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EPIDOR Etablissement Public Territorial de Bassin Dordogne études & rapports Mars 2006 Diagnostic environnemental de la rivière Dordogne entre Lalinde et Tuilières Rupture du barrage de Tuilières

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EPIDOR Etablissement Public Territorial de BassinDordogne

études & rapports

Mars 2006

Diagnostic environnemental de la rivière Dordogne entre Lalinde et Tuilières

Rupture du barrage

de Tuilières

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Diagnostic environnemental de la rivière Dordogne entre Lalinde et Tuilières

suite à la rupture du barrage de Tuilières

Rappel de l’événement Le barrage de Tuilières, construit en 1908, est constitué de huit vannes de type Stoney, mesurant chacune environ 13 mètres de haut pour 7 mètres de large. Dans la nuit du samedi 28 au dimanche 29 janvier 2006, vers 3 heures du matin, la vanne n°4 a cédé accidentellement, libérant les 5 millions de m3 de la retenue qui s’est vidée en l’espace de quelques heures1.

Schéma du site de Tuilières (source DRIRE Aquitaine)

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Vanne 4 accidentée

La Dordogne• module interannuel : 280 m3/s• dispose d’un ascenseur à poissons (1990)• projet d’un ouvrage mixte de dévalaison des poissons migrateurs (salmonidés et anguilles)

L’usine de Tuilières• 8 turbines Kaplan à axe vertical• Puissance Maximale Brute : 38 MW• productible annuel : 148 GWh• débit maximal turbinable : 420 m3/s

Passerelle piétonaccès public pour relier les 2 berges de la Dordogne

SUITE A ACCIDENT =>

ACCES INTERDIT

Barrage de Tuilièresbarrage mobile au fil de l’eau8 passes déversantes, équipées de 8 vannes STONEY manœuvrables grâce à un système de contrepoids.

1 selon les informations communiquées par la DRIRE, la vidange de la retenue s’est poursuivie jusqu’à environ 8 heures

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Quelques données sur l’état initial du secteur La retenue du barrage de Tuilières s’étend sur une distance de 8 km, depuis le barrage jusqu’à environ 800 m en aval du pont de la RD 29 à Lalinde. En temps normal, la cote de la ligne d’eau est stable en amont du barrage. La retenue présente alors une profondeur d’environ 12,5 mètres au pied du barrage, couvre une surface de 75 hectares et représente un volume d’eau de 5 millions de mètres cubes. La largeur moyenne du lit est d’environ 100 mètres et les écoulements sont lents à très lents. Les fonds rocheux calcaires, qui affleurent en certains points, sont en partie recouverts de sédiments à dominante sableuse ou argilo limoneuse. Deux petits émissaires karstiques, la Couze et le Couzeau se jettent dans la retenue en rive gauche.

L’ensemble de ces éléments, typiques des écosystèmes lentiques est propice au développement d’une faune piscicole constituée de cyprinidés d’eau calme, de carnassiers comme la perche, le sandre et le brochet, ainsi que d’espèces comme le silure et le poisson-chat.

Des opérations d’abaissement partiel du niveau de la retenue ont eu lieu au cours des dernières années, mais aucune vidange complète n’a été effectuée depuis 1980, date d’une intervention pour le confortement des grilles de la prise d’eau de l’usine.

Au niveau de Tuilières, le module de la Dordogne est d’environ 280 m3/s. Le temps moyen de renouvellement de la retenue est donc à peu près de 5 heures.

Carte de situation

Barrage de Tuilières

Station débit Bergerac

Station débit Pessac

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Investigations réalisées et méthodologie mise en œuvre Immédiatement après avoir eu connaissance de l’évènement, l’établissement public EPIDOR a engagé en urgence une première reconnaissance destinée à évaluer les impacts environnementaux de la rupture du barrage. Un chamboulement profond de l’écosystème a pu être constaté, les conditions passant d’un environnement de type lacustre à celui d’un cours d’eau à fort courant.

Des contacts ont ensuite rapidement été pris avec les services gestionnaires et les principaux acteurs mobilisés sur le terrain pour partager les premiers éléments de diagnostic et pour se concerter sur les observations complémentaires à réaliser. Le point a notamment été fait sur les premières constatations et analyses réalisées par les agents du CSP, les premiers diagnostics de stabilité de berges engagés par les agents de la DDE, les observations sur les populations piscicoles engagées par certains pêcheurs et les représentants de l’association MIGADO.

Profitant notamment du fait que les faibles débits des premiers jours de février fournissaient de bonnes conditions d’observation, de nouvelles campagnes ont été menées avec deux objectifs :

- compléter les diagnostics et disposer d’un état des lieux général de la situation, ceci dans le but de mieux apprécier les impacts de la vidange et de préparer les mesures de gestion à mettre en place à moyen et à long terme ;

- profiter de l’abaissement du plan d’eau pour obtenir des informations plus précises sur le secteur.

Le détail des opérations de reconnaissance réalisées par EPIDOR, qui ont conduit à la rédaction de ce rapport, s’est organisé comme suit :

- reconnaissances à pied à partir des berges les 30 janvier, 6 et 8 février - reconnaissance et prises de vue aériennes le 6 février - descente en bateau et prélèvement de sédiments le 9 février - prélèvements d’eau et analyse de matières en suspension le 20 février (montée des eaux)

Des relevés ont été pratiqués sur : - l’état de la végétation des berges - le repérage des différents rejets, sources et arrivées d’eau - les laisses de sédiment présentes le long des berges (cartographie et prélèvements pour

analyse).

Des résultats complémentaires pourront ultérieurement compléter le diagnostic présenté dans ce rapport. Ces données seront mises à disposition dans la rubrique documentation du site Internet d’EPIDOR www.eptb-dordogne.fr.

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Compte rendu détaillé des observations

Aspects hydrauliques Au moment de l’accident, le débit de la Dordogne, entrant dans la retenue de Tuilières, était d’un peu plus de 140 m3/s. C’est une valeur très faible pour la saison car le débit moyen de la Dordogne, calculé à Bergerac à cette époque, est de 465 m3/s. La retenue s’est vidée en 5 heures environ, ce qui signifie qu’en moyenne, le débit s’est élevé de 280 m3/s, c'est-à-dire de la valeur du module de la Dordogne.

Ces valeurs moyennes, qui permettent de se représenter l’ordre de grandeur de l’évènement, sont à relativiser en fonction de deux éléments.

Le temps tout d’abord. L’augmentation du débit a été maximale à l’instant de la rupture. Le flux a ensuite diminué au fur et à mesure que la retenue s’est vidée et que la pression de la masse d’eau encore stockée dans la retenue s’est amoindrie, jusqu’à retrouver le débit normal de la rivière. Les hydrogrammes enregistrés à la station de Bergerac et de Pessac montrent clairement une onde asymétrique avec une élévation rapide du débit, puis une redescente progressive.

Il faut ensuite prendre en compte l’espace. En effet, le phénomène a été maximal au pied du barrage et s’est atténué au fur et à mesure qu’il progressait vers l’aval. On peut estimer que le débit instantané se déversant dans l’espace offert par la vanne, lorsque la retenue est pleine, est de l’ordre de 1300 à 1500 m3/s, la masse d’eau étant projetée avec une vitesse de 15 m/s, soit plus de 50 km/h. Le pic de débit enregistré à Bergerac, 13 kilomètres en aval, était de 462 m3/s (augmentation : +295 m3/s). Il n’était plus que de 293 m3/s (augmentation : +148 m3/s) à Pessac sur Dordogne, à 57 kilomètres en aval du barrage. Pour comparaison, à Bergerac, le débit de crue annuel moyen est de 1490 m3/s, celui d’une crue quinquennale est de 2134 m3/s.

En terme de hauteur d’eau, une vague d’une hauteur dépassant vraisemblablement les deux mètres a du déferler à partir du barrage, s’atténuant progressivement et prenant la forme d’une onde de plus en plus étalée vers l’aval. Les données des stations limnimétriques et les laisses observées sur les berges montrent une amplitude de plus 1,5 mètres à Mouleydier, 2 kilomètres en aval du barrage, de 90 centimètres à Bergerac, à 13 kilomètres en aval du barrage, et près de un mètre à Pessac sur Dordogne, à 57 kilomètres en aval du barrage. A noter que l’amplitude d’une onde, qui se propage de cette façon sur la rivière, dépend beaucoup du site sur lequel on l’observe, de la largeur et de la profondeur de la rivière à cet endroit. Ce phénomène est bien connu des observateurs du mascaret.

Dans les jours qui ont suivi la rupture de la vanne 4, quatre vannes supplémentaires ont été ouvertes pour assurer la transparence complète du barrage2.

2 la notion de transparence inclue le libre écoulement des eaux, le rétablissement du transport solide et de la libre circulation des organismes vivants.

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Laisses de l’onde observées à Mouleydier (photo de gauche) et à Bergerac (photo de droite)

ASPECTS HYDRAULIQUES - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Le barrage de Tuilières est devenu « transparent ».

L’ordre de grandeur des débits en jeu lors de la rupture de la vanne est resté dans les normes de ce que la Dordogne connaît naturellement.

Les enregistrements réalisés à Bergerac, 13 kilomètres en aval, traduisent un phénomène déjà fortement atténué.

Par sa soudaineté, l’évènement hydraulique reste incomparable à un phénomène naturel.

Les très faibles débits naturels de la Dordogne présents à la fin du mois de janvier ont limité l’ampleur du phénomène.

1,5 m

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Morphodynamique fluviale On constate un chamboulement total des faciès morphodynamiques dans tout le secteur concerné par la retenue. La partie amont de la retenue (secteur Lalinde – Port de Couze) présente des secteurs de rapides avec atterrissements graveleux. La Dordogne s’écoule ensuite dans un canyon encaissé de 4 à plus de 10 mètres de l’amont vers l’aval, sur des fonds rocheux décapés.

La pente moyenne de l’ensemble du secteur est de 1,6‰, valeur comparable aux secteurs les plus pentus de la Dordogne entre Argentat et Beaulieu. En conséquence, les écoulements sont très rapides, torrentueux sur certains secteurs (rapides de la Gratusse à Lalinde et des Pesqueyroux à St-Capraise).

De nouveaux faciès d’écoulement à dominante courante (à gauche : secteur Lalinde, à droite : secteur St Capraise)

Des dépôts de sédiment persistent en bordure du lit, en plus grande abondance vers l’aval, et le plus souvent sur des secteurs protégés de la dynamique fluviale (à l’aval de zones de retrait ou d’encoches dans les berges). La fraction sableuse est largement dominante dans le secteur amont (Lalinde, Couze). Dans le milieu de la retenue, les limons et argiles deviennent majoritaires, mais on observe une frange de sable affleurer en bordure du lit mouillé (Baneuil, Varennes, St-Capraise amont). La proportion de vases et de limons semble s’accentuer encore vers l’aval (St-Capraise aval, St-Agne). Ces dépôts seront vraisemblablement remobilisés lors de la prochaine montée significative des eaux de la Dordogne.

Laisses de sédiment avec dominante de sables (à gauche : secteur Lalinde) ou de vases et limons (à droite : secteur Varennes/St Agne)

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Au vu des laisses de sédiment observées sur les rives, une quantité importante de sables, de limons et de vases a certainement été emportée au moment de la vidange. Néanmoins, aucun envasement notable (une très fine couche de limons tout au plus) n’a été constaté sur les berges des secteurs accessibles, ni à l’aval immédiat de la retenue (Mouleydier), ni à l’aval plus lointain (aval du barrage de Bergerac). Des observations des pêcheurs professionnels rapportent toutefois une augmentation notable de la turbidité des eaux jusque dans la partie girondine de la Dordogne à partir du 1er février, soit quatre jours après la vidange de la retenue. On a également pu constater d’importants dépôts de sables dans le lit, immédiatement à l’aval du barrage. Ces dépôts ont d’ailleurs, d’après les informations communiquées par EDF, en partie enseveli la vanne n°4, à environ 80 mètres en aval du barrage. Il est donc à supposer qu’une grande partie des sédiments emportés par le flux de la vidange ont sédimenté assez rapidement, dans le secteur proche du barrage pour les sables et dans la retenue du barrage de Bergerac pour les sédiments plus fins. Des prospections plus approfondies3 pourraient apporter des compléments d’information sur ces aspects.

Dépôt de sable en aval du barrage

MORPHODYNAMIQUE FLUVIALE - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Un bouleversement total des faciès morphodynamiques est intervenu suite à la vidange de la retenue.

Une quantité importante de sédiments (sables et vases) était présente dans la retenue.

La remobilisation des sédiments n’a pas été complète au moment de la vidange, celle-ci devant certainement se poursuivre au fur et à mesure des montées d’eau à venir.

Des prospections approfondies pourraient être envisagées sur la question du transfert et de la décantation des sédiments dans le secteur compris entre Tuilères et Bergerac.

3 il pourrait s’agir d’opérations de prélèvement ou de carottages dans la retenue de Bergerac, d’analyses granulométriques sur les stations de référence Cemagref de Mouleydier et de Gardonne, suivies entre 2002 et 2005 dans le cadre de travaux de recherche sur les macrophytes.

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Qualité des eaux Les relevés effectués par le CSP dans les jours qui ont suivi la rupture du barrage n’ont pas révélé d’anomalie majeure, sauf une forte turbidité. Sur ce point précis, aucune analyse n’a pu être faite dans la période critique pour disposer d’informations sur les quantités de matières en suspension remises en circulation. On peut toutefois noter que la forte turbidité a persisté pendant plusieurs jours. Les analyses réalisées par le CSP montrent néanmoins que le taux d’ammonium augmente à la traversée du secteur de la retenue. Il est pour l’instant difficile d’interpréter cette tendance.

On rappellera l’observation rapportée au chapitre précédent par les pêcheurs professionnels de Gironde qui indique qu’en Gironde une augmentation de turbidité a été constatée seulement quatre jours après la rupture de la vanne. Cette information reste pour l’instant difficilement explicable.

L’abaissement de la ligne d’eau a mis à jour plusieurs rejets qui étaient auparavant invisibles. Certains sont connus et déclarés (entreprises Ahlstrom et Polyrey à Lalinde, STEP de Couze). Les analyses succinctes réalisées laissent penser que la station d’épuration de Couze présente des anomalies de fonctionnement (conductivité élevée, odeurs putrides du rejet). Ce point mériterait d’être approfondi. D’autres rejets pourraient être liés à des problèmes de réseau ou d’infiltrations (Lalinde) et mériteraient d’être étudiés de manière plus précise. D’autres enfin semblent être des rejets directs d’habitations (amont bourg St Capraise, Port de St-Capraise).

Installations industrielles de Lalinde Rejets suspects à Lalinde

Rejets directs à St Capraise

Pour mieux évaluer les questions d’impact du départ des sédiments de la retenue vers l’aval et tenter de prévoir d’éventuels phénomènes de relargages, des prélèvements de sédiment ont été réalisés pour analyse de métaux et de résidus de pesticides. Les résultats, qui ne sont pas encore disponibles à l’instant de la publication de ce rapport, seront communiqués ultérieurement.

QUALITE DES EAUX - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

L’abaissement de la ligne d’eau a révélé des problèmes de rejets jusqu’ici invisibles ou difficilement visibles. Une analyse approfondie de ce sujet serait à envisager.

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Berges et végétation L’abaissement de la ligne d’eau modifie considérablement l’équilibre hydrique des terrains riverains. Une question importante porte donc sur la tenue des sols en haut de berge. En cas de glissements, certaines habitations, construites très près des berges seraient immédiatement menacées.

Les sols qui étaient auparavant au contact de la ligne d’eau étaient constamment imbibés. Une végétation adaptée s’y était développée. Les sols qui sont maintenant perchés très au dessus de la ligne d’eau seront désormais facilement ressuyés et on peut s’attendre à ce qu’une partie de la végétation dépérisse pendant la saison sèche. Ce sont les espèces les plus dépendantes de la proximité de l’eau qui seront les plus atteintes : principalement les aulnes glutineux et les saules blancs. Si la retenue devait être maintenue vide au-delà du printemps, un abattage préventif devrait être conduit pour éviter la mort et la chute des individus. Les aulnes qui ont poussé dans les perrés maçonnés (port de St Capraise et port de Couze) ainsi que les individus penchés et en partie déchaussés sont à traiter en priorité.

La baisse du niveau de la retenue révèle de nombreuses fuites du canal de Lalinde. Certaines sont importantes (débit de plusieurs dizaines de litres par seconde). Ces écoulements, qui en général ont lieu entre le socle rocheux et le sol terreux, peuvent provoquer des loupes de glissement et des fissures de terrains sur certains sommets de berge. Le phénomène le plus spectaculaire se situe au lieu dit Rochefort sur la commune de Saint Capraise de Lalinde. La disparition de la pression exercée par la masse d’eau de la retenue pourrait avoir des conséquences sur l’évolution de ces fuites du canal. Il conviendrait de mener une expertise sur ce sujet.

L’abaissement de la retenue a aussi mis à jour d’anciennes décharges (carcasses, ferrailles, plastiques…) et d’anciens sites d’évacuation de remblais, en général situés au droit de travaux sur les berges ou sur la route voisine (Lalinde, port de Saint Capraise, Port de Couze, Saint Agne). Il pourrait être procédé à un nettoyage de ces décharges.

Fuite du canal de Lalinde à St-Capraise Habitations en bordure immédiate des berges

Végétation aux systèmes racinaires mis à nus (à gauche : secteur St Capraise, à droite : secteur Lalinde)

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Décharge à Lalinde (à gauche), remblais et carcasse auto à St Agne (à droite)

BERGES ET VEGETATION - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Procéder à un diagnostic et à un suivi concernant la sécurité des habitations

Mettre en œuvre une gestion préventive de la végétation des berges.

Mener une analyse approfondie de la possible évolution des fuites du canal de Lalinde suite à l’abaissement de la ligne d’eau de la retenue.

Il pourrait être organisé un nettoyage des anciennes décharges mises à jour par l’abaissement de la retenue.

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Biologie, faune et flore aquatique Des phénomènes de mortalité ont été constatés immédiatement après la vidange pour plusieurs espèces. Les phénomènes les plus spectaculaires concernent surtout les larves de lamproies et les mollusques bivalves qui vivent normalement enfouies dans le sédiment et qui se sont brusquement trouvées exondées.

Compte tenu de la violence du phénomène de vidange, mais aussi du bouleversement total des conditions d’habitat, il est vraisemblable qu’une grande partie des espèces d’eau calmes ont émigré en dehors du secteur. Les individus ont certainement trouvé refuge à l’aval. L’impact sur les populations en place et sur d’éventuels phénomènes de surdensité reste à évaluer, surtout vis-à-vis de certaines espèces comme le silure.

Quelques jours après la vidange, de très fortes concentrations d’alevins ont été constatées le long des berges. Les jeunes poissons se regroupaient probablement dans les très rares zones abritées des courants qu’offre désormais le secteur.

Un grand nombre de captures d’anguilles argentées ont été signalées par les pêcheurs professionnels de l’aval. Ces captures sont intervenues en quelques jours, ce qui est un phénomène tout à fait inhabituel4.

L’ouverture du barrage5 a rétabli la libre circulation des poissons. Il faudra veiller à garantir cette libre circulation (ouverture suffisante des vannes) pendant toute la durée d’arrêt de fonctionnement du barrage. Des dispositions ont été prises par l’association MIGADO pour transférer les suivis de remontée des poissons migrateurs au niveau de la passe de Mauzac. Dans ce cadre, il paraît important de prendre toutes dispositions susceptibles d’apporter des informations sur l’impact de l’absence de Tuilières sur les rythmes de migration.

La mortalité d’herbiers caractéristiques des zones d’eau calme a été constatée par le CSP dans le secteur de la retenue. Aucune constatation n’a pu être réalisée sur les secteurs aval, mais il est possible que les herbiers d’eaux calmes, à l’aval proche du barrage aient été balayés. Deux stations6 pourraient éventuellement servir de référence pour mieux apprécier ces éventuels impacts sur les herbiers de l’aval.

BIOLOGIE, FAUNE ET FLORE AQUATIQUE - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Tout l’écosystème de la retenue a été totalement bouleversé.

L’impact sur les populations de l’aval reste à évaluer, vis-à-vis notamment des surdensités de certaines espèces (silure).

L’ouverture d’un nombre de vannes suffisant à garantir la libre circulation des poissons doit être assurée durant toute la durée de l’arrêt du fonctionnement du barrage.

4 on peut préciser qu’en général, la dévalaison des anguilles intervient principalement sur les « coups d’eau » de l’automne. 5 4 vannes supplémentaires ont été ouvertes pour assurer une complète transparence du barrage 6 stations de référence Cemagref de Mouleydier et de Gardonne, suivies entre 2002 et 2005 dans le cadre de travaux de recherche sur les macrophytes

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Navigation Par arrêté préfectoral du 10 février 2006, la navigation est interdite sur tout le secteur de la retenue. Avant la parution de cet arrêté et en accord avec les services de police de la navigation, l’équipe d’EPIDOR a effectué une descente. A cette occasion nous avons pu faire les observations suivantes sur les conditions de navigation dans ce secteur. Ces informations pourraient notamment être utiles pour la préparation et l’organisation d’éventuelles opérations scientifiques ou techniques qui pourraient être menées prochainement.

La navigation est praticable sur l’ensemble du secteur. Deux sites présentent toutefois des difficultés. Il s’agit du rapide des Pesqueyroux (St-Capraise) et surtout celui de la Gratusse (Lalinde). La descente de ces deux secteurs demande un certain nombre de précautions (reconnaissance préalable, manœuvrabilité, bonne maîtrise de l’embarcation). La remontée de ces deux secteurs avec des engins à moteur peut également s’avérer très délicate selon les conditions de débit.

Sur le secteur, peu de sites semblent praticables pour sortir une embarcation du lit. Le lit est en effet très encaissé. Les mises à l’eau qui étaient utilisables lorsque la retenue était pleine sont maintenant toutes perchées au sommet d’une berge abrupte. De surcroît, on observe souvent d’épais dépôts de vases au pied de ces berges, qui n’ont pas encore été remobilisés par la rivière, et qui rendent toute opération plus difficile encore, voire dangereuse.

Sur l’ensemble du parcours, il existe très peu de points de débarquement permettant de se mettre en sécurité en cas de difficulté ou d’avarie. En aval de Baneuil, tous les éventuels points de débarquement sont très envasés et donc dangereux.

La seule issue correctement praticable est la cale du « Russac », située en rive gauche à 200 mètres en amont du barrage de Tuilières. Le talus situé à son pied est stable. Il présente une pente régulière, assez forte (30 à 40° environ), mais permet de haler une embarcation légère à la main. Le courant au pied de berge est modéré.

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Particularités - patrimoine L’abaissement de la retenue met à jour différents éléments du patrimoine fluvial qui jusqu’ici étaient invisibles.

Il s’agit d’une part du patrimoine lié à la batellerie. Les passes de la Gratusse et des Pesqueyroux étaient des sites particulièrement difficile à négocier qui étaient redoutés des gabariers lors de leurs descentes. On peut aussi distinguer les vestiges d’aménagements portuaires, de quais et de bâtiments au Port de Couze, site historique important de la navigation sur la Dordogne et au Port de Lanquais.

Vue historique et vestige du Port de Lanquais

Les carrières de Baneuil situées dans la falaise qui borde la Dordogne, forment un site particulièrement étonnant. Taillées dans la masse, ces vastes carrières sont en partie comblées par des dépôts de sédiment. On note enfin la présence de plusieurs cluzeaux dans la falaise qui borde le lit de la Dordogne.

Carrières de Baneuil

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Les dégâts matériels Aucun dégât matériel majeur n’a été remarqué. En revanche plusieurs dizaines de pontons et d’embarcations ont été endommagés et se retrouvent suspendus.

Pontons et embarcations suspendus le long des berges

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La perception sociale Un premier point concerne le traumatisme lié à l’évènement. Les riverains se sont rendus compte de l’existence du risque industriel lié à la présence du barrage, élément dont ils ne semblaient absolument pas avoir conscience auparavant. Souvent, leurs réflexions les conduisent rapidement à s’interroger sur la transposition du scénario qu’ils ont vécu sur l’ensemble des installations de la haute Dordogne et notamment sur le plus emblématique des barrages : Bort les Orgues.

Une forte mobilisation s’est exprimée au sein de certains groupes d’usagers sur des questions portant à la fois sur la sécurité et sur l’environnement. Il s’agit surtout des personnes habituées à pratiquer un usage dans le périmètre direct de la zone impactée (pêche à pied à l’aval du barrage, pêche embarquée ou navigation en amont et en aval du barrage). Cette mobilisation s’est notamment exprimée au sein d’un collectif baptisé « Après Tuilières » dont les revendications ont été exposées le 25 février, au cours d’une manifestation.

Pour certaines personnes, la rupture du barrage a créé un véritable choc psychologique. C’est par exemple le cas d’une personne âgée habitant à proximité immédiate de l’usine (lieu dit « au Russac »), très profondément marquée par l’évènement.

Certains riverains éprouvent un sentiment de perte et souhaitent que la retenue soit rapidement reconstituée. Ce sentiment se rencontre surtout dans la population des usagers de la retenue, principalement les pêcheurs. En effet, les conditions d’habitat piscicole ne permettent plus le maintien des espèces qu’ils souhaitent pêcher (carnassiers, silures…). Il faut d’ailleurs mentionner que la pêche est interdite sur le secteur.

D’autres avis considèrent le nouveau paysage avec un sentiment de curiosité, mais aussi d’attrait. Le « nouvel aspect » de la Dordogne, au-delà de son caractère exceptionnel lié à l’incident industriel, est considéré comme spectaculaire et comme un atout potentiel pour le développement touristique.

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Sens du courant Sens du courant

Sens du courant

Cartographie détaillée

Secteur Lalinde – Couze (amont)

Secteur Couze – Baneuil

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Sens du courant Sens du courant

Sens du courant Sens du courant

Secteur Varennes – St-Capraise

Secteur St Capraise – St-Agne (aval)

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Références Quelques sources et références pour en savoir plus :

• Premières constatations sur la vidange accidentelle de la retenue de Tuilières. Conseil Supérieur de la Pêche, 3 février 2006.

• Incident au barrage de Tuilières : note d’information. EPIDOR, 3 février 2006.

• Barrage de Tuilières : les raisons de la colère. Dossier de presse établi par le collectif « Après Tuilières », 25 février 2006.

• Incident au barrage de Tuilières. Revue de Presse. EPIDOR, 3 mars 2006.

• Site Internet de la DRIRE http://www.aquitaine.drire.gouv.fr/energie/Tuilieres/Accident_cor.htm

• Site Internet de la Préfecture de la Dordogne http://www.dordogne.pref.gouv.fr/sections/actualites/dossiers_dactualites/barrage_de_tuilieres/view

• Site Internet du représentant du collectif « Après Tuilières » http://www.gobages.com/

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EPIDOR

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