Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un...

9
Utilisation du bruit ambiant pour étudier les couches superficielles Sylvain Duloutre [email protected] The most exciting phrase to hear in Science, the one that healds new discoveries, is not ”Eureka!” (”I found it !”) but rather ”Hmmm : that’s funny”. Isaac Asimov Résumé Les méthodes sismiques traditionnelles d'analyse du sous-sol reposent sur l'utilisation de sources sismiques naturelles (séismes...) ou artificielles (par exemple, vibreurs utilisés pour la prospection pétrolière). La résolution de ces méthodes est limitée par le nombre des sources, la puissance de ces sources ainsi que la fréquence d'occurrence des évènements enregistrables. Des développements récents proposent d'utiliser le bruit sismique ambiant et des capteurs passifs pour imager les couches superficielles de la Terre. Différentes méthodes ont ainsi vu le jour et permettent d'extraire de ce signal de faible intensité et apparement aléatoire des informations concernant les vitesses de propagation des ondes en fonction de leur fréquence et, après inversion, de d'avoir accès à certaines caractéristiques du sous-sol. 1. Introduction Les méthodes d’imagerie sismologique classiques sont basées sur l’enregistrement de séismes et permettent d'établir des "coupes" du globe terrestre grâce à une analyse spectrale des vitesses de propagation des ondes sismiques. Elles se basent sur un réseau global de sismomètres qui enregistrent continuellement les mouvements de la Terre. En l’absence de séismes, les sismographes enregistrent également en continu un bruit de fond. Figure 1: exemple de sismograme [2] Ce bruit de fond a été considéré comme un signal parasite altérant les mesures de par ses caractéristiques aléatoires et de nombreuses méthodes de tomographie éliminent ou tentent d' éliminer ce signal. Cependant, des travaux récents, tant au niveau théorique qu'expérimental ont montré que, de par ses caractéristiques, le bruit de fond, peut être utilisé pour analyser les couches superficielles du globe. Les avantages à utiliser le bruit sismique ambiant sont multiples, et dépendent des échelles spatiales considérées. A l’échelle régionale, les sources utilisées pour les méthodes actives sont les séismes. Leur occurrence est limitée en temps et en espace. Ainsi, il est difficile d’étudier les régions asismiques à cause de l’éloignement des sources, et même dans les régions sismiquement actives, le temps d’attente avant l’occurence d’une source est a priori inconnu. Ces caractéristiques rendent les études sismologiques difficiles et coûteuses, puisque les réseaux doivent rester opérationnels sur de longues périodes. L’utilisation du bruit permet de s’affranchir de ces limitations puisqu’à ces échelles seul le bruit basse fréquence est utile, et celui-ci est présent partout sur Terre. Comme nous le verrons plus tard, un deuxième intérêt des méthodes passives est que la résolution est

Transcript of Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un...

Page 1: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

Utilisation du bruit ambiant pour étudier les couches superficielles

Sylvain [email protected]

The most exciting phrase to hear in Science, the one that healdsnew discoveries, is not ”Eureka!” (”I found it !”) but rather

”Hmmm :that’s funny”.Isaac Asimov

RésuméLes méthodes sismiques traditionnelles d'analyse

du sous-sol reposent sur l'utilisation de sources sismiques naturelles (séismes...) ou artificielles (par exemple, vibreurs utilisés pour la prospection pétrolière). La résolution de ces méthodes est limitée par le nombre des sources, la puissance de ces sources ainsi que la fréquence d'occurrence des évènements enregistrables.

Des développements récents proposent d'utiliser le bruit sismique ambiant et des capteurs passifs pour imager les couches superficielles de la Terre.

Différentes méthodes ont ainsi vu le jour et permettent d'extraire de ce signal de faible intensité et apparement aléatoire des informations concernant les vitesses de propagation des ondes en fonction de leur fréquence et, après inversion, de d'avoir accès à certaines caractéristiques du sous-sol.

1. Introduction

Les méthodes d’imagerie sismologique classiques sont basées sur l’enregistrement de séismes et permettent d'établir des "coupes" du globe terrestre grâce à une analyse spectrale des vitesses de propagation des ondes sismiques. Elles se basent sur un réseau global de sismomètres qui enregistrent continuellement les mouvements de la Terre. En l’absence de séismes, les sismographes enregistrent également en continu un bruit de fond.

Figure 1: exemple de sismograme [2]

Ce bruit de fond a été considéré comme un signal parasite altérant les mesures de par ses caractéristiques aléatoires et de nombreuses méthodes de tomographie éliminent ou tentent d' éliminer ce signal.

Cependant, des travaux récents, tant au niveau théorique qu'expérimental ont montré que, de par ses caractéristiques, le bruit de fond, peut être utilisé pour analyser les couches superficielles du globe. Les avantages à utiliser le bruit sismique ambiant sont multiples, et dépendent des échelles spatiales considérées. A l’échelle régionale, les sources utilisées pour les méthodes actives sont les séismes. Leur occurrence est limitée en temps et en espace. Ainsi, il est difficile d’étudier les régions asismiques à cause de l’éloignement des sources, et même dans les régions sismiquement actives, le temps d’attente avant l’occurence d’une source est a priori inconnu. Ces caractéristiques rendent les études sismologiques difficiles et coûteuses, puisque les réseaux doivent rester opérationnels sur de longues périodes.

L’utilisation du bruit permet de s’affranchir de ces limitations puisqu’à ces échelles seul le bruit basse fréquence est utile, et celui-ci est présent partout sur Terre. Comme nous le verrons plus tard, un deuxième intérêt des méthodes passives est que la résolution est

Page 2: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

gouvernée par le réseau utilisé et non par la distribution de sources comme dans le cas des méthodes actives.

2. Origine du bruit de fond

On appelle “bruit de fond” toute sollicitation, autre qu'un séisme, qui génère des vibrations dans le sol. [1]

Le bruit de fond est causé par des sollicitations d'origine naturelle ou anthropique. On peut citer les phénomènes météorologiques, pluie, vent, les marées, le traffic automobile etc.

Différents travaux [1] montrent que le comportement temporel et frequentiel du bruit de fond varie en fonction de son origine, anthropique ou naturelle: l'amplitude du bruit urbain varie de manière journalière et hebdomadaire suivant l'activité humaine alors que le bruit d'origine naturelle a une autre périodicité (vagues, marées).

D' un point de vue fréquentiel, la limite des 1Hz est communement accepté pour différencier les 2 types de bruits: Fréquence Origine du bruit< 0.5 Hz Conditions météorologiques et

océaniques à grande échelle

~ 1Hz Effet du vent et des conditions meteorologiques régionales/locales

> 1Hz Activités humaines

Figure 2: Origine du bruit en fonction de la fréquence du signal. D'apres [1].

Ces phénomènes sont d’autant plus locaux que la fréquence augmente, à cause de la forte atténuation des hautes fréquences dans le sous-sol terrestre. Ainsi, le bruit généré à très basses fréquences peut être enregistré en tout point du globe. Inversement, le bruit au delà de 100 Hz n’est présent qu’à proximité des villes ou des zones d’activités humaines.

Figure 3: variation du l'amplitude spectrale du bruit en fonction du temps à 0.3s (a), 6.5s (b) à Los Angeles; c: variation de l'amplitude des vagues à 100 km des cotes. [1]

3. Nature du bruit de fond

Les ondes sismiques sont des ondes élastiques avec un spectre tres large pouvant aller de 3.10-4Hz a 20Hz [1]. Ce sont des ondes polarisées qui incluent à la fois des ondes de volumes et des ondes de surfaces. Ces ondes se mélangent suite aux multiples réflections et réfractions dues aux interfaces et hétérogénéité du sol.

3.1 Ondes de volumes

Les ondes de volumes se propagent dans tout le volume d'un matériau contrairement aux ondes dites de surface qui sont des ondes guidées se propageant dans les couches superficielles.

Les ondes de volumes comprennent les ondes P (ondes de compression avec changement de volume des éléments considérés parallèlement à la propagation de l'onde) et les ondes S (ondes de scisaillement avec déplacement des particules perpendiculairement à la direction de propagation de l'onde).

3.2 Ondes de surfaces

Les ondes de surfaces sont des ondes guidées par la surface de la Terre. On distingue les ondes de Rayleigh et les ondes de Love:

Les ondes de Rayleigh résultent d'interférences entre les ondes P et S, et induisent une oscillation

Page 3: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle).

Les ondes de Love résultent d'interférences entre les ondes S, et correspondent à une oscillation polarisée de grande amplitude, dans le plan de la surface et perpendiculairement à la direction de propagation de l'onde; Son déplacement est comparable à celui des ondes S sans le mouvement vertical.

Figure 4: Déformation des roches près de la surface, lors du passage de quatre types d’ondes sismiques © Sciences de la Terre et de l’univers par André Brahic, Michel Hoffert, André Schaaf et Marc Tardy. Éditions Vuibert, 1999.

3.3 Bruit de fond et ondes de surface

Des travaux récents [1] concordent pour indiquer que les fréquences < 1Hz sont majoritairement consistuées du mode fondamental des ondes de Rayleigh. Pour les fréquences supérieures, le bruit semble être un mélange d'ondes P et d'ondes de Rayleigh.

Dans cette l'hypothèse où le bruit est majoritairement consistué d'ondes de surface, il n' y a pas d'accord dans la communauté scientifique sur le rapport entre ondes de Rayleigh et onde de Love. Et

les différents modes de l' onde de Rayleigh ont été peu étudié.

4. Mesure du bruit de fond

Les sismomètres étant de très petite taille par rapport aux longueurs d’onde du bruit de fond, les sismogrammes sont des données très adaptées à l’analyse de la propagation ondulatoire (cf critère de Niquist). Ils permettent des mesures de champ parfaitement résolues, en espace, en temps, et en polarisation.

On utilise en général des capteurs de vibration 3 composantes (vertical, nord-sud et est-ouest ).

Figure 5 : Exemple de capteurs de bruit de fond [8]

Figure 6: Exemple de bruit de fond [2]

5. Techniques d'analyse du bruit de fond

Les méthodes d’imagerie du sous sol par les ondes de surface reposent sur la mesure de courbes de dispersion. Ces courbes de dispersion doivent alors être attribuées à tel ou tel mode des ondes de Rayleigh ou de Love.

L' idée de base réside dans le fait que dans un milieu hétérogène, la vitesse de phase des ondes de Rayleigh est fonction de la fréquence et des caractéristiuqes mécaniques du milieu. Ainsi si on mesure la courbe de dispersion (la variation de la vitesse de phase en fonction de la fréquence), il est en principe possible de retrouver les caractéristiques du milieu traversé par une opération appelé inversion.

Page 4: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

L'analyse du bruit de fond comporte en général 3 phases: enregistrement des signaux, dérivation de la courbe de dispersion à partir des signaux enregistrés et ensuite inversion de la courbe pour obtenir le profile de vélocité des ondes.

Les 2 principaux types de méthodes utilisées pour exploiter le bruit de fond sont brièvement présentées ci-dessous. Un 3ème type de méthode, dite méthode H/V aux fondements théoriques moins établis, est également décrite et permet d'accéder à d'autres grandeurs telle la fréquence de résonnance d'un site.

Note: Les algorithmes d'inversion , qui ne sont pas spécifiques au traitement du bruit de fond, ne seront pas abordés.

5.1. Méthodes passives d'analyse en réseau

Les méthodes d’analyse en réseaux sont apparues dans les années 50, avec les travaux d’Aki [7].

Les deux méthodes les plus courantes permettent la mesure de courbes de dispersion à partir du bruit de fond enregistré simultanément en plusieurs points d' un réseau.

Ces méthodes reposent sur l’hypothèse que le bruit de fond est composé d’ondes de surface et qu'en enregistrant du bruit pendant un temps court gràce à un réseau de capteurs, on obtient une onde de surface plane.

Avec une topologie de capteur adéquate, on peut mesurer les vitesses de phase des ondes de surface et avoir accès aux courbes de dispersions.

5.1.1 Méthode fréquence/nombre d’onde (FK)

La méthode FK (et sa variante dite optimisée) permet de retrouver la courbe de dispersion fréquence par fréquence des ondes de Rayleigh par une décomposition du signal dans l’espace fréquence-nombre d’onde.

Elle est basée sur un calcul de semblance et permet de retrouver, pour chaque fréquence, la vitesse de propagation des ondes au travers du réseau. Les sources de bruit présentant une certaine variabilité temporelle et spatiale, le calcul est appliqué sur plusieurs fenêtres de temps et pour différent azimut d’arrivée. Une moyenne est ensuite réalisée.

Les méthodes FK sont basées sur une décomposition du champ en ondes planes.

Une telle onde se propageant le long d’une droite d’abscisse curviligne r peut être décrite dans le domaine de Fourier par (d' après [2]) :

où c0(w) est la vitesse de phase de cette onde pour la pulsation w, et k0(w) le nombre d’onde associé. La transformée de Fourier spatiale de ce signal s’écrit

s (w, k) est nulle pour tout k différent de k0. Son calcul pour tout k (à w fixé) permet ainsi de retrouver le vecteur d’onde k0(w), et donc la vitesse de phase c0(w). On fait alors varier w pour retrouver la courbe de dispersion complète.

5.1.2 Méthode Spatial Autocorrelation (SPAC)

Aki postula qu'il n’était pas nécessaire de connaître la source du bruit ambiant pour mesurer les temps de propagation entre les éléments d’un réseau.Il a alors défini la fonction d’autocorrélation spatiale entre deux récepteurs A et B séparés par une distance R (d' après [2]).

où sA et sB sont les signaux enregistrés pendant un temps T en A et B. Si les signaux sont filtrés dans un bande étroite autour de la pulsation w, on peut définir le rapport d’autocorrélation par

Ce rapport est calculé pour toutes les paires d’un réseau de récepteurs. Pour une distance donnéeR, la moyenne azimutale de r(R,w) était proportionnelle à une fonction de Bessel d’ordre zéro :

où c(w) est la vitesse de phase des ondes dans le milieu, pour la pulsation w (i.e., la courbe de dispersion), et k le nombre d’onde

Cette méthode repose les hypothèses que les sources de bruit sont réparties de façon aléatoires et qu'il n’y a qu’une vitesse de phase par fréquence (i.e.,

Page 5: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

il n’y a qu’un seul mode de propagation). La première de ces hypothèses est rarement vérifiée. Elle reste cependant acceptable tant que le bruit sismique n’est pas très directif, et cette méthode est performante dans la pratique tant que les sources de bruit sont nombreuses et localisées tout autour du réseau

5.1.3. Importance du réseau

La possibilité de déterminer la courbe de dispersion sur un interval de fréquence adéquat dépend des caractéristiques du réseau de capteur (ouverture) et de l'amplitude du champs d'onde qui peut être altéré par des effets d'atténuation et de filtrage par le sol due à la structure du sol.

La performance du réseau pour les méthodes ci dessus est fondamentale pour pouvoir dériver les vitesse de phase des ondes. D'après [3], il n'y a pas d'acceptation commune concernant les réseaux pour la mesure du bruit ambiant; cependant, il est recommandé que le diamêtre du réseau soit au moins aussi large que la plus longue longueur d'onde à considérer et que l'espacement entre les stations soit de moins de la moitié de la plus petite longueur d'onde à considérer pour éviter les phénomènes d'aliasing (Pour qu'un signal ne soit pas perturbé par l'échantillonnage, la fréquence d'échantillonnage doit être supérieure au double de la plus haute fréquence contenue dans le signal. Cette fréquence limite s'appelle la fréquence de Nyquist)

Une métrique [3] mesurant la puissance de résolution d'un réseau a été défini: elle dépend non seulement du diamêtre du réseau, mais également de la distribution spaciale des capteurs.

Figure 7: Exemple de géométries de réseau et domaine de validite [8]

Le bruit ambiant est en général enregistré par différents réseaux de capteurs d'ouverture différente pour obtenir les courbes spectrales sur une large bande de fréquence.

Figure 8: Courbes de dispersion obtenues à partir de 2 réseaux déployés dans la vallée du Var. [8]

Figure 9: Résultat de l’inversion de la courbe de dispersion 8. De gauche à droite : profil de vitesse Vp, profil de vitesse Vs, courbes de dispersion associées et courbe de dispersion inversée (points). La couleur des courbes reflète l’écart entre le modèle et la donnée initiale. [8]

5.2. Méthodes basées sur l 'intercorrelation en mode de diffusion

Ces méthodes, initialement développées pour analyser la coda sismique [4], se basent sur les propriétés approximatives d'isotropie du bruit sur des durées longues pour obtenir directement la fonction de Green et sur le fait que le bruit garde une corrélation à longue distance.

Cette isotropie est fondamentale et peut être obtenue grâce au principe de diffusion et d'équipartition. Contrairement aux hautes frequences qui subissent une forte atténuation dans le sous-sol terrestre, le bruit généré à très basse fréquence peut être enregistré en tout point du globe. L’hypothèse d’isotropie du bruit ambiant pourra donc se vérifier dans le domaine des basses fréquences.

5.2.1. Notion de champs diffus

Lorsque lors de sa propagation, une onde rencontre une hétérogénéité, une partie de l'onde est réfléchie, et une partie réfractée. Apres de multiples réflections et réfractions, la direction incidente de

Page 6: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

l'onde originelle n'est plus décelable et l'onde résultante se propage dans toutes les directions et forme un champs diffus, avec atténuation progressive au cours du temps.

Ce phénomène est appelé diffusion et l'hétérogénéité est appelée diffuseur.

Même dans le cas d'une source ponctuelle émettant une impulsion brève, la plus grande partie de l'énergie incidente donne lieu à des processus de diffusion multiple et on observe au niveau des capteurs l'arrivée d'une onde de longue durée de structure incohérente, qui résulte de l'ensemble des chemins de diffusion multiple.

Figure 10: Simulation d’un champ d’ondedans un milieu diffuseur (points blanc) L’intensité de l’onde est représentée en niveaux arbitraires de couleurs. Source : M. Tanter, ACEL, LOA-ESPCI.

5.2.2. Champs diffus et équipartition

L’équipartition est une conséquence importante de la diffusion multiple: Le désordre introduit par la diffusion se traduit par le couplage progressif entre les modes de propagation qui conduit à une distribution uniforme de l’énergie dans l’espace de phase, l’effet de la diffusion multiple est de faire disparaître l’anisotropie et la polarisation initiale du champ.

Le principe d’équipartition impose que les différents modes (ondes de compression P, de cisaillement S, ondes de Rayleigh et de Love) aient tous le même poids énergétique. [5] Ainsi, en présence de diffusion multiple, il y a une stabilisation temporelle du rapport d’énergie S/P.

5.2.3. Principe des corrélations

Il s'agit de considérer des enregistrements en 2 points distincts avec des capteurs synchronisés et de calculer l’intercorrélation des signaux reçus entre les deux stations. La moyenne des intercorrélations est ensuite calculée sur différentes périodes.

On extrait ainsi un signal cohérent du bruit de

fond qui possède les symétries du tenseur de Green. On obtient en fait la réponse impulsionelle entre les 2 capteurs considérés. Ainsi, même en présence de difusion, il y a conservation de l' information de phase dans le bruit de fond sur de longues distances.

Paradoxalement, c'est la diffusion qui permet cette relation surprenante entre intercorrelation et fonction de Green. Un milieu uniforme et non diffuseur ne permet pas d'extraire la réponse impulsionelle et la fonction de Green..

Cette méthode a pu être utilisé pour déterminer la nature du sous-sol de la Californie à partir de bruit de fond enregistré, et ceux, de manière plus complète qu'avec les jeux de d' information disponibles à partir des tremblements de terre.

Figure 11: Tomographie de la californie obtebue par intercorrelation du bruit de fond.. Du rouge au bleu, l'échelle de couleur représente la vitesse croissante des ondes sismiques.[5]

Des travaux récents ont montré [6] qu’il était possible d’utiliser la stabilité des fonctions de Green obtenues à partir du bruit de fond sismique pour identifier des variations extrêmement fines des temps de trajet des ondes reconstruites et ainsi de mesurer des variations des vitesses sismiques d’un milieu avec une précision meilleure que 10-3. L’application de cette méthode au volcan du Piton de la Fournaise a permis d’identifier à la fois des précurseurs aux

Page 7: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

éruptions volcaniques mais aussi des variations lentes (plusieurs mois) pouvant être associées au processus de réalimentation magmatique.

Figure 12: a, Topographie du Piton de la Fournaise. Lestriangles inversés représentent les capteurs sismiques. Le rectangle en pointillés représente l'extension latérale des résultats présentés Fig. 2. b, Deux heures de bruit de fond sismique. c, Ondes de surface issues d'une source virtuelle reconstruite à partir du traitement du bruit de fond sismique. [6]

Figure 13: Résultats tomographiques représentés en 3D. L'extension latérale et représentée sur la Fig. 12. La zone en bleue correspond à des perturbations de vitesses positives (vitesses élevées) [6]

5.3 Methode H/V bruit de fond

Les bases de la méthode « H/V bruit de fond » ont été établies vers 1950 au Japon (voir Aki, 1957 et Aki, 1993). Elle a été tout d'abord validité expérimentalement par de nombreuses études et ses fondements théoriques ne sont pas encore complètement établis (c.f. projet européen SESAME).

Cette méthode est utilisée pour la détermination des fréquences de résonance d'un site et identifier ainsi les sites présentant des risques d’amplification sismique.

Page 8: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

La méthode consiste à poser un capteur de vibration 3 composantes (vertical, nord-sud et est-ouest ) sur le site à étudier. Les 3 composantes du bruit ambiant enregistrées durant plusieurs périodes de quelques minutes seulement (compte tenu de l'ordre de grandeur des fréquence de résonnance de site, en théorie, un échantillonage de 30 secondes permet d'effectuer le calcul des spectres jusqu’à des fréquences de 0.3 Hz) sont traitées de la manière suivante [8]:

1- Pour chaque enregistrement on recherche d’abord des fenêtres de signal dans lesquelles le signal est le plus stable (stationnaire) possible (Figure 14). Un traitement spectral est alors appliqué sur ces fenêtres;

2- H représente l’amplitude spectrale lissée des composantes horizontales du bruit de fond sismique, obtenue par combinaison de l’amplitude spectrale des deux voies nord-sud et est-ouest;

3- V représente l’amplitude spectrale lissée de la voie verticale du même enregistrement;

4- Le rapport entre ces deux amplitudes spectrales est effectué sur plusieurs fenêtres de temps et le rapport moyen est donné en résultat

S’il existe un effet de site au point de mesure, la courbe résultante du traitement présente un pic à une fréquence correspondant à la fréquence de résonance. Ces courbes sont généralement plates sur des sites à rocher affleurant.

Outre la determination des fréquences fondamentales de résonnance de site, cette methode permet d'estimer l'épaisseur des sédiments superficiels et la profondeurs du bedrock, notamment dans le cas oú il y a un fort contraste d' impédance entre les sédiments et le substrat rocheux.

Figure 14: Sélection des fenêtres stationnaires au point à étudier [8]

Figure 15 : Moyenne sur toutes les fenêtres des rapports H/V sur un point de mesure montrant une frequence de resonanbce aux alentour 1,8Hz [8]

6. Conclusion

L'utilisation du bruit de fond ouvre de nouvelles perspectives pour la tomographie des couches superficielles de la Terre, en permettant d'exploiter le bruit de fond disponible de manière continue. En effet, la couverture spatiale des données sismiques est sévèrement limitée par la distribution très anisotrope des sources (séismes).

Grâce notamment à l’application des méthodes d’intercorrélations, nous pouvons extraire à partir d’une source lointaine les fonctions de Green sur un ensemble de stations ce qui accroît la quantité d’informations disponibles de façon spectaculaire. L’ensemble de toutes les fonctions de Green mesurées sur une région donnée peut alors être utilisée pour construire une image tri-dimensionnelle précise des vitesses sismiques.

7. References

[1] BONNEFOY S, 2004, “Nature du bruit de fond, implications pour les etudes des effets de sites”, Thèse, Universite Joseph Fourier, Grenoble. (http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/04/72/85/PDF/tel-00007397.pdf)

[2] Gouedard P, 2008, “Techniques de correlations: aspects métodologiques et application a la sub-surface”, Thèse Université Joseph Fourier, Grenoble (http://www-lgit.obs.ujf-grenoble.fr/~pgouedar/These_Gouedard.pdf)

[3] Wathelet, Jongmans, OhrnBerger, Bonnefoy-Claudet, 2007 , “Array performances for ambiant vibrations on a shallow structure and consequences over Vs inversion”, Journal of Seismology (http://marc.geopsy.org/publi/Wathelet2008.pdf)

[4] Campillo M, Paul A: 2003. “Long range correlation in the diffuse seismic coda”, Science 299

Page 9: Résumé - duloutre.files.wordpress.com · dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle). Les ondes de Love résultent

[5] Larose et Al, 2003 , “Désordre et corrélations – II des ultrasons à la sismologie”, congrès de la Société Française De Physique, Lyon.

[5] Nikolai M. Shapiro, Michel Campillo, Laurent Stehly, Michael H. Ritzwoller , 2005; High-resolution surface-wave tomography from ambient seismic noise, Science

[6] Brenguier, F., N. M. Shapiro, M. Campillo, A. Nercessian, and V. Ferrazzini (2007),3-D surface wave tomography of the Piton de la Fournaise volcano using seismic noise correlations, Geophys. Res. Lett.,34, L02305, doi:10.1029/2006GL028586

[7]. Aki K. “Space and time spectra of stationary stochastic waves, with special reference tomicrotremors”, Bull. Earthquake Res. Inst. Tokyo Univ. 1957: 35, 415-456

[8] Courboulex ,Duval; 2006; “Passerelle: A link between research and risk management in the Alpes Maritimes”, programme RDT (http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/PASSERELLE-rapportFinal.pdf)

[9] Margerin, 2005 “Difusion muliple des ondes sismiques” in Images de la Physique.