Sels de lithium
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37 fiche
pharmacothérapeutique pratiquepharmacothérapeutique pratique
Actualités pharmaceutiques • n° 471 • Février 2008
Série neuropsychiatrie
BenzodiazépinesNeuroleptiquesSels de lithiumAntiparkinsoniens 1/2Antiparkinsoniens 2/2
•••••
Sel
s de
lith
ium
Le lithium fait partie des thymo-
régulateurs ou normothymiques,
c’est-à-dire qu’il régularise l’humeur
par son action curative dans les accès
maniaques observés dans la psychose
maniacodépressive, dont il permet
également de prévenir les rechutes.
Mode d’action - Propriétés pharmacologiquesLe lithium est un cation (Li+), qui peut mimer les effets du sodium sur les tissus excitables (canaux sodiques voltages dépendants), s’accumuler dans la cellule (car il n’est pas “éliminé” par la Na+/K+-ATPase), entraînant une perte relative en potassium (K+) intracellulaire, d’où une dépolarisation cellulaire.Le mécanisme d’action actuellement le plus probable est celui d’une inhibition de l’inositol monophosphatase, nécessaire à la régénération des phospho-inositols, qui aboutirait à une diminution de la production d’inositol triphosphate (IP3), bloquant ainsi les effets “médiés” par plusieurs récepteurs.De plus, le lithium inhiberait les hormones productrices d’AMPc (vasopressine ou hormone anti-diurétique [ADH] au niveau rénal, thyréostimuline [TSH] pour la thyroïde).Administré par voie orale, le lithium est rapidement résorbé au niveau du tractus gastro-intestinal. La con-centration sanguine maximale est atteinte entre 1 et 4 heures.Bien que le lithium ne soit pas fixé aux protéines plas-matiques, son passage dans le cerveau et le liquide céphalorachidien est lent et, à l’équilibre, le liquide céphalorachidien contient environ 40 % de la concen-tration plasmatique.Le lithium ne subit aucune biotransformation dans l’organisme.L’élimination est urinaire à plus de 95 % et toute insuffi-sance rénale la retarde. Environ 80 % du lithium filtré par le glomérule sont réabsorbés au niveau du tubule proximal ; sa clairance est d’environ 20 % de celle de la créatinine.La demi-vie plasmatique est de 12 à 24 heures, le pla-teau d’équilibre est atteint en 2 semaines environ. L’étude des concentrations intra-érythrocytaires (reflet du lithium intracellulaire) met en évidence une excrétion plus lente (1 à 2 semaines).
IndicationsPrévention des rechutes, tant maniaques
que mélancoliques, des troubles thymiques
bipolaires en première intention
Au total, 80 % des patients bipolaires répondent aux sels de lithium et 20 % peuvent espérer une rémission de leurs troubles. Le traitement est chronique puisqu’il induit un effet suspensif et non curatif.
Traitement de l’accès maniaque
Le délai d’action (6 à 10 jours) et la mise en place délicate de ce traitement font qu’il est difficilement envisageable chez un patient agité. Pour les sujets plus gravement atteints ou agités, les neuroleptiques, qui sont plus rapi-des, seront donc principalement utilisés.
Traitement d’une dépression résistante
Les sels de lithium ne sont pas utilisés en traitement de première intention d’un état dépressif isolé bien que leur efficacité soit comparable à celle des antidépresseurs imipraminiques, mais leur adjonction au traitement anti-dépresseur augmente l’effet de ce dernier.
Autres indications
Les sels de lithium peuvent être utilisés dans certaines hyperthyroïdies graves, certaines leucopénies sévères et en tant que traitement préventif des algies vasculaires de la face.
• La diminution de l’apport de sodium augmente la rétention
de lithium par le rein et inversement.
• Les diurétiques thiazidiques, les anti-inflammatoires
non stéroïdiens, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion
réduisent son élimination rénale et augmentent sa
concentration plasmatique.
À savoirÀ savoir
Sels de lithium
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pharmacothérapeutique pratiquepharmacothérapeutique pratique
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Actualités pharmaceutiques • n° 471 • Février 2008
Contre-indications• Absolues :
– insuffisance rénale grave ;– insuffisance cardiaque décompensée.• Relatives :
– insuffisance rénale modérée ;– états d’hyponatrémie (régime hyposodé, diurétiques) ;– hypothyroïdie.
Grossesse et allaitementCompte tenu du risque de malformations cardiaques, les sels de lithium sont formellement contre-indiqués lors du premier trimestre de grossesse. Un test de grossesse pourra être réalisé chez la femme en période d’activité géni-tale avant de débuter un traitement. Cependant, la plupart des femmes qui ont pris du lithium durant leur grossesse ont donné naissance à des enfants normaux.L’administration du lithium est déconseillée pendant l’allaitement.
Effets indésirablesLe lithium présente des effets indésirables, même lorsque les concentrations plasmatiques conseillées sont respec-tées, et plus fréquemment lorsqu’elles sont dépassées.
Effets précoces
• Nausées, vomissements, brûlures gastriques, diarrhées (conduisant à l’arrêt du traitement). La prise du traitement au milieu des repas permet de réduire les effets digestifs.• Sédation, faiblesse musculaire.• Tremblement des extrémités touchant 25 à 50 % des sujets traités mais répondant aux bêtabloquants comme le propranolol. Il est également possible de réduire l’im-portance de cet effet en modifiant la répartition de l’ad-ministration du lithium, c’est-à-dire en donnant une dose plus élevée le soir que le matin.• Hypotonie.
Ces effets indésirables sont les plus fréquents et disparais-sent généralement au cours du traitement, mais peuvent réapparaître en cas d’interactions augmentant la lithiémie.
Effets tardifs
• Tremblement.• Prise de poids d’une moyenne de 4 kg mais pouvant atteindre 10 à 20 kg.• Polyurie entraînant une polydipsie (par inhibition de l’ADH) survenant après 1 an de traitement modéré, pou-vant conduire à un diabète insipide (dose-dépendant) nécessitant l’arrêt du traitement.• Goitre, hypothyroïdie le plus souvent infraclinique.• Troubles du rythme cardiaque.• Hyperleucocytose à neutrophiles bénigne allant de 10 000 à 20 000/mm3 au lieu de 7 à 8 000 normalement, réversible à l’arrêt du traitement.
Interactions médicamenteusesL’association du lithium est déconseillée avec certains médicaments :• les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) – y com-pris les inhibiteurs de la COX-2, à l’exception des salicylés ; • les diurétiques, les sartans et les inhibiteurs de l’en-
zyme de conversion (IEC), du fait de l’augmentation pos-sible de la lithiémie (par diminution de l’excrétion rénale du lithium) qui peut atteindre des concentrations toxiques ;• certains neuroleptiques à doses élevées : clozapine (Leponex®), fluphénazine (Modecate®, Moditen®), rispé-ridone (Risperdal®), halopéridol (Haldol®), thioridazine avec lequel il existe un risque de syndrome confusionnel, d’hypertonie et d’hyperréflexivité avec, parfois, augmen-tation rapide de la lithiémie ;• la carbamazépine (Tégrétol®) : risque de neurotoxicité se manifestant par des troubles cérébelleux, une confu-sion, une somnolence et une ataxie, réversibles à l’arrêt du traitement.Certaines autres associations nécessitent des précau-tions d’emploi : antidépresseurs sérotoninergiques purs (risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique), clozapine, méthyldopa.
AssociationsLes médicaments pouvant être utilisés à la place du lithium dans le traitement de la psychose maniaco-dépressive et les troubles apparentés sont la carbama-zépine, l’acide valproïque et la lamotrigine.
Attention au surdosage !Des troubles neurologiques comme une ataxie, une confusion mentale,
un délire, des hallucinations, un nystagmus (mouvements oscillatoires
et parfois rotatoires du globe oculaire) et des convulsions s’observent
généralement.
Les symptômes annonçant une intoxication sont des contractions muscu-
laires, des difficultés à écrire, une démarche difficile, une apathie et une
dysarthrie (altérations de la voix, de l’articulation, de la déglutition et des
autres fonctions buccales).
Principaux sels de lithium
Dénominations Spécialités Présentations PrisesCarbonate de lithium Téralithe® Comprimés sécables dosés à 250 mg 2 ou 3 prises par jour
Téralithe LP® Comprimés sécables dosés à 400 mg Monoprise le soir
Gluconate de lithium Neurolithium® Ampoules buvables de 5 mL (1 g) ou 10 mL (2 g) 2 ou 3 prises par jour
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Selon les études disponibles à ce jour, la carbamazépine et l’acide valproïque auraient des effets presque équi-valents à ceux du lithium qui reste cependant le produit de référence. L’acide valproïque pourrait être associé avec le lithium dans les cas rebelles, ce qui permettrait de réduire la posologie de chacun d’eux.L’augmentation de l’apport de potassium durant le traite-ment par le lithium augmenterait l’efficacité de ce dernier.
Quelles sont les modalités de prescription ?Une règle proposée par l’American Psychiatric Association est de débuter le traitement par le lithium après le deuxième épisode de manifestations bipolaires et le troisième épi-sode de manifestations dépressives unipolaires.Au préalable doivent être effectués :– un bilan rénal systématique (clairance de la créatinine, urée, ionogramme et protéinurie) ;– un bilan cardiaque avec électrocardiogramme, néces-saire pour rechercher des troubles du rythme ;– un bilan thyroïdien (non systématique) ;– un test de grossesse.Le lithium est pris par voie buccale, en 2 ou 3 prises quoti-diennes, au cours des repas, souvent avec une posologie plus élevée le soir que dans la journée. La forme retard (LP) est quant à elle prise en une seule fois, le soir.La mise en place du traitement doit être progressive et se dérouler de préférence en milieu hospitalier. La poso-logie doit être adaptée à chaque patient et débutée par de faibles doses. Elle sera augmentée progressivement jusqu’à obtenir une lithiémie résiduelle comprise entre 0,5 et 0,8 mEq/L (sauf en cas de traitement par une forme LP où la concentration plasmatique doit être comprise entre 0,8 et 1,2 mEq/L). Le dosage doit être réalisé après avoir obtenu l’état d’équilibre, soit après 5 demi-vies, le matin avant la première prise journalière ou le soir avant la prise unique d’une forme à libération prolongée.
Au long cours, le contrôle de la lithiémie doit être régulier, s’effectuant tous les 2 ou 3 mois environ (prélèvement toujours effectué le matin avant la première prise pour les spécialités non-retard).Le traitement est le plus souvent d’emblée de 3 ans.Il n’y a pas de dépendance, donc pas de risque de réac-tion de sevrage.
Quelques particularités• Le lithium est également utilisé en dermatologie sous forme de gluconate (Lithioderm® 8 % gel) qui est efficace dans le traitement topique de la dermite séborrhéique du visage de l’adulte immunocompétent. Son mécanisme d’action est mal connu : il aurait une action antifongique sur la levure Malassezia furfur. Il s’applique sur le visage en couche mince, en massant légèrement, en 2 applica-tions par jour, matin et soir, pendant 2 mois.Il faut veiller à ne pas administrer de traitements conco-mitants par lithium par voie orale et topique.• D’autres spécialités à base de lithium sont commer-
cialisées et en vente libre, mais les doses de lithium sont alors beaucoup plus faibles.Par exemple, du gluconate de lithium est présent dans Oligosol Lithium® à raison de 280 μg de lithium par ampoule. Oligo Essentiels Lithium® contient 0,5 g/mL de lithium sous forme de pidolate, Granions de Lithium®, 1 mg de lithium par ampoule sous forme de citrate et Microsol Lithium®, 40 μg de lithium sous forme de bromure.Ces préparations sont utilisées comme modificateur du ter-rain, en particulier au cours de manifestations psychiques ou psychosomatiques mineures de l’enfant de plus de 6 ans et de l’adulte (troubles légers du sommeil, irritabilité). �
Sébastien Faure
Maître de conférences des Universités, Faculté de pharmacie, Angers (49)
• Le lithium est le médicament de référence en première inten-
tion dans la prévention de la maladie bipolaire.
• Une répartition de la posologie quotidienne en 2 ou 3 prises est
classiquement recommandée afin de limiter l’importance des pics
lithiémiques suivant l’ingestion du produit et d’assurer une stabilité
du lithium plasmatique au long du nycthémère. La fourchette
lithiémique thérapeutique se situe entre 0,5 et 0,8 mmol/L pour les
formes à libération immédiate et entre 0,80 et 1,2 mmol/L pour les
formes LP.
• En pratique, il est admis de poursuivre la lithiothérapie le plus long-
temps possible. Lorsqu’un arrêt du traitement s’impose, il est conseillé
de recourir à un arrêt progressif, même s’il n’existe pas de dépendance.
• Des contre-indications strictes existent : insuffisance rénale
grave, insuffisance cardiaque.
• Environ 50 à 75 % des patients traités par sels de lithium ont au moins un effet indésirable. Ces effets sont le plus souvent
mineurs et dose-dépendants : tremblements, troubles digestifs,
troubles thyroïdiens, prise de poids.
• L’association des sels de lithium à des diurétiques, des
anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et des inhibiteurs de
l’enzyme de conversion (IEC) justifie une surveillance étroite, voire
un réajustement de la posologie.
• Des dosages réguliers de lithiémie et de créatinémie sont
conseillés.
Retenir l’essentiel pour la pratique