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This is an author-deposited version published in: http://sam.ensam.euHandle ID: .http://hdl.handle.net/10985/8272

To cite this version :

Philippe VIOT - Comportement des matériaux cellulaires sous sollicitations dynamiques. Partie 2 :approche multi-échelles - Mécanique et Industries - Vol. 12, n°4, p.247-264 - 2011

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Mecanique & Industries 12, 247–264 (2011)c© AFM, EDP Sciences 2011DOI: 10.1051/meca/2011018www.mecanique-industries.org

Mecanique&Industries

Comportement des materiaux cellulaires sous sollicitationsdynamiques. Partie 2 : approche multi-echelles

Philippe Viota

LAMEFIP, Arts et Metiers PARISTECH, Esplanade des Arts et Metiers, 33405 Talence Cedex, France

Recu le 22 janvier 2010, accepte le 23 mai 2010

Resume – La methodologie proposee pour l’etude du comportement de materiaux cellulaires sous sollici-tation dynamique est abordee par une approche multi-echelles. Le comportement des mousses polymeresetudiees depend du materiau constitutif, et de sa structure poreuse. Les materiaux cellulaires de l’etudesont constitues de grains millimetriques poreux ; le cœur de ces grains est constitue de cellules microsco-piques. La methodologie proposee vise a reproduire la morphologie multi-echelles du materiau cellulaire,celles des grains et des cellules, d’implementer des modeles de comportement simples a ces differentesechelles afin de reproduire les phenomenes physiques complexes observes et la reponse macroscopique dumateriau. L’observation et l’analyse des phenomenes locaux est un travail preparatoire a la modelisationmulti-echelles. Cet article decrit les methodes experimentales et numeriques qui ont ete developpees pourl’observation fine de la structure des materiaux cellulaires, et quantifier des deformations et des dommagesde ces structures a l’echelle des cellules et des grains. Deux approches de modelisation ont ete ensuiteenvisagees ; un modele elements-finis pour decrire la structure des grains, et une autre approche numeriqueplus originale qui s’appuie sur la methode des elements discrets pour representer la structure microscopiquedes cellules.

Mots cles : Materiaux cellulaires / mousses / microtomographie / modelisation multi-echelles /modelisation elements-finis / modelisation elements discrets

Abstract – Behaviour of cellular material under dynamic loadings. Part 2: a multi-scale ap-proach. A multi scale methodology is proposed for the study of the cellular material behavior underdynamic loading. The behavior of polymeric foams studied depends on the constitutive material and themorphology of the porous structure. The cellular material of this study is constituted of millimetric porousbeads, these beads are themselves constituted of microscopic closed cells. The methodology proposed tomodel the multi scale morphology of the structure (the scales of beads and cells) of the cellular material;it consists in implementing simple mechanical models at the different scales to reproduce the complexphysical phenomenon observed and to model the macroscopic response of the foam. The observation andthe analysis of physical phenomenon is the first step of the multi scale modeling. This paper describes theexperimental and numerical methods used to observe and describe the structure of the cellular material,and quantify deformations and damages of these structures at the scales of beads and cells. Two ways ofmodeling were investigated: a finite-element model to represent the bead structure and another approach,more original, by the use of a modified discrete element model to model the microscopic structure of thecells.

Key words: Cellular material / foams / microtomography / multi-scale modeling / finite-element model /discrete element model

Introduction : du materiau a sa structure

La modelisation des materiaux cellulaires est un desaxes de recherche qui interesse de plus en plus les

a Auteur pour correspondance :[email protected]

industriels puisque ces materiaux sont utilises dans denombreux domaines (transport civil ou militaire, geniecivil, equipement de sport, medical. . . ) pour alleger desstructures, attenuer un bruit parasite, isoler thermique-ment des batiments ou dissiper une grande part del’energie d’un impact dans le cadre de la securite passive.

Article publie par EDP Sciences

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La volonte de developper des modeles numeriques dediesa ces materiaux n’est pas nouvelle puisqu’elle reponda des preoccupations techniques et economiques. Plu-sieurs voies de modelisation peuvent etre envisagees ;une voie classique de modelisation du comportement dumateriau a l’echelle macroscopique et une seconde voiede modelisation – dite multi-echelles prenant en compteles phenomenes rencontres aux echelles plus fines de lastructure du materiau.

L’approche macroscopique qui vise a decrire la reponsecontrainte deformation du materiau homogeneise, en pre-nant en compte les parametres tels que la densite dela mousse, la vitesse de deformation imposee et lesmodes de sollicitation, a deja ete decrite dans un articleprecedent [1]. Cependant, les modeles macroscopiquesenvisages ne permettent pas par nature de decrire lesphenomenes locaux observes lors de compression dyna-mique sur des materiaux cellulaires (flambement des pa-rois dans le cas de mousses polymeres, perforations etruptures de parois, localisation des deformations) et uneapproche micro-macro doit etre envisagee. Ce deuxiemearticle presente une deuxieme voie d’investigation quivise a proposer des modeles reliant la morphologie dela structure de ces materiaux cellulaires a leur compor-tement macroscopique. Par cette approche, il sera doncpossible d’elaborer une mousse, c’est-a-dire de choisir unmateriau constitutif et definir un procede d’elaboration,pour obtenir une structure particuliere afin d’atteindredes performances macroscopiques attendues. Cet objectifinteresse aussi les industriels pour une meilleure maıtrisedes materiaux utilises dans leurs produits.

La deuxieme voie d’investigation propose donc de re-produire la morphologie multi-echelles du materiau cel-lulaire, celles des grains et des cellules, d’implementerdes modeles de comportement simples a ces differentesechelles afin de reproduire les phenomenes physiques ob-serves et la reponse macroscopique du materiau. L’ob-servation et l’analyse des phenomenes locaux est un tra-vail preparatoire a la modelisation multi-echelles. Cetarticle decrit les demarches qui ont ete menees pourl’observation fine de la structure des materiaux cellu-laires, des deformations et des dommages de ces struc-tures a l’echelle des cellules (echelle microscopique) etdes grains (echelle mesoscopique). L’objectif est de quali-fier les parametres influant sur ces phenomenes locaux dedegradation du materiau afin de les prendre en comptedans les modelisations multi-echelles. Le resultat majeurde cette analyse des phenomenes aux differentes echellesest de considerer un essai de caracterisation, non pascomme un essai rheologique, mais comme un essai surstructure. Pour certains materiaux, les localisations dedeformation sont telles que le corps d’epreuve sollicitene peut plus etre considere comme un echantillon maiscomme une structure.

De ces observations et scenarii de propagation de dom-mages proposes aux deux echelles mesoscopique et micro-scopique, deux approches de modelisation ont ete envi-sagees ; un modele elements-finis qui consiste a decrirela structure mesoscopique de la mousse comme un

assemblage de parois de grains (dans ce cas, la porositedu grain a ete modelisee par un materiau poreux ho-mogeneise), et une autre approche numerique qui s’appuiesur la methode des elements discrets pour representer lastructure des cellules (echelle microscopique) et evaluerl’influence de la variabilite de la morphologie de la struc-ture cellulaire a cette echelle.

1 Analyse des dommages aux differentesechelles

Les observations a l’aide de camera rapide et lesmesures par correlation d’images faites a la surface del’echantillon [1] lors de compressions statique et dyna-mique montrent des localisations en deformation et entemperature qui traduisent des mecanismes localises dedommage localises. Ces premieres investigations doiventetre poursuivies au cœur du materiau en utilisant d’autrestechniques experimentales pour decrire la progression desmecanismes d’endommagement aux differentes echelles dela structure du materiau.

Les structures des materiaux cellulaires ont deja faitl’objet de nombreuses publications tant leurs effets surle comportement macroscopique d’un point de vue ther-mique, phonique ou mecanique est important. Dans ungrand nombre de publications (de la chimie des materiaux([2–4]), aux procedes [5] et a la mecanique) dediees aces materiaux, on retrouve au moins une image MEBde la structure du materiau pour illustrer l’importancedu procede d’elaboration sur la structure generee ou l’ef-fet de cette structure sur la reponse macroscopique. Denombreux articles decrivent ces microstructures et les ou-vrages de reference de Gibson et Ashby [6] et de Mills [7]font une bonne synthese des microstructures que l’onpeut retrouver dans les materiaux cellulaires existants.La methodologie proposee – de la structure du materiaua son comportement macroscopique – necessite l’identifi-cation fine de la microstructure des materiaux polymeresde l’etude et le recours a l’expertise d’images MEB ou re-construites en micro tomographie est aussi indispensable.

1.1 A l’echelle microscopique

Les materiaux cellulaires de cette etude sont principa-lement des mousses polymeres (Figs. 1a , b et e, obtenuespar moussage lors d’une reaction chimique, fabricants JSPS.A. et Knaupf), des mousses syntactiques (realisees parl’assemblage de billes creuses dans une matrice epoxyde,Fig. 1d), des mousses biologiques ou naturelles (liege etbois, Fig. 1f) et, a titre plus anecdotique, des moussesmetalliques (Fig. 1c). L’ensemble de ces mousses estconstitue d’une premiere echelle (dite microscopique) decellules ouvertes (liege, bois – Fig. 1f, polyurethane –Fig. 1b, polystyrene. . . ) ou fermees (polypropylene –Fig. 1e, polystyrene, aluminium – Fig. 1c. . . ) de tailleset d’epaisseurs de parois variables (Fig. 1). Ces dimen-sions dependent des proprietes du materiau constitutif

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Fig. 1. Vue micrographique de structures cellulaires de mousses de polyurethane (a et b), d’aluminium (c), syntactique (d), depolypropylene (e) et de liege (f).

et des procedes de fabrication. Pour le meme materiauconstitutif, du polystyrene par exemple, les procedesen emulsion [8] permettent d’obtenir des mousses ca-librees a porosites ouvertes dont les tailles de cellules sontinferieures a la dizaine de microns. A partir du mememateriau, une mousse a porosite fermee, dont la taille descellules est cette fois d’une dizaine a une centaine de mi-crons, peut etre realisee par moussage obtenu par voieCO2 super critique [9]. Pour les mousses syntactiques,la taille des cellules depend intrinsequement de la tailledes billes creuses incluses dans la matrice (Fig. 1d) ; ellepeut etre de quelques dizaines de microns dans le cas demicrospheres creuses de verre et peut atteindre quelquesdizaines de millimetres dans le cas d’assemblages de billescreuses polymeres (fabricant ATECA S.A.).

A l’echelle macroscopique, le comportement classique(en terme de contrainte-deformation) d’un materiau cellu-laire sous une sollicitation de compression est caracterisepar trois phases (Fig. 2a) ; une phase elastique limitee parune contrainte seuil σs suivie par un plateau en contrainte(appele abusivement plateau plastique) et une phaseultime de densification pendant laquelle la contrainteaugmente fortement en fonction de la deformation. Ce

comportement de materiaux cellulaires sous compressionest classique, il a ete presente par de nombreux auteurs [1]pour des mousses polymeres (Fig. 2a) et dans de nom-breux ouvrages de reference [6, 7]. Ce comportement ma-croscopique est aussi revele pour des materiaux cellulairesplus originaux tels que les mousses syntactiques ou des as-semblages de billes creuses (Fig. 2b). Il est bien evidentque la taille des cellules, leurs geometries, leurs assem-blages et le materiau constitutif conditionnent le com-portement de la mousse. Dans un premier temps, afin deconsiderer le comportement de la structure a l’echelle mi-croscopique, des mousses mono echelle (PU, mousse d’alu-minium ou mousse syntactique) ont fait l’objet d’une ex-pertise et revelent des comportements tres differents :

– La compression d’une mousse d’aluminium generedes ruptures dans les parois des cellules. Ces pa-rois viennent ensuite indenter d’autres parois non en-dommagees pour initier de nouvelles ruptures. Cettereponse bien differente d’une mousse polymere est dueen grande partie au comportement de l’aluminium.

– Dans le cas des mousses syntactiques, le compor-tement macroscopique et microscopique depend for-tement de la fraction volumique de spheres creuses

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0

1

2

3

4

5

6

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2Strain %

Stre

ss (M

Pa)

Deformation vraie

Con

trai

nte

(MPa

)

(a) (b)

Fig. 2. (a) Comportement d’une mousse de polypropylene (densite 80 kg.m−3) sous compression statique. (b) Reponse macro-scopique d’un materiau cellulaire constitue de billes creuses sous compression statique.

Fig. 3. Reconstruction micro tomographique apres compression dynamique d’une mousse syntactique de trois fractions volu-miques de spheres 15 % (a), 30 % (b), 45 % (c).

dans la matrice ; il depend donc fortement de sastructure. Pour des faibles fractions de billes, on as-siste a une deformation viscoelastique de la matriceet aux ecrasements localises de spheres (Fig. 3a).Pour de fortes proportions de spheres creuses, lemateriau devient fragile (Fig. 3c). Sa degradation ap-paraıt par la propagation de fissures qui progressententre les �� defauts �� que constituent les inclusions despheres. Pour des fractions intermediaires (Fig. 3b),les mecanismes de degradation du materiau sontmixtes, des bandes d’endommagement (ou les spherescreuses sont ecrasees) et des fissures apparaissent.Pour ce type de materiau, il y a donc un couplage entrel’effet de structure (organisation des billes) et l’effetmateriaux constitutifs (la proportion de melange ma-trice/spheres est couplee a la microstructure).

– La compression d’une mousse de polyurethane in-duit le flambement des parois des cellules et l’appa-rition de rotules plastiques. Ces deformations s’ac-compagnent aussi de dechirements de parois initiespar la combinaison des sollicitations mecaniques etdes differentiels de pression du gaz comprime dans les

cellules. Les deformations sont plastiques puisque lesdommages peuvent etre observes apres sollicitation, cequi n’est pas le cas des mousses de neopolene structu-rellement equivalentes mais dont le materiau constitu-tif est viscoelastique (le retour a la structure initialese manifeste de maniere differee).

Dans le cas des mousses polymeres multi-echelles, qui fontplus particulierement l’objet de cet article, les mecanismesde deformations tels que le flambement et la rotule plas-tique sont aussi presents. Les observations par MEBmontrent clairement les flambements generes sur les pa-rois des cellules (Fig. 4). Les deformations residuelles ob-servees sont variables ; certaines cellules semblent n’avoirete que faiblement deformees (cellule A, Fig. 4) alors qued’autres ont atteint un niveau de deformation correspon-dant a la phase de densification (cellule B, Fig. 4).

De ces observations, une hypothese de scenario peutetre envisagee en termes de propagation du dommage.On peut tout d’abord supposer qu’il n’existe pour lacellule que les deux phases d’elasticite et de densifica-tion ; la progressivite du passage de la phase elastique

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Fig. 4. Photographie MEB d’une mousse PP apres compres-sion dynamique : apparition de bande de localisation de dom-mage a l’echelle de la cellule.

a la densification depend evidemment de la fragilite dumateriau constitutif, certainement aussi de la geometriedes cellules, de la contribution du gaz sous pressioncontenu dans le volume de la porosite et de la vitessede la sollicitation. Pendant la sollicitation de compressionexercee sur la mousse, au debut de la phase plastique (ma-croscopiquement parlant), un ensemble de cellules s’en-dommage, leurs parois flambent et les porosites se fermentpartiellement (voire totalement en fonction de la pressiondu gaz contenu dans les cellules). La densification locale– partielle ou non – d’un ensemble de porosites permetla dissipation de l’energie de la sollicitation, le reste dumateriau cellulaire conservant son elasticite. Le plateauplastique observe macroscopiquement s’explique alors fa-cilement par la fermeture des porosites qui se propage surl’ensemble de l’echantillon pendant ce plateau. La densi-fication ultime (macroscopique) correspond finalement ala degradation de l’ensemble des cellules.

De plus, ces observations montrent que la degradationdu materiau s’effectue par strates (souvent perpendi-culaires a l’axe de la sollicitation, Figs. 4 et 5). Lephenomene de localisation apparaıt principalement pourles mousses multi-echelles ou l’influence des parois desgrains peut etre suspectee sur l’etat de contrainte localimpose a la structure cellulaire. La propagation du dom-mage peut etre expliquee en considerant une cellule de ca-racteristiques mecaniques plus faible �� effet de taille �� ouplus sollicitee �� effet de structure multi-echelles ��. Sous lasollicitation, les parois de cette cellule flambent ce qui in-duit une redistribution et une augmentation de la chargesur les cellules voisines. Par effet �� boule de neige ��, onassiste alors a un effondrement qui se propage dans lastructure cellulaire voisine.

Pendant ces processus, il est difficile de mettre enevidence sur le comportement des materiaux cellulairesindustriels l’effet de la taille et de la geometrie des cel-lules (la dispersion des tailles de cellules est trop im-portante pour les mousses polymeres concernees). Des

Fig. 5. Photographie MEB d’une mousse PP apres compres-sion dynamique : apparition de bandes de localisation de dom-mage et de flambement multi modes a l’echelle du grain.

etudes experimentales complementaires sont en cours surdes mousses de densite constante et de taille de po-rosite controlee afin de mettre en evidence l’effet detaille des cellules sur la localisation du dommage. Lesmodelisations multi-echelles ameneront aussi un certainnombre de reponses concernant le processus de propaga-tion du dommage dans ce type de materiau.

1.2 A l’echelle mesoscopique

Les materiaux cellulaires polymeres de l’etude sontconstitues de grains agglomeres. Le reseau des parois deces grains forme une structure a une echelle superieuredesignee arbitrairement par mesoscopique (Fig. 6). Pourdes raisons de simplification, les parois de cette struc-ture sont considerees denses et homogenes. Cependant,lors de l’elaboration du materiau cellulaire, ce sont lescellules en peripherie de chaque grain qui sont deformees,ecrasees et fondues pour constituer une paroi supposeedense (Fig. 7). Une analyse micrographique plus fine mon-trerait certainement encore la texture de ces parois en-gendree par l’ecrasement des cellules. Il est d’ailleurs pos-sible d’observer des porosites dans les parois (aux endroitsou les pressions de contact ont ete les moins fortes pen-dant l’elaboration). Dans certains cas, pour des moussesde faibles densites, il est meme difficile d’isoler la paroiconstitutive de la structure mesoscopique de l’echelle mi-croscopique des cellules, tant le differentiel en epaisseurest faible entre les parois de grain et de cellule ; seulun gradient de taille de cellules peut etre observe a lafrontiere des grains (Fig. 1e).

1.2.1 Analyse 2D des localisations de deformation

Les observations des degradations de la structure parun chargement dynamique ont ete effectuees en microsco-pie electronique a balayage et par micro tomographie. Les

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Fig. 6. Reconstruction micro tomographique d’un ensemblede parois de grains de mousse PP.

Fig. 7. Image MEB d’une mousse PP.

images obtenues par MEB sur des echantillons decoupesapres impact revelent les deformations residuelles de lastructure cellulaire. La deformation des parois des grainsdepend de leur orientation par rapport a l’axe de sollicita-tion. En compression uni axiale, les modes de deformationsont la flexion et le flambement (qui intervient en toutelogique sur les parois dont les directions sont proches del’axe de compression). Et puisque ces parois sont mainte-nues lateralement par les cellules (echelle microscopique),le flambement est multi modal. Les nœuds de flambe-ment doivent apparaıtre en fonction de la variabilite del’epaisseur de paroi mais dependent aussi de la rigiditelaterale locale de la structure cellulaire. La densite lo-cale de la structure microscopique (et donc sa rigiditeface a des sollicitations dynamiques) influent donc surla deformation de la structure mesoscopique ; il y a bienevidemment interdependance des deformations observeesaux deux echelles.

Ces observations au MEB ont ete faites apres decoupede l’echantillon et, comme dans bien des cas, l’observa-tion (ou la mesure) peut perturber le phenomene observe.La decoupe d’une mousse polymere n’est pas simple etpeut generer des dommages sur la structure cellulaire

equivalents a ceux engendres par la sollicitation dyna-mique. Des moyens d’instrumentation complementairesdevaient etre developpes pour observer ces phenomenesau cœur de la structure sans decoupe prealable. L’utilisa-tion de la technique de micro tomographie a donc ete pro-posee. Cette technique de mesure permet de caracteriseren trois dimensions la structure d’un materiau heterogeneavec une grande precision mais est incompatible avec lesmoyens experimentaux usuels d’impact. Les instrumentsde mesure en micro tomographie (table micrometriquemultiaxiale, camera haute definition. . . ) sont fragiles etcouteux et ne peuvent etre utilises directement sur unemachine de sollicitation dynamique conventionnelle. Deplus, les temps de mesure sont longs (souvent superieursa 60 min), la mesure ne peut etre donc realisee pendantle temps de l’impact (inferieur a quelques millisecondes).

L’identification en 3D du champ de deformation dela mousse et de la propagation du dommage par flam-bement des parois des cellules etait necessaire dans lademarche de modelisation multi-echelles. Des moyensexperimentaux de sollicitation dynamique compatiblesavec les contraintes techniques des mesures par microtomographie ont donc ete developpes [10]. La methodeexperimentale retenue consiste a realiser des essais d’im-pact interrompus suivis de mesure de micro tomogra-phie. Une premiere acquisition micro tomographique esteffectuee sur la structure saine de la mousse, avant im-pact. L’echantillon est ensuite impacte en utilisant unetour de chute. Pendant le chargement dynamique, l’am-plitude de deformation est limitee a une certaine valeur.L’echantillon est maintenu comprime et est ensuite placeune seconde fois sur la table de mesure de micro tomogra-phie pour etre radiographie. Ces operations (impacts etacquisitions micro tomographiques) sont repetees jusqu’ala complete densification de la mousse. La deformationdu materiau cellulaire peut etre evaluee a partir des re-constructions 3D des images de micro tomographie en-registrees aux differentes etapes de l’essai de compres-sion dynamique. Il etait necessaire de verifier si cettemethodologie (impact interrompu suivi d’un long tempsde mesure pendant lequel le materiau est maintenu com-prime) ne modifiait pas le comportement de la mousse.Des cycles de compression ont ete effectues pour mettreen evidence que la methodologie d’essais interrompus nemodifiait pas la reponse macroscopique du materiau cel-lulaire.

Enfin, pour cette etude, parce que les impacts devaientetre appliques sur des volumes d’echantillon representatifsde la structure de la mousse (donc les plus grands pos-sible) mais aussi parce que la precision de mesure microtomographique est d’autant meilleure que l’echantillon estpetit, le diametre de l’echantillon a ete fixe a 10 mm. Cechoix a permis de mesurer avec une bonne precision lageometrie des parois des grains (echelle mesoscopique).En revanche, la precision de mesure ne permet pas d’iden-tifier la structure des cellules (echelle microscopique).

La technique de micro tomographie a ete appliqueea une mousse de polypropylene. Les mesures ont ete ef-fectuees sur la ligne BM05 du synchrotron europeen ESRF

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(a) (b)

(c) (d)

Fig. 8. Reconstruction micro tomographique d’un cube (de cote 2 mm) situe dans la partie basse de l’echantillon impacte.(a) Avant impact, (b) apres une deformation macroscopique imposee de 10 %, (c) apres une deformation macroscopique imposeede 30 %, (d) apres une deformation macroscopique imposee de 50 %.

a Grenoble. Les reconstructions 3D de l’echantillon demousse permettent de visualiser correctement les paroisdes grains ainsi que les larges inclusions de bulles d’air(Fig. 8). A une echelle beaucoup plus fine, il est pos-sible de distinguer aussi la structure des cellules fermees,il est cependant impossible de quantifier ces observations,puisque la precision des mesures est de l’ordre de grandeurde l’epaisseur des parois des cellules (la taille des figurespresentees dans l’article ne permet pas de visualiser cetteechelle).

La reconstruction 3D d’un cube situe dans lapartie inferieure de l’echantillon montre les differentsmecanismes de deformation (Fig. 8). Les premiers flam-bements apparaissent dans cette zone a partir d’unedeformation imposee de 30 % (Fig. 8c) ; ce sont les pa-rois verticales dans l’axe de la compression, qui sontdeformees suivant ce mode ; les autres parois subissentprincipalement de la flexion. S’il est impossible de dis-tinguer la deformation des cellules sur ces premieres fi-gures, l’ecrasement des bulles plus larges peut etre visua-lise. Pour une deformation de 50 % (Fig. 8d), ces bullessont completement ecrasees ce qui tend a prouver que lemateriau cellulaire a localement atteint la phase de den-sification.

Ces resultats sont confirmes sur les coupes verti-cales de l’echantillon (Fig. 9). Une premiere analyse desdeformations peut etre faite a partir de ces images 2D sion suppose que le deplacement hors plan est nul (cettehypothese a ete validee puisque le deplacement des grainsest principalement vertical, le deplacement radial peutetre considere comme negligeable puisque le coefficient dePoisson de cette mousse est suppose proche de zero). Untraitement numerique a ete applique sur une partie de lafigure 9 afin de mettre en relief les phenomenes observes.Ce meme filtre a ete applique sur les differentes sections

Fig. 9. Coupe verticale (obtenue en microtomographie d’unechantillon de mousse de polypropylene).

obtenues apres chaque impact. Le resultat est presente surla figure 10 correspondant aux trois premiers impacts.

En premiere approximation, la variation de surface dechaque grain peut etre consideree comme un bon indica-teur de sa deformation moyenne. Cette estimation a eteeffectuee sur l’ensemble des grains d’une section et montrela forte dispersion des deformations sur les grains apparte-nant a cette coupe verticale (Fig. 9). La densite de chaquegrain peut etre aussi estimee a partir du niveau de gris desa structure poreuse. Sachant que sur ces images, la teintela plus claire correspond au materiau dense et qu’un pixelnoir represente un point geometrique a l’interieur d’une

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Fig. 10. Coupe verticale de la zone delimitee de la figure 9 montrant les deformations consecutives a trois impacts.

porosite, le niveau moyen de gris d’un grain est correle asa densite (cependant, la precision de mesure ne permetpas de determiner exactement la densite des grains). Surl’ensemble des grains presents dans la coupe verticale del’echantillon, l’etude de ces deux indicateurs – variationde surface et niveau de gris moyen – montre qu’il n’y pasde correlation entre la densite du grain et sa deformation.La structure mesoscopique constituee par le reseau de pa-rois de grain a manifestement une influence significativesur la localisation de la deformation dans l’echantillon.

Ainsi, cette analyse de variation de surface de grainrevele une heterogeneite dans la deformation moyenne dechaque grain. Ces images 2D montrent aussi des bandes delocalisation de deformation a l’interieur de chaque grain ;ces bandes peuvent etre identifiees (par exemple sur legrain 4 (Figs. 9 et 10) assez facilement en suivant ladeformation des bulles d’air et la variation du niveau degris dans le grain (les zones qui s’eclaircissent se densi-fient). Cette localisation de deformation s’accompagne deflambement de parois et d’indentation locale (des paroisverticales dans l’axe de sollicitation s’enfoncent dans lesparois perpendiculaires de grain inferieur). Enfin, le suivide contour de grains montre que la deformation locale dela structure est complexe et est initiee par des champs deforce autres que ceux generes par une simple compressionmacroscopique uni axiale.

1.2.2 Analyse 3D des localisations de deformation

Malgre l’ampleur des developpements numeriques etles couts en temps de calcul, l’etude en 3D des imagesreconstruites en micro tomographie a ete effectuee pourdeux raisons principales : premierement, il etait necessairede verifier sur l’ensemble de l’echantillon les conclusionsdeduites des observations faites sur quelques sections ver-ticales qui necessitaient de surcroıt des hypotheses fortes.Deuxiemement, la reconstruction en 3D de la geometriedes grains est une etape essentielle pour la definitiond’un modele numerique d’une structure reelle de mousse,modele qui pourra etre ensuite implemente dans un codede calcul.

Pour les raisons evoquees precedemment (porositedans les parois des grains, epaisseur de paroi de grainequivalente a celle des bulles. . . ), il a ete particulierement

delicat d’extraire, par des techniques d’imagerie tradition-nelles, le reseau constitue par les frontieres des grains apartir des images 3D obtenues en micro tomographie. Lesreconstructions des parois ainsi obtenues presentaient desepaisseurs tres variables, des porosites et des trous, etil semblait donc impossible d’identifier a partir de cettestructure 3D des domaines fermes representant l’interieurporeux des grains et le reseau de parois.

La geometrie de la structure des parois des grainsne pouvait etre obtenue par une methode directe, ila donc ete propose de developper une methode de re-construction afin de determiner un Volume Representatifde chaque Grain (designe par VRG par la suite) surlequel la deformation moyenne et la densite ont eteestimees. La methode a necessite des developpementsd’algorithmes complexes de traitement d’images qui neseront pas presentes dans ce document mais qui pour-ront etre retrouves dans la reference [11]. Pour expliquersuccinctement la technique de determination du VRG,une premiere serie de filtres numeriques est appliqueesur l’image 3D obtenue par micro tomographie pour enextraire approximativement les centres des grains. Pourchaque centre de grain, un algorithme genere une sur-face developpable fermee qui est expansee a l’interieur dugrain et vient progressivement s’appuyer sur une frontierenumerique delimitee par les parois des grains (la paroi estidentifiee par son niveau de gris). L’ensemble des VRG po-reux des grains a ete calcule a chaque etape de la compres-sion dynamique (Fig. 11) ; chaque VRG etant delimite parune surface developpable continue, il a ete possible d’esti-mer des grandeurs geometriques (barycentre, volume) etle niveau de gris moyen des pixels de ce VRG. La me-sure de niveau de gris moyen dans ce VRG permet dededuire un densite moyenne ρ sur le grain ou, par dualite,sa porosite φ. Quelques equations permettent de retrou-ver une relation simple liant la deformation volumique dudomaine VRG avec la variation de porosite entre son etatnon comprime (indice 0) et apres chaque etape (j) de lacompression dynamique :

εvolj = 1 − φj − φ0

1 − φj(1)

Les resultats de ces calculs appliques a l’ensemble desgrains de l’echantillon de mousse (Fig. 11) et aux

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Fig. 11. Reconstruction de la morphologie des grains avantcompression dynamique (a gauche) et apres le second impact(a droite).

differents niveaux de la compression dynamique ap-portent des informations qui permettent de nuancer lesconclusions faites lors des analyses 2D. Il existe effec-tivement une forte dispersion dans la deformation vo-lumique des grains au debut de la compression dy-namique et ceci quelle que soit la densite (marqueurscarres, Fig. 12). Malgre une legere tendance qui semblemontrer que les grains les plus denses sont les moinsdeformes, on peut estimer que la densite n’est pas lefacteur preponderant. Une etude plus fine montre quepour ce niveau de deformation moyenne imposee, il existeune correlation forte entre la deformation volumique desgrains et leur position dans l’echantillon ce qui revele anouveau les phenomenes de localisation. La correlationentre la deformation volumique et la densite du graindevient plus evidente pour des deformations moyennessuperieures ; pour le deuxieme et le troisieme impact(marqueurs disque et losange, Fig. 12), une relation peutetre presentee entre la densite du grain et sa deformationvolumique : les grains plus denses sont plus rigides etleur deformation volumique est plus faible. De plus, ladispersion en deformation volumique est independantede la densite, et peut etre considere comme un effet dela structure des parois des grains qui initie des locali-sations de deformation lors de l’apparition de flambe-ment. En fin de compression (dernier impact, marqueurstriangle, Fig. 12), la deformation moyenne imposee surl’echantillon implique sa densification, la dispersion desdeformations est alors beaucoup plus faible.

En conclusion, les observations faites aux differentesechelles montrent l’apparition de localisation dedeformation pendant la compression ; elles apparaissenta la surface du materiau, sont visibles apres impactsur des photographies de la structure aux differentesechelles (obtenues par MEB ou par micro tomographie).Cette degradation localisee s’accompagne (ou s’initie)par le flambement des parois des cellules (a l’echellemesoscopique) et celles des grains (a l’echelle microsco-pique). Le meme mecanisme est donc a l’origine de ladegradation des deux echelles du materiau.

Fig. 12. Evolution de la deformation volumique des grains enfonction de leurs densites et a differentes etapes de la com-pression dynamique.

Les traitements numeriques specifiques des images ob-tenues par microtomographie ont fourni une morphologiedes volumes representatifs des grains. L’etape finale de cetraitement doit conduire a la reconstruction du squelettecorrespondant au reseau de parois des grains, reseau quipourra etre ensuite implemente dans un code de calcul.

2 Modelisation multi-echelles

La modelisation multi-echelles vise a reproduire lareponse d’une morphologie reelle de mousse compre-nant une agglomeration de grains, eux-memes constituesde cellules microscopiques. A l’echelle mesoscopique, lastructure des parois des grains peut etre raisonnablementrepresentee par une approche elements-finis (FEM) ; unVER d’un materiau cellulaire est construit a partir d’unreseau de parois denses. Il semble vain de vouloir utili-ser le meme outil pour modeliser a la fois la structuredes parois des grains et la structure plus fine des cellulesmicroscopiques (le nombre d’elements necessaires pourrepresenter ces deux echelles deviendrait phenomenal),une modelisation par elements discrets (DEM pour dis-crete element modelling) peut alors etre envisagee en pa-rallele pour representer la structure cellulaire microsco-pique. L’etape finale doit etre l’integration du modelenumerique DEM de la structure cellulaire dans le modeleFEM de la structure des grains afin de prendre en comptel’interaction des comportements aux deux echelles. Ceprojet numerique necessite des developpements d’outilsnumeriques (integration DEM/FEM) couteux en tempset en ressource. Il etait necessaire d’estimer le potentielde cette methodologie par des premieres investigationsnumeriques. Cet article presente les resultats de simula-tions numeriques en 2D realisees aux deux echelles :

– En FEM, la structure des grains a ete modelisee parun treillis de parois denses et le comportement des cel-lules a ete homogeneise, dans un premier temps, parun modele macroscopique classique. Cette premiere

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approche, utilisant des modeles simples, vise a repro-duire les mecanismes d’endommagement du materiaua l’echelle mesoscopique.

– En DEM, les cellules sont representees par des par-ticules qui interagissent entre elles par des forces decontact. Une loi de comportement a l’echelle micro-scopique decrivant la reponse d’une cellule (modeleGibson) dicte l’evolution de cette force de contacten fonction de l’etat de la particule (du comporte-ment elastique a sa densification). Ce modele DEM amontre l’influence de la microstructure sur la reponsedu materiau.

2.1 Modelisation des grains a l’echelle mesoscopique

Une premiere investigation numerique a ete menee en2D en modelisant par elements-finis la geometrie d’ungrain par un polyedre. Pour resumer les conditions desimulation, un domaine simplifie (hauteur 5,5 mm, lar-geur 6 mm sur une profondeur de 1 mm) representatifd’une structure d’une mousse polymere a ete represente(Fig. 13a) avec le code de calcul elements-finis LS-DYNA.La structure mesoscopique est caracterisee par un en-semble de grains separes par une structure de paroisdenses. La porosite des grains constitues de milliers de cel-lules microscopiques n’est pas representee par la methodeelements-finis ; pour cette modelisation, la structure desgrains est supposee homogene et la densite du grain cen-tral est variable (25, 90 et 180 kg.m−3) par rapport a celledes grains voisins qui reste constante et egale a 70 kg.m−3.Il est ainsi envisage d’estimer l’influence du champ de den-site sur le champ de deformation.

L’epaisseur e des parois est aussi une variable dela modelisation ; trois valeurs ont ete choisies 0,02 mm,0,1 mm et 0,2 mm suite aux observations effectuees surdes materiaux cellulaires reels. Le volume de ces parois estdonc respectivement de 0,39 mm3, 0,78 mm3 et 3,9 mm3.Il correspond donc a 1,1 %, 2,2 % et 11 % du volume totalde l’echantillon poreux. En prenant en compte la massesupplementaire de ces parois dans un echantillon dont lesgrains poreux ont tous une densite de 70 kg.m−3, la den-site apparente de l’echantillon comprenant grains et pa-rois est alors egale a 72, 74 et 88 kg.m−3 pour les troisepaisseurs considerees.

Le comportement du materiau des parois estsuppose elasto-plastique, le modele utilise est laloi 24, *MAT PIECEWISE LINEAR PLASTICITY deLS-DYNA, les parametres sont le module de Young =1000 MPa, le coefficient de Poisson = 0,1, la limiteelastique = 40 MPa et le module plastique 100 MPa.Ces donnees ont ete identifiees par une etude bibliogra-phique [6].

Le comportement de la structure cellulaire microsco-pique (constituant l’interieur poreux de chaque grain)est homogeneise et comprend les trois phases classiques(elastique – plateau en contrainte – densification). Cecomportement peut etre represente par un modele dejaimplemente dans LS-DYNA ; le modele utilise est la loi*MAT LOW DENSITY FOAM. Les parametres de ce

(a)

(b)

Fig. 13. (a) Domaine initial modelise sous LS DYNA. (b)Comportement du materiau cellulaire implemente dans LS-DYNA en fonction de la densite.

modele dependent de la densite ρ locale du materiau po-reux. La reponse en contrainte–deformation du materiauporeux en fonction de la densite (Fig. 13b) est utilise pouridentifier ce modele.

Les conditions aux limites sont les suivantes : le do-maine numerique est en appui plan avec une surface ri-gide fixe sur la surface inferieure. Le deplacement de lasurface superieure de l’echantillon est impose suivant unaxe vertical, la vitesse de deplacement de la surface estde 2 m.s−1. Enfin, les nœuds positionnes sur les quatresurfaces laterales ne peuvent se deplacer que dans les4 plans consideres. L’objectif final de cette modelisationn’est pas de reproduire une compression uni axiale maisde mettre en evidence les effets de variation d’ epaisseurou de densite locale, les conditions aux limites imposeessur l’echantillon numerique correspondent a une com-pression en matrice. Ces conditions aux limites parti-culieres ont ete choisies pour approcher l’etat de solli-citation d’un grain au centre d’une structure poreuse. Cechoix est discutable mais l’objectif de cette modelisationn’est pas de reproduire le comportement d’une moussesous compression uni axiale mais d’exacerber l’effet dedensite locale sur la deformation des grains dans des

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Fig. 14. 3 champs de deformation εz (z etant l’axe de compression) en fonction de la densite ρ du grain central (pour unedeformation axiale moyenne de 10 % et une epaisseur de parois nulle) : a gauche) ρ = 25 kg.m−3, au centre) ρ = 90 kg.m−3, adroite) ρ = 180 kg.m−3.

Fig. 15. 3 champs de deformation εz (z etant l’axe de compression) en fonction de l’epaisseur des parois des grains (pour unedeformation axiale moyenne de 10 % et un champ de densite homogene), (a) e = 0,02 mm, (b) e = 0,1 mm, (c) e = 0,2 mm.

conditions de sollicitation �� voisines �� de celles observeesexperimentalement. Un plan d’experiences base sur desessais numeriques a ete developpe afin de reveler les ef-fets cumules des deux parametres densite des grains etepaisseurs de parois sur la localisation des deformations.Les resultats obtenus par ce plan d’experience peuventetre synthetises comme suit :1. L’effet du champ de densite sur l’heterogeneite du

champ de deformation a ete demontre numerique-ment. Comme prevu, la deformation du grain centralest d’autant plus importante si sa densite est faible.Sans paroi de grain (e = 0), le grain le moins dense sedeforme en premier et engendre ensuite la deformationdes grains qui sont situes dans le meme plan horizontalet perpendiculaire a l’axe de compression (Fig. 14). Ceresultat est evident mais il confirme l’hypothese d’ini-tiation localisee du dommage et de sa propagation degrain en grain.

2. L’effet de la structure des parois des grains surla localisation des deformations est confirme et ceresultat est nouveau (Fig. 15). A densite constanteρ = 70 kg.m−3, le champ de deformation est par-ticulierement heterogene pour les fortes epaisseursde paroi (Fig. 15c). La modelisation revele lesphenomenes de flambement dans les parois des grainset ce sont ces flambements qui initient cette fois lalocalisation de deformation. Dans cette configuration,le processus de degradation du materiau peut etre lesuivant : pendant la compression, un champ de forces’installe dans le reseau des parois et dans les do-maines poreux au cœur des grains. Le champ de force

augmentant, un premier flambement apparaıt sur unedes parois et induit une redistribution du champ deforce au voisinage de cette paroi. La structure cellu-laire des grains s’endommage localement ; les valeursdes deformations montrent qu’elle atteint rapidementle plateau en contrainte. Il y a donc au final un trans-fert de charge vers les autres parois voisines et, enfonction de la geometrie et de l’epaisseur de ces pa-rois, un nouveau flambement apparaıt.

3. Ce processus est confirme par des modelisations cou-plant les effets de variation de densite et d’epaisseurde paroi (Figs. 16 et 17). Pour des epaisseurs de paroiproches de celles mesurees sur des mousses de poly-propylene (e = 0,02 mm), la variation de densite dugrain central implique un effet sur le flambement desparois des cellules. Ce ne sont pas les memes paroisqui flambent en premier : parois b, f, l et h de lafigure 17a pour le grain central de faible densite etparois c, e, k et i de la figure 17c pour le grain cen-tral de forte densite. La deformee de ces parois dependaussi de la densite des grains voisins. Dans cette confi-guration (faible epaisseur) les modelisations revelentdes flambements multi modaux des parois des grains,phenomenes physiques observes experimentalement etqui avaient ete expliques par la rigidite laterale de lastructure des cellules microscopiques voisines.

Ces modelisations numeriques decrivent des processusde degradation progressifs du materiau cellulaire quidependent des effets cumules du champ de densite descellules (echelle microscopique) et du reseau des paroisdes grains (structure mesoscopique). Deux hypotheses

258 P. Viot : Mecanique & Industries 12, 247–264 (2011)

Fig. 16. Champ de deformation εz (z etant l’axe de compression) en fonction de la densite ρ du grain central (avec une epaisseure = 0,02 mm) ; pour une deformation axiale moyenne de 10 %, (a) ρ = 25 kg.m−3, (b) ρ = 90 kg.m−3, (c) ρ = 180 kg.m−3.

Fig. 17. 3 champ de deformation εz (z etant l’axe de compression) en fonction de la densite ρ du grain central (avec uneepaisseur e = 0, 02 mm) ; Ia) pour une deformation axiale moyenne de 30 %, (a) ρ = 25 kg.m−3, (b) ρ = 90 kg.m−3,(c) ρ = 180 kg.m−3.

peuvent etre envisagees dans l’initiation du dommage :ou une densite plus faible sur un grain entraıne une loca-lisation du champ de force sur une des parois, ou une pa-roi plus elancee (donc plus rapidement sujette au flambe-ment) initie une instabilite dans ce champ de forces. Danstous les cas, le flambement de cette paroi genere ou accen-tue une localisation de deformation dans les grains voisins,une �� plastification �� des domaines cellulaires proches cequi va induire a nouveau le flambement d’une nouvelleparoi. . .

En terme de contrainte, lorsque le comportement dugrain de densite plus faible rentre dans la phase du pla-teau plastique, la contrainte que peut supporter ce graindevient constante (si on neglige la pente du plateau) cesont donc les autres grains voisins et leurs parois quivoient leurs contraintes augmenter par simple redistri-bution. Si la contrainte est telle qu’elle correspond a lacontrainte de flambage d’une des parois, alors cette pa-roi flambe et on assiste a nouveau a une redistributiondes contraintes dans la structure qui engendre successive-ment des flambements de paroi et des effondrements degrain. On peut donc reproduire les bandes de localisationde deformations observees experimentalement.

Les resultats de ces modelisations multi-echelles dumateriau cellulaire montrent donc que la structure desparois des grains et leurs densites intrinseques ont uneffet conjugue sur la deformation du materiau. Cesmodelisations ont ete cependant calculees en considerantun materiau homogeneise pour le cœur poreux des grains(echelle des cellules) et le modele complet doit prendre en

compte la morphologie et l’organisation des cellules. Leselements-finis ne semblent pas adaptes pour representersimultanement l’echelle plus fine des cellules ainsi que lastructure des grains et de leurs parois. Plusieurs auteursont deja modelise la structure microscopique d’un nombrelimite (et raisonnable numeriquement parlant) de cellulesd’une mousse (mono-echelle) a l’aide d’outils numeriquesFEM afin de determiner l’influence de la microstructuresur le comportement macroscopique [7, 12, 13]. Cepen-dant, l’utilisation de ces memes outils ne peut etre en-visagee pour reproduire les parois des milliers de cel-lules microscopiques constituant un ensemble de grainsporeux (echelle mesoscopique) et les parois des grainsdans un echantillon (nombre excessif d’elements). Il estdonc raisonnable de proposer d’autres voies numeriquespour representer les deux echelles des materiaux cellu-laires envisages. Une modelisation numerique des cellulesmicroscopiques d’une mousse a donc ete developpee parla methode des elements discrets (DEM). Cette methodesera ensuite associee a une methode FEM pour decrirele couplage de comportement entre les deux echelles dumateriau.

2.2 Modelisation a l’echelle microscopique

La voie numerique DEM est seduisante puisque cesmodeles sont constitues par un ensemble de particules(disques, spheres ou batonnets) dont l’organisation peutetre assez proche d’un agglomerat de cellules microsco-piques. La modelisation par elements discrets semble

P. Viot : Mecanique & Industries 12, 247–264 (2011) 259

Fig. 18. (a) Cellules reelles ; (b) cellule modelisee par Gibson ;(c) cellule modelisee en DEM.

donc bien adaptee d’un point de vue geometrique maisaussi d’un point de vue sollicitation puisque la methodeest basee sur l’algorithme de dynamique moleculaire quipeut gerer des forces dynamiques entre particules oucellules [14, 15]. De plus l’interet de cette methode demodelisation est de prendre en compte la reponse detoutes les particules elementaires pour mettre en evidencela physique multi-echelles et le comportement macrosco-pique du domaine, ce qui correspond aux objectifs dela demarche scientifique. Cependant, les modeles DEMcouramment utilises considerent les particules commedes elements indeformables. Les forces d’interaction entredeux particules sont modelisees generalement par desforces de contact qui dependent d’un coefficient de rigi-dite, d’un coefficient d’amortissement et de la distancerelative entre les elements. Ce modele de comportementinter particules a donc ete modifie pour que les forces in-teragissant entre les cellules (ou elements) correspondentau comportement local de la porosite microscopique de lamousse [8].

Selon l’approche envisagee de modelisation DEM, lageometrie des particules reste inchangee et ce sont lesforces inter particules qui sont pilotees par une loi decomportement reproduisant la reponse d’une cellule etson interaction avec les cellules voisines. Cette approchenecessite le choix d’un modele de comportement a l’echellede la cellule. Plusieurs auteurs ont deja propose un modelede comportement en fonction de la geometrie de la cel-lule, qui peut etre representee simplement par un cube(modele de Gibson [6], Fig. 8b) ou par des geometriesplus complexes (dodecahedron propose par Kraynik [12]ou tetrakaidecahedron propose par William [13]). Danstous les cas, l’objectif de ces modeles est de transcrirela deformation locale des parois et des aretes des cellules(par flambage, rotule plastique ou flexion) en un compor-tement homogeneise sur la cellule. Notre methodologiede modelisation mise en œuvre vise a reproduire par uneformulation simple des phenomenes physiques complexes ;nous avons donc choisi, pour modeliser le comportementd’une cellule en DEM (Fig. 18c), d’utiliser le modele deGibson qui decrit simplement la reponse elastique – pla-teau en contrainte – densification d’une cellule (Fig. 19a)en fonction de sa geometrie. Ce modele a ete adapte pourque ses caracteristiques dependent de la densite de la par-ticule.

2.2.1 Le modele micromecanique

Dans le cas de modelisation classique par la methodedes elements discrets, un materiau constitue d’un assem-blage de grains indeformables est localement soumis aun champ de contrainte heterogene meme si la sollici-tation macroscopique appliquee sur le materiau est unepression constante. Cet etat local n’est pas du a uneheterogeneite du comportement du materiau des grainsmais a la geometrie de la structure du materiau gra-nulaire. Cette propriete a ete exploitee pour introduiredes localisations de comportement dans les materiauxcellulaires sollicites en compression. Les cellules sont eninteraction par des forces locales et la localisation desdeformations et des contraintes est introduite par la va-riabilite locale de la taille des cellules. La variation dela dimension des cellules introduit une distribution descontacts entre les cellules et donc des forces qui peuventse transmettre entre les porosites. De plus, nous suppo-sons que la reponse mecanique d’une cellule depend desa dimension. Pour chaque cellule, son comportement encompression – sa force de reaction – est etabli selon lemodele propose par Gibson et Ashby a partir des pa-rametres qui sont une raideur elastique Ke, une raideurplateau Kp, une force seuil fpl (initiation du plateau),et une raideur de densification Kd qui debute pour unelimite en deformation εd (Fig. 19a). Chaque cellule estdonc representee par un disque et l’interaction entre deuxdisques est calculee a partir de la reponse mecaniquedes cellules (dont les parametres dependent de la di-mension des cellules). Pour chaque phase de comporte-ment, la reponse macroscopique en force F fonction dudeplacement δ est donc determinee par les deformationssupposees de la cellule elementaire selon Gibson et Ashby.Il y a donc une relation directe entre les forces entre leselements (disques) du domaine granulaire et le comporte-ment des cellules modelisees.

Pour modeliser la reponse mecanique de la cel-lule elementaire, Gibson et Ashby introduisent un pa-rametre φ qui traduit la fraction de materiau contenuedans les aretes des cellules tandis que la fraction restante(1 – φ) correspond a la fraction de matiere des parois.L’analyse geometrique des cellules permet l’identificationde ce coefficient. Une campagne d’observation sur imagesMEB de la structure microscopique des mousses de po-lypropylene etudiees fournit une valeur de φ voisine de0,1.

Dans le domaine elastique, Gibson et Ashbydefinissent la raideur elastique homogeneisee de la cellulea partir de la flexion des aretes de la cellule en fonctionde la force F imposee :

Ke =

(K1φ

2

ρ∗

)2

+ K2(1 − φ)(

ρ

ρ∗

))E∗l (2)

avec ρ la densite de la cellule (de taille l), ρ∗ et E∗ la den-site et le module de Young du materiau dense. Les coeffi-cients K1 et K2 sont fournis par Gibson et Ashby sur uncertain nombre de mousses, nous avons prefere identifier

260 P. Viot : Mecanique & Industries 12, 247–264 (2011)

(a) (b)

Fig. 19. (a) Modele micro mecanique propose par Gibson pour la prise en compte des sollicitations de traction-compression.(b) Modele micromecanique pour la prise en compte des sollicitations de cisaillement.

ces coefficients a partir de nos resultats experimentaux.L’effet de geometrie de la cellule sur cette raideur dependdonc de la variable φ, de la densite ρ de la cellule et de lalongueur caracteristique l. Pour ces modelisations, φ estimpose constant (la proportion d’aretes et de parois dansune cellule est constante) et la longueur caracteristique lest consideree egale au diametre moyen D des cellules dudomaine. Par hypothese, la raideur elastique de la parti-cule depend donc de la variable densite de la cellule.

Les autres parametres du modele de Gibson et Ashbysont identifies de maniere similaire. Nous proposons parla suite les relations d’identification de ces parametres enprenant en compte la dimension de la particule (l = 2R)et en considerant la densite de la cellule comme la variabled’entree.

Dans la phase plateau, les mecanismes principaux sontle flambement des parois et l’apparition de rotule plas-tique. A partir de ces mecanismes, Gibson et Ashby pro-posent un modele qui definit la limite elastique en efforten fonction de la taille de la cellule :

fpl =

(f1φ

3/2

ρ∗

)3/2

+ f2(1 − φ)(

ρ

ρ∗

))σ∗

pl(2R)2

(3)Avec σ∗

pl la contrainte de limite elastique. Cette contrainteainsi que les parametres f1 et f2 sont identifiesexperimentalement sur les materiaux de l’etude.

Les mecanismes de deformation pendant le plateau encontrainte sont relativement complexes, ils comprennentune progression du flambement (en grand deplacement)des aretes et des parois, des tensions et compressions surcertaines faces de la cellule et des compressions de gaz.Nous avons propose une relation homogeneisee a l’echellede la cellule qui permet d’etablir une raideur equivalentede la cellule pendant la phase plateau en fonction du mo-dule tangent macroscopique E∗

pl de la mousse :

Kpl =

(Kpl1φ

4

ρ∗

)4

+ Kpl2(1 − φ)(

ρ

ρ∗

))E∗

pl2R

(4)

Enfin la densification de la cellule s’initie pour undeplacement δd limite qui est etabli grace a Gibson etAshby par la relation empirique :

δd =(

1 − 1,4(

ρ

ρ∗

))2R (5)

Pour cette phase ultime le comportement de la cellule ef-fondree est considere equivalent a celui du materiau dense,la raideur de densification est supposee identique a celledu materiau constitutif. Cette hypothese est simplisteevidemment ; cela revient a considerer l’empilement desparois de cellules ecrasees comme un materiau homogene.

Le modele de Gibson et Ashby est forcement criti-quable ; les hypotheses sur les deformations sont simples,certaines relations sont empiriques. . . Des modeles plussophistiques permettent certainement de decrire avecplus de justesse les effets des deformations des parois etaretes d’une cellule sur sa reponse contrainte-deformation(ou force-deplacement). Cependant, par cette approchenumerique qui vise a etablir le comportement de la struc-ture microscopique des cellules, il n’est pas necessaire dedescendre a une echelle encore plus fine afin d’analyser lareponse de la geometrie d’une cellule, nous nous conten-tons d’etablir le comportement homogeneise d’une cellule(a l’echelle microscopique) en fonction de sa taille.

Chaque cellule a donc un comportement propre encompression. L’interaction entre deux particules i et j meten jeu les parametres identifies precedemment en fonctionde la densite de chaque particule. La force d’interactionest calculee a partir d’une raideur equivalente aux rai-deurs de ces deux particules.

La reponse de la cellule a une sollicitation de trac-tion est supposee elastique fragile (de valeur seuil fr). Parhypothese, la rigidite en tension est supposee egale a larigidite en compression (Fig. 19a).

La modelisation doit aussi prendre en compte le com-portement du materiau pour les sollicitations de cisaille-ment. Nous proposons de decrire le comportement en ci-saillement entre deux cellules par un comportment elastoplastique parfait (Fig. 19b). La partie elastique est definie

P. Viot : Mecanique & Industries 12, 247–264 (2011) 261

par une rigidite tangentielle Kt : quand une force decisaillement apparait entre deux cellules, les points encontact Ci et Cj (initialement en coıncidence) glissentet le deplacement relatif entre ces deux points induit uneffort tangentiel de rappel Ft. Cet effort tangentiel est li-mite a un effort fmax. Passe ce seuil, le comportement estsuppose plastique parfait jusqu’a la rupture du contactentre les deux cellules.

2.2.2 Quelques resultats significatifs

Pour une premiere approche, l’influence de la den-site et de la morphologie – a l’echelle microscopique –de la mousse sur son comportement a ete etudiee pardes simulations 2D. Il est evident que des effets tridi-mensionnels peuvent etre mis en evidence sur le compor-tement du materiau – d’un point de quantitatif – maisces effets peuvent etre negliges si l’etude numerique 2Dse limite a des conclusions qualitatives. Dans l’etude del’influence de la microstructure sur le comportement ma-croscopique d’une mousse de polypropylene (par analysede mesures microtomographiques), il a ete montre que depremieres conclusions pouvaient etre proposees via uneanalyse des resultats en 2D [10], et que ces conclusionspouvaient etre confirmees par le traitement complet en3D des resultats [16]. Pour cette premiere approche demodelisation DEM de materiaux cellulaires, les simula-tions ont donc ete effectuees en 2D afin de reduire lestemps de calcul. L’echantillon modelise est un domaine bi-dimensionnel dont les caracteristiques sont les suivantes :

– Un deplacement vertical est impose sur la facesuperieure ; La vitesse de deplacement de la facesuperieure est de 1,6 × 10−4 m.s−1.

– La face inferieure est fixe.– Les murs – ou mors de compression – superieurs et

inferieurs sont composes de particules rigides. Cettemodelisation des mors de compression permet d’uti-liser la meme methode numerique de recherche descontacts au niveau des conditions aux limites (contactmors de compression/mousse) que celle utilisee pourrechercher les contacts entre les elements du materiaucellulaire modelise. La taille des elements des murspeut avoir une influence sur le coefficient de frotte-ment entre mors de compression et le materiau cellu-laire. Cet effet ne sera pas etudie dans cet article.

– Des conditions aux limites periodiques sont imposeessur les faces laterales (gauche et droite) du domaine.Chaque element – ou particule – d’une de ces facespeut donc virtuellement etre en contact avec une ouplusieurs particules de l’autre face laterale. Cela im-plique que virtuellement, le domaine est etendu al’infini ; cette condition aux limites conduit en fait arealiser une compression confinee (en matrice) sur unezone reduite de ce domaine infini. Le nombre de par-ticules est ainsi limite et par consequent le temps decalcul est reduit. Ces choix de conditions aux limitesparticulieres influent sur la reponse macroscopique dumateriau modelise mais l’objectif de ces premieres

Fig. 20. Reponse macroscopique contrainte-deformation d’undomaine DEM en fonction de la densite des particules.

modelisations etait de mettre en evidence l’effet dela morphologie de la mousse sur son comportement etnon pas de retrouver la reponse d’un materiau cellu-laire soumis a une sollicitation mecanique particuliere.

Les modeles elements discrets sont souvent utilises pourmodeliser et expliquer des phenomenes physiques, moinspour quantifier la reponse d’un materiau ou d’unestructure. Cependant, les modelisations DEM effectueesfournissent une reponse macroscopique contrainte –deformation du materiau cellulaire en fonction de ladensite proche de celle mesuree experimentalement. Lareponse modelisee (Fig. 20) elastique – plateau – densi-fication de la mousse polymere montre des seuils et desraideurs qui dependent de la densite et dont l’evolutionest coherente avec les mesures experimentales (Fig. 2a).Les resultats experimentaux ont ete presentes dans lapremiere partie de cet article [1], ils montrent claire-ment la sensibilite du comportement macroscopique dumateriau en fonction de la densite. Seule la longueur duplateau – en termes de deformation – est plus faible quecelle observee experimentalement. Des modelisations en3D devraient permettre d’ameliorer la correlation entreles resultats numeriques et experimentaux.

A l’echelle locale, l’effet de taille et d’organisationdes cellules dans le materiau cellulaire a aussi ete reveleen definissant un domaine numerique constitue de parti-cules dont les distributions des diametres (et donc leursreponses) suivent une loi gaussienne coupee avec un ecarttype de 0,2. La densite de chaque particule est constante(quelle que soit sa taille) et c’est donc bien uniquementl’effet de distribution de cette taille dans le domainequi est evalue. Ces particules de tailles variables ont etereparties de maniere aleatoire (Fig. 21) ou en imposantun gradient (Fig. 22).

Remarques :

Les cartographies des simulations DEM presententl’evolution du domaine de particules en fonction de ladeformation moyenne imposee. Un code couleur a ete

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Fig. 21. Evolution du domaine de particules pour une distribution spatiale aleatoire des cellules de taille variable (pour troisvaleurs de deformation : (a) ε = 0,05 ; (b) ε = 0,12 , (c) ε = 0,32).

Fig. 22. Evolution du domaine de particules et du champ de forces pour une distribution spatiale a gradient des cellules detaille variable (pour trois valeurs de deformation : (a) ε = 0,05 ; (b) ε = 0,12 ; (c) ε = 0,32).

etabli afin d’estimer l’etat de la particule : le jaune corres-pond a l’etat elastique, le violet au plateau en contraintede couleur et le rouge a la phase de densification. Ilest ainsi possible d’evaluer le deplacement de ces parti-cules et leurs etats. Dans les cartographies de champ deforces un segment represente la force entre deux parti-cules, l’epaisseur de ce segment indique l’intensite de laforce.

La distribution aleatoire des particules de taille va-riable montre une deformation et un dommage diffus deces cellules (Fig. 21b). Il n’existe pas de localisation parti-culiere. La microstructure generee dans ces conditions estproche de celle visualisee sur une mousse mono echelle depolyurethane. Aucune localisation n’a ete constatee surce type de materiau (Figs. 21b et c).

L’organisation particuliere des cellules en fonction deleur diametre (Fig. 22a) est proche des gradients de taille

qui peuvent etre observes sur des mousses de polypro-pylene industrielles (fabriquees par JSP ou Knaupf). Dansce cas, le dommage apparaıt de maniere localisee dans leszones ou les particules sont les plus grosses (Figs. 22bet c), malgre le fait qu’elles aient toutes les memes ca-racteristiques mecaniques (elles sont toutes de meme den-site). En fait, l’organisation particuliere de ce domainenumerique montre que le nombre de contacts entre parti-cules est d’autant plus faible que les cellules sont de tailleimportante. Dans les zones ou les cellules sont les plusgrosses, la force appliquee sur l’echantillon doit etre trans-mise par un nombre plus faible de cellules, les forces entrecellules sont donc plus elevees (Fig. 22A) et atteignentplus rapidement la force seuil de plateau. Le champ deforces presente (Figs. 22B et C) a differents instants de ladeformation explique en fait ce phenomene : les forces sontplus importantes dans les zones de plus grosses particules

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Fig. 23. Evolution du domaine de particules (comprenant un defaut macroscopique) et du champ de forces pour une distributionspatiale a gradient des cellules de taille variable (pour trois valeurs de deformation : (a) ε = 0,05 ; (b) ε = 0,12 ; (c) ε = 0,32).

puisque les contacts interparticulaires sont moins nom-breux. Les seuils en efforts etant les memes pour cettemodelisation, les dommages sont atteints plus rapidementdans ces zones localisees.

La simulation par elements discrets de la structure mi-croscopique permet d’estimer la reponse de nombreusesmicrostructures qui se differencient selon la taille va-riable des cellules, leurs caracteristiques mecaniques, ladistribution de ces parametres, l’organisation des cel-lules dans le domaine, etc. Les variables d’entree (causes)sont multiples et certaines configurations ont montre lesconsequences aux echelles microscopique (effet de localisa-tion) et macroscopique (reponse contrainte deformation).Ces resultats interessent bien evidemment les fabricantsde materiaux cellulaires qui visent a ameliorer les perfor-mances de leurs produits.

Par extension, la modelisation DEM de la struc-ture microscopique d’une mousse a permis d’etudier l’in-fluence des defauts (sous forme de larges bulles) dansleur architecture. L’effet de ces bulles macroscopiquessur le comportement du materiau est difficile a atteindreexperimentalement. Grace a cette approche numerique,les simulations d’un domaine de particules incluant desdefauts macroscopiques montrent une forte localisationdes dommages (Fig. 23). Le champ de force doit �� contour-ner �� le defaut et cette redistribution locale des effortsentraıne des sollicitations plus importantes sur les cel-lules voisines (situees precisement dans le plan perpendi-culaire a l’axe de compression). Le dommage s’initie doncen premier dans cette zone. Pendant la compression, il sepropage parallelement a l’axe de sollicitation (Fig. 23b),un couloir de particules est protege par l’elasticite dudefaut (Fig. 23c). Le champ de force s’homogeneise pen-dant la fermeture ou ecrasement de la bulle macrosco-pique (Fig. 23C).

3 Conclusion

Ce deuxieme volet dans la methodologie demodelisation multi-echelles de materiaux cellulairessous sollicitations dynamiques etait une etape d’identi-fication de phenomenes et de modelisation numerique.Les observations faites aux differentes echelles montrentl’apparition de localisation de deformation pendant lacompression ; elles apparaissent a la surface du materiau,sont visibles apres impact sur des photographies dela structure aux differentes echelles. Cette degradationlocalisee s’accompagne (ou s’initie) par le flambement desparois des cellules (a l’echelle mesoscopique) et celles desgrains (a l’echelle microscopique). Le meme mecanismeest donc a l’origine de la degradation des deux echellesdu materiau et apparaıt de maniere couplee.

La modelisation multi-echelles proposee a pour ob-jectif de reproduire numeriquement la reponse dumateriau cellulaire en fonction de sa morphologie. Cettemodelisation est mixte, la structure mesoscopique desgrains est representee en elements-finis et celle des cel-lules, a l’echelle microscopique, en elements discrets. Lessimulations (utilisant ces deux voies numeriques) ont eteeffectuees separement aux deux echelles et montrent lafaisabilite de la demarche, un verrou scientifique est en-core le couplage entre les deux modelisations (integrationdu modele DEM dans le reseau mesoscopique FEM). Lessimulations numeriques FE d’un volume elementaire demousse comprenant un nombre limite de grains utili-saient un materiau homogene continu pour representerla structure des cellules. Cette etape a confirme les hy-potheses deduites des observations experimentales : lechamp de deformation, les localisations de dommagedependent de l’effet cumule de la structure mesoscopiquedes parois de grains et de leur densite. Grace a ces

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modelisations, des processus de propagation de dommageont pu etre expliques. Cependant, puisque la structuredes cellules est consideree dans ces simulations commeun materiau homogene, la variabilite de taille et de com-portement des cellules ne peut etre prise en compte. Leslocalisations de comportement a l’echelle microscopiquene sont pas considerees et c’est bien sur l’enjeu majeurde l’integration du modele elements discrets dans cetterepresentation FE.

En conclusion sur l’approche elements discrets, lessimulations numeriques montrent que cette voie demodelisation est adaptee aux materiaux cellulaires etdonnent des resultats encourageants tant a l’echelle dela cellule que macroscopiquement parlant. Les localisa-tions qui apparaissent en fonction de la dispersion detaille des cellules et de leurs organisations dans l’archi-tecture du materiau sont reproduites numeriquement. Lareponse macroscopique de l’echantillon numerique est glo-balement conforme aux mesures experimentales. Le cou-plage des deux modeles FEM et DEM sera finalementnecessaire afin de reproduire in fine la reponse globale dela mousse multi-echelles a une sollicitation dynamique.Ce modele complet a l’echelle macroscopique pourra etreutilise dans les codes de calcul afin de predire la reponsed’une structure complete a une sollicitation dynamique(crash, impact, choc. . . ).

Finalement, cette approche de modelisation multi-echelles d’une mousse pourra etre utilisee pour evaluerl’influence des nombreux parametres de microstructureintervenant sur la reponse du materiau aux differentesechelles. Cette etude sera poursuivie en associant parte-naires universitaires et industriels dans le developpementde procedes de fabrication de materiaux cellulaires, l’ob-jectif final etant d’evaluer l’influence des procedes de fa-brication et de mise en forme sur la microstructure de cesmateriaux et donc sur leurs performances attendues.

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