Sédation en situation d’urgence palliative : quelle responsabilité infirmière ?

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014) 13, 229—240 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉTUDE ORIGINALE Sédation en situation d’urgence palliative : quelle responsabilité infirmière ? Sedation in palliative emergency situation: What liability for the nurse? Cécile Daoût a,,1 , Marie-Rose Jehl-Kopff b , Les membres du Crasia 2 a Clinique de La Toussaint, groupe hospitalier Saint-Vincent, 11, rue de La-Toussaint, 67081 Strasbourg cedex, France b Réseau Alsacien de soins palliatifs, hôpital de Hautepierre, bâtiment Ax4, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France Rec ¸u le 16 juin 2013 ; rec ¸u sous la forme révisée le 16 juin 2014 ; accepté le 21 juin 2014 Disponible sur Internet le 27 aoˆ ut 2014 MOTS CLÉS Sédation pour détresse en phase terminale ; Soins palliatifs ; Responsabilité infirmière Résumé En situation palliative, des complications aiguës à risque vital immédiat constituent une indication de sédation pratiquée en urgence (Blanchet et al., 2010). Cette sédation est fréquemment mise en œuvre alors que le décès semble imminent. De plus, « en phase termi- nale ce geste d’urgence peut influer sur le moment de la mort » (Blanchet et al., 2010). De ce fait, cette pratique peut générer de la confusion avec un geste euthanasique. Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons à la responsabilité engagée par l’infirmière 3 lors de la mise en œuvre d’un tel protocole anticipé de sédation. L’objet de l’étude consiste à vérifier l’hypothèse suivante : « La clarification des concepts d’euthanasie et de sédation facilite la mise en route par l’infirmière d’un protocole anticipé de sédation en situation d’urgence pal- liative ». Une enquête par questionnaire a été proposée à 166 infirmières exerc ¸ant en Alsace au domicile et dans différents services susceptibles d’accueillir des personnes en fin de vie. Au total, 115 questionnaires ont été retournés, soit un taux de réponse de 69 %. Soixante-deux infirmières (54 %) disent avoir mis en route un protocole de sédation en situation d’urgence palliative dont 27 avec difficultés et 35 sans difficulté. L’analyse comparative des réponses de ces deux groupes d’infirmières apporte certains éléments de vérification de notre hypothèse. Une majorité des éléments favorisant la clarification des concepts se retrouve davantage dans Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (C. Daoût), [email protected] (M.-R. Jehl-Kopff). 1 Photo. 2 Collège régional des acteurs en soins infirmiers d’Alsace regroupés au sein de la Société franc ¸aise d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). 3 Lire partout infirmier, infirmière. http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2014.06.004 1636-6522/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014) 13, 229—240

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

ÉTUDE ORIGINALE

Sédation en situation d’urgence palliative :quelle responsabilité infirmière ?

Sedation in palliative emergency situation: What liability for thenurse?

Cécile Daoûta,∗,1, Marie-Rose Jehl-Kopffb,Les membres du Crasia2

a Clinique de La Toussaint, groupe hospitalier Saint-Vincent, 11, rue de La-Toussaint,67081 Strasbourg cedex, Franceb Réseau Alsacien de soins palliatifs, hôpital de Hautepierre, bâtiment Ax4, 1,avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France

Recu le 16 juin 2013 ; recu sous la forme révisée le 16 juin 2014 ; accepté le 21 juin 2014Disponible sur Internet le 27 aout 2014

MOTS CLÉSSédation pourdétresse en phaseterminale ;Soins palliatifs ;Responsabilitéinfirmière

Résumé En situation palliative, des complications aiguës à risque vital immédiat constituentune indication de sédation pratiquée en urgence (Blanchet et al., 2010). Cette sédation estfréquemment mise en œuvre alors que le décès semble imminent. De plus, « en phase termi-nale ce geste d’urgence peut influer sur le moment de la mort » (Blanchet et al., 2010). De cefait, cette pratique peut générer de la confusion avec un geste euthanasique. Dans le cadrede cette étude, nous nous intéressons à la responsabilité engagée par l’infirmière3 lors de lamise en œuvre d’un tel protocole anticipé de sédation. L’objet de l’étude consiste à vérifierl’hypothèse suivante : « La clarification des concepts d’euthanasie et de sédation facilite lamise en route par l’infirmière d’un protocole anticipé de sédation en situation d’urgence pal-liative ». Une enquête par questionnaire a été proposée à 166 infirmières exercant en Alsaceau domicile et dans différents services susceptibles d’accueillir des personnes en fin de vie.

Au total, 115 questionnaires ont été retournés, soit un taux de réponse de 69 %. Soixante-deux infirmières (54 %) disent avoir mis en route un protocole de sédation en situation d’urgencepalliative dont 27 avec difficultés et 35 sans difficulté. L’analyse comparative des réponses deces deux groupes d’infirmières apporte certains éléments de vérification de notre hypothèse.Une majorité des éléments favorisant la clarification des concepts se retrouve davantage dans

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected] (C. Daoût), [email protected] (M.-R. Jehl-Kopff).

1 Photo.2 Collège régional des acteurs en soins infirmiers d’Alsace regroupés au sein de la Société francaise d’accompagnement et de soins palliatifs

(Sfap).3 Lire partout infirmier, infirmière.

http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2014.06.0041636-6522/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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le groupe sans difficulté. Au terme de l’étude, il apparaît que la clarification des concepts nesoit pas à elle seule suffisante pour faciliter la mise en route par l’infirmière d’un protocole desédation en situation d’urgence.© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSSedation forterminally ill distress;Palliative care;Nurse liability

Summary Sedation in palliative emergency situation: what liability for the nurse? In palliativesituations, acute complications leading to an immediate vital risk are an indication of practicedin emergency sedation. Such a sedation is often implemented when death seems imminent.In addition, terminal that emergency action may affect the timing of death. Therefore, thispractice can lead to confusion with euthanasia. In this study, we focus on the liability of thenurse during the implementation of such early sedation protocol. The purpose of the study is totest the following hypothesis: ‘‘The clarification of euthanasia and sedation concepts facilitatesthe practice by the nurse of early sedation protocol in palliative emergency’’. A questionnairewas given to 166 nurses working in various departments in Alsace likely to receive persons inend-of-life. Hundred and fifteen out of the 166 distributed questionnaires were returned, that isa response rate of 69%. Sixty-two nurses (54%) started an early sedation protocol in emergencysituations, i.e. 27 and 35 with and without difficulty, respectively. The comparative analysisof the responses of these two groups of nurses brings some elements of verification of ourhypothesis. A majority of elements promoting the clarification of concepts is found more in thegroup without difficulty. At the end of the study, it appears that the clarification of conceptsis not sufficient by itself to facilitate the application of a sedation prescription by the nurse inan emergency situation.© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ntroduction

n situation palliative terminale, différentes complicationseuvent apparaître compromettant non seulement le pro-ostic vital mais également le confort de fin de vie auoment de mourir. Il s’agit essentiellement de situa-

ions cliniques dans lesquelles peuvent se présenter uneyspnée asphyxique, des hémorragies cataclysmiques, desgitations et des épisodes d’angoisse majeure, voire deanique. La sédation pour détresse terminale prend alorsa forme d’une indication thérapeutique et une prescrip-ion personnalisée peut être anticipée par le médecin enharge du patient. Cependant, une ambiguïté demeurentre une sédation pratiquée chez un patient en phasee détresse terminale et un geste euthanasique « pourue cela se termine ». Cette confusion pourrait êtreource de difficultés pour l’infirmière qui doit prendre laécision d’appliquer une telle prescription en situation’urgence.

Les recommandations de la sédation en médecine pal-iative disent que « La sédation est la recherche, par desoyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilanceouvant aller jusqu’à la perte de conscience. Son but est deiminuer ou de faire disparaître la perception d’une situa-ion vécue comme insupportable par le patient, alors queous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ontu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre’obtenir le soulagement escompté » [1].

Selon l’avis no 121 du Comité consultatif national

’éthique, « L’euthanasie est, selon toutes les définitionsommunément admises, un acte destiné à mettre délibé-ément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie

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igure 1. Clarification des concepts.oncept clarification.

rave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser uneituation qu’elle juge insupportable » [2].

Dans les deux concepts, se retrouve la même motivation :ettre un terme à une situation vécue comme insupportablear le patient. C’est dans cette même visée que pourraite trouver la racine de la confusion entre la sédation et’euthanasie (Fig. 1).

Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons auôle de cet acteur principal qu’est l’infirmière lors de laise en œuvre d’un protocole anticipé de sédation en situa-

ion d’urgence palliative. Est-elle au clair avec les conceptse sédation et d’euthanasie ? Éprouve-t-elle des difficultés

appliquer la prescription anticipée lorsque la situation

’urgence se présente ? Mesure-t-elle le niveau de la res-onsabilité engagée dans cette situation ?

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La sédation en situation d’urgence palliative : quelle respon

Par responsabilité, nous entendons la capacité pourl’infirmière de prendre des décisions, l’obligation derépondre de ses actes et d’en assumer les conséquen-ces. Dans la situation de soins qui nous occupe, cetteresponsabilité s’exerce à différents niveaux. Un premierniveau concerne le devoir de documentation et de for-mation pour acquérir une compétence professionnelle.Cette compétence lui permet, d’une part, d’intégrer à lafois les concepts d’euthanasie et de sédation, la tech-nique de mise en œuvre du protocole et, d’autre part,de reconnaître la situation de détresse anticipée par lemédecin. Un second niveau se situe dans la capacitéde décider la mise en route ou non du protocole desédation dans la situation de soins reconnue. Ensuite,l’obligation d’informer et d’accompagner les proches consti-tue le troisième niveau. Le « rendre compte » constituele dernier niveau, c’est-à-dire l’évaluation des conséquen-ces de la décision prise concernant la mise en œuvreou non d’un tel protocole, lors des transmissions écriteset orales avec les différents acteurs de soins concer-nés.

À propos de la responsabilité infirmière, le décret du20 juillet 2004 (Code de la santé publique) qui régit les règlesde l’exercice de la profession infirmière, en son articleR. 4311-14, stipule :

« En l’absence d’un médecin, l’infirmier ou l’infirmièreest habilité, après avoir reconnu une situation commerelevant de l’urgence ou de la détresse psychologique,à mettre en œuvre des protocoles de soins d’urgence,préalablement écrits, datés et signés par le médecin res-ponsable.

Dans ce cas, l’infirmier ou l’infirmière accomplit lesactes conservatoires nécessaires jusqu’à l’interventiond’un médecin. Ces actes doivent obligatoirement fairel’objet de sa part d’un compte rendu écrit, daté,signé, remis au médecin et annexé au dossier dupatient (. . .) »

Par ailleurs, les recommandations de la Sfap, concer-nant la sédation pour complications à risque vital immédiat,précisent que l’infirmière applique la prescription antici-pée de sédation et appelle ensuite le médecin qui est tenude se déplacer. Dans cette pratique, nous sommes bien aucœur de l’autonomie infirmière et donc de sa responsabi-lité.

Nous avons choisi de questionner la responsabilité infir-mière par son intrication dans cet acte de soins complexequ’est la mise en œuvre d’un protocole de sédation en situa-tion d’urgence palliative. C’est plus précisément au traversdes connaissances et compétences acquises concernant lesconcepts de sédation et d’euthanasie, des besoins expri-més, des difficultés énoncées et des éléments facilitant cetacte de soins que nous explorons cette notion de responsa-bilité.

Aussi, il nous a paru intéressant de mener une enquêteauprès des infirmières sur la perception de leur pratiqueconcernant l’application d’un protocole anticipé de séda-tion en situation d’urgence palliative.

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ité infirmière ? 231

atériel et méthodes

ypothèse de recherche

ne revue de la bibliographie sur la sédation en situation pal-iative, avec présentation synthétique lors d’une réunion duollège des acteurs en soins infirmiers a permis de précisera thématique de recherche.

Une pré-enquête auprès de collègues des équipes mobilese soins palliatifs a affiné le questionnement de départ.

L’objet de l’étude consistait dès lors à vérifier’hypothèse suivante : « La clarification des concepts’euthanasie et de sédation facilite la mise en route par’infirmier(e) d’un protocole anticipé de sédation en situa-ion d’urgence palliative ».

Cette hypothèse comportait deux variables à explorer :a clarification des concepts d’euthanasie et de sédation,’une part, et la mise en route d’un protocole anticipé deédation, d’autre part.

En ce qui concerne la première variable, clarifier signifieistinguer, faire la différence entre euthanasie et sédationour éviter la confusion ou le trouble. Cela nécessitait de seéférer aux définitions pour dégager ensuite la différencentre les 2 concepts (Fig. 1).

Dans la pratique de la sédation, la molécule de réfé-ence est le midazolam ; les doses utilisées sont administréesar titration et adaptées à l’intention de soulager d’uneouffrance réfractaire, à différents niveaux de sédation :égère, intermédiaire ou profonde. Cette sédation peut êtreppliquée de manière intermittente, transitoire ou conti-ue. Elle n’a pas pour but de raccourcir la durée de vieu patient. Cette technique médicale, qui, comme toutraitement requiert l’accord du patient, est soutenue pares recommandations de bonnes pratiques élaborées par laociété francaise d’accompagnement et de soins palliatifsSfap).

L’euthanasie consiste à donner la mort à une personnetteinte d’une maladie grave et incurable qui la demande.’est ce qui la différencie de l’homicide.

Lors d’un acte euthanasique, le choix des molécules uti-isées est conditionné à l’intention d’obtenir le décès de laersonne. Dans les pays qui ont légiféré à propos de cetteratique, les médicaments utilisés sont souvent associés deanière à obtenir un décès rapide : thiopenthal et curare,

oire anesthésiant à dose létale.À ce jour, en France, cette pratique est illégale.En ce qui concerne la seconde variable, les indications

e la sédation en situation d’urgence palliative sont décritesans les recommandations concernant la sédation en méde-ine palliative [1].

Il s’agit des complications aiguës à risque vital immédiatui concernent les hémorragies cataclysmiques, notammentxtériorisées de la sphère ORL, pulmonaire ou digestive etes détresses respiratoires asphyxiques.

éthodes de recueil de données

’outil utilisé pour vérifier cette hypothèse fut une enquêtear questionnaire élaboré par les membres du collège régio-al des acteurs en soins infirmiers d’Alsace (Crasia) enlusieurs étapes (Annexe 1).

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2 C. Daoût, M.-R. Jehl-Kopff

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Tableau 1 Indications de la sédation en situationd’urgence palliative.Indications for sedation in palliative emergency situation.

Indications exprimées Nombre deréponses/106 IDE

Douleurs 57Détresse respiratoire 56Hémorragie massive 34Angoisse 28Agitation 26Souffrance psychique 25

IDE : infirmier(e)s diplômé(e)s d’état.

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Un test du questionnaire a été réalisé avant sa diffusionuprès de collègues infirmières d’équipes mobiles de soinsalliatifs (EMSP), hors champ de l’étude par la suite.

Cette enquête a ensuite été proposée dans la périodeu 15 décembre 2011 au 15 janvier 2012, à 166 infirmier(e)siplômé(e)s d’état (IDE) exercant en Alsace à domicile etans différents services susceptibles d’accueillir des per-onnes en situation palliative et/ou en fin de vie.

Il s’agissait d’une étude multicentrique réalisée danses lieux de soins suivants : 5 services d’hospitalisation àomicile (HAD), 3 établissements d’hébergement pour per-onnes âgées dépendantes (Éhpad), 13 services avec desits identifiés de soins palliatifs (LISP), 6 services sans LISP,unités de soins palliatifs (USP) et auprès de 5 infirmières

ibérales.

ésultats

es résultats de cette enquête sont proposés selon’organisation du questionnaire en trois parties : les infor-ations générales, les réponses aux questions concernant

a clarification des concepts et celles concernant laise en route d’un protocole de sédation en situation’urgence.

aux de réponse globale et informationsénérales

e retour fut de 115 questionnaires sur 166 distribués, ce quiorrespondait à 69 % de réponses.

Le taux de réponses le plus important se trouvait danses services avec LISP (76 %) et le plus bas dans les servicesans LISP (60 %), hormis les infirmières libérales qui n’ontas retourné de questionnaire.

xpérience professionnelle’expérience professionnelle comportait trois catégories :oins de 5 ans, entre 5 et 15 ans et plus de 15 ans.Au total, 37,5 % des infirmières avaient un parcours infé-

ieur à 5 ans, principalement en Éhpad et dans les servicesans LISP ; 39,3 % des infirmières interrogées avaient entre 5t 15 ans d’expérience ; 23,2 % des infirmières avaient pluse 15 ans d’expérience.

En USP, nous avons remarqué une grande homogénéiténtre les 3 tranches d’expérience professionnelle.

xistence d’un référent en soins palliatifsarmi les 107 infirmières (93 %) qui ont répondu à la question,9 % disaient disposer d’un référent en soins palliatifs danseur service.

Les référents se situaient surtout en HAD (60 %) ; ils

taient peu nombreux en Éhpad (10 %).

ppel à une équipe mobile de soins palliatifsarmi les 105 infirmières (91,3 %) qui ont répondu à la ques-ion, 79,1 % disaient qu’il leur arrivait de faire appel à unequipe mobile de soins palliatifs.

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larification des concepts

uelles sont selon vous, les indications de laédation en situation d’urgence, pour la personnealade ?

ent six infirmières (92,1 %) ont répondu à la question.es résultats de cette question sont synthétisés dans leableau 1.

En première indication venait la douleur. Les indicationsecommandées par la Sfap venaient ensuite, c’est-à-direes complications aiguës à risque vital immédiat : détresseespiratoire et hémorragie massive.

Les symptômes « douleur », « angoisse », « agitation » etsouffrance psychique », s’ils sont réfractaires, peuventtre des indications de sédation transitoire ou intermittenten phase palliative.

Cependant, ces situations ne rentraient pas dans le cadre’un protocole anticipé de sédation à appliquer en situation’urgence par l’IDE.

aites-vous une différence entre sédation etuthanasie ? Si oui, laquelle ?ent quinze infirmières ont répondu à la question et14 infirmières disaient faire une différence entre sédationt euthanasie.

Parmi les 108 IDE qui ont donné une explication à cetteifférence, une seule a évoqué l’intention sans autre expli-ation.

Cent sept IDE ont exprimé ce qu’elles entendaient parédation et/ou euthanasie sans répondre en termes de dif-érence entre les deux concepts.

Une analyse du contenu de ces explications a débouchéur 39 propositions parmi lesquelles 23 ont pu être clas-ées dans quatre catégories de différences : l’intention dea sédation et de l’euthanasie, le caractère réversible de laédation, le fait que la sédation ne fait pas (forcément) mou-ir, et enfin le caractère légal de la sédation et/ou illégal de’euthanasie.

Les résultats obtenus sont synthétisés dans le Tableau 2.La différence concernant l’intention a été énoncée par

8 IDE, qui ont distingué l’intention de la sédation qui est deoulager d’un symptôme insupportable, endormir, apporteru confort de celle de l’euthanasie qui consiste à tuer, pré-ipiter la mort. Cette différence a été exprimée par une

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La sédation en situation d’urgence palliative : quelle responsabilité infirmière ? 233

Tableau 2 Différence entre sédation et euthanasie.Difference between sedation and euthanasia.

Différence Éhpad/7IDE

LISP/43IDE

SansLISP/18 IDE

HAD/15IDE

USP/25IDE

Total/108IDE

Intention de la sédation : soulager d’unsymptôme insupportable, endormir,apporter du confortIntention de l’euthanasie : tuer,précipiter la mort

6 30 11 7 14 68

Sédation est réversible 2 9 3 5 9 28Sédation ne fait pas forcément mourir 0 2 2 3 6 13Sédation légale — euthanasie illégale 0 2 0 2 1 5

IDE : infirmier(e)s diplômé(e)s d’état ; Éhpad : établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ; LISP : lits identifiésde soins palliatifs ; HAD : hospitalisation à domicile ; USP : unités de soins palliatifs.

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majorité des IDE dans chaque lieu d’exercice (en Éhpad : 6sur 7, en LISP : 30 sur 43, en service sans LISP : 11 sur 18,en USP : 14 sur 25) excepté en HAD où un peu moins de lamoitié des IDE évoquaient cette différence (7 sur 15).

Le caractère réversible de la sédation a été cité par 28 IDEprincipalement en USP (9 sur 25) et en HAD (5 sur 15).

Le fait que la sédation ne fasse pas forcément mourir aété exprimé par 13 IDE surtout en USP (6 sur 25) et en HAD(3 sur 15).

L’aspect illégal de l’euthanasie et/ou légal de la sédationa été évoqué par 5 IDE.

Il est intéressant de remarquer qu’aucune réponsen’évoquait une différence concernant la molécule ou lemédicament utilisé.

Par ailleurs, 8 IDE ont fait référence à deux différenceset 8 autres ont cité trois différences.

Pensez-vous qu’une réponse à une demanded’euthanasie puisse être la sédation continuejusqu’en fin de vie ?Cent quatre infirmières (90,4 %) ont répondu à la question,dont 37 réponses positives, 60 réponses négatives et 7 autresréponses (« peut-être », « oui et non » « Je ne sais pas »).

Vingt-sept infirmières ont expliqué pourquoi elles pen-saient qu’une réponse à une demande d’euthanasie pouvaitêtre une sédation continue jusqu’en fin de vie ; parmi cesexplications, nous avons retenu :• c’est une manière de répondre à une souffrance ou une

douleur insupportable : 16 ;• la sédation provoque une perte de conscience : 4 ;• c’est une facon de répondre à la demande du malade : 3 ;• cela permet l’accompagnement jusqu’à la fin : 3 ;• l’euthanasie est illégale : 1.

Plus nombreuses (60) sont les IDE qui pensaient que lasédation continue jusqu’en fin de vie n’est pas une réponseà une demande d’euthanasie. Quarante-cinq infirmières ontexpliqué leur réponse, principalement de la manière sui-

vante :• la sédation a pour objectif le soulagement des symptômes

difficiles : 19 ;• elle ne provoque pas le décès : 9 ;

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elle fait suite à une décision collégiale : 6 ;il s’agit de permettre un accompagnement jusqu’en finde vie : 7 ;si l’intention est de faire mourir, la sédation est un acteillégal, tout comme l’euthanasie : 7.

Il est intéressant de remarquer que le même argumentpermettre l’accompagnement » a été utilisé par les infir-ières dans les deux cas de figure face à une demande’euthanasie.

’après vous, quel est le pourcentage desersonnes qui survivent à un protocole de sédationn situation d’urgence ?oncernant l’estimation de la survie après un protocole deédation, nous avons cherché à savoir si l’infirmière qui metn œuvre un protocole anticipé de sédation en situation’urgence palliative pensait qu’il existait plus de chancesue le patient survive à cette sédation ou plus de risquesu’il meure à cause de celle-ci. Plus de chances signifiaitne survie supérieure à 50 %.

Quatre-vingt-quatorze infirmières (82 %) ont répondu àette question :

29 d’entre elles estiment cette survie supérieure à 70 % ;20 l’estiment entre 40 et 60 % ;22 l’estiment entre 20 et 30 % ;23 infirmières l’estiment inférieure à 10 %.

Au regard de l’indicateur recherché, notre propositiones pourcentages de survie aurait gagné à être plus perti-ente.

Il est toutefois intéressant de noter que près de la moi-ié des infirmières qui ont répondu à cette question (45 IDE)stimaient la survie à un protocole de sédation inférieureu égale à 30 %.

révalence d’une formation en soins palliatifs et’une réflexion concernant la sédation et la

emande d’euthanasieur 113 infirmières (98,2 %) à avoir répondu, 30 IDE disaienttre formées en soins palliatifs ; les soignants des Éhpadtaient les moins formés (1 seule IDE disait être formée) ;
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les plus formés étaient les soignants qui exercaient en USP(12 IDE).

Soixante-treize infirmières disent avoir participé à uneréflexion autour de la sédation et/ou de la demanded’euthanasie, dont 25 concernant uniquement la sédation,10 concernant uniquement la demande d’euthanasie et 38d’entre elles disaient avoir réfléchi aux deux thématiques.Pour la plupart, ces réflexions ont eu lieu en équipe (51 %),sous forme de lectures personnelles (29 %) et/ou sous formede formation continue (24 %).

Nous abordons à présent les résultats de la 3e partie duquestionnaire.

Mise en route d’un protocole anticipé desédation en situation d’urgence palliative

Avez-vous déjà mis en route un protocole desédation en situation d’urgence ? Si vous avez misen route un protocole de sédation en situationd’urgence : où ?Lors de la mise en route de ce protocole desédation, avez-vous éprouvé des difficultés ?Sur 112 infirmières (97,4 %) qui ont répondu à la question,62 disaient avoir mis en route un protocole de sédation ensituation d’urgence palliative. Ces protocoles ont été mis enroute dans les lieux suivants (une infirmière a pu être sol-licitée plusieurs fois et/ou dans des lieux d’exercice autresque le lieu d’exercice actuel) : 26 dans les services sans LISP,17 dans les USP, 13 dans les services avec LISP, 4 en HAD, 3au domicile, 1 en Éhpad, 2 en USLD.

Parmi les infirmières qui ont mis en route un tel proto-cole, deux groupes se sont distingués.

D’une part, un groupe de 27 infirmières exprimaient avoirété confrontées à des difficultés à la mise en route de lasédation. Ces difficultés sont présentées dans le Tableau 3.

Parmi les difficultés proposées, venait en tête la craintede la réaction des proches (12 fois), puis l’incertitude surl’opportunité du bon moment (9 fois), suivie de la peur dela dernière piqûre (8 fois). Venaient ensuite la crainte de la

Tableau 3 Difficultés à la mise en route du protocolede sédation.Difficulties in starting the sedation protocol.

Difficultés à la mise en route duprotocole de sédation

Nombre deréponses/27 IDE

Crainte de la réaction des proches 12Incertitude sur l’opportunité du

bon moment9

Peur de la dernière piqûre 8Crainte de la perte de

communication6

Manque de concertationprofessionnelle

5

Manque d’informations 5Non consentement de la personne 4Autres 8

IDE : infirmier(e)s diplômé(e)s d’état.

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erte de communication (6 fois), le manque de concertationrofessionnelle (5 fois) ainsi que le manque d’informationségalement 5 fois) et l’absence du consentement de la per-onne (4 fois).

Dans ce groupe, 8 infirmières faisaient apparaître’autres difficultés que celles proposées dans le question-aire ; parmi celles-ci nous avons noté des difficultés liéesu protocole, des difficultés éthiques (ambivalence de laersonne soignée, non consensus d’équipe, réticences fami-iales et médicales), des difficultés liées à des facteursmotionnels des soignants (sentiment d’abandon, situationtressante), des difficultés liées à la responsabilité soignanten l’absence du médecin et une difficulté matérielle liée àne pompe défectueuse.

Le premier besoin énoncé en regard des difficultésencontrées était le besoin de clarifier les responsa-ilités infirmières et médicales (13 IDE) ; venait ensuitee besoin d’anticiper une réflexion avec l’équipe, laamille et le patient (7 IDE) ; puis l’appui médical voirea présence médicale (5 IDE) ; une formation en soinsalliatifs et sur la sédation pour démystifier une pra-ique non couramment utilisée était un besoin égalementxprimé par 5 infirmières. Enfin, le besoin de précisiononcernant le protocole de sédation était exprimé parinfirmières.

D’autre part, un groupe de 35 infirmières disaient ne pasvoir rencontré de difficulté lors de cette pratique.

Parmi les éléments facilitant la mise en route d’une séda-ion en situation d’urgence, venait en premier l’existence’une concertation ou/et d’une réflexion en équipe15 IDE) ; juste après suivaient l’information de la famillet du patient en vue d’obtenir leur consentement (14 IDE)t la clarté du protocole (13 IDE) ; en termes de fréquence,enaient ensuite l’identification de la situation d’urgence8 IDE), la formation et l’expérience (6 IDE) et enfin, l’appuiu médecin et de l’équipe pour 3 IDE.

La Fig. 2 regroupe :d’une part, les besoins exprimés en lien avec les difficul-tés rencontrées par les 27 infirmières ;d’autre part, les éléments facilitants exprimés par les35 infirmières qui n’ont pas rencontré de difficulté lorsde la mise en route d’un protocole de sédation.

En dehors de toute proposition dans le questionnaireoncernant ces derniers éléments, nous avons repéré uneertaine similitude (pas dans les mêmes proportions) entrees besoins exprimés par les infirmières confrontées auxifficultés et les éléments facilitants évoqués par les infir-ières ne rencontrant pas de difficulté.

i vous n’avez pas mis en route un protocole deédation en situation d’urgence, pour quellesaisons ?ent douze infirmières (97,4 %) ont répondu à la question :50 IDE disaient ne pas avoir mis en route de protocole desédation en situation d’urgence ;parmi elles, 2 infirmières répondaient que le protocole a

été mis en route par un(e) collègue ;23 infirmières signalaient l’existence d’un protocole ;pour 14 d’entre elles, l’indication de son utilisation nes’était pas présentée ;
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La sédation en situation d’urgence palliative : quelle responsabilité infirmière ? 235

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Figure 2. Besoins en lien avec les difficultés rencontrées et élémNeeds linked to the encountered difficulties and elements facilitat

• 21 infirmières signalaient l’inexistence d’un protocole ;• 5 disaient avoir rencontré des situations pour lesquelles

elles en auraient eu besoin.

Discussion

Pour tenter de vérifier l’hypothèse émise, nous reprenons lesréponses des 62 infirmières qui disent avoir mis en route unprotocole de sédation en situation d’urgence, réparties endeux groupes : celles qui exprimaient avoir été confrontéesà des difficultés à la mise en route de la sédation et celles quidisaient ne pas avoir rencontré de difficultés lors de cettepratique.

Concernant la clarification des concepts, l’analysecomparative des réponses des deux groupes d’infirmièresapporte certains éléments de vérification de notre hypo-thèse. Les facteurs favorisant la clarification des conceptssont présentés sur la Fig. 3.

Se retrouvent de manière nettement plus importantedans le groupe sans difficulté :• l’expérience professionnelle supérieure à 5 ans (29 et 12) ;• l’existence d’une formation en soins palliatifs (16 et 7) ;• l’existence d’une réflexion concernant la demande

d’euthanasie (19 et 12) et ;• la réflexion conjointe sédation et demande d’euthanasie

(17 et 5).

Parmi les 35 IDE disant ne pas rencontrer de difficulté,nous repérons 8 IDE qui n’ont ni participé à une formation en

soins palliatifs, ni réfléchi à l’un ou l’autre concept, dont 6en USP ; pour ces 6 IDE, l’existence en USP d’une culture deconcertation pluridisciplinaire pourrait être en elle-mêmeun facteur facilitant.

facilitant la mise en route du protocole.he protocol application.

Parmi les 27 IDE exprimant des difficultés, 7 d’entre elleseulement ont bénéficié d’une formation en soins palliatifst 5 autres ont participé à une réflexion conjointe sédation-uthanasie.

À ce stade de la discussion, les éléments ci-dessus sug-èrent que la formation en soins palliatifs pourrait être unlément facilitant la mise en route d’une sédation.

Les objectifs d’une telle formation pourraient être deépondre à un besoin :

de clarification des 2 concepts de sédation etd’euthanasie, notamment en termes d’intention ;de connaissance en lien avec la pratique de la sédation etavec les recommandations de bonne pratique ;d’une démarche d’aide à la réflexion éthique.

Quant à la réflexion sur la sédation menée par les IDE quiisent avoir mis en route un protocole de sédation en situa-ion d’urgence, elle est relativement plus présente dans leroupe des infirmières qui ont eu des difficultés (23 danshaque groupe).

Peut-on à ce stade de la discussion établir un lien entre’existence d’une réflexion sur l’une ou l’autre des deux thé-atiques et l’intégration de l’intention dans chacune desratiques ?

Il apparaît que ce n’est pas parce qu’il y a eu réflexionur la sédation et/ou l’euthanasie, que les IDE ont intégréne différence entre les 2 concepts en termes d’intention.n effet :dans le groupe des 35 IDE sans difficulté, 9 n’ont pasexprimé de différence entre les 2 concepts en termesd’intention ; parmi ces 9 IDE, 7 ont mené une réflexion

concernant la sédation, 6 concernant l’euthanasie, dont4 ont mené une réflexion conjointe sédation-euthanasie ;dans le groupe des 27 IDE avec difficultés, 15 n’ont pasexprimé de différence entre les 2 concepts en termes
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igure 3. Facteurs favorisant la clarification des concepts.actors favouring concept clarification.

d’intention ; parmi ces 15 IDE, 10 ont mené une réflexionconcernant la sédation, 7 concernant l’euthanasie, dont2 ont mené une réflexion conjointe sédation-euthanasie.

Au vu de ces résultats, il semble qu’avoir mené uneéflexion autour des deux concepts ne soit pas un élément

lui seul suffisant pour faciliter la mise en route d’uneédation en situation d’urgence.

Réfléchir en équipe pluriprofessionnelle ne semble pasuffisamment aidant ; il pourrait y avoir une réelle nécessité’une véritable concertation pluridisciplinaire construite,ar exemple avec une démarche d’aide à la réflexionthique en amont de la prescription anticipée. La situation’urgence envisagée ainsi que les informations concrètesoncernant le protocole à mettre en œuvre pourraient éga-ement être précisés lors de cette concertation.

D’autres éléments permettant de vérifier la clarificationes concepts de sédation et d’euthanasie sont présentés sura Fig. 4.

Dans le groupe sans difficulté, on retrouve plus’infirmières qui ciblent les indications recommandées para Sfap concernant la sédation en médecine palliative pouromplications aiguës à risque vital immédiat (14 et 7).

Il est à noter qu’au Québec [3], la sédation transitoiretilisée en situation d’urgence est appelée « protocole deétresse » ; les indications de ce protocole sont la dyspnéeévère, la détresse respiratoire, les saignements majeurs eta douleur sévère.

Dans une recherche rétrospective menée à la Maisonichel Sarrazin (Québec) [4] sur 159 cas de protocole deétresse, 88 % ont été administrés pour une détresse respi-atoire, 6 % pour une hémorragie et 6 % également pour une

ouleur extrême. Lorsque survient ce genre de complicationiguë, le patient peut vivre une grande panique car il seent mourir. Les effets néfastes de cette panique sur sa res-iration et son rythme cardiaque peuvent encore aggraver

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a situation et précipiter le décès. Endormir rapidemente patient à ce moment lui permet de sortir de ce cercleicieux et même parfois de survivre à cet épisode aigu.ans l’étude précitée [4], seulement 33 % des patients sontécédés moins de 4 heures après l’injection du protocole deétresse. Il faut toutefois noter que 6 % des patients retenusans cette étude ont bénéficié du protocole de détresse pourne douleur sévère, indication non retenue dans les recom-andations de la Sfap concernant la sédation en médecinealliative pour complications à risque vital immédiat.

De plus, dans un contexte plus généraliste concer-ant la sédation pour traiter ou soulager des symptômeséfractaires, les études ne montrent aucune différence deurvie entre les groupes de patients sédatés et non sédatés5].

Dans notre étude, le pourcentage de survie à un pro-ocole de sédation, estimé supérieur à 70 % est égalementégèrement plus élevé dans le groupe sans difficulté (11 et).

Dans ce même groupe, on retrouve également plus’infirmières qui ont répondu « non » à la question « pensez-ous qu’une réponse à une demande d’euthanasie puissetre la sédation continue jusqu’en fin de vie ? » (24 et 14).

Lorsqu’une personne persiste dans une volonté’euthanasie, la sédation est parfois présentée commene « issue de recours », dans une optique de compromisu de moindre mal. Cependant, cette proposition n’estas toujours acceptée par le patient car elle ne répondas à sa demande. En effet, lorsqu’un patient demande’euthanasie, il ne demande pas forcément à être endormiusqu’à son décès, privé de toute faculté de jugement et

’exercice de son autonomie pendant cette période avanta mort. Sa demande est souvent de mourir conscient.

De plus, il y a une différence incontestable de tempo-alité entre les deux gestes. D’une part, le moment de

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La sédation en situation d’urgence palliative : quelle responsabilité infirmière ? 237

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Figure 4. Éléments de clarification des concepts.Elements of concept clarification.

la demande d’euthanasie motivée par une persistance desouffrances intolérables ne correspond pas nécessairementau moment où la mort se profile dans un futur proched’une à deux semaines. D’autre part, lorsqu’un patientpersiste dans une demande d’euthanasie, il peut chercherà arrêter brutalement de vivre ; il pourrait avoir des dif-ficultés à envisager une mort lente qui, certes pourraits’apparenter aux yeux des proches et des soignants à unemort naturelle, pacifiée voire idéalisée en sombrant dansun sommeil profond avant de mourir ; mais une mort lentepourrait donner à voir un corps de plus en plus dégradé sanscertitude que la souffrance est réellement soulagée effica-cement.

Enfin, sédater de manière continue une personne jusqu’àson décès empêche d’explorer avec elle les racines d’unetelle demande et d’envisager l’éventail des possibles aujour le jour puisque toute capacité de communication oude relation est anéantie pendant la sédation.

Notamment pour ces diverses raisons, « . . . il semblepeu souhaitable que la sédation soit présentée comme uneréponse systématique aux demandes d’euthanasie persis-tantes » [6].

Par ailleurs, les difficultés dans l’analyse etl’interprétation des résultats de cette étude nous invitentà discuter ce travail du point de vue méthodologique :• d’une part, dans l’hypothèse émise, nous avons voulu

vérifier auprès des IDE la clarification des conceptsd’euthanasie et de sédation en médecine palliative ainsique la connaissance de la sédation pour complicationsaiguës à risque vital immédiat. C’est donc volontairementque nous avons choisi de ne pas définir ces termes au

début du questionnaire, pour ne pas introduire de biaisau départ de ce travail de recherche. À titre d’exemple,en ce qui concerne la mise en route du protocole de séda-tion en situation d’urgence, nous ne pouvions vérifier si

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les IDE ont bien compris que le questionnement portaitsur la mise en route d’un protocole de sédation pourcomplications à risque vital immédiat. Nous pouvions uni-quement nous baser sur le pré-test de l’outil, qui nemettait pas en évidence une incompréhension des ques-tions posées ;d’autre part, nous avons fait le choix de récolter un grandnombre de données dans des lieux de soins multiples etvariés. Ce qui a orienté ce choix est le fait d’obtenir unecohorte suffisante. Nous avons alors opté pour l’enquêtepar questionnaire, outil qui a effectivement permis derécolter un grand nombre de réponses mais qui, contrai-rement à l’entretien, ne permet pas de vérifier en tempsréel la compréhension de l’intitulé de la question ;enfin, le choix de l’échantillon était lié aux soignants pré-sents au collège régional infirmier, venant de différentshôpitaux et équipes du domicile de la région Alsace. Cechoix d’échantillon crée une disparité de lieux rendantdifficile une comparaison des résultats entre les différentsservices et lieux de soins.

onclusionu terme de cette étude, il apparaît que la clarification desoncepts d’euthanasie et de sédation ne soit pas à elle seuleuffisante pour faciliter la mise en route par l’infirmière d’unrotocole de sédation en situation d’urgence.

D’autres éléments de clarification du contexte semblentssentiels à la décision infirmière de mettre en route un telrotocole anticipé.

Il s’agit premièrement de la concertation en équipe

luriprofessionnelle permettant la clarification des respon-abilités infirmières et médicales, et de l’appui de cettequipe. C’est un des éléments majeurs émergeant des infir-ières du groupe sans difficulté travaillant en services LISP.
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Nmières du Crasia pour les longues heures de travail générées

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Il s’agit ensuite de la précision du protocole et de’anticipation de la situation d’urgence. Dans l’enquête, leerme « protocole » revient très souvent dans les commen-aires des infirmières exercant en USP : connaissance,larté, utilisation. Cette précision nous semble d’autantlus importante qu’il ressort chez les infirmières des ser-ices sans LISP, que l’application, le suivi des prescriptionsédicales se fait « à la lettre ».En première indication de la sédation en situation

’urgence palliative vient la douleur ; même s’il s’agit deouleur intense, aiguë, difficile à traiter et vécue commensupportable par le patient, ceci questionne la manièreont la douleur est gérée dans les lieux d’exercice des infir-ières interrogées ; la prise en compte de la douleur doit

ester un élément de vigilance permanente.La recherche du consentement après information du

atient et de ses proches est l’autre élément primordialmanant des infirmières du groupe sans difficulté travaillantn services LISP. De plus, la crainte des réactions des prochesst citée comme difficulté première, notamment en Éhpadt dans les services sans LISP.

Concertation en équipe, précision du protocole et de laituation d’urgence anticipée ainsi que le consentement duatient et des proches sont donc des éléments indispen-ables à rechercher, à développer, dans le but d’étayer auaximum la prise de décision infirmière.Cette étude audacieuse présente toutefois des limites,

iées notamment aux difficultés rencontrées lors du dérou-ement de la recherche.

Le choix de traiter le sujet en attaquant de front laonfusion entre euthanasie et sédation a provoqué de viveséactions lors de la demande d’autorisation de diffuser leuestionnaire dans plusieurs hôpitaux d’Alsace. La notione situation d’urgence palliative ainsi que la responsabilitéécisionnelle de l’infirmière dans cette circonstance furentgalement difficiles à appréhender par plusieurs directionsoignantes.

Pour les infirmières sollicitées, le taux de réponse élevédémontré d’un intérêt certain pour le sujet traité. De la

orte, analyser les nombreuses données récoltées dans les15 questionnaires s’est révélé être une véritable prouessee la part de simples acteurs en soins infirmiers réunis auein du Crasia.

Par ailleurs, nous avons pu repérer à travers les nom-reux commentaires des infirmières, un certain nombree ressentis émotionnels personnels qui pourraient être à’origine d’une tentation de « glissement » de la sédationers l’euthanasie. Ces vécus n’ont pas pu être pris en compte

ans le cadre de cette recherche.

Suite à cette étude, différentes perspectives seraient ànvisager afin de faciliter l’intégration de la sédation enituation d’urgence dans la pratique infirmière.

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C. Daoût, M.-R. Jehl-Kopff

Il s’agirait d’abord de diffuser les résultats de cetteecherche aux différents établissements et aux soignants quiont participé.

Dans les formations en soins palliatifs, il serait ensuitentéressant d’intégrer simultanément les deux concepts’euthanasie et de sédation à partir par exemple deignettes cliniques. Cette préoccupation est d’autant plusmportante et actuelle au regard d’une proposition du der-ier rapport de la commission Sicard sur la fin de vie enrance [7]. En effet, en page 93 de ce rapport, la commissionvoque la décision d’un geste létal dans les phases ultimese l’accompagnement en fin de vie en ces termes : « Lorsquea personne en situation de fin de vie, ou en fonctione ses directives anticipées figurant dans le dossier médi-al, demande expressément à interrompre tout traitementusceptible de prolonger sa vie, voire toute alimentationt hydratation, il serait cruel de la « laisser mourir » oue la « laisser vivre », sans lui apporter la possibilité d’uneste accompli par un médecin accélérant la survenue de laort ». Un peu plus loin dans ce rapport, la mise en œuvre’une sédation profonde est citée comme exemple de gesteétal accompagnant une décision d’arrêt de traitement.

C’est pourquoi, dans la pratique soignante, à domicile etans les différents services susceptibles d’accueillir des per-onnes en situation palliative et/ou en fin de vie, il s’agirait :

d’encourager et de soutenir la concertation en équipe,la clarification des intentions et la réflexion à l’aide d’unoutil éthique ;de veiller à la clarté des protocoles et à l’identificationde la situation d’urgence envisagée et enfin ;d’anticiper l’information du patient et de ses proches envue d’obtenir leur consentement.

Plus globalement, l’enjeu serait de diffuser la culturealliative autour et/ou à partir de cette pratique, missionargement développée par les différents acteurs en soinsnfirmiers réunis au sein du Crasia.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

emerciements

ous adressons nos remerciements chaleureux aux infir-

ar cette étude.Nous remercions également toutes les infirmières des dif-

érents services qui ont participé à cette recherche.

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La sédation en situation d’urgence palliative : quelle responsabilité infirmière ? 239

Annexe 1. Questionnaire utilisé pour l’enquêteQuestionnaire used for the survey

INFORMATIONS GENERALES

o Lieu d’exercice actuel □Libéral □HAD □USP □services □avec LISP □sans LISP □EHPAD □USLD

o Expérience professionnelle □ moins de 5 ans □ entre 5 et 15 ans □ plus de 15 ans □ formation en soins palliatifs

o Y a-t-il un référent de soins palliatifs dans votre service ? □ oui □ nono Vous arrive t il de faire appel à une EMSP ? (Equipe Mobile de Soins Palliatifs) □ oui □ non

CLARIFICATION DES CONCEPTS

o Quelles sont, selon vous, les indications de la sédation en situation d’urgence, pour la personne malade ?

o Faites-vous une différence entre sédation et euthanasie ? □ oui □ nonSi oui, laquelle ?

o Pensez-vous qu’une réponse à une demande d’euthanasie puisse être la sédation continue jusqu’en fin de vie ? □ oui □ non Pourquoi ?

o D’après vous, quel est le pourcentage des personnes qui survivent à un protocole de sédation en situation d’urgence ?

□ <10 % □ entre 20 et 30 % □ entre 40 et 60 % □ >70 %

o Avez-vous eu l’occasion de participer à une réflexion □ concernant la sédation ?

□ concernant la demande d’euthanasie ?

Dans quelles circonstances ? □ en équipe □ formation continue □ lectures ou travail perso

nnels
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ce ? □oui □non

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MISE EN ROUTE DU PROTOCOLE DE SEDATION

Avez-vous déjà mis en route un protocole de sédation en situation d’urgen

Si vous avez mis en route un protocole de sédation en situation d’urgenceOù ? □domicile □HAD □USP □services □avec LISP □sans LISP □E

Lors de la mise en route de ce protocole de sédation, avez-vous éprouvé de□ oui □ non

Si oui, lesquelles ?

□Manque d’informations□ Non consentement de la personne□ Crainte de perte de communication□Moment opportun ou non□ Crainte des réactions des proches□ Peur de « la dernière piqûre »□ Autres ? Précisez

Si non, pourquoi ?

De quoi auriez-vous eu besoin ?

Si vous n’avez pas mis en route de protocole de sédation en situation d’urg

Pour quelles raisons ?□ Existence de protocole, mais non utilisé

oPas d’indication ?oAutres ? Précisez

□ Pas d’existence de protocoleEn auriez-vous eu besoin ?

COMMENTAIRE LIBRE

éférences

1] Blanchet V, Viallard M-L, Aubry R. Sédation en médecine pallia-tive : recommandations chez l’adulte et spécificités au domicileet en gériatrie. Med Pal 2010;9:59—70.

2] Comité Consultatif National d’Éthique pour les Sciences de lavie et de la santé (CCNE). Avis no 121 Fin de vie, autonomie dela personne, volonté de mourir; 2013. p. 43 [79 p.].

3] Bureau de Transfert et d’Échange de Connaissances—Rapport

14 — Faculté des Sciences Infirmières — Université deLaval — Application du protocole de détresse en phase termi-nale; 2007 [Consultable sur http://www.btec.fsi.ulaval.ca/./btec./Rappport 14-detresse respiratoire.pdf].

4] L’Heureux M, Richard L-A. La sédation palliative continue : unepratique légitime. Cah Fr Soins Palliat Que 2011;1:108—14.

5] Mattelaer X, Aubry R. Pratique de la sédation aux Pays-Bas :preuve du développement des soins palliatifs ou dérive eutha-nasique ? Med Pal 2012;11:133—41.

6] Mallet D. Pratiques soignantes et dépénalisation del’euthanasie. Paris: L’Harmattan; 2012. p. 107—11 [239 p.].

7] Rapport à Francois Hollande Président de la République

Francaise—Commission de réflexion sur la fin de vie enFrance; 2012 [Consultable sur http://www.decisionsante.com/fileadmin/uploads/Actualite/rapport sicard sur la fin de vie.pdf].