REVELATION des PREFERENCES INDIVIDUELLES ET ...
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UNIVERSITE de MONTPELLIER I
FACULTE des SCIENCES ECONOMIQUES
Ecole Doctorale : Economie Gestion
Formation Doctorale : Politiques Economiques
Equipe dAccueil : LASER-CREDEN
THESE
pour le DOCTORAT s SCIENCES ECONOMIQUES
Groupe des disciplines Sciences Economiques du CNU : Section 05
REVELATION des PREFERENCES INDIVIDUELLES
ET
INCITATION au CHOIX de LELECTRICITE VERTE :
Une ANALYSE de la DECISION du CONSOMMATEUR
Soutenue le 14 Janvier 2008 par
Dorian LITVINE
Sous la direction de Monsieur le Professeur Jacques PERCEBOIS
JURY
Dorothe BRECARD Professeur lUniversit de Nantes (Rapporteur)
Michel GARRABE Professeur lUniversit de Montpellier I (Examinateur)
Dominique LASSARRE Professeur lUniversit de Nmes (Examinateur)
Jacques PERCEBOIS Professeur lUniversit de Montpellier I (Directeur de thse)
Rolf WSTENHAGEN Assistant Professor HDR lUniversit de St Gallen - Suisse (Rapporteur)
Copyright
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La Facult nentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises dans cette thse ;
ces opinions doivent tre considres comme propres leur auteur.
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Remerciements
Mes remerciements sadressent en premier lieu Monsieur le Professeur Jacques PERCEBOIS pour
mavoir procur, au sein du CREDEN, des conditions propices mes travaux, et pour la confiance
quil ma accorde durant ces annes de doctorat.
Jadresse toute ma gratitude Madame le Professeur Dorothe BRECARD et Monsieur Rolf
WSTENHAGEN pour avoir accept de participer au jury de cette thse et den tre les rapporteurs.
Je remercie galement vivement Madame le Professeur Dominique LASSARRE et Monsieur le
Professeur GARRABE qui ont accept de me faire bnficier de leurs commentaires et critiques en
tant quexaminateurs.
Je dsire galement exprimer toute ma reconnaissance au Dpartement Marketing de la SGSW (Sankt
Galler Stadtwerke) St Gallen (Suisse) dont le partenariat a permis deffectuer ltude empirique de ma
thse, et tout particulirement Peter GRAF et Peter HUESMANN pour leur coopration et leur
disponibilit. Mes plus vifs remerciements sadressent galement Rolf WSTENHAGEN et
Andreas BURKHALTER pour leur implication et collaboration dans le projet. Cette tude naurait
pas t possible sans laide de nombreuses personnalits : Carmen UHL et Marina OBOUSSIER pour
leur travail de traduction, Jochen MARKARD, Nicole ZIMMERMANN (BFE) ; mais galement de
nombreux responsables des dpartements nergie verte en Suisse dont Mr FELLAY (EEF), Mr
TSCHOPP (EBM) et Mr MILANI (RePower).
Jadresse mes vifs remerciements Agns dARTIGUES, Benot MULKAY, Nadine CHAURAND et
mon pre, Georges LITVINE, pour leur aide prcieuse de relecture et de critique ; et Olivier
ROUSSE pour sa prcieuse aide technique et son sens de lesthtique. Mes remerciements vont
galement Robert CIALDINI, Icek AIZEN (Ajzen) et Norbert SCHWARTZ pour nos nombreux
changes, et tout particulirement David TRAFIMOW qui a toujours trouv le temps de se pencher
sur les problmes que je lui soumettais.
Je remercie de tout cur Manon pour son amour, sa patience et sa prsence, qui ft ma principale
collaboratrice pour mener cette thse de front, et sans qui son achvement aurait t irralisable. Ma
gratitude et ma tendresse lui reviennent, ainsi qu toute ma famille dont lamour est inestimable :
Georges, Ruth, Philippe, Wakan, Kami, Chad, Lo et celle qui arrive. Sans oublier ma famille ailleurs
dans le monde, notamment la branche brsilienne. Mon affection profonde va tous mes amies et
amis, qui se reconnatront, je nen doute pas : merci vous dtre l.
Enfin, je souhaite remercier les thsards de la Facult pour le climat chaleureux qui a permis de
motiver nos travaux respectifs, notamment ceux du 314 : Agns, Mourad, Olivier, Benot, Emeline
et Islem.
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A la mmoire des anctres
et ceux qui poursuivront
A ceux qui croient
A tous ceux que jaime...
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Glossaire et Abrviations
AB Attitude envers lacte de souscription llectricit verte : valuation de la souscription par anticipation des rsultats qui sont probables et qui procurent une forte utilit.
DAP Disposition A Payer du consommateur pour un bien.
EC Electricit Conventionnelle, produite partir de sources classiques dnergie.
EnR Energies Renouvelables, faisant rfrence la production et/ou aux technologies.
EV Electricit Verte, produite partir de sources renouvelables dnergie et vendue directement aux consommateurs finaux (contribution volontaire).
MEV Marchs de lElectricit Verte.
PBC Contrle comportemental peru : sensation de contrle sur lacte de souscription llectricit verte et sensation dinfluence sur latteinte des buts poursuivis.
R&D Recherche et Dveloppement.
SGSW Sankt Galler Stadtwerke : oprateur des services communaux qui distribue leau et llectricit St Gallen
SN Normes subjectives : influence sociale et morale sur lacte de souscription llectricit verte.
TpB Theory of Planned Behavior (Thorie du comportement planifi).
VD Variable Dpendante dun modle (variable explique).
VI Variable Indpendante dun modle (variable explicative).
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Sommaire
Chapitre 1 Analyse conomique de la dcision de souscription llectricit verte
Chapitre 2 La relation attitude/comportement pour comprendre la souscription llectricit verte : lapport de la Psychologie sociale
Chapitre 3 Un cadre thorique et oprationnel appliqu la dcision de souscription llectricit verte : la Thorie du comportement planifi
Chapitre 4 Mthodologie de ltude empirique Les dterminants de la souscription llectricit verte : comprendre et augmenter laction volontaire
Chapitre 5 Analyse statistique de ltude empirique
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Introduction Gnrale
Au cours des dernires dcennies, les problmatiques de cot et de scurit dapprovisionnement
nergtique sont devenues une proccupation majeure pour tous les pays. En rponse aux chocs
ptroliers des annes 70, les pays industrialiss ont cherch diversifier leurs sources
dapprovisionnement, en investissant notamment dans les sources dnergies renouvelables (notes
EnR), principalement lolien, le solaire, la gothermie, lnergie hydraulique et la biomasse. Ces
modes dcentraliss de production dnergie contribuent en effet lautonomie des nations, tout
en stabilisant leur conomie dans un contexte mondial de hausse de la demande dnergie.
Paralllement, la prise de conscience collective des problmes cologiques locaux et
transnationaux, renforce par la rcente confirmation du risque de changement climatique (GIEC,
2000), a provoqu un intrt croissant pour les EnR, du fait des bnfices cologiques quelles
gnrent par rapport aux sources conventionnelles dnergie. Les EnR sont notamment un recours
vis--vis des engagements internationaux sur la rduction des missions de gaz effet de serre
(Protocole de Kyoto de 1997).
Les technologies EnR occupent donc une place de plus en plus importante dans la rflexion sur la
viabilit dun dveloppement conomique soutenable. Ce double intrt a motiv le lancement en
octobre 1997 de la directive Europenne relative la promotion de llectricit produite partir
des sources dnergies renouvelables (CE, 2001). Cette directive communautaire fixe un niveau de
production atteindre pour les Etats membres, objectif rehauss depuis mars 2007 20%
dnergies renouvelables consommes dici 2020. Pour atteindre cet objectif ambitieux, les Etats
membres ont mis en place des politiques de soutien et dincitation, comme les prix dachat
garantis, les quotas obligatoires ou les certificats verts. Cependant, allant de pair avec un
dsengagement des Etats dans la gestion du systme nergtique, la restructuration progressive du
secteur lectrique incite les dcideurs publics atteindre les objectifs indicatifs de la Commission
Europenne moindre cot, en minimisant les distorsions sectorielles provoques par les
politiques volontaristes.
Dans un tel contexte, les ventes dlectricit verte (notes EV) apparaissent comme un mcanisme
de march contribuant la complmentarit entre ouverture la concurrence et outils rguls.
Produite partir dEnR, puis injecte dans le rseau, lEV est ensuite offerte aux consommateurs
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finaux en tant que fourniture lectrique diffrencie par sa qualit cologique. Depuis les annes
90 et dans de nombreux pays occidentaux, divers fournisseurs dlectricit proposent ainsi aux
mnages de soutenir le dveloppement des EnR de rseau, et damliorer indirectement la qualit
de lenvironnement, en versant une surprime sur le prix du kWh consomm et/ou en achetant
plus cher des tranches de puissance. La firme certifie ensuite au consommateur que cette
contribution est investie dans une ou des installations EnR (existantes et/ou venir, locales et/ou
nationales).
LEV se trouve au croisement de trois types dintrt : public, individuel et industriel. Tout
dabord, la participation directe des mnages peut apporter un soutien non ngligeable aux
politiques publiques, condition que ladditionnalit entre les deux systmes soit assure. La
diffrenciation de la demande est galement un moyen pour les entreprises du secteur lectrique
daccueillir plus facilement lincitation offerte par les institutions, contribuant ainsi la
compatibilit entre stratgie prive et publique dans la dynamique de dveloppement des EnR.
Cette demande diffrencie fournit une valeur de march la qualit cologique des EnR,
constituant un nouveau signal positif dans les choix innovants des firmes. Enfin, point plus
intressant pour notre travail, la souscription des mnages est un mcanisme de contribution
volontaire permettant dexprimer les prfrences individuelles pour lEV et pour lenvironnement,
qui se multiplient dans la plupart des pays occidentaux avec lexpansion du mouvement de
consommation citoyenne . En effet, une part croissante de consommateurs, qui ne font plus
dsormais seulement partie des classes aises, intgrent la composante thique et cologique dans
leurs achats et leurs actions, offrant ainsi un potentiel de croissance conomique. Ce mouvement
suggre galement que la valeur porte par lcologie est vhicule de plus en plus facilement dans
la socit, conduisant les individus concrtiser volontairement leurs intentions cologiques,
thiques et sociales travers leurs choix de biens et services.
Dans ce contexte gnral dengouement pour les EnR, un nombre important de consommateurs
se dclarent intresss par ce mode de production lectrique, et prts payer plus cher pour
contribuer son dveloppement. Mais si de nombreuses tudes rvlent une disposition payer
trs favorable (50% des mnages europens en moyenne dclarent accepter au moins 5% de
surprime), le taux de souscription est en moyenne de 1 2%, pouvant atteindre entre 3% et 5%
avec le temps, grce une politique adapte : une politique de soutien des prix et un appui public
aux actions marketing des fournisseurs, comme aux Pays-Bas. Cependant, mme dans ce pays o
une politique de taxe sur les nergies polluantes mene jusquen 2006 a conduit des surprimes
faibles voire nulles, le taux de souscription lEV (26% en 2005) ngale pas le taux dindividus
disposs payer (70%)1.
1 Cf. Palmer (2003) et www.greenprices.com
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Introduction Gnrale
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Notre travail de thse part du constat de ce do/say gap, savoir lcart considrable entre les
dispositions que les agents dclarent, censes reprsenter leurs prfrences relles, et les choix
quils font, c'est--dire leurs prfrences rvles. Le march de lEV semble tre caractris par un
cart entre prfrences relles, dclares et rvles, dficience provenant tant de la demande que
de loffre. Lexprience des vingt dernires annes montre que lEV ne sinscrit pas encore dans le
mouvement de consommation cologique. Pourtant les consommateurs occidentaux expriment
une sensibilit croissante aux questions cologiques, et concrtisent de plus en plus leurs
prfrences pour lenvironnement, en effectuant rgulirement dautres actions environment
friendly (achat de produits biologiques, dons, etc.), et en y investissant volontiers une part
croissante de leur budget et de leur temps1. Il est donc lgitime de se demander pourquoi tant
dagents dclarent une prfrence ou des intentions de souscrire lEV, mais nagissent pas
ensuite. Mis part ceux dont la dclaration est entirement biaise ou stratgique, lexpression dun
tel intrt pour lEV suppose lexistence dun potentiel de souscription lEV exploiter. Dans ce
cas, comment aider les prfrences se renforcer et se rvler sur le march ? Autrement dit,
comment rduire le do/say gap et largir le spectre des souscripteurs au-del de ceux qui souscrivent
par conviction, sans incitation supplmentaire ? Outre des motivations classiques lies
lamlioration de lenvironnement, il existe des motivations implicites plus subtiles quun agent
rationnel peut tre tent de poursuivre en souscrivant, mais qui ne sont peut-tre pas assez solides
pour guider laction au moment de mettre la main la poche : got pour la responsabilit,
apparence sociale, rponse une norme, se donner bonne conscience, etc. La trs faible
pntration du march de lEV peut suggrer que la satisfaction des ces motivations nest pas
suffisamment claire ou mise en valeur par les marketeurs. Il y aurait donc un potentiel exploiter en
augmentant ladquation de loffre dEV aux motivations implicites des consommateurs2.
La rponse ces questions est importante pour au moins trois raisons : (1) aider les politiques
prives et publiques cherchant inciter la souscription dEV, ce qui revient indirectement
tendre les marchs existants afin dallger les interventions publiques ; (2) accueillir et dvelopper
efficacement louverture du march de lEV (en vigueur en France depuis le 01 juillet 2007) ; (3)
mieux comprendre le mcanisme de concrtisation des intentions cologiques, et pouvoir
gnraliser cette connaissance toute action similaire la souscription lEV.
Pour ce faire, nous proposons dapprhender et de conceptualiser le processus de dcision du
consommateur dans son choix entre llectricit conventionnelle (note EC) et llectricit verte,
puis de tester nos rsultats thoriques grce une tude empirique grande chelle. Cet exercice
requiert danalyser ce qui fonde une prfrence pour lEV et de spcifier les dterminants de la
1 Recyclage (Hopper et Nielsen [1991], Thogersen [1996], Vining et Ebreo [1992]), achat de produits biologiques (Bamberg [2002a], Kalafatis et al. [1999], Sparks et Shepherd [1992]) ou dautres actions cologiques (Godfrey, 2002). Cf. galement Berger & Corbin (1992), Bigot (2002), CE (2005), Delpal & Hatchuel (2007), Franois (2002), Le Gall (2002) et Peatti (2001).
2 Cf. Fouquet (1998), Goett & al. (2000), Holt (2004), Mayer & al. (1997), Roe & al. (2001), Truffer (1998) et Wiser & al. (2000).
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souscription lEV : les diffrentes motivations altruistes et gostes, les comportements
stratgiques et les interactions sociales, les caractristiques de lEV et du contrat de march, etc.
Cet objectif ncessite galement de pouvoir distinguer prfrence, intention et action, et de
dduire les mcanismes permettant le passage de la prfrence lintention daction, puis la
concrtisation de cette dernire. Un ensemble de facteurs interviennent dans le passage de la
prfrence laction, dont il convient de mesurer limportance. Une attention particulire doit
notamment tre porte au rle du prix dans la dcision, qui est un facteur majeur de lincohrence
entre prfrence, dclaration et choix. Toutefois, limportance de la surprime peut tre modre.
Par ailleurs, ce nest pas le seul obstacle laction. La mise en lumire dautres contraintes la
concrtisation des prfrences et des intentions, de mme que leurs liens avec la composante prix,
permet de comprendre les facteurs en amont de la disposition payer (note DAP).
La thorie standard de la dcision part du principe que les prfrences individuelles se rvlent
automatiquement sur un march efficient, et que la DAP est une expression de ces prfrences : la
considration des asymtries dinformation dans le contrat de march est centrale pour expliquer
les distorsions observes sur les marchs de lEV. La thorie des jeux apporte dautres lments
dexplication, en intgrant les conduites et interactions stratgiques luvre dans la dcision de
souscrire lEV. Enfin, la thorie des biens publics explique la dynamique des contributions
prives un bien mixte comme lEV, et le dilemme social auquel est confront ce bien.
Ces thories apportent des lments de rponse pertinents, et permettent de dcrire un cadre de
dcision pour lEV. Elles noffrent cependant pas de modle thorique qui intgre les mcanismes
psychologiques, ainsi que lvaluation subjective du rsultat espr, pourtant essentiels lanalyse
des dcisions pro-cologiques. En effet, la qualit et la valeur de lEV sont trs difficiles valuer
objectivement (valeur dusage et de non usage). Ainsi, la satisfaction (utilit) retire de lachat
dpend moins dun calcul que dune perception, qui requiert de considrer le filtre personnel de
lindividu. Ainsi, en se fondant sur une approche trop rationnelle de larbitrage et de la dcision, la
thorie conomique standard peut chouer expliquer correctement le comportement des
consommateurs vis--vis de lEV, et spcifier les dterminants de la souscription.
Les tudes conomiques, notamment issues de la mthode de lvaluation contingente, se limitent
pour la plupart ltude des dterminants de la DAP, notamment les facteurs socioconomiques,
le niveau dinformation et certains facteurs lis loffre. Peu dtudes tendent le champ danalyse,
en intgrant des mcanismes psychologiques et stratgiques, des lments attitudinaux ou lis au
contexte de dcision. Ce croisement semble pourtant utile et lapport des tudes comme celles
menes par Clark & al. (2003), Farhar (1999) ou Wiser (2003) mrite dtre approfondi, ce que
nous proposons deffectuer dans notre travail.
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Introduction Gnrale
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Par ailleurs, mme si certaines tudes analysent les facteurs de la souscription, peu dentre elles
adoptent une dmarche oprationnelle consistant les modifier, et observer les consquences
sur le comportement en situation relle, prfrant se fonder sur une dclaration hypothtique (cf.
Menges et al., 2005). Celles qui adoptent une telle dmarche objective noffrent pas de classer les
dterminants de laction ni dutiliser les diffrents types de motivation souscrire (cf. Kotchen &
Moore [2007] et Rose & al. [2002]). Enfin, on ne trouve pas dans la littrature dtudes fournissant
des conclusions causales utiles la mise en uvre dactions dincitation la souscription (publiques
ou prives). Notre tude de terrain cherche rpondre ces limites.
Notre travail repose sur une hypothse centrale qui sous-tend la dcision individuelle de passer de
lEC lEV, pour des individus ayant dclar tre intresss par lEV, mais disposant encore dune
fourniture conventionnelle. Certes la surprime payer est un facteur central expliquant la rticence
de lindividu souscrire, surtout sil prsente certaines caractristiques socioconomiques ou
comportementales. Cependant, le prix devient un obstacle laction surtout quand cet individu
nest pas certain du bnfice quil peut retirer de la souscription (bnfice diffus et loign,
mfiance et asymtries dinformation). Ceci peut amener lindividu rester sur sa fourniture
conventionnelle, quand bien mme il dispose dune prfrence pour lEV. En travaillant sur la
synergie entre les quatre types de motivation altruiste lorigine de ce bnfice, et en rendant la
perspective de ce dernier plus certaine, nous pouvons renforcer lintention de souscrire, ainsi que
sa concrtisation. Nous rapprochons ainsi les prfrences rvles des prfrences relles, et
rduisons limportance du facteur prix dans la dcision.
La formulation de cette hypothse sur le rle du prix est suggre par plusieurs faits :
(1) Une part croissante de mnages occidentaux prend largent et/ou le temps pour effectuer
dautres actions pro-cologiques, notamment lachat de produits biologiques1. Le surcot de
lEV est probablement acceptable et envisageable en termes absolus pour une bonne partie des
mnages occidentaux, mais lassociation avec dautres facteurs fait du prix un obstacle.
(2) Si le prix tait le principal facteur du refus de souscrire, une surprime quasiment nulle devrait
alors conduire les individus prendre une dcision conforme leurs prfrences, suivant le
principe de rationalit. Or ce nest pas le cas puisque aux Pays-bas, en Sude et aux USA,
certaines entreprises traitant dEV proposent des tarifs quivalents ceux de llectricit
1 Selon lINRA, 40 60 % des franais consomment au moins occasionnellement des produits biologiques (www.inra.fr), et. environ 40% des consommateurs europens acceptent de payer prs de 5 euros/mois pour acheter des produits biologiques (Eurobaromtre), ce qui est suprieur la surprime minimale quun mnage amricain de consommation moyenne doit payer pour de lEV.
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conventionnelle ; et pourtant le taux de souscription est loin des prfrences dclares, comme
la DAP1.
(3) Une tude de Holt (2004) portant sur 66 fournisseurs amricains dlectricit rvle quil
nexiste pas de corrlation ngative entre la surprime minimale pour participer et la pntration
du march : le taux de souscription est indpendant du surcot mensuel pour contribuer
lEV.
La pntration du march de lEV dpendrait donc dautres facteurs que le prix. Selon nous, le
problme semble plutt natre de laspect indirect des consquences de la souscription, crant un
bnfice individuel diffus, difficilement perceptible et peu appropriable au niveau priv. Notre
rflexion porte donc sur le problme de lvaluation du bnfice personnel souscrire.
Nous avons galement fait dautres hypothses pour restreindre le domaine danalyse. Tout
dabord, nous considrons un tat du monde donn dans lequel il existe une offre dEV sur le
rseau, et nous analysons la demande pour ce service : notre sujet carte donc ltude des
structures de production et des politiques de soutien. Notre thse se concentre sur les choix des
mnages, et carte lachat dEV par les entreprises et institutions publiques. Plus essentiel, lanalyse
considre un chef de famille intress par lEV : notre objectif nest pas dtudier comment
convaincre ceux qui en ont une opinion ngative. De plus, nous ne traitons que du choix initial de
cet agent, sans considrer la rptition des souscriptions ou les achats ponctuels de tranches
dEV2 . Ainsi, puisque la plupart du temps, les mnages peuvent changer de fourniture assez
aisment, nous ne pouvons pas assimiler la souscription une action unique et irrversible
effectue en un temps t : la dcision de souscription comprend tout le processus qui prcde
laction et qui se finalise par linstant de souscription. Enfin, nous tudions uniquement lEV
souscrite sur le rseau, sans traiter la dcision des mnages dinstaller des sources dEnR
domestiques (panneaux solaires, etc.).
La mise en vidence des dterminants du bnfice personnel souscrire ncessite de mobiliser
deux champs thoriques, ceux de lEconomie et de la Psychologie. Depuis la remise du prix Nobel
dEconomie au Psychologue D. Kahneman en 2002, conomistes et psychologues cooprent de
plus en plus, introduisant des lments de psychologie dans le raisonnement conomique et vice et
versa, en particulier pour rsoudre certains paradoxes de la thorie conomique. Cest notamment
1 Cf. Bird & al. (2002), Finon & Menanteau (2004) et Markard & Truffer (2006). Un exemple : le concessionnaire public de Los Angeles (USA) propose de lEV avec une surprime nulle pour les mnages ayant un revenu faible ou moyen, mais le taux de souscription nest que de 5,2% (2004), alors quen moyenne au moins 45% des amricains dclarent une DAP positive (Farhar, 1999). Plus gnralement, dans un march libralis comme celui des Pays-Bas, le taux de pntration est de 26% en moyenne en 2006, alors quau moins 55% des mnages dclarent une DAP positive et 75% une attitude favorable, et quune cotaxe sur les nergies polluantes a conduit une surprime nationale moyenne ngative (-0,5% en 2001) (www.greenprices.com). Symtriquement, dans des pays ayant une surprime moyenne leve (Suisse, Allemagne, UK), certaines firmes proposent des surprimes faibles (5%) sans connatre pour autant un taux de souscription qui atteigne 1/5me de celui des Pays-Bas.
2 Mme sil ne semble pas y avoir de donnes disponibles, divers spcialistes saccordent sur le fait que le nombre de mnages qui souscrivent lEV et qui reviennent dfinitivement sur lEC semble trs faible (R. Wstenhagen, L. Bird et R. Wiser).
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Introduction Gnrale
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le cas des thories modernes de la dcision, regroupes sous le terme gnrique dEconomie
Psychologique (Behavioral Economics).
Notre travail sinscrit dans ce rapprochement de disciplines : nous avons choisi dintroduire des
considrations psychologiques dans le raisonnement conomique, et dtudier le processus de
dcision grce une tude empirique qui emprunte certaines techniques aux exprimentations de
terrain. La Behavioral Economics permet par exemple dexpliquer le do/say gap par un comportement
attentiste et passif, en intgrant lanticipation de cots psychologiques et laversion aux pertes. De
mme, certaines recherches en Psychologie sociale et cognitive offrent un cadre conceptuel et des
outils pertinents pour tudier les sources de laction et la concrtisation de lintention.
Cette thse sarticule autour de cinq chapitres qui tudient la dcision du consommateur envers
lEV, et que nous rappelons brivement avant de les dtailler dans ce qui suit. Le premier chapitre
expose la problmatique et les hypothses sous langle de la thorie conomique. Ces rflexions
sont ensuite compltes dans les chapitres 2 et 3, par une incursion en Psychologie sociale
cognitive, discipline dont nous avons slectionn des notions utiles pour rpondre notre
problmatique. Le chapitre 3 prsente la thorie du comportement planifi, axe thorique autour
duquel sarticule notre thse. Ce modle fait le lien entre lapproche conomique du chapitre 1 et
lapproche psychologique du chapitre 2. Il constitue le cadre thorique de notre tude empirique
dveloppe dans le chapitre 4. Le chapitre 5 prsente les rsultats de ltude et les extensions quil
est possible de faire.
Le premier chapitre pose la problmatique sous langle de la thorie Economique pure. Nous
appuyant sur des principes de base en Thorie des Biens Publics, nous spcifions dabord la nature
du bien EV et ce qui le diffrencie des autres biens et actions cologiques (don, produits
biologiques, etc.). LEV est un bien mixte de premire ncessit lorigine dun dilemme social qui
complexifie le rapport cot/bnfice priv/collectif. La valeur de lEV est complexe, et il est
difficile de lexprimer uniquement en fonction dun critre aussi rationnel que le prix ; ce qui rduit
la fiabilit des mthodes de prfrences dclares et de DAP pour capter la valeur attribue la
souscription. Ceci est dautant plus vrai que lindividu a tendance construire une prfrence un
moment donn, ce qui peut loigner prfrences dclares et rvles.
Ces considrations nous amnent examiner la formation dune prfrence pour lEV, en
cherchant dterminer ce qui peut motiver la souscription. Il est possible de voir la prfrence
pour lEV comme la manifestation de quatre grands types dintrts souscrire, issus de la
littrature sur laltruisme et la Thorie des bien publics : altruisme pur, altruisme impur, altruisme
impur moral et intrt goste. Ces quatre motivations peuvent tre satisfaites par la souscription
lEV, et apporter ainsi une utilit aux individus. Bien quelles agissent simultanment, lune de ces
motivations peut dominer la fonction dutilit. La littrature suggre notamment que la satisfaction
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issue de la contribution per se tient une place importante dans la formation des prfrences
(altruisme impur).
Du cot de loffre, le contrat de march est caractris par des asymtries dinformation qui, en
prsence de comportements stratgiques et dune forte interaction sociale, incitent adopter une
conduite attentiste ou passive. Cette explication fournie en Thorie des jeux peut tre confirme
par une analyse de type Behavioral economics : les pertes potentielles sont plus redoutes que nest
dsir le gain potentiel, en partie parce que le bnfice souscrire au sens large, c'est--dire spcifi
en fonction des quatre motivations altruistes, est ambigu et incertain.
Lanalyse conomique mobilise dans ce chapitre nous permet de poser clairement la
problmatique, mais elle noffre pas doutils pour inciter la rvlation des prfrences pour lEV
ni pour savoir comment consolider et concrtiser une intention favorable. Lincursion en
Psychologie sociale cognitive dans les chapitres 2 et 3 permettent de rpondre cette limite.
Le deuxime chapitre complte notre rflexion en introduisant certains apports en Psychologie sociale
cognitive. Notre attention se portera sur lattitude qui indique si lindividu est globalement
favorable ou dfavorable un bien, une action, etc. Ce concept est proche de celui de prfrence,
mais va plus loin en distinguant laction de lobjet vis par cette action. Ce faisant, nous pourrons
aborder la recherche sur la cohrence entre attitude et comportement : le comportement de
lindividu est cohrent avec son attitude lorsquil agit conformment cette dernire. Ce chapitre
expose les conditions de cette cohrence, partant du principe que si de nombreux individus ont
une attitude favorable envers lEV en tant que bien, beaucoup plus rares sont ceux qui ont une
attitude suffisamment ferme envers la souscription, en tant quacte. Lattitude vis--vis de lEV est
trop affective et symbolique pour guider laction quand lindividu est face la ralit de la dcision
et quil doit dpasser ses habitudes et lobstacle des facteurs rationnels. En renforant lattitude
envers la souscription, notamment en consolidant laspect cognitif et instrumental de lacte,
lindividu est plus mme dutiliser son attitude favorable envers lEV ou envers lenvironnement
comme incitation au changement de fourniture, mme si cette attitude est latente.
Ce changement dtat de lattitude peut seffectuer en faisant participer lindividu une tude qui
lincite accomplir des tches cognitives sur le sujet de lEV : effectuer un choix virtuel entre EV
et EC, rpondre des questions, faire des dclarations, participer activement, traiter diverses
informations, etc. Cette semi-exprience avec la souscription, objet de notre tude empirique,
permet de renforcer sa prfrence pour lEV. Influenc par sa participation, lindividu adoptera
alors le comportement avec une plus grande probabilit. Cependant, lanalyse doit tre complte
par une rflexion sur les croyances, traite dans le troisime chapitre.
Le troisime chapitre vise prsenter de manire dtaille la Thorie du comportement planifi (note
TpB), une thorie emprunte la Psychologie sociale cognitive, adapte lanalyse conomique. Ce
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Introduction Gnrale
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modle daction, lorigine dune trs large littrature en psychologie, permet dexpliquer, de
prdire et de renforcer divers types de comportement, et notamment du champ de lanalyse
conomique. Le modle prsent raisonne en deux tapes : les croyances de lagent vis--vis de la
souscription sont lorigine de trois grandes variables qui permettent de regrouper un nombre
important de dterminants. Ces trois variables prdictives fixent leur tour le niveau de lintention
de souscrire de lindividu (premire tape), qui devient ensuite le principal dterminant de la
souscription effective (seconde tape).
Afin dlargir la palette des mcanismes saisis, nous verrons quelles extensions au modle nous
pouvons proposer, parmi celles mises en lumire lors du chapitre 1 et par une littrature sur les
actions pro-cologiques, comme lefficacit personnelle perue par exemple. Ce modle tendu
constitue la base thorique de notre tude de terrain, qui teste la capacit du modle provoquer
des effets objectifs sur le comportement, tout en mettant en lumire les facteurs dterminants.
Nous mettrons galement en lumire la correspondance entre les grandes variables du modle
TpB et les motivations altruistes dgages dans le chapitre premier.
Le quatrime chapitre prsente la mthodologie et les tapes de ltude mene en 2006/2007 St
Gallen (Suisse), en partenariat avec lInstitut dEconomie et dEcologie (IW) et le fournisseur
dlectricit SGSW (Sankt Galler Stadtwerke). Le projet correspond une intervention
comportementale, c'est--dire au fait de modifier des croyances, puis den observer limpact sur
lintention et la souscription effective. Ce faisant, ltude permet de dterminer des lments de
causalit, ce qui est possible en utilisant certaines techniques exprimentales.
Le projet comporte quatre grandes tapes, la principale tant ladministration dun questionnaire
par Internet aux dcideurs des mnages de St Gallen. Lors de ce questionnaire, les personnes
sondes sont amenes traiter des informations cherchant consolider leurs croyances vis--vis
de la souscription lEV. Les participants sont affects alatoirement 6 groupes recevant des
informations jouant chacune sur une catgorie de croyances, le but tant de contrler les variables
indpendantes. Diverses techniques ont t mises en uvre pour optimiser le traitement et
lassimilation de ces informations, ainsi que pour rduire les biais de questionnaire potentiels.
Dans lensemble, ce chapitre dcrit le montage du projet et ses grandes tapes, la mthode
exprimentale et la structure du questionnaire Internet, les informations fournies chaque groupe
(biais que nous avons cherch rduire), les variables mesures ainsi que quelques lments de
mthode utiles lanalyse statistique mene dans le chapitre 5.
Dans le cinquime chapitre, nous prsenterons les principaux rsultats de ltude. Une premire tape
cherche valider et explorer la fiabilit du modle TpB. Les deux premires sections permettent
dapporter des conclusions sur les dterminants de lintention et de la souscription, ainsi que sur
nos hypothses, grce une analyse de corrlation. En exploitant tout dabord la forme de base du
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modle TpB, nous montrons que lattitude envers la souscription est le dterminant majeur de
lintention, puis lintention le principal facteur de la souscription. Nous adoptons ensuite une
dmarche plus exploratoire visant dgager dautres dterminants. Le modle TpB savre
robuste, mais certaines extensions thoriques proposes sont significatives si nous les intgrons
une par une dans les rgressions. La disposition payer et la certitude du bnfice souscrire sont
deux dterminants centraux, et les liens que nous avons supposs entre ces facteurs, lintention et
la souscription, sont confirms par les donnes statistiques. Nous confirmons galement que
lattitude envers la souscription est plus pertinente pour prdire le comportement que lattitude
globale envers lEV, en tant que bien.
Grce la structure intergroupes et aux diffrents types dinformation traite, nous fournissons
ensuite des rsultats causaux permettant, entre autres, de dterminer les croyances consolider
afin dinciter la souscription. Les personnes sondes semblent plus sensibles aux bienfaits collectifs
et privs de lEV, suggrant que les motivations dominantes St Gallen sont laltruisme pur et
lintrt goste. Cependant, dans tous les groupes ayant reu de linformation sur lEV, le nombre
de souscriptions est suprieur celui du groupe tmoin (sans information), confirmant le rle des
quatre types dintrt altruiste dans la dcision. Les rsultats confirment la pertinence de la
structure en deux tapes du modle TpB, et limportance davoir un contrle peru et effectif sur
lacte de souscription pour concrtiser son intention.
Nous approfondirrons ensuite lanalyse des dterminants de la souscription en soulignant les
principales caractristiques dun dcideur dispos souscrire, offrant ainsi les bases dun travail de
discrimination des consommateurs. Enfin, nous introduisons des pistes pour dvelopper notre
tude et pour apprhender le nouveau march de lEV en France.
Un tableau synthtique des rsultats est prsent dans la dernire section de ce cinquime chapitre.
Nous conclurons enfin sur les domaines dapplication de notre recherche et des rsultats produits,
ainsi que sur le potentiel dun tel projet, notamment pour conseiller toute action, prive ou
publique, dinformation ou autre, visant inciter la concrtisation des attitudes, prfrences et
intentions pour lEV.
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Chapitre 1
Analyse conomique de la dcision de souscription llectricit verte
Pourquoi dclarer une prfrence et des intentions envers lEV, puis ne pas agir ? Comment aider
cette prfrence se rvler sur le march ? Ce premier chapitre de thse cherche conceptualiser
notre problme de dcision entre lectricit conventionnelle (EC) et lectricit verte (EV), sous
langle du problme du do/say gap. Ceci nous conduit distinguer les types de comportement
possibles face au choix EC/EV, mais aussi spcifier les dterminants de la dcision en faveur de
lEV et analyser les facteurs de la disposition payer pour ce bien.
La section 1 souligne lintrt des ventes dEV et de son mcanisme de contribution volontaire,
pour dvelopper les nergies renouvelables dans le paysage conomique actuel. Dans la section 2,
nous soulignons tout dabord lampleur du do/say gap et rsumons les principaux dterminants de
la disposition payer pour lEV. Puis nous exposons le problme des prfrences rvles et de
lcart entre dclaration et action, en apportant une premire rponse grce aux travaux de la
mthode dvaluation contingente. Les dclarations de disposition payer semblent fragiles pour
saisir les relles prfrences individuelles des consommateurs, en partie cause de la multiplicit
des facteurs qui participent la formation dune prfrence pour un bien mixte comme lEV. LEs
travaux sur laltruisme et les fonctions interpersonnelles nous permettent de distinguer quatre
grandes composantes dans lintrt personnel souscrire lEV, c'est--dire quatre moyens de
gnrer une utilit : laltruisme pur, laltruisme impur et sa variante morale, et lgosme. Cette
dcomposition en quatre motivations forme le pivot thorique de notre thse, et souligne toute la
complexit de la notion de bnfice individuel souscrire lEV, notamment cause des
interactions sociales qui oprent dans la dcision.
En section 3, nous constatons les nombreuses imperfections qui caractrisent le contrat de march
entre consommateur et fournisseur. Un bien collectif fourni sur un march ayant de telles
asymtries ne permet pas au consommateur destimer clairement son bnfice souscrire, alors
que les cots sont clairs et aisment valuables. Dans cette situation, seuls les plus cologiques, les
plus nantis et ceux qui cherchent uniquement contribuer (altruistes impur) sont tents de
souscrire. Les intentions sont plutt domines par des conduites stratgiques et par dautres
phnomnes dus linteraction entre les agents impliqus : certains sur estiment leurs prfrences
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Chapitre 1
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pour lEV, dautres ne souhaitent pas les rvler ou bien prfrent attendre de voir les autres
souscrire. Ce cadre justifie lutilit de labels, certifications et autres formes dinformation.
Enfin, par le biais de lEconomie comportementale, ou Psychologique (Behavioral Economics), la
section 4 montre que les individus fondent une grande partie de la valeur de laction sur des
signaux psychologiques. Dans ce cadre, on comprend que si le bnfice souscrire est incertain ou
ambigu, les pertes psychologiques sont plus redoutes que nest recherche la satisfaction pouvant
tre acquise par la souscription. Ds lors, les individus sont tents de rester sur loption certaine,
c'est--dire la fourniture conventionnelle, mme sils ont une prfrence ou une opinion favorable
pour lEV. Notre chapitre conclut en montrant que le choix EC/EV est, par nature, un choix
asymtrique en faveur de la passivit. La source majeure de cette passivit semble tre le prix
payer, mais ce facteur nest pas le seul. Le surplus payer perd de son importance quand les agents
peroivent clairement le bnfice individuel quils peuvent obtenir en souscrivant.
Section I. Les enjeux des ventes directes dlectricit verte
Notre travail sintresse au processus de dcision dun chef de foyer1 qui est confront au choix
entre rester sur une lectricit conventionnelle (EC) ou souscrire une fourniture dEV. Ce type
de dcision est possible dans de nombreux pays2, o les fournisseurs dlectricit3 proposent aux
mnages de soutenir le dveloppement des EnR, en versant, le plus souvent, une surprime sur le
kWh consomm4 . La firme certifie au consommateur que cette contribution volontaire5 sera
investie dans un projet EnR existant ou venir. Dans cette premire section nous voquons tout
dabord lintrt des ventes dEV pour la dynamique de dveloppement des EnR. Aprs avoir
soulign limpact quantitatif des ventes dEV, nous abordons la question de lefficacit des
marchs de lEV et de la superposition des mcanismes de soutien aux EnR.
1 Pour simplifier la ralit, nous considrons un chef de foyer comme unique dcideur. Nous cartons la situation dun mnage avec deux dcideurs, o lun deux serait favorable lEV alors que lautre non.
2 Allemagne, Australie, Canada, Etats-Unis, Japon, Pays-Bas, Sude, Suisse, UK et France depuis le 1er Juillet 2007. 3 Soit lentreprise fournit une EV achete des producteurs, soit elle produit elle-mme llectricit fournie. 4 On parle de marketing vert pour qualifier cette activit dans le contexte de march lectrique libralis et de tarification verte dans une industrie organise selon le modle du monopole intgr rglement.
5 La surprime est calcule pour couvrir les surcots de la production dEV (construction, exploitation, investissements, accs au rseau, etc.) qui sont supports par le producteur, puis transmis au distributeur qui achte cette lectricit plus cher.
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Section I. Les enjeux des ventes directes dlectricit verte
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1. La justification de lobjet dtude lectricit verte
1.1. La place croissante des nergies renouvelables
Les nergies renouvelables disposent dau moins trois qualits principales : (1) lexploitation de la
source dnergie ne peut puiser cette dernire lhorizon humain comme dans le cas des
ressources fossiles ; (2) la plupart des sources dnergie ont un usage non excluable (vent, soleil,
etc.), avec une exploitation se faisant sur place et confrant une autonomie lutilisateur ; (3) la
chane de production de lnergie gnre un minimum dimpact sur lenvironnement.
Les principales sources dnergie renouvelables sont lolien (terrestre ou en mer, off-shore), le
solaire photovoltaque, la biomasse, la petite et grande hydraulique, la gothermie, le biogaz et les
biocarburants1. Toutes ces sources sont qualifies de renouvelables, mais il existe des dbats sur la
qualit environnementale de certaines dentre-elles2. Cest le cas des grands barrages hydrauliques
par exemple3 : de nombreux producteurs doivent amnager les anciens sites et amliorer le bilan
cologique des installations (ascenseurs poissons, etc.) afin dobtenir une certification ou de
rendre la station ligible comme production changeable par des certificats verts.
Depuis la crise nergtique des annes 1970, mais surtout depuis le Protocole de Kyoto en 1997,
et plus rcemment avec la confirmation du risque de changement climatique (GIEC, 2000), les
EnR tiennent une place de plus en plus importante dans les rflexions sur la viabilit du
dveloppement des pays industrialiss dans un contexte de soutenabilit du milieu ambiant
plantaire4. Les EnR constituent un outil pour aider les Etats-Nation respecter les impratifs
institutionnels internationaux, dans un contexte global de hausse de la demande dnergie5.
Paralllement aux questions cologiques, les EnR sinscrivent dans le dbat nergtique. La
suffisance nergtique6, la scurit dapprovisionnement7 et la continuit de lalimentation sont des
problmes majeurs lorigine de la plupart des conflits modernes, et une proccupation rcurrente
1 Llectricit issue de la combustion de ressources puisables comme la gaz naturel ou les dchets mnagers dans des usines co-gnration est souvent vendue comme de lEV, grce aux conomies dnergie considrables qui sont permises.
2 LEnR qui gnre le moins de cots externes, c'est--dire la plus propre , est lolien (Rabl & Spadaro [2006] et CE [2003]). 3 Cf. Menenteau & al. (2003) et Markard & Truffer (2006). 4 Les EnR permettent dassurer une production nergtique avec une moindre incidence sur le changement climatique. En 2002, les EnR compensent environ 120 millions de tonnes dquivalent C02 (Luhmann et al., 2002).
5 Dans des pays comparables la France, la demande progresse de 1 % par an en moyenne. 6 Il existe un dbat intense sur le manque de viabilit macroconomique de long terme de la situtation nergtique europenne. Sans politique active, le bilan nergtique continuera lhorizon 2030, sappuyer sur les combustibles fossiles 86% pour peine 8% de renouvelables. Linscurit de lapprovisionnement est un thme central de la stratgie nergtique de long terme de lUE, et qui exige de rquilibrer la politique de loffre par des actions claires en faveur de la demande. Les renouvelables sont les seules sources dnergie opprationnelles sur lesquelles lUnion Europenne dispose dune certaine marge de manuvre, afin daccrotre loffre dans les circonstances actuelles.
7 En 1997, 40% de limportation ptrolire provennait de zones politiquement instables (Percebois, 1997), chiffre qui na probablement pas diminu. Les ressources en gaz sont concentres dans quelques pays, dont la Russie, ce qui fragilise fortement la continuit de lapprovisionnement.
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Chapitre 1
14
pour les Etats-Nations. En effet, la situation nergtique dtermine en grande partie la sant
conomique, cologique et financire dun pays, ainsi que sa place dans le systme mondial ou sa
gestion intertemporelle et gopolitique. Des marchs sont crs exclusivement pour lchange
dnergie, qui gnre des flux financiers colossaux. Dans ce paysage, les EnR constituent un mode
de production qui contribue augmenter lautonomie des Etats et qui aide stabiliser leur
conomie1, sans parler de limpact sur la croissance conomique.
Cet intrt pour les EnR a motiv la mise en place en octobre 1997 de la directive Europenne
relative la promotion de llectricit produite partir des sources dnergies renouvelables (CE,
2001). Depuis lors, la croissance des EnR est inscrite explicitement dans les directives
communautaires, en fixant un objectif applicable tous les pays membres : le premier objectif tait
datteindre 22% dEnR dans la consommation dlectricit dici 2010 et 12% dans la
consommation dnergie brute. Depuis le 16 mars 2007, le Conseil Europen a lev ce niveau
dexigence en fixant un objectif contraignant de 20% dEnR consomme dici 2020.
Atteindre un objectif aussi ambitieux nest possible quavec une politique volontariste ; ainsi les
Etats membres ont dvelopp un tissu institutionnel incitatif sous la forme de politiques de
soutien et dincitation au dveloppement de EnR2 : tarifs dachat garantis (Feed-in tariff), enchres
concurrentielles (appels doffres), quotas obligatoires voire changeables (certificats verts) et autres
instruments conomiques comme les rductions dimpt et subventions fixes pour les
investissements en EnR et R&D, les prts taux rduits, etc.
Chaque instrument dintervention rgul prsente des qualits et des dfauts pour promouvoir
durablement le secteur des EnR : quantits produites et respect des objectifs, incitation
linnovation et la rduction des cots de production, cot pour la collectivit, etc. 3 Mais dans
lensemble, ces outils ont permis de crer un segment de production dEV dans le secteur de
llectricit des pays membres (Menges, 2003). Cependant, certains dentre eux sont plus adapts
au mouvement de libralisation et de drglementation qui touche le secteur lectrique europen
depuis les annes 90, en fixant notamment des objectifs quantitatifs explicites et/ou en cherchant
la rduction et la transparence des cots (Mirabel et al., 2001). Puisque la restructuration
progressive du secteur va de pair avec un dsengagement financier et rgulatoire des Etats dans la
1 Les ressources en nergies primaires conventionnelles ne permettent pas, en ltat actuel des technologies, denvisager une autonomie nergtique pour lEurope. Les renouvelables peuvent limiter cette tendance (CE, 2001), en contribuant notamment la diversification des sources dapprovisionnement : stabilit, rduction des risques conomiques et comptitivit diffrentie.
2 Ces politiques sont venues appuyer le plan daction de la Comission Europenne : certifications, mesures dquit conomique et fiscale, actions pour faciliter linvestissement et la circulation de linformation, etc.
3 Cf. Gan & al. (2007), Lamy (2004), Menanteau & al. (2003) et Reiche & Bechberger (2004). Grossirement, les prix garantis favorisent la production mais pas la rduction des cots, ni linnovation, par manque de pression concurrentielle. Ce systme est galement trs couteux pour la collectivit. Le rsultat est invers pour les instruments bass sur les quantits comme les quotas obligatoires (RPS) et les certificats verts. Cependant ces systmes incitent une allocation des ressources qui exploite les potentiels disponibles par ordre de cots croissants. Ceci favorise les investissements sur les seules technologies matures et ne dploie pas les technologies fort potentiel de progrs technique, encore trop coteuses.
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Section I. Les enjeux des ventes directes dlectricit verte
15
gestion du systme nergtique, se soldant par une rduction des budgets de soutien1, les Etats
cherchent atteindre les objectifs indicatifs de lEurope au moindre cot et en minimisant les
distorsions sectorielles provoques par les politiques volontaristes.
1.2. Lutilit de llectricit verte dans le dveloppement des EnR
Dans ce contexte, deux outils de march attirent lattention et mobilisent la recherche scientifique
parce qu'ils permettent une forte compatibilit des cadres incitatifs avec l'ouverture la
concurrence : les marchs de certificats verts ainsi que les marchs de lEV (nots MEV), c'est--
dire la vente diffrencie dEV aux mnages et aux entreprises. Mais lattention porte lEV nest
pas seulement macroconomique, entreprises et consommateurs montrent un intrt croissant
pour ce mcanisme.
Premirement, la vente dEV sur un march permet de dvelopper le cot demande et dquilibrer
le march face aux nombreuses politiques doffre (Menges, 2003). En effet, les individus peuvent
concrtiser leurs intentions cologiques, ce qui aide capter les dispositions payer plus cher pour
la qualit environnementale. Ce mcanisme appartient un phnomne grandissant dans les pays
industrialiss, savoir le dveloppement dune demande verte2. En effet, nous voyons de plus en
plus dindividus concrtisant volontairement leur intention cologique travers leur
consommation, qualifie parfois de consommation citoyenne. Ce mouvement prsente deux
intrts majeurs. (a) La demande verte est considre comme un des principaux foyers de
croissance conomique, court et long terme. (b) Lexpression dune prfrence pour lcologie
est une condition ncessaire pour atteindre un niveau environnemental suffisant dans un contexte
de libralisation. En effet, les organismes publics perdent leur pouvoir dintervention au profit
dun systme de march qui a du mal intgrer la valeur environnementale dans les changes sans
le concours dune demande explicite pour la qualit cologique (Fuchs et Arentsen, 2002). La
demande diffrencie dEV transforme la valeur cologique en un signal de march lisible par les
producteurs/distributeurs, ce qui permet de rendre les paramtres conomiques des EnR plus
systmatiques, calibrs et transparents. Les variables de dcision sont exprimentes
progressivement et deviennent plus facilement interprtables. LEV offre donc une valeur
supplmentaire chaque kWh vert. Ce faisant, elle rduit le dsquilibre qui existe en faveur de la
production dlectricit polluante dans de nombreux pays, du fait de labsence de taxes ou de tout
autre outil dinternalisation des externalits ngatives (Lamy, 2004). La vente dEV permet donc
aussi dallger les phnomnes de lobbying des nergies polluantes.
1 Cependant, les investissements raliss en faveur des EnR peuvent tre soutenus par les autorits : 40 % des cots ligibles (cots d'investissement supplmentaires ncessaires pour atteindre les objectifs cologiques), ammortissement des nouvelles installations sur la base des cots externes vits, etc.
2 Cf. Bigot (2002), C.E. (2005), Croutte & al. (2006), Delpal & Hatchuel (2007), Franois (2002), Le Gall (2002), Peatti (2001) et Rousseau (2004).
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Chapitre 1
16
Deuximement, lEV diffrencie est un mcanisme automatique sans rgulation qui est adapt au
contexte du secteur lectrique (Mirabel et al., 2001). Quand les systmes de production dEV sont
dynamiss par les politiques publiques au lieu de natre dune stratgie dacteurs autonomes, la
satisfaction des objectifs fixs politiquement constitue un poids logistique et budgtaire pour les
entreprises du secteur lectrique, surtout dans un contexte de concurrence croissante. La
diffrenciation de la demande permet aux firmes du secteur lectrique daccueillir plus facilement
le cadre incitatif de promotion des EnR qui est offert par les institutions, contribuant la
compatibilit entre stratgie prive et publique dans la dynamique de dveloppement des EnR.
Paralllement, en plus dtre initis pour rpondre des objectifs de production indicatifs et non
contraignants, les outils publics sont souvent considrs comme transitoires, en attendant dtre
relays par le march1. Lampleur et la dure de ces politiques dpendent des tendances plus ou
moins interventionnistes des gouvernements se succdant. Tous les producteurs ne peuvent
bnficier des aides, comme en France par exemple. Ainsi, la vente dEV augmente lindpendance
des EnR vis--vis de politiques nergtiques instables, tout en contribuant les intgrer dans la
structure sociale et dans les modes de consommation (Wiser et al., 2000). Ceci est un point
essentiel pour que les entreprises lectriques aient une vision financire transparente et de long
terme, et quelles puissent intgrer les EnR dans leur plan dinvestissement.
Troisimement, tant donn linadquation du mode de production des EnR et la consommation
occidentale actuelle, les EnR ne peuvent apporter une solution globale au problme entre nergie
et cologie. Cependant, une grande part de lutilit de lEV rside dans son aspect ducatif
puisque la production dcentralise, oscillante et parfois rduite des EnR ainsi que leur cot
exigent un mode de consommation diffrent du mode conventionnel, en passant par une matrise
et une utilisation plus rationnelle de lnergie. LEV est donc une manire damener les citoyens
changer leurs habitudes et porter un regard plus responsable sur la consommation dnergie et
sur son impact environnemental. De plus, lachat dEV standardise lutilisation des EnR, ce qui
accrot linformation, diminue lincertitude et augmente lacceptation sociale des projets EnR2. Il
est possible de dire qu un certain degr, plus les EnR se dploieront, plus les individus seront
informs, sensibiliss laction cologique et duqus prendre en compte lenvironnement dans
leurs dcisions. Ceci est la base dun cercle vertueux exprience/information/action/exprience
favorable la concrtisation plus systmatique des prfrences et des intentions cologiques
(Wagner, 1997).
1 Cf. lz et al. (2006). Lintervention tatique samenuise progressivement en Europe depuis les annes 90. Les budgets publics en R&D, par exemple, chutent pour toutes les formes dnergie depuis les annes 80 (International Energy Agency, www.iea.org). Avec la libralisation du secteur lectrique, nous observons un glissement des actifs publics vers les actifs privs.
2 Lacceptation sociale est une condition sine qua non du dveloppement de lEV dans un contexte de libralisation (cf. Fuchs et Arentsen, 2002). Aux Pays-Bas, malgr une forte comptitivit accorde aux EV grce la taxation des nergies polluantes, la forte demande nationale dEV sest solde par une importation massive dEV cause du refus des projets oliens par les populations et de la lenteur des procdures de licence. Ainsi, les citoyens nerlandais nont pas profit des retombes positives de la production dEV, ce qui a probablement frein la demande pour les produits proposs par les fournisseurs locaux.
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Section I. Les enjeux des ventes directes dlectricit verte
17
Finalement, cest en rapprochant politiques publiques (de nature collective), intrt des entreprises
(de nature industrielle) et prfrences des consommateurs (de nature prive), que les ventes dEV
aident structurer un sentier technologique solide pour les EnR1. Ces dernires ne sont plus des
objets de politiques nergtiques discrtionnaires, mais un lment structurant le mode de
consommation (Markard et Truffer, 2006) : (a) cration dune chane directe qui donne un pouvoir
aux prfrences des usagers dans le choix des technologies de production ; (b) prise de relais quant
au soutien des Etats dont les marges de manuvre samenuisent ; (c) renfort de lintrt des grands
industriels pour les EnR ; (d) changement de communication entre fournisseurs et usagers ; (e)
attribution dune valeur de march pour la qualit cologique des EnR, constituant un nouveau
signal positif dans les choix innovants des firmes, mais permettant aussi dintroduire le facteur
qualit dans la dcision, et dallger ainsi le paradigme du critre prix tout en responsabilisant les
individus sur la question de la consommation dnergie.
2. Limpact des ventes dlectricit verte sur lessor des EnR
2.1. Les nouvelles capacits de production des marchs de lEV
Une autre faon plus classique dvaluer lintrt des MEV est de regarder sils ont permis
dinstaller de nouvelles capacits EnR et douvrir de nouveaux marchs, en invoquant le critre
dadditionnalit frquemment utilis pour juger la ncessit dun march au-del de politiques
rgules (Menges [2003] et lz & al. [2006]) : si lintroduction dun march de lEV ne fait quaider
un fournisseur/ distributeur satisfaire une exigence institutionnelle qui simpose dj lui, il ny a
pas de bnfice additionnel crer ce march2. Ce problme est dautant plus saillant dans un
cadre libralis, puisque les mnages peuvent consommer une EV produite ltranger et vendue
moins chre par les oprateurs locaux3. En revanche, sils permettent effectivement dacclrer la
production dEV, les ventes directes augmentent la diffusion des EnR et engendrent une
dynamique vertueuse par effets dapprentissage, dinnovation et dinformation (cf. Litvine, 2002).
En gnral, tout kWh vert achet permet dviter la production dun kWh plus polluant qui aurait
t sinon produit. Ceci est surtout vrai quand lexpansion des systmes renouvelables excde la
croissance de la demande dlectricit : donc, au pire, lEV rduit la croissance de la consommation
dEC. De plus, pour les entreprises dont la production est certifie, une part non ngligeable des
surprimes va dans un fond destin amliorer les installations EnR existantes, notamment les
1 Cf. Litvine (2002). 2 En temps normal, lanalyse de la relation entre march et politique est fonde sur lhypothse dun march existant, sur lequel un gouvernement dcide dintervenir pour atteindre certains buts. Dans le cas de lEV, la situation est oppose dans la plupart des pays : cest le march qui intervient dans le cadre dune politique publique existante (sauf en Suisse).
3 Cest ce qui a tent les fournisseurs allemands de vendre de lEV achete moins chre au Danemark. Ce genre darbitrage motive la mise en place des certificats verts au niveau europen, pour exploiter les avantages comparatifs entre pays (Voogt et al., 2001).
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Chapitre 1
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barrages hydrauliques (Truffer et al., 2001). Enfin, la demande dEV stimule linstallation de
nouvelles units EnR. Par ces trois aspects, lEV permet des bnfices cologiques directs :
rduction de la pollution de lair, de lutilisation de sources non renouvelables ou de la production
de dchets radioactifs, etc.
Cependant, il est difficile de chiffrer lefficacit cologique de lEV comme il est galement trs
difficile de chiffrer limpact direct des MEV sur les nouvelles installations. Trois raisons majeures
peuvent tre voques. (1) Peu de donnes statistiques sont disponibles. (2) Dautres facteurs
comme les procdures de licences, les lois de planification, les taxes et la disponibilit du capital
affectent galement la dcision dinvestissement ainsi que la demande volontaire des
consommateurs. (3) Enfin, la perception dune surprime permet au producteur/fournisseur de
rcuprer une partie des cots subis, mais cela nimplique pas linstallation automatique de
nouvelles capacits. De fait, une des critiques de lEV porte sur le repackaging des firmes ;
autrement dit au lieu dinstaller de nouvelles capacits, la tendance est vendre plus cher une
lectricit produite par des installations EnR dj amorties, ou des installations qui navaient pas
encore le cachet EV 1.
Cet effet daubaine potentiel est surtout observ dans les pays libraliss depuis longtemps et dont
le march lectrique est compos dun grand nombre de fournisseurs en comparaison avec la
production nationale dEV (ex. : lAllemagne, les Pays-Bas, la Suisse ou les USA). Pour faire face
ces problmes, les certifications2 les plus connues exigent que chaque kWh vert achet soit produit
dans un dlai assez court (ex. : TV limite 2 ans), et avec une part fixe provenant de nouvelles
installations3. De plus la plupart des co-labels exigent quune part de la surprime aille dans un
fond destin amliorer les installations actuelles ou pour financer les futures4. Ainsi, pour tous les
producteurs/fournisseurs qui rpondent aux conditions cites, la consommation dEV par un
consommateur final stimule directement linstallation de nouvelles capacits5 par additionalit, et
au moins lamlioration des sites EnR existants.
Pour ces trois raisons, les MEV ont un rle jouer sur le dveloppement des EnR bien que cet
impact puisse tre limit. Le Tableau 1 nous montre que leffet de la vente dEV sur le
dveloppement des EnR nest pas automatique, eu gard les diffrents rsultats par pays6 (ligne 3).
Dans certains pays comme la Suisse, les Pays-bas ou la Sude, les ventes directes dEV aux
1 Cette manipulation marketing est assez courante avec lhydraulique (cf. Bird & al. [2002], Truffer [1998] et Wiser [2003]). 2 La norme standard EUGENE, qui vise harmoniser les labels nationaux, place ladditionnalit au cur de ses conditions. 3 En Allemagne, TV exige que 25% de lEV vendue provienne de centrales ayant moins de 3 ans et Ok Power que 1/3 provienne de centrales de moins de 6 ans et 1/3 de moins de 12 ans. Naturemade Star (Suisse) exige 5%. Green-e (USA) exige 5%, avec une croissance de 5% par an jusqu 25%. Greenpower (Australie) exige quau moins 80% provienne de centrales postrieures 1997.
4 TV (Allemagne et Suisse) exige que 2/3 de la surprime soit investie dans un fond damlioration. Pour les installations > 100 kW, Naturemade Star (Suisse) exige que le producteur investisse 0,9 chf par kWh de courant certifi vendu au consommateur.
5 De plus, les pays ayant adopt le systme de quotas changeables (certificats verts) considrent comme ligibles uniquement les installations les plus rcentes (cf. Menanteau et al., 2003).
6 Notons quil est difficile de trouver des chiffres plus rcents.
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Section I. Les enjeux des ventes directes dlectricit verte
19
consommateurs ont contribu installer une part significative des nouvelles capacits de 1997
20011. Mais en comparant la ligne 1 et 4, nous voyons que dans lensemble en 2001, lEV ne
donnait pas lespoir de contribuer significativement au respect des objectifs europens.
Tableau 1 Les nouvelles capacits EnR installes grce aux ventes directes dEV, hors rachat garanti et autres outils publics de soutien (de 1997 2001)
Sude Pays-Bas Allemagne UK Suisse
Nouvelles capacits EnR dues lEV1 56 MW 50 MW 54 MW 30 MW 7 MW
Nouvelles capacits EnR totales2 400MW 340MW 7630MW 570MW 50MW
Part des nouvelles capacits dues lEV dans le total 14% 14,7% 0,7% 5,2% 14%
Objectifs de croissance des EnR entre 1997 et 2010 5500MW 1900MW 13900MW 10200MW -
Source : Markard et Truffer (2006) 1 Extrapolation par fournisseurs et co-labels. Un calcul fond sur la part de surprime rinvestie aboutit des chiffres suprieurs. 2 Sans compter les grands barrages hydrauliques.
Mais plus gnralement, cette comparaison entre pays montre que lefficacit relative des MEV
dpend du succs des politiques publiques de soutien. En Allemagne par exemple, o le systme
de prix garantis a t efficace, leffet additif des MEV est faible. Des donnes compiles par
www.greenprices.com montrent que limpact des MEV sur les nouvelles capacits dpend du type
dEnR : les ventes dEV encouragent surtout linstallation doliennes et dusines biomasse
(respectivement 85% et 12% des MW installs en 2002), mais a peu dimpact sur le solaire et sur la
petite hydraulique (respectivement 1% et 3% des MW installs en 2002).
2.2. La superposition des mcanismes de soutien aux EnR
Un problme qui se pose aux institutions nationales et Europennes est celui de la superposition
des MEV avec les interventions publiques : les politiques rgules peuvent stimuler, inhiber ou ne
pas affecter les marchs volontaires, mais ces derniers sont en gnral considrs comme un
complment aux premires. Non seulement ce problme de superposition rend lhorizon flou
pour les entreprises productrices/fournisseuses, mais en plus, sans rgulation institutionnelle, ces
dernires peuvent bnficier dun double dividende en recevant des aides ou rente dun ct tout
en faisant payer une surprime aux consommateurs finaux de lautre2. Ce problme est surtout
1 Aux tats-Unis en 2002/2003, ce sont prs de 1000 MW de capacit accumule qui furent installs pour servir les MEV, soit presque deux fois la capacit olienne accumule par la Grande-Bretagne en 1999/2000 grce aux politiques publiques.
2 Par exemple, il est possible de cumuler tarifs verts et prix dachat garantis (France, Espagne, Allemagne), alors quen imposant aux fournisseurs dacheter toute lEV produite dans leur zone de desserte un tarif dcid par les pouvoirs publics, les tarifs garantis permettent dj de couvrir le surcot de production subi. Avec les certificats verts (Italie, Belgique, Sude, etc.), les
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Chapitre 1
20
saillant dans un contexte de libralisation, o une entreprise soumise une lgislation dans son
pays dorigine peut vendre son lectricit dans un autre pays, dont les entreprises locales sont
soumises une autre lgislation. Aucune coordination europenne nest mise en place ce jour
pour rsoudre la question1 ; or, la superposition peut rendre les mnages trs mfiants vis--vis de
lEV et rduire considrablement leur niveau daction (Menges [2003] et Truffer [1998]).
Une solution a t de veiller ce que, selon la politique rgule, les installations EnR qui
bnficient du soutien public ne puissent voir leur production dEV vendue directement des
clients : cest linclusion ou lexclusion des politiques (cf. lz et al., 2006). Mais les aides accordes
peuvent alors inhiber linvestissement en nouvelles capacits EnR, ce qui est le cas pour les prix
garantis et les quotas obligatoires par exemple (Markard et Truffer, 2006). De plus, trs
compliques mettre en place, ces dispositions ne sont pas toujours oprationnelles. Et mme
quand elles sont appliques, la complexit du systme engendre mfiance et incomprhension
pour les consommateurs2, ce qui condamne fortement leur action.
Pourtant, la synergie entre les MEV et les politiques rgules peut tre efficiente, condition de
coordonner leurs effets, comme aux Pays-Bas. De nombreux certificats nationaux assurent
ladditionalit des MEV, avec un projet de certificats verts europens, nous le verrons en section 3.
Sans mesures de coordination, et si les mcanismes de march sont bloqus comme en Allemagne,
les ventes dEV encouragent peu la croissance des EnR et constituent simplement un profit pour
les firmes. Lautre solution est de laisser les MEV oprer seuls. Mais pour de nombreux auteurs
faisant rfrence aux dfaillances de march dans la gestion de long terme des problmes
cologiques3, si les MEV peuvent complter les politiques rgules ils ne peuvent suffire pour
gnrer un dveloppement stable des EnR (cf. Fushs & Arentsen [2002] et Menges [2003]).
2.3. Quelques donnes sur les marchs de lEV
Depuis les premires offres du dbut des annes 90 en Suisse, en Allemagne et aux USA, des
marchs dEV se sont dvelopps progressivement dans de nombreux pays Europens
(Danemark, Pays-Bas, Sude, etc.), mais aussi en Australie, au Japon, etc. Diffrents
producteurs/ fournisseurs qui dpassent le quota fix peuvent revendre leurs certificats dautres firmes, ce qui constitue une rente. Il existe galement dautres outils dintervention qui peuvent se cumuler avec les tarifs verts : subventions, allgements, taxes, etc.
1 Le projet EUGENE de certification europenne, le projet dextension des certificats verts RECs ou encore le rseau europen des rgulateurs indpendants (ERGEG+) cherchent apporter des solutions ce problme.
2 Ce problme suscite galement la critique des associations de consommateurs : cf. dclaration de H. Krawinkel au nom de la fdration des consommateurs en Allemagne, le 16 juin dans le Tagesspiegel (journal allemand).
3 Il existe des mcanismes de march qui sont contraires la qualit cologique et sociale des EnR : la recherche d'conomie d'chelle, la concentration, la dflation comptitive, etc. peuvent amputer le dveloppement des nouvelles capacits ainsi que le potentiel des EnR pour changer le mode de consommation. En effet, le dveloppement du march provoque en gnral une pression sur les prix et, terme, une augmentation des capacits produites par quelques gros producteurs. Cela aboutit : (a) une concentration de la production et du dveloppement technique des EnR, alors que ces technologies ncessitent des innovations incrmentales (Bourgeois et al., 2000) ; (b) des prfrences pour les grosses installations fortement capitalistiques ; (c) la mise en service prioritaire des capacits dj installes.
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Section I. Les enjeux des ventes directes dlectricit verte
21
systmes offrent aux entreprises un cadre lgal pour proposer de lEV1 : (1) tarifs verts ( green
pricing ) assurs par les concessionnaires de services publics en situation de monopole, (2) ventes
concurrentielles assures par des producteurs indpendants sur un march libralis (marketing
vert)2, ou enfin (3) mcanismes de charit, de dons ou de prts taux bonifis.
Le nombre de distributeurs pouvant fournir un mnage donn varie fortement dun pays lautre,
selon le degr de concurrence3. En Allemagne et en Suisse, plus de 100 distributeurs offrent de
lEV, et plus de 300 aux USA, alors quon atteint peine les 15 en moyenne dans les autres pays.
En plus de bnficier dun panel de fournisseurs, les consommateurs ont le choix entre diffrentes
options EV. La diffrenciation se fait :
(1) Sur la base du schma tarifaire4 : (i) des tranches de puissance mensuelles ou ponctuelles,
autrement dit un forfait de x kWh vert (capacity tariff), (ii) une part dEV dans la fourniture
totale en payant une surprime sur le kWh (energy tariff); ou enfin (iii) la contribution un fond
de dveloppement des EnR, c'est--dire un don forfaitaire dconnect de la consommation.
(2) Sur le contenu du kWh souscrit (energy tariff): la part dEnR est plus ou moins importante dans
chaque kWh vendu, constituant des paniers nergtiques comme 50% conventionnelle/ 50%
solaire, ou 20% solaire /50% hydraulique /30% gothermie. Ces options permettent aux
usagers de naffecter quune partie de leur consommation lEV, un outil pour canaliser les
divers degrs deffort et pour toucher une plus large clientle, puisque la diffrenciation
seffectue sur deux critres : le prix et la qualit. En effet, certains usagers prfrent
promouvoir une source en particulier, plus cologique peut-tre (ex. solaire), alors que dautres
veulent favoriser une source moins propre mais moins onreuse (ex. grande hydraulique).
(3) Sur la base dobjets marketing utiliss pour capter les diffrentes motivations et pour
discriminer le type de lusager : avantages et cadeaux, promotions, type dinformation, etc.
En gnral, les contributions se font dans le cadre de contrats mensuels ou annuels, pouvant tre
arrts immdiatement et sans frais. La diversit des doffres traduit la crativit des marketers afin
dexploiter les prfrences des consommateurs et leur disposition payer pour lEV.
1 Pour une comparaison des MEV par pays, cf. Bird & al. (2002), Gan & al. (2007), Markard & Truffer (2006) et Menges (2003). 2 Lexprience montre que mme dans un univers drgul, les concessionnaires historiques continuent dtre les premiers fournisseurs dEV (Burtraw et al., 2000), alors que les consommateurs sont incits payer plus cher dans des marchs en concurrence (Farhar [1999] et www.greenprices.com).
3 Notons que loffre dEV ne ncessite pas un march libralis : en 2004 en Suisse, environ 90% des mnages avaient dj lopportunit de souscrire lEV alors que le march lectrique tait et est toujours en monopole rgul (AEE, 2005).
4 Le type tarifaire le plus courant est la surprime sur le kWh achet (avec panier nergtique), suivi des dons (Holt, 2004).
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Chapitre 1
22
Avec un taux moyen de pntration denviron 1% des mnages travers le monde, et de 2% en
Europe1, le taux de souscription des mnages varie considrablement dun pays lautre. En tte,
nous avons les Pays-Bas avec 26% 2 des mnages ayant souscrit en 2003, soit 7% de la
consommation dlectricit, et une croissance de 33% de 1999 2000, suivis de la Sude avec 5%
des mnages, soit 10% de la consommation dlectricit3. Le taux de souscription des autres pays
oscille autour de 1%. Aux USA, le phnomne crot trs rapidement depuis 1993. En 2004, la
pntration du march tait en moyenne de 2% dans les diffrents Etats, avec une trs grande
majorit sous les 1% et quelques 4 concessionnaires au dessus des 5% (Holt, 2004).
Les concessionnaires de service public (anciens monopoles) obtiennent en gnral de meilleurs
rsultats que les fournisseurs concurrentiels, notamment cause de leffet de rputation et de
confiance, ainsi que les habitudes de consommation (Holt, 2004). Les petites structures, plus
proches des clients et ayant une communication plus personnalise, prsentent galement de
meilleurs rsultats que les grosses entreprises.
En gnral, le taux de souscription lEV dans les premiers mois o une offre est propose une
population jusque l sans possibilit de souscrire est denviron 1%. Ce chiffre stagne jusqu ce que
certaines barrires de march soient dtruites et que des efforts soient faits pour capter plus
finement les prfrences des usagers : marketing et information, labellisation, diversification des
sources, etc. Ce faisant, la pntration du march peut atteindre 6%, voire 26% 4 avec
linternalisation des externalits ngatives des nergies polluantes (cotaxes aux Pays-Bas).
Lensemble de ces chiffres rvle que lEV est assez dynamique et possde un certain potentiel,
mais elle reste dans la plupart des pays un produit niche qui dpasse difficilement les 3% de
pntration du march sans politique sur les prix (soit moins de 1% de la consommation
dlectricit en moyenne). Une des explications donne est que les MEV nont pas encore atteint
leur seuil de maturit (Wstenhagen et al., 2000) : mis part les pionniers du dbut des annes 90,
la plupart des options EV ont commenc la fin des annes 90, ce qui en fait des marchs de 10
ans dge. Lexprience des autres marchs montre quil faut entre 10 et 20 ans pour que le
nouveau produit passe par toutes les phases de la courbe de diffusion. La phase de lancement
motive environ 2,5% des consommateurs (les innovateurs) pour atteindre plus dun tiers du
march en phase de maturit. En comparant lEV dautres produits innovants, Holt (2004)
avance quil faudra encore du temps lEV pour se dvelopper totalement, mais que le potentiel
est fort si firmes et institutions soutiennent le taux de diffusion. Cependant, si on regarde les offres
les plus anciennes, elles dpassent difficilement les 3% de pntration. Par exemple, la Public
1 Cf. Bird & al. (2002), Finon & Menanteau (2004) et www.greenprices.com 2 Cf. Wstenhagen (2004). Les fournisseurs nerlandais ont bnfici, jusquen 2006, de la taxation des nergies polluantes. 3 La Sude a procd trs largement du repackaging dune lectricit hydraulique dj installe (Markard et Truffer, 2006). 4 Le taux de souscription moyen semblait tre de 30% en 2005, et serait en baisse depuis (www.greenprices.com).
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Section I. Les enjeux des ventes directes dlectricit verte
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Service Company of Colorado est un des pionniers, et son taux de souscription (
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Chapitre 1
24
consommateurs font un choix parmi les offres concurrentes et adaptent en consquence leurs
prfrences et demande. Face au mouvement croissant dintgration des valeurs thiques et
cologiques dans la consommation, les entreprises ont cherch satisfaire cette nouvelle demande
en diversifiant leur offre et en proposant de vendre de lEV directement aux consommateurs : la
production/vente dEV reprsente une innovation de produit pour une firme du secteur
lectrique. En choisissant lEV, les consommateurs expriment leurs prfrences tacites pour les
caractristiques de lEV, tant prts payer plus cher pour concrtiser cette prfrence et
augmenter leur niveau dutilit.
La possibilit de choisir sa fourniture lectrique, et dexprimer ses prfrences travers son choix
fait rfrence la notion de souverainet du consommateur, notion introduite par Hutt en 1943.
Cette souverainet est inhibe dans un contexte o seuls des outils publics soutiennent loffre des
entreprises. Mais louverture la concurrence du secteur lectrique a permis aux entreprises de
multiplier les stratgies de diffrentiation de leur offre dEV (qualit, tarif, etc.), afin de capter le
plus possible les prfrences individuelles1. Le principe est sduisant puisque sur de tels marchs, les clients
rvlent leur prfrence et leur disposition payer pour une nergie plus propre : en diffrenciant les produits
nergtiques, le financement du dveloppement dune lectricit verte est ainsi spontan et ne ncessite la mise en
place daucun mcanisme institutionnel de financement pour la promotion des nergies propres (Mirabel et al.,
2001, p.6). Le dbat sur la contribution dun environnement de march au dveloppement des
EnR, travers lexpression des prfrences individuelles, doit donc tre pos.
1.1. Prfrences individuelles, utilit et disposition payer du consommateur
La thorie microconomique standard considre un consommateur confront un ensemble X de
biens (fourniture lectrique), dfini comme son ensemble de consommation. Cet agent est suppos
avoir des prfrences lgard des biens appartenant X. En crivant x y, nous considrons que
le consommateur considre le bien x plus dsirable que le bien y2. Dans lanalyse conomique, il
est courant de synthtiser le comportement du consommateur et de dcrire ses prfrences au
moyen dune fonction dutilit, c'est--dire une fonction u : X R telle que x y si, et seulement
si, u(x)>u(y). La caractristique vritablement pertinente dune fonction dutilit est son caractre
ordinal : si u(x) reprsente des prfrences et si f est une fonction monotone, f(u(x)) reprsentera
exactement les mmes prfrences. Cette fonction dutilit indique la satisfaction associe la
consommation dun bien. Si lindividu prfre x y, il obtiendra plus de satisfaction consommer
1 Le dploiement de la demande est galement essentiel pour loffre, notamment pour dvelopper les innovations et intgrer ces dernires dans les modes de vie. Certaines tudes menes par Fuchs et Arentsen (2002) suggrent que les consommateurs et leur choix sont particulirement importants dans les premiers stages du dveloppement technologique des EnR, et que le potentiel de changements drastiques dans les technologies dpend de la priode de formulation des prfrences (Brcard, 1996).
2 La microconomie classique confre aux prfrences un certain nombre de proprits pour quelles puissent classer les options de consommation. La relation de prfrence doit, par exemple, tre complte, rflexive, transitive et continue.
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Section II. La nature de la demande dlectricit verte
25
x que y1. La thorie conomique standard pose alors des hypothses de rationalit et de certitude
qui sont fondamentales : un consommateur rationnel choisira toujours le bien quil prfre parmi
lensemble de ceux quil peut acqurir sous contrainte de budget, et il est certain de la satisfaction
que lui procurera la consommation de lensemble de ces biens2.
Un problme majeur se pose ds lors aux conomistes : la fonction de demande de lindividu nest
pas observable directement et on ne peut dduire ses prfrences de sa propre introspection
puisque lindividu nest pas conscient des multiples dterminants de ses actes, et quil peut de ce
fait difficilement les exprimer sous la forme dune utilit cardinale. La fonction de demande de
lindividu se concrtise plutt sous la forme dune liste de choix oprs selon les circonstances. En
empruntant lapproche propose par Samuelson et Hicks, les conomistes se basent sur les
prfrences rvles : en considrant la maximisation de lutilit, le choix de lindividu envers tel ou
tel bien contient linformation disponible sur ses prfrences sous-jacentes3. Les prfrences de
lindividu, et donc son utilit, se rvlent travers les choix quil fait entre diverses options4
(Hausman et McPherson, 1996).
Lapproche de la nouvelle thorie du consommateur, introduite par Lancaster en 1966, considre
que le bien nest pas une source directe dutilit, mais un agrgat de caractristiques qui vont
permettre de satisfaire lindividu. Les options de consommation sont donc classes en fonction de
leurs caractristiques. Ainsi, si lindividu considre que protger lenvironnement est une valeur
importante, tout bien intgrant cette caractristique est prfr un bien quivalent qui ne lintgre
pas. En assurant un minimum dimpacts sur lcologie, la production dEV dispose donc dune
qualit qui la diffrencie des formes conventionnelles dnergie. Les agents peuvent donc exprimer
leur prfrence pour la qualit cologique en choisissant volontairement cette fourniture, qui est
cense leur procurer une utilit suprieure au choix de lEC.
LEV nest pas un bien en soit, qui procure directement une utilit ; ce sont plutt les spcificits
de sa production qui lui confrent des caractristiques gnrant de lutilit : en choisissant lEV,
lindividu pense pouvoir minimiser limpact de sa consommation dlectricit sur lenvironnement,
en vitant la production dune lectricit polluante. Dans cette optique, lEV lui procure une utilit
contingente en termes damlioration de la qualit environnementale. Nous verrons que cette
1 Ceci suppose une conception ordinale de lutilit, qui permet de substituer le concept de prfrence celui dutilit. 2 Le consommateur est cens disposer dune information parfaite, c'est--dire connatre la gamme complte de tous les biens disponibles sur le march ainsi que leur prix, et par consquent leur qualit (information sociale parfaite). Il connat galement parfaitement ses propres gots et les caractristiques du bien (Cme et Rouet, 1994). Ce postulat est fragile dans le cas dun bien cologique comme lEV : lindividu a probablement une vision floue de son got pour la qualit environnementale, c'est--dire quil a du mal lintgrer clairement et de manire rationnelle dans son arbitrage. Secondement, nous verrons que lindividu a du mal valuer clairement les caractristiques et la qualit de lEV.
3 La thorie classique ne prtend pas expliquer les dterminants psychologiques ou affectifs des choix de chacun, elle suppose seulement leur rationalit en terme de satisfaction, qui est cense tre parfaite (i.e. mis dans les mmes conditions, lindividu ralisera le mme arbitrage). Plus gnralement, avec lapproche no-classique, nous ne pouvons pas distinguer les diffrentes motivations qui pousser lindividu agir, mais celui-ci est cens les suivre dans ses choix, guid par le principe de rationalit.