La maladie de Wilson: revue de la littérature à propos de ...
Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer...Revue canadienne de la maladie Éditorial 3 Paul J....
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d’AlzheimerVolume 7, numéro 1 Avril 2004
Revue canadienne de la maladie
Éditorial 3Paul J. Coolican, M.D., CCFP, FCFP
Quand faut-il adresser une personne âgée à un neuropsychologue? 4Robert Frerichs, Ph. D., Cpysch
Les idées délirantes dans la MA : une revue de la littérature 11Corrine Fischer, M.D., FRCPC
L’éventail des démences parkinsoniennes 16Inge Loy-English, M.D., FRCPC, et Howard Feldman, M.D., FRCPC
Les révélations, les expériences et les réflexions personnelles d’une aidante naturelle au sujet de la MA 24
Roberta Bedard
Services en ligne pour les personnes aux prises avec la MA 26
Société Alzheimer du Canada
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Par
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2 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
PRÉSIDENT Peter N. McCracken, M.D., FRCPCMédecin en gériatrieGlenrose Rehabilitation HospitalCodirecteur, Département de gériatrieProfesseur de médecineUniversité de l’AlbertaEdmonton (Alberta)
Paul J. Coolican, M.D., CCFP, FCFPMédecin de famille, St. Lawrence Medical ClinicMorrisburg (Ontario)Membre du personnel médicalWinchester District Memorial HospitalWinchester (Ontario)
Shannon Daly, inf. aut., M. Sc. inf.Infirmière clinique spécialisée en gériatrieGrey Nuns Community Hospital & Health CentreEdmonton (Alberta)
Howard Feldman, M.D., FRCPCProfesseur de médecineDépartement de neurologieUniversité de la Colombie-BritanniqueDirecteur, UBC Alzheimer Clinical Trials UnitVancouver (Colombie-Britannique)
Serge Gauthier, M.D., CM, FRCPCProfesseur de neurologie et de neurochirurgie,de psychiatrie et de médecine, université McGillCentre McGill d’études sur le vieillissementMontréal (Québec)
Bernard Groulx, M.D., CM, FRCPCPsychiatre en chef, hôpital Sainte-Anne-de-BellevueProfesseur agrégéUniversité McGillCentre McGill d’études sur le vieillissementMontréal (Québec)
Nathan Herrmann, M.D., FRCPCProfesseur agrégé, Université de TorontoChef, Service de gérontopsychiatrieSunnybrook Health Science CentreToronto (Ontario)
Peter Lin, M.D., CCFPDirecteur médicalUniversité de TorontoHealth & Wellness Centre Scarborough (Ontario)
Kenneth J. Rockwood, M.D., MPA, FRCPCProfesseur de médecine, Université DalhousieGériatre, Queen Elizabeth II Health Sciences CentreHalifax (Nouvelle-Écosse)
Steve Rudin, M. Éd., MSPHDirecteur nationalSociété Alzheimer du CanadaToronto (Ontario)
Copyright 2004 STA HealthCare Communications inc.Tous droits réservés. Ce document est publié par STA HealthCare Communications inc. Les opinions expriméesdans ce document sont celles des auteurs. Elles ne reflètent pas nécessairement celles de l’éditeur. Les médecins doivent tenir compte de l’état de chaque patient et doiventconsulter les monographies de produit officiellement approuvées avant de poser un diagnostic, de prescrire un traitement ou d’appliquer un procédé d’après les suggestionsfaites dans ce document, enregistrement n° 40063348.
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Nous aimerions avoir de vos nouvelles!La rédaction encourage les lecteurs de la Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer à lui écrire. Toute correspondance doit être adressée à laRevue canadienne de la maladie d’Alzheimer, 955, boul. Saint-Jean, bureau 306, Pointe-Claire (Québec) H9R 5K3. Nous acceptons également les lettrespar télécopieur au (514) 695-8554 ou courriel à l’adresse suivante : [email protected]. Prière d’y inscrire un numéro de téléphone permettant de communiquer avec vous durant le jour. Nous nous conservons le droit de modifier les lettres pour des raisons de longueur ou de clarté.
Paul F. BrandDirecteur de la publication
Russell KrackovitchDirecteur de la rédaction,projets spéciaux
Stephanie CostelloRédactrice en chef
Marie LalibertéRédactrice-réviseure,projets spéciaux
Donna GrahamCoordonnatrice de la production
Dan OldfieldDirecteur de la conception graphique
Jennifer BrennanServices administratifs
Barbara RoyAdjointe aux services administratifs
Robert E. PassarettiÉditeur
Dissociative Fugue, une œuvre de Melissa AndrewPour beaucoup, ce qui est familier se met à vaciller, perd de son sens et sombre souvent dans la confusion et l’inconnu, par rapport à la réalité fami-lière d’autrefois. Cet éloignement de la réalité familière est, pour moi, ce qui définit la maladie d’Alzheimer.
J’ai choisi de reproduire par les sons ces méandres de la conscience comme je les perçois. Un sentier sinueux au bord d’une falaise escarpée séparela réalité aimée et rassurante de l’abîme effrayant de choses en parties connues, mais imparfaitement comprises. Pour certains, la musique et le sonsont tout ce qui les relie encore à leur passé et, par conséquent, à la réalité. Une mélodie ou un son familier ravive un souvenir depuis longtempsoublié. Ce lien qui redonne une identité crée un moment de grâce dans le tumulte de la dépersonnalisation causée par la maladie d’Alzheimer.
Équipe de rédaction
COMITÉ DE RÉDACTION
É D I T O R I A L
Comme médecins de famille, nous devons sans cessefaire face à un large éventail de symptômes, de com-
portements et de modes de pensée que nous mettons dansun seul et même panier, celui de la « démence ». Que cesoit la veuve âgée dont la fille inquiète vous appelle detrès loin pour vous dire que sa mère est confuse oul'homme hospitalisé dont le délire post-opératoire met aujour un trouble cognitif sous-jacent, nous tentons detrouver les causes, de corriger les facteurs réversibles, deralentir les processus inéluctables et d'épauler les aidantsà domicile ou en institution qui doivent composer avecdes comportements et des symptômes psychologiquesaberrants. Ce numéro de la Revue canadienne de la ma-ladie d'Alzheimer se penche sur une vaste gammed’enjeux importants pour les médecins de famille,puisqu’ils peuvent nous aider à interagir avec les patientset leurs proches et à clarifier certaines questions quant audiagnostic et au traitement.
Tout d’abord, le Dr Robert Frerichs, neuropsycho-logue clinicien, nous décrit en détail et de façon concisele rôle de l’évaluation neuropsychologique chez la per-sonne âgée (page 4) en tant qu’outil diagnostique etmoyen pour nous aider à déterminer les compétences etles risques (notamment en ce qui concerne la conduiteautomobile) présentés par le patient ainsi que pour éva-luer d'autres habiletés dans le but de préciser sa capacitéd’autonomie.
Ensuite, dans le premier de deux articles, les Drs Loy-English et Feldman font un survol des démences parkin-soniennes (page 16) qui regroupent, notamment, ladémence à corps de Lewy, la démence associée à la ma-ladie de Parkinson proprement dite et les stades avancésde la maladie d'Alzheimer. Cet article met en lumière lescaractéristiques pathologiques et les particularités cli-niques de chacune de ces affections ainsi que leurs dif-férences. Nous y retrouvons les critères diagnostiques dela démence à corps de Lewy, en plus des différences entrecette dernière, la démence associée à la maladie deParkinson et la maladie d'Alzheimer grave avec syndromeparkinsonien sur le plan de leur évolution respective. Il ya à peine quelques années, cette démarche aurait seule-ment paru fort intéressante sur le plan théorique, mais denos jours, compte tenu des progrès réalisés au chapitre
des options thérapeutiques et des traitements des symp-tômes, elle se révèle d'une utilité inestimable pour poserun diagnostic précoce.
En plus de ces articles, nous vous proposons de vousattarder au phénomène des idées délirantes dans la ma-ladie d'Alzheimer avec la Dre Corrine Fischer, géron-topsychiatre (page 11). Définies comme « un ensemblede fausses croyances, inébranlables, basées sur uneinférence incorrecte de la réalité extérieure », les idéesdélirantes sont difficiles à classifier, puisque chacun descas est différent! Que l'on songe au fameux syndrome deCapgras, aux idées paranoïdes par rapport au vol, à lamégalomanie, aux idées délirantes de persécution simpleou complexe, aux « personnes fantômes » ou à la certi-tude de l’infidélité conjugale du conjoint, Dre Fischer faitétat des résultats contradictoires relevés dans la littéra-ture médicale. Elle rappelle notamment la place impor-tante des idées délirantes dans la maladie d'Alzheimer,puisqu'elles touchent le tiers des patients souffrant decette maladie, qu'elles alourdissent le fardeau des aidantset qu'elles forcent souvent le placement précoce enhébergement. Vraiment un article à lire!
Quant à la série Les révélations, les expériences et lesréflexions personnelles d'une aidante naturelle au sujet dela MA écrite par Roberta Bedard, elle nous permet de jeterun regard sur la vie quotidienne de cette femme et de sonmari, Ray, atteint de la maladie d'Alzheimer. L’article dece numéro (page 24), particulièrement sa section intitulée« Rire aux larmes », offre un portrait touchant et unedémonstration éloquente du respect de la dignité humaine,de l’amour entre deux êtres et de la force de caractère; sesaccents de vérité m'ont profondément ému. Je considèrecomme un privilège rare de pouvoir lire un tel témoignagedans nos pages. On s'attend à ce que les médecins redon-nent courage aux patients quand il y a peu d'espoir. Cetémoignage m’aidera sans contredit à cet égard.
Paul J. Coolican, M.D., CCFP, FCFPMédecin de famille, St. Lawrence Medical ClinicMorrisburg (Ontario)Membre du personnel Winchester District Memorial HospitalWinchester (Ontario)
Un numéro tous azimutspar Paul J. Coolican, M.D., CCFP, FCFP
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 3
4 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
Les modifications touchant la con-
centration, la mémoire, la com-
munication ou même la prise de déci-
sions sont courantes chez les person-
nes âgées. Certaines de ces modifica-
tions cognitives sont simplement des
« étourderies » auxquelles nous
sommes tous vulnérables. Certaines
témoignent du vieillissement normal,
tandis que d’autres peuvent constituer
un symptôme cliniquement significa-
tif. Par exemple, les symptômes cogni-
tifs se manifestent avec des troubles
psychiatriques, comme la dépression
et l’anxiété, avec le mauvais usage des
médicaments, avec l’abus d’alcool ou
de drogues et avec tout un éventail
d’affections (hypertension artérielle,
diabète, hypothyroïdisme). Ces modi-
fications caractérisent également la
présence de délire et de démences,
telles que la maladie d’Alzheimer
(MA). Étant donné la prévalence et la
nature non spécifique des symptômes
cognitifs, il peut se révéler difficile de
déterminer l’importance des symp-
tômes en question chez les personnes
âgées. Pourtant, les professionnels de
la santé font souvent face à cette situa-
tion, qui risque d’être de plus en plus
fréquente, étant donné la croissance
rapide de cette population dans la
société d’aujourd’hui1, 2.
En qualité de consultants, les
neuropsychologues sont en mesure de
fournir des renseignements précieux
aux professionnels de la santé qui tra-
vaillent auprès des personnes âgées.
D’ailleurs, la demande pour les éva-
luations neuropsychologiques s’est
accrue au fil des années, et cette crois-
sance s’est révélée particulièrement
notable dans le domaine de la géria-
trie, où les contributions de la neu-
ropsychologie ont été reconnues dans
les critères de recherche utilisés pour
la MA3, de même que dans diverses
publications de lignes directrices au
sujet de l’évaluation gériatrique4-7.
Les buts de cet article sont de
mieux faire connaître la neuropsy-
chologie et le rôle des neuropsycho-
logues gériatriques, de décrire le
processus d’évaluation neuropsycho-
logique et d’identifier les questions
courantes sur lesquelles ce type
d’évaluation peut se pencher. En
outre, on abordera comment déter-
miner si une orientation en neuro-
psychologie est appropriée ou non et
on précisera les éléments à considé-
rer lors de l’orientation d’un patient
à un service de neuropsychologie.
Qu’est-ce que laneuropsychologie et qu’est-cequ’un neuropsychologue?La neuropsychologie est l’étude
scientifique de la relation entre le
fonctionnement du cerveau et la
manière dont une personne pense,
ressent et agit. Elle vise à comprendre
la cognition, les émotions et les com-
portements, non seulement dans le
contexte du développement normal
du système nerveux central au cours
de la vie, mais aussi quant à son
mauvais fonctionnement qui découle
d’une maladie, d’un trouble ou d’une
lésion. La neuropsychologie clinique
s’intéresse à l’exercice appliqué de
cette science dans lequel on combine
les connaissances sur les relations
entre le cerveau et le comportement,
les outils d’évaluation et les grandes
Le Dr Frerichs est neuropsychologueclinicien pour le Northern AlbertaRegional Geriatrics Program auGlenrose Rehabilitation Hospital, àEdmonton (Alberta).
Quand faut-il adresser une personneâgée à un neuropsychologue?Les évaluations neuropsychologiques fournissent une approche systématique, factuelle et globalepour évaluer le fonctionnement cognitif et émotionnel d’une personne, en plus d’étoffer lesrésultats obtenus à l’aide d’autres examens. Ces évaluations sont généralement considéréescomme valables à la fois par les patients et par les médecins orienteurs, mais elles neconviennent pas à toutes les personnes âgées atteintes d’un trouble cognitif connu ou soupçonné.
par Robert Frerichs, Ph. D., Cpysch
banques de données statistiques au
sujet du fonctionnement normal et
anormal pour évaluer les capacités
mentales et l’état émotionnel d’un
patient ou pour indiquer une inter-
vention.
Les neuropsychologues (ou neuro-
psychologues cliniciens) sont des psy-
chologues cliniciens qui détiennent un
diplôme de doctorat et qui ont une for-
mation spécialisée en neuropsycholo-
gie. Certains neuropsychologues tra-
vaillent en cabinet privé, alors que
d’autres travaillent en milieu clinique
ou hospitalier, au sein d’équipes mul-
tidisciplinaires ou comme consultants
pour les professionnels des soins de
santé primaires. À noter que les neu-
ropsychologues ne possèdent pas tous
les compétences nécessaires pour tra-
vailler auprès des personnes âgées,
puisqu’ils peuvent avoir acquis plutôt
une expertise auprès d’autres popula-
tions, comme les enfants et les adoles-
cents.
Qu’est-ce qu’une évaluationneuropsychologique?L’évaluation neuropsychologique sup-
pose le recours à des tests spécialisés,
mais elle comporte plus que des tests
en elle-même. Il s’agit d’une évalua-
tion qui comprend plusieurs sources
d’information au sujet d’un patient,
dont les données recueillies lors d’une
entrevue, les renseignements parallè-
les (rapports d’informateurs, données
médicales pertinentes) et le rendement
d’une personne relativement à des
mesures psychométriques standardi-
sées. Un neuropsychologue sélection-
ne des tests à partir d’un grand éven-
tail de mesures cognitives conçues
pour évaluer l’intelligence et la com-
pétence cognitive globale, la capacité
d’attention et de concentration, la
mémoire, l’apprentissage, les compé-
tences linguistiques réceptives et
expressives, les compétences sco-
laires, les fonctions exécutives (résolu-
tion de problèmes, conceptualisation,
planification, organisation, « séquen-
çage », souplesse mentale), la praxie,
les capacités visuelles spatiales, les
capacités de construction et les com-
pétences perceptuelles et motrices.
Les mesures en ce qui concerne
l’humeur, le comportement et la per-
sonnalité sont aussi souvent incluses
dans cet éventail.
Les évaluations neuropsychologi-
ques en gériatrie n’emploient pas toutes
les mêmes mesures et les mêmes mé-
thodes. La sélection des tests est déter-
minée par le neuropsychologue et peut
être influencée par divers facteurs, par
exemple la raison précise qui a justifié
d’orienter le patient vers le neuropsy-
chologue et les caractéristiques de la
personne évaluée. De plus, l’âge et la
scolarité du patient, sa culture, son
habileté linguistique, ses limitations
sensorielles et motrices et sa « tolé-
rance » aux tests (influencée par la
présence de douleurs, la fatigue, la
présence d’affections concomitantes ou
un manque de motivation) peuvent
dicter le recours à certaines mesures
plutôt que d’autres.
Étant donné l’exigence et la
rigueur des tests, la brièveté est une
considération importante lorsqu’on
travaille avec des personnes âgées.
La longueur d’une évaluation dépend
de la personne évaluée et de la raison
invoquée pour la consultation auprès
d’un neuropsychologue. Il arrive
couramment que les évaluations
durent trois ou quatre heures. Les
personnes qui présentent un trouble
cognitif évident et important peuvent
passer assez peu de tests, tandis que
celles avec une fonction cognitive
moins altérée peuvent en passer
davantage. La plupart des évalua-
tions se font en une seule visite, mais
la séance peut être fractionnée, par
exemple lorsque la fatigue entre en
jeu. Pendant les tests, le patient tra-
vaille en tête à tête avec le neuropsy-
chologue ou un psychomètre (techni-
cien qui détient une formation spé-
cialisée). Les tests se déroulent
habituellement dans une salle sans
distraction, et la personne effectue la
plupart des tests assise à une table
ou, si possible, devant un ordinateur.
Dans certaines circonstances, les
tests peuvent être accomplis au
chevet d’un lit. Lors de l’évaluation,
on demande généralement au patient
de répondre à des questions, de
résoudre des problèmes et de répon-
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 5
L’évaluation neuropsychologique suppose le recours à destests spécialisés, mais elle comporte plus que des tests en
elle-même. Il s’agit d’une évaluation qui comprend plusieurssources d’information au sujet d’un patient, dont les donnéesrecueillies lors d’une entrevue, les renseignements parallèles(rapports d’informateurs, données médicales pertinentes) et
le rendement d’une personne relativement à des mesurespsychométriques standardisées.
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dre à des tests papier-crayon du
mieux qu’il peut.
Une fois les tests achevés, on
interprète les résultats en comparant
le rendement de la personne évaluée
à des résultats standard qui tiennent
compte de l’âge, de la scolarité et du
sexe. Lorsqu’ils interprètent un
profil cognitif, les neuropsycholo-
gues dressent un portrait des forces
et des faiblesses, en plus des liens
entre les domaines cognitifs et les
signes pathognomoniques de dys-
fonctionnement cérébral. En com-
parant le rendement d’une personne
à un degré de fonctionnement pré-
morbide estimé (ou à des résultats de
tests antérieurs lorsqu’ils sont dispo-
nibles), on peut porter un jugement
sur la probabilité qu’un changement
cognitif se soit produit.
À quoi sert une évaluationneuropsychologique?Les évaluations neuropsychologi-
ques servent à donner des renseigne-
ments sur les forces et les faiblesses
cognitives de la personne évaluée et
sur son état émotionnel. Cette infor-
mation peut, à son tour, faciliter le
diagnostic, clarifier les répercus-
sions d’une maladie ou d’une lésion
particulière sur la fonction cognitive
ou simplifier la planification du
traitement.
En ce qui concerne les personnes
âgées, l’objectif le plus fréquent de
l’évaluation est presque toujours de
nature diagnostique. L’une des
questions fondamentales est de
savoir si le trouble cognitif est
présent ou non. La sensibilité
établie des mesures neuropsycho-
logiques au dysfonctionnement co-
gnitif peut aider à distinguer le
vieillissement normal d’un change-
ment cognitif léger qui découle
d’une cause pathologique. Le profil
cognitif, en plus des autres ren-
seignements recueillis durant les
évaluations, peut servir à déterminer
avec fiabilité si la personne répond aux
critères d’un syndrome de démence au
stade le plus précoce possible8 ou à
ceux d’un trouble cognitif léger9 qui,
chez certains patients, représente un
état prodromal de démence. L’évalua-
tion neuropsychologique peut égale-
ment contribuer au diagnostic différen-
tiel, particulièrement pour distinguer la
démence de la dépression ou d’autres
causes psychiatriques de trouble cogni-
tif. Les profils cognitifs et les données
de l’évaluation permettent de différen-
cier les diverses causes des démences
et des troubles cognitifs (maladie
d’Alzheimer, démence vasculaire,
démence à corps de Lewy, démence
frontotemporale, démence liée à
l’alcool). Toutefois, il peut y avoir un
chevauchement des profils en raison
de l’atteinte des mêmes régions du
cerveau et de la fréquence des affec-
tions concomitantes (par exemple la
maladie d’Alzheimer et les modifica-
tions vasculaires). L’évaluation neuro-
psychologique initiale et l’évaluation
neuropsychologique de suivi augmen-
tent les chances de déceler les démen-
ces progressives10, et ce, souvent aux
stades précoces où les modifications
cognitives sont à peine perceptibles.
L’évaluation neuropsychologique
peut servir à décrire les répercussions
de diverses affections sur le compor-
tement d’une personne, sur son
humeur et sur sa façon de pensée. Les
évaluations permettent de mesurer les
forces et les faiblesses attribuables à
des lésions cérébrales, des accidents
vasculaires cérébraux, des affections
d’origine médicale, des troubles con-
vulsifs, l’usage abusif d’alcool ou de
drogues et l’exposition à des toxines.
L’information peut servir à évaluer la
gravité relative d’une démence à
mesure que la fonction cognitive se
détériore. Enfin, elle peut être utile
pour suivre l'évolution des modifica-
tions de la fonction cognitive après
des interventions comme un pontage
aorto-coronarien, une pallidectomie,
une greffe chirurgicale, la mise sur
pied d’un programme de réadaptation
ou l’instauration d’un régime médi-
camenteux.
En se fondant sur les données
provenant d’une évaluation neuro-
psychologique, on peut formuler des
recommandations détaillées pour
guider le traitement et les décisions
de prise en charge et pour améliorer
la fonction cognitive d’une personne
âgée. Par exemple, la confirmation
d’une démence ou d’un trouble dé-
En ce qui concerne les personnes âgées, l’objectif le plusfréquent de l’évaluation est presque toujours de naturediagnostique. L’une des questions fondamentales est desavoir si le trouble cognitif est présent ou non. La sensibilitéétablie des mesures neuropsychologiques audysfonctionnement cognitif peut aider à distinguer levieillissement normal d’un changement cognitif léger quidécoule d’une cause pathologique.
pressif peut aider à déterminer claire-
ment l’approche thérapeutique la plus
appropriée (médication, psychothé-
rapie, thérapie comportementale ou
orientation vers d’autres profession-
nels ou des organismes de soutien).
C’est ainsi que peuvent être identi-
fiées les stratégies et les techniques
servant à optimiser le fonctionnement
cognitif et à réduire au minimum
l’impact du dysfonctionnement. Les
constatations tirées des tests peuvent
permettre de déterminer si une
personne retirerait des bienfaits réels
d’une consultation psychologique ou
d’autres thérapies pour s’adapter aux
modifications cognitives ou émotion-
nelles auxquelles elle doit faire face.
Lorsqu’on constate des troubles co-
gnitifs au moment de l’évaluation, on
peut en arriver à la conclusion de la
nécessité de se pencher sur les
questions de sécurité à domicile
(risque de laisser les foyers de cuisson
de la cuisinière allumés, difficulté à se
souvenir du moment où prendre un
médicament) ou de la nécessité d’aug-
menter le soutien et la structure (soins
à domicile, embauche d’une aide,
soutien de la part des proches et des
membres de la famille). Parfois, les
données tirées de l’évaluation neuro-
psychologique contribueront à la déci-
sion de placer le patient dans un milieu
qui offre un meilleur soutien.
Les évaluations neuropsycholo-
giques peuvent également aider à
planifier l’avenir en se penchant sur
des préoccupations comme la con-
duite automobile et la prise de déci-
sions. Cependant, à noter que les tests
neuropsychologiques n’ont pas été
conçus expressément pour évaluer la
capacité ou les compétences d’un
patient à conduire une voiture. Un
neuropsychologue peut identifier des
« points à surveiller » en fonction
d’un trouble cognitif susceptible de
compromettre la capacité à conduire
un véhicule (par exemple difficultés à
avoir une attention partagée et sou-
tenue, impulsivité, baisse du juge-
ment et déficit sur le plan visuel
spatial). En pratique, une évaluation
sur le terrain reste le test le plus
raisonnable de la capacité d’un per-
sonne âgée à conduire une voiture.
Pour sa part, la prise de décisions est
un problème important, complexe et
fréquent chez les personnes âgées qui
souffrent d’un trouble cognitif connu
ou soupçonné. La curatelle et la
fiducie sont d’ordre juridique, mais il
se peut qu’on demande aux neu-
ropsychologues de porter un juge-
ment au sujet de la capacité d’une
personne à prendre des décisions à
propos des soins de santé, du loge-
ment ou des finances (y compris la
nécessité d’établir une tutelle, une
fiducie, des directives pour plus tard
ou de signer une procuration). L’éva-
luation neuropsychologique est un
moyen de mettre en lumière les
capacités de compréhension et de
résolution de problèmes d’une per-
sonne ainsi que de donner un aperçu
de ses difficultés et de ses limites.
Comment orienter un patientvers un service de neuro-psychologie?Le fait de soupçonner un trouble ou
un déclin cognitif est à la base de la
plupart des demandes d’évaluation
neuropsychologique. Les soupçons
doivent reposer sur des observations,
une évaluation cognitive, des symp-
tômes signalés par le patient et des
changements remarqués par les
membres de la famille et les aidants
qui pourraient indiquer un déclin de
la fonction cognitive (difficultés avec
la mémoire ou avec la résolution de
problèmes ou troubles du langage) ou
une baisse de la capacité du patient à
fonctionner de manière autonome à la
maison (difficultés avec les soins per-
sonnels, avec l’habillement, avec la
préparation des repas, avec la conduite
automobile, avec la gestion des finan-
ces, avec la prise d’un médicament).
Avant de prendre la décision de
demander une évaluation neuropsy-
chologique, le médecin devrait écarter
les causes médicales qui pourraient
expliquer les symptômes cognitifs du
patient. S’il est impossible de mettre
de côté toutes les causes médicales, il
est important de retarder l’évaluation
neuropsychologique tant et aussi
longtemps que le patient n’est pas
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 7
Le profil cognitif, en plus des autres renseignementsrecueillis durant les évaluations, peut servir à déterminer
avec fiabilité si la personne répond aux critères d’unsyndrome de démence au stade le plus précoce possible ou à
ceux d’un trouble cognitif léger qui, chez certains patients,représente un état prodromal de démence. L’évaluation
neuropsychologique peut également contribuer audiagnostic différentiel, particulièrement pour distinguer la
démence de la dépression ou d’autres causes psychiatriquesde trouble cognitif.
« médicalement » stable (pas d’infec-
tion, d’affection non traitée, de délire
ni de modifications récentes d’une
médication et absence d’intoxication
et de symptômes de « sevrage ») afin
d’obtenir un portrait juste et précis de
ses capacités. Les personnes qui
souffrent de douleurs intenses, qui
manquent ouvertement de motivation
ou qui éprouvent des difficultés à se
concentrer et à avoir une attention
soutenue ne sont pas de bonnes can-
didates pour une évaluation neuro-
psychologique. Les demandes d’éva-
luations médicolégales sont habituel-
lement adressées aux neuropsycho-
logues en cabinet privé, plutôt qu’aux
neuropsychologues en milieu hospi-
talier. Sauf pour ce qui est des évalua-
tions cognitives brèves, on ne pro-
cède à aucun examen lorsque le
patient souffre d’une dépendance
active à l’alcool ou aux drogues et,
également, pendant la phase de réta-
blissement à court terme qui fait suite
à une lésion, à un accident vasculaire
cérébral ou à une intervention chirur-
gicale.
Les évaluations neuropsycholo-
giques peuvent jouer un rôle signifi-
catif dans le dépistage de la démence,
mais elles ne sont pas nécessaires
pour toutes les personnes chez qui ce
diagnostic est connu ou soupçonné.
Les médecins et les spécialistes
peuvent porter des diagnostics précis
avec des procédures moins exi-
geantes et qui demandent moins de
temps au patient. Les évaluations
neuropsychologiques tendent à être
plus efficaces chez les patients qui
ont un degré de scolarité élevé ou une
intelligence au-dessus de la moyenne,
chez les personnes qui présentent une
atteinte très légère pouvant corres-
pondre au stade précoce de la dé-
mence, chez les patients chez qui on
soupçonne l’existence d’un trouble
cognitif et qui présentent des symp-
tômes atypiques et, enfin, chez les per-
sonnes pour qui les méthodes de dé-
pistage traditionnelles peuvent être
biaisées en raison de la barrière des
langues et de la culture ou des limita-
tions sensorimotrices. En ce qui con-
cerne ces dernières, elles peuvent aussi
compromettre la validité des tests neu-
ropsychologiques, mais certains des
tests sont peu touchés par ces facteurs
confusionnels, ce qui permet de faire
émerger un portrait plus précis du
patient.
Un objectif clé, lorsqu’on demande
une évaluation neuropsychologique
pour un patient, consiste à formuler
une question précise (Tableau 1). Il
est aussi important de donner suf-
fisamment de renseignements au
sujet du patient dans la recommanda-
tion afin de permettre au neuropsy-
chologue de commencer l’évaluation
(Tableau 2).
8 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
Tableau 1
Exemples de demandes et de questions envoyées au neuropsychologue gériatrique
• Est-ce que le patient est atteint d’un trouble cognitif? Veuillez évaluer la nature et l’ampleur de l’atteinte cognitive de cepatient.
• Y a-t-il des preuves d’un déclin cognitif?• La personne recommandée répond-elle aux critères d’une démence?• Est-ce que les symptômes cognitifs du patient peuvent s’expliquer par une affection ou une maladie?• Est-ce que les symptômes présentés par le patient correspondent davantage à une dépression ou à une démence?• Est-ce que les tests évoquent une démence particulière (maladie d’Alzheimer, démence vasculaire, démence à corps de Lewy)?• Le patient a reçu un diagnostic de X (ou subi une intervention chirurgicale pour X); une évaluation de référence sur le
fonctionnement cognitif et émotionnel serait appréciée.• Les fonctions cognitives de cette personne se sont-elles améliorées ou détériorées depuis la dernière évaluation?• Quelles stratégies ou quels traitements peut-on recommander pour ce patient?• Le patient est-il capable de prendre des décisions sensées au sujet de questions précises (traitement médical, logement
ou hébergement, finances)?• Le patient est-il capable de signer une procuration, d’établir des directives pour plus tard ou de préparer un testament
biologique?• Une tutelle ou une fiducie est-elle nécessaire?• Le patient a-t-il besoin de plus de soutien? Est-il encore capable de vivre seul?• Est-ce qu’une évaluation de la conduite automobile est recommandée?• Existe-t-il des problèmes cognitifs, émotionnels ou comportementaux qui pourraient nuire à la capacité du patient de
participer au traitement?
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 9
Étant donné que la plupart des
personnes pour qui une évaluation
neuropsychologique est demandée ne
savent pas à quoi s’attendre, il peut se
révéler fort profitable de les informer
sur la nature et le but de l’évaluation.
Le neuropsychologue à qui on recom-
mande un patient peut avoir de la do-
cumentation conçue à l’intention des
patients qui décrit en quoi consiste ses
services.
ConclusionsLes évaluations neuropsychologiques
peuvent donner des renseignements
diagnostiques et thérapeutiques utiles
au sujet d’une personnes âgée, ren-
seignements qui pourraient être diffi-
ciles à obtenir à l’aide d’autres exa-
mens cliniques ou d’autres examens
en laboratoire. Elles fournissent aussi
une approche systématique, factuelle
et globale pour l’évaluation du fonc-
tionnement cognitif et émotionnel
d’une personne, en plus d’étoffer les
résultats obtenus à partir d’autres exa-
mens, tels que la tomodensitométrie
et l’imagerie par résonance magné-
tique (IRM). L’évaluation neuropsy-
chologique est généralement con-
sidérée comme de mise à la fois par
les patients et par les médecins orien-
teurs11-13, mais elle ne convient pas à
toutes les personnes âgées atteintes
d’un trouble cognitif connu ou soup-
çonné. Les personnes présentant des
modifications très légères de la
fonction cognitive susceptibles d’être
difficiles à déceler avec les tests de
dépistage traditionnels ainsi que les
personnes présentant des symptômes
atypiques se révèlent souvent les
meilleures candidates pour ce genre
d’évaluation. Dans la décision de
recommander une évaluation neuro-
psychologique, il faut prendre en con-
sidération plusieurs facteurs, dont
deux des plus importants sont l’état
actuel du patient et sa tolérance
estimée à de tels tests. Finalement, la
formulation de questions précises pour
le neuropsychologue et le fait d’in-
former le patient au sujet du processus
d’évaluation constituent deux appro-
ches que les professionnels des soins
de santé devraient privilégier pour tirer
le plus grand profit d’une évaluation
neuropsychologique.
Tableau 2
Renseignements à inclure lorsqu’on recommande un patient enneuropsychologie
• Données démographiques (âge, sexe, degré de scolarité et conditions de vie)• Renseignements au sujet de la langue de la personne et à
propos de la nécessité d’un interprète• Problèmes de vision ou d’audition, limitations motrices, douleur ou fatigue
qui peuvent nuire au processus d’évaluation• Antécédents développementaux, médicaux et psychiatriques pertinents, y
compris toute affection et toute médication qui peuvent avoir un effet sur lafonction cognitive, l’humeur ou le comportement
• Préoccupations récentes pertinentes• Formulation d’une question précise au neuropsychologue
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La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 11
Les idées délirantes sont un symp-
tôme fréquent en psychiatrie.
Elles accompagnent souvent des ma-
ladies comme la schizophrénie, le
trouble bipolaire et le delirium. Selon
la documentation, ce symptôme est
courant chez les patients atteints de
MA et a des effets négatifs, entre
autres, en soumettant les aidants
naturels à un plus grand stress1 et en
hâtant le placement en hébergement
des patients qui en souffrent2-5. Or,
malgré sa prévalence et sa gravité
dans les cas de MA, ce symptôme ne
fait pas l’unanimité dans la littéra-
ture, ce qui donne à penser qu'il est
peut-être l’objet d’une mauvaise
interprétation. Cette constatation
pourrait en partie s’expliquer par le
fait que les études antérieures ne
semblaient pas faire de distinction
entre la MA et les autres démences,
pas plus qu'entre la notion d’idées
délirantes et celle d’hallucinations.
Nous proposons donc ici au lecteur
de passer en revue la littérature exis-
tante sur les idées délirantes dans la
MA sur les plans de l'épidémiologie,
des systèmes de classification, de
l'étiologie, des signes neurocognitifs
et du comportement, de façon à lui
présenter l'état actuel des connais-
sances sur ce symptôme répandu.
Épidémiologie des idéesdélirantes dans la MADe récentes études ont montré qu’envi-
ron le tiers des patients atteints de
MA6-9 souffrent également d’idées déli-
rantes. Les premières études à s'être
penchées sur la prévalence des idées
délirantes associées aux démences ont
fait état d’une prévalence10 allant de
10 % à 73 %, mais pour la plupart elles
n’établissaient pas de distinction entre
les notions d’idées délirantes et d’hallu-
cinations et regroupaient des patients
atteints de démences différentes. Ce-
pendant, nous savons maintenant que
les idées délirantes sont plus courantes
dans certaines démences, telles que la
démence à corps de Lewy, et moins
fréquentes dans d'autres, comme la
démence frontotemporale11, bien que
nous ignorions quels mécanismes
entrent en jeu. Paulsen, Salmon et leurs
collaborateurs12 ont démontré que la
prévalence des idées délirantes aug-
mente de 20 % dès la première année et
Les idées délirantes dans la maladied’Alzheimer : une revue de lalittérature Les idées délirantes sont un symptôme fréquent dans la maladie d’Alzheimer (MA) et, siune bonne part de la littérature consultée à ce sujet fait état d’observations contradictoires,certaines tendances se dégagent. Tout d’abord, à noter que les idées délirantes s’observentchez environ le tiers des patients atteints de MA. Ensuite, elles seraient plus fréquentes chezles sujets âgés, tandis que les autres variables démographiques exerceraient un impactmoindre. En outre, certaines formes d’idées délirantes semblent plus répandues chez lespatients souffrant de la MA. Par contre, si des liens intéressants existent, aucun facteur derisque n'a formellement été identifié.
par Corrine Fischer, M.D., FRCPC
Dre Fischer est gérontopsychiatre àl'hôpital St. Michael's et chargée decours à la division degérontopsychiatrie de l'Université deToronto, à Toronto (Ontario).
de 50 % quatre années après le dia-
gnostic. À la lumière de cette observa-
tion, il y aurait lieu d’évaluer périodi-
quement ce symptôme.
Le rôle des variables démogra-
phiques, dont l'âge, le sexe, le niveau
d’instruction et la race, reste aussi à
clarifier. Selon une majorité d’études,
les idées délirantes et les autres symp-
tômes psychotiques seraient plus
fréquents chez les patients âgés
atteints de MA6, 13-15; mais certaines ont
montré une prévalence moindre, et
d’autres n’ont constaté aucune dif-
férence9, 17. Le sexe ne semble pas
jouer un rôle beaucoup plus précis
dans le tableau. Des études ont
démontré une prévalence accrue des
idées délirantes et d’autres traits psy-
chotiques chez les hommes atteints de
MA2, 18-19, d'autres ont montré au con-
traire une prévalence plus forte chez
les femmes16, 20, alors que des auteurs
ont fait état d'une répartition à peu
près égale entre les deux sexes9, 17, 21-23.
Pour ce qui est du niveau d’instruc-
tion, certaines études ont montré un
lien inversement proportionnel entre
le niveau de scolarité et la manifesta-
tion des idées délirantes et d’autres
traits psychotiques dans la MA24; cer-
taines sont arrivées à une conclusion
tout à fait opposée22, 23 et d’autres n’ont
perçu aucune différence notable9.
L'absence de consensus quant au rôle
des variables démographiques sur
l'apparition des idées délirantes asso-
ciées à la MA pourrait être le reflet
d'une certaine confusion entourant les
notions d’idées délirantes et d’halluci-
nations, chacune pouvant être asso-
ciée à des tableaux distincts.
Classification des formes d’idéesdélirantes associées à la MALes idées délirantes sont souvent
définies comme « un ensemble de
fausses croyances, inébranlables,
basées sur une inférence incorrecte de
la réalité extérieure ». Les idées déli-
rantes accompagnent de nombreux
troubles psychiatriques, notamment le
trouble bipolaire, la schizophrénie et le
delirium. Différents systèmes de classi-
fication s’appliquent aux idées déliran-
tes en présence de maladies comme la
schizophrénie. Nous parlons alors de
sous-types, comme la persécution,
l’érotomanie, la mégalomanie, etc.
Chez les patients atteints de la MA, le
défi consiste à différencier ces symp-
tômes d'autres manifestations touchant
la mémoire, telles que la fabulation ou
la désorientation.
Plusieurs systèmes de classification
des idées délirantes propres à la MA
ont été proposés. L’un d'entre eux9
établit à cinq le nombre de catégories,
soit les idées délirantes paranoïdes,
l’hypocondrie délirante, le syndrome
de Capgras, la confusion entourant le
domicile et la mégalomanie. Le syn-
drome de Capgras s'observe chez le
patient convaincu qu'un de ses proches
est un imposteur, alors que la confusion
entourant le domicile fait référence à la
conviction du patient qu'il ne se trouve
pas chez lui alors qu'il y est bel et bien.
Pour leur part, Gormley et ses colla-
borateurs7 ont identifié quatre types
d’idées délirantes chez les patients
atteints de MA : idées paranoïdes par
rapport au vol (la personne est convain-
cue qu'on lui a dérobé quelque chose),
aux fantômes (le patient est convaincu
que quelqu'un s'est introduit dans la
maison), à l’infidélité conjugale (le
patient soupçonne l’être cher d’entre-
tenir une aventure extraconjugale) et à
l'abandon (la personne craint que
l’aidant naturel la quitte). De son côté,
Cummings25 a étudié les idées déliran-
tes chez 20 patients atteints d'un syn-
drome cérébral organique et a noté les
quatre sous-types les plus fréquents :
les idées délirantes de persécution
simple, les idées délirantes de persécu-
tion complexe, la mégalomanie et les
idées délirantes associées à un déficit
neurologique spécifique. Selon lui, les
idées délirantes de persécution simple
sont plus courantes chez les patients
atteints de la MA, alors que les autres
sous-types ont davantage tendance à
accompagner les autres syndromes
cérébraux organiques.
Si les idées délirantes reliées au vol
sont plus fréquentes chez les patients
atteints de la MA7, nous pouvons aussi
noter la présence concomitante d'autres
sortes d’idées délirantes9. En dernier
lieu, aux dires de certains auteurs, dif-
férents types d’idées délirantes peuvent
12 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
De récentes études ont montré qu’environ le tiers despatients atteints de MA souffrent également d’idéesdélirantes. Les premières études à s'être penchées sur laprévalence des idées délirantes associées aux démences ontfait état d’une prévalence allant de 10 % à 73 %, mais pourla plupart elles n’établissaient pas de distinction entre lesnotions d’idées délirantes et d’hallucinations etregroupaient des patients atteints de démences différentes.
apparaître à mesure que la maladie
progresse, les idées délirantes liées au
vol étant plus fréquentes et plus préco-
ces dans la MA, contrairement au syn-
drome de Capgras26 qui est plus rare et
plus tardif.
Facteurs de risque à l'égard desidées délirantes dans la MAIl n’y a pas de consensus sur les
facteurs de risque prédisposant aux
idées délirantes dans la MA. Les
épreuves de la vie27 et le type de per-
sonnalité avant l'apparition de la ma-
ladie28 semblent jouer un rôle,
quoique mineur, sur les symptômes
psychiatriques, tandis que l'impact de
la dépression reste difficile à mesurer.
Des études se sont par ailleurs
penchées sur d’autres variables et
n'ont établi aucun lien avec
l'apolipoprotéine E (ApoE)29; sont
arrivées à des conclusions diver-
gentes en ce qui a trait aux symp-
tômes extrapyramidaux6, 8, 20, 30, 31 et ont
noté un lien possible avec les antihy-
pertenseurs6 et certaines anomalies
sensorielles32. En résumé, aucun
facteur de risque formel ne semble
jouer un rôle central dans l'apparition
des idées délirantes.
Cause des idées délirantesdans la MALa documentation disponible men-
tionne trois théories principales quant
à la cause des idées délirantes dans la
MA. Selon la théorie de l'hypofron-
talité, les symptômes des idées déli-
rantes sont associés à un dysfonction-
nement localisé aux lobes frontaux.
Cette théorie s'appuie sur des études
de neuro-imagerie et de neuropa-
thologie, la tomographie par émission
à photon unique (TEPU) ayant révélé
une réduction de l'irrigation sanguine
aux lobes frontaux22, 33 et les examens
de neuropathologie ayant confirmé la
présence d’une densité plus grande des
plaques séniles aux lobes frontaux12.
Pour leur part, en 1991, Flynn et ses
collaborateurs ont avancé une hypo-
thèse selon laquelle les idées délirantes
sont une manifestation non cognitive
indépendante de la MA; appuyant cette
théorie, Sweet34 a démontré qu’il n’y
avait pas de différence entre la densité
des plaques séniles et la dégéné-
rescence neurofibrillaire lorsqu’il a
comparé le cerveau de patients atteints
de MA et souffrant d’idées délirantes
au cerveau de patients atteints de MA
mais ne souffrant pas d’idées déli-
rantes. Finalement, on a avancé l'hypo-
thèse que les idées délirantes puissent
être une manifestation purement phy-
siopathologique de la MA10, 35. Cette
théorie a été soutenue par Farber36 et ses
collaborateurs qui ont examiné le
cerveau de 100 patients atteints de MA
après leur décès et découvert que les
sujets souffrant de psychose présen-
taient deux fois plus de dégénérescence
neurofibrillaire que les autres.
D'autres chercheurs ont découvert
que les idées délirantes pouvaient être
secondaires à des anomalies neuro-
anatomiques, telles qu’une dégéné-
rescence localisée au lobe frontal
droit37, une asymétrie des lobes tempo-
raux38, certaines anomalies des neuro-
transmetteurs – notamment la réduc-
tion de la sérotonine dans le prosubicu-
lum39, une régulation à la hausse des
récepteurs muscariniques postsynapti-
ques40, des facteurs génétiques41 et une
altération de la familiarité42.
Anomalies neurocognitives etcomportementales associéesaux idées délirantes dans la MAPlusieurs chercheurs se sont penchés
sur le lien entre la fonction cognitive
et l’apparition des idées délirantes
dans la MA. Encore une fois, les
résultats se sont révélés divergents.
Certaines études ont établi un lien
directement proportionnel entre les
symptômes psychotiques des patients
et leur détérioration sur le plan cogni-
tif12, 16, d'autres n’ont fait état que de dif-
férences mineures34 et, enfin, quelques-
unes n’ont montré aucune altération de
la fonction cognitive43-45. On a d’autre
part supposé que, pour apparaître, les
idées délirantes devaient reposer sur un
certain degré de fonction cognitive46,
bien que l'on n'ait pas déterminé quel
aspect du fonctionnement cognitif
devait être préservé. Le fait que les
idées délirantes aient tendance à sur-
venir lorsque l'atteinte cognitive est
moyenne (résultats au mini-examen de
l'état mental : 17-23)47 donne à penser
que les patients modérément atteints
pourraient être plus sujets aux idées
délirantes.
En ce qui a trait à la théorie de
l'hypofrontalité, elle s'appuie sur des
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 13
Si les idées délirantes reliées au vol sont plus fréquenteschez les patients atteints de la MA, nous pouvons aussinoter la présence concomitante d'autres sortes d’idées
délirantes. En dernier lieu, aux dires de certains auteurs,différents types d’idées délirantes peuvent apparaître à
mesure que la maladie progresse [...]
observations plus « convergentes » à
propos d’un dysfonctionnement des
lobes frontaux. De fait, les patients
atteints de MA qui souffrent d’idées
délirantes présentent plus de signes de
dysfonctionnement des lobes frontaux
lors des épreuves neurocognitives12,
bien que le lien entre ce phénomène et
une lucidité à la baisse ait été remis en
question29.
Il a été prouvé que les patients
atteints de MA qui souffrent d’idées
délirantes sont plus agressifs7, 14, 15, 47-50,
le taux d'agressivité verbale51, 52 sur-
classant le taux d'agressivité physi-
que53, 54. Eustace et ses collabora-
teurs55 ont avancé l'hypothèse que
l'agressivité verbale chez les patients
atteints de MA accompagnée d’idées
délirantes est probablement liée à la
menace perçue dans le milieu de vie.
Eustace a aussi conclu que les idées
délirantes, contrairement à d'autres
manifestations (telles que l'errance)
pourraient n’avoir qu’une persistance
modérée. À noter que les idées déli-
rantes qui accompagnent la MA ont
été liées à d'autres manifestations
(comme l'errance20) et à des consé-
quences négatives (comme le place-
ment en hébergement précoce5).
ConclusionLes idées délirantes sont un symptôme
fréquent de la MA et, si la documenta-
tion fait en bonne partie état d'observa-
tions contradictoires, certaines tendan-
ces se dégagent. Les idées délirantes
touchent environ le tiers des patients
atteints de MA. Elles sont plus fréquen-
tes chez les sujets âgés, alors que
l'impact des autres variables démogra-
phiques semble moins clair. Certains
types d’idées délirantes seraient plus
fréquents dans la MA. S’il est possible
de faire des liens, aucun facteur de
risque formel ne se démarque. Selon
des preuves neuropathologiques, radio-
logiques et neurocognitives, les idées
délirantes pourraient être associées à un
dysfonctionnement des lobes frontaux.
Les patients semblent plus sujets aux
idées délirantes lorsque la maladie est
au stade modéré. En dernier lieu, elles
sont associées à un certain nombre de
conséquences négatives, notamment
l’augmentation du fardeau des aidants
naturels, l'agressivité des patients et
leur placement en hébergement préco-
ce. Les recherches à venir devront
tenter de clarifier les zones discordantes
pour en arriver à mieux comprendre ce
symptôme complexe, mais combien
fascinant!
14 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
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16 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
L’existence d’un groupe de
démences qui accompagnent le
syndrome parkinsonien, les problèmes
comportementaux et l'atteinte cogni-
tive est de plus en plus reconnue. D’un
point de vue clinique, l’éventail de ces
troubles comprend la DCL, la DP et la
MA, qui ont en commun les mêmes
lésions neuropathologiques, soit les
corps de Lewy (CL), les dépôts
d’alpha-synucléine et les plaques séni-
les.
La DCL est une forme de plus en
plus reconnue de démence. Selon
l'étude récente ACCORD, qui regrou-
pait des patients suivis dans des insti-
tuts neurologiques canadiens, la DCL
représente 1,9 % des diagnostics pri-
maires de démence, alors que 2,7 %
des diagnostics sont mixtes, liant
MA et DCL1. Sur le plan neuropa-
thologique, la documentation révèle
que la DCL arrive au second rang des
démences les plus répandues, et elle
est confirmée à l’autopsie dans une
proportion allant jusqu'à 25 % des
cas2. L'âge moyen au moment de
l’apparition de la DCL est de 67 ans,
et les hommes y sont plus sujets que
les femmes (62 % contre 38 %)3. Sa
durée moyenne est de neuf ans3, mais
l’estimation de sa vitesse de progres-
sion varie beaucoup d'une étude à
l'autre4. Pour l’instant, le diagnostic
est établi plus fréquemment sur la
base de critères neuropathologiques
que cliniques. La recherche s’impose
donc pour améliorer le diagnostic
clinique de cette affection.
La DP, elle aussi, tend à être davan-
tage connue. La prévalence estimée de
la démence chez les patients atteints
de la maladie de Parkinson (MP) varie
beaucoup, mais se situe en général
entre 20 % et 45 %, selon la définition
donnée au mot « démence »5. Dans
l'étude ACCORD1, la DP touchait
0,6 % des patients adressés pour
démence, quoiqu’il faille noter un
important biais relatif à cette estima-
tion causé par la sélection des sujets
de l’échantillon. L’étude ACCORD
n’a en effet regroupé que des centres
voués à la recherche sur les démences,
mettant ainsi de côté les unités con-
sacrées à la MP. Par ailleurs, une
étude longitudinale sur l'incidence de
la démence au sein d’un échantillon
de patients atteints de MP basé dans la
communauté a fait état d’un taux de
95,3 par 1 000 années-patients6. Mis
en parallèle avec le risque auquel
étaient exposés les sujets témoins, le
risque de démence chez les patients
atteints de MP a été jugé 5,9 fois plus
élevé (risque relatif [RR] : 5,9; inter-
valle de confiance [IC] : 95 %,
3,9–9,1). Les facteurs de risque à
l'égard de la démence chez les
patients atteints de la MP sont l'âge,
L’éventail des démencesparkinsoniennesVoici le premier de deux articles que nous vous proposons sur les démencesparkinsoniennes. Cette première partie se penche sur les aspects pathologiques etneurochimiques de ces affections, de même que sur les caractéristiques cliniques respectivesde la démence à corps de Lewy (DCL), de la démence parkinsonienne (DP) et des stadesavancés de la maladie d'Alzheimer (MA). Pour sa part, la deuxième partie, à paraître dans leprochain numéro de la Revue canadienne de la maladie d'Alzheimer, examinera plus endétail le traitement de la DCL, de la DP et de la MA.
par Inge Loy-English, M.D., FRCPC, et Howard Feldman, M.D., FRCPC
Inge Loy-English, M.D., FRCPCProfesseur adjoint, division deneurologie, département demédecine, Université d'Ottawa.
Howard Feldman, M.D., FRCPCProfesseur de médecine, division deneurologie, Université de laColombie-Britannique, directeur de laUBC Alzheimer Clinical Trials Unit,Vancouver (Colombie-Britannique).
l’âge au moment de l’apparition de la
MP et la présence de dépression et de
symptômes parkinsoniens moteurs
graves6, 7, 8.
Dans la MA, les symptômes extra-
pyramidaux apparaissent générale-
ment aux stades avancés de la maladie.
Dans l’Étude sur la santé et le vieil-
lissement au Canada, une étude sur la
population générale qui s’est inté-
ressée aux patients âgés de plus de
65 ans, 9 % des sujets atteints de la
MA souffraient également du syndro-
me parkinsonien9. Selon les études, le
taux de syndrome parkinsonien dans la
MA se situerait entre 12 % et 92 %10.
Cette grande variabilité de fréquence a
été expliquée, en partie, par la défini-
tion des symptômes extrapyramidaux
étudiés, l’inclusion de patients prenant
des neuroleptiques, l’inclusion de
patients atteints de la DCL dans des
études précédentes et la population
spécifique étudiée de patients souffrant
de la MA10, 11.
Les symptômes extrapyramidaux
sont de plus en plus marqués à me-
sure que la maladie progresse10 et sont
associés à un plus grand taux de mor-
talité. Cette augmentation du risque
de mortalité est indépendante de la
gravité de l'atteinte cognitive, de l'âge
et du lieu de résidence9. Associés à la
MA, les symptômes extrapyramidaux
assombrissent le pronostic.
Pathologie et neurochimieSignes pathologiques. Sur le plan
pathologique, les CL caractérisent la
DCL. Il s’agit d’inclusions intracellu-
laires éosinophiles et sphériques,
présentes à l'intérieur des neurones
(Figure 1). Les CL se composent de
neurofilaments, de cristalline, d'ubi-
quitine et d'alpha-synucléine, une
protéine agrégante qui joue un rôle
important dans plusieurs maladies
neurodégénératives3, 12 (Tableau 1).
Ces maladies sont toutes caractéri-
sées par la présence d’inclusions ren-
fermant de l'alpha-synucléine. À l'ex-
ception de l'atrophie multisystémique
et de ses sous-types, tous ces troubles
ont en commun les CL comme élé-
ments neuropathologiques.
Tout d’abord observés dans les
noyaux du tronc cérébral en tant que
signes pathologiques de la MP2, les
CL sont aussi présents dans toutes
les régions du cerveau des patients
atteints de DCL. Les CL privilégient
certaines zones cérébrales, comme le
tronc cérébral, les noyaux sous-
corticaux, le cortex limbique (parti-
culièrement la circonvolution cingu-
laire, l’aire entorhinale et l’amygdale
cérébelleuse) et le néocortex (tempo-
ral > frontal = pariétal)13. Dans la
DCL, les CL sont plus faciles à
observer et mieux définis dans le
tronc cérébral que dans le cortex, où
ils peuvent passer inaperçus si on
n'utilise aucune méthode de colora-
tion spéciale. C’est au moyen d’anti-
corps anti-alpha-synucléine qu’on
arrive le mieux à les distinguer12.
La MA coexiste habituellement
avec les signes pathologiques de la
DCL; toutefois, on observera rare-
ment les signes de cette dernière en
l’absence de plaques ß-amyloïdes et
de dégénérescence neurofibrillaire.
À noter que le fardeau de la MA
semblerait moins lourd chez les
patients atteints de DCL que chez les
patients d’une cohorte atteints de
MA « pure », présentant un degré
d’invalidité équivalent ou plus grave
avant le décès14.
Dans la MP, les CL s'observent en
général à la portion ventrolatérale du
locus niger et sont associés à une
perte cellulaire. Ces anomalies entraî-
nent la perte de neurones de projec-
tion dopaminergique du faisceau
strio-nigral et seraient à l’origine des
troubles moteurs extrapyramidaux5.
Dans une moindre mesure, les CL
s'observent dans d'autres noyaux du
tronc cérébral et dans le cortex céré-
bral. Comme la DCL, la DP s’accom-
pagne souvent de signes pathologi-
ques typiques de la MA, lesquels sont
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 17
Figure 1
Corps de Lewy : inclusions intracellulaires éosinophiles etsphériques présentes dans les neurones
plus marqués que ce à quoi on pourrait
s’attendre chez des témoins normaux
appariés selon l'âge; on parle ici de
plaques ß-amyloïdes et de dégéné-
rescence neurofibrillaire suffisam-
ments étendues pour correspondre
dans certains cas aux critères dia-
gnostiques de la MA15.
Les anomalies pathologiques par-
kinsoniennes associées à la MA sont
moins bien définies. Dans 20 % à
85 % des cas de MA confirmés à l'au-
topsie et associés à un syndrome par-
kinsonien clinique, on observe une
dégénérescence du locus niger avec
CL10. On peut en déduire qu’il y
aurait une MP concomitante au
moins chez certains patients. D'autres
cas présentent à l'autopsie une dégé-
nérescence neurofibrillaire du locus
niger et une perte cellulaire sans
inclusions anormales. Par ailleurs,
certains patients atteints du syndrome
parkinsonien ne présentent aucune
anomalie nigrale manifeste. Les
mécanismes pathologiques en jeu
seraient, selon certains, une atteinte
des autres voies dopaminergiques (par
exemple mésocorticale) et une aug-
mentation des plaques ß-amyloïdes
dans le striatum10.
Anomalies neurochimiques. La
DCL s’accompagne d’une impor-
tante perturbation de la circulation
des neurotransmetteurs. De fait, les
études neuropathologiques ont dé-
montré une baisse des taux de
choline acétyltransférase (ChAT,
enzyme qui ralentit la synthèse de
l'acétylcholine) dans la DCL. Ce
déficit du marqueur cholinergique
est encore plus important dans la
DCL que dans la MA16, 17. La perte
d'activité de la ChAT coïncide avec
une destruction des neurones du
noyau basal de Meynert, principale
source de l’apport cholinergique au
cortex17. On établit une corrélation
significative entre les taux faibles de
ChAT dans le néocortex frontal et
un piètre résultat au mini-examen de
l'état mental (MMSE)16.
En outre, on observe un dérègle-
ment du système dopaminergique
dans la DCL. Les voies mésolim-
bique, mésocorticale et nigrostriée
montrent des signes de dégénéres-
cence associés principalement à une
atteinte de l'aire tegmentale ventrale
et du locus niger3. La perturbation de
la voie nigrostriée est responsable des
caractéristiques parkinsoniennes ob-
servées dans la DCL.
Les anomalies neurochimiques
relevées dans la DP sont très sem-
blables à celles qui accompagnent la
DCL. On note une perturbation du
flux cholinergique vers le cortex
causée par une destruction des neu-
rones et la formation de CL dans le
noyau basal de Meynert. Cette perte
dépasse habituellement les 70 %
chez les patients atteints de DP et est
beaucoup plus importante que chez
les patients atteints de la MP mais
non de démence5. Comme dans la
DCL, la perte d'activité cholinergi-
que expliquerait une bonne partie de
l'atteinte cognitive observée dans la
DP. La destruction de la voie nigro-
striée est à l’origine des troubles
moteurs extrapyramidaux et joue
aussi un rôle dans certains pro-
blèmes cognitifs par des intercon-
nexions avec les boucles de retour
fronto-caudées5.
Selon l’hypothèse cholinergique
de la MA, le déficit cognitif serait
principalement imputable à un blo-
cage de l'influx cholinergique vers le
cortex causé par la dégénérescence
des neurones dans le noyau basal
de Meynert. Pour sa part, l'anomalie
neurochimique responsable du syn-
drome parkinsonien serait imputable
soit au blocage des voies nigrostriées
dopaminergiques ou mésocorticales,
18 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
Tableau 1
Synucléinopathies
• Maladies à corps de Lewy- Maladie de Parkinson idiopathique- Démence à corps de Lewy- Maladie à corps de Lewy « d’importance secondaire »*- Syndromes sporadiques rares associés aux corps de Lewy
- Insuffisance autonome pure- Dysphagie à corps de Lewy
- Maladies à corps de Lewy héréditaires- Mutations du gène de l'alpha-synucléine, PARK3 et PARK4
• Atrophie plurisystémique- Atrophie olivopontocérébelleuse- Dégénérescence du faisceau strio-nigral- Syndrome de Shy-Drager
* Corps de Lewy marginaux observés à l'autopsie, non associés à une maladie clinique
soit à une cause « plus en aval »
entraînant une perturbation dopami-
nergique dans le striatum lui-même10.
Caractéristiques cliniquesDCL. Les caractéristiques princi-
pales de la DCL forment une triade
d'atteintes cognitives, de symptômes
neuropsychiatriques (surtout des
hallucinations visuelles) et de syn-
drome parkinsonien. Les critères
diagnostiques actuels sont énumérés
au Tableau 213.
Atteinte cognitive. Elle est souvent
le symptôme qui amène les patients
atteints de DCL en consultation4. Lors
des tests, la démence se présente
comme une atteinte mixte corticale et
sous-corticale. Les patients manifes-
tent surtout un dysfonctionnement
sous-cortical frontal avec troubles de
l'attention et difficultés d'abstraction,
par exemple sur le plan de la planifi-
cation, du « séquençage » et de l’or-
ganisation. La lenteur de la pensée
(bradyphrénie) n'est pas rare.
En plus du dysfonctionnement
sous-cortical frontal, les patients ma-
nifestent aussi des difficultés spatiales
marquées (Figure 2). En effet, une
récente étude a comparé les patients
atteints de MA à des patients atteints
de DCL à l'aide de tests de mesure de
l'atteinte visuelle spatiale18. Les
patients étaient appariés selon l'âge, le
sexe et la gravité de leur atteinte co-
gnitive. Cette étude a montré que les
patients souffrant de DCL éprouvaient
plus de difficultés non seulement avec
les tâches visuelles complexes, mais
également avec les tâches conçues
pour évaluer la perception visuelle élé-
mentaire.
Ballard et ses collaborateurs ont
cherché à distinguer la DCL de la MA
et de la démence vasculaire en utilisant
de simples tests effectués au chevet des
patients19. À la lumière de ces tests, les
patients souffrant de DCL ont présenté
un dysfonctionnement beaucoup plus
prononcé sur le plan spatial que les
patients atteints de MA et de démence
vasculaire. Par contre, lors des tests de
mémoire récente, les patients atteints
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 19
Tableau 2
Critères de consensus sur les diagnostics cliniques des cas de DCL probables et possibles
1) Déclin cognitif progressif suffisant pour interférer avec le fonctionnement social et professionnel :• déclin qui peut s'accompagner ou non de troubles de mémoire manifestes dès le début, mais qui deviennent
de plus en plus marqués à mesure que la maladie évolue• déclin qui peut s'accompagner de déficits flagrants aux tests d’attention et d’habiletés sous-corticales frontales
et visuelles spatiales
2) DCL probable en présence de deux (DCL possible en présence d’une) des caractéristiques suivantes :• fluctuations cognitives avec variations prononcées de l'attention et de la vigilance• hallucinations visuelles récurrentes généralement bien formées et détaillées• caractéristiques motrices spontanées du syndrome parkinsonien
3) Caractéristiques diagnostiques :• chutes répétées• syncope• évanouissements transitoires• sensibilité neuroleptique• délires systématisés• hallucinations dans d'autres modalités
4) Diagnostic peu probable de DCL en présence des éléments suivants :• accident vasculaire cérébral (AVC), selon les signes neurologiques focaux ou les résultats des épreuves d’imagerie• signes de maladie physique ou autre trouble cérébral pouvant expliquer le tableau clinique, examen médical et
analyses à l’appui
D’après : MCKEITH, I. J. et coll. « Consensus guidelines for the clinical and pathological diagnosis of dementia with Lewy bodies (DLB): Report of the consor-tium on DLB international workshop », Neurology 1996:47;1113-24.
de DCL ont semblé moins touchés
que les patients souffrant de MA et de
démence vasculaire.
On associe à la DCL une absorp-
tion réduite du traceur dans le lobe
occipital à la tomographie d'émission
à photon unique et à la tomographie
par émission de positons, bien qu'il
faille encore élucider la corrélation
pathologique de ces phénomènes18, 20.
Ce dysfonctionnement du lobe occi-
pital serait lié aux difficultés visuo-
perceptuelles caractéristiques de la
DCL18.
Les patients atteints de DCL
présentent souvent un déficit de l’at-
tention; ce dernier est fréquemment
en cause dans les fluctuations cogni-
tives, elles-mêmes une caractéris-
tique centrale de la DCL. Ces
fluctuations s’observent pendant
quelques minutes, des jours, voire
des semaines ou des mois; elles
touchent l’attention et la vigilance et
influent sur le rendement aux tests
cognitifs13. Elles affligent 58 % des
patients au début de la maladie et
75 % à un moment ou à l'autre
pendant la progression de la ma-
ladie21. Leur mode de présentation
durant le jour est rarement prévi-
sible13. Lors d'une étude récente
portant sur des tests de mesure de
l'attention et du temps de réaction,
les patients atteints de DCL ont non
seulement obtenu de moins bons
résultats que les patients atteints de
MA, mais ils ont aussi présenté un
temps de réaction très variable, avec
des fluctuations se mesurant à
l’échelle des secondes et des minu-
tes22.
Symptômes neuropsychiatriques.Ces symptômes sont également très
courants, les hallucinations visuelles
en étant la manifestation la plus
fréquente. Ces hallucinations sont, en
général, bien formées, détaillées et
récurrentes et représentent souvent de
petits animaux ou des personnes
s'introduisant dans le domicile des
patients13. Une étude a révélé que ces
hallucinations sont présentes chez
33 % des patients dès le début de la
maladie et chez 46 % des patients à
un moment ou à un autre au cours de
son évolution21, bien que l'on ait aussi
fait état de taux pouvant atteindre
80 %4. Les hallucinations de Frank
accompagnent fréquemment des dif-
ficultés perceptuelles, comme des
erreurs d'identification et des agno-
sies visuelles. Le degré de compré-
hension dans les hallucinations est
variable. Les patients peuvent avoir
des hallucinations touchant d'autres
modalités, mais elles sont le plus
souvent d’ordre auditif (19 % des
patients qui consultent)21. Ces halluci-
nations ont tendance à être très claires,
par exemple, les patients vont entendre
une sonnette de porte. On peut égale-
ment constater des idées délirantes,
bien que ces manifestations soient
moins courantes. Elles ont tendance à
être bizarres et ont trait à des halluci-
nations antérieures et à d'autres
troubles perceptuels13.
Symptômes parkinsoniens. Le
syndrome parkinsonien (tremble-
ments au repos, bradykinésie, rigidité,
instabilité posturale) est une carac-
téristique clinique déterminante dans
la DCL. Environ 26 % des patients
présentent seulement des symptômes
de Parkinson, alors que 19 % présen-
tent à la fois des caractéristiques par-
kinsoniennes et d'autres symptômes,
tels que ceux associés à la démence3.
Lorsque la maladie atteint un stade
avancé, 4 % à 25 % seulement des
patients ne souffrent d'aucun symp-
tôme moteur3,4.
20 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
Figure 2
Dysfonctionnement visuel spatial dans la DCL
On peut observer le dysfonctionnement sur le plan visuel spatial endemandant au patient de reproduire une forme géométrique. (Ci-dessus, à gauche, forme de départ et, à droite, reproduction par le patient)
Démence parkinsonienne Atteinte cognitive. L'atteinte cogni-
tive observée dans la DP est sem-
blable à celle qui accompagne la
DCL. Les patients ont des problèmes
d'attention, comme en témoignent les
résultats médiocres aux tests de vigi-
lance et de temps de réaction cogni-
tive23. En outre, on note certains
signes cliniques de fluctuation de l'at-
tention23.
Les troubles de mémoire sont
également semblables à ceux obser-
vés dans la DCL, mais différents de
ceux qui accompagnent la MA. Ils
sont en général moins graves que
dans la MA et, si les patients obtien-
nent des résultats plutôt médiocres
au test de mémoire libre, ils répon-
dent bien lorsqu'on leur donne des
indices. Les caractéristiques de
désorganisation sont également très
présentes, les patients éprouvant des
difficultés sur les plans de la résolu-
tion de problème, de la prise de déci-
sion, de l'adaptation et du maintien
de l’attention. Les patients ont ainsi
de la difficulté à accomplir des
tâches visuelles spatiales, surtout les
plus exigeantes, comme l'analyse
spatiale et le jugement associé au
sens de l'orientation23. Le langage et
la gestuelle sont généralement épar-
gnés.
Symptômes neuropsychiatriques.Ces symptômes sont relativement
fréquents dans la DP. La psychose
accompagnée d’hallucinations et d’il-
lusions est présente chez 40 % à 70 %
des patients atteints de DP23, 24. Ces
symptômes peuvent être difficiles à
distinguer de ceux d’une psychose
d’origine médicamenteuse, puisque
la majorité des patients prennent au
moins un agent dopaminergique. La
dépression n'est pas rare, et, si les
caractéristiques neuropsychiatriques
d'hallucinations, de délire et de dé-
pression sont présentes chez les
patients atteints de la MP, avec ou
sans démence, elles sont plus fré-
quentes chez les patients qui souffrent
de démence25, 26.
MA et syndrome parkinsonienCaractéristiques des troubles extra-pyramidaux. Les caractéristiques
extrapyramidales les plus courantes
de la MA sont la bradykinésie et la
rigidité10. Ces traits sont habituelle-
ment bilatéraux, ce qui tranche avec
la MP idiopathique où l'on observe
le plus souvent une apparition asy-
métrique et unilatérale des troubles
extrapyramidaux. Il est important de
distinguer cette rigidité de la para-
tonie, extrêmement fréquente dans
tous les types de démences. Les
problèmes de démarche constituent
la deuxième caractéristique extra-
pyramidale la plus courante : les
patients marchent en se traînant les
pieds et ont de la difficulté à se
retourner. À noter que les tremble-
ments au repos sont rares dans la
MA10. Si on peut observer des
troubles extrapyramidaux bénins
chez certains patients au début de la
MA, ils deviennent beaucoup plus
marqués à mesure que la maladie
progresse11.
Distinction entre la DCL, laDP et la MA avec le syndromeparkinsonienIl est parfois difficile de distinguer la
DP, la DCL et la MA sur le plan cli-
nique, surtout si un patient se pré-
sente pour la première fois et qu'il
souffre de démence avec syndrome
parkinsonien. Sur une base plutôt
arbitraire, on posera le diagnostic de
DCL si la démence est apparue avant
les symptômes parkinsoniens ou si le
syndrome parkinsonien est apparu
moins d’un an avant l'atteinte cogni-
tive. Si les symptômes parkinsoniens
étaient déjà présents plus de 12 mois
avant l’émergence de la démence, on
optera pour un diagnostic de DP. Par
contre, dans la plupart des cas de MP
avec démence, les symptômes parkin-
soniens moteurs sont présents de nom-
breuses années avant le début d’un
déclin cognitif perceptible27. D'autres
différences feraient pencher la balance
en faveur d'un diagnostic de DCL
plutôt que de MP. Il s'agit d’une préva-
lence moindre des tremblements au
repos (55 % contre 85 %)3, une réponse
atténuée à la lévodopa sur le plan des
symptômes moteurs, une diminution
de la tolérabilité de la lévodopa causée
par des effets secondaires psychia-
triques et la survenue d'hallucinations
visuelles spontanées (par opposition à
des hallucinations provoquées par le
prise de médicaments). Étant donné la
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 21
Environ 26 % des patients présentent seulement dessymptômes de Parkinson, alors que 19 % présentent à la
fois des caractéristiques parkinsoniennes et d'autressymptômes, tels que ceux associés à la démence. Lorsque lamaladie atteint un stade avancé, 4 % à 25 % seulement des
patients ne souffrent d'aucun symptôme moteur.
similitude des symptômes patho-
logiques et cliniques, on estime que la
MP et la DCL font partie d’un même
continuum, leurs manifestations cli-
niques dépendant de l'ampleur et de la
localisation de la maladie à CL12.
Il est plus facile de différencier la
DCL et la DP de la MA. Le syndrome
parkinsonien apparaît tardivement dans
la MA, et il est précédé d'un déclin
cognitif qui s'échelonne sur de nom-
breuses années. Le mode de pré-
sentation de la démence est différent,
les épisodes de perte de mémoire appa-
raissant tôt au cours de la maladie.
Enfin, les hallucinations visuelles sont
relativement rares et, le cas échéant,
elles ont tendance à être plus tardives.
22 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
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Roberta Bedard est une aidante naturelle pour son mari atteint de la maladied’Alzheimer (MA). Elle a écrit de nombreux articles humoristiques et touchantssur son expérience personnelle, et elle a gentiment accepté que nous fassionsparaître ses articles dans la Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer. Sesécrits permettent aux lecteurs de partager son parcours d’aidante, donnent unaperçu très humain de la maladie et stimulent la réflexion sur le sens profond dela vie et de l’amour.
Dans le présent article…Roberta nous explique de quelle façon la MA modifie la santé psychologique de sonmari et son fonctionnement général et comment elle arrive à faire face auxdifférentes situations qui se présentent. Puis, en racontant un bon moment partagéavec son mari, elle illustre l’importance de savoir chaque jour profiter de la vie etapprécier la présence de nos proches.
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ChapITRE 4par Roberta Bedard
Les révélations, les expériences et lesréflexions personnelles d’une aidantenaturelle au sujet de la MA
Toi, moi et le revenantNous devons composer depuis un certaintemps avec le « syndrome des états crépus-culaires »; combiné au dérèglement ducycle veille-sommeil de Ray, ça donne lieuà des aventures nocturnes plutôt échevelées.Il arrive, par exemple, que Ray imagine degros méchants embusqués dans le placard,prêts à nous attaquer. Il est donc normalqu’il vide l'étagère de ses livres pour barri-cader la porte et qu’il empile des bouquinsdevant le placard pour faire trébucher lesvilains lorsqu’ils sortiront! Parfois, trèsinquiet, il se demande si les chiots ont euleur bain (nous n'avons pas de chiens). Il nese rendort qu’une fois rassuré : « oui, oui,les bébés chiens sont tout propres et ilsdorment paisiblement dans leur panier ».Sinon, les « gens du cirque » ont encerclé lamaison et installé des projecteurs. Etcomme un de leurs projecteurs s'est brisé, ilfaut sortir et vérifier qu'il n'y a pas d’éclat deverre, car je pourrais me blesser les pieds.
Je commence à m’habituer à tout celaet, à part le manque de sommeil, ça ne medérange pas vraiment. Toutefois, quandl'hiver sera arrivé, il me faudra veiller à ceque Ray dorme bien toute la nuit et m’as-surer qu'il ne se retrouve pas dehors parmoins 40 ºC. Notre gérontopsychiatresemble avoir trouvé un médicament effi-cace pour mon mari qui ne « l’amortit pastrop ». Il « fait » mieux ses nuits main-tenant.
Par contre, le revenant est quelquechose de nouveau. Ray m'a dit qu'ilperçoit la présence d'une troisième per-sonne dans la maison. Il est donc normalqu’il mette trois couverts sur la table. Jepeux comprendre. Je comprends aussipourquoi il me demande de temps à autresi nous sommes seuls dans la maison. Ilest convaincu de trouver un jour cette per-sonne et, chaque fois qu'il croit l'avoirtrouvée, ce n’est que moi. Je le rassure, jelui dis qu'il n'y a personne d'autre que
nous, mais il n'est pas entièrement con-vaincu.
Toutefois, les enfants n’ont-ils pasd’amis imaginaires? Comment réagirais-je face à un enfant qui a un tel ami?J'accepterais cet ami et je jouerais le jeu.Je dois donc faire la même chose pournotre « locataire ». Nous nous sommesmis d’accord sur son nom et sur le faitqu’il s’agit d’un homme. Il fait partie denos conversations. Notre locataire invisi-ble est devenu notre ami, nous l’invitons àdîner, mais il ne se présente jamais. Nousne nous en formalisons pas. Ça en fait pluspour nous. Et nous rions bien de lui, car ilse prive d'un bon repas. Curieusement,depuis que j’ai adopté cette attitude face ànotre « invité », Ray ne se préoccupe plusbeaucoup de lui. C'est à peine s'il en parleencore. Je crois que Ray n’aimait pas queje le contredise (que je tente de le con-vaincre qu'il n'y avait personne à partnous). Mettez-vous à sa place, comment
24 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 25
vous sentiriez-vous si la personne quevous aimez vous contredisait sans cesse?
Selon l'échelle d’évaluation FAST(Functional Assessment Staging), Rayserait au stade 5, lequel correspond à celuid'un enfant de 5 à 7 ans. Sachant cela, j’ac-cepte mieux les changements qui survien-nent. Je comprends qu’il ait besoin d'aidepour enfiler ou retirer un chandail et qu’iléprouve de la difficulté à passer seschandails par-dessus sa tête. Je vais doncaller lui acheter un ou deux cardigans avecde gros boutons, puisque je prévois déjàqu’un jour les petits boutons seront unproblème.
Ce qu’il y a de fascinant, c’est que ceschangements sont sporadiques. Entre cesépisodes, je retrouve un Ray qui comprendles concepts abstraits et qui a des percep-tions fort justes. Face à certaines situationset à certaines personnes, il perçoit desfacettes qui m'échappent. Il est toujours lemême Ray chéri, gentil et attentionné; sonsens de l'humour absurde fait toujoursmouche. C'est lui qui termine les motscroisés quand je les mets de côté, et iltrouve des termes que je n'ai même jamaisentendus. De plus, deux fois par semaine, ilse rend au centre de jour pour personnesatteintes de la MA et met tout le mondedans sa poche grâce à sa personnalité char-mante.
Il m'a avoué que, malgré sa timiditéapparente, il aime bien que je lui fasse labise avant de partir devant tout le monde.Je le sais parce que je lui ai demandé si çale dérangeait. Il est très important pourmoi de ne pas mal interpréter ses réac-tions, de vérifier ce qu’il ressent et de« sortir mes antennes » pour bien saisir cequ'il dit avec des mots ou autrement.
Rien de tout cela n’est difficile.
Rire aux larmesJ’ai mal aux côtes. J’ai ri à gorgedéployée et à en perdre le souffle. Ouf. Çan'arrive pas souvent. Même si je suis engénéral assez satisfaite de ma vie, il m'ar-rive de pleurer sans raison pendant desmoments de bonheur tranquille. Honnête-ment, je ris assez peu.
Laissez-moi vous raconter ce qui estarrivé. Mon mari et moi avons l’habitudede regarder la télé ensemble, dans lachambre du fond, bien emmitouflés sous
une couverture, lui plus que moi,puisque j'aime bien la fraîcheur de lapièce, alors qu'il préfère de beaucoup lachaleur (il est chauve et il a froid à latête). Moi, je me dis que quand on a froidon enfile un chandail. Besoin d’aide? Jesuis là. Alors, aujourd'hui, il m’a rejointepour que nous regardions ensemble l'unede nos émissions favorites, mais sonaccoutrement m’a rappelé celui de nosenfants lorsqu'ils étaient jeunes. Il avaitenfilé sa robe de chambre toute chaudepar-dessus ses vêtements, des chaussettesde ski et il portait fièrement son chapeaude postier. Vous savez de quel chapeau jeparle? Celui muni de cache-oreilles enfourrure. Il avait l'air si content de lui. Ils’affirmait.
Je l'ai regardé et j’ai éclaté de rire. Jeriais aux larmes, à m’en tenir les côtes; jehoquetais, incapable de me retenir detaper du pied sur le lit. Incapable de leregarder sans rigoler. Je n’avais qu’à luijeter un coup d'œil pour repartir de plusbelle. J’étais morte de rire.
Et lui, il riait avec moi en ajoutant :« je suis un Albertain terre à terre ». Nousavons ri ensemble comme deux vraisfous.
C’est à ce moment que je me suisrendu compte que certaines choses meplaisent bien à propos de la MA. Entreautres, elle enlève les inhibitions. Quandnous pensons à la désinhibition chez lespatients atteints de la MA, la plupart desgens (en tout cas, moi!) ont tendance àjuger négativement. Nous croyons quecette inévitable désinhibition est sociale-ment inacceptable.
Or, si le patient atteint de MA est aiméet accepté et si nous reconnaissons quedes ajustements doivent être faits parrapport à la « vérité objective », la plusgrande vérité encore selon laquelle der-rière la MA il y a d’abord et avant tout unêtre humain est maintenue. L’estime desoi de mon mari est préservée. Nousacceptons tous les deux le fait qu'ilsouffre de la MA. Nous en parlonsensemble. Nous rions ensemble de notrelocataire invisible. Nous rions lorsqu'iloublie qu'il faut s’habiller avant de semettre à table, c'est-à-dire enfiler aussides pantalons. Bien sûr, il lui arrive de medire que la MA le condamne à un enfer, il
lui arrive même d’oublier vers quoi iltendait la main, mais ces moments sontrares. Il sait qu'il est toujours parfait àmes yeux.
Bon, d’accord, il n’a plus d’inhibitions.Tant mieux! Son sens de l'humour absurdepeut ainsi s'épanouir. Ce n'est peut-être pastrès socialement adéquat de porter unchapeau en fourrure pour regarder latélévision, mais est-ce grave? Lorsque legeste est posé de façon affirmative et drôle,c'est de la joie pure. Avant qu’il ne soitfrappé par la MA, je ne me doutais pas queRay pouvait être si drôle! Tout cela medémontre encore plus les avantages qu'il ya à comprendre et à intégrer la théorie deReisberg à ma vie quotidienne d'aidantenaturelle. Nous adorons nos enfants. Nousapprécions leur humour. Nous sommes desinconditionnels de leurs excentricités.Pourquoi adopter une approche différenteavec un être cher qui souffre de la MA?
Néanmoins, je ne me fais pas d'illu-sions. Je sais qu'en progressant la MArendra les choses plus difficiles. Je saisqu'à moins que Ray ne meure d’autrechose avant, la MA le tuera. Cependant,nous avons un objectif commun, c'estqu'il reste heureux et fonctionnel le pluslongtemps possible, en espérant bien tris-tement qu’il mourra d’une autre caused’ici là. Nous nous sommes déjà fait nosadieux à plusieurs reprises.
Cela dit, il n'y a aucune raison de vivrejour après jour comme si le ciel allait noustomber sur la tête. Pour l'instant, je profitede la joie et des nombreux petits plaisirsordinaires qui s’offrent à nous. La tragédiedu 11 septembre 2001 a enseigné à tout uncontinent qu’au bout du compte rien n’aplus d’importance que nos êtres chers et lequotidien que nous partageons avec eux.
C’est ce que m’a enseigné la MA, etj’en suis reconnaissante. Bien sûr, j’auraispréféré apprendre une telle chose d’uneautre façon, mais la leçon n’en demeurepas moins extrêmement précieuse.
Et j’ai encore mal aux côtes d'avoirtant ri.
Ne manquez pas le chapitre 5, « Unenouvelle étape », dans le prochain numé-ro de la Revue canadienne de la maladied’Alzheimer.
26 • La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004
Tendances en matière d'information en lignesur la santé au CanadaL'Internet viendrait aujourd'hui au second rang parmi les
sources d'information sur la santé le plus souvent con-
sultées par les Canadiens, devançant même la radio, la
télévision et les journaux. Les consultations en bonne et
due forme avec des professionnels de la santé arrivent
toujours au premier rang.
Les résultats d'un sondage mené par l'Association
médicale canadienne en 2001 révélaient que près de la
moitié des médecins canadiens recommandaient « au
moins à l'occasion » à leurs patients de consulter un
site Web pour des renseignements de nature médicale.
Parmi ces médecins, sept sur dix recommandaient des
sites Web spécifiques à la maladie.
La Société Alzheimer du Canada a inauguré son
site Web (www.alzheimer.ca) en 1997. Ce site offre des
renseignements bilingues sur les soins, les services, la
recherche et le traitement de la maladie d'Alzheimer
(MA) au Canada. En moyenne, quelque 7 000 pages sont
consultées chaque jour par des visiteurs.
Qui consulte le site Web?Selon un récent sondage mené auprès des visiteurs du
site Web de la Société Alzheimer, 84 % des personnes qui
le consultent connaissent une personne atteinte de la MA,
qu’il s’agisse de conjoints, parents, proches ou amis. Le
sondage a en outre révélé que 3 % des visiteurs étaient
des personnes atteintes de la MA.
Bien que la plupart des gens préfèrent utiliser le site Web
pour la recherche et la cueillette de renseignements,
beaucoup utilisent les sections « Forum Entraide et aidants »
et « Demandez à l'expert » de la Société Alzheimer.
Services en ligneLe forum. Le forum « Entraide et aidants » permet aux
gens de partager leurs expériences ainsi que d'échanger
de l'information et des conseils avec d'autres personnes
qui comprennent bien leur situation. Pour certains, ce
forum est devenu un groupe d'entraide, puisqu’il met en
contact les unes avec les autres des personnes aux prises
avec les mêmes problèmes.
« À moins de devoir y faire face, il est presque impos-
sible de comprendre ce qui se passe quand on est en rela-
tion avec quelqu’un qui a la MA […] Ce babillard m'aide,
car je vois que je ne suis pas seule à faire face aux mêmes
problèmes. Ça m’aide à garder courage […] »
—Louise, 11 h 33
C'est également une tribune à l'intention des personnes
qui en sont au premier stade de la maladie et qui veulent
s’exprimer.
« J'ai 54 ans et mes problèmes ne sont plus de "petits"
problèmes […] Oui, mon cerveau fout le camp, et je suis
au premier rang, jour après jour, semaine après semaine
pour voir ça […] J'ai du mal à imaginer combien il doit
être insupportable pour vous, les aidants naturels, qui
faites un travail si fantastique et si peu reconnu, d'être
témoins de ce lent et détestable déclin de la conscience,
jusqu'à la mort. Vous êtes réellement les victimes silen-
cieuses. »
—Marilyne, 14 h 16
Services en ligne pour les personnes aux prises avec la maladie d'Alzheimer
Des nouvelles de la Société Alzheimer du Canada
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2004 • 27
Et étant donné qu’Internet est accessible 24 heures sur
24, sept jours sur sept, les personnes en crise peuvent
s'exprimer lorsqu'elles en ont besoin.
« Il me semble que mon premier réflexe face à une
crise, c’est de me tourner automatiquement vers
l’Internet. I1 est plus de 4 heures du matin et je ne suis
pas encore couchée. Il y aura bientôt quatre ans que j'ai
cessé de travailler à l'extérieur pour prendre soin de ma
mère. Il n'y a tout simplement personne d'autre pour
prendre la relève. Pas de famille au Canada, juste moi,
sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Merci de me prêter
vos oreilles et votre épaule. J'avais juste besoin de parler
un peu. »
—Elisabeth, 4 h 12
Les visiteurs peuvent consulter le tableau des mes-
sages sans y participer activement. Nombre d'entre eux
trouvent un réconfort du simple fait de lire les messages
qui s’y affichent. Ils se sentent moins seuls. Le forum
« Entraide et aidants » est la section la plus visitée du
site Web.
Demandez à l'expert ([email protected]). La
section « Demandez à l'expert » est conçue à l'intention
des personnes qui n’ont pas trouvé réponses à leurs
questions sur le site Web. En moyenne, 75 questions sont
soumises chaque mois, en provenance des quatre coins
du Canada et d’ailleurs dans le monde. Les utilisateurs de
la section « Demandez à l'expert » bénéficient :
• de réponses à leurs questions en l'espace de
24 heures;
• de réponses adaptées à leur situation;
• de références vers un secteur spécifique de notre
site Web pour plus de renseignements;
• de références aux professionnels de la santé ou aux
services locaux offerts par la Société Alzheimer pour
des renseignements et des ressources;
• de la possibilité d’établir un dialogue.
« Les personnes qui s'adressent à cette section ne
fréquentent généralement pas les groupes d'entraide,
explique Ilona Horgen, directrice des Services de soutien
et d’éducation de la Société Alzheimer du Canada. Ces
gens veulent de l'information rapidement. Ils souhaitent
poser leurs questions de façon privée, sous couvert de
l'anonymat et au moment qui leur convient. De plus, ils
sont à la recherche d'une réponse individualisée. »
La section « Demandez à l'expert » est confidentielle
et relève des Services de soutien et d’éducation de la
Société Alzheimer du Canada. Le personnel connaît les
programmes et les services offerts par la Société sur tout
le territoire canadien et a accès aux professionnels de la
santé susceptibles de fournir les renseignements recher-
chés sur tous les aspects de la MA.
Les questions les plus fréquentes proviennent des
aidants naturels à la recherche de services de soutien
dans leur localité et de renseignements sur la prise en
charge de la maladie. Les visiteurs du site Web sont avi-
sés que les renseignements fournis ne peuvent remplacer
une consultation médicale, et il leur est suggéré de voir
leur médecin ou un autre professionnel de la santé quali-
fié pour une évaluation individuelle.
Code de conduite Health on the Net (HONcode©). La
fondation Health on the Net, dont le siège est à Genève
(Suisse), a vu le jour en 1995 afin d’établir un code de
conduite pour les renseignements médicaux et de santé
sur Internet.
La charte HONcode consiste en huit principes qui ont
pour but d’aider à unifier et à normaliser la fiabilité des
informations médicales et de santé sur le Web. Ces
principes se penchent sur l’exactitude de l’information, la
confidentialité des données et le respect de la vie privée,
l’origine et la datation des renseignements fournis, l’ori-
gine des fonds (commanditaires) et l’importance de sépa-
rer clairement le contenu publicitaire du contenu éditorial.
Adopté par plus de 300 sites Web à travers le monde, le
label de qualité HONcode permet aux usagers d’identifier
les sources fiables d’information. La Société Alzheimer du
Canada adhère aux principes de la charte HONcode depuis
1998.
La Société Alzheimer du Canada est un organisme desanté à but non lucratif qui se consacre à aider les per-sonnes touchées par la maladie d’Alzheimer. La Sociétéoffre de l’aide et des programmes éducatifs aux person-nes atteintes de la maladie d’Alzheimer et à leurs aidantsnaturels. Elle subventionne également la recherche envue de découvrir les causes de la maladie, de trouver unremède et d’améliorer les traitements.
Pour plus de renseignements sur la maladie d’Alzheimer et les autres démences apparentées, surles programmes et les services de la Société Alzheimeret sur ce que vous pouvez faire pour aider, commu-niquez avec le bureau local de la Société, visitez sonsite Web (www.alzheimer.ca) ou composez le numéro1 800 616-8816.