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Année scolaire 2015-16 Sociologie Classe de Terminale SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES Chapitre 6 Intégration, conflit, changement social I. Quels liens sociaux dans des sociétés où s'affirme le primat de l'individu ? II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ? Introduction/sensibilisation A. Place et rôle des conflits sociaux dans la société A1. Les conflits sociaux : pathologie ou facteur de cohésion sociale ? A2. Les conflits sociaux : moteurs du changement social ou résistance au changement ? B. Les mutations des conflits B1. L’évolution des conflits du travail B2. De nouveaux enjeux, de nouvelles formes de contestation Objectifs Savoirs Savoir-faire - Les conflits: pathologie ou facteur de cohésion sociale? - Les conflits : moteur ou résistance au changement ? - Comment ont évolué les conflits du travail ? - Quels sont les formes et les enjeux des nouveaux conflits sociétaux ? - Savoir exploiter les informations contenues dans un document Chapitre 6. Intégration, conflit, changement social |1 Question II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?

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Année scolaire 2015-16 Sociologie Classe de Terminale

SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Chapitre 6Intégration, conflit, changement social

I. Quels liens sociaux dans des sociétés où s'affirme le primat de l'individu ?II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement

social ?Introduction/sensibilisation

A. Place et rôle des conflits sociaux dans la sociétéA1. Les conflits sociaux : pathologie ou facteur de cohésion sociale ?A2. Les conflits sociaux : moteurs du changement social ou résistance au changement ?

B. Les mutations des conflitsB1. L’évolution des conflits du travailB2. De nouveaux enjeux, de nouvelles formes de contestation

Objectifs

Savoirs Savoir-faire- Les conflits: pathologie ou facteur de cohésion sociale?- Les conflits : moteur ou résistance au changement ?- Comment ont évolué les conflits du travail ?- Quels sont les formes et les enjeux des nouveaux conflits

sociétaux ?

- Savoir exploiter les informations contenues dans un document

Notions à acquérir : Conflits sociaux, mouvements sociaux, régulation des conflits, syndicatAcquis de première : conflit

Que dit le programme ? « On montrera que les conflits peuvent être appréhendés à partir de grilles de lecture contrastées : comme pathologie de l'intégration ou comme facteur de cohésion ; comme moteur du changement social ou comme résistance au changement. On s'intéressera plus particulièrement aux mutations des conflits du travail et des conflits sociétaux en mettant en évidence la diversité des acteurs, des enjeux, des formes et des finalités de l'action collective. »

Chapitre 6. Intégration, conflit, changement social |1Question II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?

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Année scolaire 2015-16

Chapitre 6Intégration, conflit, changement social

Dossier documentaire :II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement

social ?

Sensibilisation/Introduction

Document 1Dans Why Men Rebel ? (1970), Ted Gurr met en avant la notion de « frustration relative ». Il désigne ainsi l’écart entre les valeurs qu’un individu détient (revenu, poste ou reconnaissance) et celles qu’il se considère en droit d’attendre. La contestation survient lorsque cet écart est considéré comme trop grand. […]Du reste, la prise de parole protestataire n’est pas la seule réaction possible lorsqu’un mécontentement est ressenti. Comme l’a noté Albert Otto Hirschman dans Défection et prise de parole (1970), on peut alors opter également pour le retrait individuel (« exit ») ou encore demeurer malgré tout loyal. Le même avance par ailleurs l’idée d’un mouvement de balancier historique faisant alterner des périodes où les agents sociaux privilégient le repli sur la sphère privée et la consommation, et d’autres où ils s’engagent davantage dans la vie publique ; la déception suscitée par l’un ou par l’autre des investissements expliquant, selon lui, l’alternance.

Source : Igor Martinache, L’alchimie des conflitssociaux, Alternatives Economiques n° 294 - septembre 2010

a) Pourquoi, d’après la théorie de la frustration relative, un individu se mobilise-t-il ? motivation à se mobiliser si frustration au

départ. Frustration relative selon normes et valeurs propres à chacun càd situation sociale ne correspondant pas aux valeurs individuelles.

b) La frustration relative conduit-elle nécessairement à la mobilisation ? Selon Hirschman, pas de mobilisation auto, on peut adopter la défection (exit), la prise de parole (voice) et la loyauté (loyalty)

La défection (exit) consiste en un changement silencieux de situation (ex : démission)La prise de parole (voice) consiste en une contestation visible aspirant au changement (ex : grève)La loyauté (loyalty) consiste en l’acceptation résignée et silencieuse des sources de mécontentement.Nous allons nous intéresser particulièrement à la prise de parole, càd aux mvts scx : ensemble d’actions, de conduites et d’orientations collectives remettant partiellement ou globalement en cause l’ordre social et cherchant à le transformer.Quand il y a des mvts scx, ils se traduisent en général par une manifestation, l’expression de conflits scx ss-jacents.Les conflits sociaux sont des Rég.

A. Place et rôles des conflits sociaux dans la sociétéA1. Les conflits sociaux : pathologie ou facteur de cohésion sociale ?

2 grandes traditions s’opposent : Durkheim et Simmel

Document 2. Emile Durkheim : le conflit comme forme pathologique de l’intégration socialePour l'auteur des Règles de la méthode sociologique (1895), toute société normale implique la mise en oeuvre de mécanismes d'intégration qui limitent considérablement l'ampleur des conflits. [...] Elaborée au moment où la France connaît un fort développement des luttes sociales, […] l’oeuvre de Durkheim concerne les moyens de rétablir cette intégration si indispensable au fonctionnement de l'ordre social. [...] Il en vient ainsi à considérer la crise morale de la société française si propice à

Chapitre 6. Intégration, conflit, changement social |2Question II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?

Albert Otto HIRSCHMAN (1915-2012)

Economiste américain, connu notamment pour son analyse des questions de développement. Selon lui, cela résulte moins d’un apport de ressources financières que de la capacité à mobiliser les ressources cachées des hommes.Il analyse également les « microfondements d’une société démocratique », pointant notamment le rôle positif de certains conflits dans l’économie de marché.

Ouvrage en lien avec le chapitre : Défection et prise de parole. Théorie et applications, Fayard, 1995.

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l'épanouissement des conflits extrêmes comme le résultat d'une grave déficience de la fonction régulatrice que doivent toujours exercer à ses yeux les normes collectives.

Source : Pierre Birnbaum, « Conflits », in Raymond Boudon (dir.), Traité de sociologie, PUF, 1992

Les sociétés modernes présentent certains symptômes pathologiques, avant tout l'insuffisante intégration de l'individu dans la société. […] Pour expliquer les conflits sociaux, Emile Durkheim utilise donc cette conception d'un dysfonctionnement social auquel il faut remédier. Il ne croit pas aux vertus du développement des luttes sociales et du socialisme et considère plutôt l'« agitation sociale » comme un obstacle au retour à un état non pathologique.

Source : G. Gil, « Emile Durkheim », leconflit.com, 26 mai 2008

a) Dans quelle mesure le conflit est le signe d’un dysfonctionnement social ? Durkheim considère que les conflits scx, en perturbant

l’ordre social, traduisent un dysfonctionnement de la société. Ils sont une pathologie scle (signe d’une société malade) qui découle d’une division du L excessive conduisant à l’anomie.

b) En quoi les conflits remettent-ils en cause l’intégration sociale ? Selon Dirkheim, le conflit est le signe d’un lien social défaillant ou insuffisant. Le conflit scl a dc pour origine un défaut d’intégration, qui peut être notamment interprété comme une situation d’anomie, càd l’absence ou déficience des normes scles communément acceptées. P ex : émeutes urbaines, souvent analysées comme un signe d’anomie.

Document 3. Manuel p267 doc. 3 « Les émeutes des banlieues en 2005 » + Questions 1 & 2Q1. Un élément déclencheur : les sociologues fçs, US ou anglais mettent en évidence que le pt de départ des émeutes est presque tjs un heurt avec la police qui se solde par l’arrestation ou la mort d’un ou plsieurs habitants du quartier.Une colère alimentée sur une longue durée : sentiment de stigmatisation, chômage et pauvreté, déscolarisation ou filières de releg°, habitat dégradé, injustice, harcèlement, mépris, pas d’avenir la jeunesse se sent durablement exclue, exprime son mal-être.Q2. Pas de relais médiatique : msg pas entendu, voire dévoyé par les commentateurs qui ne connaissent pas la réalité islamisation de la sté, mafias, recherche de coupable alors que tous demandent à être reconnus et respectés.Pas de partis, de relais politiquePas d’ennemis et de revendication clairs

Les conflits sont dits pathologiques lorsque l’on y voit une menace pour la société. Mais de nbx sociologues contestent cette idée, ils considèrent au contraire que le conflit est une forme « normale » de toute relation socialeDocument 4. Manuel p266 doc. 1 « Le conflit, résultat d’un dysfonctionnement social ? » (1er §)

Compléter le texte à l’aide des termes suivants : conflits, relations sociale, destructions, divergences, reconnaissance

Selon Georg Simmel, les conflits sont très courants dans la vie sociale, car ils surviennent en raison des nombreuses divergences d’intérêts et de désirs entre les acteurs. En ce sens, ils sont normaux c’est-à-dire qu’ils sont présents dans chaque société.Le conflit permet de construire des relations sociales entre ceux qui sont en conflit : il ne conduit pas à la « destruction » des acteurs, mais au contraire à la reconnaissance de l'existence de l'adversaire ; et il permet la mise en œuvre des solutions négociées entre ces adversaires.

Document 5. Manuel p267 doc. 4 « La grève générale en Guadeloupe en 2009 » + Question 1, 3 & 4Q1. Pt de départ : vie chère, les pdts y st + chers qu’en métropole alors que les W st en moyenne + faibles. (békés = descendants des colons, certains détiennent tte l’éco locale)Q3. Volonté d’intégration, exprime la cohésion d’un peuple qui affirme sa dignité et refuse les vestiges de la colonisation Guadeloupe = métropole.Q4. similitude avec 2005 : Expression d’un manque d’intégration d’une partie de la population ds la scté fçseDifférence : manque de cohésion dans les banlieues (des jeunes et non pas les jeunes) alors que cohésion ++ en Guadeloupe.Les conflits sont régulateurs et producteurs de normes - Plus encore, non seulement ils sont intégrateurs et produisent du lien social avec les participants, mais aussi avec les groupes opposés :

C’est favoriser la mobilisation et l’organisation en groupes d’intérêts (syndicats) : donc favoriser la cohésion interne Et désigner des porte –parole capables de négocier avec l’adversaire = double relation sociale : ils permettent le

dialogue social : d’exprimer des revendications, de s’organiser, de se coaliser, de débattre, de relâcher la pression et de trouver des compromis.

- Ils permettent aussi la production de nouvelles normes, permettant le changement social dans une société. Exemples : reconnaissance des syndicats, du droit de grève ; la mise en place de procédures de négociation pour aboutir à un accord ; alarme sociale ; Avec les délégués du personnel, les représentants syndicaux (à partir de 50 salariés), dans les conseils d’administrations, on a maintenant une micro-société avec des acteurs dont les intérêts divergent, mais qui discutent. (Avant décisions d’en haut, sans concertation, sans avis à donner)

- Les conflits expriment aussi un respect des normes de fonctionnement de la société.

Chapitre 6. Intégration, conflit, changement social |3Question II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?

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Ils ne se font pas de manière anarchique ! Il y a des règles du jeu conflictuel, la violence est canaliséeA travers les conflits, on voit les traces d’une intense réglementation préalable et d’une coopération sociale reconnue

La régulation des conflits : Ensemble des règles qui permettent de maintenir le fonctionnement de la société malgré l'existence de conflits sociaux. ensemble de règles et d’institutions, résultant d’une construction sociale issue notamment des confrontations sociales précédentes, qui permettent l’expression des conflits mais aussi de canaliser les oppositions et d’organiser la négociation entre les partenaires sociaux. Les organisations syndicales et la mise en place d’une réglementation en sont les principaux piliers. = Ces dispositifs stabilisent et modèrent les conflits, sans pour autant les supprimer.

c’est le processus classique, pour tout groupe social qui veut réaliser ses idéaux, doit sortir de sa marginalité, s’institutionnaliser et trouver un compromis avec le reste de la société, qu’elle contribue ainsi à transformer. ceux-ci obéissent à des règles mais contribuent en outre à en produire de nouvelles. C’est donc un type de relation sociale particulier : - Dans les conflits se créent de l’unité - A l’issue du conflit se créent de nouvelles règles sociales- Les conflits ne s’expriment pas de manière anarchique : il y a des règles préalablesSynthèseCompléter le texte à l’aide des termes suivants : syndicats / rôle intégrateur / règles / pathologique / cohésion sociale/ anomie / normaux / la solidarité / conflictualité / manque d’intégration/ compromis / la régulation des conflits / changement social/ l’adversaire/

La construction de la démocratie et de l’Etat Providence a réduit les tensions sociales. Pour autant il n’y a pas de réel déclin de la conflictualité. Faut-il voir tous ces conflits comme des problèmes que rencontrerait la société ? Ou bien comme des phénomènes tout à fait normaux, source de cohésion sociale qui plus est ?

Certains conflits semblent révéler un manque d’intégration : avec les émeutes de banlieue (en 2005 en France, ou en 2011 au Royaume-Uni), on est en présence d’une anomie profonde (mal-être d’une partie de la jeunesse qui se sent durablement exclue, absence d’avenir social, absence de relais médiatique et d’action politique concertée). Mais c’est oublier que la culture de rue est aussi intégratrice. On peut aussi penser que les mutations rapides de nos sociétés produisent aussi de plus en plus de tensions : conséquences du ralentissement économique, mondialisation, inégalités, apparition de nouvelles revendications, défense de nouvelles valeurs etc.. Mais historiquement, les sociétés sont passées par de nombreux conflits sans pour autant disparaître : une situation « pathologique», c’est-à-dire avec un niveau de conflictualité plus important que d’habitude, peut ainsi provoquer un certain changement social sans pour autant constituer une « menace » pour la cohésion sociale : Mai 68 peut être un exemple classique.

C’est ainsi que les sociologues mettent aujourd’hui l’accent sur le rôle intégrateur du conflit : l'idée est d'abord que le conflit n'est pas le contraire d'une relation sociale mais bien un type particulier de relation. Il crée du lien, il crée de l’unité, en « resserrant les rangs » contre l’adversaire d’abord (Juifs dans l’Allemagne nazie, Eglise catholique contre les hérétiques, chasse aux étrangers et montée de l’extrême-droite dans la Grèce actuelle en crise) : le groupe est plus fort, plus structuré, dispose d’un but commun... Le conflit socialise aussi les individus, qui acquièrent de nouvelles normes et valeurs et développent des relations de sociabilité. Plus généralement le conflit crée de l’unité et de la solidarité : la grève générale en Guadeloupe contre la vie chère (2009) est un bon exemple de « conflit qui relie », en renforçant les liens sociaux entre Guadeloupéens qui n’auraient, sans cela, eu aucune raison de se rassembler.

Plus encore, les conflits permettent d’exprimer des revendications, de s’organiser, de se coaliser, de débattre mais aussi de trouver des compromis et donc participent au dialogue social : ainsi sans conflit, il est difficile d’amener des groupes aux intérêts très divergents à la table des négociations. Les conflits sociaux obéissent aussi à des règles préalables : la régulation des conflits est ainsi l’ensemble de règles et d’institutions, (syndicats, réglementation du travail, délégués du personnel…) résultant d’une construction sociale issue notamment des confrontations sociales précédentes, qui permettent l’expression des conflits mais aussi de canaliser les oppositions et d’organiser la négociation entre les partenaires sociaux. Ces dispositifs stabilisent et modèrent les conflits, sans pour autant les supprimer. De plus, ils contribuent à produire d’autres règles, permettant à la société de continuer à fonctionner. Ils produisent donc de la solidarité et de la cohésion sociale.

A2. Les conflits sociaux : moteurs du changement social ou résistance au changement ?

On parle de changement social pour désigner toute modification durable qui transforme la structure, l’organisation d’une collectivité et affecte le cours de son histoire. Ex : industrialisation, individualisation, féminisation de la pop active, « libération des mœurs, etc…Pour Karl Marx, les conflits sont tout à fait normaux, car les sociétés sont fondamentalement traversées de tensions, ce sont des lieux de lutte… et c’est cette lutte qui détermine toute l’histoire de l’Humanité et permet le changement social. Mais si le changement peut être l’objet de luttes sociales, la résistance et le maintien des acquis sociaux sont aussi de puissants enjeux de mobilisation.

i. Les conflits sont le principal moteur de l’histoire Chapitre 6. Intégration, conflit, changement social |4Question II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?

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Marx faisait de la lutte des classes le principal moteur de transformation des sociétés. Le rôle des classes sociales dans le changement social est incontournable.

Le mouvement social ouvrierLe mouvement ouvrier naît vraiment dans la 2ème moitié du 19ème siècle. - A partir de 1864 (droit de grève) : intense mobilisation collective gagne les classes populaires. Au début, les grèves sont locales, isolées, et ponctuelles, mais néanmoins violentes et massivement suivies par les ouvriers d’une même entreprise.- Les capitalistes n’hésitent pas à faire intervenir des milices privées ou la police pour tirer sur les manifestants, ou à pratiquer le « lock out », en clair le licenciement des grévistes (interdit en 1950).- 1884 (droit syndical) : les ouvriers se syndiquent massivement un conflit se propage très vite dans toutes les entreprises d’une même branche (1906 : Première grande grève générale, qui permet d’obtenir un jour de repos hebdomadaire).

Ces conflits sociaux ont été le moteur du progrès social. Le mouvement ouvrier a été un acteur essentiel de la construction de l’Etat Providence :- Il a participé à la construction de droits sociaux à partir des luttes qui existaient dans les entreprises. - Droits du travail, création d’un statut salarial protecteur,- Mais aussi sur les grandes questions sociales, même si elles n’avaient pas de lien direct avec le travail (retraites, santé, Sécurité sociale…)

Le mouvement ouvrier en a été l'exemple typique de ce qu’on appelle un mouvement social : ensemble d’actions collectives qui visent le changement partiel ou total de la société et qui sont portés par des groupes sociaux particuliers.

D’autres groupes ont aussi été porteurs de changement socialA partir des années 1960, d’autres groupes participent, par leurs luttes, au changement social :

Actions collectives menées par… Production de nouveaux droits

Le mouvement des droits civiques aux USA (1960’s)

Egalité entre les Noirs et les Blancs (notamment droit de vote, accès à certains métiers et études, éligibilité…)

Les féministes Contraception, IVG, parité, égalité salariale

Les homosexuels PACS, condamnation pour des faits homophobes, mariage homosexuel…

Les écologistes Normes écologistes, principe de précaution, limitation des OGM, etc.

Les régionalistes Création des régions en 1972, lois sur la décentralisation (plus de compétences aux collectivités locales), autonomie administrative de certaines régions.

Les militants contre le racisme

Lois anti-discriminations, mesure de discrimination positive (quotas dans certaines administrations américaines, par exemple.), condamnations pour des faits et propos racistes.

Les mouvements de défense des immigrés

Régularisation, nouvelles conditions de séjour, projet de vote des étrangers aux élections locales.

Le mouvement des mal-logés

Droit au logement opposable (= l’Etat doit trouver une solution au mal-logement s’il ne peut pas proposer un logement social à ceux qui y ont droit), construction d’un certain % de logements sociaux dans les villes.

Les altermondialistes Labels éco-responsables, taxe sur les transactions financières.

ii. S’opposer pour résister au changement

Document 6. Manuel p265 doc 4 « Les éoliennes : ‘’pas dans mon jardin’’ » + Questions

On peut ainsi observer qu'un certain nombre de conflits prennent pour enjeux la résistance au changement, en particulier lorsque ceux-ci s'incarnent dans la « modernisation » des entreprises ou de l'État présentée comme « nécessaire » mais qui viendrait menacer le statut et l’identité conférés aux personnes par la société au travers du travail. L'accent peut être mis sur les contextes socio-historiques : c'est en fonction de ceux-ci, et notamment des rapports de force qu'ils impliquent, que les conflits peuvent se situer comme moteur ou résistance au changement. Le caractère défensif de certains mouvements pourrait ainsi traduire d'abord un affaiblissement des ressources des groupes concernés, par exemple des ressources politiques des ouvriers qui ne bénéficient plus d'une représentation aussi importante et organisée que par le passé.Attention : ce ne sont pas parce qu’il résiste au changement qu’ils sont archaïques et que leur action n’est pas légitime ! Tout changement n’est pas forcément bon (débat sur les OGM, la réforme des retraites, etc.)

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B. Les mutations des conflitsB1. L’évolution des conflits du travail

On observe des conflits du travail qui persistent malgré de nombreuses mutations. De plus : nouvelles formes de conflictualité, nvx enjeux, nvx acteurs.

Une diminution apparente de la conflictualité du travailDocument 7. Manuel p260 doc. 1A « La grève, forme typique du travail ? »Ce doc vise à illustrer le déclin des conflits traditionnels (grèves) qu’on peut relier à leur institutionnalisation = une forme non conventionnelle est devenue conventionnelle

En 2004, la DARES (Direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques du ministère de l’Emploi) a recensé en France environ 200 000 journées individuelles non travaillées pour fait de grève dans les entreprises privées (hors transport).Tendance : le nombre de grèves en France a diminué d’environ 95 % sur la période.D’une manière générale, on observe depuis 1975 une diminution extrêmement forte du nombre de grèves qui constituent la forme la plus traditionnelle et ritualisée des conflits du travail.= si on se fie aux statistiques, on assiste depuis le début des années 1980, à une baisse de la conflictualité au travail

De nouvelles formes de conflictualitéDocument 8. Manuel p260 doc. 1B « D’autres formes »Ce diagramme montre que la grève n’épuise pas le champ de la conflictualité au sein des entreprises. Dans la catégorie autres : actions de blocage, occupation de lcx

a) En quoi ce diagramme relativise-t-il la baisse de la conflictualité du travail ? tt est bon, pourvu que la P° soit désorganisée.b) Comment expliquer les évolutions des formes de conflictualité ? Contxt défavorable à la conflictualité (pvr d’achat

en baisse, fort chômage, opinion publique défavorable…). Les nvelles formes de conflits sont plus faciles et moins coûteuses à mettre en œuvre que des conflits durs. Fonction d’alerte pr l’entreprise pr éviter que le conflit ne soit + sévère.Rq : ds les petites entreprises, grèves rares, conflits + individualisés. Svt en charge d’activités externalisés par gdes entreprises, conditions de L difficile refus heures sup car paiement supp pas forcément prop à la difficulté.

Des conflits pas seulement défensifsDocument 9. L’évolution des thèmes de conflits collectifs (champs : établissements de 20 salariés et plus ; source : DARES, 2007)

Que signifie la donnée entourée ? Entre 2002 et 2004, d’après la DARES dans une étude parue en 2007, 14,8% des établissements de 20 salariés et plus ont connu un conflit dont la revendication portait sur les salaires. revendications les+ fréquentes, puis viennent celles concernant le temps de travail.La part des établissements ayant connu un mouvement dont la revendication principale concernait les salaires a augmenté de plus des deux tiers (+66 %) entre 1996-1998 et 2002-2004.Celle des établissements ayant connu un conflit concernant le temps de travail a elle quasiment doublé (on peut imaginer que cela a été alimenté par les négociations visant à la mise en place des 35 heures), et il en va de même pour ceux touchés par des revendications portant sur le climat des relations de travail. On constate enfin que quels que soient leurs thèmes, les conflits ont progressé, touchant davantage d’établissements en 2002-2004 qu’en 1996-98.

De nouveaux acteurs participent aux conflits du travailDocument 10. Le taux de syndicalisation en France

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a) Peut-on dire que les syndicats peuvent encore réguler les conflits en France aujourd’hui ? tx de syndicalisation plutôt bas ms nuancer : restent initiateurs de conflits ds bcp de secteurs, siègent aux prud’hommes, négocient les accords d’entreprise, informent et protègent les salariésdès lors qu’ils sont présents.Mais il est vrai que leur influence décroit : nvs syndicats + radicaux (SUD), pb de radicalisation de la base, accusation de syndicats réformateurs

b) En quoi la contestation des cadres se distingue-t-elle des formes de contestation traditionnelles ? formes de la contestation des cadres : désengagement à l’égard de l’entreprise et repli sur la sphère personnelle ; mobilité interne ou externe, vote protestataire aux élections pro, recours aux prud’hommes, utilisation d’internet.On s’éloigne des formes tradi de contestation du fait de la + gde proximité avec la hiérarchie, absence d’une véritable conscience de groupe alors que la grève se fonde sur le nb.

Document 12. Synthèse de l’évolution des conflits du travail

Période Niveau des conflits Revendications Formes de la mobilisation Principaux acteurs

Les Trente Glorieuses (1945-1974)

Echelon national/ interprofessionnel

Partager les fruits de la croissanceHausse du PHA

Grève lancée par les syndicats

Ouvriers des grandes entreprises (mines, métallurgie, automobile, etc.)Syndicats

Depuis les années 1990

Entreprises privées

Maintien de l’emploi contre les délocalisations, les restructurations

Mais aussi thèmes plus classiques : formation, salaires, droit syndical, etc.

- Grèves et manifestations- Judiciarisation, prudhommes, conflits plus individuels- conflits localisés- formes diverses d’expression de la conflictualité- radicalisation parfois violente

Les employés des entreprises menacées par les licenciements

Tout type de salarié, les cadres étant les + protestataires

Tout type d’entreprises

Parfois à distance des syndicats

Secteur public (conflits fréquents par métier)

Maintenir la protection sociale et les services publics

Syndicats, coordination, grève « par procuration » (soutien de l’opinion publique sans mobilisation des salariés du privé), manifestations

Salariés de niveau intermédiaire liés à l’Etat : infirmières, cheminots, enseignants, etc.Syndicats

B2. De nouveaux enjeux, de nouvelles formes de contestation

Document 13. Valeurs post-matérialistes et transformation des conflitsRonald Inglehart montre que, dans les sociétés occidentales, la satisfaction des besoins matériels de base pour l'essentiel de la population déplace les demandes vers des revendications plus qualitatives de participation, de préservation de l'autonomie, de qualité de vie, de contrôle des processus de travail. En effet, les anciennes générations qui ont connu la récession des années 1930 et la Seconde Guerre Mondiale ont été socialisées dans un contexte de privation matérielle : elles auraient ainsi tendance à privilégier la satisfaction des besoins matériels, notamment la croissance économique, la lutte contre la hausse des prix et la sécurité.Les nouvelles générations, qui ont bénéficié de la croissance économique des Trente Glorieuses, privilégient la satisfaction des besoins supérieurs et valorisent d'autres valeurs comme la qualité de vie, la liberté d'expression ou la participation politique des citoyens. Le passage de valeurs matérialistes à des valeurs post-matérialistes expliquerait l'existence de nouveaux mouvementssociaux. Inglehart qualifie de révolution silencieuse cette évolution. Le développement des valeurs d'estime de soi et la montée de la compétence politique, due à la hausse du niveau d'instruction, conduit à une plus forte demande de participation politique.

Source : R. Pradeau, à partir de R. Inglehart, The silent Revolution, Princeton University Press, 1977

Chapitre 6. Intégration, conflit, changement social |7Question II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?

Document 11. De nouveaux acteursA la fin des années 1990, les comportements politiques et sociaux des cadres ont changé. Jusqu’ici loyale courroie de transmission de la direction, on les a vus se syndiquer plus massivement que la moyenne des salariés, initier des conflits sociaux, porter des affaires devant les prud’hommes, utiliser Internet pour mobiliser leurs réseaux et marquer leur opposition, avec des méthodes allant du simple cynisme à la résistance ouverte. Bien sûr on note également un désengagement vis-à-vis de l’entreprise, de retrait et de distance vis-à-vis des formations syndicales traditionnelles, comme l’atteste le succès de SUD auprès des cadres de la SNCF ou d’EDF. Il n’en reste pas moins que les cadres sont aujourd’hui, la PCS qui participent le plus à des actions protestataires (plus de la moitié, contre seulement un tiers pour l’ensemble des salariés). Source : A. Reverchon, « Les cadres continuent à s’impliquer mais contestent

l’entreprise », Le Monde, 3 janvier 2006

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Document 14. Manifestations altermondialistes contre le G20 et action de Greenpeace à Paris

Ronald Inglehart distingue les besoins physiologiques de base des besoins supérieurs de réalisation de soi. Les besoins de base

sont matérialistes dans la mesure où ils portent sur les conditions matérielles d'existence (pouvoir d'achat, sécurité,

logement...).

Une fois ces besoins satisfaits au cours des Trente Glorieuses, les individus ont accordé une importance croissante à des besoins

non matériels, des valeurs postmatérialistes comme l'épanouissement personnel, la réalisation de soi, la liberté, la qualité de

vie, etc.

La montée des valeurs postmatérialistes permet de comprendre le développement depuis les années 1970 de nouvelles

revendications et donc de nouveaux types de mouvements sociaux.

Il se développe des conflits en dehors de la sphère du travail et du mouvement ouvrier, qu'on nomme souvent « conflits

sociétaux » et dont les revendications sont en grande partie postmatérialistes.

Exemples :

- mouvement féministe (revendique la reconnaissance de l'égalité homme / femme),

- mouvement de défense de l'environnement (revendique une meilleure qualité de vie),

- mouvements régionalistes (revendique la reconnaissance de l'identité basque ou corse),

- mouvement homosexuel (revendique l'égalité des droits et la reconnaissance de l'identité homosexuelle).

- Etc.

De plus, ces « nouveaux mouvements sociaux » renouvellent souvent la forme des conflits sociaux : la grève et la manifestation chères au mouvement ouvrier ne sont plus les seuls modes d'action, on assiste à une valorisation de la dimension créative et ludique, au développement d'actions spectaculaires qui interpellent autant l'opinion publique et les medias que les gouvernants (exemples : préservatif géant sur la Concorde ou « die-in » par Act Up ; fauchages d'OGM ; actions anti-nucléaire de Greenpeace, par exemple parapente se posant sur une centrale pour montrer qu'elle n'est pas assez sécurisée...).La distinction entre valeurs matérialistes et post-matérialistes n'est pas toujours facile : les conflits du travail mêlent aussi bien les questions « matérialistes » que des questions de reconnaissance sans qu'il soit toujours aisé de distinguer où s'arrêtent les unes et où commencent les autres. Ainsi, « exiger une augmentation de salaire c'est aussi, et parfois surtout, formuler une revendication de dignité » (salaire décent, reconnaissant la réalité du travail ou les qualifications du salarié).Attention : il ne faut pas conclure que ces mouvements sociétaux auraient remplacé le mouvement ouvrier !

Chapitre 6. Intégration, conflit, changement social |8Question II. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?