro' terrain d!avJat10n et une. pisto 'd cnVt~l· pour nviops lourds.. · . . , '

Enfin dans lo rapport. ·qu'il. nous ·a pré· sen té au nom de la commlsslon des- f_inao· ces du Conseil de la République, M. Saller souligne:

u Depuis la secomle guerre monùinlc, - nous, nous disons ùepul~ ·qu'on pré· pare ln troisième guerre mondiale - Il est apparu quo la grande Ue des Kcrgue· !en présente un double Intérêt pour les liaisons aériennes intercontinentales en· trel'Airique du Sud-et l'Australie, en par· tlculk>r, ainsi que pour l'économie mon­diale des ressources lmporlantc·s pouvant ~tro mises en exploilalion. . D'~ccord pour l'importance stratégique.

Quant à l'imporlanco .économlqtoo, d'autres quo nous ont montré qu'elle élail nulle.

Voici ce qu'écrit M. de Cop).ICt: « Jusqu'à présent, les entreprises lmlus·

iriellcs à Kerguelen pas plus d'ailleurs que sur les autres Iles australe• françaises n'ont donné de résultats salis!aisants et pourlan) ce no sont pas les projets qui ont manqué, ,

Il y a do la tourbe ct du-charbon, nous dii-on. ,

M. de Coppet répoml: « Ln touriJo ct Je charbon ne sont pas rimlables. » Résultats désastreux aussi pour la .. culture, dll-11. En cc qui concerne les métaux précieux, ar. de Coppel ajoute: « JI va sans dire qu'Ils n'ont jamais existé quo dans l'ima·

· glnatlon des anciens cbasscu!'ll do pho­ques~ ,,

Les arguments économiques rinnonc«!s par Je Gouvernement sont donc, dénués de toute valeur. Seul l'argument stratégique reste valable. C'est le seul qui préoccupe Je Gouvernement qui dans sa fièvre ~·pré' parer ·la guerre (Exclamations a11 cenere.) en arrive à se moquer du Parlement.

A r)uol sert en effet cio nous demander de.· voter aujourd'hui uno dépense do 20 millions puisque .la mission en question a déjà crulilo la Franco depuis le lO octo­bre dernier, c'csl·A-cliro un mols environ avant qu'inlcrvlcnno le volo cio l'Assem-blée naiionalo? . .

Vous nous placer. dewmt le lait accom­pli. I.e grour.c communiste ct ripparcnlés sc rcluse ù 1 homologuer. )1 votco·a contre.

Deux raisons essentielles nous incitent A Jo laire: i • parce C)UO cos crédits sont destinés à des œuvres do' guerre; 2• pareo quo vous laites supr.ortcr cctto dépense nar le hud~ot du 11. • D. Il. S. ct du F. !.

D. O. M., c est·à·diro en On do complo par les populations des tcrritulrcs d'outre-mer. (AJ<Jilau<iisscmcnts à l'cxtrdmc u~i<che.)

M, le président. Personne no domanclc plus la parole dans la discussion s~né· raie? ...

La discussion générale est close. Je consulte Jo Conseil do la 11épul<li<1UO

sur le passage à la dlsctlssion des articles du projet de loi.

(Le Conseil décide de passer à la cliscus-sion dc.1 articles.) ·

M. le llréalde..t, Jo donne lecture dlll'nr· tl cio 1":

" Ar!. 1". - Il est ouvert au ministro de la.Franco d'outre-mor, nu tllro du budget ordinaire do l'o~erclcc IOlQ, dépenses cl­viles, des crédils s'élevant /, 2U rnllilons do francs nr-l'llcah!c6 an chnpltro 323 (nou· l'eau/ du budget du mliolslèro do la l'rance d'ou rc·rner " Orgronlsallon cl fonctionne· mont d'un mi~~ion d'élmlc~ aux lies !\er· guciNI cl Crozet. "

• Pnrsonne ne ·demande ln parole sur l'nr• Uclo t~r '1 · · .

Je Jo, mols 'aux voL,, · (L'article i" esl adoplé.)

M. le ~résident. " Art. 2. - Pour salis;- · laire aux prescriptions de l'ariiclo l6 de Ja loi n• 48-1073 du 31 décoml~re 1018 portant fixation, opohr l'exercice 1919, des maxim~ des clûpcnscs publlctues cl évalualion do, I'Oil'S ct moyens, Jo crédit ouvert ')Jar l'br· tlcle préèédcnt Bcra gagé par une réduc· lion il'<\Ji:al montan\ de ln provision do. 5.070 millions do francs réservée, à litre lnconclillonncl, anF. 1. D. E. s. et au F. r, D. O. M. cl Incluse clans la limite do 150. milliards do francs fixée par l'articlo ;pre- . micr de la loi préelléP. du 31 déccmbro fOlS, » - (Adopté.) . · · Je mets aux volx l'avis sur l'cnscmhlo du projet do loi.,

(Le Conseil Ile la nJpubliquc a aJloplé.)

-7-

CREDITS POUR. LA SIXIEME SESSION DES MINIBTRES DES AFFAIRES ETRANCERES

Adoption d'un avis sur un proJet dB lot.

M. le président. L'ordre du jour appelle 1~ discussion dl! lli'Ojet de loi, adopté par 1 Asscrnbléo nationale, Jlorlant ouverture do crédlls pour le fonclionnemcnt do la Bixlème session elu conseil des ministres des affaires élrang&rcs (n•• 812 ct 812 an-née iOID). · . '

I., oparolc est à M. le rarporlcnr de la commission des finances.

. M. Bolifr~ud, Tnpportcnr cie la commis· swn d~s {wauces. Mesdames, messieurs, pour faire fac~·nux dépenses cniralnécs pal' la ~cnuc h Paros, nu couo·s des mois de mai ct juin 19!9, do la sixième session du con­soi des ministre• des aiiRires étran!:ères, le Gouvernement avait dér.oso le 13 JUillet dernier un projet do loi chdant à ouvtü nu ministre des atrnii'Os élrnngèrcs un cré· cltl supplémcnlalre do 19 millions.

Co projet n'a élo adopté lflnr l'Assem­blée nalionalo <I!JC Jo fO no\·cmhrc. La dolnllon demande~ est clcsllnéc d'uno part A assu~cr la rémunérallon du personnel Interprete ct du personnel adminlslrnll! chargô d'exécuter des travaux spéciaux occasionnés par la tenue de la conférence et, d'autre part, à couvrir les !tais d~ rcprésenlallon de la déMgnlion lrnntnisc ainsi que les Irais de mnléricl do Ioule nature engagés à celle occasion.

Pour s.llslnire à l'nrllclo lG de la loi des maxima, le Gouvernement a proposé

,dans l'arllclc 2 <JUC les charges supplémcn­lalres soient compensées par une annula· lion d'égal montant sur les crédlls ouvcrls au ministre dos finances ct des aiTalrcs éconnmi<JUCS au cbapliro 020 cons~quencc de l'r<lignement monétaire du lB oclobre !OlS.

Votre commission des finances, tout en nJ<prom·ant le principe mOrne do co llo op6· ratlon, croit cependant devoir laire obser· ver quo l'arlicfe 2 du projet, s'Il est con· lorme à· la lettre do l'arliclo IG do la loi dos maxima, n'en resrcctc pcnt-Otro pas très exactement l'csprl , ·

C'est sous le bénéfice do cetlo observa· lion qu'clio von• pro)IOHC d'adopter Je llfO· jet do loi qui vous ~-si soumi;. (Ap11la11· <lissemelll!.)

M. le président. Pcr·>oun" 110 dcmnndo J1lll5 h parole <lau~ ln di,Cil'~inll Cél\6-nl<~ ~ ...

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2638 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

La discussion générale est close.Je consulte le Conseil de la République

sur le passage à la discussion des articlesdu projet de loi.

(Le Conseil décide de passer à la discus­sion des articles.)

M. le président. Je donne lecture de l'ar­ticle 1er :

« Art. 1er. — Il est ouvert au ministredes affaires étrangères, au titre du budgetdes affaires étrangères (I. — Service desaffaires étrangères) pour l'exercice 1949,en sus des crédits ouverts par la loi n» 48-1992 du 31 décembre 1948 et par des textesspéciaux, un crédit total de 19 millions defrancs réparti comme suit par chapitre:

« Chap. 110. — Service technique desconférences internationales. — Person­nel 8.500.000 Ir.

« Chap. 311. — Servicetechnique des conférencesinternationales. — Matériel 10.500.000 fr.

19.000.000 ir »

Personne ne demande la parole ?...Je mets aux voix l'article 1e".

(L'article 1" est adopté.)

M. le président. « Art. 2. — Sur les cré­dits ouverts au ministre des finances etdes affaires économiques, au titre du bud­get des finances, par la loi n° 48-1992 du31 décembre 1948 et par des textes spé­ciaux, une somme de 19 millions de francsest définitivement annulée au titre du cha­pitre 629 « Conséquence de l'alignementmonétaire du 18 octobre 1948 ». {Adopté.)Personne ne demande la parole ?...Je mets aux voix l'avis sur l'ensemble

du projet de loi., (Le Conseil de la République a adopte.)

— 8 —

POLITIQUE FRANÇAISE A L'ÉGARDDE L'ALLEMAGNE ET EN EUROPE

Discussion d'un« question orale avec débat

M. I» président. L'ordre du jour appellela discussion de. la question orale avecdébat suivante:

M. Debré demande à M. le ministre desaffaires vtrangères s'il n'estime pas utile,après les importants événements des der­nières semaines, de préciser les directiveset les moyens de la politique française àl'égard de l'Allemagne et en Europe.Conformément à l'article 90 du règle­

ment, aux termes duquel le débat sur unequestion orale doit toujours être organisé,la conférence des présidents a fixé commesuit l'ordre et la durée maximum des in­terventions des différents orateurs:

M. Michel Debré (rassemblement desgauches), 1 heure.M. Berlioz (parti communiste), 30 mi­

nutes.

M. Westphal (action démocratique et ré­publicaine), 30 minutes.

M. Maroger (républicains indépendants),20 minutes.

M. Charles Morel (action rurale et so­ciale), 10 minutes.M. Léo Hamon (mouvement républicain

populaire), 50 minutes.M. Georges Pernot (parti républicain de

la liberté), 15 minutes.M. Marcel Plaisant (rassemblement des

gauches), 20 minutes,

M. Marius Moutet (parti socialiste), 40 mi­nutes. ,

M. le général Petit (apparenté commu­niste), 30' minutes.M. Kalb (action démocratique et républi­

caine), 30 minutes.M. Brizard (républicains indépendants),

10 minutes.

M. Henry Torrès (action démocratique etrépublicaine), 15 minutes.Gouvernement; 1 heure environ.

Avant d'ouvrir la discussion, je doisfaire connaître au Conseil de la Républi­que que j'ai reçu de M. le président duconseil un décret nommant, en qualité decommissaires du gouvernement pour as­sister M. le ministre des affaires étran­gères :

MM. Alphand, directeur général des affai­res économiques et financières;

Seydoux, ministre plénipotentiairechargé des affaires d'Europe;

Sauvagnargues, sous-directeur;D'Aumale, administrateur civil ;De Beaumarchais, administrateur ci­vil;

Valéry, chargé de mission;Clappier,' directeur du cabinet;De Bourbon-Busset, directeur adjoint ;Mischlich, chargé de mission au ca­binet;

Poher, commissaire général aux af­faires allemandes et autrichiennes.

Acte est donné de cette communication.

La parole est à M. Debré.

H. Michel Debré. Mesdames, messieurs,la question qui ouvre aujourd'hui le débatsur la politique française, à l'égard de l'Al­lemagne et en Europe, a été posée enjuin, au lendemain des accords de Washin-ton. Ces accords transformaient les basesde la politique française, je ne dis passeulement de la politique du lendemain dela capitulation allemande, mais la politiquetelle qu'elle résultait de la dernière confé­rence de Londres.

Depuis, des changements plus grands en­core sont intervenus, les uns par exécutionde ces accords, les autres par non-exécu­tion. C'est en effet un des traits, je ne dispas de notre politique, mais de notre épo­que, que les actes solennels, solennelle­ment signés, solennellement commentés,soient moins de six mois après considéréscomme en partie ou totalement périmés.

J'ai cependant hésité à prendre aujour-d'hui la parole et à provoquer cette discus­sion. En effet, il y a quelques jours, a eulieu un grand débat à l'autre Assemblée,grand débat qui a été suivi, de la part deM. le ministre des affaires étrangères, d'ex­plications très longues et très complètes.D'autre part, il est certain. que la tâche del'opposition est facile. 11 est facile, presquetrop facile de faire la liste des hésitations,des silences, des contradictions; au con­traire, il est certain que l'action en cettematière, encore plus que dans d'autres ma­tières, est ingrate.Cependant, je crois que ce débat est

indispensable.L'opinion est inquiète et elle l'est pour

une raison très simple. Elle se souvient detout ce qui a été dit sur- la politique fran­çaise à l égard de l'Allemagne depuis qua­tre ou cinq ans. Elle entend ce que l'ondit aujourd'hui. Elle s'aperçoit alors dececi: ou les mots n'ont plus le même sens,ou bien les formules ont été entièrementchangées. ■

On a longuement parlé d'une Allemagne"fédérale. L'Allemagne, nous parlons del'Allemagne occidentale, est un pays cen­tralisé. On a beaucoup parlé de réparationset il n'en est plus guère question. On abeaucoup parlé du démantèlement et onvoit le terme des démantèlements. On aparlé d'un régime particulier de la Ruhret on se demande aujourd'hui ce qu'il enTeste et ce qu'il en adviendra. On a affirméque le régime de la Sarre était définitif eton a pu voir récemment, au moins dansla presse étrangère, l'indication que notrepolitique en Sarre devait être revisée. Ona parlé d'une occupation militaire de trèslongue - durée et, brusquement, on parled'une remilitarisation de l'Allemagne..Derrière ces contradictions, les unes

réelles, les autres apparentes, se cachequelque chose de réel: les hésitations etles difficultés de la politique française. Jecrois que l'Gpinion, à juste titre, est in­quiète parce qu'elle ne sait pas, et je peuxajouter que le Parlement, lui non plus, nesait pasl " >Il y a quelques années, c'est-à-dire dans

les quelques mois qui ont suivi la capi­tulation allemande, on pouvait avoir lechoix entre deux politiques. La premièrepolitique était fondée sur la vengeance etsur la crainte. Il s'agissait, par conséquent;avant tout, de vouloir une Allemagne aussifaible eue possible, divisée, occupée, ab­sente de toutes les discussions internatio­nales, qu'elles soient économiques ou po­litiques, et ceci paur la piis longue duréepossible.Puis il y avait une autre politique, fon­

dée sur un autre impératif: celui d'unemenace qui vient de l'Est, fondée sur unaautre idée: les nations qui constituent lemonde libre, l'ensemble des démocraties,l'ensemble des nations européennes sontmenacés; il est donc une obligation pri­mordiale, se défendre, et cette obligationprimordiale implique immédiatement enAllemagne une autre politique à l'égard del'Allemagne.

En fait — et peut-être ne l'a-t-on pasassez dit — ce choix, entre deux politi­ques, nous ne l'avons pas, eu; il nous aété imposé. Du jour où l'occupation qua­dripartite est devenue, pour une des puis-sacnes, un paravent derrière lequel onpouvait concevoir et apercevoir une en­treprise absolue de colonisation politiqueet économique, à partir de ce moment là,les dés étaient jetés!

Les dés étaient jetés, et restent jetés,car il est impossible de concevoir volon­tairement, (bénévolement, du côté des alliésanglo-saxons et français, une extensionjusqu'à la frontière du Rhin du régimepolitique et économique imposé à la zoneorientale.

On s'est rendu assez vite compte quenous n'avions plus le choix.

Officiellement, la date à laquelle il fautremonter pour juger de l'évolution défini­tive, du choix certain, c'est la fin de laconférence de Londres de 1947 ; mais cequi peut alors être reproché à nos gouver­nements, c'est de n'avoir pas tiré lesconséquences de ce fait. Tout s'est passédepuis les derniers mois de 1947 commesi nous usions encore des formules,comme si nous avions encore les désirsqui étaient les nôtres au moment où lechoix nous était possible, alors qu'il nel'était plus.

Il s'est alors produit ce que nous pou­vons juger maintenant avec quelque sévé­rité. Les mesures que nous demandions,nous ne les avons pas obtenues parcequ'une bonne pari d'entre elles ne corres­

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2639

pondent plus à la réalité, et les mesuresque nous aurions dû demander, nous neles avons pas demandées ou nous n'avonspas réussi davantage à les obtenir carelles étaient entachées des doutes qui pe­saient sur les premières. Ainsi nous avons,parfois volontairement, fermé les yeux de­vant ce qu'était la réalité: les événements,la politique de nos alliés.Que demandions-nous en effet ? D'abord

des réparations et des garanties de sécu­rité.

Voyons le premier problème, celuf desréparations. Sans doute, nous avons vudes réalisations ; le service des réparationsa fonctionné. Passons sur les chiffres:

entre ce que nous avons demandé et ceque nous avons obtenu, l'écart est im­mense! C'est pourquoi, au mois de juindernier, à la un de la précédente discus­sion à l'Assemblée nationale, nous avonsentendu : « Le Gouvernement n'abandonne

rien des droits de la France sur les répa­rations ». L'ordre du jour de l'Assembléey faisait expressément allusion.

Quatre mois ont passé. Aujourd'hui c'estle silence, et pour cause 1 Les prélève­ments sur la production courante n'ontpas été obtenus. Les démantèlements sontclos ou à la veille de l'être. En d'autres

termes, le chapitre des réparations estclos. On peut tourner la page.

On peut même se demander si ce chapi­tre ne va pas être rouvert, en sens in­verse. Nous avons fait valoir nos droitssur i:s mines.de la Sarre et sur l'ensem­ble des industries importantes à titre deréparation et de réparations permanentes IPour que ce droit ne soit pas remis enquestion, nous avons obtenu des alliés,totalement et librement, l'accord sur lerattachement économique du territoire dela Sarre à la France et le peuple de laSarre, en sa grande majorité, a suivi.Comme conséquence nécessaire, le déta­chement politique de la Sarre du reste del'Allemagne a été prononcé et approuvé.Brusquement, depuis quelques semaines,on parle de revenir en arrière. Oh ! on enparle modestement. On parle seulement dene pas détacher politiquement la Sarre del'Allemagne. C'est une revendication alle­mande, mais certains alliés y prêtent at­tention dit-on. Mais faisons attention t Dujour où l'on déciderait que la Sarre, endroit, n'est pas coupée de l'Allemagne,c'est le -rattachement économique qui estremis en cause et, avec lui, d'une ma­nière logique, dès ce momént-là les droitsde la France ! Or notre politique en Sarrea été telle, et suffisamment approuvée,pour que nous ne cédions pas!La Sarre n'est pas seulement une répa­

ration, elle est aussi une garantie, une desgaranties qui formaient la deuxième série-de mesures que nous demandions. Ces ga­ranties de sécurité n'étaient pas seule­ment des garanties de sécurité pour laFrance, mais visant, d'une manière géné­rale, le militarisme allemand, elles étaient,elles restent valables pour l'ensemble desnatijns européennes, pour l'ensemble desAlliés.

La première, la plus importante de cesgaranties, c'était le régime spécial de laRuhr.

Après la capitulation, vous le savez, lesAlliés — en l'espèce les Anglais — ont misla main sur les ressources et les usinesde la Ruhr et y ont établi des séquestres.D'autre part, on a prélevé des réparationspar la voie des démantèlements. Aujour-d'hui, on ne le fait plus; le potentiel dela Ruhr demeure extrêmement fort, ej, il

n'était pas possible qu'il en fût autre­ment.

Aujourd'hui, nous constatons deuxordres de mesures! D'une part, des grou­pes de contrôle, groupe du charbon etgroupe de l'acier. L'un et l'autre sont lemoyen d'action de la haute commissionsur les industries et sur les ressources dela Ruhr. D'autre part, on a créé, à la de­mande de la France, une autorité interna­tionale de la Ruhr. Cette institution a un

caractère permanent.Il semble que la France, soucieuse que

la Ruhr ne soit pas restituée à l'Alle­magne, ait obtenu satisfaction. En réalité,il n'en est rien.

Prenons, par exemple, les deux pro­blèmes qui ont été discutés cette année:le problème du prix du charbon et le pro­blème de la décartellisation.

Vous connaissez le problème du prix ducharbon. Depuis longtemps le charbon dela Ruhr est vendu aux utilisateurs alle­

mands un certain prix, alors qu'il est livréà un prix plus élevé aux utilisateursétrangers.; cette disposition s est, pourl'ensemble de l'industrie allemande, unsoutien " dont on sait, par l'expériencepassée, à quel point il est important.Nous avons voulu l'unité de prix. A uneépoque où nous disposions de tous lespouvoirs, nous ne l'avons pas obtenue, etla disparité des prix demeure à peu prèsce qu elle était!

Nous avons, d'autre part, la décartel­lisation; c'était une politique non seule­ment française, mais aussi, au moins enapparence, admise par l'ensemble desAnglo-saxons. Une ordonnance sur laquellenous aurons l'occasion de revenir avait,en 1948, solennellement prévu que cettedécartellisation serait faite. La réalité, ilfaut la connaître! Il n'y a pas eu encoreune seule véritable mesure de décartelli­sation dans la Ruhr.

L'avenir sera-t-il meilleur i Examinonsla vie de cette autorité internationale de

la Ruhr. La réalité est tout à fait diffé­rente de ce que nous estimons nécessaire.C'est une institution qui n'a pas de pou­voir. On peut la définir, en quelque sorte,comme une sous-commission du plan Mon­net; elle répartit le charbon par quantitéset par qualités, suivant les grands groupesutilisateurs; mais, en ce qui concerne lagestion et l'exploitation, elle n'a aucunpouvoir. Au surplus, elle n'a pas de per­sonnel. Alors que, dans cette Allemagne,Français, Anglais, Allemands, pour ne pasparler des Russes, ont des fonctionnaireset des employés en grand nombre, il y aune parente pauvre, c'est l'autorité inter­nationale de la Ruhr. On peut se de­mander si cette pauvreté en personneln'est pas voulue par certains de nosalliés.

Au surplus, elle n'a pas de chef! Voilàune autorité à qui l'on donne, au moinsthéoriquement, dans notre idée, unegrande mission. Nous y avons envoyé unambassadeur, les Anglo-saxons y sont re­présentés par des personnages dont il nefaut pas médire, mais dont on peut direcependant que leur expérience passée neles conduit pas à prendre des initiatives;au surplus, du fait des autorisations qu'ilsreçoivent, ils n'ont certainement pas legoût d'en prendre 1

Cette autorité sans personnel, sans chef,est sans appuis. Quand surgit une discus­sion avec les autorités extérieures ou inté­rieures, on s'aperçoit qu'elle n'est passoutenue par beaucoup de gouvernements.Concluons.; cette, autorité, nous pouvons le

dire, nous pouvons l'affirmer, dans sonstatut présent, n'a pas d'avenir. Croyez-moi: il ne s'agit pas d'une conclusion ra­pide, car il faut terminer ce tableau parune autre observation. Derrière cette au­

torité internationale de la Ruhr, il est uneréalité, c'est l'ordonnance 75, prise le*11 novembre 1948, contre laquelle le Gou­vernement français a par écrit protesté;cette ordonnance rend à l'Allemagne ledroit de disposer de la propriété des entre­prises de la Ruhr. Certes, dans son dispo­sitif, elle prévoit l'obligation de décartel-liser, mais l'exposé des motifs est plusimportant et on le voit aujourd'hui, alorsqu'à la tête de ces entreprises, sous lenom de séquestres, les dirigeants, ceux quiétaient à la tête des affaires de la Ruhril y a quelques années, reviennent. Encommission, hier, M. le ministre des affai­res étrangères nous a dit qu'il ne s'agissaitpas des anciens propriétaires, qu'il nes'agissait pas des anciens magnats, maissimplement des dirigeants techniques, ad­ministrateurs, ingénieurs; mais dans biendes cas, nous le savons, les liens entre cesdirigeants et les anciens propriétaires sontétroits.

Nous n'en pouvons douter. Qu'est de- ■venue notre première garantie de sécu­rité ? L'autorité internationale de la Ruhrn'est qu'un motlSeconde garantie: les industries inter­

dites et limitées. Vous savez que l'on avaitdécidé d'interdire en Allemagne un certainnombre d'industries qui, directement ouindirectement, servaient à la préparationde la guerre ou pouvaient avoir un objectifmilitaire. Un texte, signé en avril 1949par les généraux commandants en chef,fixe d'une manière très précise et -trèsclaire la liste de ces industries. Ce papierest toujours valable, sous une premièreréserve : c'est que l'accord récemment si­gné à Pétersbourg supprime un certainnombre des interdictions, notamment ence qui concerne la marine marchande. Maisil faut aujourd'hui apporter une secondeet plus grave réserve.Pour l'exécution de cette liste, on avait

prévu des démantèlements, et l'arrêt desdémantèlements pose immédiatement unproblème. En voici un exemple. La fabri­cation du caoutchouc et de l essence syn­thétique est formellement interdite et,parmi les usines dont le démantèlementest arrêté, une douzaine au moins fabri­quaient du caoutchouc et de l'essence syn­thétique.

Même difficulté en ce qui concernel'acier: il est entendu que la productionde l'acier est limitée et c'est en fonction decette limitation de l'acier que le pro­gramme des démantèlements avait été éta­bli; mais un certain nombre d'usines sidé­rurgiques, et non des moindres, sontaujourd'hui sauvées de la destruction.

N'est-il pas possible d'admettre qu'à lon­gue échéance — je ne parle pas pourl'année prochaine, ni pour l'année sui­vante, mais pour celle d'après, peut-être,— s'il y a une reconversion de ces usines,reconversion difficile pour douze immen­ses usines dei caoutchouc et d'essence syn­thétique, impossible pour les usines sidé­rurgiques qui ne sont pas démantelées —la liste des industries interdites et limi­

tées, tout en étant respectée en droit, nele sera plus du tout en fait. Nous n'avonspas le droit de nous payer de mots. Sansdoute avons-nous une garantie, l'office mi­litaire de sécurité, qui a déjà travaillé, quitravaille et qui travaillera, mais que peut-il contre cette réalité: des usines qu'on»laisse intactes et dont la reconversion to­tale est quasiment impossible 2

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2640 ------~--------~C~O~~~SE~l~L~U~E~L~A~I~IE~'l'~U~ll~LI~Q~Ufi~~S~E~A~N=CE~'~D~U~·~S~D=E=CE=a=ffi=J=lE~19=~~9---------------------­. "tes llaranlies dont nous: nous faisions les de mnlliplcs mesures. Les unes •!ta~ent core faite, dont les inslitulions euro· .~hampu;ms ,n·~laient 11as sculc~cnt.d•o!ùrc cxceHcùtes, d'autres beaucoup moms. péennes l'estent, pour la. plupart, sur ·1a t:conouullue. Nous· a\'JOns ausn lt souc1 ùe ·vous avoucra.i·je que je n'approuve pas papier. , certaines garanlies d'ordre politique .. Jo que nous ayons imposé le llaccalauréat vom Jo' bilan. Il est ce qu'il est, mais tel serai-- bref. mais quelques points impor- aux jeunes Allemands de la zone fran· qu'il esl, il expliqua Je 1nalaisa francais • . tanis do;,·cnt êlre l'appelés. taise '1 (Sourires.) · ' Les garanties premières que nous demnn-

. · Au lendemain de la guerre, nous a\·ious Mais notre zone est peu étendue et l'ac, dions, duni cerlalnes · étaient justifiées, ·Jo ùésit· etc ne ll3s·faire seulement du con- lion menée par nos alliés, en dehors de dont ·(]'autres l'étaienl peut-Otre moins, \rôle un inslrument Ile sauclion, mals cette zone, est très Téduite. Au surplus ont abouti, quelles qu'elles soient, à peu d'en faire aussi un instrument de tutelle. elle est close 1 Aujourd'hui, nous voyons l]e chose, ct l'organisation européenne n'a Nous savions que, si•nous voulions !aire cc que représentent, par celle abdication, pas la structure, la valeur, la solidité nccé~er cel ensemble ~o la poJmlation alle- une presse libre, une unlversllé libre, qu'olle devrait avoir au moment ou l'Alle·

. mande t'L ln \'ie internationale. nous avions une radio libre -·libre mats non exempte ·magne redevient une :puissance interna .. · uno lounlc J·esponsabilité. Nous savions de terribles relents du nazisme. ' tionalc .

. 'lue les Allemands !l'ont pas le goût do la Sans doute- M. le ministre nous le dé· Ce hilnn, nous y,ouvions Je faire 11 y a t émocf3tie, qn:ilo; sont anim~s pnr une c1nrait hier à la commission - nolis avons · d' '1 ' t ·1~ t lla< .. S!.Oll ùr. ]mi.~sancc nt d'expansion, con- 1 1 1 un mois. AuJour mil nes pas comp e.

~ é l' . des observateurs <ans ous us " pays· " Nous avons récemment en!endu, dans un tmim nu n'gnc rie la liber! po 1l!que, nous - ne disons Qlas Etats, - mals qu'est-ce ciel 4u1 depuis longtemps n'est plus sc­sa\'ions que J'étlucalion nazi~} :.waitaflermit qu'un obsefvateur, quelles sont ses ins-_ rein un nouveau coup de tonnerre. On .a an moins chez tous les jeune~, cette pa~- tructions, q,uels seront ses pouvoirs? ~1 parlA d'une armée allemande. 1\1. Je mi­sion de 1mi.ssance rn leur incu16uant, en :renseignera, 11 ne pourra pas tatre grand- nistrc des aflaires étrangères nous a dit, et. oulre,.le dédain )Jour tous les m ·ca nismes chose. Sans doute, à la tête de notre zone, nous Jo croyons, que les ministres des a!­tlifficiles ùc la ·\'Ie tMmocJ·atiqnc. nous avons maiutenant un haut commis- !aires étrangères n'ont pas parlé de l'ar-

A ces soucis anciens s'en c~t ajout~ un, saire. Mais est-il aub·e.chose qu'un négo- IDée allemande. JI nous a dit aussi hier <l'ordre social, infln!menl plus grave. Cette ciateur, qu'un consP.illrur, autre chose 9u'il était mauvais d'en parler. Mni; huit Allemagne ocei<lcnlr.lc no comprend pas aussi qu'un gendarme, lorsque· la )'ui•- JOurs après la ~rernière déclaration de seulement les 35 millions· à 3~ millions sance occupée nlanqnc d~ respect à la 11uls- M. Jo ministre iles affaires étrangères, !l'habilants qui s'y trounicnt déjà. Ello est sance occupante 1 nous avons entendu Ja radio, dont nous encombrée nnjourù'hui par 10 millions au . Ce n'est pas assez, je Je crainS, pour savons qu'elle est officielle, nous dire fN8 moins de rNugil·s Yenus ùc l'Est, Alle- faire œuvre vraiment utile aujourd'hui ct l'on envJsagcoit, à 1 ..... suite des conférences man<ls chassés de l'Allenugno orwntalc, accomplir celle tAche d'ordre social, d'or- d'étal-major, une armée etJrop~cnne avec cxilê• \'olonlaires ou expulsés •Jlar la lorce: dfe politique et d'ordre édue-1\i! qui élait 200.000 volontaires allemands. Cela a élé une populalion flollante à la recherche ~pendant une de DOS garanties. dit à l'émission officielle de la radio fran-.d'nn ùOJniciiC', Llo. nourriture ct de travaiL Df.ef, l'ensemble des mesures que la çaise. Cette silun.tion sociale rendait infiniment . Jlllls di!llcilc ln tilchc ùc tulclle cl do réé!IU- Franco a longlemps demandées: répara- Soulemcnl, rour· livmr une armée OUI'O• C:llion qui élait ccpcnd:mt ):our nous une tians, Rhur, démantèlemênti, les garan- péenne, il fau une autorité européenne at

1. lies·démo!Vaphiques et politiques, tout cola co n'est pas le conseil da l'Europe qui garantie, en tout cas un cspoh· de garan le. s'est cftnté ct, pour la plupart d'entre peut s'eP- chargb'!'. n en est incaP.able

Qu'avons-nous fait 1 Un des points de elles, nous dc\·ons enregistrer un échec. d'abord cl son sla!.ut le lui interdit. Si notre programme était de nous occuper -)'on crée une armée curop'éenne, en réa .. de l'émigrJtion, considérant comruo 1m- Cet échec - on nous le dll aujourd'hui lité ce serait un congloméra) d'armées na-

lm5sib1C', à J·u::lc tilrc, Je maintien, de - est M.t à 1a nécess\té de la reconstruc· Uonalcs. Chacun sa vérité 1 les Russes ont 'autre ccl lé u llhin, de fiO millions d'ha- lion allemande: nous le concevons volon, ••mstitué une police -

1 les Occidentaux

hilanl; sm· un tcrriloirc d'à peine les deux lieJS. Alors 1 Alors Il 1 a la politiqua eu- conslltucraient des vo ontaires pour une tien de la France:!. L'orga11isalion interna- ropécnne. L' Allem:tgne, en se relevant, ns armée européenne. Les mots risquent de lionale des réfugiés s'est occupée des per- sera pas seule. Elle \'a 6tre encadrée par cacher une réalité semblable .. sonnes déplacl'l!s: c!uclques cenlaines de l'ensemble des nations européennes grou-

1 .1

, l" li ) Juil:c-. Mai.:; le ph,1J êt.ue ùe.:; milliu11.:; de pécs d~ns le Conseil de l'Europe. Qnnn( 1 s agil de n cmagne. tout o rHu

0niê_,, la r,Jupart ,allemands, le pro- A (\ li tl , 1 i monde est responsable, non pas sculelflent

,. cou.p s r, ce e lese, en son pr ne pc, un ministre, ou un gouvernement, mals JJiùrno de celle surpopulalion sur ce ter- est bonne. L'Europe, certes, n'est JIUS une lo l'ar!cmcnt el la nation toul cnUI:re,

. riloir.e trop élrnlt n'e;t pas du tout ré- p,anncéc pour tous nos maux, comme on N - 1 d "l d •olu 1 On en JlJI'ie peu ·auJ'OU!'ù'l!tll·, llla!·, d't 1 . 1 Il t . t 1 ous no < evons one \Jas t: u er nos res .. ,, " e 1 par ms ma s e o es un ms mmen b'l'l' 1 1 J d 't d e (l "n' deux· ou tro!'' ailS, Oll en l'•"rler,• é . d t dé! t Il t . r.ansa 1 1 t:S c nu na e rOI o s

... .. oJ .. ,. n ·cessa1rc e. no re cnse e e c es auss1 1 > 'l' beaucoup. C'est une situation impossible un excellent instrument contre cette déca.. lOrner ~ en Iquer. que celle e;·oée par cene populalioll !le ré- denee europ6cnne qui nous atteindra à Depuis trois ans que voyons-noua 1 Nous fngiù•, pOU!' la plupm·t sinistrés, chômeurs coup sllr, 51 les nations do l'Ouest do J'Êu- voyons une politique russe ct une pollli-pour /Jill:) d'un mi!lion de '!1CI'3onnes, fn- rope restent divisées. que amér·icainc qui, tontes deu'!t tendent caJHt~J cs do trun\'cr mi·mc un ll'ayail par- a reconstiluer une J\Jlcmngne. !'lous con~ lit~l. · Mais, comme l'autorH6 inlcrualionale de naissons les ohjectHs. de la politique

la lluhr, comma Jo !édé!'alisme, cette !lu- l'ljsso, ses méthodes ct nous savons quo nu .social. passons ,1U roliliquc. Nou;; ropc n'est qu'un mot. ni sur les uns, ni sur les autres nous ne·

avions une lhese, le fédéra ismc. Elle ûlait !ln aoM w49, dans deux villes du Hhin, pouvons beaucoup influer, lmnnc sous certains da ses aspects, mau-vnisc som; d'autres. Ella aY:tit au moine; à Strasbourg et à llonn, deux parlcmcnls En cC qui conceme ]a nolitiquc amérl· uno Ycrlu 1 celle ùe meUre l'accent sur un ont éM t·éunls: à Donn, le premier ·parle- caine ct, d'mio manièfc plus gCn6ralc, la. fait d'expérience. Dans un pays hostile ment de I'Ailema~no <le I'Ouesl, à Stras- llOiillquo do nos alliés, Il en va diflérem­par tempérament au mécanisme de la vie bourg, lo premier parlement de l'EurojJC, ment J.a Fr~nco doit pr~tcr uno atlention démocratique, le rélah:issemcnl ùes Il- Quel est celui '/ul a lait un travail solide 7 particulière à la politique américaine. hertés Jocalco à l'inlériour de réglons li- Co n'est pas 'asscmbléo de Slrashourg, Nous savons quo chaque lois <JUO · la milécs

1 d'Etal; "''X !ro'nlièrcs élro1les per- c'est colle do llonn. El, quand l'été s'est Fra!lco sc lrouvo en di!flcull~, qu'il

met e permet ecu! l'iniliallon •Jlrogres- terminé, on a pu voir, d'une pari, uno s'agisse d'une dlfflcul\6 milliaire, poliJI­sivo au jeu difficile de la liherlé poli- Allcmaguc qui avait reconstitué une struc- ~uo ou flnnnolère, elle dol! sc tourner de li que, do .1~ vic parlementaire. En co do- turc i!OIItique, uno structure gouvcrnémen- 1 autre côté do l'Allan tl quo ol, !lous sa­maine, on a tout abandonné. L'Ela\ alle- laie, ct d'aulro· part, uno Europe qui en vons - nous en avons maintenant la ccr­mand est rede\·eim un Ela\ centralisé, était très loin. Cet échec cruel du premier !:tude quasi expérlmentalo - qu'Il n'y a avec, en fait, un seul parlement et un slalul do l'Europe, co n'est pas sculemwt do sécurilé, qu'il n'y a d'avenu, oour seul gouvernement. Il faut Je voir, co mol <JUI vous le r6vèlc, mals M. Paul toulo noh·e politique, quo par une union parlement, Il faut voir à quel point toul lloynaud, M. André Philip à l'Assemblée étroite de l'cnsemhlo des démocraties !or­ce que nous considérons comme _le mé- nationale. géo autour de l' Atlanliqno. Mals l'amitié, canlsmo de ln llberlé n'est pas encore 'L'un ct l'autre, à cùt6 .de cc premier rilnls la rcconnnlssnncc ne condamnent üans le sang des parlemtmt:Lires alle- l:chec; ont soullgn6 celui do l'organlsallon pas au silence ct ue doivent pas être l'ac .. mands. lis ont plus le gOI'tl du pouvoir économi<JUO de coopération, laqucllo n'a cepl.•lion de Ioules les dircchvcs qui ins-,quo Jo souel du respect des mlnorllés. IJaS ct de loin réallsù l'onscm~lo de sa mis- ph·cnl la politique américaine. ,

Du politique, pa~sons au culturel. l'ious •lon. Ello n'a pns unifié les économies cu- La Franco, d'autre par·! - et cela Il faut nous sommes préocr.upés de la rééduca- ropéennes. Elle ost mOmo h•ès loin du but. lo dire au~sl - ne pen! pas s'opposer à lion do la jcuncsso allemande. Nous On peul donc dire que l'Allemagne va ln reconstruction allemande. Sans doute,

. j'avons tcnl~e dans la zone !ran~aisc, JWI' .entrer •Jans une EU!'OJle qui n'est Jl3S en- on ne doi.l rien oub!lcr, !léccmmcnl il y

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CONSEIL Dll LA fillPUBLIQU:-: - .SilANGil DU 8 DECimonil 1940. 11641 --~------------2·--

a cu, en AUemaJ;ne, une réUnion of0cie1~se · de l'rançais el d Allemands. Lés Allemands .ont _par16 de l'occntlaHon fram:ttise, r!c l'ot·cupnlion anglaise, de roccupJUon amêricainc. II Jlarait que tes Franç-àis n'ont :pas pa'tlé de l'occupation allcu1anùC: Il me SCIIIhlc que· c'est un tort. Il f;mt en par]cr. Il ne faut pas l'oubli_cr: Nous n'ca avons }l>< le droit. Nos morls, nos martyrs sont prt·~ents en nous et doivent le demeurer. fi faut d'autant moins !'oulhlier_(JUC, ]e cas échfant, si ·elle tJevait recommencer, l'oc­cup;ltion all<!mande rc\·NiraiL un caractère

· semh!ablo à ·cel ni que nnu3 lui a\'Ons cou nu.

(;cs souvenirs et celle certitude de doi­vent pas s'opposer à une politique néces­stlil"c, lfUi est tout:\ fait claire: l'Allemagne :est devenue non par notre volonté, mais pn.r-d! que cela est et qu'on nous l'a lm posé, la première marche de l'Occident; ,tcllt~ est la vé1·ilé, la réalité. Nous n'avons lpas le droit, sons prétexte d'aulres senti· DH"11ls, de le uier aujourd'hui. Voilà qui mi-rilcrait, pitti qu'on ne 1\t. rail, d'être <Hl\"C!"lement atlirmé et expliqué. Le con­~r:tirc serail de l'inconscience. t:cssons donc ~l'l·lre silencieux vis-ft-vis tlc nos alliés, et tnennscicnts vis-à-vis des graves prohlè­;m.r$ que pose la nécessaire rcconslmclîon rall,•mande. Nous sommes alors conduits à :C•n is::tger deux flireclions d'aclion: l'un~ ncr:tit un retour en arrièl'e sur cc ffUe nous avons déjà accepté, l'autre .plusieur~. i.(l:ts en avant.

Il faut revenir rn arrière. Nüus devor.s 'mellm l'accent sur notre intérH à R\"Oir de~ garanties t(Ue nous considt.'·rons comme ~s:.:culiellcs ct fondamentales, sans lcs­~uelles toulc po1iliquc risque un jour on ~ aulro de l'cde\"cnir dange1·cnse, ((UelJcs tJuc solen! les raisons qui la lllOti\"ent.

V1 premii.·rc de ces ~:u-an1ies c'est le .-égime ~péeial de la lluhr. Je m'excuse d'rn reparler, mais l'affaire en vaut la &lcirae. C'est au cours des moi::; qui vicn­:tcul que l'oriflnfatinn dérinitive ,.a être prise.

On peut et on <loit 6tre r,arlisan <le la l""l'''iété prirée el de la hiJc>·té d'entre­aln·i::c. On peut égalcmcut ôlrc {mrti:;an. de J'a nnlionnJisntion des rcs50lll ces irupor­laulcs, mais, s'ngissnnt de la nuhr

1 ii ne

)?cut être question ni d'un rclollJ' ;\.a .Jll·o­I>rii•tô !>rivée, ni de l'acceptation de ln nationalisation allemande de la J>ropriNé ~~ •le l'exploitation.

Il 'f a deux -raisons pom qu'il en soli jlin.-i.

I.a .prcrnière,·c'csl que l'cnsemiJlc de la 1\uhl', avec ses ressources miuitres ct ses indu::;lrics, constitue uu arseual uc [UCJTC !Qu'••!• n'a ~as Je droit de mettre à la dis­[I.JO~ition, dtrcctcrucnt ou ill(lireclcment, il'nn gouvCJ·ncmcnt allcmaud.

I.l'autro part, si nous \"OUlon::; crt'!cr une ~nwnisalion ClliOlléenne, il raut lui don· ncr nne rich('sse, une hase d'nctlou r.L de &lOU\*OÎr, J.a fillhf CSt la JII'CrlliÎ'!'e richc~::;c sur laquelle une autorité CUJO]Jl·cnne peut lli•I'IlYcr son aclion.

1.11 solution française IJlli était ·rintca·· tl.alionallsalion de la fiuhr, lfiiC 1u111s a\'ou:: ,trop aiJandonnl·c, doit être tcpl'isu s;ws ~ar.lcr, au moins en pal'lic. Il 11c raut (Ja~ Se rontentçr d'une aulm-ité chargée de rt'!­CPttrlir Je charhon sni\"aut t'a qualité ou lnth·anl sa quantité, Il Iaut un coutrùlc da la gestion, un contrôle de l'cxpluilalion ~cs cntre\triscs. Il raut, nu nwiu.-., un c<m­•rlill: sur a iH'opriélé,

O·• dit: ne ,·ous engage?. po< tians ~ottc [Voil' Mr cc sera pour 1:. Lonaiuc 1111 m:III­\Vtli~ L'Otnrnenccru('nt. On n'a .pa~ Je di'Oit, l!O.ur .uno menace hyopotbéliquc, uo re·

créer immédiatement 1·urn .menrice, réelle.· .Au snrplns, on peut faire la ùiffé1:cnce. La Lorraine n'est pas .. nn arsr.nnl offensif comnie Liepnis JS;j(), et .JIOllf trOÎ$ guerres, la Huhr a été un •. rscnal Ile préparation à Ja gnenr-. Et puis, nyons 1e eO\trage de Je dire ct. il faut accepter les. exigences ùe sa politique quand on la juge bonne 1 Si \'ons voulons une autorité européenne, il en rêsnllr un cerl:1in nomhre de conséquen­ces, et si dans vingt-cinq ou dans trente ans, un ccrtnin nombre de rcssonrces mi­nières, mf:me fron~nises, doh·cnt t:trc in­tc&-nntionalisfes:, il n'y a :pas de quoi s'émou\'uit·, car ou bien on reut l'Europe, ou hien on ne la vent ipas. mais si on la veut, il raut la vouloir a\'ec ses consé­I[Uences. Mais on 4>eu1 fort bien, et c'est une thèse exçellcnte, atrirmer que J'intcr­nalionalisalior\ de la Ruhr doit Hrc immé­diate. Quant aux autres, on .en reparlera •Jnand l'aut<ll"ilé européenne sera une réa­lité et apri-s exp~rience.

~fais j'insiste, il ne faut Jl:ts tarder, car, comme jr \'Ous Ju disais toul à l'heure, st nous avon . ..; Ja volonté cJc faire que l'nu·' torité lnlernalionale de la lluhr ne soit )las, je u'excuse (lU rnot, la plaisanterie IJU'cJin ,.,, nnjonrd'hul, c'est maintenant I(U'il f:mt ;;~;1·. Uuns quchjues mois il sera tl"op tar·oi. t'ensemble de a direction alle· .rmmdc de la Ruhr am·a repris_ sa ],lace ct l'aulurité internationale, par suilo de l'absence rte pouvoil"s, de chef et de per­sonnel, aura pris place dans cet cnsemhlc de figurants ilont on croit, avec candeur ou hypocritement, qu'Ils font quelque chose, :1Iors qu'en vèrilé ils ne servent à •·iun! (!lp-pltllldis.•cmcuts sur les baucs supérieurs de la tlmUc, tlil centre ct de la yauclw.)

lln même temps, :1 faut en\'isagcr Je pro­blème des cnh·cpriscs f(Hi étaiunt insct·itcs slil" les listes de démantèlement cl qu'on ne dé.rm111tèle plus, till moins envisager certaines d'coire elles. En cc domaine, on nn opcut tr~p rrlli<tucr le Gou\'crnemcnt. Les démanll:lemcnts étaient Jlossihles en 1915, en 191G ou 1917; ils ne lu sont plus ou prcstJUC plus en 1!119, encore moins en 19:>0. I.cs l'CSIIOHsahiliMs ne sont pas dans le Jlléscnt, elles sont dans Je passé. Cc· vendant, il nu raut JJaS tolérer, comme fJOUr la Huhr, <tue les Jtrinci))a)es cnlrc· Jlrisos <JUC l'on ne démaulèle 11lus rc\'icn· ncnt thl'cctcmcnt ou hulil·cclcmunt à la puls~ancc allemande. Pour tes rn·incÎJJ:Ilcs d'enhc elles, celles fJIIÎ ne ~ront pas re~ com·cr ti es el <tnl lnh>·ir1neront les produits f(UC hier encore on jugcnit dangereux. il ruut égnlcment un régime international. tl faut le \'oufoir, ct llOUS a\"OIIS Je droit de l"ouloir cette inle•·rmtionatisation, ct ju ne parle Jlas seulement des im·cstissc­uwnts de cn/'itnux, c'est ·prc~qnc ~~con· dai re, mais (cs sociétés dont Ja direction ~oit uuc direction européenne.

La flul1r a ccrln.ines iodusttic::; complé­nwntait·c~. I.:'t nous a\'ons lu dcvoiJ' de 1·cvcnir en az1·ièrc ...

An deiiHHirnnt, il t;mt .:tllcr <le l'aw•nt. On a I'Clllis en causr., dous les eom·er~n· lion~ du mois deruicJ', ct lûs ncconls de Lonclrrs de 191~. ct les doetuucnls ~ignés iL Uerlin ù l'elle IIH~mc l-poqun, cl tes :u~~~fll'lh; dr, "'ushing-tun de HH!J. On 1~st nllt1 Hll tlt>l;'t dr. t'C tlu'nu H\'tdt dl:cidé. l'onntw'i t1f! pas nllf'l' :til dt•l:'l de <'f! 11111 a éli! tlt~ddé a l.olldrr:: c·n HIHJ f!ll re ((tti •:nncCI'nc ln ~tn:ut de; I'EIIHJ(IC ? Toul :;c tient, en flfh~l.

r.e IJIIC rlll'IS I"OIIIons, et CC CJIIÎ c<t ll~­rr.>s~irc, r'c<l unr. ri·nlil6 CIII'Of•!:clll>~. Encore uuc Cois. l'Euro1or: u'~sl l"" uur. p:tnacér, ruais elle csl tu'·rt!~S<tirc à notre délcusc, elle est nécessairç Il la saul"c-

g>rde des Etats· curop~ens. J.a ra pi dito! du rclù\·cmcnt allcmnn1• exige <)Ue l'cn:rcprise européenne ume plus vite qu'elle n•est alléu justjn'à présent. JI faut IJU'eile aille plus vite. Il raut lut donner d'ahord une compétente rêclJc. Il n'est p~s admiSsible, J~<'lr exemple, que l'orgnnisalion euro· J>éennu ùe coopération économique soit. rndépcndantc du Conseil de l'Jlul"Ope. Il n'est pas admissible, h la longue, quo J'orgnnisalion Ile la défense ~m·opéeune ne·~oill]'os ùe Ja compêt~nch de l'autorité.

J>olititJIIC européenne. Il ne faut pns sen­ement élargir la compétence, mais missi

ses l>Oll\"Oirs: l'autorité européenne doit avoir le droit de commamlur en certains domaines, ct toutes ses décisions ne dol· vent pas perp!Hnellcmont être remises en !\ueslion par le moindre gou\"crnement. Enfin, une nouve11e organi$3lion! nes cadres et dCo! lnslitnlions sont néce>'&ires et tion pas cette apparence que l'on 1 constitué•.

!.a rapidité du rclùvemr.nl allemand ne nous permet pos d'ntlcnù1·e. Je crois que l'on peul dire qu'on n'a .pas lu droit da taire entrer l'Allemagne rians le r.onsell do l'Europe tel qu'il est nnjonrd'hul, cor il no rcprê~ente pas un cntlre. 11 \1!=l encor& un espoir que chnquc jour ùéçoit ùnvan· tage.

Nous voulons donc une \"érital>le E"r·op&. Tel est Je premier point. (Applnutlisse­mmtls.) Négocions nvec l'll'S alliés. En nu'mo temps il raut montrer l'exemple et r.cci est un deuxième point,~~ nn point dif­llcilc. Ge sont des n(·gocialions directes avec l'Allemagne IJUi pe•11·eut permettre de tlmuuw une n;alité à l'or'-'<misation euro .. p1!ennc. Nous discutons ave!! d'antres pays. cl sans doule parce 'lUC cr.s discnso;ions n'aboutissent pas à grand-chose, on leur dorme à tléraul ùcs uoms genlils ct amu­sants. )lais cc n'est 11as sérieux. Ce qui est sérieux. cc serail nue entente entre l'~co~ nomie h•an~aise et l'économie aHemanl1c. Snulcmcnl il ne f.1ut )Jt\s lonlc1' car si nous tartloJts, notre posilion sc1·a mafaisée!

I.e relùl"r>ncnl allemand l'l'end une ca• dcnco nceèlér·éc, les lndustl'>cls a!!èmands n'O!ll J>~s de ehar·gcs de défense nationale ot Ir' f>·nis d'occupation <Jill tes rempla­cent di;ninnt'nl ~hn•tne j.:mr. te$ Allrm:uuls o!ll, (!g:llcment. moi_ns de charges sociales. S1 nous voulous, non J)nS sculrmcnt .des nccord~ commerciaux, des nccords d"{:ch:mge, des accords de troc, mais des entente.; sur la production, des entrntcs sur- les nmrrhéf:, il raul dire aux indus· h·ir.ls fl'lrll':.lis d'cntrr-r en contact tout dn .;tJitc, snu:; Je conltble <ln Gou,·crncrnent ol en aJ>J>!i<Jllant les dircctil"cs du Golll"cr­ntHnellt. Il f:111l s'rngt~"rr clans cr.tlr. voie. Si l'on ne s'v engage (ta~, la n(•('r~"ilé nons y cnu.lniJ'a duns den x ou trols ans ct notre Jrositinn ::rra .lltir:; Jlius délicate el nolro pnsiliull l'iSIJIIC di•IJ'C hr-:11W1111p lllfiÎIIS f;n·~ rahlr.

Xnns !"liiiTions préscuter les mi:tiJCS ré· rtcxltllls au sujet du prohlCHIC culturel. A lui seul •!C~ pr·ohh'•me Ytllllh'ilil un discnnT! lulli cut;c,·. Si Vl'ilimcnl nous voulons I•Jo:u. l"OJ)C, JI()IIS rJP.\"UIN fot:I\'OÎr CJII'CifC rCJ)OSC sua· Ir. •:onlitwnt ~m· deux piliers, la Fr·uuce

·ct 1'..\llmn:•~ne. l'ni~fJih~ nous n'a\'ons )Jtl9 r(~u.,~i rm muy1~1111r.mcnt réussi au lemps de J•cu:cupalinn. nwinleH:IIII, lmr lt!s échnugcs II'Nu•litlllt~, les échaugcs 1 c jennr~ inf'IIIU· tc~urs, Jt:u· iles raJtfJI'IJfhc.>menls c.>ntl·c les tllti\·m·.;itt~::. nous IWII\'ons. unu~ voulon~ c.t IUHIS !Jf~\'UII:; f:til'e fliiHfiJIIe thfJ~(' .. ,

Xou• arril"ùns là au prolJII-mc le plus ~If, rkii1•. t'at· il lW suUit /1:1:; tl!! \'•liii•Jh' l'l'$ llt!god:llinu", il lU:! sll Ill 11;1s. rln \"Uttloir une ,.éa\it6 curoJ>éeuuc, Il faut s"'i. pl·é.·

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2642 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

parer et sur ce point il est certain que laFrance n'est pas préparée.Politiquement, c'est un grand problème.

La faiblesse française compte pour beau­coup dans les inquiétudes que nous avons

,vis-à-vis du relèvement allemand. Nous nesommes pas les seuls à sentir cette vérité.Sur le seul problème économique,

sommes-nous prêts ? On sent la nécessitéd'une libération des échanges. Il faudraitavoir une politique agricole, industrielle,sociale, en fonction de ce que nous consi­dérons comme une nécessité. L'avons-nous ? Poser la question, c'est la résou­dre.

Mesdames, messieurs, j'en ai à peu prèsterminé. .

Reprendre la dischssion sur l'autoritéinternationale de la Ruhr et sur certaines

industries interdites et les repiendre toutde suite; demander des modifications austatut de l'Europe et tout de suite; enta­mer des négociations économiques, et sansdoute culturelles, directement avec lesAllemands et tout de suite; tels sont sansdoute les conseils qu'une assembléecomme la vôtre peut donner au Gouver­nement.

Elle peut d'autant plus les donner qu'ungouvernement qui prendrait cette attitudefermement et qui n'en démordrait ipas se­rait certainement très fort dans une dis­cussion internationale.

Lorsque le traité de Versailles avait crééle couloir de Dantzig, beaucoup s'étaientdit: le traité de Versailles a créé la caused'une future guerre. -Lorsque les accords de Yalta et de Pots­

dam ont divisé l'Allemagne en deux etdivisé Berlin en quatre, on Jieut estimeraussi qu'ils ont créé un risque de guerreauprès duquel le pauvre couloir de Dantzigapparaît comme faible, si on peut dire !Laissons faire. Si, dans un an ou dans

dix-huit mois, ce gouvernement ou un au­tre vient reconnaître, ce qui est possible,que l'autorité de la Ruhr n'existe plus,f'ayant plus de rôle à jouer, s'il vientfussi dire qu'en fait il y a une reconstitu­tion de l'armée allemande, nous aurons.— et je suis persuadé que le chemin oùnous sommes engagés, si nous ne nousarrêtons pas, nous y conduit peut-être ra­pidement — nous aurons reconstitué aucentre de l'Europe une véritable poudrière.L'Est et l'Ouest sont divisés, profondé­

ment divisés. Mais il y a un risque etpour l'un et pour l'autre à recréer unepuissance allemande. L'une et l'autre desparties peuvent le craindre et le compren­dre et, vous le savez, il en est une quipeut le craindre plus vite que l'autre.II. faut donc que l'arsenal de la Ruhr

soit européen; il faut que l'armée occiden­tale, le jour où elle' sera, soit une arméevraiment européenne, dépendant d'une au­torité européenne. Le potentiel de guerrene doit jamais demeuier sous une auto­rité allemande. Ce que nous devons évi­ter, c'est que l'État allemand commandeun arsenal et une armée !

Or, je le dis comme je le pense : si nousne réagissons pas; nous sommes sur unevoie qui, dans uman ou deux, nous con­duira à des réveils -douloureux.

11 est tard, il est sans doute très tard,mais la France se doit de rouvrir des né­gociations. Ce sont vos partenaires, mon­sieur le ministre, qui vous ont demandéde venir à Londres en 1948, de venir ;'iWashington en 1919. Ils sont venus voustrouver à Paris le mois dernier. A votretour de leur demander de se réunir. L'or­dre du jour est simple: les seuls tex-les 1jïu'on-ne vous a pas demandé de modifier

| dans les dernières négociations, le statutet l'autorité de la Ruhr, le statut du Con­seil de l'Europe. Ce sont deux textes dontl'un doit être transformé complètement etdont l'autre doit-faire place à un statutabsolument nouveau. Si, dans quelquesmois ou quelques semaines, vous vousprésentez, avec une autorité internationalede la Ruhr qui soit sérieuse et d'avenir,un régime des industries interdites don­nant toutes garanties et si, d'autre part,le statut de l'Europe devient une réalité,un véritable statut européen, ce jour-là,nous pourrons dire que la politique fran­çaise, malgré ses hésitations, malgré sescontradictions depuis quelques années,aura réussi, autant que l'on peut réussirdans un pareil domaine.Seulement il faut agir, il faut agir vite ;

il y a trop longtemps que le peuple etl'opinion ont le sentiment que nous de­meurons passifs. Il faut que le Gouverne­ment quitte cette passivité dont il ne sortque pour démentir ce qui a été dit sixmois auparavant !Récemment ont paru en librairie les car­

nets du premier pilote de chasse de laFrance libre, le premier Français à qui lesAnglais en 1942 aient conlié le comman­dement d'un de leurs groupes de chasse.Le général Corniglion-Molinier l'a bien

connu. Ce jeune Français fut tué en 1943,et ses carnets sont posthumes.Voici la première page. Elle porte la date

du, 17 juin 1940: « Un grand dégoût mesaisit pour les vingt années écoulées de­puis 19-18, où nos hommes politiques ontdonné au monde le spectacle de leurs que­relles et de leur incapacité. Voici aujour-d'hui le bilan de leur œuvre. Pourquoidonc se sont battus nos aînés ? »

Le commandant Mouchotte n'était pas leseul à penser cela en juin 1940,Si nous ne 'faisons rien, si nous n'arri­

vons pas à convaincre nos alliés, prenonsgarde que l'histoire ne nous juge aussisévèrement! (Applaudissements sur ungrand nombre de bancs.)

M. le président. La parole est à M. Ber­lioz.

M. Berlioz. Mesdames, messieurs, toutrécemment, à la fin du mois de novembre,l'Assemblée nationale a consacré une se­

maine à un large débat sur la politiquede la France à l'égard de l'Allemagne elde l'Europe.Si, aujourd'hui ,M. Michel Debré de­

mande à M. le ministre des affaires étran­gères des précisions sur les direct: s etmoyens de cette politique, c'est, il nousl'a dit et il nous l'a montré d'ailleurs.qu'il n'est sans doute guère satisfait desexplications données, il y a moins dequinze jours, par le Gouvernement, ni del' ordre du jour de confiance mêlée debeaucoup de réserves méfiantes, qui futadopté en conclusion des interpellationsdans l'autre assemblée. .

Cela n'est pas pour nous étonner. '^'rescomme avant les interventions de M. le

ministre à l'Assemblée nationale, tous lesorateurs de cette assemblée avaient ex­primé de vives craintes ou tout au moinsdes doutes très graves quant à l'efficacitéde la politique gouvernementale en ma­tière de sécurité et de défense économi­que de notre pays.Ils traduisaient ainsi, chacun à leur ma­

nière, — elle «. été exprimée aussi il y aquelques instants par M. Michel Debré —une inquiétude générale et croissante du.peuple français devant un danger alle­mand renaissant à cause d'abandons suc-

cesifs de nos positions nationales.

De la droite à la gauche, nos collèguesdéputés ont formulé des critique et de­mandé des assurances au Gouvernement.La majorité elle-même a tenu à faire figu­rer un catalogue de garanties dans l'ordredu jour voté le 25 novembre. Celui-ci, eneffet, invite le Gouvernement à fairepreuve de vigilance, à prendre des initia­tives^ Il rappelle formellement des exi­gences antérieures du Parlement. Il pro­pose que le Parlement soit mieux informé,etc. Vraiment, il n'y a dans cet ordre dujour, nul enthousiasme, ni même beau­coup de tranquillité, quant à l'avenir.On peut se demander si cette accumula­

tion de réserves et de réticences était des­tinée à fournir à certains un alibi qui leurpermettra de dire dans quelque temps,lorsqu'il seront en présence de nouvellesviolations des engagements ministériels:« Nous n'avons pas voulu cela. »Toutes ces hésitations sont peut-être bien

des habiletés propres à masquer devant lepays ce qu'on n'ose pas lui dire ouverte­ment de crainte de soulever sa colère.

Toujours est-il que des précédents fâ­cheux nous autorisent à affirmer qu'unordre du jour de ce genre ne constitue pasla moindre barrière à la poursuite dépour­vue de franchise d'une politique exté­rieure néfaste à la France. (Applaudisse­ments à l'extrême gauche.)

Qu'il me suffise de rappeler le textevoté, à une toute petite majorité de septou huit voix d'ailleurs, le 16 juin 1948, à lasuite du débat à l'Assemblée nationale surles accords de Londres, et qui contenaitdes phrases de ce genre :

« En réaffirmant la position française surla nécessité d'une internationalisation desmines et des industries de la Rhur... ».Plus loin : « Réaliser l'expropriation desanciens magnats-... ». Plus loin : « Assurerle payement des réparations qui nous sontdues... ». Plus loin encore: « Continuer derechercher un accord final à quatre surle problème allemand... ». Et, enfin:.« S'élever contre toute décision qui s'écar­terait de ces principes... ».

Autant en emporte le vent, le vent quisouftle de l'Ouest! Comme nous sommesloin de toutes ces réserves approuvéespar le Gouvernement !Nous ferons semblable constatation en

comparant l'ordre du jour du 2 décembre .1948, à propos du régime de la Ruhr" à laréalité d'aujourd'hui, telle qu'elle a été

-assez bien définie 'avant moi par M. MichelDebré.

A chaque discussion, en somme, leschoses se répètent. Les représentants dupeuple ou sincèrement ou pour se trompereux-mêmes, ou pour que soient trompéesles masses populaires, font état de -périlset de menaces qui sont dans l'air.Le Gouvernement dément, présente ces

actes comme étant absolument innocents,et puis, un beau jour, on s'aperçoit quece qu'il a nié est devenu une terrible réa­lité parce que, même en supposant — et .ce n'est pas mon cas — qu'il ait de bonnesintentions, il est pris dans un système quile fait toujours s'aligner sur des positionsaméricaines, les positions d'une classe quine songe qu'à sa survie au détriment del'humanité tout - entière. (Nouveaux ap­plaudissements à l'extrême gauche.)

C'est ainsi que subsiste, et prend chaquejour un tour plus grave, le problème alle­mand qui, depuis si longtemps, domine lavie de l'Europe- et qu'on pourrait résumeren ces quelques termes: « L'Allemagnesera-t-elle un voisin pacifique ou agres­sif ? »

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2613

M. Georges Laffargue. Elle 1'a été pen­dant le pacte germano-russe.

M. Berlioz. C'est un problème capitalpour la France, qui a subi trois invasionsd'armées allemandes en moins de troisquarts de siècle, invasions dont la dernière

[ a bien failli être mortelle pour elle. Maisc'est aussi un problème capital à l'échelleinternationale, où il est évident que beau­coup de destinées du monde entier dépen­dent de la réponse qui pourra être faite àcette question: l'Allemagne viendra-t-elleen renfort au camp de la guerre ou aucamp de la paix ?

M. Pinton. Où est le camp de la paix ?

M. Berlioz. Nous ne croyons pas à l'éter­nelle Allemagne, nation de proie. Noussavons aussi que le fascisme bestial qui a

• dégradé le peuple allemand n'est pas unphénomène racial, mais un procédé dedomination de classe, qui peut faire sonapparition dans les pays les plus divers.

M. Serrure. Pas chez nousl

M. Berlioz. M. Henry Wallace avertis­sait, il y a quelques temps, les Améri­cains que son pays marchait rapidementyers une forme de fascisme.Sans entrer dans des détails qui ne sont

- pas de mise ici, nous expliquons l'histoireide l'Allemagne essentiellement par ce faitque l'État allemand moderne, l'État néces­saire à la grande production capitaliste,n'a pas été l'œuvre du peuple allemand,mais, celle de Bismarck, des Hohenzollern,et des groupes sociaux réactionnaires quifaisaient la force de la Prusse.Seulement, quand les circonstances ont

radicalement changé sous l'cfle.t des dé-I faites militaires qui secouaient totalementJe pays, c'est-à-dire une première foisaprès novembre 1918 et une seconde foisau mois de mai 1945, il semble qu'il étaitpossible alors de résoudre la question alle­mande dans le meilleur sens. Les deuxfois, elle n'a pas été réglée pour des rai­sons absolument analogues, qui sont desraisons de classe.

Après la première guerre mondiale, lepeuple allemand pouvait se racheter dupangermanisme par la révolution proléta­rienne. . -

Il la commença en 1919, il essaya de lareprendre en 1921, en 1923, mais il futécrasé par les chefs sociaux démocrates,avec le concours le plus actif des gouver­nements vainqueurs qui leur fournissaientmême des armes. Ceux-ci ne craignaientrien de plus que la « bolchevisation del'Europe ». (Exclamations .)

- M. Serrure. On n'a jamais vu ça !

M. Berlioz. En 1924, M. Baldwin, le pre­mier britannique, déclarait déjà : « Labarrière de notre civilisation d'Europeoccidentale doit être . renforcée contre

toutes les agressions révolutionnaires quipourraient venir de -l'Orient ». En vertude cette défense d'une prétendue civili­sation occidentale, le capitalisme interna­tionale travaillait sciemment et délibéré­ment à la reconstitution d'une Allemagneréactionnaire et militarisée. (Vives inter­ruptions au centre et à droite.)

M. Serrure. C'est une honte!

M. Berlioz. C'est une honte pour ceuxqui ont pratiqué une telle politique contrenoire peuple.

M. Georges Laffargue. Et le pacte ger-mano-russe i

M. Berlioz. Cela vous gêne que 1'on disedes vérités de ce genre.

Cela vous touche. C'est ce qu'a fait laclasse que vous défendez et ce qu'elle faitencore maintenant pour nous mener aumême désastre qu'en 1940.

Le capitalisme international y travaillapar l'octroi d'abondants crédits étrangers,en majorité américains.

Au centre. Déjà!

M. Berlioz. Oui, déjà! Et c'était lesmêmes banques qui les fournissaient —comme aujourd'hui — par l'abandon desréparations, et par les encouragementsdonnés à Hitler, gendarme de l'Europecapitaliste contre les forces nouvelles. (Ex­clamations et rires au centre.)

J'évoque ce passé simplement pourmieux faire comprendre le présent, carbeaucoup de choses se répètent. (Mouve­ments divers.) En 1915, la puissancenazie...

M. Laffargue. Vous oubliez de dire queRibbentrop avait été reçu en grande pompeà Moscou par M. Molotov, au milieu desacclamations populaires.

•M. Berlioz. Vos amis avaient déjà reçuRibbentrop ici, en 1938, avec effusion.Seuls les ministres « aryens » avaientd'ailleurs présidé à cette manifestation,les autres étaient déjà exclus avant d'êtreassassinés ! -

Mme Giraud. M. Laffargue ne dit plusrien !

M. le président.,Te vous en prie, n'inter­rompez plus l'orateur!

M. Berlioz. En 1915, la puissance nazieétait abattue, cf, avec elle, une mystiqueaffolante: les masses allemandes en

désarroi parce qu'elles avaient reçu de• bons coups, cherchaient à se raccrocher àdes valeurs nouvelles. Il était possiblealors de refaire une autre Allemagne avecses meilleurs éléments rééduqués, si fai­bles fussent-ils, en vue de la rendre inapteà toute nouvelle agression.

Les bases de cette Allemagne nouvelleavaient été fixées en commun par lesAlliés à Yalta, en février 1915, à Potsdamen août de la même année. Ces bases

étaient (je cite en gros les termes desrésolutions de Yalta et de Potsdam) : ledésarmement, la destruction ou le contrôledes industries pouvant être utilisées à desfins militaires, la disparition de tout espritnational-socialiste en plus de la disparitiondes organisations, la réparation des dom­mages causés, la condamnation des crimi­nels de guerre, et surtout, disait-on: « lareconstruction d'une vie politique alle­mande sur une base démocratique ■ serafavorisée ».

Une telle reconstruction, une telle trans­formation étaient possibles ipour l'Alle­magne envisagée dans son entier dans lesaccords de Yalta et de Potsdam. Ce quiprouve que cette transformation était pos­sible, c'est qu'elle a été réalisée dans lazone d'occupation soviétique (Rires etexclamations à gauche, au centre et adroite) où l'on a fait disparaître-...

M. Georges Laffargue. Avec M. vonPaulus !

M. Berlioz. ...les bases économiques dupangermanisme et de l'hitlérisme...

M. Serrure. Par quoi sont-elles rempla­cées?

M. Berlioz. ...les hobereaux par la dis» ..tribution de leurs terres aux paysans pau­vres, les konzerns par la remise de leursentreprises au peuple, où l'on a refondules cadres administratifs, procédé à uneréforme scolaire radicale, avec renouvelle- -ment du corps des instituteurs, où l'on a,donné toutes leurs chances aux élémentsdémocratiques, en premier lieu, bien sûr,à ceux de la classe ouvrière.

M. Alfred Paget. Pour en faire des sol­dats bolcheviks!

M. Berlioz. Seulement, à l'Ouest, régnaiten 1945, comme après 1918, la même peurde la « bolchevisation de l'Europe », unepeur plus hallucinante, encore plus forres-talienne pourrait-on dire... 1

M. Serrure. La peur de la dictature!

M. Berlioz. ... car la seconde guerremondiale avait porté un nouveau coup sé­rieux au système capitaliste et entraînéles peuples dans un puissant élan libéra­teur.

Deux des signataires des accords de Yaltaet de Potsdam songeaient moins à parfairela victoire sur Hitler par la réfection dé­mocratique véritable de l'Allemagne qu'àcorriger cette victoire. Les espoirs des mo­nopoles américains1, dirigeants du mondecapitaliste ébranlé, se fondaient particu­lièrement , sur la restauration de l'Alle­magne capitaliste, sous leur contrôle, etles businessmen reprenaient en chœur lalitanie de Baldwin, de 1924, sur la bar­rière de la civilisation occidentale!

C'est là toute l'histoire de l'évolution de

la question allemande durant ces dernièresannées; le sabotage, puis la répudiationouverte, des conventions de Yalta-Potsdam,si parfaitement conformes à l'intérêt fran­çais, l'isolement économique et politiquede l'Allemagne occidentale, en tant quebase réactionnaire et place d'armes pourune nouvelle guerre d agression.

11 fallait tout mettre en œuvre, ainsique M. le ministre des^affaires étrangèresl'a déclaré à l'Assemblée nationale l'autre

jour, afin « d'amener cette partie del'Allemagne dans l'orbite des démocratiesoccidentales », quel que soit le prix dontla France, qui suivait tandis que les autrescommandaient, dût payer cette intégrationdans le dispositif atlantique. (Exclama­tions su.- de nombreux bancs à gauche,au centre et à droite.)Le risque Allemagne ne comptait plus

pour des gouvernements français inféodésà une politique visant à restaurer l'impé­rialisme allemand en tant que force prin­cipale capable de s'opposer à la démocra­tie en Europe et considérant le bassin dela Ruhr comme la base du potentiel indus­triel et militaire du bloc hostile à l'Unionsoviétique.D'où la longue suite de renonciations

et de capitulations qui ont enchaîné notre,pays, par un glissement fatal mais jamaisavoué, depuis l'accord tripartite de Moscouau début de 1947 jusqu'aux provocationsnationalistes des marionnettes qui formentce qu'on appelle le gouvernement de Bonn.j

M. Pinton. Il y a Wilhelm Pieck!

M. Berlioz. Parfaitement, il y a WilhelmPieck, qui, au péril de sa vie, a dénoncéla guerre des llohenzollern, qui a luttéavec Liebknecht contre cette guerre, quin'a jamais désarmé dans sa lutte contrele fascisme et qui est président d'unerépublique démocratique.

M. Cornu. Mais qui donc a trahi la causedes alliés en 1917 et qui donc a déserté

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264C CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE — SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1949

les champs de bataille à cette époque ?C'est un scandale 1

M. Marrane. Et Daladier!

M. Pinton. Relisez les télégrammeséchangés entre Wilhelm Pieck et M. Sta­line.

M. Berlioz. Quand vous le voudrez. Noussommes d'accord sur les textes de ces télé­grammes pleins de promesses d'un avenirde paix.

M. Boisrond. Ce ne sont que des men­songes !

M. Berlioz. A propos de ces capitulations,surtout qu'on ne joue pas maintenant lacomédie de la. surprise devant les consé­quences d'une orientation délibérée.Vous étiez prévenu, monsieur Schu­

man. M. Lewis ll. Brown, de la maisonaméricaine, Brown Brothers, Harrimanand Ce — M. Harrimain est un personnageconsidérable -de l'entreprise Marshall —■chargé d'étudier le problème allemandpour le compte de son gouvernement,exposait qu'il avait étudié ce problème —je cite — « du point de vue du capitalistequi veut se lancer dans une affaire pouren retirer d'importants bénéfices. »

Le 25 juin 1947, M. Acheson, alors sous-secrétaire d'État, déclarait devant la com­mission des crédits de la chambre desreprésentants :

« Le relèvement de la production alle­mande est considéré par le gouvernementaméricain comme le fondement du planque les pays de l'Europe pourraient éla­borer suivant les propositions de M. Mars­hall. » Et la reconstruction prioritaire del'Allemagne postulait évidemment l'aban­don des réparations.

M. Boisrond. Vous aussi, vous avez de­mandé sa reconstruction prioritaire.

M. Berlioz. Évidemment, vous ne pou­viez pas tenir compte de ces avertisse­ments, non plus que de ceux de M. Molotovqui, à la fin de la Conférence de Londresde 1947, se basant sur des faits exposaitque « le plan américain relatif à l'Alle­magne ne tient nul compte des intérêtsdes autres Etats qui firent partie de lacoalition antihitlérienne. L'Ouest alle­mand n'est que l'objet dont on se sertdans l'intérêt de l'expansionnisme améri­cain ».

Vous étiez constamment sourds et aveu

gles, parce que vous étiez d'accord, aufond, avec les projets d'utilisation del'Allemagne de l'Ouest comme armée dechoc contre l'Union soviétique, contre lesdémocraties populaires et contre le peuplefrançais. (Protestations sur de nombreuxbancs à gauche, au centre et à droite.)

M. Pinton. A bas Tito!

M. Berlioz. Vous acceptiez docilementque cette partie de l'Allemagne revienneà ses vomissements du temps de Hitler.Ainsi, les bases économiques et socialesdu nationalisme germanique ont été soi­gneusement maintenues dans la triione,où il n'y a pas eu de décartellisation et oùles magnats de l'industrie de guerre onttous été remis en place, quels que soientles crimes dont ils se sont rendus coupa­bles.

Vous savez bien que les huit anciensgrands trusts de -la Ruhr ont été remplacéspar deux seuls organismes de tutelle (mi­nes et sidérurgie), contrôlant l'ensemblede l'activité industrielle.

Vous connaissez l'opinion des trois ex­perts de la chambre de commerce inter­nationale, enquêtant sur les effets de laloi anglaise, dite de décartellisation, et dela loi n° 75. Leur rapport s'exprime ainsi :« L'opération, dans son ensemble, a

abouti à une unification et à une. concen­tration sans précédent de l'industrie dela Ruhr ».

Vous savez que la Reichsorganizationéconomique de Hitler est reconstituée avecle « Comité pour les questions économi­ques », monté à Cologne le 19 octobre der­nier.

Vous avez aidé à la formation du gou­vernement fantoche de Bonn, avec devieux politiciens réactionnaires- étroite­ment liés aux milieux d'alïaires étrangerset sous la dépendance de ces derniers:un Adenauer, qui a suivi n'importe quidepuis 1918; un Heuss, qui vota les pleinspouvoirs à Hitler et glorilia la guerre to­tale de ce dernier; un Herman, présidentde la banque de reconstruction, qui reçoitles fonds de contre-valeur du plan Mars­hall directement des Américains et qui,en 1945, avait été accusé, dans un rapportdu gouvernement militaire américain,d'avoir fait de la Deutsche Bank « la baseéconomique de l'armée hitlérienne pourl'exploitation des ressources de l'Eu'ropeoccupée ».Vous vous réjouissez du résultat des

« élections maison » du mois d'août der­nier (Rires sur de nombreux bancs), qu'unorgane travailliste, le Reynolds News, ap­préciait ainsi:

« Tous les intérêts économiques et finan­ciers qui avaient soutenu Hitler en tantque rempart contre le communisme etqui étayèrent jusqu'à la onzième heure lerégime nazi sont revenus au pouvoir. »Et vous prétendez nous faire croire que

l'implacable logique du développement devotre système de défense du capitalismeaux abois ne va pas se poursuivre .? Vousniez qu'il soit question de l'organisationd'un consortium économique, Fritalux ouautre, dans lequel l'industrie et l'agricul­ture françaises seraient sacrifiées ?

Vous démentez que des pourparlerssoient en train en vue de la constitution

du vaste combinat sidérurgique Ruhr-Luxembourg-Lorraine, qui donnerait lecontrôle de toute notre industrie métal­lurgique à des Heinrich Dinkelbach ? Vouscroyez pouvoir tranquilliser les Françaisen assurant que dans vos entretiens àtrois, du 8 au 10 novembre à Paris, oudans les conférences militaires du pacteAtlantique qui viennent de se tenir, il n'apas été question du réarmement allemand,au moins par le biais de la création d'unegigantesque L. V. F. dans laquelle entre­rait l'armée de l'Allemagne occidentaledès maintenant remise sur pied ? Ce seraitvraiment prendre les Français pour desenfants.

Tout le monde, sauf vous au Gouverne­ment, parle de ces choses. Les réunionsd'industriels français, allemands, luxem-bourgeois pour la constitution d'un cartelde l'acier, ont eu lieu. La presse de par­tout nous dit que les généraux françaisles plus influents reconnaissent qu'il fautconcevoir, au moins dans une certainemesure,- un réarmement allemand.Avant-hier, Le Monde,. qui a, quoi qu'on

en dise, des sources et des missions idéo­logiques sérieuses, résumait bien la situa­tion en écrivant:

« Le petit jeu auquel continuent à selivrer les hommes d'État, porte la marqued'un pharisaïsme qui n'a même plus lemérite de tromper personne ».

Parlant du récent débat à l'Assembléenationale, le rédacteur inspiré du bulletinde l'étranger de cet organe demandait in»génument: \

« Peut-on blâmer M. Schuman de s'enjjtenir au présent, d'écarter les questions;qui pourraient se poser dans un aveniçprochain ? ».Eh bien! oui, nous blâmons M. Schuman

de toujours faire suivre ses démentis dâjla formule : « pour le moment », ou « dan^)l'immédiat », de vouloir essayer de nougtaire ce qui est en germe aujourd'hui et|dont il ne peut ignorer que- cela s'épaJnoùira demain. <Quelquefois certains trouvent tout d$

même qu'on y va un peu fort en Allemai-gne occidentale, que des exigences arro*gantes gênent les combinaisons secrètes*Émus par des déchaînements de violences?nationalistes, Les Échos constataient quS« les Allemands sont un peu trop pénétréfde leur rôle de champions avancés de lairésistance au communisme ».

Pourquoi donc ne le seraient-ils pas fN'est-ce pas l'unique rôle qu'on leur ap*prend à jouer en passant l'éponge su#leurs responsabilités dans la dernièreguerre et dans les atrocités inouïes qu'ellea déchaînées en acquittant les massa*creurs, en réhabilitant les dignitaires na,-zis, en cultivant avec frénésie les ressen»timents antisoviétiques, en excitant 1-e»espoirs de reprendre la guerre de Hitlefipour recouvrer les territoires de l'Est jus-!tement rendus à la Pologne (Mouvement|divers) et, pourquoi pas — ils le deman­dent déjà insolemment — pour reprendrail'Alsace et la Lorraine ? (Exclamations suijde nombreux bancs. — Applaudissement§à l' extrême -gauche.)

M. Georges Laffargue. C'est admirablej

Un sénateur à droite. La Pologne, voilâjun exemple bien choisi ! (Rires.)

M. Berlioz. Le fond de votre politiqueest là, monsieur le ministre. C'est' paiSantisoviétisme, par anticommunisme fon­cier que vous reprenez la folle attitudqd'hier et que vous reconstruisez à no§frontières une menace dont nous aurions

pu nous croire à jamais débarrassés pa£la victoire.

Quand nous vous accusons de moinspenser à la France et aux Français qu'auxfinanciers américains, vous nous repro­chez d'être devenus des néo-nationalistes,adversaires par esprit de parti de toutapaisement, de tout rapprochement avec

. notre voisine. C'est que nous avonsconnu déjà les apaisements de Laval, deBonnet et de Blum; et nous n'oublionspas qu'ils nous ont menés, d'abdicatioiîen abdication, à la catastrophe de juin1950.

Mais c'est qu'il ne s'agit pas de rappro­chements entre le peuple français, paci­fique et généreux, et un peuple allemand

'régénéré, conscient de ses immenses torts*résolu à -travailler désormais, lui aussi,pour la paix... (Interruptions u gauche età l'extrême gauche.)

M. le président. Je vous en prie! Le dé­bat 'ne peut continuer dans de telles con­ditions. Je le dis tout net.

S'il faut que je rappelle à l'ordre, jele ferai! (Appkiudissements.)

M. Berlioz. ... débarrassé des racines éco­

nomiques et sociales de l'esprit de con­quête et se refusent à être l'instrumendes impérialistes.Quand vous parlez de conciliation, vous

avez en vue l'utilisation d'une partie de

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2645.

'l'Allemagne comme outil de la prochaine 'guerre contre les peuples- d'Europe, etjion pas l'intégration de toute l'Allema­gne dans une Europe démocratique oùtojs ses voisins favoriseraient, tout en lasurveillant, son apprentissage de la viedémocratique. Vous ne pratiquez la con­ciliation qu'à l'égard des Wehrwirtchafts-tfuehrer, des généraux hitlériens, desIjhyssen et des Plerdmenges.

11 y a heureusement un autre genre de'conciliation, plein de promesses d'avenir,^ç'e.st celui qui est pratiqué à l'Est, avec la(république démocratique allemande, pro­clamée le 17 octobre et dont Staline, qui!pèse ses mots, saluait l'avènement commeun tournant décisif de l'histoire de l'Eu­rope. (Applaudissements à l'extrcme gau-çhc.)La république présidée par Wilhelm

Pieck, qui lutta au péril de sa vie contrela guerre du Kaiser, -qui fut un intrépidecombattant antifasciste, reconnaît publi­quement les responsabilités du peuple al­lemand qui se laissa entraîner par Hitlerdans le crime.

M. Southon. Lisez le télégramme de Sta­line à Pieck!

M. Pinton. C'est un fonctionnaire russe!

M. Berlioz. Il proclame la nécessité depayer, de réparer les dommages causés, deconsacrer toutes ses forces à l'édification

d'une paix solide. C'est une Allemagnenouvelle qui naît là-bas et qui aurait punaître de l'Elbe au Rhin, si tous les gou­vernements signataires de Yalta et dePotsdam avaient été fidèles à leurs enga­gements.

A ceux-là oui, aux hommes qui assumentla tâche difficile, mais. grandement allégéepar l'aide soviétique, de faire une Allema­gne enfin démocratique et pacifique dignede tenir sa place dans la communauté deshâtions, à ceux-là nous tendons la main(Applaudissements à l'extrême gauche),avec l'espoir que le rayonnement de leurexpérience dans les zones occidentales feraéchouer les tentatives d'exploiter la réac­tion allemande en vue de l'agression anti-goviétique.Notre geste est dans la ligne de ce point

du programme du parti communiste fran­çais qui répond aux besoins et aux aspira­tions de notre peuple : « application des ac­cords de Potsdam sur la dénazification et ladémilitarisation de l'Allemagne; dénoncia­tion des accords autorisant la formation

d'un gouvernement de l'Allemagne del'Ouest; mise en œuvre vis-à-vis de l'Alle­magne d'une politique conforme à la sau­vegarde de notre sécurité, au maintien denos droits à réparations et au soutien desforces démocratiques et pacifiques de l'Al-

I lemagne-» .Nous pourrions ajouter qu'il serait enfin

excellent de se souvenir de l'existenced'un pacte d'alliance franco-soviétique. Ceserait une façon honnête de célébrer lecinquième anniversaire de sa signaturedans quelques jours.Ce pacte prévoit que les deux pays

contractants se concerteront en cas de re­naissance du danger allemand. Sans cesse,nos gouvernements ont tourné le dos àcelte alliance pour rechercher celle desnazis remis sur. le pavois. Jamais ils n'ontrecherché l'accord avec l'Union soviétiquesur le problème allemand, accord parfaite­ment possible et qui vous eût permis dedéfendre les droits de la France au lieude tout céder.

/

Wl. Georges Laffargue. C'est, l'accord de­là corde et du pendu 1

M. Berlioz. Les gouvernements d'hier etcelui d'aujourd'hui aussi, avaient choisila voie opposée à celle de la sécurité na­tionale iparce que, ipour eux, importaitseulement la sécurité du système d'exploi­tation de l'homme par l'homme.Mais même cette sécurité-là, vous ne

l'aurez pas. Vous pouvez ruser pour ca­moufler ce fait indéniable, que le cycledes concessions nouvelles à l'Allemagneantidémocratique et chauvine est ouvert.Même dans le détail.

Je voudrais simplement signaler le dé­bat qui a eu lieu ce matin à la commissionde la radio et de la presse de l'Assembléenationale où l'on a appris avec stupeurque l'on refusait 200 millions pour aug­menter la puissance du poste émetteur deStrasbourg, alors qu'on accorde 500 mil­lions pour monter, avec du matériel amé­ricain, un poste à Mayence, en Allemagneoccidentale, ce contre quai la commissiona protesté d'ailleurs à l'unanimité.Vous pouvez continuer de poursuivre des

tractations secrètes dans lesquelles se jouele sort du pays, dans une atmosphère fié­vreuse de préparatifs de guerre. Vousn'aurez pas cette sécurité de classe quevous recherchez, vous heurtez trop les sen­timents nationaux des Français pour qu'ilsne vous répliquent, avec toute la colèredont ils sont capables, eux qui n'ont oubliéni la guerre, ni la victoire, pour qu'ilsvous répliquent: nous ne marcherons ja­mais aux côtés de nos bourreaux contre les

vainqueurs de Stalingrad, nos libérateurs.(Applaudissements-, à l'extrême gauche.)Monsieur le ministre des affaires étran­

gères, vous allez encore essayer de tran­quilliser ceux qui vous interrogent avecune légitime inquiétude...

M. le ministre des affaires étrangères. Ence qui vous concerne, ce sera difficile !(Rires.)

M. Berlioz. Oh, n'ayez pas cet espoir,vous ne le pourriez pas ! Je n'ai pas assezconfiance, dans votre politique pour quevous puissiez me tranquilliser. Vous êtesdepuis trop longtemps sur la pente quiconduit à la catastrophe, et vous songezsi peu à vous arrêter, que nous ne pour­rons pas accorder de crédit aux assurancesque vous donnerez.La politique de votre Gouvernement vis-

à-vis de l'Allemagne n'est pas celle de lasincérité parce que .ce n'est pas celle dela paix, parce que c'est celle de Munichqui se prolonge. (Applaudissements àl'extrêm* gauche.)

M. Pinton. Mieux vaut Munich dans la

paix que dans la guerre.

M. Berlioz. La servitude est préférable àtout, n'est-ce pas?..-. (Violentes protesta­tions au centre.)

M.. Pinton. Je n'ai jamais dit cela. J'aiété antimunichois autant que vous. J'es­time simplement que ceux qui ont été mu­nichois dans la Daix sont moins condam­nables que ceux qui, comme vous, l'ontété dans la guerre. (Vifs applaudissementsau, centre.)

M. Berlioz. C'est ce que disaient ceuxqui défendaient Munich, le Munich quinous a menés à la catastrophe, le Munichsigné par Daladier.Notre grand Gabriel Péri, dressé face

aux gouvernants qui venaient de signerun nouvel accord de démission nationale

avec un émissaire du Fuehrer, le 9 dé­cembre 1W8. il y a exactement onze ans,soulignait que malgré les affronts dont la

France était victime, il était encore pos­sible de retourner la situation en rompantavec l'esprit de Munich, en regroupant lesforces de paix. \Nous sommes animés par la même foi

que notre héroïque disparu. C'est pour­quoi, dans son esprit, et fidèle à sa mé­moire, je me permettrai, parce que noussommes tout de même dans des circons­tances assez semblables, de terminer monexposé comme il concluait alors le sien,le 9 décembre 1938:

« La condition du redressement inter­national, disait Péri, s'exprime dans uneexigence qui n'est pas seulement celle denoti« peuple, mais celle de tous les hom­mes qui veulent croire encore à laFrance, une exigence qui est celle de ceuxqui, à travers le monde, n'ont pas perduconfiance dans l'avenir de la démocratie.Laissez là les leviers de commande dont

vous vous êtes si mal servi! » (Vifs ap­plaudissements à l'extrême gauche.)

Hl. Georges Laffargue. Vive la Pologne,monsieur I

— 9 —

CONGÉ

M. le président. M. Ernest Pezet demandeun congé.Conformément à l'article 40 du règle­

ment le bureau est d'avis d'accorder ce

congé.Il n'y a pas d'opposition 1Le congé est accordé.

— 10 —

POLITIQUE FRANÇAIS; A L'ÉGARDDE L'ALLEMAGNE ET EN EUROPE

Suite de la discussion d'une questionorale avec débat. , >

M. le président. Nous poursuiv as la dis­cussion de la question orale de M. MichelDebré.

La parole est à M. Kalb.

M. Kalb. Mesdames, messieurs, mes cherscollègues, voulez-vous bien, je vous enprie, vous rappeler, pendant un très courtinstant, la magnifique péroraison de l'ex­posé de notre collègue Debré, qui pourdire ce que devait représenter cette pro­messe de l'Europe de demain, est venuvous citer les dernières paroles et le der­nier message d'un Français libre.Pour l'homme de l'Est qui est de\ant

vous, mes chers collègues, il est singu­lièrement émouvant de venir ici parler desrapports franco-allemands. De Mulhouseïde Colmar, de Strasbourg, de Metz, desbords du Rhin- et des bords de la Moselle,je viens d'abord, personnellement, vousdire que notre population place son en­thousiasme et sa confiance dans cette

perspective de paix et de la fin des inva­sions allemandes dans nos territoires, quereprésente l'Europe de demain.C'est pour moi un honneur également de

pouvoir parler au nom de mon groupe etde rappeler que, dès 1944, à Alger, le gé­néral de Gaulle avait précisé et soulignéla nécessité de penser un jour à recons­truire une Europe unie.Mes chers collègues, vous me permettrez

tout de même de parler un peu du passé,car dans ce débat d'une importance capi­tale, je pense qu'il est utile d'essayer decomprendre pourquoi nous devons rester

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v2646 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

vigilants, et pr - rquoi nous souhaiterionstoujours voir le ministre des affairesétrangères de France, aborder les Alle­mands les bras croisés et les yeux grandsouverts.

Voyez-vous, pour comprendre l'Allema­gne — et ceci dit de ma part sans aucunearrière pensée — il convient de se rappe­ler l'affirmation de Clausewitz : « Laguerre et la paix sont deux activités pro­fondes qui tendent vers le même but par

.des moyens différents. » —De même il faut se rappeler, dans l'exa­

men des rapports franco-ajlemands, la no­tion germanique de la géopolitique.Dans ce débat dont l'importance, ires

chers collègues, ne vous échappe pas, ilconvient de ne jamais perdre de vue lesaspirations allemandes et leur incidencesur la politique française. Quand on éta­blit objectivement le bilan des activitéset des réalisations germaniques depuis desannées, on s'aperçoit combien l'histoirepolitique et économique de l'Allemagne, aété en quelque sorte inspirée par la pro­phétie de Fichte : « Vienne un maître pournous forcer à fonder le germanisme! »Qu'on le veuille ou non, il est patent

qu'actuellement encore l'anarchie de laRépublique de Weimar est invoquée outreRhin comme la démonstration de la né­cessité de .la force et de la domination,seules capables, d'après les Allemands,d'arracher leur pays à son indétermina.ionet à ses incertitudes.Dans l'étude des rapports franco-alle-

mands, il faut constamment se rappelerquelles furent et quelles sont les concep­tions germaniques, si contraires -auxnôtres.

A la conception française qui affirmeconstamment et qui a toujours affirmé quela société est créée par les individus etque ceux-ci sont le phénomène primaire etcelle-là le phénomène secondaire, s'op­pose la conception allemande qui est celledu- résultat d'un contrat général et l'ex­pression d'une volonté commune.Cette différence résulte encore d'une

façon éclatante de l'opposition entre laconception latine et statique du mondeaveCla théorie dynamique de l'Allemagne.Je pense devoir souligner avant toutqu'aussi bien dans le passé que dans leprésent et, je le crains, dans l'avenir en­core, les traités internationaux suivant ladoctrine allemande bien établie, maintesfois affirmée et affirmée encore tout ré­cemment, ne représentent qu'un instantde l'évolution historique, ne sont que laconstatation d'une situation passagère,d'un rapport de forces déterminées et que

. dès que ce rapport vient à se modifier, lestraités cessent d'être actuels et vivants.

Nous connaissons heureusement lesconceptions germaniques en présence des­quelles nous allons nous trouver placés etqui doivent nous inciter à une grande pru­dence et une constante vigilance. L'Alle­magne a constamment soutenu et soutientaujourd'hui encore que. par sa situationgéographique au milieu de l'Europe, c'estelle qui doit être le fondement de la nou-yelle structure européenne.

Tout à l'heure, mes chers collègues, ona critiqué, et sans doute va-t-on encorecritiquer, la structure de l'institution deStrasbourg. Je suis entièrement d'accordpour dire que, pour "le moment, l'unioneuropéenne n'est qu'une promesse, etqu'un espoir. Ce ne sont pas tant les hom­mes qui onu été envoyés à Strasbourg quisont à critiquer ou à juger, mais bien lesméthodes employées pour mettre sur piedl'organisation de. l'union. lApplaudisse-

ments sur les bancs supérieurs de la gau­che et sur de nombreux bancs au centre

et à droite.)Au lieu de'créer l'institution européenne,

par seule voie gouvernementale, il fallaitau préalable songer à obtenir l'adhésiondes peuples de l'Europe. Alors on auraitpu parier d'une institution viable et ca­pable de résister au temps. (Nouveaux ap­plaudissements sur les mêmes bancs.)Mais il y a un autre fait. Si Strasbourg a

donné l'impression, parfois, de beaucoupde désordre; si Strasbourg a été l'occasionde beaux discours, n'accusons pas leshommes qui étaient là-bas. Il manquait àStrasbourg la présence efficace et fermede la France. Si nous voulons construire

réellement l'Europe occidentale, si nousvoulons lui donner son caractère vrai et

lui assurer sa force il faut que ce soit laFrance qui en soit le centre et l'animatrice.On parle beaucoup, ces derniers temps,

d'un système de défense de l'Europe occi­dentale par la mise en commun des res­sources des pays qui la composeront. Celaest et sera sans doute nécessaire. 11 y a unpoint que l'on oublie parfois trop dansl'étude du problème. Pour que nous puis­sions jouer notre rôle, pour que nous puis­sions animer 1 union européenne, il fautavant tout, mes chers collègues, refaire denotre pays quelque chose de grand, quel­que chose de solide, quelque chose de fort.(Applaudissements sur divers bancs àgauche et sur de nombreux bancs au cen­tre et à. droite.)Comment admettre que soit définie par

certains hommes d'État français la défensede l'Europe occidentale, quand on saitque nous n'avons pas de défense natio­nale. Comment voulez-vous que l'Allema­gne puisse accepter avec une certaine con­fiance les propositions que nous pourrionslui faire, alors que, pour le moment —reconnaissons-le — nous n'avons rien oupresque rien à mettre dans la balance.Le Dr Adenauer, que vous avez vu, je

pense, monsieur le ministre des affairesétrangères, a prononcé tout récemmentune phrase significative : « La France craintl'Allemagne, parce qu'elle est faible ». (Ap­plaudissements sur les bancs supérieurs dela gauche et sur divers bancs au centre età droite.) Et c'est vrai! Nous craignonsl'Allemagne parce que nous nous sentonsfaibles, parce que nous n'avons plus, cheznous, ce ressort nécessaire, ce dynamismedans nos âmes, et parce que le régime nefait rien pour redonner aux Français etaux Françaises des raisons de croire.Je passerai sous silence, mes chers col­

lègues, car d'autres personnes en parle­ront, l'histoire du réarmement. Je ne peuxpas décemment le faire et je vous diraipourquoi. Voyez-vous, pour nous, Alsa­ciens, pour nous, Mosellans, l'idée d'uneWehrmacht reconstituée est quelqm chosed'atroce. Il y a trop de sang qui souillecette armée, monsieur le ministre, et sur­tout le sang de ces milliers de jeunes dechez nous — de chez vous, monsieur leministre — que l'Allemagne a envoyés- là-bas, dans la meule à cadavres de l'Est.Alors, laissez-moi passer sous silence ceproblème du réarmement de l'Allemagne.(Applaudissements sur divers bancs àgauche, au' centre et à droite.)Mais il v a un autre problème que je

voudrais évoquer ici, c'est le problèmeéconomique; je l'évoquerai rapidement,car M. Debré l'a exposé d'une façon ma­gistrale.Certes, nos deux pays, la France et l'Al­

lemagne, peuvent et doivent, dans unavenir plus ou moins prochain, se com­pléter, 11 est certain que l'Allemagne a

besoin de certains produits français toutcomme la France a besoin de certains pro-'duits allemands. Or, en 1951, vont cesserles effets du plan Marshall. A ce moment-là, l'Amérique sera prête et décidée àjouer toutes ses cartes économiques.L'Angleterre, elle aussi, voudra jouer lessiennes; nos intérêts seront en jeu, etnotre avenir. Je demande alors à M. leministre des affaires étrangères pourquoile Gouvernement n'a rien fait sur le planéconomique intérieur pour permettre à laFrance d'atteindre effectivement le but

économique envisagé. (Très bien! trèsbien! sur divers bancs.) •En effet, mes chers collègues, il est

très beau — M. Debré l'a souligné — devenir nous dire: nous allons libérer 50 à.

60 p. 100 des échanges, tout en sachantque nous sommes dans l'impossibilité laplus absolue de concurrencer les pro­duits qui nous viendront de l'étranger.Cette situation est due à la politique

de superfiscalité que pratique le Gouver­nement, politique qui détruit et ruinenotre économie, notre commerce, notreindustrie et notre artisanat. Ce qu'il fautfaire avant tout, c'est revenir à une plussaine appréciation des besoins de l'éco-nomie-française.

Je me résume : Le problème des rela­tions franco-allemandes est avant tout unproblème intérieur français. ( Vifs applau­dissements sur les bancs supérieurs de lagauche et sur do nombreux bancs au cen-,tre et à droite.)Tant que nous n'aurons pas mis de l'or­

dre dans notre ' maison, tant que nousn'aurons pas redressé la situation, tantqu'on n'aura pas redonné à ce pays son!enthousiasme et sa foi, il est inutile de,songer à construire une Europe et de son­ger à l'animer par la France.Je pense donc, mes chers collègues, que

nous devons proclamer notre adhésion de>principe à l'idée de l'union européenne, imais que nous devons aussi, dans l'appli-jcation des solutions proposées, faire toutes,réserves ; il est nécessaire qu'avant tout se,réalise dans notre pays le rassemblementdes Français autour de la France, car au­trement il sera impossible d'aller del'avant.

J'en ai terminé, mes chers collègues,mais je désire profiter de cette courteintervention pour signaler, sur le plan-européen aussi, monsieur le ministre, unesituation atroce et tragique. Tout à l'heure,j'ai parlé du silence de la France. Je pré-;tends que ce silence, hélas! angoisse etbouleverse tant de foyers alsaciens et mo­sellans. ♦Vous avez déclaré à l'Assemblée natio­

nale, monsieur le ministre, avoir envoyéà votre collègue russe, il y a .un an, lesnoms de quatre-vingt-sept Alsaciens et Mo­sellans retenus là-bas comme prisonnierset ce n'est qu'il y a quelques jours quevous avez souligné avoir reçu une ré­ponse par laquelle on vous avisait qu'uneenquête allait être faite. On a envoyé déjàlen Russie de nombreuses missions, celledu préfet Peira et d'autres, mais tout aété mis en œuvre par les autorités russesen vue d'empêcher le dépistage de noscompatriotes. Le Gouvernement n'a riendit, le Gouvernement s'est tu. Certes, ona affirmé que de nouvelles missionsallaient être envoyées en Russie et quedes pourparlers seraient engagés avec leministère russe des affaires étrangères.Ce que nous, là-bas, sur la frontière duRhin et de la Moselle, nous aurions vouluentendre, c'est la voix de la France, laprotestation de la France contre ces trai­tements scandaleux infligés à des Fran­

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2647

çais. Là encore, monsieur le ministre, lesilence du Gouvernement a des répercus­sions profondes sur le plan international.Quand il s'agit de Français, on ne doit

accepter aucune pression, d'où qu'ellevienne. C'est dans l'intérêt de la France

que, depuis longtemps, nous vous de­mandions, que nous demandions au Gou­vernement d'agir dans le sens de l'hon­neur et de la solidarité française. (Applau­dissements prolongés sur divers bancs àgauche et sur de nombreux bancs au cen­tre et à droite.)

M. Robert Schuman. Je demande la pa­role;

M. le président. La parole est à M. leministre des affaires étrangères.

M. Robert Schuman, ministre des affairesétrangères. Mesdames, messieurs, je m'ex­cuse d'interrompre le cours de ce débatpour répondre à mon collègue et compa­triote M. Kalb, sur le point précis qu'ilvient d'évoquer en fin de son discours, unproblème douloureux sur lequel je n'aipas encore eu l'occasion de me pronon­cer ici.

Les jeunes gens des trois départementsde l'Est ont été incorporés de force dansl'armée allemande. Il y en a actuellement116.000 dont on est sans nouvelles. Nous nesavons pas combien sont encore en vie.Nous savons qu'il y en a un certain nom­bre, dont nous,. connaissons les adresses,qui doivent être encore en vie, en captivitéen Russie ! (Exclamations .)

Sur divers bancs. C'est formidable!'

M. le ministre des affaires étrangères.Nous avons, à cet égard, multiplié les pro­testations, les démarches, non seulementdiplomatiques mais encore personnelles,comme M. Kalb vient de le dire. J'ai donnéconnaissance, par une réponse écrite duJournal officiel, il y a quelques mois, del'ensemble des démarches qui ont étéfaites depuis un an.M. Kalb nous dit: vous auriez dû pro­

tester et faire un éclat. Je comprends sessentiments. Je n'oublie pas qu'il a été,après la première guerre mondiale, à latête des engagés volontaires d'Alsace etde Lorraine ayant servi dans l'armée fran­çaise. ■

i

M. Marc Rucart. Il honore notre assem­

blée ! (Applaudissements sur de nombreuxbancs.)

M. le ministre des affaires étrangères.Je m'associe à cet hommage; mais je de­mande à la loyauté de M. le sénateur Kalbde bien vouloir réfléchir aux conséquencesd'un éclat, lorsqu'on a affaire à certainsinterlocuteurs. Ce qui doit ■ nous préoc­cuper, c'est le résultat. Nous n'avons pasle droit de compromettre la moindrechance de succès lorsqu'il s'agit de sauverdes vies et de ramener chez nous des

.compatriotes.C'est là la seule réponse que je peux

faire, mon cher collègue. Je la fais avecbeaucoup d'émotion, beaucoup d'insis­tance. Je vous prie de me comprendre!(Vifs applaudissements sur divers bancs àgauche, au centre et à droite.)

M. le président. La parole est à M. Maro-£,er.

M. Jean Maroger. Mes chers collègues, ona souvent évoqué les fastes et les fautesde l'occupation française en Allemagne. Yétant allé, cet été, au titre de rapporteurde la commission des finances, j'en airapporté une opinion un peu différente

et, dans l ensemble, un peu moins pessi­miste peut-être que celle qu'exprimait toutà l'heure notre collègue Debré. Je vou­drais vous justifier sommairement cet im­pression.Dans l'ensemble, l'administration fran­

çaise, en Allemagne, m'a paru honnête,consciencieuse et, au total, efficace. Quoiqu'on en ait dit, et au moins maintenant,elle se déroule sans faste excessif ou inu­tile. Elle accomplit son rôle d'une manièreintelligente, sachant faire une part équi­table des intérêts français et des intérêtsallemands, et elle a su très vite, semble-t-il, s'abstenir de vivre comme en paysconquis.

Cette impression, d'ailleurs, ne m'estpas personnelle. Elle m'a été confirmée no­tamment par des Suisses, des Bâlois qui,de par leurs occupations ou leurs liens defamille sont en relations constantes avec

des Allemands du pays de Bade et duWurtemberg. Elle m'a été également con­firmée par des ingénieurs étrangers quiont eu, à différentes reprises, l'occasionde pénétrer en Allemagne et de s'entre­tenir avec leurs confrères allemands.

Ceci ne veut pas dira évidemment quel'occupation ne soit pas lourde aux Alle­mands, matériellement et moralement, etqu'ils ne souhaitent pas recouvrer leur in­dépendance. Il serait vain de penserqu ils nous aiment. Je ne vois d'ailleurspas pourquoi nous le pourrions souhaiter.C'est déjà quelque chose qu'ils nous esti­ment et les manifestations auxquelles adonné lieu le départ du général Koenigme paraissent caractéristiques à cet égard.J'ai recueilli à peu près partout cette

opinion que nombre d'Allemands, et passeulement les jeunes, pensent que, déci­dément^ faire la guerre tous les vingt-cinqans avec la France n'est pas la bonnesolution, et qu'il faut trouver autre chose.Cette autre chose, nous ne l'avons peut-être pas encore trouvée, mais c'est aussidéjà quelque chose de la chercher. .Il ne ~faut certes pas nous faire trop

d'illusions sur la portée de notre influenceen Allemagne non point que ce que nousavons fait soit sans efficacité, mais, parceque notre zone d'occupation, la seule danslaquelle jusqu'ici notre action pouvaits'exercer est étroitement limitée, et, laSarre mise à part, ne s'applique guèrequ'au Wurtemberg, au pays de Bade, auPalatinat, à la Rhénanie, régions agricolespaisibles, qui ne sont ni le cœur de l'Alle­magne, ni le centre des grands problèmeséconomiques.

A cet égard, le nouveau régime né del'accord de Washington, s'il réduit lesmoyens d'action des puissances occupan­tes, nous vaut, par contre, d'être repré­sentés, au moins comme observateurs,dans les zones d'occupation anglo-saxon­nes, dans la Rhur, à Hambourg, à Colo­gne, à Munich, à Francfort. Et, »si noussavons y envoyer, comme observateurs,des personnalités de grande classe — etnous en avons dans le personnel d'occu­pation — nous pouvons trouver une occa­sion d'étendre et non de réduire l'in­fluence française en Allemagne.Or. si les Français en Allemagne ont,

comme je l'ai dit tout à l'heure, gagnél'estime des Allemands, ils ont aussi— une fois oubliés certains désaccordscomme ceux nés à l'occasion de la trizone

— su gagner l'estime et la confiance deleurs alliés.

La carte à jouer reste donc' entière.Je pense aussi que, même avec le nou­

veau régime, nous devons conserver danstoute notre zone une représentation assezétoffée, dans les laender et même dans

les cercles, pour affirmer la présence deJà France et prolonger notre action, enl'adaptant, bien entendu. aux circonstan­ces nouvelles.

Notre zone est très différente du reste del'Allemagne. A chaque pas, on y voit sur­gir des réminiscences historiques commu­nes, des souvenirs d'un passé encore vi­vace. Ces réminiscences, ces souvenirsn'occupent, certes, pas toute l'âme des Al­lemands de notre zone, mais ils en im­prègnent largement la mentalité, et il fautnous attacher à les vivifier et à les con­server.

Voilà la première indication que je mepermets de donner pour le rôle futur denotre administration et de notre occupa­tion en Allemagne.Je voudrais maintenant en venir à l'oc­

cupation proprement dite. J'ai été frappéaussi de constater que l'occupation et lecontrôle alliés en Allemagne, tels qu'ilsont "évolué, ces dernières années, et telsqu'ils vont encore se transformer avec lenouveau régime, ne ressortissent plus àla conception traditionnelle de l'occupa­tion ipar le vainqueur, telle que nous l'a­vons connue pendant la guerre, telle quela Rhénanie l'avait connue à la fin de la

dernière guerre.Les Allemands. j'en ai tout au moins

l'impression très nette pour la plupartd'entre eux, vivent actuellement encoresous le signe de la peur, de la terreur duRusse, de l'emprise slave. Ils viennent devoir effacer d'un trait et pour toujours, laRussie l'espère, ce qu'on a appelé l'œuvremillénaire des Chevaliers Teutoniques, enrenvoyant, ptlj-mêle, au delà de l'Oder,tous les Allemands vivant dans les terri­toires maintenant attribués à— la Pologneou ■à la Lithuanie, c'est-à-dire près de9 millions d'habitants.

Il ne s'agit pas de quelques hobereaux,de quelques représentants de l'anciennearistocratie prussienne, c'est une popula­tion tout entière qui, mis à part certainsspécialistes, ou quelques personne pouvantse targuer d'ancêtres polonais, bruta­lement, en une fois, a été chassée de sesdemeures et renvoyée au delà de Jàfrontière actuelle. On l'a remplacée parquelque trois millions de Polonais que,par une opération analogue, on a prisdans la Pologne russe, au delà de la ligneCurzon, et qu'on a fait sauter au-dessusdes Polonais de la vieille Pologne. C'est àeux et non pas à des Polonais que l'on aattribué les terres des anciens propriétai­res allemands.

Les Berlinois non plus ne me paraissentpas avoir oublié ou être près d'oublierles semaines qui ont suivi l'occupation deleur capitale par les Russes avant la miseen place de l'occupation interalliée. Ilsn'oublient pas qu'à ce moment là près de200.000 d'entre eux ont disparu sans qu'ilen reste aucune trace, sans parler d'autresmanifestations qui ont accompagné cetteoccupation.

Alors ils se demandent si ce raz-de-maréeen restera là et si l'emprise slave, qui adéjà gagné la zone orientale ne gagnerapas la zone occidentale. Ils sentent bienque leur seule protection est l'occupationalliée. Bien sûr, quelques-uns d'entre eux,par idéologie politique, pour échapper à'une trop complète emprise anglo-saxonne,-peuvent bien songer à un nouveau Ra-pallo ou à des ententes germano-soviéti-ques. Je crois que, pour le moment, l'opi­nion s'est cristallisée et que les choix sontfaits.

Deux événements, à mon sens, ont .étâdéterminants à cet égard, Le premier, c'esi

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2648 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DfXEMBRE 1919

le succès du pont aérien qui a produit surles Berlinois en particulier, et sur les Al*lemands en général, une impression pro­fonde.

Le second, c'est le succès de la réformemonétaire, imposée elle aussi par le gé­néral Cltiy et qui a amené aussitôt danstoute l'Allemagne occidentale une prospé­rité certes encore relative mais certaine.

L'échec du pont aérien, c'était l'abandonde Berlin aux Russes, l'abandon de. l'Alle­magne ensuite; et peut-être la submersiontotale, par les Russes, de l'Allemagne en­tière. L'échec de la réforme monétaire,c'était la prolongation d'une misère insup­portable qui, elle aussi, eût ouvert la porteaux Russes.

La conséquence a été l'acceptation, parl'Allemagne entière, de la constitution deBonn, avec, je crois, plus de 80 p. 100de votants. Je dis bien: par l'Allemagneentière, non pas que les Allemands orien­taux aient voté, mais parce qu'ils ont laisséou fait voter les Allemands occidentaux.Fin. juillet, on redoutait encore, quelques

semaines avant les élections, 40 à 50 p. 100de votants. Le nombre plus grand fe vo­tants est précisément le signe de cetteadhésion de l'Allemagne à sa nouvelleconstitution. Non pas, certes, que les Alle­mands la considèrent comme une solution

(définitive, mais parce qu'ils la considèrentfcomme une étape nécessaire sur la voieie la reconstitution de l'Allemagne, parcequ'ils l'acceptent comme la formation d'un !premier noyau autour duquel viendra s'ag- ;glomérer plus tard — et le plus tôt pos- isible, ils l'espèrent — le reste du paystemporairement détaché.L'occupation et le contrôle alliés sont

ainsi pour les Allemands, à mon sens, au­tant une sauvegarde qu'une servitude. .Aussi bien, rien ne resterait de la pros­

périté si l'aide américaine du plan Marshallvenait à cesser. Tout se tient, et l'occupa­tion, le contrôle sont un des maillons dela chaîne ; si ce maillon saute tous les ré­sultats acquis seront vite balayés.Est-il besoin de dire qu'une occupation

ainsi comprise est, à mon sens, incompa­tible avec y ne participation allemande,sous quelque forme que ce soit, avec leréarmement de l'Allemagne ? Il ne doit yavoir, sur ce point, aucune ambiguïté, etj'ai été heureux d'entendre hier M. le mi­nistre- des affaires étrangères renouveleren commission, à ce sujet, les assurancesles plus formelles.

' Je pense fermement que l'occupationalliée ainsi conçue et telle qu'elle fonc­tionne actuellement en Allemagne occi­dentale, peut et doit se poursuivre sansterme assigné; que c'est là, la conditionessentielle de toute notre action ultérieureet que nous devons et que nous pourronsobtenir cette prolongation dies Américains,de qui dépend évidemment la décision, àla condition que nous sachions mettrecette occupation à profit, les Allemands etnous, pour imaginer et pour proposer unesolution constructive, qui ne peut êtrequ'une solution européenne.

L'expérience est faite depuis de très lon-

fucees aàn fnaécees q iunedl'Alnlemagne seotnlta iFnrcanceace à face, indépendantes, sont incapa­bles d'arriver à un accord amiable sanslequel toute organisation européenne estimpossible. Peut-être en ira-t-il autrementlorsque, dépendant l'une de l'autre, pourleur relèvement, des Etats-Unis, elles sedécideront plus humblement à élaborerensemble une organisation acceptable pourle reste de l'Europe, susceptible d'êtreagréée par les Etats-Unis et de calmer lesappréhensions de la Russie.!

Je crois que l'heure est venue.Il est tard, mais je ne crois pas qu'il

soit trop tard, parce que deux conditionsdoivent être remplies pour élaborer un telaccord: l'existence d'un gouvernementallemand et la permanence d'une occupa­tion alliée.

Le gouvernement allemand vient à peined'être constitué. Je pense donc qu'il n'estpas trop tard pour aborder cette négocia­tion, mais, comme l'a dit tout à l'heuremon ami M. Michel Debré, aucun délain'est permis. La France doit, dès mainte­nant, sortir de son immobilisme.Je me permets d'indiquer comment je

vois cette solution, et je dirai d'abord unmot de la Sarre.

On peut indéfiniment discuter des pen­sées et des arrière-pensées de ceux qui,de part et d'autre, ont conçu et réalisé lerattachement économique de la Sarre. DesAllemands, comme M. Schumacher, accu­sent volontiers les Sarrois d'avoir vendu,sinon leur âme, du moins leur nationalité,pour un plat de lentilles. Ils accusent lesFrançais de chercher à assouvir leur vieilappétit de conquêtes, et nombre de noscompatriotes, par contre, se rappelant leplébiscite de 1935, sont prêts à se deman- !der si la . Sarre et les Sarrois valent la

peine que la France prenne la charge deleur économie.

Peu importe, à mon sens, les mobilessecrets et les arrière^pensées. Les artisansde l'union économique franco-sarroise ontfait l'Europe, ou du moins un morceaud'Europe, peut-être comme M. Jourdainfaisait de la prose, c'est-à-dire sans lesavoir. Car l'Europe n'est pas autre choseet ne peut pas être autre chose que laréunion, dans un même ensemble écono­mique, monétaire, financier et douanier,de territoires relevant de différentes

nations européennes.Ou l'Europe sera cela, ou elle ne sera

pas, et tout le reste, à mon sens, n'estque littérature.

La Sarre est un territoire à peine plusgrand qu'un département français surlequel vivent, à une densité extraordinaire,environ un million d'habitants. Il ren­ferme un bassin minier relativement

important, capable de produire environ15 millions de tonnes de charbon par an.A côté de ce charbon est née et s'est déve­

loppée une puissante industrie métallur­gique et quelques autres industries parti­culières comme la céramique. Mais cetteindustrie est très spécialisée et la Sarre estloin de former un ensemble économiqueéquilibré, notamment au point de vue agri­cole, puisqu'elle produit à peine deux moisde sa propre consommation.

Il y a trois ans, la Sarre s'est détachéepolitiquement et administrativement del'Allemagne. Elle s'est dotée d'un parle­ment librement élu et d'un gouvernementresponsable et elle a décidé de se ratta­cher économiquement et financièrement àla France. Le franc a été introduit enSarre et en est devenu la seule monnaie.

Il n'y a plus de douane entre la France etla Sarre ct le cordon douanier de l'ensem­ble France-Sarre est reporté à la limite

1 extérieure de la Sarre. Les salaires et les

i. charges sociales ont été unifiées. La Sarre1 est entrée dans la zone franc et il n'estplus question de balance des comptes en­tre la Sarre et la France. C'est pratique­ment la France qui nourrit la Sarre et lepotentiel industriel de la zone franc s'estaccru du potentiel sarrois* ce qui ne veutpas dire, en aucune manière, que les in­dustries françaises doivent fermer pourfaire face aux produits sarrois, mais que

l'ensemble ainsi formé doit trouver à l'in­térieur de la zone franc et à l'extérieur decette zone les débouchés supplémentairesnécessaires.

M. Robert Schuman, ministre des affai­res étrangères. Très bien! C'est là tout leproblème !

M. Maroger. Tout cela ne s'est point faitsans peine et sans risque. On se rappellel'émotion en Lorraine et en Alsace lorsqueces régions se vidèrent de leurs ressourcesalimentaires au profit de la Sarre. II estcertain aussi que les ententes industriellesnécessaires entre les industries française etsarroise ne sont pas toujours aisées à éta­blir et que certains problèmes restent en­core à résoudre. Mais, au total> je croisque l'on peut dire que l'opération a réussi:les mines marchent à pleine production,-l'industrie à une allure satisfaisante, puis­qu'il n'y avait, cet été, aucun chômageen Sarre, et que l'économie française n'apas été, en toat cas, gravement altéréepar cette brusque extension de la zonefranc.

Cela étant, à mon sens, le problème del'Europe revient essentiellement à savoirsi la France et l'Allemagne sont capablesde faire entre elles, à leur échelle, et avecle charbon de la Ruhr, ce que la France etla Sarre ont fait à une échelle certes plusréduite, mais tout de même à une échelledéjà importante avec le charbon de laSarre, et de savoir si la France et l'Alle­magne veulent le faire. Le problème estcertainement plus vaste et plus difficile,mais il n'est pas d'un autre ordre. Il s'agitde tirer parti de cette première expé­rience, des enseignements qu'elle com­porte, et d'aller plus loin.A mon sens, en tout cas, il ne saurait,

en aucun cas, être question de revenir enarrière, car le jour où l'Allemagne feraitelle-même partie de ce vaste Zollvereineuropéen, la question de ses rapports po­litiques avec la Sarre ne nous intéresseravraiment plus, et pourra se régler aisé­ment. Peu nous importe, ce jour-là, quela Sarre devienne un grand duché commele Luxembourg, ou forme, avec un statutplus ou moins spécial, un Land allemand.C'est là l'affaire des Sarrois. Jusque-là,cela nous importe, à mon sens, beaucoup,et j'estime que nous n'avons pas le droitde laisser détruire ce premier morceau del'Europe. Sur ce point, je serai aussi heu­reux d'entendre tout à l'heure l'affirma­tion de la politique française.

J'en viens maintenant au problème alle­mand, et je voudrais vous demander devous rendre compte combien la créationaujourd'hui de l'Europe se rapproche d'unautre problème que le 19" siècle a résolu,et qui était le problème de l'unité alle­mande. - ,

J'ai déjà eu l'occasion, dans différentsarticles de journaux, de montrer ce phé­nomène curieux que la Prusse, de par leshasards de la guerre et des traités, s'esttrouvée, après le traité de Vienne, nantiede la quasi-totalité du charbon allemand.Ce n'étaient certainement par des char­bonnages que Frédéric II était allé cher­cher en Haute-Silésie, ni des mines queles trois grands de Vienne, en 1815, avaiententendu attribuer à ce gendarme bonassequ'ils avaient installé sur le Rhin, face àla France. Mais ces territoires n'en renfer­maient pas moins les plus riches gise­ments d'Europe et les seuls, ou à peu près,'de l'Allemagne, et si l'unité tle l'Allemagnes'est faite, c'est sans doute, pour une part,par le génie d'hommes comme Bismarck,puisqu'il faut toujours un accoucheur audestin, mais c'est essentiellement parce

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bue la Prusse n'a pas gardé ce charbonpour elle, qu'elle l'a mis à la dispositionde l'Allemagne entière et en a fait le biencommun du Zollverein tout entier. Il n'ya pas eu privilège pour le détenteur. LaBavière et le Wurtemberg ont eu ce char­bon aux mêmes conditions que la Prusse.C'est la diffusion de ce charbon à travers

toute la confédération, promouvant avecelle le développement, de l'industrie, fai­sant sauter les particularismes locaux, quia été l'agent unificateur essentiel de l'Alle­magne.Là où ce charbon n'a pas pénétré,

comme dans l'empire habsbourgeois,laissé en dehors du Zollverein, l'unifica­tion ne s'est pas faite.

. M. le ministre. C'était vrai aussi pour lamarine marchande, qui a été apportée parla Prusse principalement.

M. Maroger. Je ne sais si les choses sontallées ainsi d'elles-mêmes ou si elles ontobéi à une politique préméditée. Certes,l'ère industrielle s'est ouverte après letraité de Vienne: unification politique, dé­veloppement économique, exploitation desmines, essor industriel sont allés de pair.Par ailleurs, la Prusse, nous le savons,n'était pas un État aggloméré, les terri­toires relevant de sa couronne étaient sé­parés les uns des autres et formaient desentités distinctes. Il était donc difficile deconcevoir et de promouvoir une industriepurement prussienne. ,Je crois pourtant savoir que le Zollverein

a été une solution parfaitement réfléchieet voulue par la Prusse, à qui l'unité éco­nomique allemande est apparue commele seul moyen de mettre en valeur lesrichesses de la Prusse, celle-ci acceptant,en contrepartie, de les apporter à la col­lectivité allemande. .

Il est hors de doute, en tout cas, pourma part, que si l'économie prussiennes'était fermée sur elle-même, si la Prussen'avait cédé son charbon aux Etats voi­sins que contre des accords bilatéraux etavait tenu sa balance des comptes, jamaisl'unité allemande ne se serait faite etl'Allemagne n'aurait connu la prospéritéqu'elle a connue depuis.La situation aujourd'hui est singulière­

ment semblable. L'Allemagne, même l'Al­lemagne occidentale seule, détient encorela majeure partie, et la , meilleure, ducharbon de l'Europe occidentale et je ipenseque l'unité de cette Europe se fera dans,la mesure où le charbon allemand devien­dra un bien commun de l'Europe, commel'unité de l'Allemagne s'est faite quandle charbon prussien est devenu un biencommun de l'Allemagne.Sans doute les difficultés sont-elles plus

grandes. Nous ne sommes iplus au débutde l'ère industrielle. Il existe à travers

toute l'Allemagne une chaîne d'industriespuissantes nées du charbon allemand; ilen existe de semblables, quoique néesdans des conditions différentes, en France,en Belgique, dans tous les pays d'Europe.Il ne s'agit pas de sacrifier celles-ci àcelles-là. Le problème est de savoir si l'onipeut instaurer un régime qui permettra àtoutes ces industries on à peu près de sur­vivre dans une organisation raisonnable etéquitable dies fabrications et des débou-thés tant extérieurs qu'intérieurs.On notera pourtant qu'aucune des deux

parties, Allemagne et France, ne joue per­dant a priori. Il ne s'agit pas pour laFrance d'arracher sans contrepartie unepartie d^ce charbon westphalien que l'Al­lemagne, d'ailleurs, n'a jamais pu utili­ser elle-même en totalité en dehors de fa­

brications de guerre intensément pous­sées.

La France met au jeu des matières pre­mières essentielles : le minerai de fer, lesphosphates et l'infinie diversité des pro­duits coloniaux. Il n'est ipas évident queson apport dans la communauté soitmoindre que celui de l'Allemagne. L'en­semble France-Allemagne a certainement àgagner à cette mise en commun des res­sources naturelles des deux pays et deleurs débouchés. Le tout est de- savoir sices deux pays sauront adopter, avec labonne foi nécessaire, des mesures efficaces.Jamais, en tout cas, les circonstances, lesunes heureuses, les autres malheureuses,n'auront fourni une conjoncture si favo­rable !

Il n'est qu'un moyen de chercher à ré­soudre un tel problème, c'est d'avoir lecourage de l'aborder de front, dans sonintégralité et, le supposant résolu, c'està-dire l'Allemagne occidentale et uneFrance formant une même aire économi­que avec mise en commun des ressourcesnaturelles des différents ipays constitutifs,avec libre circulation des produits, des ca­pitaux et des homme, avec une mêmemonnaie — c'est exactement ce que nousavons fait en Sans — de rechercher quel­les en seraient les conséquences pour lesdiverses branches de l'économie de notre

pays, et quelles mesures seraient à pren­dre, temporaires où définitives, pour quecette économie ne soit pas bouleversée.Ces conditions supposées remplies pour

la France et pour l'Allemagne, dont l'ac­cord forme le nœud du problème, il faudraétendre le j.oblème à l'ensemble de l'Eu­rope occidentale. -C'est une étude qui doitêtre poursuivie en détail pour chaquebranche u'industrie et pour chaque pro­duction agricole. -Mais il tombe sous le sens que ce pro­

blème ne comporie> pas "de solution si lesconditions de travail, notamment les sa­laires et bs charges sociales, ne sont pasuniformisés dans les différents pays dontl'économie est intégrée. C'est ce qu'on afait en Sarre.

Mais cela pose aussitôt la question del'instauration d'une autorité confédéralechargée de régir celte économie communeet die fixer des règles communes auxquel­les les différents Etats confédérés devront,se plier. Dans l'union franco-sarroise, ileût été absurde de créer à- cet effet uneassemblée de 44 Français et de 1 Sarrois— puisque c'est la proportion admise —et on ne pouvait faire autrement que dedonner délégation à la France de gérerl'ensemble, quitte pour elle à tenir contactavec 1/ gouvernement de la Sarre.Force ici sera d'aborder ce problème

d'une autorité confédérale et des trans­ferts de souveraineté entre les pays mem­bres et l'autorité confédérale, transfertsdont on parie beaucoup, mais qu'on nes'est Jamais préoccupé de préciser. C'estcertainement là aussi un problème diffi­cile, mais je pense, pour ma part, qu'ilserait au total beaucoup plus cohérent etfinalement (beaucoup plus efficace de s'at­tacher directement à ce problème etd'échafauder cette aire économique com­mune avec cette autorité internationale

convenablement équilibrée, que de cher­cher à libéraliser des échanges, commeon dit maintenant, entre des pays quisont tous de' plus en plus ancrés dansleurs particularismes monétaire, écono­mique, social et financier.

Ce n'est pas pour le plaisir que jadison a inventé les contingents. Ils sont de­venus nécessaires le jour où les vieux

droits de douane sont devenus insulïi*sants devant les fluctuations des mon*naies et le vagabondage monétaire - desdifférents pays. Je ne crois pas que cesoit en les supprimant qu'on aboutira. Jecrois qu'on résoudra le problème dans sonensemble ou qu'on ne fera rien, ou dumoins rien de bon.

Je pense également que ce n'est quapar ce procédé que l'on arrivera à résoudrele problème de la sécurité. L'expériencede la période qui s'est étendue entre Lesdeux guerres nous l'a enseigné: Ce n'estpas par l'extérieur que l'on établit uncontrôle et que ce contrôle peut être effi­nace. Il n'y a de contrôle valable que l'ac*tion exercée par l'intérieur dans une or­ganisation commune, dans laquelle laFrance aura la- place qui lui revient etque, j'en suis sûr, elle pourra tenir ave?efficacité.

Contrairement à ce que beaucoupcroient, je ne pense pas que, du fait- desdestructions de guerre, des démantèle*ments, du vieillissement de certaines ins*ta Hâtions, je ne pense pas qu'au totall'Europe occidentale soit actuellement surféquipée et que l'industrie française,' pasplus que celle du Benelux, soit condamnéeà disparaître devant la concurrence del'industrie allemande, du jour où toute?ces industries seront placées à égalité,-tant à l'égard des matières premières qu'àl'égard du niveau des salaires, des char*ges sociales et des charges fiscales.Certes, à cet égard, des mesures di

sauvegarde seront nécessaires, notammentpar 'le jeu d'ententes industrielles conve­nablement établies, mais il n'est certaine*ment pas impossible de les déterminer.Alors, allant peut-être un peu plus loiiS

que M. Debré, je crois que c'est à ce pro­blème précis et concret que je voudraisvoir le Gouvernement français et le gouivernement allemand s'atteler directement*Je demande au Gouvernement d'avoiij

assez foi en lui-même, assez de foi dansla France, pour aborder, avec confianceet avec autorité, de telles négociations.Tout cela, évidemment, suppose essen*

tiellement le concours des Etats-Unis et

l'accord de l'Angleterre, car il est vainde penser qu'on fera sans l'un et sansl'autre l'unité économique de l'Europe oc*cidentale continentale.

Concours des Etats-Unis, bien sûr, nonpas comme arbitre, car il n'y a pas lieuà arbitrage, mais plutôt, dirai-je, commeforme de la fatalité qui oblige les deuxpays à s'entendre sous peine de périr tousles* deux 'et, surtout, concours des Etats<Unis comme prolongation de l'occupation#faute de quoi, comme je le disais tout êil'heure, rien de ce programme n'aboutira.-Par contre, cette occupation aura alors,

une raison d'êLre nouvelle: permettre lqjtransformation des conditions économi-i

qiues de l'Europe et perpétuer le climaSpropre à cette transformation.Concours de l'Angleterre. Je crois l'avoir;

déjà dit ou écrit ailleurs, je ne pense pasqu'on puisse aboutir à une organisationde l'Europe occidentale aussi longtempsque cette organisation réservera à l'Angle-'terre le même rôle, la même place qu'auxautres états occidentaux.

Deux conceptions se sont heurtées, no>tamment à la Haye et, je crois, à Stras*bourg: celle d'une confédération euro*péenne, celle d'une série d'accords entreétats restant souverains. Je crois cetteconfédération possible et réalisable si onla limite aux états de l'Europe continen­tale occidentale. Je ne crois pas qu'ellepuisse englober l'Angleterre, qui ne peutêtre séparée du Commonwealth ni de segdominions. Par contre, ce que je crois pos­

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sible et nécessaire, ce sont des accordsentre l'Angleterre et cette confédérationcontinentale.

Ce qui revient en somme -à combinerles deux conceptions en les appliquantchacune au domaine qui leur convient.Mais alors qu'une série d'accords entretous les Etats entre qui se répartissent l'Eu­rope occidentale est une tâche évidemmenttrop vaste et trop complexe à laquelle onn'aboutira jamais, quelques accords entrel'Empire britannique d'une part et la Con­fédération européenne d'autre part réglantquelques courants d'échange primordiauxsont une œuvre assez concevable et qu'ilest, je crois, possible de mener à bien.Il reste enfin la Russie. Je pense qu'in­

dépendamment de toute idéologie, lapolitique russe est, pour une très largepart, commandée par la peur: peur d'ail­leurs légitime si on se réfère aux ensei­gnements de l'histoire, puisque depuis unmillénaire la Russie est toujours apparueà l'Allemagne comme sa terre d'expansionnaturelle. La seule chance de changer lecours des événements es.t d'arracherl'Allemagne à sa vocation continentale etde la rattacher aux peuples de la mer, auxpeuples occidentaux.Guillaume II n'avait pasrftort lorsqu'il

disait que l'avenir de l'Allemagne était. sur les mers. Son erreur fut de croire qu'ilpourrait 4 la fois conquérir les mers dehaute. lutte, contre l'Angleterre et contreles Empires maritimes, et poursuivre versl'Est la politique traditionnelle d'expan­sion de son pays.La vue juste est d'ouvrir à l'Allemagne

l'accession à ce que Pirenne appelle lacongrégation des peuples de la mer, carcette congrégation est, par sa naturemême, hostile aux conquêtes .territoriales.L'Allemagne, indépendante et maîtresse

de ses destinées, sera toujours tentée parle mirage oriental. L'intégrer à l'Europeoccidentale, la lier à son destin, c'est, àmon sens, le seul moyen de changer samentalité et de la tirer de l'ornière où elles'acharne depuis des siècles.Ce jour-là, mais ce jour-là seulement,

sonnera l'heure de la reconstitution del'unité allemande, car la Russie elle-mêmen'aura plus aucun intérêt qu démembre­ment de l'Allemagne et à l'occupation dela zone orientale.

Telle est la tâchc que je voudrais voir laFrance proposer et aborder. Je souhaiteen avoir montré à cette Assemblée laportée et la nécessité. Je voudrais que leGouvernement l'entreprît.Sans doute, me dira-t-on, vous oubliez

la bombe atomique, le conflit latent entredeux. grands empires, conflit dans lequelnous serons irrémédiablement pris et au­quel nous servirons de champ de bataille.Je ne crois pas, pour ma part, aux

catastrophes inéluctables.Je sais aussi que ni la France, ni l'Alle­

magne ne sont les maîtres du destin dumonde. Sachons donc, plus modestement,faire l'une et l'autre, à notre niveau,

» l'œuvre de réconciliation qui nous in­combe.

Pour le reste, laissons faire les Dieux,en nous rappelant que moins les simplesmortels leur offrent des querelles aux­quelles participer, plus ces mêmes mor­tels ont la chance de les voir demeurer,

' entre eux, en paix! (Vifs applaudisse­ments.)

M. le président. La parole est àM. Marcel Plaisant, président de la com­mission des affaires étrangères.

M. Marcel Plaisant, président de la com­mission des affaires étrangères. Mesdames,messieurs, ce débat, qui fut provoqué à lasuite de la position prise par le Gouverne­ment vis-à-vis de la République fédéraleallemande, a singulièrement dépassé sonobjectif primitif, puisqu'aussi bien, par lejeu même des forces qui sont mises enprésence-, le ministre va être obligé dedéfinir sa politique générale vis-à-vis del'Allemagne, d'abord devant les puissan­ces qui s'affrontent, et ensuite en fonctionde la sécurité suprême de la France.Débat sur l'Allemagne! C'est, peut-on

dire, le plus français, le plus humain desdébats; et c'est ce qui fait à la fois sagrandeur et son danger.Il n'est pas de Français qui ait combattu,

qui ait souffert par lui-même ou par lessiens, qui n'ait la prétention de dire sonmot dans ce conflit douloureux, qui n'aitle sentiment d'être plus proche de la véritéparce qu'il a été plus altier dans les souf­frances.

Mais un tel débat se dérobe, c'est là ledanger, aux catégories de l'esprit.Ici, c'est la sensibilité qui domine la rai­

son, et l'injure qui est faite aux hommesse perpétue, pèse sur la réalité, et nousempêche d'apercevoir nettement les per­sonnages nouveaux qui entrent en scèneet qui vont se prodiguer sur le théâtre dumonde.

Déjà, nous avons eu ici un.prolegomène,au mois de juin dernier, par le débat surle Conseil de l'Europe, de ce que ' vouspensez au Gouvernement.Mais, en peu de temps, les événements

ont tourné. Aussi bien, il y a une réflexionque je tiens à faire devant ,vous, parcequ'il me semble que c'est lé devoir duprésident de la commission des affairesétrangères de .saisir ipour nous-mêmestoutes les occasions de marquer le rôlegrandissant de cette Assemblée. (Trèsbien! très bien!)Nous avions recueilli, le 24 juillet, des

lèvres mêmes de M. le ministre des affairesétrangères, la promesse formelle faite envotre présence qu'il n'accepterait pas l'ou­verture d'une négociation sur l'entrée del'Allemagne dans le Conseil de l'Europe,-avant que ne soit instituée, dans les deuxAssemblées, une explication franche etloyale sur les conditions dans lesquellesse présentait le problème.Invitation - requise, promesses faites,

explications attendues, mais, mesdames,messieurs, aujourd'hui, les données essen^tielles que je tiens à résumer devant vous,à l'heure même où j'interviens dans cedébat, quelles sont-elles ? ,État de l'Allemagne, évolution présente

de l'Allemagne, conjonction des forces enprésence, souci de votre sécurité.Mais l'état de l'Allemagne ? Il fait l'objet

de l'inquiétude qui s'est emparée desesprits et que vous avez sans doute,comme premier devoir, d'apaiser par cedébat lui-même, par sa portée, par lesexplications que vous allez entendre.C'est un fait que l'Allemagne, aujour-

d'hui, montre un degré d'épanouissementde sa puissance industrielle qui, aurythme où elle est animée, risque de dé­passer bientôt la force même qu'elle avaità la veille de la guerre.Déjà, on relève que 80 p. 100 de la pro-.

duction d'avant guerre se remarquent dansla zone occidentale.

Il a été dit que la productivité de l'acierétait montée de 10 à 11 millions de tonnes,chiffres contractuels et consentis, jusqu'àcelui de 14, 16 et même 17 millions die

tonnes, encore qu'ils soient l'objet d'une'négociation, et ce qui achève de donner àces chiffres leur valeur, je dirai presquetragique.Lorsqu'il s'agit de l'Allemagne occiden­

tale, lorsqu'il s'agit de son équipementindustriel, de cette admirable situation desindustries à trois étages: minières,sidérurgiques et mécaniques, qui se trou­vent rassemblées et toutes prêtes à fonc­tionner demain pour toute œuvre, c'esten même temps le potentiel de guerre quise trouve accru, organisé, tout armé, de­main, pour donner la mort.A côté de ces faits, vous venez, mainte­

nant, d'admettre l'entrée de cette Alle­magne, hier gisante, disait-on, son entréenouvelle dans le monde international.

Car le protocole de Bonn, consenti pour •le moment entre les hauts commissairesinteralliés et le chancelier de la Répu­blique fédérale, n'est qu'un vaste por­tique ouvert au vaincu pour s'élancer ànouveau dans l'arène.

Si des réalités nous passons à l'esprit,les enquêtes relevées sur la jeunesse alle­mande, notamment — je cite celle ducomte d'Harcourt à côté die tant d'autres

— laissent paraître que la jeunesse alle­mande regrette le temps des nazis commel'époque de l'âge d'or.Hier, elle avait dans son secret, dans

la clandestinité de ses pensées, le servicede la revanche qui était tout prêt dans sonesprit.Aujourd'hui, c'est au grand jour que les

formations militaires et paramilitaires semanifestent , sur les places publiques,appellent le jour élu et cherchent leursmoniteurs et leur conducteur, celui quiaurait le mot magique, celui dont les pa­roles seraient encore acceptées commeune religion révélée. Dans cette poursuitede l'élite, ne voyez-vous pas déjà toutl'orgueil et toute la foi d'un peuple ?"Comment voulez-vous que, devant cesévénements rassemblés — et que je vousmontre dans un tableau qui, je vous priede le croire, n'est pas chargé — nous nesoyons pas saisis d'effroi et que nous nenous demandions pas,. en vérité, sil'heure est bien propice pour consentir àl'Allemagne une entrée dans la vie pu­blique et une faculté, une liberté d'exa­men et de discussion qui, demain, pour­rait bien apparaître comme une rébellioncontre les engagements pris ?

Mais tournons ce volet ' du dyptique,apercevons l'autre volet. Ici, nous -voyonsune Europe resserrée, amincie, devant lesailes enveloppantes de l'aigle au doublecorps et à la double tête, du double aiglequi, double aigle russe, est beaucoupmieux que du temps des tsars l'emblèmedu nouvel empire puisqu'aussi bien sesserres viennent se poser sur les bords del'Oder, sur les cols des Carpathes, s'allon­gent jusque sur les vertes et riches régionsqui entourent le Danube et pressent à lafois la mer Noire et l'Adriatique en cou­vrant les Balkans.

Répugnant aux répétitions, je ne mepermettrai pas ici de donner des chiffresqui sont dans le domaine public, sur la ,puissance de l'État aux 350 millionsd'hommes fédérés. Je préférerais, et je 'vous les livre très simplement, vous tra­duire deux impressions que j'ai recueilliestout récemment lorsque j'étais délégué dela France à l'assemblée des Nations uniesà New York, et que j'y observais le mou­vement des hommes et des passions' Jevous prie de croire que si j évoque cessouvenirs, ce n'est pas une digression queje m'interdis dans un discours, mais parce

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2651

Suedéj'essitionmeqque vouc es atppun édens.élémentse décision qui vous appartient.Deux impressions m'ont frappé. Tout

'd'abord, de voir combien les représentants'des Soviets répugnent à tou.te entente, àtoute convention qui pourraient limiterleurs forces et leurs espoirs. Tout àl'heure mon éloquent collègue M. Maro­ger vous parlait de la bombe atomique etde ses préparations. Hier même, le généralBillotte et M. Pierre Montel, député, fai­saient des révélations qui peuvent êtrevraies ou exagérées sur les constructionspossibles d'un certain nombre d'engins.Pour ma part, je suis beaucoup moins

craintif.

Je ne peux pas indiquer toutes messources de renseignements, mais j'ai eu cesentiment, en entendant les délégués desSoviets parlant à Lake Success dans toutesles commissions pendant plus de vingt-cinq jours, qu'à travers la hâblerie despropos et l'assurance sur la bombe ato­mique, que dans les laboratoires desSoviets, que ce soit depuis la Vistule jus­qu'à l'Oural et la Volga, il y a peut-êtrebeaucoup plus de préparation — je diraimême de préparation accompagnée decatastrophes — que de réalités effectives.

En tout cas ce qu'il faut retenir — etc'est là ce que je tenais à vous commu­niquer — -c'est que jusqu'ici les Sovietste sont refusés à toute entente, à touteconvention internationale, en lançant enavant, pour troubler les esprits, une pré­tendue interdiction inconditionnelle del'emploi de la bombe atomique, maiss'opposant à tout contrôle. Cela est si vraiqu'ils ont voté contre la résolution franco-canadienne qui avait été proposée et quidemandait aux Etats certains abandonnç-ments de leurs prérogatives de souverai­neté pour accepter ce contrôle. Ils veu­lent bien la gloriole dans les faits, maisla clandestinité pour la dissimulation deleurs ambitions.

Deuxième impression: M. Vichinsky,dans ses rencontres, ne se contente pastous les jours de condamner, de pour­suivre, les Etats occidentaux — tous ceuxqui ae sont pas de sa religion —, de lesmenacer, de répandre sur eux l'invective,de .travestir leurs desseins. Là encore, ilaime à faire manœuvrer ses satellites. Etce n'est pas le moindre intérêt — c'estdu moins celui qui demeure —, de cetteassemblée -de cinquante-neuf nations devoir le chef de la diplomatie soviétiquemanœuvrant les satellites, Biélo-ltussie,Ukraine, Pologne, Tchécoslovaquie et lespoussant comme des pions sur l'échiquierinternational, au gré de ses désirs et aucaprice, de «ses tyrannies passagères.Mais ces deux impressions, rassemblez-

les. Qu'en reste-t-il ? C'est qu'aujourd'huiivous assistez de mois en mois à un déve­loppement et à des prises dé positions deplus en plus puissantes, conquises par lesSoviets.

Au mois d'octobre, vous avez vu dé­noncer tous les pactes qui unissaient laRépublique de l'Union soviétique, aussibien que ses satellites, avec la Yougo­slavie.

Cette guerre aux pactes qui s'est pour­suivie pendant tout le mois d'octobre, elle«st le témoignage, non seulement du désirde combattre la Yougoslavie et d'attendrel'heure propice pour faire une manœuvreinterne qui puisse permettre aux Sovietsd'arriver à leurs desseins, mais aussi elleest le témoignage de l'unité de leurs vues,elle est le témoignage de la persévéranceConstante dans le même propos et, là en­

core, c'est un objet qui doit rester digned'observation.

Au surplus, je ne trouverai de meilleuresparoles, pour conclure sur ce tableau, quele mot qui a été prononcé par llans Hagenà la maison de culture soviétique avant-hier, lorsqu'il a proclamé que « les pau­vres Etats capitalistes marchaient à cloche-pied et misérables dans leurs pantoullesfeutrées, alors que, pendant ce temps-là,les Soviets chaussaient les bottes de septlieues qui gravissent les cimes, et qu'ilspoursuivent leur course de victoire en vic­toire. »

Devant ce rapport des forces, et en pré­sence de cette conjoncture qui montrel'imminence des conllits possibles, quellesolution pouvait être adoptée, et par laFrance et par les Etats occidentaux, quise trouvent rejetés à la périphérie del'Europe comme sous l'action d'une sorted'axe de rotation de la Russie agissant parl'effet d'une puissance centrifuge ? Quefaire d'autre, sinon d'arriver d'une façoninéluctable à l'union européenne ?

Dans cette enceinte, comme l'Assembléenationale, nous sommes tous, ou presquetous, convaincus de la nécessité de cetteunion européenne, d'abord parce que nousla considérons comme le moyen le meil­leur, dans l'intérêt du monde, pour lemaintien de la paix et pour la conserva­tion des établissements de notre civilisa­tion.

Mais comment faire cette union euro­

péenne ? Est-il concevable, quand vousvoyez les peuples occidentaux dans cetteresserre, dans cette partie de l'isthme dela vaste Europe, que cette union se fassesans l'Allemagne ? L'Allemagne n'est-t-ellepas nécessairement partie intégrante del'Europe ? Et, d'une façon générale, est-il imaginable que cette union se fasse sansl'Allemagne, malgré nos craintes, commeelle ne saurait se faire sans la Grande-

Bretagne, en dépit de ses réticences.Grandes réticences; réticences que nousdevons surmonter. La Grande-Bretagnenous oppose les obligations qu'elle a con­tractées avec le Commonwealth, mais,quelle que soit cette hypothèque, elledoit être levée. On sent que le devoir estde conciliation et qu'à toute force on nepeut imaginer une union européenne sansle concours pressant de la Grande-Breta­gne. Concours de la Grande-Bretagne, quicomportera des changements, peut-être,dans le statut aujourd'hui adopté, ainsique des amodiations.

Concours aussi de l'Allemagne. Maisalors, soyons francs et, puisque l'unitééconomique doit se faire avec l'Allema­gne, pourquoi ne pas voir le problème telqu'il nous est immédiatement proposé ?Unité avec l'Allemagne ? Elle doit se faire,cette unité, sans possibilité de réarme­ment. Pourquoi prétendre que l'unité del'Allemagne et son intégration dans l'unitéeuropéenne puissent impliquer, à un degréquelconque, le réarmement ?

Continuation de l'occupation, nécessitéd'un désarmement total et du maintiende ce désarmement' ? Dément celui quipourrait penser autrement et j'aimerais,comme il l'a fait devant la commission,que M. le ministre des affaires étrangèresrenouvelât à cette tribune la déclaration

qu'il fit- le 24 novembre devant i'Assem­blée nationale lorsquiïi a dit qu'il résultaitdes négociations que la république fédé­rale allemande elle-même prenaii solen­nellement l'engagement de ne prépareraucun réarmement, de ne méditer aucunréarmement direct ou indirect.

L'affirmation nous en serait précieuse.Tout d'abord parce que si c'est là cequi s'exhale d'une négociation et d'untexte écrit qui fut publié le 24 novembre,encore pourrions-nous craindre que, de­puis, il fût altéré par les discours du chan­celier Adenauer, par ceux qu'on lui prête,par ceux qu'il dément.. Sachons la vérité; c'est là une déclara­tion, n'est-il pas vrai, qui nous est indis­pensable.Enfin, si nous avons négocié et si nous

avons accepté que l'Allemagne entre danscette unité économique, faut-il croirequ'elle y entrera franche et quitte detoutes charges? Ah! non pas! et c'est icique je serai peut-être en divergence- avecnotre ministre des affaires étrangères.

Jusqu'ici, le problème demeure entieret c'est encore une procédure à suivreque de voir l'Allemagne siéger au conseilde l'Europe; mais le protocole de Bonn,qui a été signé entre les hauts commis­saires interalliés et le chancelier de la ré­publique fédérale, est-il autre chose pournous qu'une mesure de police intérieure,qu'un acte de discipline de l'occupation ?J'entends par là qu'il m'apparaît que cetacte est encore révocable, perfectible,qu'il peut comporter de nouvelles obli­gations. En particulier, il est évident que,si l'Allemagne aujourd'hui se voit renaîtreà la vie publique, il est à peine possibled'imaginer que cela soit sans quelquesgaranties, les garanties substantielles quenous avons le droit d'exiger d'elle.

Ici, j'abrégerai d'autant plus aisémentmon propos que MM. Debré et Marogeront donné à cette partie le développementle plus pertinent. Cependant, sur troispoints, j'estime qu'il est encore tempsd'exiger de l'Allemagne candidate, del'Allemagne demanderesse, de l'Allemagnequi n'a pas encore obtenu ce qu'elle dé­sire, d'exiger d'elle d'abord des garantiespour la Ruhr.L'autorité internationale de la Ruhr a été

conçue dans un acte qui est susceptiblede revision. Cette revision figure même,je crois, dans un des termes finaux del'acte qui institue l'autorité internationale.J'aimerais que l'Allemagne, qui a été citéedans le protocole de Bonn comme devantentrer dans le conseil de l'autorité inter­nationale de la Ruhr, y entrât en acceptantnos vues, en adhérant à nos idées sur ledéveloppement de la propriété et l'inves­tissement définitif de l'autorité internatio­nale de la Ruhr.

Car, retenez bien que c'est ici un despoints sur lesquels je crains qu'il y ait ladivergence latente la plus grave entre laFrance et ses alliés. Le texte garde lesilence. Dans ses stipulations, on parle dedistribution et d'attribution.

Mais nous, nous avons toujours penséque le problème de la propriété se posaitencore et nous nous sommes élevés dans,cette enceinte contre la fameuse loi n° 15qui paraissait méconnaître le droit acquiset qui s'engageait dans une voie qui n'ajamais été consentie par le Gouvernementfrançais.

Là encore, nous voudrions que l'entréede l'Allemagne fût concomittante d'unenouvelle revendication et qu'elle adhérâtformellement à notre thèse sur l'autorité

de la Ruhr, revenant pour la dévolutionfinale, à l'investiture de l'autorité interna­tionale pour ses propriétés, comme nousl'avons demandé.

Nous voudrions aussi que fût évoqué ànouveau le problème des réparations, carnous ne saurions croire qu'il fût révolu.

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2652 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1049

L'un des orateurs, M. Berlioz, a beaucoupinsisté ' sur les textes des conventions deYalta et de Potsdam. J'y insisterai volon­tiers au' même titre que lui-même, pourme rappeler que dans la convention deYalta il est' expressément écrit que l'Alle­magne' devra' être contrainte à réparer en­tièrement les dommages dont elle est l'au­teur dans la.plus grande mesure possible.Le texte de Potsdam, qui est de six mois

consécutif, n'a en rien infirmé le- textede Yalta sur ce point.D'autro part, la conférence qui a été

tenue ici au Luxembourg à la fin de dé­cembre 1945, en gardant le silence, ieconstitue aucune prévention contre le droit»ux réparations, L'heure est- encore propiceet puisque nous- avons une candidature ànégocier, il m'apparaît que vous devez im­posez ce droit aux. réparations à la chargede l'Allemagne.Enfin, un troisième point: nous ne pou­

vons accepter, j'estime, que soit encorerevisé le régime des démantèlements. Cesdémantèlements constituent le point surlequel les plus grands abandonnementsont' été consentis peut-on dire dans le pro­tocole de Bonn, de la façon la plus cho­quante en ce sens que les parties désobéis­santes, c'est-à-dire celles qui ne se prê­taient pas au démantèlement, qui ont étéen état de rébellion, jouissent d'une am­nistie en quelque sorte et que les déman­tèlements qui ne sont pas faits avec lafaute même de ceux qui devaient les ac­complir ne seront pas faits, si bien qu'ilsbénéficient de leur révolte et de leur déso­béissance à la loi internationale.

Mais ces garanties acquises, je crois quenous devons et que nous sommes certainsde faire-l'œuvre la plus directement utileen acceptant l'Allemagne dans cette nouryelle entité économique.On. faisait' tout à l'heure allusion aux

déboires que nous avons éprouvés dansla période d'entre deux guerres où, là aussinous nous sommes acharnés à obtenir

. de l'Allemagne — le ministre des affairesétrangères contemporain de ces efforts nepeut pas les- ignorer — nous avons- essayé,dis-je, d'obtenir de l'Allemagne la sommede réparations qui nous étaient dues. Etcertains de critiquer.. Certains même ont

Îien csaépaqu'il ny'avvaaiit peausd éetsé h ào sa hsautdeounta capacité n'avait pas été à la hauteurdes événements. Quelle injustice! Nousn'avons jamais cessé pendant la périoded'entre deux guerres de démasquer lepéril, de lé dénoncer et de demander avecune répétition constante l'exécution de nosdroits. Mais cotte période, comment selaiti-il qu'elle ait pu se passer, et que nousayons assisté à la renaissance de l'Alle-magne-dans les mêmes termes, avec moinsde rapidité ?'

M. Marius Moutet. Me permettez-vous deyous interrompre ?

Bt; Marcel- Plaisant, président de la com­mission des affaires étrangères. Je vousen prie, mon, cher collègue.

f

M. Marius Moutet. La thèse de M. Berlioz

soutenant que l'abandon des réparationsétait le fait des puissances, oublie quel­ques dates historiques dont la premièreest le traité de Rapallo de 1922 qui avaitprécisément pour but de la part de laRussie, d'abandonner les réparations, quiétaient complétées- l'année suivante, etlorsque Hitler est arrivé au pouvoir en4932,. il l'a bel et bien renouvelé en 1933.

Si vous voulez bien relire à la fois lescirconstances qui entourent le traité deItapallo, vous verrez que c'est pour obli­ger. les puissances occidentales à aban­

donner les réparations, que- la Russie s estengagée dans cette voie.Par conséquent les notions historiques -

de M. Berlioz étaient au moins incomplè­tes, mais l'histoire racontée par les com­munistes n'est pas souvent en accord avecla réalité des laits. (Applaudissements àgauche.)

; M. Marrane. Hitler est arrivé en 1933 au,

pouvoir et non en 1932. •

M; Marcel Plaisant, président de la com­mission des affaires étrangères. Nousn'avons jamais cessé d'élever cette reven­dication, mais je n'ai pas fait appel à cessouvenirs par un. simple jeu de l'esprit,par l'évocation d'une réminiscence histo­rique, j'y ai fait appel; et ce sera là notreconclusion, pour en tirer et en dégagerune leçon dans les circonstances pré­sentes.

Lorsque nous avons voulu exiger de l'Al­lemagne des réparations, lorsque nousavons voulu essayer de la maintenir dansles langes qui restaient encore de ce traitéde Versailles, nous avons, fait, successive-,ment deux politiques.Tour à tour ce fut la politique de: la

vindication totale et ensuite la politiquede la conciliation et de l'abandon. Et c'est,peut-on dire, l'interversion de ces deuxpolitiques successives que l'on mettait àl'essai qui donnait à chacun le témoignage

, d'une hésitation et d'une incertitude.Mes chers collègues, encore que moi non

plus je ne croie pas aux leçons de l'his­toire,, car jamais elle ne se renouvelle sui­vant les mêmes normes, dans les mêmesprocédés, il n'y a qu'une valeur com­mune, c'est' l'âme des hommes qui ne

, change pas.Cependant, si nous devons nous rappeler

ces expériences, il y a une première ac­tion que nous devons faire dans la cons­titution de l'union européenne, dans l'ap­pel de -toutes les forces utiles pour con­cevoir cette unité, c'est de la vouloir vrai­

. ment, c'est, d'agir de notre propre■ mouvement, c'est de ne pas paraître sup­porter une pression quelconque, c'est aucontraire de se montrer comme un élé­ment moteur, comme un élément fédéra­teur qui, le premier de sa propre impulr, sion, désire cette unité économique,,comme notre sauvegarde..Est-ce que cette vue est une vue super­

ficielle ou bien vous apparaîtra-t-elleconnue le résultat d'un artifice ?

" Là encore je me permettrai un souve­nir. De tous les hommes d'État et aussi

des industriels, des chefs d'entreprises,que je. viens de voir pendant un mois,à New-York et à. Washington, j'ai retiréune impression, c'est que rien ne leurparaissait plus cher que notre volonté defaire cette unité européenne, parce qu'ilsla ; considèrent, non pas du tout commeune formation d'un bloc antagoniste,loin de là, ils la considèrent comme laplus forte garantie de la restauration, dela reconstitution de l'Europe. Ils aboutis­sent, avec leur mentalité d'hommes d'ac­tion, à cette conséquence: si l'Europe estforte et prospère, si elle est outillée, sielle introduit l'harmonie dans ses chargessociales, dans ses possibilités d'avenir,alors certainement nous aurons la paix.C'est la parole même que j'entendais duprésident Truman . « Que l'Europe soitforte, qu'elle connaisse l'harmonie, alorsnous aurons la, paix. »Nous aurons la paix, mais il faut avoir

la- foi, la conscience de la demander oude la rechercher suivant des formes dé­terminées. Il faut avoir en même temps

' la persévérance de ne pas mouvoir de sonpremier dessein, de rester iidèle à unepolitique. . Si bien que nous en arriverons,après avoir dressé le bilan et des dangerset des profits et des avantages et des es-ipoirs qu'ils, laissent naître, à cette conclu­sion : clairvoyance et vigilance dans lanégociation, dans la sauvegarde de nosgaranties; compréhension humaine, intel­ligence dans l'exécution de nos desseins,■■mais aussi- opiniâtreté et je dirais mêmeun peu d'audace et d'imagination pourleur achèvement. C'est, encore une ma­nière do mettre, au bas de cette; adhésion,de cet acte nouveau, le sceau du géniefrançais. (Vifs applaudissements à gauche,au centre et à droite.)

M. le président. Je voudrais connaître lesentiment du Conseil sur la suite desdébats.

Plusieurs sénateurs. Suspension!...

M» le président. Sept orateurs restentinscrits dans la discussion plus, bien en­tendu, M. le ministre des affaires étran­gères. Le prochain- orateur. M. Léo Hamon,est inscrit- pour une demi-heure. Voulez-vous que nous entendions M. Léo Hamonet que nous suspendions ensuite la.

, séance ?...

Monsieur Hamon, quel est votre avis t)

Mi Léo-Hamon> Personnellement, étant. donné l'heure, il me paraîtrait préférable-de suspendre, mais, naturellement, je suisà la disposition de mes collègues.

». le ministre. Je crois que nous pour­rions, avec l'accord de l'Assemblée, conti­nuer le débat pendant une demi-heure.

. (Assentiment.)

M. le. président). La parole est à M. Ha­mon.

M-. Léo Hamon. Mesdames, messieurs,quand, par une journée printanière de1915, dans l'élan d'une victoire dont nous

; n'oublions pas les sacrifices communs,Russes et. Américains se sont rejoints quel­que part sur les bords de l'Elbe, près desarches effondrées d'un pont détruit, leurrencontre a bouleversé pour l'Allemagne,bien autrement que n'avaient pu le fairetous les revers passés, les données mêmesde son existence nationale et ses ambi­tions- possibles.Jusque là, après comme avant 1918, le

souci de l'Allemagne avait été d'éviter cequ'elle appellait l'encerclement afin do:pouvoir se choisir un allié, à défaut unneutre et en tout cas, une proie future.Désormais, irrévocablement chassée des

■ premiers rôles, située aux. contins desdeux zones d'influence mondiale, le ?eulchoix qui restait ouvert à l'Allemagneétait celui d'un protecteur dont elle pour­rait demander aujourd'hui le secours, de­main peut-être l'alliance, plus tard les fa­veurs.

Dans sa grande majorité c'est la protec­tion occidentale qu'a choisie l'Allemagne.Des élections libres en porteraient sansdoute le témoignage pour l'ensemble deson, territoire. La République fédérale alle­mande de Bonn est en tout cas issue de

' ce choix, pour le territoire qui la consti­tue!Ce sont les conséquences de cette situa­

tion nouvelle que nous avons à considé­rer. Plaçons-nous donc devant elle en yappliquant notre pensée afin de libérerpar là même nos thèses du reproche quileur est parfois fait d'être la survivanced'un conflit qui n'est plus guère que pro­vincial. C'est du présent que, nous aussi,nous entendons parler.

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2653

Aussi bien (prenons-nous acte de ce qu'iln'y a plus entre la France et l'Allemagnede litige territorial. La Sarre ne sauraiten être un puisque — n'est-il pas vrai 1monsieur le ministre — il y a ici unesituation de fait qui a reçu sa consécrationeuropéenne, devant laquelle c'est le pro­pre de tout bon Européen de s'incliner.Pour le surplus, jamais la reconnaissancede l'indépendance politique d'un territoiren'a pu, bien au contraire, passer pourfaire obstacle au droit d'une population àdisposer d'elle-même.Délaissons donc le tête-à-tête franco-al-

lemand suranné, et délaissons aussi destraditions de politique intérieure encoreplus surannées, qui voudraient que leshommes de progrès se distinguent par uneparticulière sympathie pour l'Allemagne,tandis que les hommes d'ordre feraientpreuve d'une plus grande défiance à sonégard, parce que tout cela est dépassé. Con­sidérons le présent qui est l'Allemagne de­manderesse à l'entrée dans la fédérationeuropéenne. Devant cette situation, commedevant toute- demande d'entrée dans une

alliance, trois questions se posent: quelleest la nature de l'allié qui s'offre: quellesera l'influence de son entrée sur les buts

même de la coalition en cause ; enfinquelle sera la place qu'il y tiendra ?

La nature du demandeur, c'est le pro­blème de la démocratie allemande; soninfluence sur les buts de l'alliance, c'estle problème du caractère pacifique del'Europe; sa place dans l'alliance ou lafédération, et c'est le problème qui, ail­leurs, a ipu être appelé celui d'une hégé­monie économique de l'Allemagne.

La démocratie allemande, d'abord: iln'est que trop naturel ici d'être inquiet.Les survivances du nazisme sont indénia­

bles outre-Rhin. Les outrances de langagede la campagne électorale, telles manifes­tations de la persistance du racisme, l'ab­sence d'un véritable remords à l'égard desabominations de l'hitlérisme, tout cela estpatent. Je n'ai pas moins été frappé, aucours de récents voyages outre-Rliin, parl'indifférence obstinément témoignée par'les Allemands aux quelques Résistantsantihitlériens qu'ils ont pu avoir parmieux.

Oh, je n'ignore pas, par quelque, expé­rience française, que l'hommage à la résis­tance n'est pas après coup le monopoledes résistants, mais j'ai du moins le droitde dire que la faiblesse de l'hommagerendu à la résistance fait présumer quel­que précarité dans le désaveu dé" l'op­pression.

Mais ce qui me surprend encore le plusou, plus exactement, ce qui m'inquiète leplus, ce ne sont pas les séquelles dunazisme, ce ne sont pas les menaces d'unemportement dont notre pays a lui-mêmeparfois connu la tentation, ce n'est pas quela République soit contestée, qu'elle soitincomprise, c'est qu'elle ne soit pas dé­fendue. En effet, au cours des différentespériodes où la République a pu être miseen cause chez nous, c'est le sursaut desrépublicains qui l'a sauvée. C'est ce sur­saut que je ne trouve pas outre-Rhin etc'est ce qui m'inquiète.

Au lieu de cela, que voyons-nous dansla figure de la politique intérieure de l'Al­lemagne ? Une coalition gouvernementalequi comprend!, à côté de démocrates et depacifistes sincères, incontestés, à côté deforces spirituelles et démocratiques in­contestablement' valables, des masses élec­torales et des intérêts privés dont je nepuis oublier que c'est leur égarement et

leurs intrigues qui ont amené Hitler aupouvoir.Tandis qu'en regard, dans l'opposition,

nous trouvons le parti socialiste, et ceparti socialiste dont les cadres furent du­rement éprouvés dans la lutte antihitlé-rienne fait, aujourd'hui, retentir les ac­cents d'un nationalisme, lequel, pour êtreparfois inconscient, n'en est pas moinsinadmissible dans la forme et absurde dansle fond.

Je n'entends pas essayer de juger lesresponsabilités de cet état de choses, ou,plus exactement, j'ai été assez longtempsavocat pour savoir que les divorces sonttoujours aux torts réciproques. Mais, jevoudrais, pour me défendre d'intervenirdans la politique intérieure d'un pays voi­sin, rappeler que les voisins de l'Allema­gne sont payés pour savoir par quels liensparticulier la politique extérieure de l'Alle­magne est rattachée à sa politique inté­rieure. Ceci doit suffire à nous permettrequelques incursions. Dans cette situation.dans cette menace que j'expose, je trouvedes raisons non seulement pour nous,Français, mais encore pour les démocratesde tous pays, de comprendre que l'Alle­magne ne saurait assumer un rôle prépon­dérant en Europe au moins parce que sondegré de maturité politique ne l'en rendpoint capable. J'y vois aussi, pour nous,pour vous, représentant du Gouvernementde la République, quelques raisons de pré­cautions supplémentaires.Sait-on assez, monsieur le ministre, dans

notre pays que, lorsque le gouvernementdu chancelier Adenauer s'est présenté de­vant le Bundestag, à Bonn, après les ac­cords du Petersberg, la confiance qui lui aété votée émanait de quelque 230 députéssur les 400 que comporte le Bundestag ?Voit-on combien est précaire, combien

est limitée la majorité, par ce fait même,et ne pensez-vous pas que nous avons ledevoir de mesurer les risques que nousfait courir l'opposition. Si, demain, se pro­duisait un renversement de majorité, dontnul n'a le droit d'exclure l'hypothèse enrégime parlementaire, faudrait-il nous ex­poser à devoir allonger la liste des conces­sion? déjà faites afin de fournir au nouveauparti de gouvernement un prétexte à reve­nir sur son attitude ? Ou. faudrait-il nous

exposer à voir ce même parti devenu partide gouvernement, négliger les signaturesdu gouvernement antérieur i Cela aussiaurait quelques précédents.J'entends bien, monsieur -le ministre,

que votre grandeur est ici une entrave àvotre liberté et que je ne puis vous de­mander de dire, en votre qualité de minis­tre des affaires étrangères, ce que le sim­ple parlementaire que je suis n'hésite pasa dire, à savoir que la majorité gouverne­mentale actuelle en Allemagne lui paraît,quantativement et qualitativement, insuffi­sante.

Mais je pense qu'il est opportun de dire,au nom du Parlement français tout entier,que le Gouvernement de la Républiquefrançaise porportionnera sa confiance, sabienveillance et ses concessions à l'énergieavec laquelle le gouvernement allemandcombattra les survivances du nazisme quise manifestent sur le territoire allemand,et aussi à l'étendue de la majorité qui lesuivra dans sa politique. J'ose espérer que,sur les conseils que vous donnerez, le partisocialiste comprendra qu'une oppositionvéritablement consciente de ses responsa­bilités et de son rôle, doit savoir excluredu champ des débats les grandes ques­tions de politique internationale, et quela majorité gouvernementale elle-mêmecomprendra qu'une véritable politique na­tionale, pour inspirer confiance à l'étran­

ger, doit être soutenue par l'ensemble duParlement et non être seulement l'apanageélectoralement intéressant d'une majoritédéterminée.

Je vous demande aussi, mes chers collè­gues, je vous demande, monsieur le mi­nistre, de songer à ce qui se produiraitdemain si, un grand parti d'opposition enAllemagne, prenant prétexte par exemple "du règlement qui est intervenu pour laSarre, déclarait s'abstenir lors du vote surl'admission d:e l'Allemagne à l'Europe. Etl'hypothèse, dont je souhaite qu'elle nese réalise pas, n'est cependant pas ab­surde, permettez-moi de le dire. Je vousdemande si nous serions, alors, sans dé­fense devant le spectacle véritablementparadoxal d'un comité des ministres desnations victorieuses décidant unanimementd'inviter l'Allemagne, et d'une Allemagneprétendûment vaincue et dans laquelle ceserait la majorité la plus étroite qui déci­derait seule d'accepter dédaigneusementl'invitation faite par nous.Je me permets d'insister et de vous de­

mander si nous en sommes là et si vous

êtes désarmés devant une hypothèse sem-,blable et ce que vous pourriez alors faire.Je pense qu'il s'agit là — vous en êtes;,

je pense, persuadé — d'une question tropimportante pour l'équilibre des relationsde nos pays, pour l'équilibre même de ladémocratie allemande, pour que nous puis^sions nous contenter de nous référer aux

règles constitutionnelles du droit interneallemand. Certes, le droit constitutionnel .allemand nous lie, comme nous lient tousles droits internes, pour l'aspect propre-'ment juridique des choses; mais nos ini­tiatives politiques, nos concessions, nosfaveurs, nous avons le droit de les réserverà un régime qui nous inspire véritable-;ment confiance.

J'ai parlé de la nature du demandeur àl'alliance. Je voudrais à présent aborderle problème plus délicat encore de l'in?fluence que va exercer, dans la coalitionoù il demande à entrer, l'arrivée du nou+veau partenaire.Nous voulons être, dans l'Europe, la coa­

lition des peuples libres. C'est dans cetesprit que nous avons voté le pacte del'Atlantique; mais il est bien entendu,n'est-il pas vrai, mes chers collègues, que,dans notre esprit, cette coalition des peu­ples libres est une coalition défensive etque jamais nous n'avons désespéré de lasauvegarde de la paix.1 Nous avons dès lors le droit de nousdemander si l'entrée de l'Allemagne estbien accompagnée des garanties sans les­quelles elle risquerait de déclencher desengrenages qui pourraient nous arracherà la voie/ pacifique et défensive. Car,voyez-vous, la situation de .l'Allemagne,l'immense déchirure qui la parcourt, lesressentiments profonds que nous connais­sons au peuple allemand et ses épou­vantes, peuvent créer un risque de ten­sion supplémentaire.Au cours d'une série de voyages en

Allemagne, j'ai constaté, je dois à la vé­rité de le dire, que, chez les Allemandsqui ressentaient le plus douloureusementla meurtrissure de l'Est et la déchirure

de leur pays, il n'y avait pas de volontéde guerre, . je veux en porter le témoi­gnage ici, mais c'est, je pense, rendre ser­vice aux hommes politiques allemandsque leur dire : vous compromettez l'in­tégration de votre pays à l'Europe sirègne l'impression que vous y apporterezun irrédentisme aujourd'hui revendicatif^et demain peut-être belliqueux.C'est parce que telles doivent être les

préoccupations de notre politique que je

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2654 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

vous approuve, monsieur le ministre desaffaires étrangères, d'avoir jusqu'à pré­sent, au nom de la France, refusé l'in­clusion de Berlin comme douzième État,non pas que nous ayons ici je ne saisquelle pensée mesquine à l'égard de l'Al­lemagne — que Berlin soit ou non undouzième État,' peu nous importe en tantque Français — mais parce que celamarque notre refus de désespérer des pos­sibilités de paix et de raison en Europe.Pour les mêmes raisons, pour les mêmes

préoccupations, je ne me désole pas, lors­que je vois se créer des possibilitésd'échanges commerciaux entre l'Allema­gne de l'Ouest, comme partie de l'ensem­ble de l'Europe, et tel territoire de l'Al­lemagne de l'Est, parce que ce n'est enaucun cas de nous que doit venir unecassure de l'Europe aussi contraire à laraison que menaçante pour les relationsinternationales.

Si quelqu'un doit en porter la respon­sabilité, que ce ne soit pas nous, car leréarmement allemand — et ceci devraitapparaître à tous non pas comme uneexigence de l'égoïsme national français,mais comme la conclusion des hommesraisonnables de toutes nations — repré­sente - un tel accroissement des risquesde conflit, qu'en l'assumant on prouvequ'on a si bien désespéré de la paix qu'onne redoute plus de hâter la guerre.J'entends bien que vous avez tenu, il

y a quelques jours, dans une autre en­ceinte, et que vous avez répété hier à lacommission des affaires étrangères, despropos si nets que la sagesse serait de neplus revenir sur une question que l'onSevrait considérer comme épuisée.J'ajoute qu'au cours d'un voyage en

Allemagne, j'ai eu l'agréable surprise —car c'était pour moi une surprise — deconstater qu'aucun de nos interlocuteursallemands ne réclamait un réarmement etque beaucoup nous disaient: pourquoinous entretenez-vous éternellement de ceproblème que nous ne posons pas? (Excla­mations sur divers bancs.)

M. Léo Hamon. Je dis et je répète, meschers collègues, qu'il faut savoir prendreses responsabilités et reconnaître qu'àl'heure actuelle — sans rechercher lapensée secrète des Allemands — que cene sont pas les Allemands qui posent leproblème du réarmement: ayons l'objec­tivité de le constater.

Et l'on complique bien inutilement leproblème en voulant introduire, dans unediscussion qui pourrait être simple sur leréarmement ou le non-réarmement alle­mand, je ne sai? quelle hypothèse sur l'in­clusion de contingents allemands dans unearmée européenne. Comme si la premièrechose qu'on est allé chercher outre-Rhin,ce n'est pas les qualités réelles de ce peu-

f»lse, omnatiisercert daiun reéeilnaptituud re vae.discerneres frontières du réel .et du rêve.

Disons donc, que c'est compliquer lesproblèmes qui pourraient rester simples,et qui sont déjà posés, que de vouloir, àleur propo%, parler de problèmes qui, eux,ne sont pas encore posés et dont personnene peut dire comment ils pourraient seposer.

Que je voudrais vous voir aussi révéler,monsieur le ministre,, à des amateurs destratégie qui se délivrent eux-mêmes unbrevet de compétence, qu'une résurrectiondie l'armée allemande, c'est le bloc, l'en­semble des Slaves, nécessairement et tropfacilement cimenté autour de l'Union sovié­

tique, tandis que pour l'armée française,c'est un conflit qui risquerait alors d'évo­quer des souvenirs récents et doulou­

reux, c'est la certitude d'une défectionmassive; en sorte que ce réarmement, quihâterait la guerre, en comprometterait enmême temps l'issue.Mais, plus immédiatement encore, le

réarmement allemand signifie, pour la dé­mocratie allemande, une menace inté­rieure qu'elle n'est pas en état de sup­porter. La république allemande n'est pasencore assez forte pour s'accommoder auxplans politiques de l'existenec d'une ar­mée et d'une caste d'officiers; cela, tousles démocrates allemands le disent.

Et puisqu'on a souvent parlé en Alle­magne de coup de poignard dans le dos,il faut qu'on sache que bavarder, horsd'Allemagne, sur. le réarmement de celle-ci, c'est poignarder dans le dos les démo­crates allemands qui, eux, ont le couragede prendre position pour le désarmementde leur pays. •Je ne veux pas abandonner ce sujet sans

vous demander de dire, avec toute l'auto­rité de vos fonctions, à des Français peut-être plus soucieux d'ingéniosité que deleurs responsabilités devant l'opinion na­tionale et internationale que la probitéintellectuelle et la discipline nationale leurcommanderaient. avant d'aller suggéreraux Allemands je ne sais quelle hypo­thèse ingénieuse de réarmement détourné,d'essayer de convertir leurs propres com­patriotes à cette idée. Mais ils savent bienque, quand vous dites non ici, c'est l'opi­nion de la France quasi unanime quevous traduisez.

II va sans dire, enfin, que le maintiendu désarmement de l'Allemagne implique,pour les autres puissances européennes,l'obligation d'assurer la sécurité de ce ter­ritoire comme de tous les autres territoiresqui seraient compris dans le conseil del'Europe; et, puisque nous assurons unemission qui est d'intérê.t commun, il vasans dire que la couverture des chargesfinancières devra être répartie équitable­ment entre tous les bénéficiaires, Allema­gne comprise.C'est un point que je voudrais voir sou­

ligner par le Gouvernement français, caril ne doit pas être seulement question desavoir qui a une armée, mais encore com­ment se répartit la charge financière. Sinous ne prenions pas ici nos précautions,nous risquerions d'être les dupes dansune situation où, répétons-le, les Alle­mands ont la sagesse de n'être pas de­mandeurs au réarmement.

J'ai abordé ainsi, naturellement — c'estle dernier problème qui me reste à trai­ter — la place de l'Allemagne dans la fédé­ration européenne.Quand on s'allie, quand on se fédère,

on ne se combat certes plus, mais 11 sub­siste une -compétition très pacifique pourobtenir l'influence déterminante.

Avec une énergie qu'il faut reconnaître,le peuple allemand se remet au travail.Sa situation — ses interprètes vous le di­sent — est difficile. Dans un très intéres­sant discours au Bundestag allemand, ledéputé socialiste allemand Baad faisaitune comparaison très curieuse entre laGrande-Bretagne et l'Allemagne. Dansl'un comme dans l'autre cas, montrait-il,47 millions d'hommes vivent sur un ter­

ritoire qui est plus petit que la moitié dela France métropolitaine, avec une den­sité de plus de 200 habitants au kilomètrecarré. Et, puisque les importations alimen­taires sont nécessairement les mêmes, enAngleterre et en Allemagne, les exporta­tions doivent être semblables. Or, les ex­portations de produits finis de la Grande-Bretagne sont aujourd'hui vingt-deux fois

supérieures aux exportations allemandes.-Il faut rattraper cet écart : l'Allemagnaidoit être autorisée et même aidée à accom­

plir ce bond formidable pour pouvoir vi«vre.

Il y a — je n'hésite pas à le dire aurisque de choquer certains — une grandepart de vérité dans ce raisonnement, etil n'est pas possible de prétendre intégrerune population comme la population alle­mande dans l'Europe occidentale, il n'estpas possible de la préserver de certainestentations si on ne lui donne pas en mêmetemps la possibilité matérielle d'exister,la possibilité d'un équilibre économiquesans lequel ce serait le chômage- déjàtrop grand, plus menaçant même que neparaissent s'en apercevoir les hommesd'État allemands. N'oublions pas en Franceque c'est par le chômage que l'avènementd'IIitler a été possible.

Seulement il faut voir — et c'est le plusactuel et le plus important à la fois desdébats — comment cet équilibre peut êtreatteint. Le raisonnement allemand est denous dire: actuellement, notre productiond'acier est limitée à 11.200.000 tonnes.

Elle suffit tout juste à notre consommationintérieure. Mais s'il faut que nous puis­sions payer nos importations, s'il faut quenous ayons la faculté d'exporter, s'il fautque nous retrouvions un jour le niveaude vie de 1936, alors ce n'est plus 11 mil­lions, mais 15 millions de tonnes d'acierqu'il nous faut avoir pour le moins.

Ceci n'est pas encore la revendicationofficielle allemande, mais c'est le raison­nement qui nous est tenu dans la libertéde conversations privées et d'échanges devues officieux.

Face à cette perspective, à cette logique,-— et vous vous êtes, l'autre jour, dans uneautre enceinte, monsieur le ministre, pré­occupé de prendre position sur des Consé­quences prétendues logiques' avant mêmequ'elles ne soient énoncées officiellement— nous devons savoir si nous allons oppo­ser à cette thèse allemande une thèse na­tionale française qui apparaîtra aux yeuxde l'étranger comme surannée, ou si nousallons savoir invoquer à notre profit,comme nous pouvons le faire, des argu­ments décisifs" sur le plan de la raisoneuropéenne..

Il est certain qu'il y a entre le charbonde la Ruhr et le fer de Lorraine une soli­darité technique qu'on croit aujourd'huidevoir baptiser de l'affreux mot de kom-binat, mais qui n'avait pas attendu cejargon international pour être reconnu desindustriels des deux pays.Mais il reste & dire, lorsqu'un bassin

ferreux a son homologue dans une bassincharbonnier, si la raison veut que le feraille au charbon ou que le charbon ailleau fer. Nous avons le droit de répondre, 'non seulement en tant que Français maisaussi en tant qu'Européens, en tant qu'in-terprêtes de considérations strictement ra­tionnelles, que la logique ei-l'économiedes efforts veulent que le charbon ailleau fer et non l'inverse.

C'est le charbon qui doit aller au ferparce que, là où, pour produire un volumed'acier déterminé, il faut trois tonnes deminerai de fer, il suffît de 1,4 tonne decharbon seulement, et par conséquent ily a moins de charbon à déplacer vers lefer qu'il n'y aurait de fer à déplacer versle charbon. . ,

M. le ministre. D'autant plus' que nousavons du charbon en Lorraine et dans laSarre.

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2655

M. Hamon. Je veux, pour n'esquiver au- !cime diffculté, négliger l'argument ducharbon de la Lorraine et de la Sarre, etne considérer que les deux bassins appar­tenant à des nations différentes.Si l'on veut transporter le charbon de

la Ruhr vers le fer de Lorraine, pour re-transporter ensuite l'acier brut dans laRuhr, pour l'usiner — et je me place, vousle voyez, dans l'hypothèse la plus favo­rable pour le raisonnement allemand, puis­

la dernière finition aurait, malgrétout, lieu dans la Rliur — dans ce cas,dis-je, il faut, pour le trajet Rhur-Lorraime,du charbon et pour le trajet Lorraine-Rhur de l'acier, compter sur 900 tonneskilométriques de déplacement, alors ques'il fallait porter le fer Je Lorraine dansla Rhur et y laisser ensuite l'acier, c'estd. [500 tonnes kilométriques de déplace­ment qu'il faudrait réaliser.De sorte que la leçon des chiffres, l'ar­

gumentation que je vous demande de dé­velopper devant les instances internationa­les, c'est que l'acier produit en Lorrainerevient moins cher même rêtransportédans la Rhur pour y être usiné que l'acicrproduit dans la Ruhr avec du fer trans­porté de Lorra.ne.J'ajoute que ce qui est déjà vrai au-

aujourd'hui, dans les proportions que jeviens d'indiquer, le sera sans cesse davan­tage. car, si les progrès techniques nediminuent évidemment en rien la quan­tité da fer nécessaire pour la productiond'une quantité d'acier déterminé, ils dimi­nuent constamment la proportion de char­bon nécessaire, à telles enseignes que l'onn'a aujourd'hui besoin que d'un tiers ducharbon employé autrefois à la mêmefabrication.

On aura donc, besoin de moins de char­bon, il faudra dépenser de moins en moinspour apporter le charbon de la Ruhr enLorraine, alors que, bien entendu, c'esttoujours le même volume de fer qu'il fau­dra employer.La solution de la raison, la solution du

progrès technique est aussi d'ailleurs lasolution de l'histoire, car. lorsque l'Alle­magne parle de reconstruire la sidérurgiede la Ruhr, on peut lui rappeller qu'autemps où la Lorraine était annexée c'estle ir Lorraine que se trouvait une grandepartie "de la sidérurgie qui n'a été portéedans la Ruhr qu'après les traités de 1918;et que Thyssen employa les indemnitésattribuées par l'État allemand, après laguerre, pour reconstituer l'industrie alle-mandie, dans la Ruhr, ce qui a permis ladeuxième guerre et qui permettrait unetroisième, si nous ne réclamions la solu­tion de l'ordre et de l'histoire à la fois.

Le moment est extrêmement favo-,râble pour réaliser celte nationalisation.Car, les Allemands :e reconnaissent eux-mêmes, les usines de la Ruhr sont actuel­lement désuètes, leur outillage' est vé­tuste. Pour arriver à les remettre en étatet pour les rendre capables de soutenir■une concurrence internationale, ils de­vraient, de leur propre aveu, investirune somme qui, selon les estimations lesplus modestes, serait de 900 millions demarks et, selon des estimations plus sé­vères, de deux milliards de marks.

H faut donc savoir si l'on doit fairedes investissements énormes tant financiè­rement par les sommes requises que ma­tériellement par les matériaux néces­saires, puisque l'usine qui pourra fabri­quer un million de tonnes d acier par anrequiert pour sa seule réalisation deuxmillions de tonnes d'acier. Nous devonsdemander s'il est' conforme' à. la logique

— s'il est raisonnable — en regard del'Europe, qu'on engloutisse des millionsde tonnes d'acier et des .capitaux im­menses dans l'équipement d'une sidérur­gie qui n'est pas rentable là où on vou­drait la mettre et qui, par surcroît, neferait qu'accroître cette surproductionmondiale de la sidérurgie dont vous par­liez hier devant la commission des af­faires étrangères, parce qu'il y a dès àprésent trop d'acier brut produit par rap­port aux industries transformatrices del'acier; celles-ci en traitent présentement62 millions de tonnes alors que la produc­tion européenne d'acier brut est déjà de09 millions. L'Allemagne doit-elle, contretoute raison, augmenter une surproduc­tion mondiale déjà acquise ou se spécia­liser dans la transformation de l'acier ?Voilà le problème.J'entends bien qu'à l'encontre de cette

argumentation les Allemands invoquentla menace du chômage. Mais, monsieur leministre, vous savez que là où il faut180.000 ouvriers pour transformer, pourfinir 2 millions 'de tonnes de produits usi­nés, il ne faut que 14.000 ouvriers pourles fabriquer en acier brut, en sorte quecette industrie de l'acier brut que l'Alle­magne prétend reconstituer dans la Ruhrpour combattre le chômage est celle quidonnerait le travail au plus petit nombred'ouvriers. Les 4 ou 5 millions de tonnes

d'acier qui seront demain en litige repré­sentent, d'après les chiffres mêmes quej'ai indiqués, l'emploi de 50.000 ouvriersau plu?, alors que le développementde Jà transformation en produits finis d'unacier fabriqué en Lorraine permet etmême impose l'emploi de centaines demilliers d'ouvriers allemands.

Voulez-vous me permettre d'ajouter quecette solution constructive, que la Francedevrait prendre l'initiative de proposer,implique des servitudes pour la France etpour l'Allemagne à la fois i

Commençons par les nôtres, ce sera plusélégant. La servitude que nous devonsproposer d'assumer, c'est de livrer à l'Al­lemagne, à des prix francs de toute dis­crimination, la quantité d'acier fabriquéeen France avec le charbon allemand, quiserait nécessaire à l'Allemagne pour laproduction des articles de consommation,la livraison de l'acier brut nécessaire àson industrie de transformation.

La servitude, pour l'Allemagne — etcette question est justement actuelle —c'est non seulement de livrer son char­bon à la France, mais de le livrer sans cetteforme de dumping à rebours que consti­tuent des prix .différenciés qui font payerplus cher le charbon à l'acquéreur étran­ger qu'à l'acquéreur national. Il ne fautpas venir se présenter comme un deman­deur à l'Europe, il ne faut pas venir ré­clamer le bénéfice de la solidarité euro­

péenne quand, dans le même temps, onpratique sur son propre territoire, pourson charbon, c'est-à-dire pour le plus im­portant des produits dont on dispose, desmesures discriminatoires qui ne tendentqu'à fausser artificiellement les différencesde prix de revient que j'ai eu l'honneurde rappeler devant vous.

C'est là une question du jour: noussavons, monsieur le ministre, par quellesinterventions personnelles de votre part ila été possible, lors de la dévaluation dumark, d'obtenir un arrangement provi­soire. Mais à l'heure actuelle encore, lesFrançais le savent-ils? Le monde le sait-il assez ? Nous payons 50 marks un char­bon qui est facturé aux Allemands, sur lecarreau de la mine de la Ruhr, à 30 marks,et ces 20 marks de différence représen­

tent le prix d'un transport très libéra­lement évalué à 10 marks pour 300 kilo­mètres, et un surprix — un véritable tri­but inlligé à l'économie française au pro­fit de l'économie allemande — de10 marks par tonne. C'est sur. ce pointque je voudrais vous demander, mon­sieur le ministre,' de nous donner desapaisements.

M. Westphal. Voulez-vous me permettrede vous interrompre ?

M. Léo Hamon. Je vous en prie.

M. le président. La parole est à M West­phal, avjc là permission de l'orateur.

M. Westphal. Je veux aborder une autrequestion. Pendant que nous nous occu­pons ici du charbon et de l'acier, d'autress'occupent ailleurs de questions très im­portantes également. J'ai sous le.* yeuxpar exemple un petit rapport venant deLondres, à la date dir 8 décembre. et indi­quant ceci: « Un porte parole du Foreign- 'Office a confirmé aujourd'hui que sir Ivone-Kirkpatrick, chef de la section allemandeau Foreign Office, s'était entretenu hier àDueseldorf avec _ une vingtaine d'indus- 'triels, de banquiers et d'hommes politi­ques allemands, sur l'invitation da baronvon Lersner, ancien diplomate allemandqu'il avait Connu à Berlin avant la guerre*Le principal objet de cet- entretien, pré­cise-t-on dans les milieux anglais officiels,était de faire clairement comprendre aux■personnalités allemandes réunies à Düs­seldorf les mobiles de la politique alliéeen Allemagne, politique qui a suscité descritiques acerbes dans les milieux indus-,triels de la Ruhr.

« Selon des renseignements recueillis debonne source, il est hors de doute que cer­tains industriels allemands ont exprimél'espoir de voir les Alliés permettre à l'Al­lemagne de porter le niveau de son indus­trie de 11 millions 100.000 tonnes à prèsde 16 millions. Sir Ivone Kirkpatrick auraitévoqué sur ce point les décisions alliées.

« La nouvelle de cette rencontre a sus­cité à Londres une émotion extrêmementvive et on déclare au Foreign Office qu'ellene différai! en rien de celles que sir BrianRobertson, haut commissaire de Grande-Bretagne en Allemagne, a parfois avec despersonnalités responsables des milieux po­litiques et économiques allemands. » .Je me permets, dans ces conditions, de

poser à M. le ministre des affaires étran­gères la question suivante: quelles sontces décisions sur lesquelles s'appuieM. Kirkpatrick dans des conversations de­vant éventuellement permettre au poten­tiel allemand d'être porté de 11 millionsde tonnes à 1G millions de tonnes T

M. le ministre. Il n'y a qu'une seuledécision interalliée, celle qui a fixé le pla­fond à 11.100.000 tonnes. C'est la seule dé­cision qui existe et elle sera maintenue.

M. Westphal. C'est un papier officiel,monsieur le ministre.

■ M. le ministre. Ce qu» je dis est officielaussi. (Sourires.)

M. Léo Hamon. Je remercie M. Westphalde ses inquiétudes et de son témoignage.Cela correspond pleinement aux inquié­

tudes que j'ai exprimées, et il dépendrade la réponse que voudra bien, je l'es­père, me faire tout à l'heure M. le ministredes affaires étrangères de savoir si celacorrespond aux réalisés.Je voudrais lui dire que c'est, . à mon

sens, peut-être le point sur lequel au-

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iourd'hui notre intransigeance doit êtrela plus brutale, la plus totale, car, bienentendu, si l'union européenne tellequ'on la conçoit devait aboutir à fairede la France le fournisseur agricole d'uneAllemagne redevenue industrielle, Hitler jconnaîtrait je ne sais quelle revanche pos­thume qui serait plus sinistre, mais pasdavantage acceptable parce que, dans l'in­tervalle, nous aurions recouvré le privi­lège d'être des fantassins tandis que d'au­tres auraient acquis celui d'être des affec­tés spéciaux.Je vous demande, en fonction de ces

perspectives, de nous dire si, aujourd'huiet demain, vous demeurerez, en tout étatde cause, absolument intransigeant sur ,la question de la limitation de la produc- !tion allemande à 11.200.000 tonnes, et ceciquelle que soit la capacité de productionqui pourrait se révéler dans l'industrieallemande du fait de l'arrêt des démon­tages ou de tout autre rééquipement.Je vous demande ensuite de ' vouloir

bien nous dire si le Gouvernement de laRépublique entend attacher tout son ef- ,fort à l'obtention de l'égalité de prix pourle charbon de la Ruhr entre l'acheteur de •l'extérieur et l'acheteur de l'intérieur.J'entends bien que vous vous trouvez

devant une différence considérable quevous ne pouvez pas supprimer peut-êtreen un jour, mais puisqu'il est question jaujourd'hui, je crois, d'une négociationdestinée à régler définitivement ce qui rn'avait été abordé que provisoirement au 1lendemain de la dévaluation allemande, jje voudrais vous entendre dire qu'en au­cun cas le Gouvernement français n'ac- Iceptera à titre durable un arrangementqui ne serait pas un progrès substantielvers l'égalité des prix, et il n'y a pas, jepense, un progrès substantiel lorsque ce­lui qui pratique une méthode contraire à |la solidarité européenne ne réduit pas d'aumoins de moitié, dès l'abord, la mangeusuraire qu'il prétend réclamer.J'ai insisté sur ce point, qui est la der­

nière des conditions que je voulais indi­quer, parce que, et je crois que le Conseilde la République le sent tout entier, à pro­pos de ces tonnages d'acier c'est toute laplace de l'Allemagne dans la coalition oùelle prétend rentrer qui est en' jeu. Il nes'agit pas ici de l'hégémonie française,mais-de l'absence d'hégémonie allemandeet cela est essentiel.

J'ai essayé, en même temps, monsieurle ministre, d'indiquer ici ce que pour­rait être une solution constructive. ce quepourrait être une attitude française qui ne ]se bornerait pas à dire non, dans un inté­rêt national limité, mais qui suggérerait 'qu'Plque chose de valable -pour tous enn'hésitant pas à se situer aussi sur le plan Ide l'Europe. - I

C'est sur cette note que je voudrais ter­miner en vous disant que la situation nou- jvelle nous commande sans doute, dansnos attitudes, non seulement des positionsnouvelles, mais encore un style nouveaude notre argumentation. Trop souvent, Ic'est vous-même, je crois, qui vous enêtes plaint dans une autre enceinte, nousnous sommes bornés à dire non. Cela

n'est pas suffisant. i

L'Allemagne est, aujourd'hui,, si para­doxal que cela puisse paraître, en quelquemesure à l'écoute de la France, non seu­lement parce que les Américains lui ontdit qu'il fallait s'entendre avec nous maisencore, plus profondément, parce que, de­vant l'accumulation de ses folies ,et larévélation de leurs conséquences, funestespour elle, elle découvre que notre vieux

pays d'Occident avait peut-être un supplé­ment de sagesse à lui apprendre, commeses soldats et ses administrateurs luiont, malgré tous leurs difauts, révélé unsupplément d'humanité.Il ne faut pas qu'on puisse dire de nous

que devant cette attitude nous sommesrestés semblables à ce personnage dûFaust qui se désigne. lui-même comme« l'esprit qui toujours dit: Non ».Vous avouerai-je que j'éprouve même

quelque irritation à entendre toujours par­ler, par les Allemands qui nous témoi-

fnentnlafrplusa grade bouninte vo cloomntmé, d suiesoin français de sécurité, comme sinou^ étions semblables à des fonctionnai­res qui K ayant passé la force de l'âge, sepréoccupent désormais davantage de leurretraite que de la suite de leur carrière ?Nous avons d'autres ambitions. Nous sa­

vons qu'il n'est pas victoire ni veto quipermette A un peuple la paresse de l'in­telligence, la fuite devant le risque etl'économie 'e l'effort. Nous» savons tout

cela, et nous l'avons, je crois, prouvé. Lavéritable sécurité de la France, c'est de laraison, c'est de la sagesse et. c'est de l'ini­tiative de notre pays que nous l'atten­dons. (Applaudissements .)

M. le président. Le Conseil, tout àl'heure, a décidé de suspendre sa séanceaprèsTexposé de M. Léo Hamon.A quelle heure désirez-vous reprendre

vos travaux ?

Plusieurs sénateurs. A vingt et un«heures trente.

M. le président. Quel est l'avis de M. leministre ?

M. le ministre. Je suis aux ordres del'Assemblée.

M. le président. La séance est suspenduejusqu'à vingt et une heures trente minutes.

(La séance, suspendue à vin/t heures,est reprise à vingt et une heures quarantecinq minutes.)

M. le président. La séance est reprise.Nous reprenons la discussion sur la ques­

tion orale de M. Debré.

La parole est à M. Brizard.

M. Brizard. Monsieur le ministre, je croisqu'après vos explications d'hier, à la com­mission des affaires étrangère et à la com­mission des finances, et après les exposéssi complets que nous avons déjà entenduscet après-midi, ce que je pourrais vousdire est, pour une part, superflu.Aussi, je renonce purement et simple­

ment à toute la partie, peut-on dire litté­raire, de mon intervention, pour me bor­ner à trois questions; et je vous deman­derai par la suite, monsieur le ministre,s'il vous est possible de me répondre.Un premier problème semble ne pas

avoir été abordé qui pourtant est d'uneimportance capitale par ses incidences surles salaires et sur les prix français, puis­que, dans un délai assez court, vont s'ou­vrir, ou du moins s'entrouvrir nos fron­tières. Nous allons avoir à lutter contre laconcurrence allemande qui, en l'état actueldes choses, me semble très difficile à do­miner.

Là-bas, en effet, dans les prix de revientallemands, rien que les charges socialessont de "70 p. 100 moins élevées que lesnôtres.

Si' l'on y ajouté la discrimination desprix du charbon, laquelle fait qu'il estvendu à toutes les industries allemandesde 25 à UO p. 100 meilleur marché que

celui fourni aux -autres pays, l'Allemagnese trouve et vis-à-vis de nos propres mar­chés et surtout sur les marchés extérieurs,dans une situation presque impossible àsurpasser.

Outre cette question des salaires, ilconvient de remarquer que l'Allemagne n'aplus d'armée ni de jeunes gens sous lesarmes.

Or, nous avons en France un contingentde 300.000 garçons qui ne produisent lienpuisqu'ils sont sous les drapeaux. Deplus, une partie de notre industrie — mi­nime il est vrai — travaille pour les fa­brications de guerre. L'Allemagne est déli­vrée de ce souci.

Quand au prix de revient, nous l'avonsvu lorsque nous sommes allés avec la com­mission en Allemagne, un élément est ou­blié volontairement, celui des amortisse­ments. C'est pourquoi l'industrie alle­mande peut produire à des prix à peu prèsimbattables.

Je me demande quelle pourra être, dansles ententes' futures, la position du Gou­vernement français à cet égard.Un autre point sur lequel je voudrais ap­

peler votre attention, monsieur le minis­tre, et dont il n'a pas été parlé, c'estqu'on me semble toujours faire une confu­sion en ce qui concerne l'Allemagne, entrele mot production et les mots capacité deproduction ou productivité.En effet, pour la production de l'acier

l'Allemagne, sa capacité de production estévaluée à quinze millions de tonnes. On luiaccorde normalement une production desept millions de tonnes, mais, en plus decette production, il y en a une autre, jene dirai pas « noire », mais presque, quipeut être cédée aux Alliés.Je crois savoir d'une façon à peu près

certaine qu'au moins trois ou quatre mil­lions de tonnes sont produites de cettefaçon. :Notre contrôle, évidemment, existe. On

peut dire que la France est présente par­tout en Allemagne; c'est exact, mais necroyez-vous pas que ce contrôle soit unpeu illusoire ?Je me souviens toujours que, visitant

une usine sidérurgique de la Ruhr, nousdemandions justement au contrôleur Fran­çais de quelle façon s'exerçait ce contrôle.Il nous a répondu tout simplement: «Maismon contrôle s'exerce sur le tonnage quechaque semaine la direction me donne ».Or, naturellement la direction présente

le tonnage qui lui est autorisé, mais si no­tre contrôle s'aperçoit, soit de fuites, soitde production plus intense, etc., quelleaction juridique aurons-nous pour l'empê­cher ? Je crois qu'il n'a rien été prévu àce sujet, et il me semble tout de mêmeque cette omission est grave. (Applaudis­sements .)

M. Le Basser. On estime qu'ils sont hon­nêtes!

M. Brizard. Une autre question sur la­quelle je voulais appeler également votreattention, monsieur le ministre, c'est surla production d'aluminium.On a accordé à l'Allemagne une' capa­

cité de production de 85.000 tonnes..A l'heure actuelle, il lui est impossible

d'avoir une telle capacité parce qu'il luimanque des bauxites.Or, elle avait, avant la guerre, deux

sources de bauxites: la France et la Tché­coslovaquie. La Tchécoslovaquie lui estabsolument fermée, et, en France, nousavons tendance à exporter vers l'Allema­gne une assez importante quantité dobauxites, parce que notre industrie élec­

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 . DECEMBRE 1949 2S57

trique ne nous permet pas de traiter toutle minerai que nous avons sur le carreaufies mines. Mais est-ce qu'il n'y a pas làun danger énorme ?Ne serait-il pas .possible tout de même

de donner à l'Allemagne de l'aluminium,sous forme de métal fabriqué et non passeulement sous forme de bauxite, car no­tre production, notre main-d'œuvre en bé­néficieraient ?

Enfin, un dernier mot, monsieur le mi­nistre, au sujet de l'écartélisatiori, si je

,puis dire, des groupes de l'acier et descharbons allemands.Le cartel de l'acier a été dissous, certes;

il y avait, là-bas, avant la guerre, quatregroupes qui avaient, peut-on dire, unegrande capacité de production. On a sup­primé deux usines dans l'un, dans un au­tre trois, pour n'en laisser que deux outrois dans certains cartels, mais tous ontété groupés dans une nouvelle sociétéqui. s'appelle, je crois, la société fiduciaire.Or, si.mes renseignements sent exacts,cette société est dirigée par l'ancien direc­teur, M. Fidenbach, qui était déjà, avantguerre, à la tête de ce cartel. Donc, envoulant supprimer celui-ci, ne l'a-t-on paspurement et simplement reconstitué ?Voilà, monsieur le ministre, les simples

questions que je désirais vous .poser, etje serais très heureux si, dans votre dis­cours, tout à l'heure, vous pouviez nousdonner quelques apaisements à. leur sujet.( Applaudissements .)

M. le président. La parole est à M. Geor­ges Pernot.

M. Georges Pernot. Mes chers collègues,mon intervention sera très brève.

Je tiens à la commencer par des remer­ciements à l'adresse de notre distinguécollègue M. Michel Debré. Je -le remercie,d'abord, d'avoir provoqué le débat d'au­jourd'hui, iparce que, grâce à son initia­tive, il sera clairement établi que notreAssemblée, qui est une assemblée parle­mentaire, entend jouer pleinement sonrôle et recueillir des renseignements depolitique étrangère, non pas seulement parla voie du Journal officiel, mais par desdéclarations que M. le ministre des affairesétrangères voudra bien faire ici tout àl'heure.

Je le remercie encore, parce que cedébat, d'une parfaite tenue, aura permis àdes membres venue de tous les points del'horizon politique, de marquer très nette­ment que s'ils sont partisans d'une poli­tique de compréhension vis-à-vis de l'Alle­magne, ils veulent aussi, comme l'a pro­clamé tout, à l'heure M .le président de lacommission des affaires étrangères, quenous soyons particulièrement vigilants.Tout a été dit, et fort bien, par les ora­

teurs qui m'ont précédé, en ce qui con­cerne les relations franco-allemandes.

Aussi, permettez-moi d'évoquer seule­ment deux questions.Je voudrais revenir d'un mot sur le pro­

blème de la Ruhr et, en second lieu, expri­mer quelques idées sur le Conseil del'EuropeEn ce qui concerne la Ruhr, je ne puis,

pour ma part, que me rallier pleinementaux observations formulées par M. Debré,par M. le président de la commission desaffaires étrangères et, à l'instant même,par M. Brizard,

Je crois, en- effet, qu'il faut que, dans cedomaine nous soyons particulièrementfermes et vigilants. Et, aux arguments dé­cisifs que nos collègues ont apportés, jevoudrais ajouter un souvenir personnel. 11

y a tantôt trois ans, si ma mémoire -estfidèle, alors que se déroulait à Nurembergle procès des grands criminels de guerre,j'avais eu l'honneur d'être invité par lesautorités alliées à passer quelques joursdans cette ville et à suivre les débats.

C'est ainsi que j'ai assisté, à l'interroga­toire de l'ancien ministre de l'armementdu Reich.

Au cours de ses déclarations, il est re­venu, à plusieurs reprises, sur le pointsuivant: « Lorsque, disait-il, les Alliés sontparvenus à bombarder les usines de laRuhr, .je me -suis parfaitement renducompte qu'il n'était plus possible, pourl'Allemagne, de continuer la guerre. Je l'aidit à plusieurs reprises à Hitler, qui n'apas voulu m'écouter ».En terminant chacune de ces .déclara­

tions, il répétait avec force — retenez bienceci, mes chers collègues, comme je l'aimoi-même retenu : a Sans la Ruhr,l'Allemagne ne peut pas faire la guerre ».

A l'heure où il s'agit précisément defaire rentrer, si j'ose dire, l'Allemagnedans le concert des nations, de lui accor­der un rôle qu'elle avait perdu depuis sa ;défaite, 'je supplie le 'Gouvernement, aucours des négociations qui auront lieu con­cernant la Ruhr, de ne jamais oublier ces :

•paroles qui ne sortiront jamais de ma mé­moire et qui me paraissent décisives pourla solution du problème d'aujourd'hui.(Applaudissements .)Maintenant, quelques mots, si vous le

voulez bien, en ce qui concerne le Conseilde l'Europe et, plus particulièrement, l'as­semblée de Strasbourg.M. Michel Debré me permettra-t-il de lui

dire que je l'ai trouvé un peu sévère pourStrasbourg. C'est peut-êtra parce que j'ysuis allé et qu'on est toujours enclin aquelque indulgence pour les assembléesaux travaux desquelles on a participé.Certes, je ne partage pas, relativement àl'assemblée consultative, au sein de la­quelle j'ai eu l'honneur de siéger, le ju­gement enthousiaste qu'a formulé M. leprésident Spaak au lendemain de la ses­sion de l'été dernier,

Je pense que M. le président ne'm'en■voudra pas si je dis que guand on présideune assemblée, on . a quelque tendance àvanter ses mérites.

M. le président. Surtout quand elle vousen donne l'occasion, comme ce soir. (Ap­plaudissements.)

'M. Georges Pernot. Vous êtes trop aima­ble, monsieur le président. .M. Michel Debré a comparé, si je ne me

trompe, le parlement de Bonn et ce qu'ila appelé, un peu pompeusement d'ailleurs,le parlement de Strasbourg, puisque l'as­semblée européenne n'avait aucun pouvoirde décision.

Je crois pouvoir lui dire que cette com­paraison est vraiment inadmissible. .

Qu'est-ce donc • que le parlement deBonn ? Une réunion d'Allemands 'heureuxde se retrouver au sein d'une assembléedélibérante, d'Allemands qui, en réalité,supportent assez mal, je crois, le régimefédératif qu'on leur impose et qui ont vudans le parlement de Bonn l'occasion dedélibérer en retrouvant leur unité à la­quelle ils tiennent tant.

Au contraire, nous autres, à Strasbourg,nous étions les représentants de quatorzeEtats européens qui nous rencontrions,pour la plupart, pour la ipretnière fois, nenous connaissant en aucune façon, ne dis­posant à peu près d'aucun travail prépara­toire. Comment auriez-vous voulu que l'on

pût vraiment construire l'Europe en qua­tre semaines dans de semblables condi­tions ?

Je dis que, pour être équitable, il fauttenir compte des possibilités et des con­tingences. S'il est vrai que -l'Assemblée deStrasbourg ne mérite pas les couronnesque certains lui ont tressées, je crois, dumoins, qu'il est excessif de considérer cetteexpérience comme un échec.Si vous aviez participé aux délibérations

de l'Assemblée de Strasbourg, vous auriezinut de .même constaté une chose récon­fortante, c'est que lorsqu'on parlait, parexemple, des droits de l'homme, de la. di­gnité de la personne humaine, de la 'ci­vilisation occidentale qu'il fallait sauve­garder, il y avait comme un grand soufflequi passait sur cette . assemblée. J'avaistout de même le sentiment qu'on dégageaitpeu à peu ce que je me permets d'appelerune âme commune européenne.On ne pouvait guère faire autre chose,

avouez-le, pour une première rencontre.Et pourtant on a fait mieux. Les 'commis­

sions ont travaillé. M. le ministre des affai­res étrangères, à plusieurs reprises, arendu hommage à leur activité; mais 1 cequi, à mon avis, a été tout à fait décevant—' je le dis en tout respect, mais avecforce — c'est l'attitude prise par le comitédes ministres, récemment.

L'Assemblée ne pouvait que formulerdes recommandations et les envoyer <aucomité des ministres. Nous espérions queces recommandations .seraient examinéesavec bienveillance. Or, il faut bien recon­naître que le comité des ministres n'a euvraiment que bien peu de considérationpour les textes adoptés par l'Assemblée deStrasbourg. Les uns ont été entièrementnégligés, d'autres ont été renvoyés à desorganismes divers. Hier, monsieur le 'mi­nistre des affaires étrangères, au cours -devotre audition si intéressante au sein de lacommission, vous disiez :

« En ce qui concerne l'organisation del'union européenne, ce sont les problèmeséconomiques qui doivent tout dominer, aumoins pour le début. »

• Or, il se trouve que c'est précisémentdans le cadre des problèmes économiques,que l'attitude.du comité des ministres aété le plus décevant.

La commission des affaires économiquesavait formulé un certain nombre de recom­mandations. Qu'en a-t-on fait 1? On les arenvoyées à d'autres organismes qui de­vraient être des organismes subordonnés &l'Assemblée de Strasbourg et qui, au con­traire, apparaissent, désormais, à la suitede la décision prise par le comité des mi­nistres, comme des organismes supérieur»et disposant d'une autorité plus grande quecelle de l'Assemiblée elle-même. (Applau­dissements.)

Aussi, voici la première question que 'Jeveux vous poser, monsieur le ministre. Jevous demande si vous êtes décidé h userde votre autorité au sein du comité ' desministres pour qu'un pareil fait ne se re­produise pas et pour que l'on donne .àl'Assemblée de. Strasbourg les pouvoirs etles droits qui reviennent normalement làune assemblée délibérante chargée deconstruire l'Europe. (Applaudissements <àgauche; au centre et à droite .)

Cela impliquera, comme l'a très biendit M. Michel Debré — et je le rejoins com­plètement sur ce point — une modificationau statut du Conseil de l'Europe.

M. le président de la commission. C'estcela.

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2658 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE' — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

M. Georges Pernot. J'en arrive et je vaisavoir terminé, mesdames, messieurs, auxconditions de l'admission de l'Allemagneau Conseil de l'Europe.

M. Léo Hamon, tout à l'heure, prenant laparole sur cette question, qu'il a traitéede façon très pertinente, disait: « L'Alle­magne était demanderesse. » J'aurais bienvoulu qu'elle le fût, monsieur Hamon, etje considère, pour ma part, qu'une graveerreur a été commise, non pas par vous,monsieur le ministre des affaires étrangè­res, non pas par le Gouvernement fran­çais ni par les délégués français à l'as­semblée de Strasbourg, car nous avonstout fait pour l'éviter. Oui, je considèreque le problème de l'admission de l'Alle­magne a été très mal posé, car l'Allema­gne qui aurait dû être demanderesse setrouve, en réalité, défenderesse. Or pasplus en matière diplomatique qu'en ma­tière judiciaire la situation n'est la mêmesuivant que l'on est demandeur ou défen­deur.

Pourquoi l'Allemagne aurait-elle dûêtre demanderesse ? Vous le savez, trèsbien, monsieur le ministre des affairesétrangères. Parce qu'aux termes de l'arti­cle 5 du statut du Conseil de l'Europe, quej'ai sous les yeux, un pays européen nepeut être invité éventuellement par le co­mité des ministres comme État associé ques'il est considéré comme capable de seconformer aux dispositions de l'article 3et comme en ayant la volonté.Or, que dit l'article 3 ? Écoutez bien,

mesdames, messieurs* « Persuadés que laconsolidation de la paix fondée sur la jus­tice et la coopération internationale estd'un intérêt vital pour la préservation dela société humaine et de la civilisation;

« Inébranlablement attachés aux valeursspirituelles et morales qui sont le patri­moine commun de leurs peuples et quisont à l'origine des principes de libertéindividuelle, de liberté politique et deprééminence du droit sur lequel se fondetoute démocratie véritable... ».

Voilà les principes que doit professertout État qui demande à être admis àl'Assemblée de Strasbourg.J'aurais souhaité, mesdames, messieurs,

qu'an laissât à l'Allemagne le soin et ledevoir de faire cette démonstration avant

qu'on se pressât de l'inviter. On a inter­verti les rôles; et ce n'est pas, oroyez-iesans de graves inconvénients. (Très bien!très bienl et applaudissements.)Quoi qu'il en soit, ceci a été fait, je le

répète, sans aucune espèce de responsa­bilité de la part ni du Gouvernement fran­çais, ni des délégués de la France.Je voudrais terminer par une dernière

observation : je ne demande pas seulementau Gouvernement d'user de son autorité

pour faire modifier le statut du conseil del'Europe; je demande encore autre choseà quoi vraiment, jusqu'à présent, les au­torités françaises, à mon avis, n'ont passuffisamment songé.

M. Debré disait tout à l'heure: il fautConstruire l'Europe, et rapidement. Qu'ilme soit permis d'affirmer de nouveauqu'on ne construira jamais l'iEurope sansle concours de l'opinion publique euro­péenne, et notamment sans le concours del'opinion publique française.Or personne ne me démentira, j'en suis

sûr, sur aucun banc, si j'affirme que l'opi­nion publique, notamment chez nous, estsingulièrement sceptique. Pourquoi scep­tique ? Parce que les précédents sont là,qui ont engendré ce scepticisme, parceque les échecs de la Société des Nations,parce que les difficultés rencontrées par

l'O. N. U., tout cela, évidemment, rendl'opinion particulièrement réservée.Mais aussi, monsieur le ministre — et

je me tourne vers vous — parce qu'onl'a très mal éclairée et qu'on ne fait au­cun effort sérieux pour l'informer commeil conviendrait de le faire. A Strasbourg,nous lisions tous les jours la presse ve­nant de tous les pays d'Europe ou mêmede pays extra-européens.- Nous voyionsdans tous les journaux, sauf dans les jour­naux français, de très longs comptes ren­dus consacrés aux travaux de l'Assembléede Strasbourg et soulignant l'importancede la construction de l'Europe. Puis, quandnous ouvrions les journaux français,même ceux qui passent pour les plus sé­rieux et les plus documentés, nous trou­vions, dans un petit coin de je ne saisquelle troisième, quatrième ou cinquièmepage, quelques lignes à peine perceptiblesdans lesquelles on faisait une vague allu­sion aux travaux tle Strasbourg.Il en est de même pour la radio. Je con­

nais certains postes étrangers qui, tous leshuit jours, depuis l'ouverture de la' ses­sion de l'assemblée de Strabourg, font desémissions pour éclairer leur opinion publi­que, pour montrer l'importance des pro-blèmes-européens qu'il s'agit de résoudre,pour marquer également .toute l'impor­tance qu'a revêtu le fait que, pour la pre­mière fois, une assemblée comme celle deStrasbourg a été réunie. N'est-ce pas, eneffet, un grand événement que l'on aitpu réunir, pour la première fois, je le ré­pète, une sorte de Parlement européen ?Si quelqu'un avait osé le dire il y a deux

ans seulement, personne ne l'aurait cru.C'est pourtant un fait.Il faut donc non pas parler d'un échec

complet-, mail constater loyalement que,au contraire, d'ores et déjà, une premièreétape a été franchie.Ce résultat est insuffisant, d'accord. 11

faut le compléter. Vous n'y parviendrezqu'en pratiquant une politique qui peutse résumer en deux mots: hardiesse et

vigilance. On me fait jamais de politiquesans risques.L'admission de l'Allemagne au Conseil

de l'Europe peut faire courir certains ris­ques, c'est entendu. Ces risques il faut leslimiter le plus possible.Faites donc, à la fois, une politique de

hardiesse et une politique de prudence.C'est par ce double moyen que vous arri­verez à réaliser cette union européenneindispensable au maintien de la paix. (Vifsapplaudissements à gauche, au centre et àdroite.)

M. le ministre des affaires étrangères.Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le mi­nistre.

M. le ministre des affaires étrangères.Mesdames, messieurs, je m'excuse Te pren­dre la parole en ce moment-ci, mais il y adéjà tant de questions auxquelles je doisrépondre que je commence à m'inquiéter;de plus, je ne voudrais pas risquer d'ou­blier une partie de la réplique que je vousdois si l'heure, était trop avancée. Mais jedonne îa garantie aux orateurs qui mesuivront à cette tribune que je resteraiattentif à tout ce qu'ils diront et que jeserai toujours prêt à leur répondre sur lespoints qui seraient restés dans l'obscurité.La première observation que je voudrais

faire, en réponse au discours de grandevaleur et de haute tenue de M. Michel De­bré, c'est la remarque suivante que je faisd'une façon très nette: nous restons dans

la ligne de la politique que nous avonschoisie et que nous continuerons à pour­suivre. Nous n'avons pas varié dans cettepolitique; nous n'avons pas changé doroute. Nous avons peut-être changé darythme sur certains points, mais la poli*tique est restée la même.

M. Debré a reproché au Gouvernementd'avoir fait preuve d'hésitation, même décontradiction. Eh bien] si nous ne restonspas toujours sur la même position, c'estque cette politique, que nous avons déli­bérément engagée et que nous ne pouvons!pas pratiquer autrement, est nécessaire­ment une politique par étapes, une politi­que progressive.Nous sommes en face d'un problème qui

évolue chaque jour. En 1945, nous avonstrouvé l'Allemagne effondrée et sans ins­titution politique ; même dans les commu­nes, tout avait disparu. Il est évident qu'à!ce moment-là notre politique devait pra«tiquer une méthode d'intervention et d'in­gérence "dans les détails de la vie quoti­dienne. Cette période est passée et nousavons dû, progressivement, avec toutes lesprécautions nécessaires, restituer aux Al«lemands les responsabilités qui leur TCVe-naiert.

Ceci explique l'évolution permanente!dans le passé et aussi dans l'avenir, de.notre politique à. l'égard de l'Allemagne.;On a d'abord reconstitué les municipalitésen 1945-1946. En 1947, on a admis la for­mule des laender, des états confédérés,;avec leur parlement, leur gouvernement.En 1949, en vertu des .accords de Londresde 1948, on a mis en place une organisationfédérale.

Telle est la raison pour laquelle notrepolitique allemande ne peut rester figée.Il ne s'agit là nullement de contradiction;je le répète, il s'agit d'une évolution né­cessaire. D'autre part, dans la mesure otles responsabilités sont reprises en chargepar les autorités allemandes, le rôle despuissances occupantes diminue.Nous gardons — et ceci je voudrais le

souligner, ne serait-ce que pour rassurercertains membres de cette assemblée —>la totalité de l'autorité qui nous revientcomme puissance occupante.Il me suffira de vous lire le préambule

du statut d'occupation qui est toujoursintégralement en vigueur et que nousavons signé au mois d'avril 1949 àWashington.Voici la première phrase de ce statut :« Dans l'exercice de l'autorité suprême

qui est conservée par le gouvernement dela France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, nous proclamons conjointement lestatut d'occupation ci-après. »Alors on fait une nouvelle répartition

des attributions entre les autorités alle­mandes d'une part et les autorités d'oc­cupation d'autre part.Nous conservons donc juridiquement

l'autorité suprême, c'est-à-dire totale, quenous tenons du fait de la victoire des al­liés, jusqu'au moment où un traité de paixou un traité équivalent aura restitué cetteautorité à l'Allemagne elle-même. C'estdonc le .statut d'occupation qui continue àrégir les relations entre les alliés et l'Alilemagne.Les alliés se sont réservés tous pouvoirs.

Ceux-ci sont longuement énumérés dansce statut d'occupation. Je n'entrerai na­turellement pas dans le détail.En ce qui concerne les pouvoirs res­

titués aux Allemands, les alliés ont undroit de contrôle total en vertu de l'auto­rité qui leur revient et qu'ils ont expres­sément maintenue.

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2659

te 123

• Telle est la situation juridique qui• existe et qui a été intégralement mainte­nue. Ce contrôle s'exerce non seulementau point de vue législatif, mais aussi auxpoints de vue administratif et exécutif.Dans les accords récents du mois de

novembre qui fournissent la matière dudébat de ce soir, nous avons voulu assu­rer sur certains points une meilleure ap­plication des décisions antérieurementprises.Nous n'avons rien changé à ces déci­

sions — j'aurai l'occasion de vous le mon­trer en détail — mais nous avons obtenu,par l'acceptation expresse . et formelle dugouvernement fédéral allemand, unemeilleure mise en œuvre des principesque nous avions fixés antérieurement. Unexemple: la décartellisation, c'est-à-direla destruction des trusts excessifs et dan­gereux, non seulement du point de vueéconomique, mais aussi du point de vuede notre sécurité, était à la charge desAlliés seuls, chacun dans sa zone d'occu­pation. Désormais, l'Allemagne s'est enga­gée expressément, dans le protocole dumois de novembre dernier, à prendretoutes les mesures législatives et autrespour- mettre à exécution ces mesures dedécartellisation. - <

De même, l'Allemagne a pris l'engage­ment de se mettre à la disposition dé l'of­fice militaire de sécurité — dont il n'a pasencore été question ce soir — qui est unorganisme essentiel dans la structure denotre régime d'occupation. Cet organismetripartite dans lequel ne figure pas l'Alle­magne a pour objet non seulement de veil­ler au désarmement cdmplet de l'Allema­gne et à son maintien, mais aussi à l'obser­vation des règles concernant la limitationet l'interdiction de certaines productions.C'est un point qui a légitimement préoc­cupé plusieurs orateurs.Cet organisme ne se borne pas à pour­

suivre pénalement des infractions éven­tuelles mais est chargé de les dépister, deles signaler, non seulement dans les in-

I dustries de guerre, mais dans toutes lesI industries, soit interdites, soit limitéesI comme les aciéries. C'est un organisme trèsI sérieusement étoffé dans lequel nous avonsI nous-mêmes des hommes très compétentsI qui, certainement, accompliront une tâ-I—che de première importance. En passant,I je voudrais vous signaler la différenceI avec la situation entre les deux guerres.I Cette fois le contrôle pourra être effectif,I et le sera, car nous occupons toute l'Alle-I magne que nous avons à contrôler. NousI sommes partout, nous n'avons pas seule-I ment à notre disposition une commissionI qui circulait dans une Allemagne libreI d'occupation. Cette commission n avait pasI l'autorité, nécessaire, pas même le moyenI d'entrer dans les établissements, alors queI maintenant, nous avons le pouvoir effec-1 tif d'imposer et de faire accepter les con-I trôles nécessaires.

1 J'en arrive maintenant à la, question deI la Ruhr. Il est inutile de vous dire que jeI souscris entièrement aux jugements portésI par M. Pernot en dernier lieu, par d'autresI orateurs avant lui, et notamment par M. De­bré, sur l'importance de la question de laI Ruhr. La question est importante pour.no-I tre sécurité, importante aussi du point deI vue économique. Les deux sécurités, mili-I taire, et économique, se rejoignent d'ail-I leurs la plupart du temps.I J3i M. Debré a regretté que l'organe quila' été prévu pour le contrôle de la RuhrI — .cet organe s'appelle « autorité inter-I nationale de la Ruhr » et a été créé parIles accords de Londres, en juin 1948 — ne■ soit pas muni d'une autorité suffisante,

d'un personnel suffisant, nous sommesd'accord sur ce point. Nous avons déjà, àplusieurs reprises, négocié avec nos deuxalliés pour que cette autorité se trouveaccrue moralement ainsi qu'au point devue de ses effectifs et de son budget.

Cette question n'a pas encore pourtantl'acuité qu'a bien voulu lui attribuer M. Mi­chel Debré. En effet, cette autorité interna­tionale est, pour le moment, chargée uni­quement du contrôle de la répartition desproduits sidérurgiques et miniers de laRuhr. Cette autorité n'est pas chargée ducontrôle de la gestion de ces établisse­ments, mais ce contrôle-là, qui est essen­tiel et primordial puisqu'il concerne l'en­semble de la fabrication et l'exploitationde ces entreprises, est exercé par les deuxgroupes de contrôle : l'un pour l'acier, l'au­tre pour le charbon.Le Conseil de la République voudra bien

se souvenir du débat que nous avons euici à ce propos au mois de novembre 1918.C'était une de nos revendications d'alorsd'être admis dans ces deux groupes decontrôle parce que, jusqu'en novembre1948, ils étaient constitués uniquement parnos deux alliés qui occupaient la bizone.Nous avons obtenu, au mois de décem­

bre 1918, il y a donc exactement un an,d'être admis dans ces deux groupes à éga­lité de droits, et c'est dans ces deux orga­nismes que nous exercerons effectivementet valablement un contrôle sur toute lagestion des entreprises de la Ruhr aupoint de vue minier et au point de vuesidérurgique.

Ceci est l'état de choses actuel, mais lemoment viendra — et M. Michel Debré a

bien voulu le signaler lui-même — où cesdeux groupes de contrôle disparaîtrontavec le contrôle lui-même, c est-à-direlorsque finira ce que j'appelle la périodede contrôle qui probablement coïncideraavec la cessation de l'occupation militaire,bien que sur ce point une classe spécialedans les accords de Londres prévoit : parmiles régions-clefs et en premier lieu la Ruhr,l'occupation continuera après l'occupationgénérale de l'Allemagne.Donc il y aura un jour, dans des condi­

tions qui ne sont pas encore définies, unesuppression des deux groupes de contrôle.C'est en raison de cette éventualité qu'ilest prévu dans le statut de l'autorité inter­nationale que le contrôle de la gestion seraalors et dans la suite exercé par l'autoritéinternationale. A partir de ce moment, lecontrôle sera fusionné en quelque sorte,confié à un même organisme qui aura uncaractère international puisque, dans l'au­torité internationale, il n'y a pas seule­ment les trois alliés, mais aussi les paysde Benelux et, comme vous le savez, l'Al­lemagne. Il ne faut donc pas trop s'inquié­ter, et je me permets de le rappeler àM. Michel Debré, si, à l'heure présente,nous ne sommes pas satisfaits — et jele dis d'une façon très nette — du fonc­tionnement de l'autorité internationale etsi nous nous préoccupons — et nous de­vons le faire comme une tâche essentielle— de donner à cette autorité internationale

tous les pouvoirs dont elle a déjà besoinactuellement et dont elle aura encore beau­

coup plus besoin le jour où la totalité . ducontrôle lui reviendra. Nous continuerons

à insister auprès de nos alliés pour qufsatisfaction nous soit donnée sur ce point.Les négociations sont en cours, je puis endonner la garantie à l'Assemblée.Pourquoi tenons-nous au maintien et au

fonctionnement pleinement satisfaisant decette autorité internationale ? D'abord

parce que, comme ie l'ai indiqué tout à

l'heure, nous considérons que c'est le pro- -blême essentiel dans le cadre du problèmeallemand, mais aussi parce que nous con­sidérons qu'il y a là une amorce d'une so­lution européenne puisque l'autorité in­ternationale ne représente pas seulementles puissances occupantes, en vertu de lavictoire militaire, mais parce qu'elle formele noyau d'une organisation qui comprendd'autres pays qui ne doivent leur pré­sence, dans cette autorité, non pas uni­quement au résultat de la guerre, maisen raison de leur situation géographiqueet en raison de l'intérêt économique qui 'les lie à la Ruhr.

Que sera ultérieurement l'autorité inter.;nationale ? Quel sera le secteur qu'ellsaura à surveiller ? Ceci est un problèmed'avenir. Je ne voudrais pas, ce soir, pourne pas trop allonger mes remarques, en­trer dans les détails. D'autres orateurs yont fait allusion. Il y a -là une perspectiveessentielle mais assez lointaine pour quele ministre actuel puisse se dispenser dedonner à cet égard ses conceptions per­sonnelles.

A ce propos, puisque l'Allemagne a dé­claré vouloir entrer désormais dans l'au­torité internationale de la Ruhr, M. le pré­sident de la commission des affaires étran­

gères a posé une question d'une grandeimportance — question que nous devonsposer, que nous avons posée. L'adhésionde l'Allemagne, ou plutôt son entrée danscet organisme, suffit-elle pour faire vala­blement et définitivement admettre qu'ellea souscrit au statut de la Ruhr ? Ne peut-elle pas se dérober ultérieurement en di­sant qu'elle n'est pour rien .dans ce sta­tut et ne lui est-il pas loisible de le renierlorsqu'elle estimera le moment venu 1Pour éviter une telle difficulté, il est de­

mandé à l'Allemagne, au gouvernementfédéral allemand, d'accepter expressémentet par écrit le statut de la Ruhr, intégrale­ment et dans toutes ses dispositions. Celaest une assurance que je peux donner auConseil de la République.

i M. le président de la commission desaffaires étrangères. Elle. ne figurait pasdans le protocole de Bonn.

M. le ministre. Tous ces protocoles,comme tous les textes, dans leur applica­tion, demandent à être précisés et complé­tés.

M. le président de la commission desaffaires étrangères. Nous enregistrons caconquêt. .

M. le ministre. A propos de la Ruhr, uneautre question se pose, qui a été évoquéeici tout à l'heure à plusieurs reprises. C'estcelle du prix du charbon. C'est l'autoritéinternationale qui a pour mission d'évitertoute discrimination défavorable aux im­portateurs de charbon de la Ruhr. .

C'est ainsi que cette autorité internatio­nale a été chargée, il y a. deux mois, defaire une enquête au sujet de la pratiquedes prix en Allemagne, notamment àl'égard des Alliés et des pays du Benelux. .Un délai est fixé, qui expire le 31 décem­bre, pour rectifier ce qui pour nous estinadmissible. Vous voyez tout de suiteque nous avons choisi un délai qui mar­que l'urgence de cette question et, enmême -temps, notre volonté de ne rienconclure de définitif avec l'Allemagne aupoint de vue économique tant que cettequestion préalable n'aura pas été résolue.

Enfin se pose la question de la propriétédes établissements de la Ruhr et, à cetégard, je dois me référer au débat quenous avons eu ici il .y a un .an.

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2660 CONSEIT; DE" EA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

C'est la fameuse loi n° 75 du 10 novem­bre 1948 qui avait été promulguée par nosi)eux alliés à une époque où nous n'étionspas encore à leurs côtés pour la gestion dela Ruhr,Cette loi comprenait deux parties : la pre­

mière, un préambule dans lequel il étaitquestion du régime futur de propriété,car- les anciens propriétaires sont expro­priés- déjà à l'heure actuelle et les établis­sements sont sous séquestre.La seconde partie, c'est-à-dire le corps

même de la loi, concernait la décartelli-eation et, d'autre part, l'organisation duséquestre.En ce. qui concerne l'organisation du sé­

questre, M. Brizard, tout à l'heure, a eutout à fait raison de dire que nous retrou­vons parmi les administrateurs ou les di­rigeants actuels, au titre du séquestre, deshommes que npus n'avions que trop con­nus dans le passé.

Ce n'est pas la France qui les a choisis ;seuls quelques-uns, parmi eux, méritentpleinement cette critique, mais ils ne sontpas là au titre de propriétaires.Je ne méconnais pas le danger qu'il peut

y avoir à les voir présents dans les affai­res le jour où il s'agira de disposer de lapropriété . et de l'attribuer; mais il fautdistinguer les deux choses. Actuellement,il n'y a qu'une administration séquestre,c'est tout ce qui a été décidé provisoire­ment et, je le répète encore* par nos deuxalliés.

En ce qui concerne la propriété, cettequestion est réservée. Je souligne d'abordque c'est une question interalliée. Ce n'estpas une question qui concerne les Alle­mands.. Les. Allemands n'ont (pas à inter­venir lors de l'attribution de la propriétédéfinitive de ces établissements. C'étaientnos deux alliés qui avaient inscrit dans lepréambule que la question de la propriétéfinale des industries sidérurgiques et char­bonnières: de la Rhur devait être laisséeà la disposition du gouvernement alle­mand représentatif et librement élu. Nousn'avons jamais accepté ce passage qui afait l'objet de notre protestation d'il y aun an, soutenue par le vote unanime desassemblées parlementaires.

M. le président de la commission des af­faires étrangères. Vous dites : « nos deuxalliés », je veux vous aider. Ce ne sontmême pas nos deux alliés, c'est une or­donnance émanant des généraux comman­dant dans la zone d'occupation. Par con­séquent, si j'ai bonne mémoire, le pré­ambule de l'ordonnance 75, loin d'êtrel'émanation d'un pouvoir souverain, estune mesure de disposition prise par lesgénéraux commandant en chef, ce qui endiminue l'autorité au point de vue diplo­matique et international. ,

H. le ministre. Certainement, mais ce quin'a pas diminué notre inquiétude, mon­sieur le président, c'est que, lorsque nousen avons appelé aux gouvernements con­tre cette ordonnance, nous n'avons pas étésuivis comme nous l'aurions désiré. Laquestion reste donc entière et la décision,la volonté du. Gouvernement français, quelqu'il soit d'ailleurs, restent entières égale­ment.

Il est évidemment dans ce préambulequelque chose qu'il faut retenir, c'est qu'ily a un texte assez long disant qu'en au­cun cas la propriété ne doit revenir à despersonnes dont il a été reconnu ou dontil pourrait être reconnu par la suitequ'elles ont favorisé les desseins agressifsau parti national-socialiste. La formulemanque peut-être de précision et ce quilui enlève un peu de sa valeur, c'est le

fait que, malgré cette formule,, certainspersonnages se sont vu confier la gestion,l'administration provisoires de ces éta­blissements.

Nous aurons donc encore une très grossepartie à jouer à cet égard, mais ce qu'il ya lieu dé souligner, de dire et de redire,c'est que la question reste entière. La pro­priété de tous les établissements de laRuhr ne pourra être attribuée qu'en ac­cord entre tous les alliés -qui signeront letraité de paix et, sans la France, unesolution ne pourra pas intervenir.,

Nous préconisons une solution qui nesera ni le retour aux anciens propriétaires^ni une attribution à des personnes privées*ni la nationalisation au profit d'un gouver­nement allemand ; nous sommes — ici en­core je réponds à certaines questions —pour une solution internationale,- mais nonpas dans le sens où on l'entendait au dé­but lorsque nous avons demandé l'inter­nationalisation du territoire de la Ruhr;c'est-à-dire la création d'une enclave inter­nationale; ce que nous demandons main­tenant, c'est une formule internationalepour- la propriété des établissements sidé­rurgiques et charbonniers de la.Ruhr.En ce qui concerne les réparations, je

voudrais faire certaines remarques.

La première est que nous n'avons rienabandonné de ce que nous possédions jus­qu'ici. Or, quels droits avions-nous aupoint de vue réparations? Deux sourcesde réparations étaient prévues dans les ac­cords de Potsdam: d'abord les avoirs alle­mands à l'étranger, qui sont à peu près li­quidés maintenant; d'autre part, l'outilla­ge économique démonté dans les usines.Il n'est pas question dans le règlement dePotsdam d'un prélèvement sur la produc­tion courante. Il a été théoriquement etconditionnellement question d'un tel mode-de réparations: c'était à Yalta, six moisavant Potsdanj; mais, à Potsdam, on a, parun texte formel — c'est l'article 19 de l'ac-_cord de Potsdam — expressément écartéce mode de réparation tant que la balancedes payements avec l'Allemagne ne seraitpas en équilibre.Depuis Potsdam, depuis 1945, il n'y a eu

aucun accord ni aucune renonciation dans

cette matière. Le jour donc où les condi­tions auront changé, où nous aurons lapossibilité- d'avoir l'accord de nos alliés —car à cet égard il faut l'unanimité des al­liés — le problème pourra être reposé,comme on Pavait déjà fait à la fln de 1945,>au moment de la conférence de Paris quia été évoquée pout à l'heure par M. le pré­sident Plaisant.

Ensuite, la question des démantèlements.Sur ce point, nous n'avons pas abandonnénos droits. Nous avons simplement arrê­té des mesures qui, dans les textes quinous donnaient le droit de procéder auxdémontages, avaient été limitées à deuxannées — on l'a déjà dit tout à l'heure.Ce qu'on pouvait faire en 1945 et en 1946est devenu extrêmement difficile en 1949,pour des raisons psychologiques, d'abord,et pour des raisons économiques, ensuite.Ces démantèlements, d'ailleurs, n'ont pas

été complètement supprimés ni arrêtés parnotre accord du mois de novembre der­nier,

«Je donne un exemple : il y a une acié­rie en Allemagne, la plus moderne, dontla construction a été commencée en 1936,pour la guerre, et qui devait avoir une ca­pacité de production de quatre millions detonnes par an. Cette aciérie sera démon­tée et le démontage est en cours d'exécu­tion.

Les autres usines- libérées- du démantè-lement ont déjà subi des démontages par*tiels.

Il a été beaucoup question des aciériesThyssen à Hamborn.qui, avant la guerre*avaient une. capacité de production de2.400.000 tonnes. Cette capacité, par suitedes démontages, a été ramené à 200.000tonnes par an.Voilà des faits qui ne peuvent pas être

contestés et, dans le protocole du mois denovembre, il est stipulé qu'aucune recons­truction de ces usines, partiellement ou toitalement démontées, ne sera tolérée.Je- voudrais vous faire une dernière re­

marque, qui a son importance. Ces usinesqui viennent'd'être libérées du démontagesont toutes situées dans la Ruhr. La pro­priété de ces établissements sera donc at­tribuée dans- les mêmes conditions quepour les au très, établissements de la Ruhr;Le problème reste encore en suspens etnous aurons notre mot à dire à cet égardcomme pour l'ensemble de la Ruhr.J'en arrive à la Sarre.

Le statut actuel de la Sarre est fixé parla constitution sarroise, qui a été accep­tée- par le peuple sarrois en 1947, et l'exis­tence de ce statut a été consacrée et 'con­solidée en fait, lorsque, en 1948 et en 1949, 'la Sarre a été laissée en dehors du statutde Bonn. La constitution de Bonn, le gou­vernement de Bonn et son parlement,n'ont aucune compétence pour la Sarre,ce qui est la confirmation du statut spécialde ce territoire.

Lorsque la Sarre sera présente commeentité spéciale au sein du conseil de l'Eu­rope, il y aura là une nouvelle reconnais­sance de ce statut particulier: M. Debré ademandé tout à l'heure si la séparationde la Sarre de l'Allemagne, au point de-vue politique, sera maintenue.Évidemment, puisque, pour les raisons

que je viens d'indiquer, ce territoire n'estpas compris dans l'ensemble de l'Allema­gne, a une existence particulière, des orga- .nismes spéciaux, et que nous avons, enoutre, avec ce territoire; une communautééconomique et monétaire et aussi desliens culturels qui la distinguent entière­ment de l'Allemagne. A cette situationnous n'avons nullement l'intention dechanger quoi que ce soit. La question nes'est jamais posée et ne se posera pas pour-le Gouvernement français..On a parlé du réarmement de l'Allema­

gne.

Il me devient presque pénible d'avoir à.,répéter, chaque semaine, la même chose,puisque chaque semaine on recommence:à émettre des hypothèses et des doutescontre lesquels on ne peut rien; s'agis­sant de gens qui ne veulent pas être con­vaincus. On a trouvé une formule nouvelle,pour arriver à faire admettre qu'il pourraily avoir tout de même une -arrière-penséechez les alliés et peut-être- même en.France.

Cette formule, c'est funaèe européenne.On a dit qu'à notre radiodiffusion, il avaitété question d'une armée européenne. Jene sais où quelque reporter a pu puisercette idée, mais je peux rassurer M. MichelDebré en lui affirmant que, sur ce point,comme hélas! peut-être aussi sur d'au­tres, la radiodiffusion ne reflète pas tou­jours très exactement l'opinion et l'idéedu Gouvernement. (Sourires et exclama­tions.)En tout cas, l'armée européenne n'est .

qu'une vue de l'esprit, une idée qui estvenue à des gens qui sont très pressés etdont l'imagination est féconde. Ce sontcertainement de bons Européens, mais qui

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2661

voient l'Europe déjà construite sur unmode plus rapide que celui que nous con­naissons jusqu'ici, et qui a fait l'objetde certaines études, dont je parlerai toutà l'heure.

Comment pourrions-nous, dans les cir­constances actuelles, aboutir à la consti­tution d'une armée européenne ? Quel se­rait l'organisme qui aurait le droit de lacréer ? Serait-ce le conseil de l'Europequi est l'organisation spécifique mdis qui,dans son statut — et je crois que sur cepoint nous n'avons pas l'intention de lemodifier — exclut délibérément et formel­lement tout ce qui touche au domaine mi­litaire et de la défense nationale i

Serait-ce le pacte Atlantique? Le pacteAtlantique n'est pas spécifiquement euro­péen. Et puis, d'*utre part, il ne prévoitaucune clause qui permette d'établir etd'utiliser une armée autre que les arméesnationales.

D'autre part, j'ai déjà eu l'occasion dele dire, réarmer l'Allemagne, directementou indirectement, serait l'inclure dans lesystème du pacte atlantique comme en­tité, ce serait l'admettre dans ce pacteet vous savez que, pour l'admission d'unnouveau membre, il nous faut non seule­ment l'accord de tous les signataires, mais,en ce qui concerne la France, une loi préa­lablement votée avant l'admission d'unmembre nouveau et notamment de l'Al­

lemagne.Voilà donc la situation et malgré tous

mes efforts d'imagination je n'arrive pasbien à voir de quelle façon nous pourrionsobtenir, dans un délai plus ou moins rap­proché, une armée européenne en Alle­magne.

Comme je l'ai déjà dit, nous sommesen Allemagne en vertu de notre droitd'occupation et de notre victoire. Nous yresterons tant qu'il y aura lieu de main­tenir l'occupation avec nos deux alliés qui,jamais, ne nous ont fait une propositionde ce genre. Si nous y restons, c'est poursauvegarder la paix, pour protéger lesterritoires de l'Europe occidentale, no­tamment le territoire français métropoli­tain, entièrement et intégralement. Voilàla meilleure garantie, la seule que nousvoyions.Il est évidemment nécessaire que les

moyens de défense soient améliorés etque notre armement soit perfectionné. Or,a cet égard, si l'Allemagne devait êtreréarmée, qui pourrait le faire i L'Alle­magne elle-même ? Non. Vous savez qu'elleest désarmée, qu'elle n'a plus d'industriede guerre, qu'elle a été complètement dé­mantelée. Il faudrait donc qu'on lui donneun armement venu du dehors, un arme­ment américain, alors que nous-mêmesavons besoin de. cet armement et que nosbesoins sont loin d'être couverts ? Il yaurait donc une priorité pour l'Allemagneà notre détriment ? Pensez-vous que ja­mais un gouvernement français ou ungouvernement quelconque de l'Europe oc­cidentale puisse admettre une telle con­clusion ?

'Je m'excuse de faire ce raisonnementdevant vous car vous l'avez certainementdéjà fait vous-mêmes. Mais il est néces­saire, devant cette renaissance continuelledes mêmes utopies, que je prenne ici, aunom du Gouvernement, ouvertement etfranchement position.J'en arrive aux questions économiques.

Là, je partage entièrement les préoccupa­tions qui se sont fait jour ici lors desdifférentes interventions. Comme je l'aidit dans l'autre assemblée: ai momentoù . nous occupons avec nos deux alliésl'intégralité de l'Allemagne occidentale,

il ne se pose pas de question de sécuritéen ce qui concerne cette Allemagne, maisle problème économique se pose. Il seposera et il se pose déjà en dehors detous les accords que nous avons conclus,et cela parce que l'Allemagne a repris desforces, s'est remise au travail et continueà s'organiser. C'est donc un problème quenous ne pouvons . ni supprimer ni ignorer.Il faut l'aborder franchement, courageu­sement, et je dirai avec M. Maroger :l'Allemagne serait plus dangereuse endehors d'une organisation européennequ'à l'intérieur de cette organisation.Mais il ne suffit pas de l'admettre pour

résoudre le problème, et là je reprendsles idées émises tant par M. Maroger quepar M. Brizard tout à l'heure.Nous ne pouvons pas supprimer les pré­

cautions qui sont prises actuellement dansl'intérêt de notre économie, notammentsous forme de contingents, sans que préa­lablement aient été harmonisées les char­

ges et les lois sociales et fiscales, sinonla concurrence ne serait pas loyale, nousdevrions lutter- dans.des conditions iné­gales.Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut

supprimer, pour le charbon, les mesuresdiscriminatoires. Nous devons prévoiraussi les clauses de sauvegarde nous per­mettant de rétablir les contingents lors­qu'une expérience se vérifiera dangereuseet malheureuse.

Tout ceci est prévu non seulement ence qui concerne l'Allemagne, mais àl'égard de tous les autres pays aveclesquels' nous procéderons à des étudesde ce genre.

A M. Michel Debré, qui m'a demandé sinous engageons des pourparlers à deuxavec l'Allemagne dans le domaine écono­mique, je répondrai que nous sommes entrain de négocier, mais nous posons nosconditions. Nous prenons les précautionsque je viens de définir et nous voulonséviter à notre production nationale, qu'ellesoit agricole ou industrielle, des aventu­res dangereuses.

Mais ce qui-est vrai, aussi, je le répète,c'est que nous ne pouvons pas rester pas­sifs, nous ne pouvons pas piétiner surplace, car non seulement nous risquerionsde tomber nous-mêmes dans le marasmeéconomique, non seulement nous nous iso­lerions, mais l'Allemagne en profiteraitpour trouver elle-même d'autres débou­chés qui nous échapperaient. Elle feraitd'autres ententes si nous n'arrivions pasà nous entendre avec elle.

Telles sont les considérations que nousavons toujours présentes à nos yeux, etl'organisme européen chargé de ces ques­tions économiques — je veux dire l'orga­nisation européenne de coopération écono­mique, l'O. E. C. E., dont l'Allemagne estmembre depuis quelques mois —. se pré­occupe de cette évolution et de ces pro­grès, qui sont nécessaires dans l'intérêtnon pas de l'ensemble de l'Europe seule­ment, mais de chacun des pays adhérents.

A propos de la production allemande, jevoudrais donner quelques précisions pouréviter des malentendus.

J'ai déjà dit, et ceci a été répété, que laproduction effective de l'acier en Allema­gne occidentale est et reste limitée à11.100.000 tonnes par an. C'est le plafondqui a été étaibli au mois de novembre 1947par les quatre puissances occupantes. Laproduction effective en acier de l'Allema­gne a toujours été inférieure à ce maxi­mum, elle oscille entre huit et neuf mil- Jlions de tonnes par an.

Voilà la situation dans laquelle nousnous trouvons au point de vue matériel,au point de vue militaire, au point de vuede notre sécurité et de nos relations éco­nomiques avec l'Allemagne.

Il reste nos relations que j'appelleraipsychologiques. Il a été dit, tout à l'heure,que l'état d'esprit en Allemagne n'est pastoujours tel que nous le souhaiterions etc'est vrai. Je dirai même qu'il serait éton­nant qu'il n'en fût pas ainsi.

Il y a là-bas, non seulement les rémi­niscences des temps antérieurs, mais aussineuf millions de réfugiés, déracinés, quivivent dans cette Allemagne-occidentaleet -qui constituent un foyer de fermenta­tion continuelle.

Il y a cette jeunesse qui a été déforméepar l'emprise hitlérienne et dont la réédu­cation est loin d'être achevée. C'est pourcela que je souscris entièrement à ce qu'adit M. Michel Debré. Il faut, en ce quinous concerne, agir en sorte que cetterééducation puisse être poursuivie. Celane pourra pas se faire utilement sous lesigne de l'occupation et de la contrainte.Il faut le faire par l'exemple que nousdonnons. On apprend la liberté à quel­qu'un lorsqu'on lui montre de quelle façonon sait se servir soi-même de la liberté.

Les échanges culturels, iîous les prati­quons intensément en ce qui concernel'Allemagne. Nous faisons à cet égard desefforts bien supérieurs à ceux que nousfaisons dans n'importe quel pays euro­péen, et nous considérons que ceci faitpartie dé notre politique.

Il n'y a pas que les échanges d'étu­diants et de professeurs; il doit y avoiraussi des contacts entre les partis poli­tiques. Je le dis ici. Lorsque nous cons­tatons quelquefois dans certains milieuxpolitiques d Allemagne une incompréhen­sion dangereuse de ce que nous considé-,rons comme indispensable pour la paix enEurope, je voudrais que ceux qui parta­gent leurs conceptions politiques établis­sent et entretiennent des contacts avec les

partie allemands pour les persuader quec'est l'intérêt de l'Allemagne elle-mêmed'entrer délibérément dans la voie de laconciliation.

Si nous n'arrivons pas à convaincrel'Allemagne, si nous n'arrivons pas àl'amener, par la persuasion, par l'exem­ple, à la politique que je viens de vousdéfinir très brièvement, eh bien ! — jevous le dis franchement — je ne croispas qu'il soit jamais possible, par la seulecontrainte, d'obtenir un résultat durable.

Nous avons devant nous des hommesqui sont responsables de la politique alle­mande en Allemagne occidentale et deshommes, aussi, je tiens à le dire ici àM. Ilamton, qui sont les dirigeants de l'op­position politique au parlement de Bonn,dont j'ai la conviction qu'ils ont, les unset les autres, délibérément opté pour uneorientation politique favorable aux démo­craties pacifiques de l'Ouest. Je ne dispas qu'ils soient déjà des démocrates. Jene peux même pas dire qu'ils le seronttous un jour, mais ils ont choisi cetteorientation qui veut que, nous appuyantsur les éléments sincèrement démocratesen Allemagne occidentale, sans distinctionde parti, nous puissions arriver à mettresur pied un système qui garantisse lapaix pour nous, pour l'Allemagne, pourl'Europe.

J'ai cette conviction. C'est cette convic­tion qui m'inspire dans la politiquequ'en accord avec le Gouvernement j'ail'honneur de poursuivre.

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2662 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1049

C'est une expérience que nous faisonsaprès l'échec de celle que nous avons faiteentre les deux guerres et que je ne vou­drais pas, en ce qui mie concerne, recom­mencer, avec ses sécurités illusoires Ba­sées sur la contrainte et des contrôles fic­tifs impossibles.Nous devons construire un avenir, len­

tement, patiemment et aussi avec con­fiance; si nous n'y croyons pas, nousn'arriverons à rien. Cette politique, si

" nous la faisons en certaines circonstances,dans un tête à tête avec l'Allemagne,comme, au point de vue économique, jel'ai dit tout à l'heure, et dans nos rela­tions personnelles d'autre part, nous lapratiquons surtout dans le cadre euro­péen.Pourquoi? Parce que l'Europe est et

doit devenir, chaque jour davantage, unclimat et une réalité à l'intérieur de la­quelle l'Allemagne trouvera une placequi suffise à ses- ambitions légitimes, etaux qualités de travail, de discipline deson peuple, une place qui sera utile etmême nécessaire pour qu'il y ait uneEurope.On a dit à juste titre: « Il n'y a pas

d'Europe sans la Grande-Bretagne ». Je ledis pour mon compte: il n'y a pas d'Eu­rope non plus sans l'Allemagne. On a pudiscuter sur la moment où il fallait admet­tre l'Allemagne dans l'assemblée euro­péenne. Mais là je voudrais répondre àce scepticisme qui s'est fait jour, nonseulement ici, mais aussi au dehors, ence qui concerne l'expérience commencéeil y a quelques mois.

M. Michel Debré, dans la première par­tie de son exposé, a élé d'un scepticismeet d'un pessimisme noirs. Il m'a rassurédans la seconde partie lorsqu'il a dit quel'Europe est un mot: « C est un échec,c'est un espoir déçu ». M. Pernot a déjàrépondu sur ce point, comme M. Marogerqui a dit: « L'Europe est un espoir ». 11a supprimé l'adjectif et je l'en remercie.Ce n'est pas encore la réalité que nous

vouions, que nous désirons et qu'il nousfaudra; certes non. Mais n'oublions pasque l'Europe est un enfant de quelquesmois et que, Jéjà, il montre tant de dyna­misme qu'il trouve que son habit est tropétroit et c'est là la crise qui s'est faitjour. Je m'en félicite; c'est un enfant quigrandit plus vite que ses pères ne l'avaientprévu — je ne veux pas dire: qu'ils nel'avaient désiré. Tant mieux si on setrouve à l'étroit à l'intérieur de ce sta­tut du conseil de l'Europe. Nous sommeslà pour adapter ce statut aux besoins etnon pour faire l'inverse.Je peux dire à M. Michel Debré que le

^ comité des ministres ■— je n'ai pas le droit"de répondre à une interpellation adresséeau comité des ministres, mais je répondstout de même comme membre de ce co­mité et comme témoin — que ce comitén'a eu nullement l'intention de refuser unchangement des statuts sur presque tousles points qui ont été mis en avant dansles demandes formulées. Il a simplementvoulu que toutes ces demandes de change- *ment de statut puissent être groupées etfaire l'objet d'un vote d'ensemble parceque ces changements de statut doiventêtre approuvées par les Parlements. jN Nous ne pouvions pas rédiger les statuts :du Conseil de l'Europe avec cette càscade ;d'amendements que nous aurions eu àexaminer l'un après l'autre. Je crois qu'il :était utile de faire un groupement de :toutes les demandes et recommandationsqui nous ont été adressées. Mais, paravance, nous avons déjà appliqué certainsde ces textes avant qu'ils soient intro­duits dans les statuts.

Je reconnais que sur d'autres points lesréponses auraient pu être différentes,beaucoup moins sur le fond que dans laforme, et sur le point qui intéresse parti­culièrement M. Pernot, les enquêtes .d'or­dre économique, qu'avons-nous voulu ?Nous n'avons pas voulu qu'on puisse créerdes centres nouveaux pour des étudestechniques, puisque ce centre existe et

i qu'il est extrêmement bien documenté.• C'est l'O. E. C. E. dont j'ai parié tout à; l'heure. C'est pour nous documenter etpour documenter l'Assemblée de Stras­bourg que nous avons transmis la recom­mandation qui nous a été envoyée, maisavec la demande de nous la retourner avecla documentation nécessaire.

Je trouve que ce système est peut-êtreun peu long et un peu formaliste. C'estpour cela que nous établirons, et ceci, jecrois, donnera satisfaction, un contact di­rect entre l'Assemblée de Strasbourg, sescommissions et ses autres organismesd'une part, et l'O. E. C. E. d'autre part,sans que l'Assemblée de Strasbourg ait àpasser par le comité des ministres. Ce sontdes adaptations faciles à réaliser.Je n'ai pas le droit de faire des pro­

messes et de prendre des engagementsau nom de mes douze collègues. Je vou­drais simplement dire, pour vous ras­surer, qu'il est dans la nature deschoses que la situation statutaire s'adapteaux besoins réels et je ne doute pas quedans quelques mois toutes ces difficultéset malentendus soient dissipés. Alors, nousn'aurons pas encore l'Europe, mais nousserons dans une voie qui, comme l'a dittout à l'heure M. Pernot, était encore,pour la plupart d'entre nous, inespérée ily a un an. -

Il ne faut donc pas être trop pessimisteà cet égard, comme nous ne devons pasl'être non plus pour notre politique àl'égard de l'Allemagne. Je sais très bienque la roule est longue. Nous somme en­core dans les débuts, nous ne sommes passeuls, nous sommes devant beaucoup d'in­connues en Allemagne et au dehors del'Allemagne. Mais je constate tout demême qu'à l'heure actuelle, à l'heure oùje vous parle, nous jouissons encore d'unesituation que nous ie connaissions plus en1924, quatre ans après' la première guerremondiale, où nous pouvions pourtant direqu'il y avait une sécurité militaire absoluepour la France et les Autres pays de l'Eu­rope occidentale.

Le problème économique, il y a moyende le résoudre et nous le résoudrons dansles conditions que je viens de définir. Cesont, au fond, les mêmes problèmes quise posent aussi à l'égard des autres payseuropéens. Ne désespérons pas. Pratiquonsdans ce domaine une politique françaiseet nationale au-dessus des partis et alors,quels que soient les hommes qui serontchargés de l'appliquer, faisons une fois deplus la preuve que c'est la France qui saittoujours trouver la première la voie qu'ilfaut lorsqu'il s:agit du bien-être de 1 hu­manité et de la paix du monde. IApplau­dissements au centre et à gauche.)

• M. le président. La parole est à M. CharlesMorel.

.M. Charles Morel. Mes chers collègues, sije prends très rapidement la parole en cedébat, après les ténors de notre Assem­blée, je tiens à le faire très modestement,au nom des populations rurales, qui nesont pas, comme certains pourraient lecroire, étrangères aux affaires au point dese désintéresser des affaires étrangères.(Rires.)

Je suis un peu* troublé, voyez-vous,■parce que, alors que le Conseil de la Répu­blique n'est pas représenté au sein duGouvernement, je' constate, ce soir — cequi prouve que nos paroles ont une cer­taine valeur — qu'en échange le Gouver­nement envoyé une représentation dechoix an sein du Conseil de la République.(Rires et applaudissements sur plusieursbanc.)Ce sont, voyez-vous, et c'est pour cela;

que je tiens à faire entendre leurs voix,ce sont, dis-je, ces populations ruralesqui payent le tribut du sang; et la guerreet la paix sont entre vos mains, monsieurle ministre, plus qu'elles ne le sont entreles mains de celui de vos collègues quipréside aux destinées de la défense natio­nale.

•«s.

Vous avez, tout à l'heure, répondu unpeu par avance à certaines questions queje voulais vous poser.J'en prends acte.Nous savons désormais que, dans la'

Ruhr, nous sommes les locataires d'unfonds de commerce, alors que la maisonne nous appartient pas. Nous espéronsqu'une nouvelle loi des loyers ne nousexpulsera pas et que, demain, si nousnous voyons mis à la porte, d'autres nepourront mettre en place un mobilier quiremplacera celui que nous aurons em­porté.

Mais il est des questions beaucoup plusgraves. Excusez-moi si je parle franche­ment de choses que d'autres préfèrenttaire.

Deux grandes puissances sont mainte­nant face à face. in danger réel de guerreexiste du fait de cette opposition. Bienqu'ayant pris parti pour la nation quinous garantit le minimum de servitudesou, si vous préférez, le maximum de li­bertés. n'avons-nous pas encore un rôlede médiateur à jouer ? On nous a ditqu'on ne voulait pas réarmer l'Allemagne;on nous a dit aussi que l'O. N. U<n'avait pas d'armée et qu'il n'était pasquestion de lui en donner une. C'est en­tendu, mais alors, en cas de choc, où seranotre frontière ? Y serons-nous encore les

seuls, une fois de plus, devant l'ennemicommun ? (Applaudissements .)Nous avons, ai-je dit, adhéré à l'une de

ces deux grandes collectivités internatio­nales.

A cause, peut-être, de l'idéal communqui nous unit, nous nous trouvons, en In­dochine, en face de difficultés qui, demainpeut-être, dépasseront les faibles moyensdont nous disposons. Là-bas, disons leschoses franchement, les armées commu­nistes sont à nos portes, tandis que depuisplus de trois ans, une cinquième colonneest sur place et occupe partiellement lepays.

L'heure des décisions graves est arrivée— si elle n'est pas déjà passée, monsieurle ministre. Or l'Indochine est, danstout l'Orient, le suprême rempart de notrecivilisation devant l'idéologie adverse.Pouvons-nous compter, dans un conflit

qui peut surgir et qui menace non seule­ment nos territoires, à nous, mais — aussitoute l'Asie et toute l'Océanie, Australiecomprise, sur une aide quelconque deceux qui se disent nos amis ?

Ou bien allons-nous, sous leurs regard?indifférents, si votre diplomatie ne peu;rien arrêter, livrer seuls le suprême ba-rou d d'honneur de la civilisation occidentale ? (Applaudissements.) .Car, enfin, monsieur le ministre — et i

ne faut pas l'oublier — il y a l'O. H. U.

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2663

Nous avons, ce soir, beaucoup parlé del'O. N. U. Mais j'ai l'impression que leconseil des Nations Unies ne tient pasbeaucoup plus compte des avis de laFrance que" le Gouvernement français natient compte des avis du Conseil de laRépublique. (Applaudissements .)

Il y a l'O. N. U., dis-je, qui s'est attri­bué le droit de contrôle sur nos terri­toires d'outre-mer en évitant la charge deles défendre contre une agression étran­gère et c'est contre cela que certains d'en­tre nous s'insurgent.

Ces peuples font partie de la nation fran­çaise. Deux fois sur les champs de ba­taille, le sang des blancs de chez nous, etle sang des noire, qui sont de chez nousaussi, se sont mêlés aux avant-portes dela liberté.

Grâce à nos pionniers, grâce à nosadministrateurs, grâce à nos missions,grâce à nos éducateurs, pais, aussi etsurtout, grâce à leurs mérites et à leurintelligence, ces hommes sont devenus nosfrères et nos égaux.

Et c'est si vrai que l'un d'eux qui repré­sentait jadis- un département d'outre-mer,français depuis deux siècles, récemmentet à deux récentes reprises a été élu pardes paysans du Massif Central. (Applau­dissements.) Car en France — c'est peut-être le seul pays du monde où il en estainsi — nous ne regardons pas la couleurde la peau, mais uniquement les qualitésdu cœur. (Très bien! très■ bien!)

Admettre que l'O. N. U. ait le droit decontrôler ces terres qui font partie consti­tutionnellement de la nation française, etces hommes qui sont des citoyens fran­çais, c'est renoncer un peu à notre indé­pendance, renoncement qui nous amène­rait peut-être plus tard à une abdicationtotale.

Et celà, nous l'admettons d'autantmoins que d'autres nations, l'Espagne parexemple, 'qui ne fait pas partie de l'O.N.U.,ie sont pas soumises à ce contrôle pourleurs territoires d'outre-mer. Il y a là vrai­ment une situation un peu scandaleuse etvexante pour nous. (Applaudissements surplusieurs Jbancs.)

D'autre part, nos frères- lointains' con­naissent le drapeau français et se sont bat­tus sous ses plis. Pour symboliser notrefaiblesse, désormais nos trois couleurs nes'élèveront pas seules là-bas; il faudraqu'elles flottent à côté du pavillon protec­teur de l'O. N. U. Celà, nous ne pouvonsle tolérer, et nous demandons si le Gou­vernement français le tolérera.

Voici, très simplement, les quelquesquestions que je voulais vous poser, mon­sieur le ministre, au nom de quelquesFrançais qui ne veulent pas la déchéancedu pays et qui tiennent à ce que vous lesrassuriez. (Vifs applaudissements au centreet à droite.)

M. le président. La parole est à M. legénéral Petit.

M. le général Petit. Mesdames, mes­sieurs, il y a quelques instants, M. le mi­nistre des affaires étrangères nous a ditqu'il lui était pénible de parler de la ques­tion du réarmement de l'Allemagne, qu'iln'y a que des doutes et des hypothèsescontre lesquels on ne peut rien.

Cependant — 11 est un fait — il règnedans notre pays une grande inquiétudeiu sujet du. réarmement de l'Allemagne,de l'Allemagne occidentale. . s

Au centre. Et orientale]

M. le général Petit. ...et c'est des fonde- 1ments ou plutôt de quelques-uns des fon­dements de cette inquiétude que je mepropose de vous entretenir.Il existe, en effet, aujourd'hui, pour la

France, un danger militaire allemand queressentent vivement la plupart de noscompatriotes, qui leur paraît même évi­dent et que de nombreux journaux, quelleque soit même leur opinion politique, si­gnalent chaque jour, de plus en plus sou­vent, et sous des formes différentes.Pour le journal Le Monde, il ne s'agit,

semble-t-il, que d'un simple réarmementallemand, considéré comme inévitable.Le 10 novembre, le même journal décla­

rait: « La vérité est que l'Allemagne, puis­qu'on parle de l'intégrer à l'Europe, nepeut en faire partie économiquement etpolitiquement et rester militairement unno man's land. ».

Le 23 novembre, dans le même journal,M. Millet écrivait :^« Malgré -les démentisrépétés, lb sentiment persiste, depuis laréunion des Trois au quai d'Orsay, que

.M. Dean Acheson souhaite que l'Allemagnes'arme et ait sa place dans le pacte Atlan­tique. »Je ne fais que ces deux citations puisées

parmi bien d'autres articles qui posentnettement la question du réarmement alle­mand comme la conséquence logique à la­quelle aboutit la politique commune, dumoins pour l'essentiel, que pratiquent àl'égard de l'Allemagne les gouvernantsfrançais, britanniques et américains.Il y a également le journal L'Aurore du

16 novembre qui confirme la position duMonde par la plume même de M. Bénazet.Que dit-il ?

« Cette hypothèse, écrit-il, qui nous eûtparue inouïe, démentielle, force nous estde l'accepter en ce jour. »Oui, malgré le démenti de M. Acheson,

les propos lénifiants de M. Bevin et lessilences de M. Schuman, l'existence duprojet — il s'agit du projet de réarmementde l'Allemagne — ne laisse aucune doate.Mais d'où tire-t-il son origine i Des Etats-Unis.

Il continue en ces termes: « Que songe­raient, dans l'au-delà, les ombres des vic­times de la barbarie germanique à la vuede cette- immorale alliance quelques an­nées à peine après la dernière héca­tombe i Oh ! soldats tombés au cours desdeux guerres, martyrs des camps de con­centration ou des fours crématoires, voilàl'épilogue de votre sacrifice! »

Il ajoute, à l'adresse de ceux qui, pourlutter contre Staline, s'uniraient au diable :« Comment ne discernent-ils pas l'effroya­ble pente sur laquelle ils s'engagent.Réarmer nos voisins serait ressusciter aus­sitôt le pangermanisme. Et, comme à l'ac­coutumee, nous lui servirions de premièreproie. m

Enfin, pour ajouter à ces informations,je cite encore le journal Le Lorrain quipubliait, il y a environ trois semaines, uneinterview accordée par le docteur Ade­nauer: « On dirait vraiment, déclarait lechancelier, d'après ce journal, que la dis­parition de l'armée allemande remplit l'Oc­cident de nostalgie. » Et après cette sortede boutade, il ajoutait « que, d'après sesvues, l'armée atlantique aurait des basesen Allemagne, en France, en Belgique, enAngleterre, aux Etats-Unis et que ces basescomporteraient, suivant un pourcentage àfixer, des effectifs français, belges, an­glais, américains et al'emands, lesquelsseraient placés sous un commandementunique », -

R Dans ces conditions — et c est tou­jours le chancelier Adenauer qui parle —nous accepterions, quand le moment seravenu, de nous intégrer dans le systèmedéfensif européen. »Comment peut-on imaginer, comment le

Français moyen peut-il croire que le chan­celier du Gouvernement de l'Allemagneoccidentale puisse tenir un tel langage, s'iln'est pas certain que le réarmement decette Allemagne occidentale est admisdans son principe, peut-être (pour plustard, sinon dans ses modalités, par lestrois puissances occupantes.Notre peuple est inquiet dans son en­

semble, et j'avoue que je partage son in­quiétude.Nous savons tous que notre pays a très

douloureusement souffert au cours de troisguerres coûteuses en sacrifices humainset en ruines contre une Allemagne belli­queuse, avide de puissance et de con­quêtes et qui reste toujours à nos fron­tières.

Il sait qu'au cours des deux dernièresguerres mondiales, la France a eu environdeux millions de morts et a subi desruines considérables.

Il n'oublie pas qu'au cours de la guerre1939-1945 des dizaines de milliers dessiens, parmi les plus ardents défenseursde la patrie, ont été lâchement tués etassassinés par toutes sortes de procédéseffroyables: exécutions, pendaisons, inci­nérations.

Il n'oublie pas non plus les camps demort hitlériens, ni les Oradour. Il saitqu'enfin, à la suite de ces deux guerresprovoquées par l'Allemagne, notre pays aété sérieusement affaibli par ses pertes etpar ses ruines et qu'il a été retardé dansson développement normal, ce qui n'a faitqu'aggraver sa situation matérielle relati­vement aux autres pays de l'Europe.Sa volonté est de vivre et de travailler

en paix, de procéder au redressement duipays. Il veut que, plus jamais, l'Alle­magne ne soit en mesure de reconstituerla puissance économique et militaire quilui permettrait de le menacer ainsi que lesautres peuples d'une nouvelle guerre mon­diale.

Dans tous les pays, les hommes qui sepréoccupent de l'indépendance et de l'ave­nir de leur patrie connaissent la gravitédu problème allemand et n'ont pas man­qué de le signaler.Permettez-moi de rappeler encore ce

qu'écrivait M. Maurice Pernot, en 1945, aumoment de la capitulation de l'Alle­magne :

« 6i complète que soit la défaite mili­taire du Reich, si profonde que puisseêtre la débâcle économique et financièrequi s'ensuivra, il nous parait témérairede prétendre, comme le font quelquesobservateurs étrangers, que l'Allemagne acessé pour un- siècle de constituer undanger pour la paix de l'Europe. Nous nesavons que trop de quel prix nous de­vrions payer une telle illusion. Le panger­manisme très antérieur à Hitler ne dispa­raîtra pas avec lui. » (Applaudissements àl'extrême gauche.)

Rappelons-nous aussi, en même temps,ce qu'écrivait le maréchal von Seekt ausujet de l'Allemagne après la guerre de1914-1918 :

« Un tremblement de terre peut bienaltérer la forme d'un volcan, il n'en altèrepas les propriétés. »C'est d'ailleurs pour prévenir cette re­

naissance du danger allemand qu'à la con­

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2664 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

férence de Yalta, en février 1945, M. Chur­chill, le président Roosevelt et le maré­chal Staline se mirent d'accord en ce quiconcerne les mesures à adopter à l'égardde l'Allemagne et firent, parmi d'autres,la déclaration solennelle exprimant leurdessein inflexible de détruire le- milita­risme allemand et le nazisme et de s'as­surer que l'Allemagne ne soit plus jamaisen mesure de troubler la paix du monde ;leur décision de désarmer et de dissoudretoutes les forces armées allemandes,d'anéantir à jamais l'état-major allemandqui a toujours provoqué la résurrection dumilitarisme allemand. \La France, sans doute, n'était pas pré­

sente .à Yalta, mais le Gouvernement fran­çais a reconnu la validité des accords quiy furent signés.

M. Georges Bidault, président du con­seil. Mais non! Une partie seulement deces accords a été reconnue et non leurtotalité, car la France ne saurait admettreen bloc des accords qui ont été conclussans elle. (Applaudissements à gauche, aucentre et à droite.)

M. le général Petit. Je comprends bien,monsieur le président du conseil; néan­moins, il en est fait état très fréquem­ment comme de documents sur lesquelson s'appuie pour traiter les questions di­plomatiques internationales et M. le mi­nistre des affaires étrangères y a fait al­lusion tout récemment à l'Assemblée na­tionale.

M. Léon David. Même devant cette As­semblée.

M. Marrane. M. le président du conseila signé depuis un traité franco-soviétique.

M. le président du conseil. Je l'ai signéavant; vous vous trompez sur les dates,mon cher collègue.

M. le général Petit. Je dis donc, avec laréserve que vous exprimez, monsieur leprésident du conseil, que le Gouverne­ment français a reconnu, peut-être danscertains cas, la validité des accords quifurent signés à Yalta. C'est d'ailleurs dansle même esprit, vous le savez, monsieur

. le président du conseil, que par le traitéd'alliance et d'assistance mutuelle franco-soviétique du 10 décembre 1944, les gou­vernements français et soviétique s'affir­maient être « assurés de répondre par la'conclusion de l'alliance aux sentimentscomme aux intérêts des. deux peuples, auxbesoins de la paix et de la reconstructionéconomique », et s'engageaient à « pren­dre d'un commun accord toutes mesuresnécessaires pour éliminer toute nouvellemenace provenant de l'Allemagne et àfaire Obstacle à toute initiative de nature& rendre possible une nouvelle tentatived'agression ».

Ce traité fut, on le sait, lors de sa rati­fication par le Parlement français, l'objetdes déclarations les plus enthousiastes dela part de membres du Gouvernement etde nombreux parlementaires. Comme lesaccords de Yalta, il correspondait bien aux

• sentiments et aux intérêts du peuplefrançais.

Mais on doit bien constater à l'heure'actuelle que, contrairement aux termesdes accords de Yalta, on ne peut pas af­firmer que l'Allemagne occidentale, celleque nous occupons avec les Anglais et lesAméricains, ne sera plus jamais en me­sure de troubler la paix du monde, qu'ellesera définitivement désarmée et que notrejGouvernement s'efforce de rendre impos­sible toute nouvelle tentative d'agression.

; Cette situation est assurément causéepar la politique d'ensemble adoptée parles gouvernements français, anglais etaméricain, -

A ce sujet, M. Louis Vfarin, évoquant lechangement d'attitude des alliés anglaiset américains, déclarait récemment à l'As­semblée nationale que nous voyions se re­nouveler aujourd'hui « le problème de1919 où les Américains ont abandonné à lafois la Société des nations et les pactesde garantie ».

Or, l'Allemagne non dénaziflée conservede trop nombreux éléments pangerma­nistes et revanchards et il ne pouvait pasen être autrement. A plusieurs reprises,elle a pu croire à la victoire toute prochependant la guerre. Il n'est pas douteuxque, dans la zone occidentale, faisant étatde la politique de redressement rapideadoptée à son égard par les puissances oc­cupantes, il se trouve des dirigeants pourexploiter, parmi les anciens combattantset dans le peuple, le sentiment qu'ils mé­ritaient la victoire, que Hitler avait sansdoute raison et que, en tout cas, une re­vanche peut- devenir possible.

Sans doute s'abstiennent-ils de le pro­clamer trop fort, mais il est incontestableque nous assistons à une renaissance del'esprit militaire, plus ou moins discrète,de l'Allemagne occidentale en mêmetemps qu'à une résurrection politique etéconomique.

En fait, malgré les précautions que l'onpourra prendre, il est évident, comme ledisait encore Le Monde, que « le réarme­ment de l'Allemagne occidentale est con­tenu dans le Pacte atlantique comme legerme dans l'œuf ». Il serait, en effet, in­concevable, qu'en vue d'une guerre éven­tuelle contre l'Union soviétique, des diri­geants allemands, responsables de leurpays, ne réclament pas le droit de prendrepart aux opérations. Ne peuvent-ils pasdire, avec quelque raison, d'abord qu'ilssont parmi les premiers intéressés et, en­suite, qu'ils ont une incontestable expé­rience de la guerre contre l'Union sovié­tique ? Personne, de bonne foi, ne peutdouter, quelles que soient les formulesqui seront adoptées pour la reconstitutiondes forces armées allemandes que, tôt outard, l'Allemagne occidentale, avec ousans l'agrément des puissances occiden­tales, saura en faire, gr^e à ses industriesrestaurées, une armée inome.

Si le gouvernement des Etats-Unis mènele jeu politique à l'égard de l'Allemagneoccidentale, il existe aux Etats-Unismêmes — c'est quelque chose qui nouséchappe — un vaste courant d'opinionfavorable au réarmement allemand. Diffé­rents groupements s'y associent en me­nant dans ce sens une très vaste cam­pagne.

. Les thèmes de cette campagne, on lestrouve dans une déclaration adressée à lacommission des affaires étrangères du Sé­nat américain par la « Voters alliance forAmericans of Germany ancestry ». Cettedéclaration, faite à l'occasion du pacte del'Atlantique, a été publiée le 19 juin par laDeutsche Americanische Burger Zeitung.Elle vaut la peine d'être connue, et envoici les extraits principaux:

« Il y a l'Alsace et la Lorraine alle­mandes depuis le temps de César. LesFrançais en ont volé des parties penda.ntla guerre de trente ans... Le Rhin n'a étéfrontière entre la France et l'Allemagneque du jour où une agression française1 atteignit au Sud... Les Allemands n'ontjamais obtenu de réparations pour lesactes . de vandalisme commis par les

troupes de Turenne, lors de l'occupationdu Palatinat... Le pacte Atlantique est,comme l'entente cordiale, .un pacte deguerre, et comme nos futurs allies » — ils'agit de nous, probablement! — « sont la­mentablement faibles, manquent d'enthou­siasme et sont peu dignes de confiance,tout le poids de la 'guerre retomberait surnous.

« Avant la dernière guerre, l'Allemagneétait le bastion contre la Russie, contre lesAsiates; elle était le principal soutien dela politique anglaise d'équilibre des puis­sances. Il nous faut restaurer cet équi­libre en réarmant l'Allemagne. C'est leseul ^pays qui puisse faire un allié de va­leur et nous ne' l'avons jamais considérécomme une menace pour nous jusqu'à ceque l'Angleterre tournât contre lui sa-fu­reur... La* manière de nous faire un alliébienveillant de l'Allemagne est d'en finiravec tout- le bazar des restrictions et deprendre intérêt à sa reconstruction et nonà sa destruction. »

Je peux ajouter que la propagande pro-allemande* ne connaît plus de limite auxEtats-Unis. Je signale, en liaison aveccette lecture, que vers la fin de septembrede cette année, quarante-quatre sénateursont adressé à M. Dean Acheson une lettre .lui demandant d'arrêter les réparations.Le 13 octobre, renforcés de plusieursautres sénateurs, ils introduisirent au Sé­nat une résolution par laquelle Ils deman­daient la convocation d une conférenceentre les représentants des Etats-Unis, dela Grande-Bretagne et de la France pour..examiner le problème des réparations.Notons enfin qu'après la récente confé­

rence des- Trois, à Paris, le protocole si­gné par les hauts commissaires occiden­taux et le chancelier Adenauer consacrela rentrée de l'Allemagne de l'Ouest surla scène internationale et que dans lesclauses de ce protocole figure l'arrêt im­médiat des démantèlements de onzeusines allemandes d'essence et de caout­chouc synthétiques et de sept aciéries.Parmi ces aciéries figurent Thyssen, Kruppet Bochum. Par cette décision non seule­ment la France est spoliée économique­ment, mais il s'agit en fait d'une accepta­tion officielle du réarmement.

C'est, en effet, grâce aux aciéries et auxusines d'essence et de caoutchouc synthé­tiques que Hitler mit sur pied les nom­breuses divisions motorisées qu'il envoyaà la conquête du monde.

Il est bon, ici, d'ouvrir une parenthèseet de remarquer que le général anglaissir Bryan Robertson, haut commissairebritannique, a précisé dans une confé­rence de presse, le 25 novembre, que lesbuts de l accord étaient de consolider leprestige et l'autorité du Gouvernementde Bonn et de son chancelier. Il ajoutait:« C'est pourquoi nous avons procédé

à des discussions libres au lieu d'imposernotre volonté. »

Toute la question est là: libre discus­sion ou volonté imposée. Quelle est lalimite entre les deux i A l'heure actuelle,il n'est pas possible pour ceux qui n'ap­partiennent pas aux gouvernements despays du pacte de l'Atantique ou à leursétats-major de préciser les effectifs quipourraient être accordés au gouvernementfédéral du docteur Adenauer, ni l'étatd'avancement des travaux ayant pour butd'armer et d'équiper les forces arméesde l'Allemagne occidentale.S'il a été démenti que M. Adenauer ait

demandé l'armement de 25 divisions, leNew York Times du 15 novembre a révéléà l'occasion de la conférence des Trois

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2665

;que, dans les états-majors occidentaux, onla discuté d'une façon non officielle la pos­sibilité de lever une armée allemande nedépassant pas cinq divisions. .Cette information a d'ailleurs été cor­

roborée par le Frankfurter AllgemeineZeitung qui écrit, au sujet du réarmementallemand :

« L'état-major de Paris est depuis long­temps acquis à cette idée. » Que ce soitcinq divisions, plus ou moins, il y auratoujours un commencement.

On pourrait, en ce qui concerne le réar­mement, citer des usines allemandes quisont susceptibles d'élaborer, presque sansmodifications, des produits et matérielsutilisables pour la guerre. C'est parexemple l'I. G. Farben, qui produit des in­secticides, mais qui pourrait aussi bien,en partant des mêmes éléments, fourniren quantités illimitées des gaz nouveaux,tels que le tabun, le sarun et les « anti-nerfs », qui provoquent dos convulsionsou la mort.

Il n'est pas douteux non plus que lesusines qui peuvent produire du matérielde guerre ont été officiellement considé­rées comme éventuellement dangereuseset, en conséquence, soumises à uncontrôle. Mais, par exemple,.l'I. G. Farben;d'est contrôlée que par quatre Américains. .Dans la Ruhr, d'après un récent article

du Manchester Guardian, les groupes char­gés d'inspecter les usines n existent pra­tiquement pas. Il précisait que, sur 80 per-'sonnes du groupe ^économique britanni-'que, il y a 30 employés de bureau etqu'ainsi il'reste 50 personnes pour contrô­ler la.Ruhr qui compte 13 millions d'habi­tants et plusieurs milliers d'usines.

En ce qui concerne les recherches scien-'tiflques, le même journal affirme que le 1groupe chargé du contrôle pour la Ruhrne comprend que quatre personnes etfu'un seul homme de ce groupe est chargéde découvrir ce que l'on fait dans ledomaine de l'eau lourde, de la paraffinelourde et des moteurs à réaction.

■Il apparaît bien évident que ces contrô­les sont totalement illusoires. Il est d'ail­leurs non moins certain qu'aucun contrôlene sera jamais totalement efficace et queceux qui sont décidés à y échapper trou­veront toujours le moyen de le faire.

'C'est pourquoi, l'arrêté des démantèle-tlents correspond à une autorisation deréarmement :possible de l'Allemagne occi­dentale.

•Enfin' il faut aussi tenir compte de ceque, dans le monde, il existe des paysqui n'ont jamais manifesté d'hostilité aurégime hitlérien, qui ont accueilli denombreux nazis dont les activités restenthors de tout contrôle des Alliés.

Il y a déjà près d'un an, la revue Cons­tellation signalait qu'en Argentine et enEspagne, il existe des groupes importantsde nazis organisés et-qu'en particulier,en Argentine, dans la province de Men­doza, se trouvent des savants qui travail­lent à la question atomique. J'ai lu toutrécemment, il y a un mois ou un mois etdemi, que, dans la même province, il y anon seulement des laboratoires, mais uneusine de production atomique.

2n ce qui concerne'les effectifs, bien desinformations ont été données par lapresse. Je voudrais , cependant indiquerque d'après un récent numéro du NewStatesman and Nation, « le maréchal1 Mont­gomery est tellement obsédé par l'idéequ'il a besoin de quarante divisions queson esprit .se tourne naturellement vers'ce qui est . la plus grande réserve d'effec­tifs en .Europe n, c'est-à-dire l'Allemagne.

Cet- hebdomadaire ajoute :« Il a fallu que ce soit le maréchal

Wavel qui, de son lieu de retraite, nousrappelle que les Allemands sont un plus

■ grand danger pour l'Europe que les Rus­ses, dont la dernière offensive de paix àLake Success a été si maladroitement re­foulée par une contre propagande stérile. »Nous sommes donc fondés à penser que,

si rien ne change dans la politique duGouvernement français à l'égard de l'Al­lemagne occidentale, celle-ci disposerad'une armée qui débutera peut-être avecune apparence très modeste, mais quigrandira vite, parce qu'elle a des hommeset des cadres et que ses usines lui four­niront rapidement les matériels de toutessortes dont elle a besoin.

'Mais ce serait, à mon sens, une erreurde penser que cette armée allemande res­terait indéfiniment soumise à l'autorité

d'un chef étranger, pour une seule guerreantisoviétique; il n'est pas douteux qu'ellesaura se rendre autonome. Rien ne sau­rait l'en empêcher, car il paraît évidentqu'aucun gouvernement allié ne serajamais disposé à intervenir éventuelle­ment .par la force en Allemagne occiden­tale contre l'armée allemande reconsti­tuée.

C'est là un autre aspect du danger duréarmement allemand, au moins aussi re­doutable, pour nous Français, que le dan­ger .de guerre contre l'Union soviétique.C'est le danger qu'envisageaient Yalta etle traité franco-soviétique, afin d'y parer.

■C'est le danger que laisse renaître la poli­tique « atlantique » suivie par notre Gou­vernement.

Celui-ci -doit savoir que notre peuple,cruellement éprouvé par deux guerres, ter­riblement coûteuses, veut la paix, la paix

■ durable ; il veut une politique qui lui per­mette de travailler avec .-l'espoir d'une vieheureuse pour lui et les siens. II sait quec'est dans la paix assurée et par l'effort detous ses enfants, que la France pourra re­prendre sa place normale dans le monde.Il ne -veut pas réarmement allemandqui signifie la guerre.C'est pourquoi Ml veut une politique

autre que celle que suit le Gouvernementactuel intimement liée à la politique anglo-américaine. • Il veut une politique servantd'abord la paix et les intérêts de la France.(Applaudissements à l'extrême gauche.)

M. le président. La parole est à M. MariusMoutet. -

M. Marius Moutet. Mes chers collègues,vous pensez bien qu'à l'heure où noussommes, je ne remplirai pas le 'temps deparole qui m'a été réservé. L'inconvénientc'est qu'en arrivant tard, je suis obligede reprendre, pour fixer notre position,un certain nombre des problèmes et desquestions qui ont été-soulevées; l'avan­tage, c'est que je suis condamné à le fairetrès brièvement.

S'agissant de définir la politique du Gou­vernement à l'égard de l'Allemagne, jecrois que l'on peut dégager de tous les dis­cours qui ont été prononcés une opinionmoyenne et commune. Les uns, avec plusde sévérité pour le Gouvernement, lesautres avec plus de bienveillance, sont ar­rivés à dégager quelques points qui -meparaissent approuvés par la quasi totalitéde l'Assemblée.

fD'abord le fait que l'on -est bien obligé■ de ^reprendre avec l'Allemagne des rela­tions, que l'on ne peut pas le faire sansgarantie et que c'est vraisemblablementdans l'organisation européenne que cesrelations seront reprises.

Il y a tout de même un point que jem'étonne de ne pas avoir entendu aborderpar aucun des orateurs: c'est celui desavoir s'il y aura ur traité de paix avecl'Allemagne, parce que nous avons rai­sonné comme s'il n'y avait qu'une Alle­magne: l'Allemagne occidentale.La plus grande difficulté — j'oserai dire

le plus grand drame de l'histoire — c'estqu'il y en a deux: l'Allemagne occidentaleet l'Allemagne' orientale.

M. René-Emile Dubois. Tant mieux donc!

M. Marius Moutet. Alors, la premièrequestion à poser au Gouvernement seraitpeut être de lui demander: quels espoirsavez-vous si vous en avez — d'avoir unjour un traité de paix signé par l'ensembledes Alliés? Quels efforts avez-vous l'inten­tion de faire et de poursuivre, ou avez-vous définitivement renoncé?

J'ai lu, avec beaucoup d'attention, lesrelations si lucides que le général BedellSmith a publié sur les efforts que son paysavait faits pour éviter la rupture et "ladivision entre les deux zones.

J'ai bien le sentiment qu'il n'avait plusd'espoir. Il a d'ailleurs assorti ses mé­moires d'un certain nombre de citationsprouvant qu'il y avait là une politique dé­terminée qui correspondait aux habitudesde duplicité de cette politique orientaleque nous voyons se dérouler jusqu'ausein de' cette assemblée. Dès la libération,en effet c'était Staline qui proclamait lanécessité de l'unité allemande exploitantainsi le nationalisme, d'une nation qu'ilprétendait déjà défendre comme une na­tion opprimée.- Voyez quels défenseursS'armaient pour sa querelle. Ici, c'est nousqui réarmons l'ennemi héréditaire et quiallons provoquer la catastrophe. Vous avezvu avec l'abondance de compilations quevient d'apporter avec toute sa conscience,et j'en suis sûr avec toute sa bonne foi,le général Petit, comment on arrive à lafois à dresser une légende et à créer ou àtenter de créer une opinion. Malheureuse­ment pour la duplicité de cette politiqueorientale il se trouve jusque dans le pays,des propagandistes de cet ordre et de cetteclasse^ (Applaudissements à gauche.)Il n'est pas moins vrai que le problème

existe. . .

'M. -Marrane. Pour la duplicité, vous vousy entendez!

M. Marius Moutet. Mon cher collègue, jene sais pas si un jour ce n'est pas vousque l'on accusera, non pas seulement deduplicité, mais de complicité avec M. Laf­fargue, ce qui vous conduira au boutd'une corde de chanvre.

M. Georges Marrane. Ce n'est pas sûr!

■ M. Marius Moutet, En tout cas, pourl'instant, vous êtes pour nous une ga­rantie, c'est pourquoi nous tenons à vous,car vous avez des chances d'être, vous,condamné avant nous par vos amisactuels. (Sourires.)

M. Georges Marrane. Qu'est-ce que celaveut dire

M. Marius Moutet. Cela veut dire quevous serez pendu avant nous,!

M. Georges Marrane. Vous êtes un petitplaisantin !

' M. Marius 'Moutet. En tout cas, le pro­blème subsiste dans sa gravité. Il n'y apas de traité de paix. Nous ne savons pas

. s'il pourra jamais y en avoir, de telia

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ïaçon que nous sommes obligés de nousorganiser pour résoudre le problème alle­mand avec la situation telle qu'elle seprésente.

C'est une difficulté. Il est bien évidentque les appréhensions que nous pouvonsavoir du côté de l'Est ne doivent pas nousaveugler au point de nous empêcherd'examiner, avec sérénité et avec ce quenous savons de l'Allemagne, le problèmemême de l'Allemagne, nous gardons lespréoccupations qui sont indispensables aumoment où les relations sont reprises avecl'Allemagne, où des institutions politiquesViennent d'y renaître et où il est possiblequ'un jour ou l'autre, l'Allemagne, toutcomme l'a dit avec des regrets que jepartage un des orateurs précédents, soitinvitée à siéger à l'assemblée de Stras­bourg. \

Je pense que cette objectivité, que cettelucidité, nous devons la conserver, ne se­rait-ce que pour répondre aux propa­gandes de la nature de celle que j'ai mon­trée au début de mes explications. Jepense que le meilleur moyen d'y répon­dre c'est d'affirmer qu'il ne s'agit en au­cun cas de réarmer l'Allemagne, ni da­vantage de l'associer à des syndicats d'in­térêts privés, ni encore moins de lalaisser coloniser par des capitalistes étran­gers. Et si on doit l'intégrer dans uneEurope, c'est dans une Europe organisée,forte et libre.

Mais voilà la seconde difficulté. Si tout

le monde a dit: « L'Europe organisée estune espérance », chacun a reconnu quel'Europe n'existait pas,' et- dans uneEurope qui se trouve dans cette situationd'être un mouvement politique en for­mation, mal assuré de ses destinées, deses principes, de son unité, de son auto­rité, quel rôle peut jouer l'Allemagnemême occidentale 1

Y viendra-t-elle en protestant contrel'occupation militaire ? Quelques-uns denos collègues ont dit que certaines partiesde l'Allemagne s'en accommodaient assezvolontiers, mais nous sommes tout demême obligés de constater que, de cer­tains côtés, cette occupation fait l'objet deprotestations. Viendrait-elle au sein del'assemblée européenne ? Cela nous per­mettrait, peut-être, de montrer ce qu'ellepeut représenter aujourd'hui par rapportà ce qu'était l'occupation des armées alle­mandes dans les autres pays de l'Europeet dans la France fin particulier.

Mais cela, et c'est ce qui est inquiétantpour nous, beaucoup d'Allemands, mêmede l'Allemagne occidentale, paraissentl'avoir oublié. La place que l'Allemagnedoit prendre au . sein d'une assembléeeuropéenne doit être évidemment, dansune assemblée organisée et forte, sur lepied d'égalité, mais en se soumettant auxobligations résultant des traités et parconséquent au contrôle et aux réparationsqui en découlent. Ce contrôle, à mon sens,sera bien mieux organisé dans une assem­blée de ce genre que dans les conditionsoù il peut s'exerce 1" aujourd'hui.

Tout à l'heure, M. le ministre des affai­res étrangères nous a parlé de la commis­sion militaire de sécurité; il reconnaît lavaleur des hommes qui la composent, ilpense qu'elle exercera avec le plus grandzèle la mission qui lui est confiée. MaisM. le pfésident du conseil faisait partiecomme moi, ainsi que M. Pernot, de laChambre des députés. Vers 1924 ou 1925,je crois appelés par le président du con­seil. Nous avons vu un général venir, aufiom du maréchal Foch, nous garantir que4'Allemagne était désarmée et désarmée

totalement. Il y a eu là une de ces. illu­sions dont vous avez parlé tout à l'heureégalement...

M. le ministre. Seulement, l'Allemagned'alors n'était pas occupée !

M. Marius Moutet. Ne nous reposons pastrop sur ces comités de sécurité militaire ;tenons-nous en à ce que nous avons déjàobtenu et tâchons de pousser les idéesque nous avons fait triompher en grandepartie jusqu'à leur extrême limite. Nousavons, nous autres, socialistes, défendul'internationalisation de la Ruhr, maisdans son intégralité, non pas seulementpour le contrôle de la distribution et parconséquent de la production. Nous au­rions voulu voir résolu le problème de lapropriété parce que nous pouvons redou­ter ces ententes internationales entre cer­

tains capitalistes étrangers ou alliés pourmettre la main sur l'exploitation en liai­son avec les anciens propriétaires.

M. le ministre des affaires étrangèresnous a assurés que la politique de décar­tellisation était poursuivie avec vigilanceet énergie. Je ne demande qu'à lui faireconfiance. Néanmoins, je vous dirai quesur. ces points, comme sur l'action ducomité de sécurité, je partage assez lesappréhensions qui ont été présentées à latribune par M. Debré, et je crains qu'enface de nos alliés — ce qui est une diffi­culté de plus — vous n'ayez quelque dif­ficulté à faire triompher une thèse quiparait aujourd'hui nous être commune, àsavoir que, dans aucun cas, la propriétédes mines de la Ruhr ne peut retourneraux anciens propriétaires et peut-êtremême pas à l'Allemagne et que nous ironsjusqu'à une internationalisation totale.Nous ne cachons pas, pour notre part, quece n'est en somme qu'une étape dans lesvoies de la paix éar, si l'Allemagne formu­lait une demande reconventionnelle endisant: « Mais pourquoi, puisque vousvoulez garantir la paix, ne cherchez-vouspas à contrôler l'ensemble des industrieslourdes qui produisent pour la guerre ? »nous serions de ceux qui répondraient:« Mais ce contrôle peut être général etinternational; il ne peut nous gêner enaucune façon » et ce serait là la vraie pro­position de paix à faire. Si elle pouvaitpasser de l'autre côté du rideau de fer,alors les propositions spectaculaires pourla paix recevraient une certaine sanction,avec cette liberté de contrôle sans la­quelle il ne peut y avoir une véritabletentative- même de désarmement ou deprohibition des armements.Nous en sommes bien convaincus. C'est

pourquoi nous nous attachons tout parti­culièrement à ce contrôle international

dont vous nous avez dit qu'après les deuxannées où fonctionnent, d'un côté, lecontrôle de la sidérurgie, de l'autre, lecontrôle des mines, il y aura lieu de l'ins­tituer.

Nous en prenons acte, comme déjà nousavons pris acte de certaines promesses enconstatant avec plaisir qu'elles ont étéau moins partiellement tenues. Je dis« partiellement », non comme une cri­tique, mais parce que nous savons lesdifficultés auxquelles vous vous êtesheurté avec nos alliés.

En effet, comme l'ont souligné tous lesorateurs, le problème allemand ne peuttrouver qu'une solution internationale,dans le mouvement européen. Lorsquenotre collègue, M. Kalb, tout à l'heure,disait que c'est un problème uniquementfrançais, il exprimait mal, ce me semble;sa propre pensée. 11 voulait dire sans douteyue la France devait rester forte et vigi­

lante; mais il est bien évident que lasolution du problème tient aux conditionsdans lesquelles la France sera soutenuepar ses alliés et que, par conséquent, c'estbien un problème international.Dans cette Europe, i ous savons bien

qu'il y a une autorité politique véritable,et le Conseil comme l'Assemblée consulta­tive ne peuvent pas grand chose.

. J'aurais peut-être poursuivi un dévelop­pement identique à celui de M. Pernotpour expliquer la faiblesse- de leur action.Les explications qu'il a fournies sur les

.conditions de fonctionnement du Conseilde l'Europe m'épargnent ce développe-,ment.

Il est bien évident' que le Conseil del'Europe, aujourd'hui, a été muni de tantd'amortisseurs et de freins que le moteurn'a plus guère d'action sur la machine etqu'à l'heure présente c'est un surparle-mentarisme avec ~ toute la lourdeur desmécanismes parlementaires.

. Arriverons-nous à des décisions s'il n'ya pas assez rapidement une autorité' exé­cutive pour qu'aboutissent les vœux que,jusqu'à présent, - l'assemblée consultativeest « autorisée » à émettre? Si cette auto»

rite exécutive n'existe pas, j'ai bien peurque nous- n'obtenions aucune espèce derésultat. _ .Bien sûr, cette v.Utorité exécutive serait

un pouvoir politique, et un pouvoir poli­tique de caractère fédéral ne peut, nous lesavons bien, reposer que sur une organi­sation économique.

C'est M. Maroger qui rappelait Très juste­ment comment le fédéralisme allemand

était né et le rôle qu'y avait joué précisé­ment Je charbon détenu par la Prusse, eten même temps, il faut bien le dire, leZollverein.

Croire qu'il en serait autrement pour lespays de l'Europe serait une illusion abso­lue; mais nous allons plus loin, nouscroyons que ne n'est pas seulement pardes accords économiques que l'Europe sefera, mais aussi comme l'a dit très juste­ment l'assemblée de Strasbourg, par despréoccupations d'ordre social et humani­taire, par l'entraide et la coopération detoutes les nations qui y participent et parle relèvement de la condition sociale detous les membres de chacune de ces na­tions.

En effet, quand nous nous trouvons enface de l'Allemagne, nous voyons les inté­rêts se dresser quand on parle d'ententeavec l'Allemagne et même d'union doua­nière avec l'Italie.

Alors se soulèvent tous les intérêts par­ticuliers qui disent : « A aucun prix, et enaucune façon, je ne veux faire les fraisde cette opération », sans se rendrecompte que, peut-être, si personne ne veutfaire les frais d'une pareille opération,l'Europe ira nécessairement à la faillite etque, par conséquent, il faut qu'il- y aittout de même un accord entre les diversintérêts.

Qu'on ne se précipite pas dans le vide,c'est entendu, mais il faut admettre toutde même qu'il y aura des sacrifices àfaire par les uns et pour les autres; sinonil n'y aura pas d'Europe. Les ententesdont on parle,. en particulier l'ententeavec l'Allemagne, se heurtent à la rivalitéexistant dans notre pays entre l'industrieet l'agriculture. Nous risquons de voiréchapper le marché agricole allemand, quiest important pour nous, parce que l'in­dustrie redoute que la compensation denos exportations soit dans des importa­tions le produits fabriqués»

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CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE — SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1949 23S7

Bien entendu, il peut y avoir des com­pensations de cet ordre, mais, si l'on veutune entente, alors on est bien obligé0e faire quelques-uns de ces sacrifices.jC'est pourquoi je pense qu'il y a là despossibilités d'entente, mais, encore unefois, comme beaucoup de. nos collèguesl'ont exprimé ici, il faut que la situationjarrive à être égale et qu'il n'y ait pascette sorte' de dumping que l'Allemagne aquelquefois systématiquement pratiqué etOui résulterait maintenant des circons­tances politiques et économiques: poli­tique, comme beaucoup l'ont dit, par lenon-réarmement, alors que d'autres sup­portent la charge des réarmements, etéconomiques, par le fait que l'Allemagnene payerait plus de réparations jusqu'àce que sa balance des comptes soit équi­librée.Quelques difficultés ont surgi en ce qui

concerne les réparations sur la productioncourante. J'ai entendu tout à l'heure M. leprésident du conseil réitérer la réponsequ'il avait faite à l'Assemblée nationaleà notre collègue M. Lapie, et je pense quec'est à cela qu'il faisait allusion lorsqu'ildisait: « Je déclare d'une façon absolu­ment nette et formelle, contrairement à ce,qui a été affirmé à plusieurs reprises dansce débat, qu'à aucun moment, ni le Gou­vernement actuel, ni les gouvernementsantérieurs n'ont rien abandonné au pointde vue des droits, ni du point de vue destextes concernant les réparations. »Quels sont ces textes ? A un moment

Idonné, je crois, répondant à M. de Cham­brun, vous disiez: « Je crains que ce nesoient plus les accords de Yalta. » Je nepense pas qu'à cet égard votre réponse àM. de Chambrun soit pertinente. Vousvous êtes référé aux accords de Potsdam;j'ai vu votre raisonnement, il ne m'a pasébranlé et je crois qu'à ce point de vueles accords de Yalta subsistent. Vous avezeu raison de dire: « Nous n'avons rien

abandonné éventuellement en ce qui con­cerne la possibilité d'obtenir des répara­tions sur la production courante. » Vousavez ajouté ici cette précision : JJ, Nos alliésont demandé que ce soit lorsque la ba­lance des comptes de l'Allemagne sera enéquilibre. »

M. le ministre. Cela a été décidé à Pots­dam par les trois alliés sans la France.

' M. Michel Debré. Par les trois alliés 1

M. Marius Moutet. Cela nous place enface d'incertitudes car, plus le tempss'écoule, moins il sera facile de réclamerîles réparations, de quelque nature qu'ellessoient, et les chances s'amenuisent à me­sure que le temps passe.

Par conséquent, de ce point de vue,nous considérons tout de même que desréparations de cette nature seraient lajuste compensation du fait que l'Alle­magne ne réarmerait pas, mais que pèse­rait sur elle cette charge qui pourrait ve­nir en aide, non seulement à la France,mais même à l'organisation européenne.

On a parlé des autres éléments qui favo­riseraient l'Allemagne: un prix discrimi­natoire du charbon, la condition des ou­vriers, les charges sociales — c'est l'unedes questions posées tout à l'heure parM. Brizard. Cela revient aux motions vo­

tées par l'assemblée de Strasbourg et celarevient à dire que l'Europe sera socialeet planifiée ou ne sera pas.• Planifiée, cela veut dire qu'on dresserale programme des besoins essentiels quiseront à satisfaire par la production del'ensemble des nations, et que les nations

les plus favorisées viendront en aide àcelles qui le sont moins, sans quoi il n'yaura pas de reconstruction de l'Europe.Cela me paraît plus logique que le pro­gramme de restrictions ou de destructionsimpose à tel ou tel pays.Qu'y à-t-il de plus antiéconomique que

des destructions, à moins qu'elles- ne por­tent sur des usines spécialisées dans lesfabrications de guerre? Croyez-vous que,pendant longtemps encore, la productionsoit suffisante pour satisfaire à la recons­truction de l'Europe, et n'y aurait-il paslieu, au contraire, dans une Europe orga­nisée suivant un plan à dresser, de redis­tribuer les produits qui, de longtemps,ne seront pas surabondants ?

Mais si, dans chaque nation, vous avezà répartir les excédents de production desautres nations, vous avez aussi à vouspréoccuper de la situation de chacun desproducteurs, et c'est là que les préoccupa­tions sociales de l'assemblée de Strasbourgme paraissent justes et me permettent dedire : l'Europe sera sociale ou elle nesera pas.

Si elle ne repose pas sur cette base con­sistant à donner aux masses l'espérancede voir s'améliorer leur situation, quelidéal opposerez-vous à ceux qui viennentvous dire : vous construisez l'Europe pourla remettre entre les mains de quelquescapitalistes internationaux qui, unis auxAllemands, feront à nouveau peser sur lemonde cette domination d'un régime declasse, d'une minorité d'exploiteurs.

Voilà en somme la question que pose ac­tuellement l'insertion de l'Allemagne dansl'organisation de l'Europe, et peut-être,dans les négociations qui sont en coure,trouverait-ôn, parmi les Allemands qui ontprononcé certains discours que nous re­grettons pour leur caractère nationalisteexcessif, un appui pour soutenir les thèsessociales que nous défendons ici.

C'est, à mon sens, dans cette directionque peut-être nous pourrons collaboreravec l'Allemagne dans cette Europe orga­nisée. Nous autres, socialistes, nous som­mes opposés à tout réarmement, et c'estle point sur lequel nous nous sommestrouvés d'accord avec les opposants augouvernement de Bonn. Ils ont déclaréqu'eux aussi étaient nettement opposés auréarmement. En mettant en œuvre ce pro­gramme de relèvement économique et derelèvement social européen de la conditionhumaine, je vois la base d'une collabora­tion qui permettra d'éprouver le carac­tère vraiment libéral et démocratique dece qu'on peut appeler la « nouvelle Alle­magne ».

Je l'espère, je le souhaite, ce sont lesdirectives d'une politique qui ne doiventpas faire disparaître notre vigilance, maisqui nous permettent de reprendre ces re­lations sans lesquelles la paix ne rede­viendra pas dans le monde.

Je sais qu'il reste beaucoup d'autres dif­ficultés que j'ai signalées_au début de cesexplications, mais, sans oublier rien desdrames qui se sont passés, ni du passérécent, ni du passé lointain, ni de la for­mation de la mentalité allemande, il yaura tout de même un commencement de

reprise des relations permettant d'espérerpour l'Europe de vivre en paix, au moinspendant un temp assez long pour .êtreappréciable. (Applaudissements à gauche.)

M. le président. La parole est à M. West­phal.

M. Westphal. Monsieur le ministre, meschers collègues, lorsqu'en juillet notre

collègue M. Michel Debré présenta son rap­port sur le conseil de l' Europe, il avaitémis le vœu qu'entre le vote de deux im­pôts puisse avoir lieu un jour un débatsur l'Allemagne.

Ce vœu est enfin exaucé -et nous appro­chons de la fin de ce débat. Parlant enonzième position, je ne peux pas avoir laprétention de vous servir de l'inédit. N

M. le ministre des affaires étrangères afait récemment un certain nombre de dé­clarations sur la politique que le Gouver­nement de la France a l'intention de prati­quer vis-à-vis de l'Allemagne.

Le point de vue officiel de mon groupevous a été exposé par notre éminent col­lègue M. Kalb. Nous avons la satisfactionde constater que, sous bien des rapports,dans les grandes lignes au moins, la poli­tique du Gouvernement se rapproche sen­siblement des principes défendus par leparti de l'opposition.

En ce qui me concerne, je voudrais vousfaire part, monsieur de ministre, de quel­ques réflexions d'ordre économique quim'ont été suggérées par des hommes demon département ayant une profonde con­naissance et l'expérience des relationsfranco-allemandes, et ajouter en mêmetemps quelques observations d'ordre poli­tique pour vous mettre au courant de ceque ipense la majeure partie de la popula­tion de mon département, vous faire part •de ses critiques et de ses appréhensions.Vous savez, monsieur le ministre, que

de tout temps des échanges commerciauxétaient pratiqués, sauf du temps d'Hitler,entre tous les départements de l'Est et lespays limitrophes allemands de l'autrecôté de la frontière, c'est-à-dire le pays deBade, le Palatinat, la Sarre. Interrompusdepuis plusieurs années, ils ont repris de­puis la libération à la satisfaction géné­rale.

Or, les entretiens commencés la semaine **dernière à Paris ont inspiré une certaineinquiétude. 11 apparaît, en effet, que ladélégation allemande, conduite, si mes ren­seignements sont exacts, par un certain ■von Malzaîm, centralise à outrance et s'op­pose à tout projet qui mettrait en contactdirect les économies des laender de lazone française avec la France directement.

Ces entretiens, commencés entre les ex­perts de la France, de l'Italie et du Bene­lux, ont fait l'objet des commentaires sui-,vants du journal hollandais Maasbode:

'« Il est curieux, dit ce journal, que laFrance prenne l'initiative d'une ententerégionale. Sans doute veut-elle se fairebien voir des Américains et remporter unsuccès politique. La France, en effet, cons­titue, en Europe, un sérieux obstacle à lalibération du commerce. Depuis des géné­rations, elle suit une politique protection­niste aussi bien dans le domaine industriel

qu'agricole. En outre, le protectionnismefrançais se manifeste, non seulement pardes contingentements, mais aussi par desdroits d'importation Jrès élevés. La Francedoit, la première, accepter les conséquen­ces de son initiative. Il faut éviter quetoute cette affaire ne soit qu'une manifes­tation de propagande. »

De même la Neue Zurcher Zeitung, abusla plume de son correspondant français,M. S. Wolff, commente ainsi un discoursde M. Georges Villiers, président du conseilnational du patronat français:

« Nous avons affaire, dit ce journal, àune tentative d'user des contingentementsà l'importation pour servir un protection­nisme étroit et à courte.vue. Il était iné­vitable que, protégées par le contingente­

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2668 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1919

ment des importations, des positions éco­nomiques aient été établies qui n'eussentjamais pu voir le jour dans une économiebasée sur la concurrence internationale.

« Il est tout aussi inévitable que ces dis­positions trouvent des défenseurs inté­ressés au moment où le Gouvernementcherche à éliminer les obstacles quantita­tifs opposés au commerce, par .l'accroisse­ment de la productivité de l'ensemble del'économie européenne.

« 11 s'agit d'éviter maintenant que les dé­fenseurs d'une mauvaise cause n'entraî­nent toute l'économie européenne à saperte en lui barrant la seule route quimène au relèvement. »

Je n'ai voulu citer ces deux, extraits dejournaux étrangers que pour vous démon­trer combien la libéralisation des échangesest suivie de pies par les observateursétrangers.

Or, au moment où l'échange libre avecl'Allemagne tend à devenir une réalité,j'estime qu'il est de mon devoir d'attirervotre attention sur les faits suivants:

Les négociateurs du traité de Versaillesdu 28 juin 1919 avaient introduit dans lapartie X traitant des clauses économiques— section I, relations commerciales — l'ar­ticle 268 qui prescrivait que pendant unepériode de cinq années de la mise envigueur du traité, les produits naturels oufabriqués, originaires et en provenance desterritoires alsaciens et lorrains réunis àla France seraient reçus à leur entrée surle territoire douanier allemand en fran­chise de tous droits de douane. Le Gou­vernement fixait, chaque année, par dé­cret notifié au gouvernement allemand, lanature et la quotité des produits devantbénéficier de cette franchise et dont lesquantités ne pouvaient dé p a sser lamoyenne annuelle des quantités envoyéesen. Allemagne au cours des années 1911à 1913.

En outre, le gouvernement allemands'engageait, pendant la même période decinq ans, à laisser librement sortir d'Alle­magne et à laisser réimporter en Allema­gne en franchise de tous droits.de douaneet autres charges y compris 'les impôtsintérieurs, les fils, tissus et autres ma­tières ou produits textiles de toute natureet à tous états, venus d'Allemagne dansles territoires alsaciens ou lorrains pour ysubir des opérations de finissage quelcon­ques, telles que: blanchiment, teinture,impression, ' mercerisage, gazage, retor­dage ou apprêt.

Certes, les conditions économiques enLorraine et en Alsace postérieures à lalibération de 1944-1945 n'étaient pas exac­tement comparables à celles résultant, en1919, d'une annexion à l'Empire allemandde 47 années, mais en fait une nouvelleannexion de plus de quatre années nes'était pas moins appesantie sur nos dépar­tements mosellans et rhénans après lesévénements de juin 1940, et toute l'écono­mie locale avait été de nouveau boulever­sée par le régime nazi et dans des condi­tions beaucoup plus radicales et totali­taires que sous la domination impérialeallemande.

Deux ans s'étant déjà presque écoulés,à jà fin de 1946 depuis la victoire alliéesans que puisse être entrevue la possibi­lité d'un traité de paix valable, avec uneAllemagne heureusement dissociée et sansgouvernement responsable, les départe­ments frontaliers français ne pouvaientplus être privés plus longtemps de facilitésd'échanges indispensables la sauvegardede leur propre économie. Il ne fallait pas

qu'aux sévices déjà endurés pendant l'an­nexion ennemie de 1940-1945 et aux sacri­fices les plus lourds d'entre toutes lesprovinces françaises, tant en hommes dé­portés ou incorporés de force qu'au ma­tériel industriel ou agricole détruit ou spo*lié, vienne s'ajouter l'impossibilité de re­constituer un potentiel indispensable detravail et de redressement économique.

C'est en fonction de ces diverses considé­rations et devant ces pressantes exigencesainsi sommairement esquissées, qu'est néel'idée d'assouplir, pour certains échangeslimités, les règles par trop rigides de laprocédure de l'O.F.I.C.O.M.E.X., en faveurde la Lorraine et de l'Alsace recouvrées,et d'étendre ces facilités au territoire deBelfort, Hwi-même très éprouvé pendantl'immobilisation momentanée de la lignede feu en 1944.

Ce territoire, partie intégrante de l'Al­sace avant 1871, et demeuré français aprèsle -traité de Francfort, méritait à touségards d'être inclus dans le bénéfice detelles mesures, en leur enlevant ainsi parsurcroît le caractère insouhaitable d'un ré­gime particulier appliqué au seul Reicli-sland ayant formé l'ancienne entité Alsace-Lorraine.

La sagesse et l'utilité de ces conceptionsne permettaient cependant pas d'instaurerun régime d'exception par rapport aux con­ventions interalliées, et la solution du pro­blème ne pouvait être trouvée que dansl'autorisation d'échanges privés contrôléset limités, permettant de satisfaire, aussibien du côté français les légitimes désirsdes habitants des quatre départements dela Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin etdu territoire de Belfort, que de pourvoiraux besoins de la zone au bénéfice despopulations allemandes et sans qu'il enrésulte, en aucun cas, une perte de sub­stance préjudiciable à l'équilibre financierde la zone française d'occupation.

C'est cette recherche de la meilleurevoie qui a conduit, à l'époque, les minis­tres de l'économie nationale, quelle quesoit leur appartenance politique, et enplein accord avec le commandement supé­rieur français de notre zone d'occupation,ii créer un système de compensation qui,sous l'ancienne terminologie de « clea­ring » zone Alsace, règle le commercefrontalier entre les départements rhé-nans-français, Sarre incluse, depuis avrildernier et les provinces de l'Allemagnerhénane.

Ce « clearing » limite les échanges auxdisponibilités existant de part et d'autrede la frontière et, par la? variabilité descoefficients du taux de change axés sur lesprix ^intérieurs français et allemands qu'ilapplique, maintient un équilibre automa­tique et constant de la balance des comp­tes, sans jamais rien coûter au Trésorfrançais, ni provoquer la moindre atteinteà notre balance commerciale.

Des produits bon marché allemands peu­vent donc sans danger être importés enFrance et des produits français trouverpreneur en Allemagne.L'organisme en cause est une société à

responsabilité limitée avec siège à Stras­bourg, appelée office de compensationdes chambres de commerce et d'industrie

du Rhin et de la Moselle (O. C. C. C.) quigroupe les chambres de commerce deStrasbourg, Metz, Colmar, Mulhouse etBelfort et il est placé sous la tutelle et lecontrôle, sans participation ni garantiede l'État, mais en raison même du privi*lège consenti, d'un commissaire du gou­vernement relevant de la direction des

relations extérieures du ministère desfinances et des affaires économiques, quiveille à ce que les opérations s'effectuentconformément aux directives des pouvoirspublics, et qui, par délégation du minis­tre des finances et des affaires économi­ques, signe les licences d'importation etd'exportation, et fixe les taux de conver­sion marks-francs, comme je l'ai indiquéprécédemment, d'après le rapport réel desprix intérieurs français et des prix intétrieurs et les prix français et des prix inté­rieurs allemands, ceux-ci étant arrêtés paJles Preisbildungsstellen.Du côté allemand, une G. M. B. II. simi­

laire, la Kompensationstelle der Handels-kamtneen, à- Fribourg, sous contrôle duministère badois de l'économie et du tra­vail, centralise toutes les opérations desdifférents lânder de la zone française d'Al­lemagne: Bade, Wurtemberg, État rlïéno-palatin, Palatinat.

Les échanges effectués par la procédureO. C. €. C. depuis les premiers mois d$

,1947 ont rendu des services immenses à)l'économie locale, en équipements indus­triels, pièces de rechange, travail à fa­çon, etc., l'importation de céréales de se­mences, de produits chimiques ou de ma­tières premières, qu'aucun crédit en dol­lars ne nous permettrait de nous procurer,tandis qu'il nous assure l'exportation deproduits agricoles ou industriels excéden­taires, de vins d'Alsace, d'alcool de con­sommation, de vins vinés, etc. Ces échan­ges ont été réglementés par un protocolasigné le 29 septembre 1948, à Fribourg,après trois mois de négociations conduitesdu côté français par le commissaire dugouvernement, qui a ainsi recueilli la pre­mière signature allemande librementconsentie depuis l'occupation. Il a- étënaussitôt ratifié par le gouvernement mili­taire de la zone française.Les autorités allemandes des lânder Y

sont très attachées parce que les relations0.C.C.C.-K.D.H. marquent la première re­prise officielle des rapports directs del'économie franco-allemande et que, trai­tées sur un pied d'égalité absolue, elles yont trouvé autant d'avantages qu'il en étaitréservé aux Français.

Par la suite, ce protocole, avec l'appuidiligent du Gouvernement français, a reçula ratification officielle, le 27 mai 1949, desautorités alliées de Francfort, et conformé­ment aux instructions données le 25 juil­let 1919, la procédure 0. C. C. C.-K. d. H.s'adapte exactement aux formalités de laprocédure J. E. I. A., mais sans aucunecomptabilisation en dollars.

11 est donc devenu une pièce maîtressedans l'embryon des rapports directs franco-allemands et après la disparition de l'OFI-COMEX, après l'elïacement progressif de laJ. E. I. A.. l'O. C. C. C. du côté françaiscomme la K. d. H. du côté allemand, de­meurent les seuls organismes en présenceet en pleine activité qui règlent quotidien­nement de multiples transactions d'échan­ge entra les départements frontaliers, Sarrecomprise, et les lander de la zone fron­tière.

Parfaitement rodé et adapté à sa tâche,l'O. C. C. C. a le mérite de n'avoir jamaistravaillé sur contingents, mais uniquementsur des besoins réels exprimés de part etd'autre de la frontière, d'avoir vraimentjoué ainsi un rôle expérimental de pré­curseur, tant en regard de la tendanceactuelle des accords commerciaux que desdécisions d'ordre économique du co iseiïéconomique de l'Europe.

La constante progression du chiffre d e<]transactions traitées sans la moindre dif

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UJlOO F; en· i918, 191 millions de francs; il 31) oejitembre 1949, 1.211 millions de

Jfal}c~,' soit déjà , au total, en lllf!ins de J,rois am•. une somme de 2.180 millions de Jrauc:5. La situation flnnncièrc de l'O. C. c, c. est hors de !lair él peut servir ù'cxem­'ple ·à JJicri ·des entreprises puh!iques ou &Jri\·i·cs. Il a la gc>lion du compte lranr.s t'églant- les eXJlOrtatcurs fJ'lln,;:li~ a\'cc le pruduîl des rct·clles d'imporl:lliOIÎ$, tandis tqu•;, l'in\'crsc les Aliemands. gùrcnt ie comn!c marks (twmnaic de rlf!:u·în~ im· I'03éo ·par Jo· G. }f. Z. F. O.), réHlnnt les I!Xportatcurs àllemand~ a\'ec le 11roduil des te<·ette3 de lcllfs importations.

nes échnngcs fJttOtiùiens con~lants d'a\'is jlc ··•·édit ct de payement permettent de régil.'r tous les clients snnli lransrc.-t ni toJII'~rlilJ!Jilé des mQnnllos.

r.c chiflrc lmporlant dçs tran;aclions qui pnl élé alu;l cftcctuôcs par l'olllcc de com­~cn~alion des r.hamhrcs de commcr·cc rst :Mi<• assez élevé ct roncerne de' opi:rnlions ~ui u'nnt pu se rl•:tliscr nntériPurP.numt par . ~ Ol'ICOliEX ct par le jeu de l'accord com· mc1l'ial Frnnec-AIIcmagnc de J'ouest pour ;oo raisons· cxpooécs cl-dessus.

De vasles groupements sc sont créés pour tég!cr les mpports économhtuos II'Onco· allemands, ou JIOIIr promoumh· l'Idée cu­rOJil'cnnc des thi•nlcs sou\·cnl répétés dé· llclgncnt 'Jo. mis::iou 6eonomiquc de Stras­ltnur·~, son rôle de P.!nquc 1ournanle de J'Euro11c oecldenlalc, ile cafl'clour, .de ville :dc!i roules. de capitale fran•:aise sur .. Je

. Rhiu, etc ... nulis sur le plan des réalisa· lions prullqucs, l'O. C. C. C. c;t tc seul 'or· gani..;me qui nit conul:lisê d:m~ le silenee, ~le ta•·on cfleclivc, par le plus patient, irructuéux ct méritoire labeur, les plus aouaillcs ldéologioo.

Au moment o(l une polllhjuc de libémll· satiun des échanges s~mhlc vouloir s'lns- · talll'cr •lans le C<Hirc de l'O. Il. C. H. cl par le truchement d'ententes régiouales1 on peut espérer qu'une ccrlaluc lrhcrlc de 1ransacllons pnr le canal do I'O.G.C.C. el dan< les limites d'une valeur délcrmlni:c, pcrmcttralt de mciurcr les lncouvénlcr,ts ct le< avantages é\'cnlucls <lUC l•r~scntc­plcnt do tolles opérations.

Il est certain que notre économie en gé· n6ral ot nos relations économhrucs tavec l'.~llomagnc en partlculior.devro••l C!lrc mo­dill(";c$ <fans le ~ens des dircd:vrs ltropo· sées par Ir!. Jlo!fmann, odmlnlslralcur du plan ·)fnrshall. C'est une ·néccs:;il('. M l'on veut laire des oflorls conscicuclcux pour réaliser l'unité européenne indiscutable· meut souhaitable.

Sur un plan plus réduit! jo tiens à alllrer l'attention do M. lo min stro des aflalrcs · \llrangères sur la situatloo économique non ilculcmcnt do Ja ville .et du port do Slras­boJJrg, gui .fut, avant la .guerre, le guatrlà­me ,pori tronçais, mals de toul le •Jéparto· mculJ. encore quo c'est à .Strasbourg quo les cncts se font Jo plus durement sentir.

Cette situation ressemble sous bien des rajlpo't·ls à co llo do 1938; des ln·ulls f!c guerre circulent, on plrle bcaucou11 même 'd'établir une .frontlllro à défendre en cas d'a~rcsslon, soit sur le libin, soit sur l'EllJo, ot nous aurons l~occasion d'en re· parlrr. .

l/hypolhllso de la fronllèrc sur Je Rhin 11 fnlt fuir les capllnux ot lout récem­ment un de mes amis, directeur d'usine llo Strasbourg, voulanl conlraclcr un cm­I!I'Ufll, et obtenir des crédits l!Our la cons·

tru clion d'une ·nouvelle lBiile, -s··est vn re- ser exactement la posi-UOn du· Gon'ferne!' · ruser ·tous "les crëdifs, alors .(flle -ceux·ci ment à· re· 8Ujot. Monsieur "le minjstre, lui auraient été ra~idemen~ :accord~s s'il vous.êiM I.OITain, ce n'est donc lJRS une a\'ail voulu conslrmrc so·n usine à 1\.J'leS-, réponse de ~ormand que jo vous demande, par cl\cmple. · ce n"esl pus non-plus uuo déclaraliou ~~l.eC·

laculnirc pouvnnl 6lrc tor)lilil>c ·dem:)in .o.u l.cs capll:iux privés ne s'i_nvestisscnt pas apYès·drmain par .des flos de nor.P-recevmr

\'oloritic•·s le long de lo frontrère fran- , · ça ise du Rhin. ·n en lut ainsi déjà a\'ant · .con~m•qucs. · 1!}33. Cet état d'cspl'it rut lll'éllOndér;:tnl ·de Je \'OUS demande; monsieur le -rninisll"e, 19:Ja :\ 1939. Apri·s !a victoire du 8 mal une ·t·éponse précise ct pfisilivc. Celle ré· 1915, i! tut pos•ihlc d'c>fércr que la tron- ponsc, ou l'attend detmis longtcinps à tièrc du fihin ne serai plus considérée Sh·asbnm·g ct si elle était dnnnéc 1lnns un cnmmo spécialement menacée." mai:: pour· sens JlOsllif, elle apaiscraH ccl'lniuernenl tant les <::Ipitaux.privés redoutent de s'in- bien iles tourments. vestir dans ·Jcs déparlcmenls .du Da~;.Jlhi~ · cl du llaut-llhln, comm~ en 1935, lorsque M. le .ministre. Suis-je· naimcnt cOillllé· le p1·ésidcn~ d'une grande cntrciJrisc iuùus- tenl 'floUr. \'DUS rfpondre 'l lriclle lais~.it savoir qu'il renonçait à cons· lruirc J'usine projcll'e en 1919 parce qu'il M; Weatphal. Cct·talnctncnt. ne ''otùait pas investir les tonds de ses M. ·le ministre. Dans 'lucile mesure ' aetionnuh·cs « à portée des pistolets des Est-cc da"• le cadre des al nil·cs élrnngôrcs, Allemands n, pour reprendre sn -pro[tre, expression. · que s. ~" _ ce prelblèmc 1

Cela m'amène à revenir à cc ~uc j'al· M. Westphal, C'est une question de gou· écrit dan$ le rapport sur le problcme du vcrnomcnt. 11 faudrait savoir si Je Goul•cr· po1·t du Strasbom·g, après un vo

11vagc d'élu- nemcnt a l'Intention de rep1·cndro cl de

de de qucl<IUCS commissaires e la com- poursul\'ro cette politique •l'invcsllssc­mis,;ion ~cs nlfalrc~ étmngêres en Alle- ment car si les affaires ne marchent pas magn~ en .a nil 19·19. Voici ce quu je Ils en cc' roo)nenl en Alsace, c'est parce qu'Il dans Id' mpport: " La ~ituallon économi- · plane sur toute celte région une menace •rue n'est guère plus lnvorahle qu'elle ne el parce quo les crédlls fuient ce pays l'était• en 1038 rorsquc le Gou'lernemcnt qui élall cl qui risque à nouveau de lfcvc­e.nvlsagealt des mesures propres à conso- nlr Ovcntuellcment1 dans ce•·tnlncs eondl· lidcr l'économie alsacienne. Avant la !lons, un glacis. C est donc bien un ·peu guerre, I'Ovolullon s'est déroulée en deux votre rôle pulsgue, aussi Illon, vons ne temps. A la demande du. port autonome .\'OUS occupez ,pas cxcluslvcrnenl d'affaires tlo Slmsbourg, les pcrsonnallt.és los plus, élrangèros, mais mêmo d'allalrcs écono· éminentes des milieux économiques sfra~<- mlqucs. hourgcois étudièrent le moyen d'Jndustrla·. liser le port de Strasbourg. Il s'agissait de· M. ·le ministre. Dans la mesure où ln paix compenser les pertes· do tmOc dues à la est en cause, é\'ldetnmcnt, c'est do mon construction du canal d'Alsace et à la ré· ressorl, mals l'étude économique que vous gnlarisation dn R~ln entre Strasbourg et attendez n'est pas précisément de mon res· lsloln. Un comité constata que les mena· s~rl. ces de guerre cmpêchalcht les capllanx de M. weatpltal, vom celle réponse de Nor. s'Investir au port de Strasbourg, et que maud <JUO 1·0 ne voulais pas 1 (/lires.) seul l'Jllal était à mbmc do supporter les risques de !!llcrrc. Il lut donc ilcmnndé à M. Ren6 Coty, Altcntlon 1 l'lltnt de t>rNer aux 1ndnslrlcls qui neccp· lcrnlcnt de construire des usines A Stras- M. lo pr6oldenl. Monsieur Coty. ce n'ost bourg ln totalité ou tout an moins une par. pas uno Injure personnelle 1 (Nouvcauro !le des fonds â Investir. I.e Gou,·crncmcnt rire•.) accepta cette suggestion, dont résultèrent la Ccllulo<o de Strasbourg .Ill la Socl61é M. Wealphal. Je disais donc 'Ill~ je vou­des chantiers ct ateliers dn •Jlhln, qui l'une lais nlllrtr votre allenllon sur e mauvais ct l'nuire stimulêrcnt nclivcmcnt la ville foncllonnemcnt ùc \'Oirc adminlslrallon lndusll·icllc de Strasbomg. ou plutôt de J'admlnl.;lrallon co général.

Nous avons cu J'ocenGion de constater à « Cccl ayant éiO réalisé. l'cxcm)Jlc donné malnles reprises quo toutes les fols qn'1me

par le J•ort de Strasbourg rellnt l'atton- ollaire devait sc !raller entre un acheteur lion non seulement du conseil général du allemand cl un vendeur français, 1m t1·op llas-llbln, mals oncorc de cclur du .Jiaul· grand nombre do minlslurcs nvalenl à llhin. Il lut toit appel aux représentants connallro de celle allaire pni•qnc, non les .plus quai!Dés do !:économie alsacienne senlcmcnt Je rninisl~e des n1T.1lres élran· tout cnllcrc, ot le Gouvernement décida, gllroo, m11ls ·.es ministères des finances, do on 1938, d'ouvrir une nrcmlèro hanche l'économie nallonalc, do l'agrlcnllurc, do de crédit se montant à !;o millions, pour la production lnduslrlcllc ml!mc de la sé· l'amélioration et J'extension des ~tabllsse- cut·llé sociale, et j'en Jafsso pcn\-ètrc do menis Industriels situés en Alsace. côté, ont cu à connnltre de ce problème.

« co précédent doit retenir l'attention Trop soltVcnt l'acheteur allemand ,e la~e 1 G 1 Il d 1 , 1 1 d'allcndre sans pouvoir aboutir el < u ouvcrnemcn • ovrn 1 Nre a 1 appo . s'adresse à un antre vendeur qu'Il pout aux représentants les J'lus quai!Dés do trouver en nclgi•lue, on Il~llnndc, en l'éconornlc du département du Das-llhln Suisse ou en Ital c. Jo vous demande, I•our dresser un _programme. d'Investisse. montiicur Je mtnlsLre, do simplifier un peu menis à réaliser dans les conditions où Jo • furent les Investissements eltectul!s nu ces Mmarchc~ longues, nornlJrCuscs, pc·

llort de Strasbourg en 1030 cl décidés pour nihl~s ct jo voudrai; vous citer un polit • Alsace entière en 1038. , !ail <ru!, en Jul·m~mc, n'a pas une très

grosse Importance, mals IJUI est toul do Vous avez cerlnlncmcnt cu connaissance même slt:n!Ocalll. On avait lndhlll~ •JUP. ~o

do cc rapport, monsieur le ministre, tout trouvaient, rn Allemagne, des acheteurs comme vous a\·ez ou connnissance du vœu pour une quanlité de 20.000 ltnmcs do du conseil général du llas-1\hln ayant la Ilalllc. Celle quantité aurait pu litre trou· rnlimo signitlcnllon. Co m·11 n'a t'"' ~nr.or~ véc faellcrnr.nl en l'•·•nrc. l.t~ dl!rnar~hes cu de répon5c jusqu'à présent Llh hien 1 n'ont pas ahoull, les Mhcle.ur~ nllcman•ls je prolllc de enlie uera>lon, mo11si10llr '" sc ''"'1 :ulre~sés à un lnlcrml·•ll:drc :uni:· minlslre, (JOur vous demander do pt·l:cl· ricain 'lili, lui, a achclé diJ·ecleulenl en

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2670 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

France sans passer par les ministères-' eta revendu certe même paille en Allemagneen empochant, bien entendu, le bénéfice,alors que ce bénéfice aurait pu rester dansle pays même.L'essentiel sur le problème politique

ayant déjà été dit et redit, je me coptente-rai d'e^ieurer simplement la question.Nous avons été profondément choqués,monsieur le ministre, par les termes d'uncommuniqué officiel publié après lesaccords de Washington sur le problème duport de Kehl.Ce communiqué disait, ,en effet, qu'un

accord provisoire interviendrait pour ré­gler, _en attendant la signature au traitéde paix, la question, et que si un modusvivendi donnait satisfaction, les Alliésseraient disposés à faire preuve de bonnevolonté. Monsieur le ministre, je protesteavec véhémence contre une telle formulequi équivaudrait, pour la France, à unevéritable décadence, qui est inconcevableet indigne de la France, laquelle se trouve,quand même, dans la situation d'un paysvainqueur en face d'un pays vaincu.Jamais, depuis le mois de juillet 1940

jusqu'au départ du général de Gaulle, unpareil communiqué n'a été publié: Nousestimons que la France ne doit pas enêtre réduite à obtenir des satisfactions parla grâce de sej alliés, mais qu'elle a desdroits formels à faire valoir.

A l'égard de cette Allemagne qui se re­lève avec une rapidité méritant le res­pect, pour laquelle se pose, dès maintenantla question de son admission au Conseilde l'Europe et. demain, peut-être, au pacteAtlantique, quelqu-s mesures d'élémen­taire prudence s'imposent.Nous sommes d'avis que ces problèmes

doivent être résolus et le plus rapidementpossible même; nous sommes d'avis quel'Allemagne a droit à une place honorabledans le concert des Nations Unies; noussommes d'avis qu'il faut traiter avec l'Al­lemagne et nous pensons que beaucoupde problèmes pourraient et devraient êtreréglés directement* entre la France et l'Al­lemagne et que l'entente entre ces deuxpays est la seule base possible pour laconstitution durable d'une Europe fédérée.

Nous pensons également que l'Europeaurait dû être faite avant l'Allemagneparce que cela lui aurait permis de s'inté­grer dans un cadre déjà existant, ce quiaurait facilité la création d'une Allemagnefédérée car, ne l'oublions pas, l'Allemandrêve, non pas d'une Allemagne fédérée,imai6 de la reconstitution d'un Reich, d'unÉtat fort, groupant sous une même auto­rité tous les pays de langue germanique,y compris les pays de la zone orientale.Depuis Bismarck, les Allemands ont

compris qu'étant unis, ils étaient forts etredoutables, alors qu'étant séparés et di­visés il ne* sont rien. Les déclarations deshommes d'État allemands., en particulierdes leaders socialistes, sont suffisammentéloquentes à cet égard.

^ Le problème de la Ruhr internationaliséedans le cadre d'une Europe déjà fédéréeet unie aurait également trouvé une solu­tion beaucoup plus simple et plus facile­ment acceptée par les Allemands.

Les extraits de la presse allemande quinous parviennent parlent de la méfiancequi s'était manifestée à l'Assemblée natio­nale vis-à-vis de l'Allemagne lors du ré­cent débat. La presse allemande s'étonnede cette méfiance.

S'agit-il, dans l'esprit de ces journalis­tes, d'incompréhension totale ou d'incon­science ? Que devons-nous penser des dé­clarations des hommes d'État allemands ?

L'actuel chancelier Adenauer, à Berne, dé- jclare que seule- la Wehrmacht a capitulé,mais non le peuple allemand. C'est la lé­gende du coup de poignard dans le dosde 1918 renversée.

Schumacher est sectaire au possible etfarouchement hostile à toute notion defédéralisme. Le communiste Reimann pro­nonce des discours d'un nationalisme àfaire pâlir d'envie Adolph Hitler lui-même,s'il était encore en vie. Tous sont d'ac­cord pour affirmer que les Alliés et laFrance, en particulier, sont seuls et uni­quement responsables de tous leurs maux,et je n'en veux pour preuve que la récentecampagne électorale qui était de nature ànous enlever nos dernières illusions.

On me dira qu'il ne faut pas prendreau mot les exagérations d'une pareillepropagande, mais elle a été conçueévidemment par des centaines de mil­liers d'Allemands lesquels, loin de serendre compte, recommencent à se consi­dérer comme les victimes innocentes d'unsort injuste et d'une oppression par lesAlliés. La mentalité de la jeunesse alle­mande est particulièrement édifiante à cesujet. L'esprit de ces jeunes est en ce mo­ment ouvert à toutes les doctrines extré­

mistes, que ce soit un nationalisme exa­cerbé ou même le communisme.

Il existe encore des relents de national-socialisme et le souvenir d'Hitler n'est paspartout effacé.

C'est d'ailleurs une des raisons pour les­quelles un rapprochement franco-allemandsemble justifié. Il faut faire l'éducation decette masse, encore sans discernement ; ilfaut encourager et soutenir la démocratieen Allemagne.Mais, une certaine méfiance vis-à-vis de

l'Allemagne et de ses chefs est, jusqu'ànouvel ordre, parfaitement justifiée.

Aux représentants particulièrement qua­lifiés du S. P. D., M. le professeur CarloSchmid avait déclaré devant les commis­saires de la commission des affaires étran­gères qu'il fallait « penser européen ».Que devons-nous donc penser de l'espriteuropéen de ces mêmes représentants quirefusent, le cas échéant, de siéger à côtédu représentant de la Sarre dans le conseilde l'Europe.

Je vous ai fait part, mes chers collègues,des sentiments qui m'animent à l'occa­sion de ce délai.

Certes, il faut traiter avec l'Allemagneet conclure des accords économiques bila­téraux, puisque nos deux économies vien­nent avantageusement se compléter, cer­tes, il faut créer la base d'une collabora­tion politique future, profitable aux deuxpays dans un esprit de parfaite loyauté.Certes, il faut prévoir d'admission de l'Al­lemagne au conseil de l'Europe.

Quant au pacte Atlantique, le problèmereste entier et l'admission de l'Allemagnesemble au moins prématurée. Cependant,ce problème, même en écartant momen­tanément sa discussion, m'oblige à direun mot d'un réarmement éventuel de l'Al­

lemagne.

M. le ministre des affaires étrangères adéclaré qu'il n'en aurait jamais été ques­tion et que le Gouvernement était contre.Malheureusement, tout le monde en parle.

Dans ces conditions, je suis obligé devous poser quelques questions :1° Que fera le Gouvernement de la

République française si les alliés déci­daient d'armer quelques divisions alle­mandes ou de lever un corns de volon­taires?

2° Quelle est l'opinion du Gouverne*ment quant à la frontière à défendre, soitsur l'Elbe, soit sur le Rhin;3° Avec quels moyens le Gouvernement

compte-t-il éventuellement assurer cettedéfense, et pense-t-il que les forces ar­mées françaises pourraient suffire à cettetâche.

J'ajoute une quatrième question, au ris­que de déborder un peu sur le sujet.Que ferait la France et avec quels moyenspourrait-elle défendre son propre terri-toire en cas d'agression?En effet, malgré les crédits volumineux

que nous volons, nous n'avons pas dedéfense nationale digne de ce nom.Nous avons par contre, actuellement, un

régime politique en déliquescence qui faitque, je me termets de citer un mot durmais combien juste, de M. le ministre del'intérieur: « L'État tombe en que-,nouille ».

Dans ces conditions, malgré toute labonne volonté que nous avons de pour­suivre une politique constructive, il fautfaire -preuve de vigilance à l'extérieurcomme à l'intérieur du pays.Le jour viendra où le Gouvernement de­

mandera au Parlement de ratifier un traitéde paix avec l'Allemagne.Ce jour-là, je ne voudrais pas que les

conditions de ce traité dépendent unique­ment de la bonne volonté de nos alliés.

En juillet 1949, M. le président du con­seil de la République était l'invité de larésistance alsacienne pour inaugurer unmonument élevé en 1 honneur de cetterésistance sur la colline du Stauffen, dansle Haut-Rhin.

Ce n'est pas sans un serrement de cœurque, réunis au pied de cette immensecroix de Lorraine, face à la plaine duRhin, face au ruban argenté du fleuve,face £ cette Allemagne, naguère si or­gueilleuse et qui nous avais meurtris dansnotre chair et dans notre âme, nous

entendîmes les paroles de réconciliationdu général Koenig et son appel à une fu­ture collaboration franco-allemande.

Le général de Gaulle, récemment, avecune clairvoyance de véritable hommed'État, a posé le problème sur son véri­table plan. Nous souscrivons sans réserveà sa doctrine.

Vous-même, monsieur le ministre desaffaires étrangères, dans un certain nom­bre de déclarations, vous avez défendules mêmes principes, mais dans cet Étatqui sombre en quenouille, je suis obligéégalement de vous rappeler les parolesvraiment émouvantes de M. le présidentMonnerville, lorsqu'il déclarait à Stauffen,en rendant hommage à la résistance alsa­cienne :

« Nous ne tolérerons pas toutes les dé­faillances; et nous n'accepterons pas tousles traités. »

Souvenez-vous également de ce que di­sait tout récemment le général de Gaulle :« Nous voulons des amis, nous avonsbesoin d'alliés, nous ne voulons pas demaîtres. » (Applaudissements sur plu­sieurs bancs).

M. le ministre. J'y .applaudis entière­ment et sincèrement.

M. le président. Il n'y a plus d'orateurinscrit ?

J'ai reçu une proposition de résolutionprésentée par M. Michel Debré, dont jevous donne lecture :

« Le Conseil de la République n'oubliepas les récents souvenirs qui restentcruels au cœur des Français. Affirme son

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE Du 8 DECEMBRE 1949 2671

opposition formelle à tout réarmement al­lemand, considère que la situation poli­tique mondiale rend nécessaire la partici­pation progressive de l'Allemagne à lavie internationale de l'Occident; mais es­time que cette participation et notammentl'admission de l'Allemagne dans un orga­nisme représentatif européen doit êtresubordonnée à certaines conditions préa­lables; que cette admission doit, en par­ticulier, être précédée de l'ouverture denégociations portant sur les objectifs sui­vants:

« 1° Préciser la personnalité et rendreeffectifs les pouvoirs de l'autorité inter­nationale quant à la gestion et mêmequant à la propriété des principales res­sources de la Ruhr;

« 2° Préciser que l'arrêt des démantè­lements ne doit pas avoir pour résultatimplicite d'abroger les dispositions prisesen ce qui concerne les principales acti­vités interdites ou limitées;

« 3° Modifier le statut de l'organisationeuropéenne de telle façon qu'une véritableautorité politique européenne soit forméedès 1950, car le relèvement pacifique del'Allemagne est conditionné par l'exis­tence d'une telle autorité;

« 4° Par un contact direct avec les re­présentants de l'Allemagne occidentale,rechercher les bases d'un accord écono­mique et culturel entre les deux pays. » .

La parole est à M. Michel Debré.

M. Michel Debré. Monsieur le ministre,vous êtes juriste et je le suis aussi, maisje ne crois pas aux textes autant que vous.Certes, comme vous l'avez dit tout à

l'heure, nous avons encore en Allemagnetous les droits, et le statut d'occupationréserve aux puissances occupantes la to­talité des pouvoirs. Ce n'est que par délé­gation volontaire de ces puissances qu'ilexiste en Allemagne occidentale un gou­vernement.

Mais il y a un droit et un fait. Et biensouvent le fait l'emporte et risque del'emporter chaque jour davantage. Qu'ils'agisse du prix du charbon ou de la décar­tellisation, nous avons vu que ce qui estnotre droit n'est pas toujours, devenu lefait.

Sans doute avons-nous, en vertu destextes, des observateurs dans tous lesEtats de l'Allemagne, mais nous savonsaussi que ces observateurs auront en faitdes pouvoirs très limités, si même on peutparler de pouvoirs en ce qui les concerne.Sans doute, le droit en matière de répa­

rations est-il encore le droit, comme vousl'avez dit à l'Assemblée nationale et

comme M. Moutet l'a rappelé ici, et ily a notamment une possibilité de prélè­vements sur la production courante pourles réparations .Mais vous savez bien enfait que ce droit ne pourra jamais s'exer­cer.

D'autre part, vous l'avez dit que l'Alle­magne s'engage, ou plus exactement legouvernement de l'Allemagne occidentales'engage et s'est engagé; en particulier, ila reconnu, et c'est un point important, l'of­fice militaire de sécurité, et par consé­quent toutes les obligations qui découlent

. pour Lui des textes relatifs aux pouvoirsde cet office.

Mais les gouvernements se suivent. Ilest des pays, comme en France, où lesgouvernements prennent volontiers la res­ponsabilité tle ce que leurs prédécesseursont signé. Nous savons, par l'expérienced'entre les deux guerres, que les signa­

tures de gouvernements allemands sontquelquefois discutées par les gouverne­ments ultérieurs.

Certes, comme vous l'avez dit enfin, nousavons des garanties. Nous avons la fixa­tion à 11 millions de tonnes dd plafond dela production d'acier. Elle est respectée,notamment parce que la production réelleest actuellement inférieure à 10 millions

de tonnes. Mais, quand elle atteindra l'anprochain ou dans dix-huit mois 11 millionsde tonnes, qui vous dit qu'à ce moment-làon ne vous fera pas observer qu'il y aune possibilité, par l'existence d'autres etde nombreuses usines, d'augmenter ceplafond relatif à l'acier qui, cependant, de­puis trois ans, est considéré comme undes points essentiels de ce que nous de­mandons ?

Telles sont les réserves que je voulaisformuler à votre réponse. Votre réponse,sur le terrain du droit, nous dit exactementet effectivement ce qui est; mais nousavons une réalité qui bien souvent est dif­férente. Cependant, dans cette proposition,je vous ai suivi sur votre terrain, celuidu droit. tLe Gouvernement français doit prendre

une décision: celle de l'entrée de l'Alle­magne dans le conseil de l'Europe. Enelle-même, cette décision n'est peut-êtrepas très grave étant donné, malgré ce quia été dit, le peu de pouvoirs actuels duconseil de l'Europe. Mais en droit celtedécision représente beaucoup, puisqu'ellesignifie l'entrée officielle du gouvernementallemand dans la vie internationale.

Je crois qu'il est bon de considérer quecette entrée de l'Allemagne dans les négo­ciations politiques internationales est unedate importante et que désormais les dé­cisions qui seront" prises .entre les alliés,même si le gouvernement allemand n'yparticipe pas encore, n'interviendront pascependant sans sa consultation.

Cette date étant importante. je croisqu'il convient de préciser que l'entrée del'Allemagne au Conseil de l'Europe doitêtre subordonnée à l'ouverture de négo­ciations portant sur des points essentiels,sur ce que nous considérons comme desgaranties fondamentales non seulementpour la France, mais pour la cause que laFrance a toujours détendue, et avec elled'autres nations.

Ces conditions, je ne les reprendrai pas;ce sont celles qui viennent d'être exposéesdans la proposition de résolution. Elles neneuvent guère, je crois, être discutées nonplus que modifiées dans la suite des jourset des années.

Vous avez parlé à juste titre, monsieurle ministre, au début de votre exposé, deschangements de politique. La politique dela France dans sa zone d'occupation en1945 ne peut plus être celle qu'elle exercedans ce qui lui reste de zone en 1949.

Mais le mot « politique » a deux sens: ily a les moyens de la politique et les ob­jectifs de cette politique. Que les moyenssoient modifiés, c'est l'évidence même, etil serait fou de notre part de ne pas voirqu'avec l'évolution des circonstances etdes relations internationales, les moyenspolitiques doivent être sans cesse revisés.Mais les objectifs, au moins ceux que nousconsidérons comme essentiels et fonda­mentaux, eux, méritent d'être décidésd'une manière sérieuse, d'une manièroqui ne puisse pas être, changée impuné­ment ni rapidement. Ces objectifs, qu'ils'agisse de la Ruhr, qu'il s'agisse des in­dustries interdites, qu'il s'agisse du sta­tut de l'Europe ou qu'il s'agisse de l'uti­

lité d'une entente économique ou cultu­relle avec l'Allemagne, ces objectifs sontvalables, comme ils étaient valables l'andernier, comme ils le seront encore dansdeux ans. Si les moyens à mettre enœuvre peuvent changer, eux, sont immo­biles.

C'est pourquoi je me suis permis, à l'is­sue de ce débat, de demander à l'Assem­blée d'accepter ces objectifs comme je de­mande au Gouvernement de les atteindre.(Applaudissements au centre et sur diversautres bancs.)

M. le président. La parole est à M. le mi­nistre.

M. le ministre. M. Michel Debré a le mé­pris des textes, mais il en -a aussi lebesoin. J'ai le respect des textes, égale­ment du sien, car je considère que dansla politique, même à l'égard des Alle­mands et aussi à l'égard de nos alliés, ilfaut des positions nettement précisées. Jesuis heureux de pouvoir dire que le dis­cours auquel j'ai déjà rendu hommage, etauquel je tiens encore à, répéter mon adhé­sion complète, s'est terminé par l'expres­sion de revendications qui sont celles duGouvernement.

Dans les textes que vous proposez vousmentionnez différents objectifs. J'en faisles objectifs mêmes de notre action diplo­matique future. Ces objectifs intéressentd'ailleurs nos alliés beaucoup plus quel'Allemagne, car ils constituent des résul­tats que nous devons atteindre par un ac­cord entre les trois alliés.

Vous parlez d'abord de l'autorité inter­nationale. Je me suis expliqué sur cepoint. Je voudrais, sur le paragraphe 1er ,éviter un malentendu. Vous avez la justepréoccupation, comme moi-même, de ren­forcer l'autorité de cet organisme, sinondans l'immédiat, du moins plus tard, lors­qu'il sera chargé de la totalité du contrôle.Mais * il serait insuffisant et même

contradictoire, avec la réglementation ac­tuelle, de vouloir réclamer uniquementpour l'autorité internationale les pouvoirsnécessaires quant à la gestion des entre­prises. Actuellement la gestion des entre­prises de la Ruhr est confiée à deuxgroupes de contrôle que nous devons pro­visoirement maintenir; .ils fonctionnentd'ailleurs'dans de bonnes conditions.

Je ne voudrais pas que votre texte fûtinterprété dans ce sens que les deuxgroupes de contrôle devraient être déssai­sis de la fonction qui leur est confiée ac­tuellement.

D'autre part, vous demandez que l'arrêtdes démantèlements soit interprété commene signifiant pas une abrogation des dispo­sitions prises en matière d'interdictions etde limitations de production.

Je crois qu'il ne faut ipas laisser penserà qui que ce soit que ces limitations etces interdictions puissent être remises encause. Je suis d'avis que ce sont là des•décisions immuables. Je ne voudrais donc

pas, en me ralliant à ce texte, que nousayons à ouvrir un débat à cet égard.

Il serait dangereux de laisser croire à quique ce soit que l'on puisse, à l'heure ac­tuelle, sous prétexte de l'arrêt des déman­tèlements, remettre en cause ce qui a étédéfinitivement décidé.

Je crois que vous partagez mon opinion, -mais je tiens à faire ce commentaire icipour que personne ne puisse s'emparerd'un texte quelconque pour contrecarrerles intérêts de notre pays. Je suis heureuxde pouvoir constater ici que, lorsque nousavons parlé de l'arrêt des démantèlements. .

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2672 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

fcucun de nos alliés, à aucun moment, n'asoulevé la question d'une modificationdans les décisions prises au sujet de l'in-Iterdiction ou de la limitation de certainesindustries allemandes; au contraire, on aexpressément constaté que ces décisionsétaient intégralement maintenues.En ce qui concerne le statut de l'orga­

nisation européenne, je crois que ce quej'ai dit tout à l'heure à la tribune laitapparaître nettement ma position person­nelle qui est d'ailleurs celle de mon gou­vernement.

Nous devons adapter dans les moindresdélais possibles le statut du Conseil del'Europe aux nécessités évidentes quinous ont été exposées aujourd'hui, commeelles l'ont été à l'Assemblée. Je peux vousdire qu'il y aura une discussion à cesujet, au, sein du comité des ministres,qui va se réunir au début de l'année pro­chaine. A cette occasion, l'ensemble de ceproblème se trouvera posé.Que le Conseil de la République soit

assuré que je m'inspirerai des remarquesqui ont été formulées et dont je trouvel'écho dans votre texte.Je voudrais terminer par une autre

remarque. Il y a une réalité qui, elle, jeicrois,, est décisive, quand il s'agit nonseulement d'appliquer un texte maisaussi d'obtenir des résultats positifs,même en l'absence d'un texte.

C'est l'accord entre les alliés; c'est làune réalité tangible à travers et au delà,des hésitations et des désaccords momen­tanés.

Je voudrais simplement, à ce- sujet,(vous faire une remarque: trop souventon affirme, dans notre presse, que c'estla France qui. cède toujours.J'ai: entendu dire, encore aujourd'hui,

jque nous nous inclinions trop souventdevant la volonté américaine. Pour neparler que de l'Allemagne, je puis vousassurer que la voix de la France comptebeaucoup et que c'est elle qui a très sou­vent formulé les positions définitives. Jel'affirme ouvertement, franchement, avectoute la solennité que requiert cetteAssemblée. Ne pensez pas que la France.accepte n'importe quelle suggestion etn'importe quel désir de nos alliés. Tout estdiscuté, mais même lorsque pendant dessemaines nous cherchons un accord, nousavons à cœur de ne jamais faire appa-raît-e une divergence, même momenta­née, car nous savons que, par là, nousrisquerions de créer la fissure dont l'Al­lemagne ou d'autres pourraient tirer pro­fit contre nous.

C'est l'accord des alliés qui a créé lenouveau statut de l'Allemagne; c'est enplein accord avec nos alliés que nous l'ap­pliquerons.Je suis convaincu qu'il n'y aura, dans

la suite, aucune difficulté entre nous etnos alliés, si, d'autre part, entre nous,Français, quelles que soient nos concep­tions politiques, s nous pouvons, sur l'es­sentiel, affirmer notre unanimité, commeje pense que ce sera possible.

Ne pensons pas toujours, comme parune espèce de complexe d'infériorité, auproblème de la sécurité. Dans l'immédiat,il est résolu en ce qui concerne l'Allema­gne. Il pourra se poser de nouveau ulté­rieurement et nous devons être vigilants.Mais il y a d'autres problèmes d'une acuitéplus immédiate, dans le domaine écono­mique notamment. Attachons-nous à lesrésoudre.

Je suis heureux de pouvoir rendre hom­mage à cette Assemblée pour la hautetenue de ses débats et aussi pour l'utilité

; des réflexions, des conseils qui ont été |émis et dont le Gouvernement tfrera pro­fit.

Personnellement j'exprime ma recon­naissance k tous les orateurs qui sontintervenus, car ils ont réussi à rendre cedébat utile pour notre pays. (Applaudisse­ments à gauche, au centre et à droite.)

M. le président. Je vais mettre aux voixla proposition de résolution.Avant de donner la parole aux orateurs

pour explications de vote, je rappelle auConseil les termes de l'article 91 concer­nant ce débat.

« Seuls peuvent prendre la parole sur laproposition de résolution, en dehors del'un des signataires, les présidents desgroupes ou leurs délégués, le Gouverne­ment et éventuellement le président de lacommission intéressée ou l'un des mem­

bres qu'elle aura mandaté. »La parole est à M. Carcassonne.

M. Carcassonne. Mesdames et messieurs,"au risque d'apporter une note discordanteet en regrettant de ne pouvoir répondre àl'appel qui nous a été /adressé 'tout àl'heure par M. le ministre des affairesétrangères, nous demandant l'unanimitédans ce vote, j'indique, au nom du groupesocialiste, que nous nous abstiendrons surla proposition de résolution déposée parM. Michel Debré.

Nous ne la critiquons pas violemment.Nous l'approuvons dans la plupart de sestermes. Nous y trouvons des choses excel­lentes, mais, ipar contre, nous l'estimonsinsuffisante.

Il nous semble que l'ordre du jour quiavait été voté à la suite des débats de

l'Assemblée nationale, était beaucoup pluscomplet, et répondait mieux aux désirsdes orateurs socialistes.

Nous reprochons notamment à M. MichelDebré de ne pas avoir apporté un accentsuffisant sur "l'internationalisation de la

Ruhr, et nous regrettons qu'il n'ait pasprécisé dans sa proposition qu'il entendaitque les anciens propriétaires des mines etdes usines de la Ruhr soient dépossédés,notamment le capitalisme international. •

Nous regrettons enfin qu'il sembles'échapper de la proposition de M. MichelDebré un éloge par trop grand du libé­ralisme, libéralisme qui pourrait faciliteroutre mesure et rapidement l'hégémonieallemande. Nous sommes partisans du diri­gisme, vous 1" savez bien, monsieur Mi­chel Debré. On nous l'a violemment re­proche sur le plan national. Mais je croisque sur le plan international, ce n'est pasêtre antipatriote que de réclamer un diri­gisme, et un dirigisme sérieux, si nous nevoulons pas que l'industrie française,dans quelques années, soit absorbée com­plètement et ruinée par la puissance indus­trielle allemande. Votre proposition à cepoint de vue ne nous donne pas satisfac­tion.

Il y a aussi un autre point de vue, quin'est pas précisé, c'est que nous enten­dons renforcer de plus en plus l'ententeavec l'Angleterre, non seulement avecl'Angleterre travailliste, mais avec l'An­gleterre conservatrice. Nous désirons unrapprochement avec l'Allemagne, mais unrapprochement qui ne nous écarte pas denotre alliée l'Angleterre.

11 nous aurait aussi été agréable que,dans votre proposition de résolution, vousindiquiez qu 11 y a peut-être des possibi­lités de réduire la production et surtoutla productivité allemande en élevant lestandard de vie de, la démocratie alle­mande,

Si rAllemagne peut nous concurrencerdans un avenir très prochain, c'est parceque les ouvriers allemands travaillentquarante-huit et cinquante heures par se­maine, qu'ils sont moins payés que lesouvriers français et qu'ils ne bénéficientpas des avantages sociaux de la classe ou­vrière française.Nous voulons que soit relevé à travers

tous les pays le niveau de vie et qu'ainsiles relations économiques soient norma­lisées au sein d'un conseil de l'Europequi aurait une souveraineté supranatio-'rtale,

Ce sont ces raisons quo j'expose trèsbrièvement à l'issue d'un débat où l'ona entendu d'excellents discours. Je m'ex­cuse, car je fais mes débuts en matière depolitique étrangère "et, comme un jeuneorateur, j'aurais eu > désir de prononcerun magnifique discours au début d'uneséance et en présence, de nombreux séna­teurs, alors que j'ai malheureusement leprivilège de parler en fin de séance et.devant peu de monde.Quoi qu'il en soit, voici donc, mes­

sieurs, très brièvement exposées les rai­sons qui feront que le groupe socialiste, àregret — car il éprouve pour M. Debrébeaucoup de sympathie — s'abstiendra àl'occasion du vote de sa proposition. (Ap­plaudissements à gauche.)

M. le président. La parole est à M. Pierrede Gaulle.

M. Pierre de Gaulle. Mes amis et moi,nous voterons la proposition de résolutiondéposée par M. Michel Debré- En disantceci, je tiens à bien préciser qu'il ne fautpas qu'il y ait, tout à l'heure, monsieurle ministre des affaires étrangères, demalentendu.

J'ai entendu avec une certaine surpriseM. le ministre des affaires étrangères in­terpréter les conditions qui étaient posées,dans ce texte à l'entrée de l'Allemagnedans une organisation européenne, commeétant des suggestions faites au Gouver­nement qui, nous a-t-il dit, fera tout sonpossible pour les faire abouti..Nous sommes ici en plein malentendu.

Le texte précise que l'admission de l'Al­lemagne dans une formation politique eu­ropéenne d'ensemble doit être subordon­née à un certain nombre de conditions quiont été fixées dans la proposition de réso­lution. C'est moyennant l'accomplisse­ment de ces conditions, et non pas dutout en vertu d'un effort gouvernementalpour les faire aboutir, c'est moyennantl'accomplissement de ces conditions quenous considérons l'admission de l'Alle­magne comme possible.Nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de

tant se hâter et de donner à l'Allemagnece satisfecit de l'entrée dans les conseilsde l'Europe. D'abord, parce que le conseilde l'Europe, tel qu'il fonctionne actuelle­ment ne nous paraît pas représenter quel­que chose de très sérieux, de très' utile,de très efficace et que le jour venu, quandce conseil de l'Europe aura été remanié,transformé, conformément à la propositionde résolution, sur une base véritablementde communauté européenne, nous pour­rons considérer comme utile et à ce mo-ment-là seulement que' l'Allemagne ytasse son entrée.

Deuxièmement, nous avons aiouté à lafin du texte de la proposition.de résolu­tion un passage relatif à la condition quenous posons pour des négociations préa­lables entre le Gouvernement français etle gouvernement de l'Allemagne occiden­tale»

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2673

Nous croyons que cette conversations'impose et qu'il faut qu'elle aboutissedans la mesure où elle peut être Quverte,bien entendu, suivant les dispositions desdeux partenaires. 11 ne s'agit pas de com­mencer une négociation, il ne s'agit pasde s'en référer à une négociation ouvertecomme le disait justement M. le ministredes affaires étrangères, il s'agit d'aboutirà quelque chose de positif et de concretavant qu'une décision définitive -soit priseconcernant les dispositions de l'Alle­magne.

Ilâtons-nous lentement, disait le pro­verbe latin. Hâtons-nous! En effet, il fautque ces questions soient réglées vite; ilne faut pas qu'elles le soient dans le mal­entendu et dans le trouble. Revenant àline très belle formule de notre amiM. Kalb — je. suis surpris de voir que no­tre collègue M. Marius Moutet l'a désap­prouvée — je dirai: la question allemande,et c'est ma conclusion, est essentiellementune question intérieure française pourdeux raisons. La première est celleque le président Kalb exposait lui-même,c'est que nous ne pourrons conclure desaccords sûrs et sans ambiguïté avecl'Allemagne et sans danger que le jouroù la France aura un gouvernement so­lide, une défense nationale établie et oùles Alliés pourront savoir qu'on - peutcompter sur la France beaucoup plus en­core qu'on ne peut -compter sur l'Alle­magne d'occident.La seconde raison, c'est que l'Europe

occidentale, c'est avant tout l'affaire dela France. C'est le moment pour elle, touten restant naturellement fidèle - à la col­laboration nécessaire avec les alliés, de semanifester toute seule, d'elle-même. C'està elle, on ne le répétera jamais assez, deprendre la tète du mouvement européenut toutes les nations de l'Europe occiden­tale attendent cela d'elle.

Pourquoi rester indéfiniment attaché àcette collaboration nécessaire avec les al­liés, à chaque pas, pour chaque motif, aupoint que j'ai eu la surprise d'entendretout à l'heure M. le ministre nous direqu'il fallait que même les petits heurts,les petites difficultés qui peuvent surgirdans la collaboration interalliée fussentdissimulés aux yeux du public de façonqu'on ait toujours l'air d'être d'accord.Enfin, dans une question aussi impor­

tante pour k France que la constitutiond'une Europe occidentale, c'est à la France/le prendre au besoin toute seule les ini­tiatives nécessaires. La première à prendreconcernant l'Allemagne est celle d'une né­gociation directe dont l'aboutissement estla condition d'une admission ultérieure de

l'Allemagne dans le conseil de l'Europeremanié.

C'est dans ce sens que nous l'enten­dons. Je tenais à le bien préciser pour ex­pliquer notre vote.(Applaudissements surles bancs supérieurs de la gauche, du cen­tre et de la droite.)

M. le président. La parole est à M. Ha­mon.

M. Léo Hamon. Mes amis et moi-mêmenous voterons la proposition de résolutionde M. Debré, malgré tout ce que nous n'ytrouvons pas — moi non plus, je ne suispas un libéral en matière d'économie inter­nationale — et malgré tout ce qui a puy être ajouté de commentaires, parce quenous voulons, dans une matière de poli­tique extérieure, dégager le plus -possiblel'unanimité d'une des Chambres du Parle­ment français.

Pour nous faciliter ce vote, nous avons,sur un point précis et important, les ex­plications de M. le ministre des affairesétrangères, auquel je suis heureux depouvoir renouveler,, non pas notre con­fiance — le mot ne serait pas de miseici — mais notre assentiment suivle pointcapital des plafonds de' la production del'acier, qui ne sont pas matière à négocia­tion, puisque M. le ministre a répétéqu'ils sont et demeurent fixés tels qu'ilsétaient antérieurement et qu'il n'y a pas\ négocier ce qui demeure acquis.J'interprète, d'autre part, l'allusion faite

par M. Debré, dans sa proposition de réso­lution, à l'autorité internationale de laRuhr, comme nous donnant la possibilitéd'obtenir notamment par cette autorité lafin des pratiques discriminatoires en ma­tière de prix de charbon, point sur lequelj'ai attiré l'attention du Gouvernementavec la satisfaction d'obtenir son assenti­ment.

. Me sera-t-il permis d'ajouter que, ' simes amis et moi, nous trouvons légitimeque le Gouvernement de la République né­gocie, dans un tête-à-tête avec l'Allema­gne, tout ce- qui ne regarderait que lesdeux pays, il doit être bien entendu dansnotre esprit qu'en aucun cas de tellesconversations directes sur des points né­cessairement secondaires ne sauraient af-

falloir la solidarité qui nous unit à nosalliés et qui, dans le temps présent dumoins, doit demeurer une des forces dela France.

J'ai noté, dans les propos de M. Debré,quelque chose qui m'a fait penser à unlivre qui' avait, occupé notre jeunesse. Ils'appelait La révolte des faits contre ledroit. Mais le meilleur moyen de préve­nir celte révolte des faits contre le droit,c'est de faire cette politique constructiveque je demandais tout à l'heure, politiquedans laquelle la France n'est pas réduiteà essayer de dire.non et toujours davan­tage en retrait devant la poussée des faits,mais dans laquelle elle suggère elle-mêmedes solutions pour régler et diriger" lesfaits et les modifier.

Pour éviter la révolte des faits contre ledroit, poursuivez, monsieur le ministre, ladirection des faits par l'esprit. (Applau­dissements.)

"M. le président. La parole est à M. Mar­rane, pour explication de vote.

M. Marrane. Pour les raisons indiquéesclairement à cette tribune par mes amisBerlioz et le général Petit, le groupe com­muniste votera contre la résolution deM. Debré. •

M. le président. La parole est à M. Ma­thieu, pour explication de vote.

M. Mathieu. Je parle au nom de mongroupe et aussi en tant que représentantdes départements de l'Est...

M.' le président. Non, vous ne pouvezparler qu'au nom de votre groupe.

M. Mathieu. Je crois qu'il est un peuillusoire de penser qu'un Allemand se bat­tra pour une autre cause que pour cellede l'Allemagne et, si les forces allemandesfinissent par être prédominantes, l'Allema­gne saura bien exiger sa prédominancetotale et définitive, tout entière à sonprofit.

Un journal allemand écrit ce que jecrois être le sentiment de nombreux Alle­mands :

« La plupart des Allemands éprouverontde l'effroi en. voyant qu'on se rapproche

constament d'une institution, la Wehr-!macht, qu'en 1945 on croyait disparue pourtoujours.

« D'autres constateront, non sans quel­que surprise, qu'avec une singulière naï­veté, certains milieux, du côté des puisisances occidentales, estiment pouvoir dis­poser purement et simplement des je-ineshommes d'Allemagne, sans même leur po­ser la question à eux ou bien au -eiu.jléiallemand.

« Mais il est un point sur lequel aucundoute n'est réellement permis; le jourviendra, tôt ou tard, où les puissancesoccidentales s'adressant au gouverne­ment fédéral de l'Allemagne occidentalepour lui demander de reconstituer les di­visions allemandes. Croient-elles que cesdivisions vaudront quelque chose sansl'esprit militaire auquel on déclarait laguerre il y a quinze jours? »

Il faut voir la situation telle qu'elle est.Tout ce qui affaiblira la France sur quel­que plan que ce soit, moral, économiqueou militaire, tout ce qui retardera son re­lèvement, aura pour suite inéluctable defavoriser la germanisation de l'Europe.

Il faut que tous nos problèmes inté­rieurs soient envisagés sous cet angle etqu'on sache bien que toute division grave,-toute entrave à sa force économique et àla productivité, tout gaspillage, sont de vé­ritables crimes contre la patrie, et doiventêtre évités à tout prix parce qu'ils modi­fient le rapport des forces entre la Franceet l'Allemagne renaissantes.

Seule une France forte s'appuyant surses populations, ses territoires et ses ri­chesses de la métropole et d'outre-mer,peut admettre à ses côtés la présence del'Allemagne renaissante dans l'Union euro­péenne.

C'est la condition absolue de la réussited'une politique européenne acceptablepour nous.

Alors que nous venons peut-être d'aban­donner le Fezzan et que des bruits cou­rent fur les conséquences des décisionsde l'O. N. -U. au sujet de nos territoiresd'outre-mer, j'adjure le Gouvernement deveiller à ne pas permettre qu'une Franceaffaiblie soit amenée à être, dans l'Eu­rope, à la suite de l'Allemagne. (Applau­dissements à droite et au centre.)

M. le président. Personne/ ne demandaplus la parole ?...Je mets aux voix la proposition de réso­

lution. ^

(Le Conseil de la République a adopté.V

— il —,

DEPOT DE PROPOSITIONS DE RESOLUT:ON

M. le président. J'ai reçu de MM. Jézé­quel, Cornu et Henri Cordier une proposi­tion de résolution tendant à inviter le Gou­vernement à prendre d'urgence les mesu­res nécessaires pour assurer l'améliora­tion de la situation matérielle et moraledes anciens combattants et victimes desdeux guerres.

■ La proposition de résolution <era impri­mée sous le n° 867, distribuée et, s'il n'y,a pas d'opposition, renvoyée à la com­mission des pensions (pensions civiles etmiitaires et victimes de la guerre et del'oppression) . (Assentiment.)

J'ai reçu de W. Rochereau une proposi­tion de résolution tendant à inviter leGouvernement à modifier les articles 106 et107 du décret du 9 décembre 1948 portant

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2674 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

réforme fiscale et du décret du 4 octobre1949 fixant les modalités de "recouvrement

de l'impôt sur les sociétés.

La proposition de résolution sera impri­mée sous le n° 868, distribuée, et, s'iln'y a pas d'opposition, renvoyée & la com-

mission des finances. (Assentiment .)

— 12 —

DEPOT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. JeanBerthoin, rapporteur général, un rapportfait au nom de la commission des finan­

ces sur le projet de loi, adopté par l'As­semblée nationale, portant ouverture decrédits spéciaux d'exercices clos et d'exer­cices périmés (n° 852, année 1949).

Le rapport sera imprimé sous le n° 809et distribué.

— 13 —

PROPOSITIONS DE LA CONFÉRENCE

DES PRÉSIDENTS •

M. le président. La conférence des prési­dents propose au Conseil de la République:A. — De tenir séance vendredi 9 décem­

bre, à quinze heures, pour la suite de l'or­dre du jour de la présente séance ;

B. — De ne ipas siéger le mardi 13 dé­cembre. en raison du congrès du parti so­cialiste:

C. — De tenir séance le jeudi 15 décem­bre, à quinze heures tiente, avec l'ordredu jour suivant :

1° Sous, réserve de la distribution du

rapport, discussion du projet de loi , adoptépar l'Assemblée nationale, relatif aux no­minations et promotions de certains per­sonnels des services de santé des forcesarmées dont la cariière a été affectée pardes événements de guerre;

2° Sous réserve de la distribution du

rapport, discussion du projet de loi, adoptépar l'Assemblée nationale, modifiant lesarticles 37, 38 et 72 de l'ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régimedes assurances sociales applicable aux as­surés des professions non agricoles;1 3° Sous réserve de la distribution durapport, discussion du projet de loi, adoptépar, l'Assemblée nationale, portant ouver­ture de crédits spéciaux d'exercices closet d'exercices périmés;4° Sous réserve de la distribution du

rapport, discussion de. la proposition de ré­solution de M. René Depreux et des mem­bres de là" commission* de la productionindustrielle, tendant à inviter le Gouver­nement \ ne compromettre par aucune me­sure prématurée l'aptitude de la produc­tion française à affronter la concurrenceinternationale et à mettre fin à certainesimportations sans licence.

Il n'y a pas d'opposition 1

Les propositions de la conférence desprésidents sont adoptées.

— 14 —

REGLEMENT DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici donc quel seraitl'ordre du jour de notre prochaine séancepublique qui se tiendra cet après-midi9 décembre, à quinze heures:

Discussion de la question orale, avecdébat, suivante : Mine Marcelle Devaud

demande à M. le président du conseiluelles dispositions envisagent les diversépartements ministériels intéressés afinque les vieillards bénéficiaires de l'allo­cation temporaire puissent être assurésde percevoir, à un titre quelconque, uneallocation de même valeur, en janvierprochain ;

Suite~fle la discussion de la propositionde loi, adoptée par l'Assemblée nationale,relative à l'échange en nature blé-painou blé-farine (n°s 717, 792 et 846, année1949; M. Restat, rapporteur).

Il n'y a pas d'opposition ?...

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Personne ne demande la pa _ olé ?..*La séance est levée.

(La séance est, levée le vendredi 9 dé­cembre 1949 à une heure trente-cinq mi-mites.)

Le directeur du service de la sténographiedu Conseil de la République,

CH. DE LA MORANDIERE.

Propositions de la conférence prescrite parl'article 32 du règlement du Conseil de

la République.

(Réunion du 8 décembre 1949.)

Conformément à l'article 32 du règle­ment, le président du Conseil de la Répu­blique a convoqué pour le jeudi 8 décem­bre 1949 les vice-présidents du Conseil dela République, les présidents des commis­sions et les présidents des groupes.

Cette , conférence a décidé que, pour lerèglement de l'ordre du jour, les proposi­tions suivantes seront soumises à l'appro­bation du Conseil de la République:

"A. — Tenir séance demain, vendredi . 9décembre 1949, à quinze heures, pour lasuite de l'ordre du jour de la présenteséance.

B. •- inscrire à l'ordre du jour de laséance du jeudi 15 décembre 1949, S quinzeheures trente :

1° Sous réserve de la distribution du rap­port, la discussion du projet de loi (n° 760,année 1949), adopté par l'Assemblée natio­nale, relatif aux nominations et promotionsde certains personnels des services desanté des forces armées dont la carrière a

été affectée par des événements de guerre ;2° Sous, réserve de la distribution du

rapport, la discussion du projet de loi(n° 683, année 1949), adopté par l'Assem­blée nationale, modifiant les articles 37, 38et 72 de J'ordonnance n° 45-2454 du 19 octo­bre '1915 fixant le régime des assurancessociales applicable aux assurés des profes­sions non agricoles ;

3° Sous réserve de la distribution du

rapport, la discussion du projet de loi(n° 852. année 1949), adopté par l'Assem­blée nationale, portant ouverture de créditsspéciaux d'exercices . clos et d'exeicicespérimés;

4° Sous réserve de la distribution du

rapport, la discussion de la proposition derésolution (n° 821, année 1919) de M. RenéDepreux et des membres de la commissionde ,la production industrielle, tendantu inviter le Gouvernement à ne compro­

mettre par aucune mesure prématuréel'aptitude de la production française àaffronter la concurrence internationale età mettre fin à certaines importations sanslicence.

ANNEXE

au orocès-verbal de la conférencedes présidents.

(Application de l'article 32 du règlement.)"

NOMINATION DE RAPPORTEURS

FINANCES

M. Jean Berthoin a été nommé rappor­teur du projet de loi (n° 852, année 1949),adopté par l'Assemblée nationale, portantouverture de crédits spéciaux d'exercicesclos et d'exercices périmés.

MARINE

M. Razac a été nommé rapporteur duprojet de loi (n° 834, année 1949), adoptépar l'Assemblée nationale, modifiant l'arti­cle 121 de la loi du 13 décembre 1926 por­tant code du travail maritime.

i PRESSE

M. Gaspard a été nommé rapporteurpour avis de la proposition de résolution(n° 716, année 1949) de M. Durand-Réville,tendant à inviter le Gouvernement à créerla radiodiffusion de l'Union française.— (Renvoyée pour le fond à la commissionde la France d'outre-mer.)

PRODUCTION INDUSTRIELLE

M. René Depreux a été nommé rappor­teur de sa proposition de résolution(n°821, année 1949) tendant à- inviter leGouvernement à ne compromettre paraucune mesure prématurée l'aptitude dela production française à affronter laconcurrence internationale et à mettre finà certaines importations sans licence.

M. Bousch a été nommé rapporteur dela proposition de résolution (n° 827, année1949) de M. Hebert, tendant à inviter leGouvernement à prendre toutes disposi­tions pour que les installations électriquesréalisées par des industriels ou des com­merçants pour parer à la pénurie actuellede courant électrique bénéficient de délaisd'amortissement extrêmement brefs, ence qui concerne le calcul des bénéficesnets imposables.

RECONSTRUCTION

Mme J. Thome-Patenôtre' a été nomméerapporteur de la proposition de résolution(n° 820, année 1949) de M. Debré, relativeà une politique du logement.

M. Varlot a été nommé rapporteur dela proposition de résolution (n° 833, année |1949) de M. Landry, concernant l'aide à 'apporter, en matière de logement, aux éco­nomiquement faibles.

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949. 2675

Réponses des ministres sur les pétitionsqui leur ont été envoyées par le Conseilde la République,

^Application de l'article 94 du règlement.)

Pétition n° 24. — M. Charles Mahaut,322, rue Mondenard, Bordeaux (Gironde),demande une revision du calcul de sa pen­sion.

* Cette pétition a été renvoyée, le 30 dé­cembre 1948, sur le rapport de M. Ray­mond Dronne, au nom de la commissiondu suffrage universel, du contrôle consti­tutionnel, du règlement et des pétitions,au ministre- des finances et des affaireséconomiques.

Réponse de M. le ministre des financeset des affaires économiques.

Paris, le 29 avril 1919.

Monsieur le président,

Par lettre du 21 février 1919 vous avez bienvoulu me transmettre la pétition n» 24, éma­nant de M, Charles Mahautj

Le pétitionnaire, en Invoquant l'arrêt du<16 avril 1918 (allaire de Saxcé), dans lequel leconseil d'État a estimé que les majorationspour enfants prévues par l'article 2, para­graphe 4, de la loi du 14 avril 1924 étaient unélément constitutif et non un simple acces­soire de la pension, et devaient être regar­dées comme faisant partie intégrante de tonmontant en principal pour le calcul de l'in­demnité spéciale temporaire et de l'indem­nité provisionnelle, sollicite la revision dansle sens de cet arrêt desdites indemnités dontil bénéficie^

J'ai l'honneur de vous taire connaître queplusieurs, pourvois analogues 4 celui dont 11est fait état sont actuellement en instance

devant la haute assemblée et qu'il est indis­pensable d'en attendre les solutions pour con­naître la position définitive du conseil d'Étatsur la question.

Il faut remarquer d'ailleurs que même ille caractère de nouvelle jurisprudence rêvaitêtre reconnu à cette décision, cette Jurispru­dence, comme une loi nouvelle, ne sauraitavoir d'effet rétroactif et ne serait applicable,en ce qui concerne les retraités dont la pen­sion a déjà été concédée, qu'à ceux des béné­ficiaires qui ont formulé une réclamation parla voie administrative ou la voie contentieusedans le délai imparti par l'article 66 de laloi du 14 avril 1924.

Or, en application de la loi n° 48-1450 du20 septembre 1948 et du décret n» 48-1515 du9 octobre 1948, les majorations pour enfantssont affectées à compter du 1er janvier 1918,c'est-à-dire antérieurement à 1 interventionde l'arrêt de Saxcé, du même coefficient cehausse que le montant en principal de lapension.

Enfin, si les majorations pour enfantsétaient regardées comme faisant partie inté­grante du montant en principal de la pensionelles devraient également, contrairement à làlégislation actuellement en vigueur, être sou­mises aux règles de cumul et à l'impôt sur lerevenu au même litre que la pension propre­ment dite.

Dans ces conditions, la pétition de M. Ma­haut ne paraît pas justifiée.

Veuillez agréer, monsieur le président, l'as­surance de nia haute considération.

Pour le secrétaire d'État

et par autorisation:

Le directeur du cabinet,Signé : Illisible.

Pétition n° 12. — M. Jérôme Barrault,Saint-Clair par Moncontour (Vienne) de­mande une remise d'amende économique.

Cette pétition a été renvoyée, le 30 dé­cembre 1949, sur le rapport de M. RobertLe Guyon, au nom de la commission- dusuffrage universel, du contrôle constitu­tionnel, du règlement et des pétitions, auministre des finances et des affaires écono­miques.

Réponse de M. le ministre des financeset des affaires économiques.

#

Paris, le 21 avril 1919.

Monsieur le président, .

Vous avez bien voulu me communiquer, le21 février 1949, une pétition en date du 15 dé­cembre 1918, enregistrée sous le n° 12, parlaquelle M. Barrault (Jérôme), cultivateur àSaint-Clair (Vienne) sollicite la remise d'uneamende de 20.000 francs, infligée par le direc­teur du contrôle et des enquêtes économiquesdu département de la Vienne, pour infractionà la législation économique.

J'ai l'honneur de vous prier de bien vouloirtrouver ci-après les éléments de la réponsequ'appelle cette requête.

Aux termes d'jin procès-verbal dont il aété l'objet, le 4 octobre 1948, de la part dela gendarmerie de Moncontour (Vienne),M. Barrault a reconnu avoir vendu 6 quin­taux d'orge à raison de 2.500 francs le quin­tal, au lieu de 1.955 francs, prix licite, et6 quintaux d'avoine à raison de 2.300 francsle quintal, au lieu de 1.840 francs, prix taxé,Pour sa défense, le délinquant a déclaré

que les acheteurs l'avaient assuré que lesprix des céréales secondaires étaient libres.Au surplus, il a prétendu ignorer les prixlicites.

Les infactions commises sont- constantes etjustifient l'application de la pénalité pronon­cée. Toutefois l'instruction d'une requête pré­sentée à M. le Président de la République, quime l'a transmise pour attribution, a fait res­sortir que le délin;uant, père de 3 enfantsmineurs, n'était installé comme fermier quedepuis peu de temps.four ces motifs, j'ai décidé de ramener à

10.000 francs l'amende infligée à M. Barrault.

Veuillez agréer, monsieur le président, l'as­surance de ma haute considération.

Pour le secrétaire d'État

aux affaires économiques:

Le directeur du cabinet,Signé : Illisible.

Pétition n° 14. — Mme Hay-Baunot, àSaint-Aubin-de-Baubigné (Deux-Sèvres) ,demande une remise d'amende économi­

que.

Cette pétition a été renvoyée, le 8 mars1949, sur le rapport de M., RaymondDronne, au nom de la commission du suf­frage universel, du contrôle constitution­nel, du règlement et des pétitions, auministre des finances et des affaires éco­nomiques, qui l'a transmise à M. le mi­nistre de la justice.

Réponse de M* le ministre de la justice.

Paris, le 12 juillet 1919.

, Monsieur le président,Par lettre en date du 8 juin 19-19, M. le mi­

nistre des finances et des affaires économi­ques m'a adressé une pétition n° 14 deMme Hay, condamnée le 12 novembre 1918 parla cour d'appel de Poitiers, que vous aviezbien voulu lui iraijsmettre le 11 avril 1919.

J ai l'honneur de vous faire connaître quele recours en grâce de l'intéressée a fait l'ob­jet d'une décision de rejet en date du 6 ma#1949.

Veuillez agréer, monsieur le président, l'as­surance de ma haute considération.

Pour le ministre:

te directeur du cabinet,Signé: Illisible.

Pétition n° 16. — Mme Morin, la Rivière-de-Mansac (Corrèze), demande que samère ne soit pas expulsée de la maisonqu'elle habite.

Cette pétition a été renvoyée, le 8 mars1949, sur le rapport de M. Robert- LeGuyon, au nom de la commission du suf­frage universel, du contrôle constitution­nel, du règlement et des pétitions, auministre de la justice qui fa transmiseau ministre de 1 intérieur.

Réponse de M. le ministre de l'intérieur,

Paris; le 11 Juin 1919.

Monsieur le président,M. le garde des sceaux m'a transmis la pé­

tition n° 16 de Mme Morin, demeurant à laRivière-de-Mansac (Corrèze), qui demande qu'ilsoit sursis à l'exécution d'un jugement pro­nonçant l'expulsion de sg mère, Mme Brous-tard, de la maison qu'elle occupe à Teillots(Dordogne).J'ai l'honneur de vous faire connaître que

le préfet de la Dordogne n'a été saisi d'aucunedemande de concours de la force publiquepour l'expulsion de Mme Broustard et qu'iln'a pas eu à prendre de décision dans cetteaffaire.

Veuillez agréer, monsieur le président, l'as­surance de ma haute considération.

Pour le ministre : •

Le directeur de la sûreté nationale,Signé: BERTAUT.

Pétition n° 17. — M. Fernand Rigaud,à Gueux (Marne), demande la restitutiond'une voiture réquisitionnée*Cette pétition a été renvoyée, le S mars

1949, sur le- rapport de M. Robert LeGuyon,- au nom de la commission du suf­frage universel, du contrôle constitution-!nel, du règlement et des pétitions, auministre de la défense nationale.

Réponse de M. le ministre de la défense,nationale.

Paris, le 29 avril 1949.

Monsieur le président,Par lettre du 11 avril 1949, vous m'ave»

transmis la pétition n° 17, déposée parM. Fernand Rigaut, à Gueux (Marne), quiréclame la restitution d'un véhicule automo­bile réquisitionné par l'armée de l'air en 1945,en me demandant que satisfaction soit donnéà l'intéressé.

J'ai l'honneur de vous faire connaître quela voiture légère Citroën 17 BL numéro châssis118.557, numéro immatriculation actuel 8875Nil 6.et numéro minéralogique 4624 KJ 5,en service à l'atelier industriel de l'air, à.Clermont-Ferrand, est comprise sur la listedes véhicules à paraître au Journal officielpour restitution à leur propriétaire.M. Rigaut a été informé d'ailleurs personnel­

lement, par les soins du secrétariat d'Étataux forces armées (air), que son véhiculelui serait restitué aussitôt parution au Journalofficiel de la liste sur laquelle il se trouve,c'est-à-dire dans un court délai.

Je vous prie d'agréer, monsieur le président,l'assurance de ma haute considération.

Pour le ministre de la défense national^et par ordre.

Le directeur adjoint du cabinet,Signé - Illisible

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2676 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949

Pétition n° 18. — M. Salah Kedjtout.©, rue Clauzel, Bougie (Constantine)., de­mande un caïdat.

Cette pétition a été renvoyée le -8 mars1949 sur le rapport de M. Robert LeGuyon, au nom de la commission du suf­frage universel, du contrôle constitution­nel, du règlement et des pétitions, auministère de l'intérieur.

Réponse de M. le ministre de l'intérieur.

.Paris, le 13 mai 1949.

Monsieur le président,

■Par lettre citée en référence, vous m'avez.adressé le texte d'une pétition adressée parM. Kedjtout Salah demandant soit sa nomi­nation en qualité de caïd, .soit une concession.en Algérie.

Il résulte des recherches (entreprises dansles services intéressés ,que le .pétitionnairebien que mutilé de guerre 1914-1918 et am­puté de la jambe droite, n'a jamais posé sa•candidature à l'emploi de caïd au titre desemplois réservés aux anciens militaires.

Toutefois, M. Kedjtout Salah avait été agréépour subir les épreuves du concours de caïdà titre civil qui a eu lieu le 5 octobre derniermais il ne .s'est pas présenté à la -sessionid'examen.

"Par ailleurs, 'M. Kedjtout Salah se plaintdans sa -requête de. ne -pas avoir encore ob­tenu la 'concession gratuite de terres qu'il asollicitée depuis de longues années.

A ce sujet, l'intéressé a été avisé par l'in­termédiaire de M. le préfet de Constantineta la date du 26 août 1946 que la .situation<jetait telle qu'il y avait impossibilité matérielle4 ce qu'il pût obtenir satisfaction.

Signé: R. MARCEIXIN,

'Pétition n° 20. — M. Louis 'Pillault, Bon­neuil-Matours (Vienne), demande uneexonération partielle du payement d'uneamende.

Cette pétition a été renvoyée le 8 mars!1949 sur le rapport de M. Robert LeGuyon, au nom de la commission du suf­frage universel, du contrôle constitution­nel, du règlement et des pétitions, auministre des finances et des affaires écono­miques.

Réponse de M. le ministre des financeset des affaires économiques.

Paris, le 30 mai 1949.Monsieur ,1'e président,

Par lettre du 11 avril 1949, vous avez bienvoulu me transmettre une pétition deM. Louis Pillault, marchand de chevaux uiBonneuil-Matours (Vienne), qui sollicite l'exo-œération des sommées dont il reste redevableau titre de la confiscation des profits illicites.J'ai l'honneur de vous faire connaître que

par une décision rectificative du 26 novembre1947, le comité départemental a réduit trèssensiblement le montant de la confiscation et

annulé purement et simplement l'amendeprécédemment infligée à l'intéressé.A la suite de cette mesure bienveillante

•qu'il a acceptée, M. Pillault s'est désisté de;son recours formé devant le conseil supérieuret la décision rectificative du comité est ainsidevenue définitive.

J'ajoute que la procédure de remise gracieuse n'est pas applicable en matière de con­fiscation des profits illicites, mais que delarges délais de payement ont été accordésau redevable pour se libérer de la oonliscationtrès modérée laissée à. sa charge.

Veuillez agréer, Monsieur le président, l'as­surance de ma haute considération.

Putrle secrétaire d'État et par autorisation:Le directeur du cabinet,

Signé: illisible. ■

Pétition n°..21. — Mme Morlet, 148, rueLegendre, Paris (17°), demande des indem­nités de dommages de guerre.Cette pétition a été renvoyée. le 8 mars

1949, sur le.rapport de M. RaymondDronne au nom,de la commission du suf­frage universel, du contrôle constitution­nel, du règlement et des pétitions au mi­nistre de la reconstruction et de "l'urba­nisme.

Réponse de M. le ministrede la reconstruction et de l'urbanisme.

Paris, le 19 mai 1949.

•Monsieur le président,

J'ai l'honneur de vous retourner, ci-joint, lapétition n° 21, émanant de Mme Morlet, de­meurant 148, rue Legendre, à Paris, et sinis­trée .à Tilloy-Bellay.

■Plusieurs enquêtes ont -été effectuées, ausujet de cette affaire, à la demande de mondélégué départemental de Ch-âlons-sur-Marne.Elles ont permis d'établir que Mme Morletavait fourni des renseignements inexacts ence qui concerne 'l'origine -des dégâts causésà sa ferme. Par ailleurs, et surtout, la com­mission locale des dommages . de guerre «estimé que la liste des meubles pillés, dépo­sée par Mme Morlet à l'appui de sa demandeétait nettement exagérée.J'ai invité, en conséquence, mon délégué

départemental à transmettrf le dossier au pro­cureur de la République, , seul compétent pourapprécier si Mme Morlet tombe sous le coupde l'article 72 de la loi du 28 octobre 1946,qui réprime les fausses déclarations. Monadministration étant actuellement désusie de

ce dossier, Mme Morlet a donc intérêt à soumettre directement au procureur de la Répu­blique tous les documents qui lui paraissentde nature à démontrer sa bonne foi. Dès quele procureur m'aura fait connaître sa déci­sion, l'étude du dossier sera reprise sur leplan administratif.

Veuillez agréer, Monsieur le président, l'as­surance de ma haute considération.

Pour le ministre et par délégation,

Le maître des requêtes au conseil d'État,directeur du cabinet,Signé: R. BOPDAZ

'Pétition n° 22. — M. Ernest Kern 2, ruede la Vantzenaù, à Strasbourg - Rofoertsaù(Bas-Rhin), demande la libération de sonfils.

Cette pétition a été renvoyée le 8 mars1949, sur le rapport de M. Robert Le Guyon,au nom de la commission du suffrage uni­versel, du contrôle constitutionnel, du rè­glement et des pétitions, au ministre deia défense nationale.

Réponse de M. .le ministrede la défense nationale.

.Paris, le 23 mai 1949.

Monsieur le président,

Par lettre du 11 avril 1919, vous avez bienvoulu me transmettre la pétition de M. Kern,classée au rôle général sous le n° 22.J'ai l'honneur de vous faire connaître que

la demande de M. Kern n'est pas susceptiblede recevoir satisfaction.

Le fils de ce dernier ne rentre dans aucunedes catégories de jeunes gens pour lesquels laloi prévoit des allégements aux obligations mi­litaires, car la qualité de soutien de famille.elle-même, n'est pas -suffisante pour justifierde tels allégements, et ce militaire ne béné­ficie même pas de cette qualité.

'Par ailleurs, ce jeune appelé a déjà béné­ficié d'une mesure de faveur en raison de sasituation de famille, et à ce titre, a été incor­poré à proximité de son domicilg. . ' '

M. Kern a été avisé personnellement par lessoins de' M. le secrétaire aux forces armées(guerre)" dé' la suite pouvant 'être donnée à s«requête... . .Veuillez. .agréer, monsieur le président, tfa*

surance de ma haute considération,• ■ : "Pour le ministre de la défense national»

et par ordre :

Le directeur adjoint du cabinettSigné: Illisible.

Pétition n° 23. — Mme Collery, 10, ru^Sainte-Suzanne, à Liesse (Aisne), demandaà obtenir un secours.

Cette pétition a été renvoyée le 13 avril1949, sur le rapport de M.. Robert Le Guyon,au nom de la commission du suHrageuni-versel, du contrôle constitutionnel, du rè­glement et des pétitions, au ministre de 1$santé publique et de la population.

Réponse de M. le ministre de la santépublique et de la population.

Paris, le 26 juillet 1949,

Monsieur le président,

Par votre communication citée en référence,vous avez bien voulu me transmettre le dos­sier d'une pétition qui vous a »é té adresséepar Mme Collery, demeurant 10, rue Sainte-Suzanne, à Liesse (Aisne).L'intéressée, -âgée de 84 ans .et dépourvu®

de ressources, désirerait, étant déjà titulairede l'allocation temporaire aux vieux instituéepair la loi du 13 septembre 1946, obtenir lebénéfice d'une autre forme d'entr'aide .so­ciale.

J'ai l'honneur de vous faire connaître quej'ai saisi de cette requête M. le préfet del'Aisne en -lui demandant d'examiner avecbienveillance la - possibilité d'admettre cettepostulante au bénéfice de l'assistance auxvieillards, infirmes et incurables dont les al­locations peuvent, en vertu des dispositionsde la loi du 12 mars 1949, se cumuler avecl'allocation temporaire aux vieux.

Le ministre,Signé : .PIERRE SCHNEITER.

QUESTIONS ,ORAREMISES A LA PRÉSIDENCE

DU CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUELE ;8 DÉCEMBRE 1919

Application des articles 84 à 66 du règle­ment, ainsi conçus:-« Art. 84. — Tout sénateur' qui désire poserune question orale au Gouvernement en remetle texte au président du Conseil de la Répu­blique, qui le communique au Gouvernement.

« Les questions orales doivent être sommai­rement rédigées et ne contenir aucune impu­tation d'ordre personnel à l'égard de tiersnommément désignés ; sous réserve de ce quiest dit à l'article 67 ci-dessous, elles ne peu­vent être posées que par un seul sénateur,

* Les questions orales sont inscrites sur -unroie spécial au fur et à mesure de leur dépôt.

« Art. 85. — Le Conseil de la Républiqueréserve, chaque mois, une séance pour lesquestions orales posées par application del'article 84. En outre, cinq d'entre elles sontinscrites, d'office, et dans l'ordre de leur ins­cription au rôle , en tête de l'ordre du jour dechaque mardi.

* Ne peuvent être inscrites d l'ordre du jourd'une séance que les questions déposées huitjours au moins avant £ette séance.

« Art. 86. — Le. président appelle les ques­tions dans l'ordre de leur inscription au rôle.Après en avoir rappelé les termes, H donne lamrolé au piinisfrg, . .

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2677

« L'auteur de la question, ou l'un de ses rot-lègue désigné par lui pour le suppléer, peutseul répondre au ministre ; il doit limiter stric­tement ses explications au cadre fixé par letexte de sa question, ces explications ne peu­vent excéder cinq minutes« Si l'auteur de la question ou son suppléant

est absent lorsqu'elle est appelée en séancepublique, la question est reportée d'of/ice i lasuite du rôle.

« si te ministre intéressé est absent, laquestion est reportée à l'ordre du jour de laplus prochaine séance au cours de laquelledoivent être appelées des questions orales.

94.- 8 décembre 1919. — M Albert Denversdemande à M. le sous-secrétaire d'État à lamarine marchande: 1» comment il envisagede sauvegarder les intérêts des pêches mari­times dans le cadre des accords économiquesde l'O. E. C. E., à propos de la liberté deséchanges; 2° s'il enlend pouvoir mesurer leseffets de la suppression des contingentementssur l'avenir de l'armement à la pêche commesur celui de l'industrie des pêches maritimes:3° s'il estime devoir, pour la protection qu'ildoit aux travailleurs de la mer dans l'exer­cice de leur profession et à toutes nos popu­lations maritimes, maintenir ou aménager lesdroits de douanes qui frappent aujourd'huicertaines espèces du poisson importé.

QUESTIONS ÉCRITES- REMISES A LA PRÉSIDENCE

DU CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUELE 8 DÉCEMBRE 1949

Application des articles 82 et 83 du règle­ment ainsi conçus:

« Art. 82. — Tout sénateur qui désire poserune question écrite au Gouvernement en re­met le texte au président du Conseil de la Ré­publique, qui le communique au Gouverne-ment.

« Les questions écrites doivent être som­mairement rédigées et ne contenir aucuneimputation d'ordre personnel à l'égard detiers nommément désignés; elles ne peuventêtre posées que par un seul sénateur et à unseul ministre.o

« Art. 83. — Les questions écrites sont pu­bliées à la suite du compte rendu in extenso;dans le mois qui suit cette publication, lesréponses des ministres doivent également yÊtre publiées.

« Les ministres ont toutefois la faculté detàéclarer par écrit que l'intérêt public l<\irinterdit de répondre on, fi titre exceptionnel,qu'ils réclament un délai supplémentaire pourrassembler les éléments de leur réponse; cedélai supplémentaire ne peut excéder unmois.

. « Toute question écrite à laquelle il n'a pasrépondu dans les délais prévus ci-dessus estconvertie en question orale si son auteur ledemande. Elle prend rang au rôle des ques­tions orales à ta date de cette demande lieconversion. »

ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMESDE LA GUERRE

1220. — 9 décembre 1919. — M. JosephLasalarié demande à M. le ministre des an­ciens combattants et victimes de la guerre:d° s'il existe un fonds spécial pour la réédu­cation des mutilés de guerre; 2° par qui etcomment est alimenté ce fonds;' 3° quel estl'organisme qui paye le montant des journéesde rééducation des mutilés de guerre dansles écoles de rééducation professionnelle.

DEFENSE NATIONALE

1221. — 8 décembre 1919. — M. Albert La­marque demande à Ml le ministre de la dé­fense nationale pour quelle raisons la liqui­dation des pensions de l'armée et de la ma­rine nécessite des délais aussi longs, variantde dix à douze mois et même plusieurs an­

nées; signale: 1® que les intéressés attendentquelquefois six ou huit longs mois avant depercevoir leur titre d'allocation d'attente; 2°que ceux qui sont liquidés après deux ou troisans d'attente, ne perçoivent que la pensionancienne sans la péréquation, ce qui obligerales services liquidateurs à reprendre encoreune fois ces dossiers pour opérer les nouveauxcalculs; et demande quelles mesures ilcompte prendre pour M ter la liquidation deces pensions afin d'éviter une véritable misèrechez les intéressés de grades inférieurs.

| 1222. — 8 décembre 1919. — M. Albert La­marque demande à M. le ministre de la dé­

• lense nationale combien il existe d'officiersgénéraux ou assimilés dans l'armée de terre,de l'air et de la marine par spécialité et quelest également le nombre de colonels, de ca­pitaines de vaisseaux ou de grades assimilésdans l'armée de terre, de l'air et de la ma­rine par spécialité.

MARINE

1223. — 8 décembre 1919. — M. Albert La­marque demande à M* le secrétaire d'État auxforces armées (marine): 1» quelles sont sesintentions au sujet de la note 1872/2 qui luia été adressée le 1er juillet 1948 (directioncentrale des travaux immobiliers et mariti­mes par la direction des travaux maritimes dela 3« région) ; 2° ivant d'engager des dé­penses aussi considérables se chiffrant par desdizaines de milliards, lui demande si l'op­portunité d'une telle dépense est vraiment né­cessaire pour la défense nationale, la sécuritéde la nouvelle usine à construire étant desplus aléatoire et illusoire avec l'utilisation desarmes nouvelles; 3° après examen attentif duparagraphe précédent lui demande s'il n'y apas lieu de rejeter purement et simplementun tel projet afin d'épargner les finances del'État et de permettre aux particuliers de per­cevoir leurs dommages de guerre, de recons­truire et de cultiver leurs terres; 4° d'envisa-'ger les ordres nécessaires pour que les dé­penses engagées (levées de plans, déplace­ment de personnel, établissement de dossiers;cessent immédiatement; 5° de prévenir leM.R.U. que le projet est sans suite et qu'ilconvient de payer sans retard les dommagesde guerre aux propriétaires sinistrés de cettezone en leur donnant le droit de disposer entoute liberté de leurs biens.

ÉDUCATION NATIONALE

1224. — 8 décembre 1949. — M. Fernand Au­berger demande à M. le ministre de l'éduca­tion nationale: 1» la référence des textes lé­gislatifs qui autorisent la Société des auteurset compositeurs à percevoir les droits d'au­teur à l'occasion de manifestations dont leprogramme comporte l'exécution de morceauxde musique, de chants, de pièces de théâtre,etc...; 2° la référence des textes officiels quifixent le barème que doit appliquer laditesociété; 3° si des conditions particulières sontprévues en faveur des groupements de bien­faisance et des communes; 4° si la gestion dela Société des auteurs et compositeurs, ainsique l'utilisation des fonds qu'elle recueillesont soumis au contrôle des organismes offi­ciels.

1225. — 8 décembre 1949. — M. Camille* Héline demande à M. le ministre de l'édu­cation nationale les motifs du retard apportéà la publication des échelles de traitementsde l'intendance et de l'économat, et quellesmesures il compte prendre pour hâter laparution des statuts de ces fonctionnaires.

1226. — 8 décembre 1949. — M. Albert La­marque demande à M. le ministre de l'édu­cation nationale pour quelles raisons le dé­cret du 6 juin 1946, n® 46-1358, limite l'admis­sion de certains postulants dans les écolesnormales À l'âge de 25 ans, sans tenircompte des services militaires ou de la résis­tance, alors que dans toutes les autres admi­

nistration la limite d'age est reculée d'unedurée égale aux services militaires ou de larésistance; et demande quelles mesures pour­raient être prises pour rétablir les droits deces jeunes gens lésés par l'application dudécret précité qui paraît incomplet.

Enseignement technique.

1227. — 8 décembre 1919. — M. Paul Sym»phor expose à M. le secrétaire d'État à l'en­seignement technique, à la jeunesse et auxsports qu'en réponse à une question oralesans débat de Mme Devaud, M. le secrétaired'État a précisé à la séance du 6 décembre:« que les associations sportives des deux dé­partements des Antilles et de la Guyane sontsubventionnées comme des associations deidépartements métropolitains; qu'elles perçoi­vent des crédits de fonctionnement d'une pari

-et d'autre part des crédits pour certainesépreuves de masses »; et demande: 1° lemontant des subventions accordées à chacundes départements d'outre-mer pour les an­nées 1948 et 1949 soit pour leur fonctionne­ment, soit pour épreuves de masses; 2° lemontant global des subventions attribuéesau cours de ces mêmes années à l'ensem­ble des départements métropolitains à cesdeux titres; 3® les mesures qu'il comptaprendre pour que la construction « de pla­teaux scolaires de terrains d'entraînement

et de gymnases » soit effectivement entreprisedès le début de 1950 dans les conditionsoù ils l'ont été cette année sur le territoiremétropolitain où, selon les propres déclara­tions de M. le secrétaire dEtat, un créditde 2 milliards de francs a été utilisé *cet effet.

Finances et affaires économiques.

1228. — 8 décembre 1949. — M. Emile Cla­parède rappelle à M. le ministre des financeset des affaires économiques que la loi du5 juillet 1949 ;art. 29) permet l'utilisation detitres de l'emprunt libératoire, de prélève­ment exceptionnel pour la libération ftl'augmentation du capital social des coopé­ratives agricoles; et demande, en raison desdifficultés financières éprouvées par les vigne­rons pour effectuer des versements impor­tants de ce genre, à quelle date il compteprendre, après quatre mois, le décret d'ap­plication de la loi précitée.

1229. — 8 décembre 1919. — M. Albert La­marque expose à M. le ministre des financeset des affaires économiques qu'un fonction­naire en retraite — ayant repris du servicedans une administration de l'État — a étéi'objet, de la part du Trésor, d'une retenue*assez élevée sur les arrérages de sa pension,bien qu'il fût en congé de maladie, et de­mande si ces prélèvements sont réguliers; etremarque que la réglementation relative aucumul ne semble s'appliquer qu'aux traite­ments d'activité et qu'en l'occurence l'inté­ressé n'a jamais été en possession d'un ordrede reversement, ni "d'un titre de créanceayant pu lui permettre de se pourvoir devantla juridiction compétente.

1230. — 8 décembre 1919. — M. Georges La­mousse expose à M. le ministre des financeset des affaires économiques que le para­graphe III de l'article 36 de la loi n° 48-1150du 20 septembre 1918 portant réforme du ré­gime des pensions civiles et militaires estainsi libellé « le conjoint survivant d'unefemme fonctionnaire peut prétendre à unepension égale à 50 p. 100 de la pension d'an­cienneté ou proportionnelle obtenue par elleou qu'elle aurait obtenue le jour de son dé­cès... » permettant ainsi sous certaines con­ditions la revision de la pension de la femmefonctionnaire au bénéfice du conjoint survi­vant; et lui demande si cette disposition a uncaractère rétroactif et si en particulier le con­joint survivant d'une femme fonctionnaire dé­cédée le lor novembre 1940, remplissant parailleurs les conditions requises, peut bénéfi ­cier des dispositions de la loi du 20 septembre1918 .(«rt. 36, $ III).

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2678 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1959

1231. — 8 décembre 1949. — M. MarcelLéger signale à M. le ministre des financeset des affaires économiques que de nombreuxsinistrés occupant des construc tions provi­soires sont encore invitas par l'administrationà souscrire un engagement prévoyant le paye­ment rétroactif d'un loyer; et demande quanddes instructions seront données aux servicesintéressés leur précisant que, conformémentaux engagements pris par M. le ministre dela reconstruction et de l'urbanisme au nom

du Gouvernement, aucun loyer n'est à perce­voir antérieurement au 1« janvier 1949.

1232,. — 8 décembre 1949. — Mme JaneVialle demande à M. le ministre des financeset des affaires économiques: 1° à quelles for­malités sont soumises les sociétés nationali­sées pour acquérir des immeubles, passer desbaux à long terme et transformer des locauxà usage d'hôtel en locaux commerciaux; 2° siles mêmes formalités sont imposées aux socié­tés immobilières dont les sociétés nationali­sées possèdent la majorité des actions.

FRANCE D'OUTRE-MER

1233. — 8 décembre 1919. — M. Luc Durand-Reville demande à M. le ministre de la Franced'outre-mer les suites que le Gouvernementenvisage de donner aux résolutions votéespar le Conseil de la République dans sesséances du 20 juillet 1919 et du 24 novem­bre 1919, et tendant à l'inviter à attribuer lacroix de la Légion d'honneur aux villes deDouala, Fort-Lamy, Brazzaville, Bangui et Li­breville, en raison de» leur action en face dela défaite et à l'armistice de juin 1910.

1234. — 8 décembre 1919. — M. Gaston La­garrosse demande à M. le ministre de laFrance d'outre-mer: A) quelle est la situationde la caisse de soutien du cacao à la fin de

la campagne 1913-1919, en francs C. F. A.;B) quel est le montant des recettes par cam­pagne depuis sa création; C) quel est le mon­tant des dépenses, également par campagne:4" dépenses pour travaux exécutés au béné­fice des planteurs de cacao; 2" dépenses. dé­terminées par pertes sur ventes: a) ventessur l'étranger, b) ventes sur la métropole,c) conséquences de la dévaluation; D) quellessommes ipeuvent espérer récupérer les plan­teurs de cacao après ces différentes opéra­tions, au titre « -fonds de soutien » but ini­tial de ladite caisse lors de sa création.

RECONSTRUCTION ET URBANISME

1235. — 3 décembre 1919. — M. Albert Den­vers expose à M. le ministre de la reconstruc­tion et de l'urbanisme qu'un conseil munici­pal, répondant en cela au désir général de lapopulation, a rejeté le projet du plan d'amé­nagement et d'extension présenté par les ser­vices du M. R. U.; que le commissaire enquê­teur a estimé dans son rapport que les récla­mations formulées à l'enquête mériteraientd'être examinées avec la plus sérieuse atten-

' lion en vue de rendre le plan acceptable; quela chambre de commerce a, de son côté, con­firmé certaines positions prises par rassem­blée communale; que malgré toutes ces don­nées et tous ces avis, le délégué départemen­tal à la reconstruction invite l'assemblée com-

. munale à délibérer sur le schéma de prise en' charge des dépenses et continue l'instruction

de l'affaire tout comme si le conseil munici­

pal n'existait pas; ct lui demande: 1° parf quelle autorité sera tranché le dilférend entre

la municipalité et le M. R. U., l'un et l'autrerestant sur leur position; 2° si, dans l'état ac­tuel de l'instruction du projet d'aménagement,non encore déclaré d'utilité publique, les ser­vices du M. R. U. peuvent délivrer à certainsadministrés, de la commune des permis debâtir; 3° s'il conçoit que dans le cas dont ils'agit, l'arbitrage doit être rendu par le mi­nistre de la reconstruction et si, dans l'affir­mative, il ne pense pas qu'il ferait office dejuge et partie, en raison même des positionsdéfendues, en l'occurrence devant le conseilmunicipal, par les services départementaux dela reconstruction,

1236. — 8 décembre 1949. — M. Albert La­marque expose à M. le ministre de la recons­truction et de l'urbanisme l'intérêt qu'il yaurait à décider en bloc la main levée deshypothèques qui avaient été prises par sesservices sur les immeubles ayant bénéficiédes travaux d'office; signale que ces hypo­thèques qui ne sont plus obligatoires gênentconsidéraèlerment de nombreux sinistrés quidoivent se soumettre à des démarches trèslongues pour obtenir cette main levée, d'oùperte de temps et paperasserie inutile; et de­mande quelles mesures seront prises pourdonner satisfaction à sa requête.

POSTES, TÉLÉGRAPHES, TELEPHONES

1237. — 8 décembre 1919. — M. Paul Robert

signale à M. la ministre des postes, télé­graphes et téléphones le cas particulier dessalariés du secteur privé utilisés occasionnel­lement dans ses services pour le remplace­ment des agents de la distribution et qui nebénéficient pas des prestations familiales duchef de leurs activités administratives parsuite de l'insuffisance de leur situation, et luisouligne l'injustice dont sont victimes cesauxiliaires en vertu des dispositions du décretdu 21 avril 1918 complété par l'arrêté du6 août 1918, et lui demande s'il n'envisagepas la possibilité d'une réglementation nou­velle qui ne lèse pas d'une façon aussi fla­grante les intérêts légitimes de cette catégoriede travailleurs.

TRAVAIL ET SÉCURITÉ SOCIALE

1238. — 8 décembre 1949. — M. Paul Giau­que demande à M. le ministre du travaH etde la sécurité sociale quel est le régime dosécurité sociale auquel doit être assujettiela catégorie des sténodactvlographes bénéfi­ciant d'une rémunération horaire et travail­int au service de plusieurs employeurs; si

•t-ile peut se voir accorder le bénéfice du ré­gime spécial- applicable dans les villes demoins de 100.000 habitants, aux gens de mai­son (couturières, blanchisseuses", etc.) tra­vaillant à l'heure ou à. la journée, chez plu­sieurs employeurs, auxquels autorisation estdonnée de percevoir eux-mêmes la cotisationpatronale et d'en effectuer le versement à lacaisse de sécurité sociale.

1239. — 8 décembre 1959. — M. Albert La­marque demande à M. le ministre du tra­vail et de la sécurité sociale: 1° si deuxconjoints, tous deux retraités d'une admi­nistration de l'État, doivent obligatoirementcotiser à la sécurité sociale ou si le chef de

famille doit seul payer ses cotisations puis­que, comme tous les autres assujettis, safemme bénéficie légalement des prestationsde la sécurité sociale; 2° si, le chef de familleétant encore en fonction, et ses cotisationsétant retenues sur ses émoluments, sa femmeretraitée doit aussi payer ses cotisations ;3® si oui, dans les deux cas, la femme estlésée vis-à-vis des autres citoyens dont lafemme n'a exercé aucune fonction ou aucunemploi.

TRAVAUX PUBLICS, TRANSPORTSET TOURISME

Marine marchande.

1240. — 8 décembre 1949. — M. Albert La­marque expose à M. le sous-secrétaire d'Étatà la marine marchande l'intérêt évident pourles pêcheurs de percevoir trimestriellementles redevances sur les rôles de pêche; signaleque la grande majorité des pêcheurs ne peu- .vent, en effet, payer une somme aussi im­portante semestriellement; que la manièrenouvelle d'opérer aurait le grand avantagede faciliter la trésorerie d'une catégorie inté­ressante des travailleurs de la mer qui contri­bue pour une large part au ravitaillementgénéral du pays; et demande de lui indiquerà partir de quelle date il serait en mesure dedonner satisfaction à cette juste doléance.

RÉPONSES DES MINISTRESAUX QUESTIONS ÉCRITES

PRÉSIDENCE DU CONSEIL

Fonction publique.

1102. — M. Jules Pouget demande à M. lesecrétaire d'£tat à ta fonction publique et laréforme administrative: 1° si, à l'occasion dela refonte d'un corps administratif métropo­litain Le nouveau statut envisagé peut imposeraux fonctionnaires de ce corps, en mémotemps qu'une sélection à 10 p. 100 lors del'intégration, -l'obligation de servir dans lesterritoires et départements d'outre-mer sansu'une amélioration générale des anciens in-ices, fixés avant réforme, soit prévue;

2° quels seraient, d'après les normes £è UJonction publique, et en pourcentage, leseffectifs idéaux à affecter à chaque classepour permettre un avancement normal, dansun corps administratif de catégorie A quicomprendrait: c) une classe fonctionnelle àdeux échelons; b) trois classes comportantrespectivement trois échelons, quatre éche­lons, cinq échelons et un écnelon de stage,l'avancement moyen iirévu étant attribué ideux ans, l'avancement minimum à un anet demi et la durée du stage d'un an; 3° si, à-l'occasion de la refonte dudit corps, il estpossible d'insérer des dispositions telles queles fonctionnaires non intégrés, sans avoirdémérité, verraient les avantages de carrièreréduits par suppression du grade supérieur etaggravation considérable des possibilitésd'avancement. (Question du 15 novembre1919.) ■

Réponse. - lo La revision des statuts par­ticuliers effectuée en application- de l'ar­ticle 141 de la loi du 19 octobre 1916, peutéventuellement, si l'administration le jugeindispensable, donner lieu à la création d«corps nouveaux mieux adaptés par leur ni­veau de recrutement aux tâches incombantaux fonctionnaires qui en feront partie. Tou­tefois, les agents appartenant à certains ca­dres existants du département intéressé,peuvent éventuellement être appelés à béné­ficier des dispositions transitoires exception­nellement favorables, les dispensant des con­ditions normales d'accès aux corps ainsicréés (concours ou examens professionnels,diplômes, etc...) mais exigeant, en contre­partie, un pourcentage maximum d'intégra­tion variable d'ailleurs en fonction des situa­tions particulières (donc inférieur, égal ousupérieur suivant les cas aux 70 p. lOu men­tionnés dans la question). L'administrationest seule juge des nécessités du service quipeuvent rendre indispensable une affectationoutre-mer. Toute- transformation d'emploispeut donner lieu à une revision des indicesattribués au corps primitif. 11 est d'ailleurspossible que les modifications ainsi interve­nues soient de faible ampleur ou que mêmeles sommets de carrière demeurent inchan­gés ; 2» le problème d'un pyramide idéale vi-lable pour un corps de la catégorie A ne peutêtre résolu m abstracto. Le niveau de qualifi­cation des agents qui en feront partie, l'exis­tence ou l'absence de débouchés, les effectifsglobaux et la durée moyenne d'une carrièrenormale permettront, dans chaque cas, dedéterminer 1« répartition des agents A l'in­térieur des différents grades. 3» il ne faut pasoublier que l'article 5 du statut générai aposé le principe que « le fonctionnaire estvis-à-vis de l'administration, dans une situa­tion statutaire et réglementaire ». L'adminis­tration peut donc, à tout moment, si elle lejuge nécessaire, en vue d'un bon fonctionne­ment des services, modifier le déroulementdes carrières prévues dans un texte statutaire ,antérieur. Elle peut même, si elle estime quele niveau de qualification de certains cadresn'est plus en rapport avec la nature destâches à elle imparties, envisager la créationde corps nouveaux sans qu'aucune intégra­tion de fonctionnaires des cadres existants nepuisse y être opérée. Dans cette hypothèse,ces derniers n aintenus dans un cadre d'ex­tinction, peuvent conserver lé bénéfice de leurancien statut; au fur et à mesure de leurdépart, ils sont remplacés par les agents dunouveau corps.

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CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2679

FINANCES ET AFFAIRES ÉCONOMIQUES

647. — M. Paul Driant demande à M. le mi­nrstre des finances et des affaires économiquessi un immeuble ayant lait l'objet d'une spolia­tion qui représente elle-même un dommage de-guerre lait l'objet d'une prolongation de la pé­riode d'exonération d'impôts fonciers au mêmetitre qu'un immeuble sinistré et pour une du­rée égale à celle pendant laquelle il a étéinutilisable par son propriétaire; précise queCette question fait suite à la question écriteposée à M. le ministre des finances parM. Jaouen, sénateur du Finistère, sous len° 51 et poux laquelle la réponse a été affir­mative. (Question du 19 mai 1940.).Réponse. — Les exemptions fiscales de droit

étroit, la mesure à laquelle il est fait allusiondans la question ne peut être étendue à. descatégories d'immeubles autres que celle qui estexpressément visée par l'article 45 de la loi du31 décembre 1945 qui a édicté cette mesure.La question posée comporte, dès lors, une ré­ponse négative. .

882. — M. Henri Cordier expose à M. le mi­nistre des finances et des affaires économiquesles différences d'interprétation apportées parle contrôle dans l'imposition des tracteurs agri­coles à la taxe des prestations et demande lesmodalités d'assiette de la taxe, et notammentau regard de la qualité du propriétaire (exploi­tant individuel, coopérative d'utilisation dematériel) de la force en C. V. (à la poulie ouà la traction) de l'adjonctiffn ou non d'uneremorque. (Question du 8 juillet 1949.).

Réponse.' — Les tracteurs agricoles.sont pas ­sibles de la taxe des prestations dès l'instantoù ils ne font pas corps avec un instrumentde culture — c'est-à-dire si, pouvant être sé­parés de cet instrument, ils ne forment pasavec lui une seule et même machine — sansqu'il y ait lieu de distinguer suivant qu'ilssont possédés par un exploitant individuel oupar une coopérative. La puissance en chevaux-vapeur A retenir pour le calcul de cette taxeest la puissance à la traction, à l'exclusionde la puissance plus élevée dite au frein ouà la poulie. Quant aux remorques atteléesaux tracteurs agricoles, elles sont égalementpassibles de la taxe des prestations, indépen­damment de ces tracteurs, par application del'article 320 du code général des impôts directs.

985. — M. Robert Brizard demande à M. leministre des finances et des affaires économi­ques: 1° si sont englobées dans la revalori­sation des rentes viagères, les rentes consti­tuées par les anciens combattants auprès dequelques organismes spécialisés et habilitéspar le Gouvernement; 2° pourquoi avoirmaintenu l'impôt cédulaire sur les retraitesciviles des cadres, alors qu'il a été aboli pourtoutes les autres formes de profit. (Question(tu 4 octobre 1949.)

Réponse. — 1° La loi du 4 mai 1918 a ma­joré, sous certaines conditions, les rentes via­gères constituées, antérieurement au 1er jan­vier 1946, auprès de la caisse nationale des re­traites pour la vieillesse. La loi dû 9 juin 1918a étendu le bénéfice des majorations insti­tuées par la loi précitée aux anciens combat­tants bénéficiaires de la loi du 4 août 1923qui se sont constituées- des rentes viagèresauprès des caisses autonomes mutualistes.Bénéficient donc de ces dispositions nouvel­les, d'une part, les anciens combattants titu­laires de la médaille interalliée ou de lacarte du combattant délivrée pour les opéra­tions de la guerre 1914-1918 et d'autre part,les veuves, orphelins et ascendants de com­battants morts pour la France au cours de laguerre précitée; 2° l'exonération de la taxeproportionnelle de l'impôt sur le revenu despersonnes physiques que l'article' 70 du dé­cret du 9 décembre 1948 portant réforme fis­cale prévoit h l'égard des traitements et sa­laires et des pensions de retraite est la contre­partie du versement forfaitaire de 5 ou de 3 p.cent effectué au Trésor par le débiteur deces traitements et salaires et de ces pensions.Ce régime, qui- est obligatoire en ce qui

concerne les traitements et salaires ainsi queles pensions de retraite payées par l'État etles collectivités publiques est également appli­cable, en vertu de l'article 70 susvisé du dé­cret du 9 décembre lfliS et de l'article 1er dudécret du 1er mars 1949 aux pensions serviespar les caisses de retraite déterminées pararrêté du ministre des finances. C'est auxcaisses qu'il. appartient de demander l'auto­risation d'effectuer le versement forfaitairede 3 p. 100. Lorsqu'elles ont usé de cettefaculté, les pensions dont elles assurent lepayement donnent lieu au versement for­faitaire et sont corrélativement exonérées dela taxe proportionnelle entre les mains desbénéficiaires, au même titre que les traite­ments et salaires et les pensions de retraiteservies par l'État et les collectivités publi ­ques.

986. — M. Roger Carcassonne demande aM. le ministre des finances et des affaireséconomiques si un fonctionnaire réintégréconformément aux dispositions de l'ordon­nance du 29 novembre 1911 peut, pour per­mettre l'application de l'article 8, paragra­phe 3, alinéa a, de ladite ordonnance, tenircompte, dans sa déclaration sur l'honneur desrémunérations perçues, des charges excep­tionnelles qui résultaient pour lui du fait quel'emploi occupé l'obligeait à des frais detransports quotidiens- importants. (Questiondu 18 octobre 1949.)

Réponse. — Une instruction générale du2 décembre 1914 a donné toutes les précisionsnécessaires à l'application de l'ordonnancedu 29 novembre 1944. S'agissant du pointparticulier évoqué par l'honorable parlemen­taire, il y a lieu de consulter le Journal offi­ciel du 5 décembre 1944, page 1671, où setrouvent exposées les conditions dans les­quelles doivent être déduits les revenus pro­fessionnels acquis à un titre quelconque pen­dant la période d'éviction.

993. — M. Yves Esteve signale a M. le mi­nistre des finances et des affaires économi­ques que, se basant sur une D.M.F. 1937,l'administration de l'enregistrement,, sur le vud'un acte oc prêt à moyen terme consentipar une caisse régionale de crédit agricolemutuel, prévoyant la constitution d'une ga­rantie hypothécaire et autorisant la créationde billets à ordre en représentation de l'obli­gation, exige le droit proportionnel de 1 p. 11)0(antérieurement au 1« janvier 1949) au tarifmajoré de 5 p. 100 lorsque l'affectation hy­pothécaire n'est pas restreinte à l'obligationprincipale et s'applique par suite égalementaux effets souscrits en représentation duprêt, et demande le droit dû sous l'empirede la loi en vigueur au 7 juin 1947 sur untel acte d'obligation, et ajoute que, lorsqueles billets ont été destinés à être escomptéspar la caisse régionale à l'ordre de la caisselocale du lieu du prêt et que l'acte conte­nant l'affectation nypotbécaire a restreintcette dernière à la caisse régionale premièreprêteuse, les effets de l'affectation hypothé­caire ne peuvent pas profiter à la caisse lo­cale. (Question du 3 novembre 1949.)

Réponse. — Sous réserve d'un examen destermes de i'acte et des circonstances parti­culières de l'affaire le contrat de prêt viséci-dessus donnait ouverture au droit de i p.100 prévu par l'article 423 ancien du codeoe l'enregistrement, si le bénéfice de l'affec­tation hypothécaire était expressément ré­servé à la caisse régionale, première prê­teuse, et au droit de 5 p. 100 édicté par l'ar­ticle 424 ancien du même code, dans le cascontraire.

994. — M. Yves Estève signale à M. le mi­nistre des finances et des affaires économi­ques que, sur un acte de vente d'immeublesinistré par faits de guerre, acte dressé en1947 sous la condition suspensive de l'auto­risation du tribunal pour le transfert de l'in­demnité. l'administration de l'enregistrementperçoit le droit fixe; que, sur l'acte de réali­sation dressé en la même année 19Î7 arwès

autorisation du tribunal, le droit proportion­nel de vente, seul, est perçu; et demandesi le droit dé quittance était exigible au mo­ment de l'enregistrement de l'acte de réali­sation, comportant lui-même quittance duprix. (Question du 3 novembre 1949.)Réponse. — Réponse affirmative,, observa­

tion faite que le droit fixe perçu lors de l'en-renistrement ce l'acte conditionnel était im­putable our le droit proportionnel de venterétroactivement exigible sur cet çcte.

. 1014. — M. Gabriel Tellier demande à M. leministre des finances et des affaires écono­miques si le service des contributions directesdoivent toujours être en possession d'un car­net do souches des titres de mouvement deblés, donV la dernière souche date de 1915.(Question du 4 octobre 1949.)Réponse■. — Aux termes de l'article 50 du

décret du 1™ Germinal an 13, l'administrationdes contributions indirectes est déchargée dela garde des registres des recettes antérieuresde trois années à l'année courante. En vuede permettre le plein contrôle de la cour descomptes, l'administration a précisé au serviceque ce délai de trois ans doit être calculéà partir du dernier arrêté sur chaque exercice.D'une manière générale, les titres de mouve­ment délivrés à l'occasion du transport decertaines marchandises garantissant l'impôtdont celles-ci sont frappées ou en attestentle payement. Ils peuvent, à ce titre, êtreconsidérés comme des registres de recetteset les délais de conservation susvisés leur sontapplicables. Par contre, tel n'est pas le casdes titres*de mouvement légitimant le trans­port des blés qui n'ont d'autre objet que depermettre le contrôle du marché des céréales.L'administration recommande cependant auservice de conserver les souches desdits re­gistres dans la limite compatible avec la pos­sibilité souvent très limitée de gardiennage.

1015. — M. Gabriel Tellier demande à M. laministre des finances et des affaires écono­miques si un artisan imprimeur (au sens del'article 23 du code général des impôts di­rects) serait susceptible de perdre cette qua­lité dès l'instant ou il deviendrait propriétaired'un comerce de librairie papeterie, dont leprofit et le chiffre d'affaires seraient supé­rieurs à celui de l'atelier d'imprimerie, quiserait installé à côté de cet atelier et quiserait tenu exclusivement par l'épouse decet artisan, mariée sous un régime de com­munauté de biens. (Question du 4 octobre1949.)

Réponse. — Question de fait à laquelle il nepourrait être utilement répondu que si, parl'indication du nom et de l'adresse du contri­buable, l'administration était mise à mêmede faire procéder à une enquête sur le casparticulier.

FRANCE D'OUTRE-MER

T088. — M. Luc Durand-Réville demande &M. le ministre de la France d'outre-mer:1" s'il est exact que l'assemblée représenta­tive du Cameroun ait décidé de prélever surle fonds de soutien du cacao des avances àattribuer: a) aux coopératives ou sociétésindigènes de production d'arachide, à concur­rence de 5 millions de francs C. F. A. au mini­

mum; b) pour la campagne de divers autresproduits du Cameroun a l'exclusion du cacao,a millions de francs C.F.A. également; cj pourla campagne de cacao elle-même, 15 millionsde francs C. F. A. à des coopératives adhérantà l'union des coopératives, 15 millions à descoopératives non affiliées à cette union, 1#millions k répartir entre les coopératives desrégions produisant moins de cacao que lesrégions grandes productrices; 2° si ces prélè­vements entrent à son avis dans le cadredes utilisations prévues pour le fonds de sou­tien du cacao; 3° quel contrôle s'exercera surl'utilisation de ces avances et quel rythmea été prévu en vue de leur remboursement.(Question tlu 8 novembre 1949.) '

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2680 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 19Ï9

Réponse. -r- Le département, à plusieursreprises, a donné au Cameroun des instruc­tions très fermes pour que les fonds ducompte « soutien cacao » de ce territoiresoient utilisés uniquement dans l'intérêt desproducteurs de cacao. Il ne semble pas queces instructions aient été perdues de vue,mais, pour ce qui concerne les questions pré­cises posées par M. Luc Durand-Réville, desrenseignements sont demandés au haut com­missaire du Cameroun. Dés leur réception,ces renseignements seront communiqués àM. Durand-Réville.

INDUSTRIE ET COMMERCE

1157. — M. Francis Dassaud demande àM. le ministre de l'industrie et du commercequelles mesures il compte prendre pour hâ­ter l'application de la loi n» 49-1017, modi-,liant l'article 156 a, du livre II du code dutravail fixant en journées la rémunérationdes délégués permanents de surface cans lesmines). (Question du 24 novembre 1919.)Réponse. — Comme il était spécifié par la

dernière phrase de l'article 156 a, du livre Hdu code du travail, dans la rédaction résul­tant de la loi n° 49-1047 du 2 août 1919, undécret portant réglementation d'administra­tion publique était nécessaire pour fixer lesmesures d'application du dernier alinéa cecet article 156 a, lequel concernait spéciale­ment la rémunération des délégués' de la sur­face. Ce décret vient de paraître au Journalofficiel du 23 novembre 1919 (décret n° 49-1500ou 19 novembre 1949) . Les nouvelles règles derémunération des délégués de la surface se­ront donc mises en vigueur immédiatement.

INTÉRIEUR

1089. — M. le ministre de l'intérieur faitconnaître à M. le président du Conseil de laRépublique qu'un délai lui est nécessairepour répondre à cette question écrite poséele 8 novembre 1919 par M- Claudius Delorme.

RECONSTRUCTION ET URBANISME

1045. — M. Jacques Delalande demande àM. le ministre de la reconstruction et del'urbanisme dans quelles conditions sont con­ciliables les dispositions de la loi du 1er sep­tembre 1918 (articles 18 et 19) et celles del'ordonnance du 11 octobre 1945 et du décretdu 16 janvier 1947, en particulier si, à l'ex­piration de la durée légale de six mois pré­vue pour une réquisition d'immeubles, lepropriétaire a la possibilité d'exercer le droitde reprise, étant fait observer que, dans lanégative, le bénéficiaire de la réquisition au­rait davantage de droits que l'occupant debonne foi maintenu dans les lieux. (Ques­tion du 4 novembre 1949.)

Réponse. — Aux termes d'une jurispru­dence constante, il n'existe pas de lien dedroit entre le prestataire et le bénéficiaired'une réquisition. Il en résulte, notamment,sous réserve de l'appréciation souveraine destribunaux, quo les dispositions de la loi du1er septembre 1948, et en particulier celles re­latives au maintien dans les lieux et au droitde reprise, ne sont pas applicables aux rap­ports entre prestataires et bénéficiaires de laréquisition. Toutefois, des instructions ont étéadressées par le ministère de la reconstructionet de 1 urbanisme pour que la situation desprestataires de réquisitions qui, s'ils étaient.propriétaires, auraient bénéficié d'un droit dereprise, fasse l'objet de la part des servicesadministratifs d'un examen particulièrementbienveillant. Par ailleurs, un projet de loin" 6895 déposé sur le bureau de l'Assembléenationale, prévoit l'octroi, à certains béné­ficiaires da réquisitions et sous certaines ré­serves du droit, au maintien dans les lieux, cequi aura notamment pour effet de permettreaux prestataires, à titre de corollaire, d'exer­cer leur droit de reprise lorsqu'ils rempli­ront les conditions visées au chapitre IIde la loi du 1« septembre 1948.

1049. — M. Roger Menu expose i M. le mi­nistre de la reconstruction et de l'urbanismeque le règlement sanitaire municipal, établipar le ministère de la reconstruction et del'urbanisme et reproduisant les dispositions dela loi du 15 février 1902 sur la santé publique,prescrit, dans son article 55, que: « Dans tou­tes les agglomérations ou parties d'agglomé­ration desservies par une distribution d'eaupotable, toute habitation devra y être reliéepar un branchement suivi d'une canalisationqui mette cette eau a la portée de tous leshabitants de l'immeuble il tous les étages, àloulo heure du jour et de la nuit »; qu'ilsemble que l'obligation de raccordement, bienque non précisée, incombe au propriétaire del'immeuble ; que la loi du 1er septembre 1918sur les loyers a inséré, par ailleurs, dans sonarticle 72, une faculté pour le locataire deréaliser k ses frais, nonobstant l'opposition dupropriétaire, certaines installations reconnuesnécessaires, au premier rang desquelles figurecelle de l'eau; et demande si l'on doit logi­quement en conclure que la loi permettantet réglementant l'initiative du locataire, ladéfaillance du propriétaire se trouve, par là-même, admise et consacrée; et demande' éga­lement de préciser si les obligations découlantdu règlement sanitaire sont ou non frappéesde caducité par la nouvelle législation. (Ques­tion du 3 novembre 1949.)

Réponse. — L'article 55 de la loi du 15 fé­vrier 1902 et l'article 72 de la loi du 1« sep­tembre 1918 ne sont pas contradictoires. Ilsont, en effet, tous deux pour objet de faci­liter l'installation de l'eau dans les logementsct la loi du 1er septembre 1918, notamment,prévoit une procédure spéciale, particulière­ment simple puisqu'elle permet au locatairede se substituer de plein droit au propriétairenégligent, tout en étant assuré que les tra­vaux qu'il effectuera éventuellement lui se­ront remboursés par le propriétaire, au moinsen partie, s'il quitte les lieux avant dix-septans d'utilisation. Ainsi les deux textes peu­vent parallèlement être mis en œuvre, le loca­taire disposant de la solution offerte par laloi du 1er septembre 1918 et l'administrationpouvant faire application des sanctions pré­vues 'par la loi du 15 février 1902.

1050. — M. Marcel Molle demande à M. leministre de la reconstruction et de l'urba­nisme si des fonctionnaires de son ministèresont autorisés à se charger avec ou sans ré­tributions: 1° de l'établissement pour lecompte des particuliers de projets de travaux,devis, surveillance et règlement de travaux;2® de rétablissement pour le compte d'entre­prises travaillait pour la.reconstruction desmémoires-comptes de travaux exécutés parces dernières. (Question du 3 novembre 1919.)

Réponse. — Le décret du 29 octobre 1936,tout en décidant la suppression des cumulsde retraites, de rémunérations quelconqueset de fonctions contraires à la bonne gestionadministrative et financière du pays, a dé­terminé les conditions dans lesquelles ilpourra être dérogé, à titre exceptionnel, auxrègles énoncées par ce texte, en laveur desfonctionnaires ou agents de l'État et des col­lectivités publiques. Aucune dérogation collec­tive n'a été accordée, jusqu'ici, aux agents duministère de la reconstruction et de l'urba­

nisme pour leur permettre d'effectuer il titreprivé, avec ou sans rétributions, pour lecompte de particuliers ou d'entreprises, destravaux dont le contrôle ou le règlement étaitde la compétence de cette administration. Ace jour, seuls certains agents permanents desservices extérieurs de la direction de l'amé­nagement du territoire (services départemen­taux de l'urbanisme et do l'habitation) ontpu, en vertu des dispositions de l'article 6 dudécret n> 45-2177 du 19 octobre 1945, modifié,être autorisés à effectuer, pour le compte del'État et des autres collectivités publiques, desétablissements publics et des concessionnai­res de services publics qui en relèvent, lestravaux ressortissant à l'exercice de leur art,ainsi qu'à ^remplir les missions d'expertisequi leur sont confiées par les juridictions ci­viles ou administratives. Si des autorisationsindidividuelles ont été, par ailleurs, accordées

à d'autres catégories de techniciens pour exé­cuter certains travaux ressortissant à l'exer­cice do leur art, il n'en demeure pas moinsque les demandes visant des travaux person­nels à accomplir pour le compte de particu­liers sinistrés ou d'entreprises privées tra­vaillant pour la reconstruction ont été sys­tématiquement écartées. D'une manière géné­rale, de pareilles dérogations n'ont été accor­dées que pour des travaux intéressant l'Étatet les collectivités publiques et établissementspublics ou concessionnaires qui en relèvent.

1051. — M. Jean Péridier demande à M. leministre de la reconstruction et de l'urba­nisme si: 1® dans l'article 5 du décret n° 49-908 du 15 juin 1949, déterminant les prixmaxima au mètre carré des dépendances etdes- terrains de toute nature loués ou occupésaccessoirement aux locaux d'habitation (Jour­nal officiel du 12 juillet 1949), l'absence d'in­dication des prix mensuels maxima pour cha*ciin -des quarante premiers mètres carrés desbalcons et terrasses d'autre part, impliqueque le propriétaire ne peut rien réclamer dèslors que les cours, jardins ou terrains ontune surface inférieure à 40 mètres carrés ettes balcons et terrasses à 20 mètres carrés,ou si elle signifie, au contraire, comme peutle laisser penser la rédaction du texte, queles quarante premiers mètres carrés dans lepremier cas, et les. vingt premiers mètres car­rés dans le second', ne sont pas multipliés parun « prix mensuel maxima » et ne sont assu­jettis k aucune limitation de prix; 2® si leprix de location des armoires frigorifiques,machines à laver ou autres éléments d'équi­pement exceptionnel fournis par le proprié­taire et situés à l'intérieur du local dont l'ar­ticle 14 in fine du décret n° 48-1766 du 22 no­vembre 1948 (Journal officiel du 23 novembre)précise « qu'il fait obligatoirement l'objetd'une évaluation séparée » subit chaque se­mestre à compter du 1er juillet 1949 une aug­mentation égale au cinquième de son tauxprimitif. (Question du 3 novembre 1949.)

Réponse. — 1» Il résulte des dispositions del'article 5 du décret du 15 juin 1919 et del'exposé des motifs de ce texte, qu'il n'estdû aucun prix de loyer pour les quarantepremiers mèlres carrés des cours, jardins etterrains, ni pour les vingt premiers mètrescarrés des balcons et terrasses; 2° il appa­raît, sous réserve de l'appréciation souverainedes tribunaux, que le prix de location d'élé­ments d'équipement exceptionnels fournis parle propriétaire et non visés au décret du 22 no­vembre 1948 est libre et doit faire l'objetd'une évaluation séparée qui n'a pas à figu­rer dans le décompte de la surface corrigée.Il en résulte, sous la même réserve, que cesprix ne subissent pas de plein droit les ma-orations visées par le décret du 10 décem­bre 1948 et qu'ils peuvent être modifiés àtoute époque, par accord entre bailleur etpreneur, sous le contrôle du juge.

TRAVAIL ET SÉCURITÉ SOCIALE

1059. — M. Jean Biatarana rappelle à M. leministre du travail et de la sécurité socialeque le précompte sur traitement, au titre dela sécurité sociale, est de 3 p. 100 pour lesemployés départementaux, alors qu'il n'estpas de 1,25 p. 100 pour les fonctionnaires del'État, et demande les raisons de celle diffé­rence et les moyens qu'il envisage de mettreen œuvre pour arriver à un régime identiquepour ces deux ordres de fonctionnaires.(Question du 3 novembre 1949.)

Réponse. — La différence signalée par l'ho­norable parlementaire entre le taux des allo­cations de sécurité sociale dues pour lecompte des employés départementaux et ce­lui des .cotisations dues pour le compte desfonctionnaires de l'État résulte de ce que lesprestations servies sont elles-mêmes diffé-'rentes dans l'un et l'autre cas. En effet, lescaisses de sécurité sociale versent aux em­ployés départementaux et à leurs ayants droitles prestations en espèces (indemnités jour­nalières et allocations mensuelles) des assu­rances maladie, longue maladie et maternité,ainsi que le capital décès, tandis que ces

Page 47: Senat.fr€¦ · **Année1949N°—83C.. R.: Le 5 Numéro francs. JOURNALOFFICIEL9Vendredi1949 Décembre . ** DE LARÉPUBLIQUEFRANÇAISE DÉBATS PARLEM ENTAIRES CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE

CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 8 DECEMBRE 1949 2681

Paris. — Imprimerie des làurnaux officiels, 31, quai YoltaIrç>,

mômes prestations sont servies par l'État ases fonctionnaires sans participation descaisses de sécurité sociale. Toutefois, l'arti­cle 82 du projet de loi n° 6366 portant statutdu personnel des communes et des établisse­ments publics communaux prévoit l'extensionaux employés communaux du régime de sé­curité sociale dont bénéficient les fonction­naires de l'État et le ministère du travail etde la sécurité sociale ne. verrait que desavantages à ce que la même mesure soitprise en faveur des employés départementaux.

1069. — M. Bernard Lafay demande à M. leministre du travail et de la sécurité socialesi un médecin conventionné par un minis­tère pour assurer sans limite de temps uncontrôle ophtalmo-oto-rhino du personnel ettfont le salaire constitue la partie principalede ses revenus (certifié par le. contrôleur)peut, conformément: 1° aux dispositions del'article 2 de l'ordonnance du 19 octobre 1915,être inscrit à la sécurité sociale; 2° aux dis­positions de la loi du 22 août 1946 (règle­ment d'administration publique du 10 décem­bre 1946), toucher les allocations familialespar les soins de l'administration qui. l'em­ploie. (Question du 3 novembre 1949.).

Réponse. — Les deux questions posées com­portent une réponse affirmative. Les méde­cins rémunérés régulièrement par une admi­nistration sont assujettis obligatoirement enapplication de l'article 2 de l'ordonnance du19 octobre 1945 et donnent lieu au versementdes cotisations d'assurances sociales. ils béné­ficient des .prestations familiales dans les con­ditions prévues par l'article 4. de la loi du28 août 1916.

1124. — M. Martial Brousse expose à M. leministre du travail et de la sécurité socialequ'un malade ayant dû séjourner à Nancypour subir un traitement par rayons, son mé­decin traitant l'a envoyé à l'hôpital Bon-Secours où on lui a demandé 1.400 francs parjour; que vu le prix élevé, il s'est logé dansun hôtel et a mangé au restaurant, ce qui luia coûté environ 500 francs par jour; que lacaisse de sécurité sociale refuse de rembour­

ser ces dépenses, mais aurait accepté de luirembourser 80 p. 100 sur 1.400 francs, prixfixé par l'hôpital; et demande s'il n'y auraitpas lieu de récompenser un malade qui pro­cure des économies aux caisses de sécurité

sociale au lieu de le pénaliser et si les règle­

ments ne devraient pas être révisés en vuede permettre aux caisses de sécurité sociale aulieu de le pénaliser et si les règlements nedevraient pas' être révisés en vue de permet-lie aux caisses de faire des économies sen­sibles en encourageant les malades à rece­voir des soins dans des conditions moins oné­

reuses que ne le prévoient les règlements etcela au moment ou les plaintes contre le coûtélevé de la sécurité sociale se font de plus enplus vives. (Question du 15 novembre 1949.)

Réponse. — Conformément aux dispositionsdes articles 16 et 17 de l'ordonnance du 19 oc­tobre 1945 fixant le régime des assurances so­ciales applicable aux assurés des professionsnon agricoles, les assurés sont couverts deleurs frais d'hospitalisation dans les établisse­ments de soins publics et légalement dans lesétablissements privés de cure et de préven­tion de toute nature, à la condition que cesderniers soient autorisés à dispenser des soinsaux assurés sociaux par une commission cons­tituée à cet effet dans chaque région. Aucune-disposition légale ou réglementaire ne prévoitla prise en charge par les caisses de sécuritésociale des frais d'hébergement ô l'hôtel d'as­surés qui reçoivent un traitement à l'hôpitalet aucune modification des textes n'est envi­sagée à ce sujet.