Repères 1

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MAFIAS Menace sur les Etats ALIMENTATION Bombes géopolitiques PRINTEMPS ARABE L’histoire en marche CANTONALES La der des ders B 01170 - 1 - F : 4,90€ - AB 3 mars 2011 - N°1 - 4,90 €

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Le bi-hebdomadaires des étudiants en presse écrite de l'ISCPA (promo 2008-2009).

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MAFIASMenace sur les Etats

ALIMENTATIONBombes géopolitiques

PRINTEMPS ARABEL’histoire en marche

CANTONALESLa der des ders

B 01170 - 1 - F : 4,90€ - AB

3 mars 2011 - N°1 - 4,90€

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33 mars 2011

SommaireiNterNAtioNAlPages 22-27

mafias : les sociétéscriminelles del’ombre

DoSSierPages 16-21

le prix des denréesalimentaires met lefeu aux poudres

ActualitésDes sondages plus transparentsréformes fiscales, l’enjeu politiqueParis, capitale du hip-hoples droits des patients généralisésHigh tech : l’obsolescencela NASA vers l’infini et au-delàDes alternatives à l’iPadlivres, DVD et disquesla fellation : mise en bouchel’humeur de Karma Duquesne

Rédaction :

Rédactrice en chef : Karma Duquesne

Secrétaire général de rédaction : Pascal Golfier

Maquette : Benoît Magistrini et Antoine Delthil

Chef des informations générales : Laetitia Reboulleau

Rédacteurs : Nadine Achoui-Lesage, Alexandre Benha-

did, Alexandra Bresson, Yann Casseville, Wilfried

Corvo, Audrey Loussouarn, Valentin Marcinkowski,

Eléonore Quesnel, Laurence Riatto, Emmanuelle Ringot,

Clémentine Santerre

Directrice de publication : Mireille Pallarès

PolitiquePages 34-37

Cantonales :dernières électionsavant les « super-conseillers »

iNterNAtioNAlPages 28-33

monde Arabe :passé, présent, futurd’une vague révolutionnaire

SoCiétéPages 48-49

Concordat d’Alsace-moselle : imbrogliopolitique

eCoNomiePages 44-47

Assurances-vie :Arnaquespost mortem

SPortPages 52-53

NBA : le championatmenacé

CulturePages 50-51

Gondry fait son cinéma au CentrePompidou

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4 3 mars 2011

actulumière sur

Feue notre diplomatie ?«L

a diplomatie française n’existe plus ». Tels

sont les mots de Martine Aubry, le 22 fé-

vrier sur BFM TV et RMC. Dans une tri-

bune  du  Monde  du  23  février,  des  diplomates

–anonymes- dénonçaient incohérences et dysfonction-

nements. Et trois mois seulement après sa nomination au

poste de ministre des Affaires Etrangères, Michelle Al-

liot-Marie, dépassée et fustigée, est amenée à démission-

ner. «Nicolas Sarkozy prétendait, avec la présidence du

G20, « diriger » les affaires du monde. Avec la révolution

tunisienne, il vient de faire la démonstration qu’il n’ar-

rivait même pas à maîtriser les dossiers qui concernent

la France, dans une région avec laquelle nous sommes

historiquement et affectivement liés », condamne Gaétan

Gorce, député PS de la Nièvre et membre de la Commis-

sion des Affaires Etrangères. 

C’est à Alain Juppé qu’incombe la lourde tâche de redo-

rer le blason international de la France. Alors qu’en juil-

let dernier, le maire de Bordeaux cosignait avec Hubert

Védrine, un texte dans Le Monde titré «Cessez d'affai-

blir  le Quai d'Orsay  ! »,  il  succède aujourd’hui à Mi-

chelle Alliot-Marie à un poste qu’il a déjà occupé entre

1993 et 1995. Alain Juppé, alors néophyte en relations

internationales, laisse pourtant un bon souvenir de son

premier passage au Quai d’Orsay. Son retour à la tête

des affaires étrangères seize ans après ne s’avère pour-

tant pas facile. Jugé « plus expérimenté » que son prédé-

cesseur  par  François  Baroin,  le  nouveau  chef  de  la

diplomatie devra mener de front plusieurs batailles. Il

doit rendre sa cohérence à la politique étrangère de la

France tout en s’évertuant à canaliser autant que possible

les  initiatives diplomatiques hasardeuses de  l’Elysée.

«Le retour dans l’OTAN en 2007 marque l’extinction de

la voix internationale de la France. Nous avons perdu

notre indépendance vis-à-vis des Etats-Unis », explique

Jean-Charles Jauffrey.

Le fossé séparant l’idéologie diplomatique constitution-

nelle et la realpolitik est devenu trop grand. Le discours

doit être réadapté aux possibilités effectives et désirées,

sans renier les acquis des cinquante dernières années qui

sont encore des atouts de valeur. La vision gaullienne de

la politique étrangère a en effet considérablement proté-

gés et promus des fondamentaux tels que la défense et

la diffusion des Droits de l’homme, pilier de la démo-

cratie contemporaine, et la primauté effective des inté-

rêts français. « La France a une vocation universelle.

Elle s’est toujours positionnée en faveur de la libérali-

sation des pays du tiers-monde en prônant les droits de

l’homme » témoigne Jean-Charles Jauffrey, professeur

d’Histoire  des  Relations  Internationales  à  l’Institut

d’études  politiques  d’Aix-en-Provence.  Pour  Gaëtan

Gorce,  à  ces  atouts  historiques  il  faut  ajouter  des

hommes compétents : « notre diplomatie dispose de pro-

fessionnels solides, d'une expertise forte. Il lui manque

juste une orientation », souligne-t-il. Une mission diffi-

cile pour Alain Juppé que François Mitterrand considé-

rait pourtant comme l’un de ses meilleurs ministres.

Emmanuelle Ringot

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53 mars 2011

ACtUEUroPE

Reprise des procèsBerlusconi

Transfert de neuronesà l’épreuve

Antonio Tajani et Michel

Barnier jettent un pavé dans

la marre. Les deux commis-

saires européens, respectivement

chargés de l’Industrie et du Marché

Intérieur, ont demandé à José Ma-

nuel Barroso, d’étudier le sujet du

transfert des technologies qui pêche

tant en Europe. Pour cause, celle-ci

prône depuis 50 ans la libre circula-

tion des marchandises mais n’a ja-

mais réellement traité le problème de

la vente de brevets. Des pays comme

la Chine et la Russie sont jugés non

respectueux de l'idée de propriété in-

tellectuelle et apparaissent dans le

collimateur de l’Union européenne.

Pour l'économiste Marc Guillaume,

les entreprises chinoises sont les

maîtres en la matière : « Elles tentent

de profiter du rapport de force ac-

tuel  entre  les  pays  développés  qui

sont les plus performants en matière

de  recherche  et  développement.

Grâce à leurs tarifs attractifs, elles

se permettent d'exiger au moment de

la signature des contrats un partage

absolu  des  savoirs  ». Principal

bémol dans cette affaire : comment

empêcher des entreprises étrangères,

qui par exemple s’installent sur le

territoire, d’employer des ingénieurs

nationaux pour leur « emprunter »

leurs idées innovantes ? «  L'arro-

gance des pays occidentaux et leur

prise de risque est sûrement à revoir

pour  leur permettre de  changer  la

donne.  C'était  le  cas  d'Areva  qui

avait perdu un rachat face aux Asia-

tiques à Abu Dhabi », propose-t-il.

Comme le souligne l’économiste,

notre société « n'est pas au bout de

ses peines ».

Audrey Loussouarn

Playstation 3 bloquées

La cour de justice européenne

a ordonné aux douanes de

bloquer les importations de

Playstation 3 en Europe de

Sony. La société sud-coréenne

LG reproche à la marque japo-

naise d’avoir enfreint plu-

sieurs brevets sur le Blu-ray.

Ce blocage, d’une dizaine de

jours, ne devrait pas mettre

en péril les ventes de la

console de Sony, qui dispose

de trois semaines de stock en

Europe.

Grèves de la faim

49 migrants en situation illé-

gale ont été hospitalisés mardi

1er mars à Athènes en raison

d’une grève de la faim prolon-

gée. Plus de 200 personnes

originaires d’Afrique du Nord,

en attente de régularisation,

ont cessé de s’alimenter dans

la capitale depuis plus d’un

mois. Ils souffrent de graves

problèmes cardiaques et ré-

naux. Selon le corps médical,

la vie de ces grévistes serait

menacée.

Capgemini avec EDF

Un contrat d’infogérance entre

la filiale britannique du groupe

français Capgemini et EDF

Energy, filiale britannique d’EDF

a été signé. Ce contrat, en vi-

gueur jusqu’en 2015, s’élève à

environ 120 millions d’euros,

avec une option de prolongation

de deux ans. Il aura pour but

d’apporter des services standar-

disés et de grande qualité aux

différentes unités du groupe

EDF Energy en Grande-Bre-

tagne.

Une fois n’est pas coutume : à

peine recommencé, déjà

ajourné. Le procès de Silvio

Berlusconi pour fraude fiscale et faux

en bilan, qui avait repris le lundi 28

février, a été ajourné jusqu’au 11 avril

prochain. Après 10 mois d’interrup-

tion à cause d’une loi de mars 2010

lui accordant l’immunité pénale, les

différents procès à l’encontre du chef

du gouvernement italien avaient re-

pris petit à petit depuis quelques se-

maines. L’immunité devait durer

jusqu’au mois de septembre 2011,

mais a été partiellement annulée par

la Cour Constitutionnelle italienne

mi-janvier. Silvio Berlusconi n’a pas

jugé utile de se présenter à la pre-

mière séance, mandatant ses avocats,

Me Nicollo Ghedini et Me Piero

Longo. Leur client, entrainé dans une

spirale de procès, doit concilier ses

différentes audiences avec ses activi-

tés de chef du gouvernement.

La priorité de la défense était donc de

faire établir un «calendrier des au-

diences tenant compte des autres pro-

cès» de Silvio Berlusconi. Un

problème simplifié par l’ajournement

du procès, qui lui fait gagner un mois

et demi de tranquillité.

Laetitia Reboulleau

DR

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Remaniement : cumul,parité et polémique

Ce que l’on appelait à l’époque

la « jurisprudence Jospin »,

qui interdisait à un ministre

de détenir un pouvoir exécutif local

[notamment en tant que maire, ndlr]

n’existe définitivement plus. Au-

jourd’hui, les ministres conservant

leur poste de maire sont légions dans

le nouveau gouvernement. A l’instar

d’Alain Juppé, Xavier Bertrand et

Nathalie Kosciusko-Morizet, Fillon

IV ne compte pas moins de huit mi-

nistres cumulant ce mandat à celui de

maire. En revanche, net recul de la

parité. Le départ de Michèle Aliot-

Marie fait chuter le nombre de

femmes ministres à dix, tandis que le

sexe fort totalise dans ses rangs vingt

ministres. Lors de son accession au

pouvoir en 2007, Nicolas Sarkozy

avait mis un point d’honneur à res-

pecter la parité au gouvernement. Au

fil des remaniements, le nombre de

femmes ministres s’amoindrit comme

peau de chagrin. En pleine recon-

quête politique avant 2012, l’égalité

homme-femme et le non-cumul des

mandats gouvernementaux / locaux

ne sont clairement plus à l’ordre du

jour. Les promesses n’engagent que

ceux qui les écoutent.

Laetitia Reboulleau

6 3 mars 2011

ACtU FRANCE

Le fantôme Chiracenfin en justice

Le dialoguiste Michel Au-

diard a écrit : « La justice,

c’est comme la Sainte-

Vierge, si on ne la voit pas de temps

en temps, le doute s’installe ». Le 7

mars, Jacques Chirac sera le premier

président à comparaître devant la

justice, jugé au tribunal correction-

nel de Paris. Longtemps, l’ancien

maire de la capitale a pu échapper à

la justice grâce à différentes ré-

formes durant son mandat présiden-

tiel. Aujourd’hui, il n’est plus

intouchable. « Intouchable ? », c’est

d’ailleurs titre du livre de Thierry

Lévêque, journaliste judiciaire à

l’agence Reuters. Selon lui, « il y a

une incompréhension de Chirac

face à ces procédures ». L’avocat de

l’ancien président, Me Jean Veil a

réussi à repousser plusieurs fois les

dates d’audiences. D’ailleurs,

Jacques Chirac n’honorera pas de sa

présence l’ouverture du procès,

consacrée à des questions de procé-

dure, dispensé par le tribunal correc-

tionnel à la demande de ses avocats.

Plus important, Bertrand Delanoë et

la ville de Paris ont décidé de ne

plus se constituer partie civile. Pour

le moment, il n’y a plus de réel

contradicteur pour le procès Chirac.

En outre, le parquet a déjà fait sa-

voir qu’il requiert la relaxe pour

l’ancien président. Les chances

s’amenuisent de voir Jacques Chi-

rac. Il paraît plus facile de pêcher

des sardines que d’attraper le gros

poisson.

Wilfried Corvo

Cohn-Bendit flou

Après avoir déclaré considérer

Martine Aubry comme la candi-

date la plus légitime pour les pri-

maires du PS, Daniel Cohn-Bendit

a annoncé mardi que son soutien

irait finalement à Dominique

Strauss-Kahn. Un revirement du

chef de file d’Europe Ecologie-Les

Verts qui ne sera sans doute pas

le dernier d’ici aux primaires du

mois d’octobre.

Le Pen risque la prison

Les affiches de campagne «Non à

l’islamisme» du Front National

pourraient bien valoir une peine

de prison avec sursis et une

amende à Jean-Marie Le Pen, re-

quise par le procureur de la Ré-

publique du tribunal de Nanterre

à la demande du Mouvement

contre le Racisme et pour l'Amitié

entre les Peuples (Mrap). Ces af-

fiches sont considérées comme

une incitation à la haine envers la

population musulmane et les

personnes d'origine algérienne.

Le temps libre de MAM

Malgré son départ du gouver-

nement, Michèle Alliot-Marie

entend bien rester active en

politique. L’ex-ministre des af-

faires étrangères considère

l’arrivée d’Alain Juppé comme

« une page qui se tourne », et

compte profiter de son nou-

veau temps libre pour écrire

des livres sans être tenue à la

langue diplomatique. « On va

m’entendre, déclare-t-elle, je

reste en politique ».

Le départ de Michèle Alliot-Marie a remisen cause la parité au gouvernement

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Page 7: Repères 1

73 mars 2011

ACtuSoCIété

La galèrede l’adoption

Une étude publiée par

l’Académie de Médecine

démontre que pour 20 000

familles en attente d’adoption,

moins d’une sur quatre y accède.

La majorité des dossiers concerne

des enfants étrangers.

Adopter un enfant en France re-

lève du parcours du combattant.

Malgré le soutien des associations,

et les différentes lois votées au fil

des années pour faciliter le par-

cours, les procédures n’en sont pas

moins compliquées. « Pour valider

une procédure d’adoption, il faut

passer par plusieurs ministères

différents, et c’est encore pire

pour adopter un enfant étranger,

explique Pierrette, mère adoptive

de trois enfants. Mes petits vien-

nent du Sri Lanka, du Bengladesh

et de Madagascar. Chaque procé-

dure a duré plusieurs années. Plus

de quatre ans pour mon dernier

fils, arrivé en France à sept

ans ! ».

En 2008, 726 enfants français (mal-

traités, nés sous X ou orphelins)

seulement étaient adoptés, contre

1 749 en 1985, tandis que 3 160 en-

fants originaires de l’étranger trou-

vaient un foyer en France, contre

960 en 1985. Des chiffres que

l’Académie de Médecine explique

par « le lien biologique, dans le

cadre de l’intérêt supérieur de l’en-

fant », qui entraine le placement du

petit dans sa famille proche, plutôt

que dans un foyer adoptif.

Laetitia Reboulleau

Pour un plan alerteenlèvement européen

Le plan alerte enlèvement, ins-

piré de l’« Amber alert » aux

Etats-Unis, pourrait être

élargi et se perfectionner sur Internet.

Avec la possible implication du

Royaume-Uni dans une convention

avec la France et la Belgique, c’est un

plan européen qui pourrait voir le

jour. «J’avais préconisé un élargisse-

ment à l’Europe. Je suis beaucoup in-

tervenue en Suisse et en Belgique. Ils

ont maintenant leur propre plan »,

explique Nicole Guedj, secrétaire

d’Etat aux Droits des victimes sous le

gouvernement Raffarin de 2004 à

2005 et à l’initiative de ce projet en

France.

Un partenariat avec Facebook pour-

rait aussi voir le jour. « L’idée, c’est

d’asservir les technologies au service

des victimes, signale Nicole Guedj.

Cela multiplie le nombre de per-

sonnes qui peuvent démasquer les ra-

visseurs ». Un pas de plus pour

confondre ces criminels qui utilisent

de plus en plus les technologies pour

leurs crimes.

Wilfried Corvo

Le jour des Femmes

Chaque 8 mars se tient la JournéeInternationale des Droits de laFemme depuis 1975, dont le butest de travailler sur l'égalité desdroits, de meilleures conditionsde travail et le droit de vote desfemmes. Cette année, il est ques-tion de réfléchir à «l'égalité d'ac-

cès à l'éducation, la formation, les

sciences et technologies pour as-

surer un comme moyen d'assurer

de l'emploi aux femmes».

Le ministère de laJustice condamné

Jacques Mariani, figure du ban-ditisme corse, à obtenu gain decause face à l’administration pé-nitentiaire. Son avocat, MeDavid Metaxas, a obtenu lacondamnation du ministère dela Justice pour placement abusifà l’isolement au sein de la pri-son de Luynes (Bouches-du-Rhône). L’Etat a été condamné àverser 1 000 € de dommages etintérêts à Jacques Mariani.

«Joue pas au con»

Réseaux Ferrés de France s’estassocié au rappeur Kamini pourune nouvelle campagne de pré-vention sur les dangers desvoies ferrées. « Joue pas au con »,campagne au nom provocateur,a majoritairement été lancéesur Youtube, Dailymotion etFacebook afin de toucher unmaximum de jeunes, cible prin-cipale de la RFF, qui espère ré-duire le nombre d’accidentsmortels causés par la négligencedes ados chaque année.

Nicole Guedj, secrétaire d’Etat auxDroits des victimes de 2004 à 2005.

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Page 8: Repères 1

Les Grecs saignésà blanc

Un an après le scandale de la

banque Goldman Sachs, ac-

cusée d’avoir profité du su-

rendettement d’Athènes pour spéculer

contre la Grèce, le pays pleure encore.

De nombreux affrontements ont lieu

depuis quelques jours dans le pays,

entre manifestants et forces de l’ordre.

L’objet de la discorde? La politique

d'austérité menée par le gouvernement

à la demande de ses créanciers,

l'Union européenne et le Fonds Moné-

taire International, pour réduire la

dette du pays. Une dette de 152,6% de

son PIB. Le mouvement rassemble

une population hétéroclite dans une

lutte commune contre des mesures ju-

gées draconiennes. «La police a es-

sayé de disperser le rassemblement en

entourant les manifestants et en nous

menaçant, mais on essaye de tenir le

coup», explique Herbert, originaire

d’Athènes, où les manifestations ont

été particulièrement violentes. Les ap-

pels au calme du ministre de la Protec-

tion du citoyen sont pour l’instant

restés sans résultats. De nombreux

blessés sont d’ores et déjà recensés

parmi les forces de l’ordre comme

chez les manifestants, notamment en

raison de l’utilisation massive de cock-

tails molotov et de gaz lacrymogènes.

La pilule amère imposée par le FMI ne

passe pas.

Laetitia Reboulleau

8 3 mars 2011

ACtU MoNDE

Bébés volés en Argentine

Un procès historique sur le vol

de bébés sous la dictature ar-

gentine s’est ouvert lundi 28 fé-

vrier à Buenos Aires. Les

dictateurs Jorge Videla et Rey-

naldo Bignone se retrouvent sur

le banc des accusés. Ils doivent

répondre de l’enlèvement et du

changement d’identité de plu-

sieurs dizaines d’enfants. De

nombreuses familles sont au-

jourd’hui encore à la recherche

de leurs enfants disparus à cette

époque.

Nouvelle-Zélande : leséisme fait 159 morts

Plus d’une semaine après le

séisme en Nouvelle-Zélande, la

situation humanitaire semble

loin de s’améliorer. Les 200 000

tonnes de limon et de sable re-

mués par les rafales de vents de

130 km à l’heure gênent les se-

cours et empêchent de faire un

bilan exact des victimes. Mer-

credi, le pays recensait 159

morts. Environ un tiers du cen-

tre-ville de Christchurch a été

détruit.

Le mariage homosexuelautorisé en Californie ?

Le procureur général de Cali-

fornie a déclaré mardi 1er mars

vouloir rétablir le mariage ho-

mosexuel dans son Etat après

que l’interdiction soit jugée an-

ticonstitutionnelle. En 2008,

les électeurs avaient voté pour

une interdiction du mariage

entre personnes du même

sexe. Dans tous les Etats-Unis

seulement cinq Etats améri-

cains et le district fédéral de

Washington autorisent cette

pratique.

Georges Papandreou, premier ministre grec

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Page 9: Repères 1

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Page 10: Repères 1

UE: Prévisions économiques positives

L'inquiétude générale sur

l'état financier en Europe

semble sur le point de s'es-

tomper. Pour cause, les prévisions

de croissance pour la zone euro par

la Commission européenne s'élè-

vent à 1,8 % du PIB dans l'Union

(contre 1,7 % auparavant), à 1,6 %

dans la zone euro (contre 1,5 %), et

à 1,7 % en France (contre 1,6 %).

Point noir de ce début d'année, le

taux de chômage record de l'Es-

pagne avec 20,4 %. L'inflation, elle,

dépasse de nouveau la barre des 2 %

avec un taux de 2,4 %.

Pour l'économiste Marc Guillaume,

ces regains de croissance sont cau-

sés « par une coopération euro-

péenne efficace et une crise de

l'euro qui n'a pas affaibli, comme

chacun le pense, mais bien renforcé

l'Union ». Le cas de la Grèce, lui,

semble isolé. Malgré les bonnes in-

fluences des pays de l’Union, ses

caisses sont à sec et les investis-

seurs étrangers fuient le pays.

Des problèmes de taille dans l'im-

mobilier ou dans la dette publique

de l'Espagne coûtent également à

l’Europe. Ce dernier pourrait cepen-

dant profiter des atouts financiers de

pays comme l'Allemagne.

Et Marc Guillaume de conclure :

« Le principal pour une économie

européenne, c'est que les citoyens

et les entreprises enregistrent

davantage ces derniers points

pour préserver un optimisme fi-

nancier ».

Audrey Loussouarn

10 3 mars 2011

ACtU ECoNoMIE

PMU: rachats douteux

Mille trois-cent soixante-

quatorze points de vente de

PMU, la seule et unique li-

cence permettant de parier sur les

courses hippiques, attisent les convoi-

tises. Une commission rogatoire inter-

nationale a récemment été lancée par

le juge d’instruction Jean-Christophe

Hullin, du TGI de Paris, concernant

plusieurs rachats douteux et demandes

de licences PMU. «Ces licences assu-

rent un afflux de client et sont très de-

mandées par les cafetiers, explique le

service communication du PMU. En

2010, nous en avons délivré 800 nou-

velles». Un nombre important qui li-

mite les possibilités de vérifications,

souvent effectuées à la va vite, raison

pour laquelle les rachats suspects n’ont

pas été détectés tout de suite. Fin 2009,

plusieurs demandes émanant de Chine

sont parvenues au PMU: «La procé-

dure pour obtenir une licence n’est

pas compliquée, explique le service

communication. Il faut d’abord dépo-

ser un dossier à l’agence régionale du

PMU, qui sera transféré à la brigade

course et jeux du ministère de l’Inté-

rieur. Les patrons devront ensuite jus-

tifier l’origine de leurs fonds». Cette

dernière procédure permet d’éviter les

blanchiments d’argent sous couvert

d’une activité commerciale, ce qui a

mené à déceler les rachats douteux.

Les attestations d’apports, provenant

toutes de la même étude notariale lo-

calisée en Chine, se sont révélées

fausses. Des preuves étayées d’aveux,

qui ne suffisent cependant pas à prou-

ver un quelconque blanchiment. Les

enquêteurs espèrent cependant coincer

le faussaire, et peut-être faire tomber

un réseau.

Laetitia Reboulleau

Quatre euros etun scandale

En décembre dernier, l’INSEE

publiait une étude sur le coût

horaire du travail en France.

Une erreur de quatre euros

s’est glissée dans le document.

Des chiffres immédiatement

repris par le syndicat patronal

MEDEF. Frédéric Lefèvre sur-

réagit et convoque une as-

semblée extraordinaire pour

traiter le sujet. Entre temps,

l’INSEE avait retiré ses statis-

tiques. Beaucoup de bruit

pour rien.

Les loyers en hausse

2,5 % de plus pour les loyers en

2010, soit 12,3 € par m² en

moyenne sur toute la France,

dévoile l’observatoire Clameur.

Après plusieurs années d’accal-

mie, durant lesquelles les loyers

n’avaient pas connu d’augmen-

tation significative, le marché

des logements du parc privé est

reparti à la hausse. Des chiffres

qui restent cependant faibles,

comparés à l’envolée des prix

qu’a connu le marché au début

des années 2000.

Chômage, nouveau plan

Nicolas Sarkozy a présenté le

1er mars un nouveau plan pour

lutter contre le chômage des

jeunes. Une aide de 250 mil-

lions d’euros financera 50 000

nouveaux contrats profession-

nels, qui s’ajoutent aux

390 000 déjà prévus par l’état.

L’objectif annoncé par le prési-

dent est de porter à 800 000 le

nombre de jeunes en alter-

nance d’ici 2015, contre

600 000 actuellement.

Page 11: Repères 1

113 mars 2011

ACtUEnviRonnEmEnt

Stades climatisés…à l’énergie solaire?

Un petit match sous une

température de 50°C ?

L’annonce de l’organisa-

tion de la coupe du monde de foot-

ball de 2022 au Qatar avait

soulevé de vives protestations, no-

tamment basées sur l’impossibilité

de jouer sous une chaleur aussi

étouffante. La solution avancée

par les organisateurs était de met-

tre en place des stades couverts et

climatisés, proposition fortement

décriée par tous les écologistes de

la planète.

Le cheikh Mohammad ben Hamad

Al-Khalifa, fils de l'émir et prési-

dent du Comité d'organisation

Qatar 2022, avait annoncé vouloir

utiliser la technologie solaire

pour juguler la température et

« construire des stades où le thér-

momètre ne dépassera pas les 27

degrés centigrades ». Pour Simon

Lee, expert en énergies solaires, le

pari est difficilement réalisable :

« Certes l’ensoleillement est fort et

permettra de produire beaucoup

d’énergie, mais pour réduire à ce

point la température [entre 45 et

50°C en été, ndlr], il faudrait des

champs entiers de panneaux so-

laires ». La solution serait dans ce

cas d’utiliser une technologie hy-

bride, plus polluante que l’énergie

solaire, mais permettant aux spor-

tifs de jouer dans de bonnes

conditions. Les lobbies du sport

ne connaissent pas les contraintes

écologiques.

Laetitia Reboulleau

Pavillon VertSalon de l’auto de Genève

Le Salon de l’automobile de

Genève voit, cette année en-

core, vert. Sur les 170 avant-

premières dévoilées au public du 3

au 13 mars, pas moins d’une quaran-

taine sont « propres », c’est-à-dire

électriques, hybrides ou fonction-

nant au GPL. Le Salon ouvrira pour

la deuxième année consécutive son

Pavillon Vert, la vitrine écolo de

l’événement. Au programme : les

modèles les plus attendus bien sûr

- déjà commercialisés ou encore au

stade de prototype - comme la Kan-

goo Maxi ZE (pour zéro émission),

la Twizy compacte de Renault ou

l’hybride Q5 d’Audi, mais pas seu-

lement. « Il n’y a pas que les grands

constructeurs qui viennent présenter

leurs modèles, note Tony Staub, res-

ponsable marketing du Pavillon Vert.

On a aussi des petites start-ups, dont

les réalisations intéressent les visi-

teurs ». D’autant plus qu’ils pourront

conduire certains véhicules inno-

vants (allant du moto-cross élec-

trique au quadricylce futuriste à la

Tron) sur une piste d’essai…

Eléonore Quesnel

Les dangers despesticides

De nouveaux cas d’intoxications

et de maladies pathologiques

dues à l’utilisation massive de

pesticides dans les cultures

agricoles ont été recensés. C’en

est trop pour les agriculteurs

qui ont décidé de se battre pour

briser les tabous autour de ces

maladies. Lassés de ne pas être

écoutés par le gouvernement, ils

ont décidé de monter une asso-

ciation de défense des victimes

des pesticides.

Succès du Salon del’Agriculture

L’année 2011 est un bon cru

pour le Salon de l’Agriculture

qui a rassemblé 678 732 visi-

teurs. Un chiffre nettement su-

périeur aux objectifs des

organisateurs cette année,

preuve que ni les Français, ni

les hommes politiques, pré-

sents en masse lors du salon,

ne se désintéressent du secteur

agricole. 2011 est pourtant une

année difficile de plus pour les

agriculteurs qui subissent tou-

jours la crise économique de

plein fouet.

L’aspartame au cœurdu débat

L’aspartame dangereux ou non

pour la santé ? La bataille entre

l’Autorité européenne de sécu-

rité des aliments (Efsa) et le

Réseau Environnement Santé

(RES) continue. Alors que

l’Efsa a une nouvelle fois es-

timé que l’aspartame ne pré-

sentait pas de danger pour la

santé, le RES demande une vé-

ritable étude sur les risques

cancérigènes d’une dose quoti-

dienne trop élevée.

Le concept car Renault R-Space, enpremière mondiale à Genève.

DR

Page 12: Repères 1

Les inshootables

L’heure est à la réconciliation

entre deux organismes ma-

jeurs du cyclisme. L’Agence

Française de Lutte contre le Dopage

(AFLD) a émis le souhait d’une

« coopération loyale » avec l’Union

Cycliste Internationale (UCI). « Un

dialogue s'est instauré. Une négocia-

tion est en cours, elle n'est pas défi-

nitivement  stabilisée  mais  j'ai  le

sentiment  que  nous  avons  pro-

gressé», déclare le nouveau président

de l’AFLD, Bruno Genevois. Pierre

Bordry, son prédécesseur entretenait

des rapports conflictuels avec Pat

McQuaid, président de l’UCI, jusqu’à

voir son agence écartée des tests an-

tidopage du Tour de France 2010.

Au cœur de la polémique : un traite-

ment privilégié que l’UCI aurait ac-

cordé, selon l'AFLD, à Armstrong et

Contador durant le Tour 2009. Un

rendez-vous a été pris entre les deux

présidents à Aigle (Suisse), le 26

mars. Cependant, L’AFLD ne compte

pas renoncer à sa politique : «Rappro-

chement  ne  signifie  pas  reddition.

L’AFLD ne se couchera pas à sa fa-

meuse politique de contrôles ciblés

inopinés », insiste le professeur Mi-

chel Rieu, conseiller scientifique de

l’agence. Les deux organismes ont

quatre mois pour établir une coopéra-

tion viable avant le départ du Tour de

France 2011, le 2 juillet prochain.

Alexandra Bresson

12 3 mars 2011

ACtU SPoRt

Ligue des Champions :l’analyse d’Elie Baup

Entraîneur champion deFrance avec Bordeaux en1999, Elie Baup évoque leschances de qualification deLyon (contre le Real Ma-drid, 1-1 à l’aller) et de Mar-seille (contre ManchesterUnited, 0-0 à l’aller). L’OMse déplace en Angleterre le15 mars tandis que Lyondéfie les Madrilènes le lendemain.

«Pour Marseille, le 0-0 au Vélodrome

est un bon résultat. Leur objectif est

atteint : ils n’ont pas pris de but à do-

micile. Pour Lyon le bilan est mitigé

car si on en restait là, ils seraient éli-

minés. L’OM peut faire un gros coup

et  la  défaite  de  Manchester  contre

Chelsea est un motif d’espoir. Il fau-

dra tout de même être costaud à Old

Trafford. Ce sera plus compliqué pour

les  Lyonnais.  Le  Real  a  fait  de  la

Ligue des Champions son principal

objectif. Ils ont les moyens de varier

leur jeu d’attaque avec Adebayor ou

Benzema. Lyon bête noire de Madrid?

Oui pour le côté psychologique, mais

ça, c’était avant Mourinho. C’est lui

le plus fort mentalement».

Valentin Marcinkowski

et Yann Casseville

Bahreïnreprogrammé ?

Bernie Ecclestone, le grand ar-

gentier de la Formule 1, ne dés-

espère pas de reprogrammer

dès cette année le grand prix de

Bahreïn, annulé en raison des

troubles politiques qui secouent

actuellement le pays. La course

pourrait avoir lieu cet été, ne

reste plus qu’à trouver la date

exacte, en accord avec la Fédéra-

tion Internationale Automobile

(FIA). La décision devrait inter-

venir avant le 27 mars.

Le rugby tremble

L’AMI stadium, l’enceinte de

rugby de la ville de Christchurch

en Nouvelle-Zélande a été fer-

mée jusqu'au 15 mars pour éva-

luer les dégâts consécutifs au

séisme qui a frappé le Nord de

l’île le 17 février dernier. Un rap-

port d’experts sera remis à cette

date afin de déterminer si l’en-

ceinte de 50 000 places pourra

ou non accueillir des rencontres

de la Coupe du Monde en sep-

tembre prochain.

Pires voit plus loin

A 37 ans, Robert Pires, un des

derniers champions du monde

98 en activité, n’a toujours pas

l’intention d’arrêter sa carrière.

Alors que son contrat avec les

Anglais d’Aston Villa se termine

dans six mois, le milieu français

souhaiterait le prolonger par

« amour » du club. « Le plus im-

portant pour moi est d'aider

l'équipe par mon expérience », a

par ailleurs indiqué le joueur.

DR

DR

DR

Page 13: Repères 1

13

Page 14: Repères 1

L’année d’une bonneplay-Liszt

Liszt est au classique ce que

les Beatles sont au rock : un

père fondateur. Le pianiste

hongrois de génie est cette année

célébré en France - où il est arrivé à

l’âge de douze ans - avec des

concerts, colloques et autres confé-

rences, à l’occasion du bicentenaire

de sa naissance.

Moderne parmi les modernes, l’ar-

tiste, qui influença des composi-

teurs comme Wagner ou Chopin,

clamait, deux siècles et demi avant

que John Cage ne fasse scandale

avec ses plages vaporeuses quasi-si-

lencieuses : « Ma seule ambition de

musicien était et serait de lancer

mon javelot dans les espaces indé-

finis de l’avenir… »

« Liszt est même meilleur que

les Beatles, corrige Jean-Yves Clé-

ment, commissaire de l’événement

et auteur de Franz Liszt chez Actes

Sud. Il était seul sur scène pour

jouer, ce qui ne se faisait pas avant,

il a transformé le piano en orches-

tre, associé la musique aux autres

arts, anticipé les concerts humani-

taires bien avant les Restos du

Cœur… Une vraie rock star ! »

Eléonore Quesnel

14 3 mars 2011

ACTU CULTUre

L’impasse mexicaine

L’année du Mexique en

France va d’incertitude en

annulation depuis la déci-

sion du Mexique de se retirer de

la manifestation culturelle. Les

artistes mexicains ont désormais

interdiction de se rendre en France

malgré les 22 millions d'euros

investis par Mexico pour leur

participation. Autre mauvaise sur-

prise : l’exposition d’ouverture, Les

masques de jade Maya, de la Pina-

cothèque de Paris est annulée juste

avant son ouverture. « C’est un bil-

let de 7 millions d’euros qui n'en-

trera pas dans les caisses de la

Pinacothèque » proteste son direc-

teur, Marc Restillini.

Le musée de Saint-Romain-en-Gal,

qui devait présenter Les cultures an-

tiques de Veracruz s’est également

retiré, les conservateurs mexicains

ayant démonté « en larmes » les ob-

jets de l’exposition. Les Rencontres

photographiques d'Arles, pendant

lesquelles douze expositions autour

du Mexique étaient prévues, sont

« extrêmement fragilisées » par l'an-

nulation indique François Hébel, le

directeur des Rencontres. Et aux

dernières nouvelles, les dix statues

de l’artiste Rivelino, qui devaient

naviguer sur la Seine pour l’exposi-

tion itinérante Nuestros Silencios,

sont amarrées à Rotterdam. A Tou-

louse, le festival Rio Loco (du 15 au

19 juin) est maintenu, mais sans le

label Année du Mexique. Le doute

plane encore sur d’autres grands

événements de l’année. En atten-

dant, la France clame toujours son

désir de maintenir ce partenariat cul-

turel que devra défendre le nouveau

ministre des affaires étrangères

Alain Juppé.

Alexandra Bresson

Le Discours d’un Roicensuré

Le film de Tom Hooper, récom-

pensé de quatre oscars le 27

février, va apparaître dans sa

version édulcorée sur les

écrans américains. Jugé trop

vulgaire pour cette nation puri-

taine, c’est expurgé de toute

grossièretés que le film sera

diffusé. L’acteur principal Colin

Firth se dit offusqué de cette

décision. Il rappelle que les ju-

rons font partie intégrante du

processus de guérison, et donc

de l’histoire.

Sexion d’Assautse repent

Les propos homophobes tenus

il y a quelques mois par les

membres du groupe Sexion

d’Assaut sont loin d’être ou-

bliés. Après avoir subi l’annula-

tion de nombreux concerts, le

groupe a demandé pardon une

nouvelle fois, par le biais d’un

« concert de repentance » mardi

1er mars, à Paris. Il espère ainsi

maintenir les concerts prévus

pour le printemps dans diffé-

rents festivals.

Tim Burton adapteNotre-Dame

Le réalisateur Tim Burton au-

rait décidé de s’attaquer au

chef d’œuvre de Victor Hugo,

Notre-Dame de Paris. L’acteur

Josh Brolin, actuellement à

l’affiche de True Grit pourrait

par ailleurs faire partie du cas-

ting. Un projet de plus pour le

réalisateur qui travaille déjà

sur une adaptation de La Fa-

mille Adams, le tournage immi-

nent de Dark Shadows et une

adaptation du court métrage

Frankenweenie.

Franz Liszt

DR

Page 15: Repères 1

153 mars 2011

ACTuCuLTurE

Le luxe intolérant

L’univers du luxe souhaite pré-

server un certain standing.

Mieux vaut ne pas faire

tâche si l’on tient à en faire partie.

Certaines boutiques de l’enseigne

Marionnaud l’ont bien compris

lorsqu’elles se sont vu retirer leurs

autorisations de vente des produits

de la marque Chanel, sous prétexte

qu’elles ne respectaient pas les

« critères d'exigence en termes de

présentation et d'environnement » de

la luxueuse griffe. Les boutiques

concernées se trouvent majoritaire-

ment dans les banlieues dites « sensi-

bles », et la commercialisation de

produits Chanel dans ces zones ferait

baisser l’image de marque de la mai-

son. « Chanel estime avoir un certain

standing à respecter, explique Na-

thalie, conseillère en parfumerie. Peu

de boutiques sont autorisées à pro-

poser leurs produits. Ils pensent pou-

voir conserver l’image luxueuse de

leur marque en cultivant la rareté ».

Chanel n’est pas la seule maison à

vouloir préserver son image. Jeudi

dernier, le directeur artistique de

Dior, John Galliano, a été interpelé

pour insultes à caractères antisé-

mites, et immédiatement suspendu

de ses fonctions par Christian Dior

« pour la durée de l’enquête judi-

ciaire ». Une sanction définitive,

Christian Dior ayant engagé une pro-

cédure de licenciement, en raison des

retombées négatives sur la maison de

l’avenue Montaigne.

L’univers du luxe déjà entaché en

2010 par les propos de Jean-Paul

Guerlain : « Pour une fois, je me suis

mis à travailler comme un nègre. Je

ne sais pas si les nègres ont toujours

tellement travaillé, mais enfin... »

Démonstration d’un bel état d’esprit.

Laetitia Reboulleau

Les tendances de lafashion week

Le marathon des fashion weeks

a commencé le 10 février à

New York et se termine cette

semaine (le 8 mars) à Paris. De

grandes tendances se dégagent déjà.

La rue va assister à un retour en force

du cuir et de la soie. Bien qu’oppo-

sées, ces deux matières naturelles ont

été mises en valeur. Chez Mulberry, à

Londres, la soie s’est faite légère sur

des pièces imprimées tout comme au

défilé BCBG Max Azria, à New York.

Ralph Lauren, quant à lui, s’est servi

du cuir pour casser ses silhouettes.

Les années 60 continuent également

d’inspirer les créateurs « avec beau-

coup de jupes-culottes ou de jupes

longueur midi chez Gucci par exem-

ple » précise Ilaria Casati, rédactrice

en chef mode de grazia.fr. Les cou-

leurs flashy vont égayer le gris et le

noir ; « notamment l’orange, le vert

et le bleu », toujours selon elle. Re-

marquées chez Rag n Bone, ces

joyeuses pigmentations sont atten-

dues chez Hermès et Gustavo Lins

cette semaine à Paris. Si ces ten-

dances devraient être suivies dans la

capitale, pas dit que les créateurs pa-

risiens ne veuillent pas surprendre.

Clémentine Santerre

Décès de l’écrivainArnost Lustig

L’écrivain tchèque Arnorst Lus-

tig est décédé le 26 février der-

nier, à l’âge de 84 ans à Prague.

Considéré comme la « mémoire

de l’holocauste », il avait ra-

conté à travers de nombreux

ouvrages la terreur et la mort

des juifs durant la guerre. Fils

de juifs, déporté à l’âge de 16

ans, il a connu Terezin, Buchen-

wald et Auschwitz avant de

parvenir à s’enfuir et de dé-

noncer les horreurs des camps

dans ses écrits.

Embarquement à borddu paquebot « France »

L’exposition 2011 du musée na-

tional de la Marine est consa-

crée au paquebot France, bateau

mythique et dernier des grands

transatlantiques. Sur un espace

de 1000 m², elle propose de dé-

couvrir l'histoire de ce navire

inauguré par le général de

Gaulle en 1960. C'est aussi une

traversée dans les arts décora-

tifs des années cinquante qui

s'offre aux visiteurs jusqu’au 23

octobre 2011.

Japan Expo

Du 30 juin au 3 juillet 2011, le

Parc des Expositions de Paris-

Nord Villepinte accueille de

nouveau la Japan Expo. Comme

d'habitude, ce sera l'occasion

de découvrir la culture nippone

dans son ensemble : littérature,

jeux vidéos, costumes. Le salon

abordera également les nou-

velles technologies et les pro-

grès de l'industrie automobile

japonaise. Cette année le billet

donnera aussi accès au salon

voisin, le festival des cultures

imaginaires.

DR

Défilé Rag & Bone

Page 16: Repères 1

16 3 mars 2011

dossier nutrition

Denrées alimede pire en

En hausse constante depuis l’été dernier, lesprix des matières premières alimentairesont aujourd’hui atteint leur pic historique.La crise couvait, elle a éclaté. Comme en2008. Et si, dans un contexte politique mon-dial brûlant, explosif, cette flambée était ledétonateur d’un enchaînement d’émeutes?

Par Yann Casseville

Des paysans africains s’attellent à la récolte du blé. L’Afrique est le continent le plus touché par l’augmentation des prix des denrées alimentaires

Page 17: Repères 1

173 mars 2011

dossiernutrition

Les chiffres sont effa-

rants. Le rapport publié

début février par la

Food and Agriculture

Organization (FAO, or-

ganisme des Nations Unies), montre

que les prix des matières premières

alimentaires continuent de flamber.

En janvier, septième mois de hausse

consécutif, l’indice FAO des prix des

produits alimentaires (donnée statis-

tique de référence) atteint 231 points,

son plus haut total depuis sa création

en 1990. Le sucre à 420 points, les

huiles et matières grasses à 278, les

céréales à 245 : les records de 2008 ne

sont pas battus, mais l’escalade des

prix, persistante, fait peur. Le prix du

café ? +47 % en 6 mois. Dans le

même laps de temps, +37 % pour le

soja, +33% pour le sucre, +30% pour

le blé. Aujourd’hui, 44 millions de

personnes supplémentaires vivent

sous le seuil de l’extrême pauvreté

(1,25 dollar par jour), portant le total

à 1,2 milliards d’individus. « Nous

avons atteint la cote d’alerte, assure

le président de la Banque Mondiale,

Robert Zoellick. Des chocs politiques

peuvent se produire, les gouverne-

ments tomber et les sociétés basculer

dans le désordre ». Une déclaration

aux allures d’avertissement : l’esca-

lade des prix, de tout temps, entraîne

une escalade de la révolte. La faim

justifie les moyens. Ceux qui n’ont

plus rien à se mettre sous la dent ont

encore leur voix pour manifester et

leurs bras pour se battre. Des émeutes

dans les pays acculés par la flambée

des prix sont inéluctables.

Pire qu’en 2008?Et si l’histoire ne faisait que recom-

mencer ? En 2008, la hausse du prix

des denrées alimentaires est déjà à

l’origine d’une crise mondiale. Entre

février 2007 et février 2008, l’indice

FAO des prix des produits alimen-

taires bondit de 139 à 219 points ; de

178 à 278 points pour les produits

laitiers, de 152 à 178 pour les cé-

réales ; les prix du blé et du riz sont

multipliés par deux, etc. 2008 s’ou-

FA

O

ntaires :prix?

Page 18: Repères 1

vre sur une bien mauvaise nouvelle :

plus 75 millions de personnes mal

nourries dans le monde, portant le

total à 923 millions. La FAO liste

alors 37 pays ayant besoin d’une

aide extérieure. Cette flambée des

prix entraîne des émeutes au Maroc,

au Cameroun, au Pakistan, au

Mexique, en Bolivie, en Indonésie…

2011, nouveau 2008 ? « Les deux

crises se ressemblent », commente

l’économiste et membre du Cercle

des économistes Marc Guillaume.

« Si on regarde les graphiques, on

voit que c’est un recommencement »,

confirme Pierre Dockès, lui aussi

économiste et membre dudit cercle.

Mais au moment d’estimer l’am-

pleur de la crise actuelle par rapport

à la précédente, les avis divergent. Si

Marc Guillaume a « l’intuition que

celle d’aujourd’hui, à l’instar de la

deuxième secousse d’un tremblement

de terre, est moins forte que la pre-

mière, parce que les gens sont mieux

armés », d’autres contestent cet ar-

gument. « Les populations ont été

fragilisées par la crise en 2008 donc

c’est plus compliqué aujourd’hui

d’en absorber une nouvelle »,

avance Hanna Mattinen, experte en

sécurité alimentaire à Action contre

la faim. « C’est pire qu’en 2008 !

tonne Philippe Collin, porte-parole

de la Confédération Paysanne. Et ce

pour une raison structurelle. A

l’époque, les Etats-Unis transfor-

maient 40 millions de tonnes de maïs

en éthanol, en 2010 on était à 130-

140 millions de tonnes et les pers-

pectives sont de 180-200 millions de

tonnes d’ici trois ou quatre ans. La

consommation pour les politiques

énergétiques augmente beaucoup

plus rapidement que la production

agricole, qui ne peut pas suivre ».

Le fait que telle crise soit plus grave

ou non que l’autre importe peu, reste

le constat du moment, implacable :

« la situation est préoccupante »,

comme le déclare Marie Wentzell,

porte-parole du Programme Alimen-

taire Mondial en France (PAM,

agence de l’ONU qui lutte contre la

faim dans le monde).

Quand la finances’en mêleLa crise actuelle est la conséquence

d’une équation entre l’offre et la de-

mande qui ne se résout pas, tant

l’offre chute quand la demande ex-

plose, notamment « parce que les

pays émergents ont toujours plus de

besoins », explique Pierre Dockès.

« Les Indiens se mettent à manger

des yaourts, les Chinois de la

viande », donne comme exemples

Bruno Parmentier, auteur du livre

18 3 mars 2011

dossier nutrition

La malnutrition touche 920 millions de personnes dans le monde.

DR

Page 19: Repères 1

Nourrir l’humanité (éditions La Dé-

couverte). Or justement, comme

l’atteste Hanna Mattinen, « produire

de la viande demande plus d’éner-

gie que cela n’en donne, donc conti-

nuer ainsi n’est pas durable ».

Concernant la raréfaction de l’offre,

elle est le fait de plusieurs causes.

« Une mauvaise récolte et une ab-

sence de stocks », liste tout d’abord

Philippe Collin. « Un tiers de la ré-

colte mondiale n’est pas utilisée

parce qu’il n’y a pas assez de

stocks, mais aussi parce que dans

certains pays, comme la France, on

jette beaucoup trop de nourriture »,

continue Bruno Parmentier. « Avec

ces éléments incontestables, tous les

opérateurs interviennent pour se-

courir. Est-ce qu’on peut reprocher

à un meunier d’acheter du grain

quand il sera plus cher le lende-

main ? interroge Philippe Collin.

C’est l’histoire de la tulipomanie,

quand aux Pays-Bas au XVIIe siècle

un bulbe de tulipe a valu le prix

d’un château ». S’ajoute à cela la

volatilité climatique. 2010 a été tris-

tement marquée par les catastrophes

naturelles, au nombre de 950 dans

l’année selon le rapport du groupe

allemand Munich Re. Inondations

au Pakistan, en Australie, incendies

de forêt en Russie, les exemples

sont nombreux. Ces éléments n’ex-

pliquent pas tout. « Il y a deux fa-

milles de causes, analyse Marc

Guillaume. Les réelles, avec les in-

cidents climatiques, et les finan-

cières. On voit de très nets effets de

spéculation » Le mot est lâché : spé-

culation. « Il s’est greffé sur les au-

tres problèmes une incroyable

spéculation », alarme aussi Pierre

Dockès. Dans le contexte actuel où

les acheteurs veulent acheter de

suite pour se mettre à l’abri du pire,

de l’après, mais où les vendeurs

n’ont donc pas intérêt à vendre im-

médiatement, l’escalade des prix est

rapide. Derrière la crainte de voir les

prix des denrées alimentaires s’en-

voler plane le spectre financier. « Il

y a une ombre portée de la finance,

par spéculation, sur l’alimentaire,

commente Marc Guillaume. Pour

ironiser, on pourrait dire que Gold-

man Sachs a participé au processus

de démocratisation en Tunisie. Le

système financier s’est jeté sur les

matières premières et à partir de là

on a observé beaucoup de mouve-

ments spéculatifs. La finance anti-

cipe la hausse, donc cette hausse

anticipée se réalise ». Comme une

lame de fond, la spéculation cham-

boule le marché actuel. Le rend fou.

« Quand il y a un incident clima-

tique, il n’y a plus de marchandises

à mettre sur le marché donc tout

le monde prend peur », regrette

Philippe Collin.

Vers de nouvellesémeutes?Les conséquences de cette crise, les

premiers foyers d’incendie suivant

cette flambée des prix sont déjà visi-

bles. En France, la guerre entre les

céréaliers et les éleveurs est déclarée.

La hausse du cours des céréales est

favorable aux premiers mais accule

les seconds. « Les éleveurs sont en

détresse ! alerte Philippe Collin. Je

n’en connais pas un qui pourrait

acheter durablement les céréales au

prix où elles sont et je ne connais pas

un céréalier qui soit prêt à lui vendre

du grain au prix où l’éleveur serait

en mesure de le payer ». Si le ciel

s’assombrit dans l’Hexagone, où ris-

quent de tomber les premières

averses, c’est un puissant orage qui

menace de frapper certains pays à

l’étranger. Voire qui a déjà frappé. Il

y a le souvenir des émeutes de 2008 ;

il y a surtout les récentes révolutions

dans le monde arabe. « Les inquié-

tudes au sujet des produits de pre-

mière nécessité ont contribué en

partie aux troubles récents dans plu-

sieurs pays d’Afrique du Nord. La

suppression des subventions sur les

denrées dans certains pays en 2011

pourrait entraîner des troubles so-

ciaux », acquiesce Marie Wentzell.

193 mars 2011

dossiernutrition

En Egypte, la hausse des prix a été l’élément déclencheur des récentes révoltes.

«On se dirige vers une émeute sociale, une guerre civile»

Marion G

uenard

Page 20: Repères 1

20 3 mars 2011

dossier nutrition

« On se dirige vers une émeute so-

ciale, une guerre civile, redoute Phi-

lippe Collin. Si certains ne veulent

pas se faire couper le cou par ceux

qui ont faim, il faudra qu’ils revoient

leur politique ! Les dirigeants de-

vraient observer ce qu’il s’est passé

en Tunisie, en Egypte, en Algérie, les

événements ont tous démarré sur la

question du prix des produits alimen-

taires ». La hausse des prix des ma-

tières premières alimentaires a tout

du détonateur, de la mèche qui fait

exploser la révolte, « la goutte d’eau

qui fait déborder le vase », selon

Hanna Mattinen. « La prochaine ré-

colte de blé a lieu en juillet, d’ici là,

de mars à juin, il y aura de nouvelles

émeutes, des gouvernements vont

sauter », avance Bruno Parmentier.

Divergences politiquesComment annihiler cette crise ? Par

la création d’une institution suprana-

tionale en charge de la régulation de

l’alimentation mondiale ? L’hypo-

thèse a été soulevée. « Je trouve ça

illusoire dans l’état actuel, sachant

qu’il y a des pays qui disent : on est

structurellement exportateurs donc

on ne voit pas pourquoi on serait

bridés, et d’autres pays qui disent :

on est structurellement importateurs,

on a besoin de se protéger », regrette

Philippe Collin. « On n’a pas un pro-

blème de production mais un pro-

blème de répartition et d’usage. Par

exemple il y a des problèmes en Bo-

livie avec la hausse du prix du sucre.

Or le Brésil, qui produit des millions

de tonnes de cannes à sucre préfère

transformer sa production en étha-

nol, ce qui assèche encore le mar-

ché ». Pour régler un tel problème,

les regards se tournent vers le monde

politique, mais, et c’est là que le bât

blesse, les divergences d’intérêts

entre pays sont tellement grandes

qu’un consensus international sem-

ble chimérique. En février, Nicolas

Sarkozy a profité de la présidence

française au G20 pour réclamer plus

de transparence sur les marchés ali-

mentaires. Un vœu pieux. Plusieurs

pays, à l’instar de la Chine, ne sont

pas particulièrement enclins à don-

ner aussi facilement des informa-

tions sur l’état de leurs récoltes ou de

leur consommation. Equilibre entre

offre et demande rompu, diver-

gences d’intérêts politiques : la situa-

tion semble aller droit vers le point

de non-retour. « On ne sait pas ce

qu’il peut se passer dans six mois,

les prix peuvent continuer de grim-

per », déclare Hanna Mattinen. « Il

ne faut pas être alarmiste, nuance

Marc Guillaume. Mais il y aura des

bulles sur certaines matières, cer-

taines régions. Ce ne sera pas la

bulle Internet ou la bulle des sup-

brimes mais des microbulles comme

pour le riz en Asie. Des microbulles

un peu partout qui peuvent mener à

l’explosion ».

Et en 2050?Dès lors, comment compter nourrir

neuf, voire dix milliards de personnes

en 2050 ? « Ce chiffre fait peur, af-

firme Hanna Mattinen. Les questions

de la quantité, de la qualité, et des

habitudes de consommation se po-

sent. On peut y arriver, mais comment

et avec quelles conséquences? Com-

bien de temps la planète va tenir ? »

Bruno Le Maire, ministre français de

l’agriculture, de l’alimentation, de la

pêche, de la ruralité et de l’aménage-

ment du territoire, n’a pas caché ses

craintes devant l’assemblée des Na-

tions Unies le 17 février dernier à

New York : « Nous nous étions fixés

un objectif ambitieux en 2005 : ré-

duire de moitié à l’horizon 2015 la

proportion de la population mondiale

qui souffre de la faim [de 800 mil-

lions à 500 millions de personnes,

mais aujourd’hui, selon la FAO, les

900 millions sont dépassés, ndlr].

Nous devons avoir conscience qu’il

nous reste des progrès considérables

Le maïs n’est pas épargné par la hausse générale du prix des denrées alimentaires.

«Nous devons avoir conscience qu’il nous restedes progrès considérables à accomplir»

DR

Page 21: Repères 1

213 mars 2011

dossiernutrition

à accomplir. Le défi alimentaire, c’est

aussi être capable de produire plus

pour nourrir les neuf milliards d’in-

dividus sur la planète en 2050. Pour

cela, une hausse de la production

agricole de 70% d’ici 2050 est néces-

saire. Est-ce que nous en serons ca-

pables ? » Le ministre lui-même est

apparu dubitatif, rappelant immédia-

tement que « la production agricole

mondiale aujourd’hui ne croît plus

que de 1,5 % par an, alors qu’elle

augmentait de 3 % par an entre les

années 1960 et 1990 ». Des chiffres

qui tendent à rendre utopique le re-

dressement espéré. Bruno Le Maire a

d’ailleurs repoussé au sommet du

G20 de novembre l’espoir de voir

proposer «des solutions concrètes».

D’ici là, c’est le statu quo ante poli-

tique. Les prix des denrées alimen-

taires, eux, n’attendent pas. Ils

flambent. Les premières braises ap-

paraissent, l’incendie menace. g

Le prix du pain a historiquement été la source de grandes révoltes, à l’image de la Révolution Française, ou ici des révoltes de fin 2010 en Tunisie.

« Khadafi nous a permis de vivre »

L’Afrique est le continent qui subit le plus cette hausse des prix

des denrées alimentaires mais le constat n’est pas le même dans

chaque pays africain. A l’inverse de certains de ses voisins, le

Mali résiste plutôt bien, comme l’explique Amidou Tambadou,

du ministère des mines du Mali.

«Le gouvernement avait pris ses précautions, il est arrivé à quelque chose

de bien. Le sucre par exemple reste à un prix abordable, comme le riz ou

l’huile. On a augmenté l’espace de terre pour produire, on a amélioré le sys-

tème alimentaire. Notre production est suffisante. On n’aura pas de pro-

blème avec l’agriculture en 2011, d’autant que le Mali a travaillé avec la

Lybie de Mouammar Kadhafi. Quand notre agriculture avait commencé à

être en difficulté, il nous avait permis de vivre [Kadhafi a lancé à l’automne

2010 avec le gouvernement malien le projet agricole Malibya, qui consistait

à l’aménagement par la Lybie et Malybia - société malienne dédiée au dé-

veloppement de l’agriculture au Mali - d’un espace de 100000 hectares au

Mali pour la riziculture, ndlr]. Et grâce à notre démocratie, on se porte mieux

que certains pays d’Afrique. Au Niger, malgré les nouvelles élections pré-

sidentielles, ça ne va pas du tout. Ce pays risque d’avoir de sérieux pro-

blèmes avec la hausse des prix, comme au Sénégal, où je viens de passer

quelques jours».

DR

Page 22: Repères 1

22 3 mars 2011

international Mafias

Mafias:la pieuvre qui

enserre lesEtats

Mafias italiennes, triades chinoises, yakuzas japonais, cartels mexicains… Autant d’or-ganisations criminelles apparues entre le XVIe et le XIXe siècle, toujours actives au-jourd’hui. Si elles ont survécu aussi longtemps, voire prospéré pour certaines, c’estqu’elles ont su s’adapter. Une évolution progressive de leurs activités et de leurs modesd’influence qui a mené à l’émergence de «provinces mafieuses» où les représentantsde l’Etat ne sont plus que des pantins corrompus.

Par Pascal Golfier

Au Japon, les yakuzas restent des clans attachés aux valeurshistoriques des samouraïs. Parmi leurs traditions, le tatouage est unpassage obligatoire qui détermine notamment le statut de l’individutout en évoquant sa personnalité.

Page 23: Repères 1

233 mars 2011

internationalMafias

Sicile, début du XIXe siè-

cle. Napoléon Bonaparte

frappe aux portes de la

petite île après avoir

conquis les territoires

italiens. Bénéficiant de la protection

britannique, la Sicile se développe en

vase clos sous l’égide des Bourbons.

En 1812, plusieurs réformes mènent

à l’adoption d’une constitution qui

permet l’abolition des privilèges féo-

daux et l’émergence d’une petite

bourgeoisie. Mais quelques années

plus tard, les guerres entre Napoléon

et l’Alliance (Russie, Prusse, Grande-

Bretagne) mènent au congrès de

Vienne lors duquel l’Italie est entiè-

rement redécoupée. La Sicile se rat-

tache alors au Royaume de Naples,

qui fonctionne encore selon les règles

abolies peu avant dans l’île. Les

premières tensions ne tardent pas à

apparaître et, en 1820, les révolution-

naires de Palerme réclament l’indé-

pendance. Des hommes se dressent

alors dans l’ombre, faisant jouer leurs

relations, investissant leur fortune

dans la résistance. Défi à l’autorité

étatique, sabotages, attaques de poli-

ciers, les « mafiosi » agissent en

bandes criminelles éparses qui vont

se renforcer et se lier à mesure que

l’anarchie la plus totale s’installe.

Elles jouent un rôle non négligeable

lors des révolutions de 1848 et 1860

et acquièrent par leurs hauts faits

cette aura de peur et de respect qui les

caractérise. Les bases de la Cosa Nos-

tra, la plus puissante mafia sicilienne,

viennent d’apparaître.

Sous d’autres formes, sous d’autres

cieux, « l’aventure» sicilienne trouve

ses pendants. En Chine, au Japon, en

Russie, au Mexique, en Colombie,

même dans le Sud dans la France

avec la «pègre» marseillaise. Toutes

ces « mafias », ou pieuvres selon le

terme consacré, plus ou moins déri-

vées et parfois même exportées direc-

tement à partir de l’Italie font bien

mieux que survivre. Si leur réel âge

d’or respectif, à l’exception des orga-

nisations russes, se trouve derrières

elles, les mutations qu’elles ont su-

Japansubculture

Page 24: Repères 1

24 3 mars 2011

international Mafias

bies les portent vers l’international et

leur assurent encore un «bel» avenir.

L’heure est à l’influence sur les pou-

voirs locaux et aux relations inter-or-

ganismes. « Les mafias du monde

entier ont constitué un syndicat du

crime international depuis bien long-

temps, témoigne Hélène Blanc, poli-

tologue et écrivaine française. Elles

sont toutes en contact et représentent

un danger certain». Soyez prévenus,

en ce début de XXIe, les mafieux ne

connaissent pas le blues…

Lestriadeschinoises

Violentes, sanglantes, sans scrupules,

la réputation des triades s’est forgée

au fil des siècles puisqu’elles forment

sûrement les organisations crimi-

nelles mafieuses les plus anciennes au

monde. Il faut plonger au cœur du

XVIIe siècle pour en trouver l’origine

à la chute de la dynastie Ming.

Chongzhen, seizième et dernier em-

pereur Ming se pend en 1644 à Pékin

alors que les attaques de l’armée

mandchoue se multiplient. C’est le

début de la suprématie mandchoue

sur l’Empire du Milieu, la naissance

de la dynastie Qing qui règnera

jusqu’en 1911. Pour les Han, l’ethnie

chinoise majoritaire, la domination

d’un peuple étranger fait figure d’in-

sulte. Les premières organisations se-

crètes apparaissent alors avec pour

volonté de remettre un des rares Ming

survivant sur le trône impérial. Dès

leur création, ces sociétés de l’ombre,

dont la survie passe par l’anonymat et

la discrétion les plus totales, abritent

donc de fortes revendications poli-

tiques. Elles s’articulent autour des

grandes villes, comme Shanghaï ou

Pékin, en cellules locales qui œuvrent

dans un but commun : éliminer l’en-

nemi mandchou et libérer l’empire.

La connotation politique est une spé-

cificité des organisations chinoises

qui va perdurer, jusqu’à l’émergence

des triades telles qu’elles existent

aujourd’hui. Après des décennies

d’existence difficile sous une domi-

nation mandchoue impossible à

contrer efficacement, elles vont renaî-

tre avec la proclamation de la Répu-

blique de Chine. Avec son entrée dans

l’ère moderne, la Chine se politise et

les partis se développent, comme le

Parti Communiste (PC), alors puis-

samment soutenu par le voisin russe.

La première action imputable à une

triade a lieu à cette période, en 1927,

lors du soulèvement du PC chinois.

La triade de la Bande Verte, dont le

chef était un riche commerçant en re-

lation avec les Français, alors nom-

breux dans le pays, fut « mandatée »

pour écraser la révolte. Sous la forme

d’une milice, elle réprima violem-

ment les émeutes, et assura la stabilité

de la présidence de Tchang Kaï-chek

qui, dit-on, aurait lui-même été intro-

nisé dans l’organisation.

Après la Seconde Guerre mondiale,

lorsque Mao s’opposa ouvertement à

Tchang Kaï-chek, les triades jouèrent

là aussi un rôle central. Mao s’assura

le soutien de nombreuses triades lo-

cales que la Bande Verte comme le

gouvernement furent bien incapables

de contrer. En 1949, lorsque la Répu-

blique Populaire de Chine est procla-

mée, les membres de la Bande Verte

s’enfuirent pour la plupart vers Hong

Kong et Taïwan où ils rejoignirent

des sociétés déjà puissantes comme la

Sun Yee On. Aujourd’hui encore,

cette association criminelle aux nom-

breuses activités de façade légales

passe pour être la triade la plus puis-

sante, regroupant quelque 40 000

membres à travers le monde.

Mais de nos jours, les triades sont

passées du statut de sujet des poli-

Les triades chinoises font partie des organisations criminelles les plus violentes et les mieuxstructurées. Comme au Japon, le tatouage est une étape incontournable.

La France, elle, abrite parmi sa communauté chinoisedes membres de la Sun Yee On et des Soleil Rouge

DR

Page 25: Repères 1

tiques à celui d’empereur. La Sun Yee

On, dirigée par les frères Huang,

contrôle une grande partie du cinéma

de Hong Kong et rackette allègre-

ment les producteurs. Idem pour le

marché du jeu à Macao, paradis des

mafieux chinois, où le «boss» des ca-

sinos Stanley Ho entretiendrait de très

étroites relations avec les membres de

la Sun Yee On et des 14K. « Leur

pouvoir est considérable car elles as-

sument un rôle d’interface entre la

sphère légale et la sphère crimi-

nelle», explique Roger Faligot, écri-

vain et journaliste auteur de L’Empire

invisible, les mafias chinoises. Le

pouvoir financier, et donc corrupteur

de structures comme la Sun Yee On

est colossal. Au niveau local, l’in-

fluence se fait d’autant plus lourde

que «des considérations comme l’ap-

partenance à une même région, voire

à une même famille entrent en jeu. Il

existe une très forte corruption des

gouvernements régionaux qui im-

plique des arrestations régulières de

politiques quand leurs liens avec les

criminels deviennent trop évidents»,

reprend-il. Mais les liens peuvent

aller beaucoup plus loin, comme en

témoigne l’auteur : « Parfois cela

mène à un véritable double jeu de la

part de représentants de l’Etat qui, à

la fois, travaillent sur le crime orga-

nisé au sens large, avec le concours

d’instances internationales, et font

partie ou entretiennent des relations

avec une organisation criminelle».

Prostitution, trafic de réfugiés, ate-

liers clandestins, salles de jeux illé-

gales, paris truqués, le tout sur fond

de corruption des pouvoirs locaux ; le

«modèle» chinois s’exporte au grand

dam de certains pays, Canada en tête.

Depuis plus de dix ans, l’Etat nord-

américain lutte contre les membres

du Cercle Rouge, une triade compo-

sée à la base d’anciens gardes rouges

expatriés. La France, elle, abrite

parmi sa communauté chinoise des

membres de la Sun Yee On et des So-

leil Rouge qui semblent particulière-

ment intéressés depuis quelques

années par le rachat des bars PMU

parisiens. Blanchiment d’argent ? Le

juge d’instruction du TGI de Paris,

Jean-Christophe Hullin, le soupçonne

et vient, à la suite d’une commission

rogatoire internationale, de partir en

Chine pour y mener son enquête.

Lesyakuzasjaponais

Dans le Japon d’aujourd’hui, les ya-

kuzas ou «yakouzes» selon le terme

péjoratif, semblent plus ne faire fi-

gure que de criminels à peine mieux

organisés que la moyenne, grande-

ment affaiblis par le plan anti-gang

mené par le gouvernement depuis les

années 90. Pour autant, les valeurs

autour desquelles les clans de yaku-

zas se sont formés perdurent, tout

comme leur influence dans les

sphères économiques et politiques.

« L’apparition des yakuzas résulte

de l’agrégation de deux grands

courants de hors-la-loi au XIXe siè-

cle : les bakutos (joueurs itinérants)

et les tekiyas (marchands itinérants

dont les produits étaient souvent

trafiqués ou volés) », raconte Jé-

rôme Pierrat, journaliste, spécialiste

français des yakuzas. A la chute du

shogunat Tokugawa en 1868 et avec

la restauration de l’ordre impérial,

de très nombreux samouraïs se re-

trouvent sans maître. Nombre de

ces rônins basculent dans la crimi-

nalité, sans renier pour autant le

code de la chevalerie qui fait leur

253 mars 2011

internationalMafias

Les neuf règles du ninkyôdô, le code de conduitedes yakuzas

1. tu n'offenseras pas les bons citoyens.

2. tu ne prendras pas la femme du voisin.

3. tu ne voleras pas l'organisation.

4. tu ne te drogueras pas.

5. tu devras obéissance et respect à ton supérieur.

6. tu accepteras de mourir pour le père ou de faire de la prison pour lui.

7. tu ne devras parler du groupe à quiconque.

8. en prison tu ne diras rien.

9. il n'est pas permis de tuer un katagari (personne ne faisant pas par-

tie de la pègre).

Le 20 avril 2002, les membres du Yamaguchi Gumi, le clan de yakuza le plus puissant duJapon, enterraient leur «boss», victime d’un règlement de compte.

japanfo

cus.o

rg

Page 26: Repères 1

26 3 mars 2011

international Mafias

honneur. Ils apportent alors aux orga-

nisations criminelles existantes cette

rigueur, ces codes qui font la réputa-

tion des yakuzas. Ce code, le nin-

kyôdô (voir encadré), assure la survie

des clans puisqu’il leur fait adopter

une conduite irréprochable assurant

leur discrétion.

«L’activité des clans a explosé dans

les années 80 avec la bulle écono-

mique qu’a connu le Japon. Avec ces

perspectives de profits, les yakuzas

sont passés de recouvreurs de dettes

à usuriers, de fournisseurs de main

d’œuvre à investisseurs immobiliers,

reprend Jérôme Pierrat. Ils sont pas-

sés du statut d’hommes de main,

quand le pouvoir et les Etats-Unis

leur laissaient carte blanche pour en-

diguer le communisme à partir de

1945, à celui d’acteurs ». Mais des

acteurs qui touchent également aux

domaines criminels : « Les clans se

font beaucoup d’argent avec les am-

phétamines (shabu) dont le Japon est

le premier marché au monde».

Le Japon abriterait encore environ

80000 yakuzas répartis en 25 organi-

sations mafieuses dont la plus puis-

sante : le Yamaguchi Gumi, est basé

vers la ville de Kobe. Son chef est en-

core aujourd’hui considéré comme le

boss suprême des yakuzas et l’in-

fluence locale de telles structures,

dont il faut s’offrir la « protection »,

se révèle incontournable. « Le pou-

voir des yakuzas réside aussi dans le

fait que des liens forts et des alliances

existent entre les clans. Tout comme

des instances de régulation internes

qui permettent de prévenir les conflits

entre clans ». Un moyen de s’accor-

der une discrétion toute salutaire alors

que le gouvernement leur mène la vie

dure.

Les«cartels»mexicains

Après la lutte anti-gang menée avec

un certain succès par Alvaro Uribe en

Colombie, avec le soutien des Etats-

Unis, les «cartels» les plus puissants

d’Amérique Latine se situent désor-

mais au Mexique. «Les organisations

criminelles mexicaines se sont déve-

loppées autour du trafic de drogue,

Les rues de Ciudad Juarez sont régulièrement le théâtre d’affrontements entre forces de l’ordre et membres des cartels mexicains. La ville estréputée pour être l’une des plus violentes au monde.

Associa

ted P

ress

Page 27: Repères 1

après la Seconde Guerre mondiale,

mais elles étaient dominées par les

cartels colombiens, analyse Jean Ri-

velois, chercheur à l’Institut de re-

cherche pour le développement et

spécialiste français des cartels mexi-

cains. A partir des années 90, avec la

chute du cartel de Cali et l’arresta-

tion de Pablo Escobar, les Mexicains

ont commencé à s’assurer le contrôle

de l’intégralité des routes de la

drogue. Des sites de production en

Amérique centrale jusqu’à la fron-

tière des Etats-Unis voire au-delà ».

Dans cette région du monde, c’est le

contrôle des routes qui confère de la

puissance à une organisation plutôt

qu’à une autre. Le Mexique se situe

entre les Etats-Unis et l’Amérique

centrale qui n’est qu’un long corridor

orienté Nord-ouest /Sud-est. Dominer

les voies d’acheminement de la

drogue revient à disposer d’une situa-

tion de quasi monopole et d’une

manne financière considérable. Selon

Jean Rivelois, « tout cela s’est déve-

loppé grâce au climat favorable ins-

tauré par le Parti Révolutionnaire

Institutionnel, au pouvoir jusqu’en

2000 ». Mais l’alternance politique

n’a pas amené d’amélioration nota-

ble, bien au contraire. Décidé à lutter

contre le fléau de la drogue, sur le

modèle adopté par la Colombie, le

président Felipe Calderón fait les

frais des graves crises économiques

qu’a connu le Mexique dans les an-

nées 2000. « La pauvreté amène le

trafic de stupéfiants à se développer

encore plus, reprend le spécialiste. Le

marché mexicain s’est alors diversifié

et il y a désormais autant de drogue

consommée au Mexique qu’exportée

aux Etats-Unis».

Les cartels profitent de cette situation

pour s’implanter d’autant plus pro-

fondément dans le tissu local. «Dans

certaines régions, comme à Ciudad

Juárez [ville du nord du pays située

juste à côté de la frontière américaine

et réputée pour être un point de pas-

sage de clandestins et de drogue,

ndlr], il existe des restaurants vides

en permanence. Un moyen comme un

autre de blanchir l’argent de la

drogue, détaille Jean Rivelois. La po-

lice s’achète facilement, à tel point

que le gouvernement doit envoyer

l’armée pour lutter contre les crimi-

nels. Une situation dont la popula-

tion, excédée par les violences,

souffre. Elle réclame d’ailleurs le re-

tour à des négociations ouvertes avec

les cartels». Mais traiter ouvertement

avec des criminels amènerait l’Etat à

hypothéquer définitivement son pou-

voir. Seul «espoir», que les différents

cartels finissent par s’entretuer dans

leur lutte pour la domination.

Le reste du monde enquelques motsSi les grandes heures de la Bratva, la

mafia russe, sont passées avec la fin

du mandat de Boris Eltsine, les in-

fluences douteuses, elles, perdurent.

Les richesses du pays sont entre les

mains de quelques oligarques par

l’intermédiaire de sociétés de premier

plan (Gazprom, Ioukos, Rosoboro-

nexport, etc.) dont d’ex-membres du

KGB, Vladimir Poutine le premier,

ne sont jamais loin.

Outre-Atlantique, les familles ita-

liennes expatriées aux Etats-Unis per-

pétuent la tradition. A New York, les

«cinq familles» continuent de diriger

dans l’ombre une partie des affaires

criminelles de la ville, malgré des

coups de filet policiers réguliers. Le

dernier en date a permis 127 arresta-

tions de membres présumés de la

Cosa Nostra en janvier dernier.

Quant à la France, amputée de son

«dernier parrain», Jacques Imbert, le

mystère plane concernant l’état de la

pègre marseillaise, très active dans

les années 80 et 90. Ses membres

n’apparaissent plus qu’épisodique-

ment dans les pages des faits divers,

souvent en tant que victimes de règle-

ments de compte. g

273 mars 2011

internationalMafias

Dans les années 20 et 30, Al Capone, parrain de la mafia de Chicago, était une figureincontournable du crime organisé aux Etats-Unis. Il siégeait au Syndicat national du crime.

Le dernier coup de filet a permis 127 arrestationsde membres présumés de la Cosa Nostra en janvier

MP

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Page 28: Repères 1

monde arabeinternational

3 mars 201128

L’éveildémocratique

Les révolutions tunisiennes et égyptiennes ont inspiré leurs voisins du Monde Arabe.Mais l’aspiration légitime à la démocratie ne pourra se faire qu’en fonction de l’his-toire de chaque pays. Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Histoire etprospectives.

Par Nadine Achoui-Lesage et Wilfried Corvo

Page 29: Repères 1

Le 17 novembre 2010

à Sidi Bouzid, en

Tunisie, Mohamed

Bouazizi, marchand

ambulant de fruits et

légumes, s’immole par le feu. Sa

marchandise avait été confisquée par

les autorités tunisiennes. C’est le

point de départ de la « révolution de

jasmin » en Tunisie. Ces révoltes ré-

vèlent l’éveil des populations face à

un pouvoir accaparé par les mêmes

dirigeants depuis plusieurs décen-

nies. Seuls Zine el-Abidine Ben Ali,

l’ancien président tunisien, entre la

vie et la mort en Arabie Saoudite, et

Hosni Moubarak, en Egypte, ont

cédé le pouvoir alors que Mouam-

mar Kadhafi, autoproclamé « chef et

guide de la révolution », résiste à la

révolte à son encontre en Lybie,

quitte à faire couler le sang de son

propre peuple. Kadhafi aura peut-

être moins de chance que Mahmoud

Ahmadinejad en juin 2009, dont la

répression avait calmé les ardeurs ré-

volutionnaires en Iran. Au fil des se-

maines, la vague de protestation est

amplifiée par un vent d’Ouest. La

contagion s’est maintenant répandue

jusqu’au Moyen Orient. Certaines

convergences dans les revendica-

tions sont notables entre les pays :

plus de liberté, plus de démocratie,

plus de partage des richesses. Mais

certaines divergences sont égale-

ment notables dans ces territoires

dans la nature-même des révoltes.

En Lybie comme au Yémen et au

Bahreïn, l’influence des tribus pour-

rait représenter une menace au pou-

voir. A travers ces protestations,

certains opposants aux régimes ac-

tuels revendiquent aussi plus de pou-

voir. Les cas de la Tunisie et de

l’Egypte sont déclencheurs, plus que

modèles. D’ailleurs, les dirigeants

encore en place jouent plutôt la carte

du dialogue et de la négociation pour

passer entre les mailles du filet. Ar-

rivée aux portes de la Syrie, la vague

révolutionnaire inquiète des monar-

chies inoxydables comme l’Arabie

Saoudite. g

monde arabe international

3 mars 2011 29

DR

Page 30: Repères 1

30 3 mars 2011

international monde arabe

Au Maroc, la royauté, symbole de l’unité du pays, n’est pas encore remise en cause.

Algérie, Maroc: L’impasse?

Faisant face à des contestations de masse,le Maroc et l’Algérie sont en plein boule-versement et gèrent de manière différenteles contestations, utilisant tantôt la force,tantôt l’écoute.

Par Nadine Achoui-Lesage

Les deux pays les plus

ouverts du Maghreb

ont gardé des liens

forts avec l’Europe

mais font face à des

difficultés sociales et économiques

profondes. En Algérie et au Maroc,

la richesse est clairement mal répar-

tie. L’Algérie, riche en pétrole, a un

excédent budgétaire de plus de

170 milliards de dollars. De son côté,

le Maroc affiche une croissance de

plus de 5 % chaque année. Un dyna-

misme qui en fait la cinquième puis-

sance économique d’Afrique avec un

PIB de 100 milliards de dollars.

Néanmoins, ces chiffres ne représen-

tent pas la réalité. A Alger, officielle-

ment, le taux de chômage est de

10 %, mais les inégalités géogra-

phiques prouvent qu’il atteint 40 %

dans certaines régions.

Peur des dirigeantsMême schéma au Maroc, avec des

régions pauvres, notamment celle

d’Al Hoceima ou le PIB par habitant

ne dépasse pas celui d’un pays

comme le Togo (152e en 2010 selon

le FMI). Abdelaziz Bouteflika, en

place depuis 1999 en Algérie, a

connu cinq jours d’émeutes depuis

janvier qui ont fait cinq morts. La

levée de l’état d’urgence, en place

depuis 19 ans, implique une baisse de

pouvoir de l’armée et l’autorisation

de manifester. Pour autant, l’armée

continue d’invoquer des raisons de

sécurité pour interdire ces rassemble-

ments. Résultat : le président algérien

a annoncé, le 22 février, des mesures

concernant le logement et l’emploi

pour tenter d’apaiser les insurgés.

Mohammed VI, aussi au pouvoir de-

puis 1999 au Maroc, mène la même

politique sociale pour calmer la rue.

Des manifestations sont prévues

quotidiennement et le chef de la po-

lice a annoncé qu’aucun membre

des forces de l’ordre « ne frapperaitun manifestant ». Dignité, liberté,

droit du travail, droit à la santé, les

revendications sont similaires. De-

puis la fuite de Zine el-Abidine Ben

Ali et celle de Hosni Moubarak, « lapeur a changé de camp, elle estmaintenant chez les dirigeants »,

souligne Salam Kawakibi, directeur

de recherche à l’Initiative de Ré-

forme Arabe.

IncertitudeLes deux voisins ont des spécificités

qui ne permettent pas de se projeter

sur un éventuel changement. « Bou-teflika n’a aucun pouvoir. Il a desprivilèges, mais tout le monde saitque l’armée détient le pouvoir, etque changer de président ne servi-rait à rien. C’est une dictature mili-taire qui utilise les élites civilespour diriger l’État. Ce sera plus dif-ficile en Algérie qu’en Tunisie », ex-

plique Lahouari Addi, Professeur à

l'Institut d'Etudes Politiques de

Lyon au journal Le Progrès. A Rabat

également, la refonte du système

n’est pas à l’ordre du jour. Salam

Kawakibi précise : « Le roi est en-core vu comme le symbole d’unitédu pays. Ce n’est pas en changeantle système qu’on aura une démocra-tie. En Libye, Kadhafi a renversé leroi… Et maintenant, ils ont Ka-dhafi ! ». Pas de bouleversement

prévu dans ces deux pays qui jouent

la carte de l’apaisement. g

Denompour

Page 31: Repères 1

«Dans le voyage démo-cratique, il y a tou-jours des lacunes. On

ne peut pas les résoudre par la vio-lence», clame Nasser Al Belooshi,

l’ambassadeur du Bahreïn. Pourtant la

police a sévi lors des manifestations

sur la place de la Perle de Manama.

Le 18 février, le prince héritier, Sal-

man Al Khalifa, a appelé le peuple et

les forces de l’ordre au calme. Le

Yémen et la Jordanie voient aussi leur

régime contesté. Comme en Lybie, les

différentes tribus et cultures dans ces

pays ont un poids qui peut ébranler le

pouvoir. Encore faut-il qu’il y ait un

pouvoir. «Le Yémen n’est pas vrai-ment un Etat-Nation. Avec le prési-dent Ali Abdallah Saleh, il n’y a pasde réel gouvernance», indique Frédé-

ric Encel, docteur en géopolitique.

Le pouvoir des opposantsPour garder le pouvoir, Mahmoud Ah-

madinejad a utilisé la répression en

Iran en juin 2009. Une autre mé-

thode : s’entendre avec les différentes

composantes de la nation. Mouammar

Kadhafi avait choisi cette méthode en

travaillant avec les tribus.

Au Bahreïn, elles sont plutôt favora-

bles à la famille Al Khalifa, dynastie

sunnite au pouvoir depuis 200 ans,

malgré une majorité de chiites dans le

royaume (70%). Mais Hassan Ma-

chaimaa, opposant chiite et leader du

MLD (Mouvement des libertés et de

la démocratie ) en exil au Liban, jugé

par contumace pour acte de terro-

risme, doit rentrer le 1er mars au Bah-

reïn. Il souhaite rejoindre la

contestation même s’il risque l’arres-

tation. Au Yémen, l’un des pays les

plus pauvres du monde, le peuple

multiplie les manifestations pour le

départ du président Saleh, qui ne se

présentera pas aux élections de 2013.

Le pouvoir n’a pu empêcher les

guerres civiles depuis la réunification

en 1990. En Jordanie, la population

manifeste pour obtenir des réformes

constitutionnelles. Le roi Abdallah II

a officiellement lancé la lutte contre la

corruption. «Le problème jordanientient plus du conflit israélo-palesti-nien et du manque de ressourcesnaturelles», explique cependant Fré-

déric Encel.

Manipulations et stratégiesBarack Obama protège les intérêts

américains. Il a, sans hésiter, envoyé

Michael Mullen, le chef d’Etat-major

des armées pour rassurer le Bahreïn.

«Une simple visite de courtoisie au

retour du roi Hamad II au pays »,

argue Nasser Al Belooshi. La cin-

quième flotte est présente dans le pays

depuis 63 ans. «Bahreïn est une zoneextrêmement intéressante pour sesressources en gaz», explique Frédéric

Encel. Un intérêt que l’Iran partage

même si l’entente n’est pas toujours

cordiale avec son voisin. Les tribus ne

veulent pas être inféodées au pouvoir

iranien, mais les opposants les plus

farouches pourraient le vouloir. Ah-

madinejad cultive encore la contradic-

tion. Il critique la répression excessive

et sanglante de Mouammar Kadhafi

en Lybie et a salué la révolte

égyptienne.

Au Moyen-Orient, la manière forte

n’est pas la solution pour les diri-

geants. Un choix stratégique qui pour-

rait leur permettre de garder le

pouvoir. Aux rois et chefs d’Etat de

composer avec cette fièvre démocra-

tique qui pousse chez leur population,

ou de se faire éjecter. g

313 mars 2011

internationalmonde arabe

Les dirigeants du Monde Arabe doivent maintenant dialoguer avec les tribus.

Magharebia

Factions, tribus, le réveildes contre-pouvoirs

En Tunisie et en Egypte, une population uniforme s’est élevée face à la dictature, réclamant ladémocratie et la liberté. Mais au Moyen-Orient, l’autorité des tribus leur confère un rôle depremier plan.

Par Wilfried Corvo

Page 32: Repères 1

C’est une révolution

sur fond de guerre

civile qui se dé-

roule actuellement en

Libye. Plusieurs fac-

teurs ont déclenché cette révolte qui

se transforme chaque jour un peu

plus en un bain de sang. « Même sil’indice de développement humainest élevé, les rentes pétrolières nesont pas généreusement réparties etle pays souffre de 30 % de chômage,et compte 10 % de la population

sous le seuil de pauvreté », explique

Saïd Haddad, maître de conférences

à Saint-Cyr. A cela s’ajoute une

prise de conscience collective nour-

rie par un ras-le-bol général.

Depuis 42 ans, le colonel Kadhafi

est à la tête de la Jamahiriya arabe

libyenne, les facteurs socio-écono-

miques et l’ouverture de la jeunesse

sur le monde, poussent le pays dans

un chaos. « Le système politique li-byen a évolué différemment des au-tres de la région. Kadhafi s’obstine

dans une démarche africaine, soli-taire, souligne Driss Abbassi, cher-

cheur associé à l’Institut de

Recherche et d’Etude sur le Monde

Arabe et Musulman (IREMAM) et

historien. On est face à un décalageénorme entre un système politiquesclérosé et le peuple qui évolue versla démocratie ».

Seulement, le colonel Kadhafi

compte sur ses alliés pour rester en

place face à une foule qui ne déco-

lère pas. « Il y a une diversité des

32 3 mars 2011

international monde arabe

Depuis le 13 janvier, la contestation libyenne grandit. Des villes entières sont tombées du côtédes insurgés. Mouammar Kadhafi a promis qu'il « se battrait jusqu'à la dernière goutte de sang».

Par Nadine Achoui-Lesage

DR

Libye : l’impossible fin?

Page 33: Repères 1

forces de frappe du colonel. Dans safermeté il peut compter sur l’armée,même si cette dernière est moins or-ganisée qu’ailleurs dans la région,mais surtout sur sa garde rappro-chée et les mercenaires qu’il faitvenir d’Afrique », commente Del-

phine Perrin, chercheur au CARIM

(Consortium Euro-méditerranéen

pour la recherche appliquée sur les

migrations internationales) et à l’Ins-

titut européen de Florence.

Les mercenaires sont arrivés en

masse de divers pays africains

comme le Tchad, pays anciennement

annexé par Kadhafi, mais également

du Nigéria. Certains sont aussi issus

des tribus libyennes restées fidèles au

Livre vert. Ils seraient environ 30000

hommes armés selon les estimations

de l’ONG Human Rights Solidarity.

Disséminés dans tout le pays, princi-

palement à l’Est, ils forment l’ancien

réseau du colonel. Historiquement

proche de lui, ils s’en prennent à la

population à l’intérieur même des hô-

pitaux et n’hésitent pas à tirer dans la

foule contre de l’argent.

Une fin peu prévisible Plusieurs scénarios sont possibles

pour définir la suite de ce mouve-

ment sanglant. « Soit le régime, dansun bain de sang, écrase les manifes-tations. Soit la communauté interna-tionale s’en mêle notamment auniveau pétrolier - qui représente 80%des revenus de l’Etat - en coupant lerobinet de l’or noir, ce qui pourraitébranler les plans du colonel », ex-

plique Saïd Haddad. Cependant, Ka-

dhafi possèderait 200 milliards de

dollars de réserve et de placements

à l’étranger.

Pour l’heure les analystes restent

sceptiques sur la tournure des événe-

ments : «Dans son discours, Kadhafia été très clair en annonçant uneguerre civile. Je ne vois pas le colonelpartir, ce n’est pas dans sa nature. Etmalheureusement je ne vois une suiteque dans la violence», souligne Del-

phine Perrin. Les discours se multi-

plient et semblent de plus en plus

violents et surréalistes, où les libyens

sont traités de « drogués » agissant

sous la coupe de Ben Laden.

Des scénarios sur fond d’incertitude

et une communauté internationale

fébrile ne permettent pas, à l’heure

actuelle, de se projeter sur l’issue du

conflit. « Kadhafi joue la carte duchantage, on est donc dans une pé-riode de conditionnalité migratoire.Mais tout est possible dans lemonde arabe. La Tunisie et l’Egypteen sont la preuve actuelle », conclut

Saïd Haddad. g

333 mars 2011

internationalmonde arabe

Kadhafi cherche à reprendre la main sur l’est du pays, actuellement aux mains des rebelles.La ville d’Ajdabiyâ est la cible de bombardements.

«Kadhafi possèderait 200 milliards de dollars deréserve et de placements à l’étranger»

Tunisie : l’après 

Débarrassée depuis le 13 janvier de Zine el-Abidine Ben Ali, qui 

détenait le pouvoir depuis 23 ans, la Tunisie offre aujourd’hui la

preuve formelle qu’un peuple peut se soulever pour renverser un

système inégalitaire et dictatorial. 

nouveau rebondissement à tunis, ou les manifestations continuent pour

éradiquer tous les membres du rdC, le parti de l’ex président ben ali.

le premier ministre, mohammed Ghannouchi a démissionné dimanche

27 février sous la pression de la rue. C’est maintenant à béji Caïd essebsi,

réputé pour être libéral, et plusieurs fois ministre sous la présidence

d’Habib bourguiba, de mener le pays jusqu’aux élections, prévues

mi-juillet.

entre ennahba, le parti islamiste, les membres du rdC toujours en poste

et les autres, les élections s’annoncent confuses. les manifestations se

poursuivent et cinq personnes ont été tuées par les forces de l’ordre le

week-end du 26 février. mais aux yeux du monde arabe, la tunisie de-

meure ce pays qui a insufflé le vent de la révolution, celui par qui « tout

est devenu possible ».

Page 34: Repères 1

34

Page 35: Repères 1

35

Page 36: Repères 1

Conseillers territoriaux:Deux élus en un

La course au remanie-

ment est lancée. Pas

pour le gouvernement

non, mais bien pour les

politiques locaux. Les

conseillers territoriaux - fonction-

naires hybrides mi-conseillers géné-

raux et mi-conseillers régionaux -

devraient faire leur apparition en

2014. Les élections cantonales de la

fin du mois seront donc les dernières.

Gros chantier pour le gouvernement

qui s’attire les foudres des concernés

depuis le début des propositions.

Vingt motions ont déjà été mises à

plat par l’ancien Premier ministre

Edouard Balladur, aidé d’un comité

chargé d’établir de nouveaux objec-

tifs liés à la réforme territoriale. Le

but : réduire le nombre d’élus locaux

à 3000. Avec 5917 conseillers régio-

naux et généraux pour 63 millions

d'habitants, la France détient jusqu’ici

le record du monde dans le domaine.

Le gouvernement l’affirme : il n’y

aura pas de suppression de postes.

Pourtant, en fusionnant deux fonc-

tions en une, il y aura forcément un

sacrifice d’élus. Trêve de sentimen-

talisme pour le gouvernement qui fait

la sourde oreille. Le premier volet de

la loi, voté le 16 février 2010, a per-

mis d’organiser les deux élections de

mars 2010 pour les conseillers régio-

naux puis pour les cantonales des 20

et 27 mars 2011. Il a ainsi fait

concorder leur fin de mandat, laissant

place à l’élection des conseillers ter-

ritoriaux dans trois ans. Une ordon-

nance définira ensuite leur dispersion

dans les cantons. La première propo-

sition met déjà les points sur les « i » :

la loi devra favoriser les regroupe-

ments volontaires de régions pour en

réduire le nombre à une quinzaine au

lieu de vingt-deux.

Dossier épineuxPourquoi cette réforme - que la plu-

part des électeurs ne remarquera

même pas - des collectivités territo-

riales ? «Pour simplifier le système

administratif français tout en renfor-

çant la démocratie locale», dixit le

gouvernement. Entre les villes, les

communautés d’agglomération, les

cantons, les départements et les ré-

gions, cela devenait en effet un peu

compliqué. L’Etat s’est rendu

compte que les Français ne compre-

naient rien à qui faisait quoi, et ne sa-

vaient même pas s’ils devaient se

tourner vers la région ou la « com-

munauté de communes » pour faire

construire une sanisette pour chiens

dans leur quartier. Avec cette ré-

forme, finalement, ils ne sauront tou-

jours pas. Il restera des élus à la ville

et aux inter-communes en plus des

conseillers territoriaux. Et puis sur-

tout, toutes ces collectivités, mises

bout à bout, coûtent quand même

bien plus cher qu’un bon bourgmes-

tre des familles. «Entre  2003  et

2007, les dépenses locales ont aug-

menté de 40 milliards d’euros, soit

six fois le budget de la Justice», s’in-

surge Luc Chatel, alors porte-parole,

le 26 octobre 2009. Parmi les chan-

gements prévus, outre l’apparition

du conseiller territorial, les com-

munes vont devoir également,

36 3 mars 2011

Politique Cantonales

La réforme territoriale n’est pas encore en vigueur - elle arrivera dans nos régions en 2014 -et, juste avant les cantonales, elle suscite déjà l’inquiétude des élus de gauche comme de droite.

Par Eléonore Quesnel et Audrey Loussouarn

Les dernières élections cantonales du 20 et 27 mars laisseront place aux «super-conseillers»dits territoriaux.

DR

Des élus certes deux fois moins nombreuxmais deux fois plus puissants

Page 37: Repères 1

373 mars 2011

PolitiqueCantonales

toutes, se fédérer en inter-com-

munes. La partie « conseiller territo-

rial » sert donc à rapprocher région et

département : il ne s’agit en aucun

cas de supprimer un échelon, comme

cela aurait pu être fait. Une loi sera

édictée pour définir les compétences

de chaque collectivité, car s’il n’y

aura plus de conseillers généraux ni

régionaux, il subsistera tout de même

un Conseil général et régional.

Départ d’unfonctionnaire sur deuxAvec la réforme des collectivités ter-

ritoriales, il n’y aura donc plus de

conseillers généraux et régionaux,

mais uniquement des conseillers ter-

ritoriaux. Des presque 6 000 élus, il

n’en restera plus que 3 000 en 2014,

dans la pure lignée du non-rempla-

cement d’un fonctionnaire sur deux.

Au service de presse de l’Etat de se

justifier tant bien que mal : «Des

élus  certes  deux  fois  moins  nom-

breux  mais  deux  fois  plus  puis-

sants ». Un peu comme la lessive

Skip. Les survivants siégeront aussi

bien au Conseil général qu’au régio-

nal. Ils devront donc gérer à la fois

les dossiers départementaux et régio-

naux, ce qui n’est pas forcément une

mauvaise idée en soi. «Ce  nouvel

élu développera à la fois une vision

de proximité du fait de son ancrage

territorial et une vision stratégique

en raison des missions exercées par

la  région, énumérait au Sénat un

Brice Hortefeux enthousiaste lors de

la présentation de la loi. Sa connais-

sance  du  mode  de  fonctionnement

des structures des deux collectivités,

de leurs compétences respectives et

de  leurs  modalités  d'interventions

juridiques, techniques et financières,

lui permettra tout naturellement de

favoriser  une  articulation  plus

étroite de leurs interventions respec-

tives afin d'éviter les actions concur-

rentes ou redondantes sur un même

territoire».

Pourtant, chacune des deux collecti-

vités a des fonctions bien précises et

ne marche pas, en théorie, sur les

plates-bandes de l’autre. Au départe-

ment incombent, l’aide sociale,

l’éducation (collèges), la voirie, la

culture, etc. A la Région, le dévelop-

pement économique, le tourisme,

l’éducation (lycées), l’aménagement

du territoire... «Les dépenses redon-

dantes, les actions rivales seront sup-

primées.  Les  projets  cohérents,  les

économies d'échelle, les complémen-

tarités  systématiquement  recher-

chées», détaillait Nicolas Sarkozy en

octobre 2009. Faire des économies,

pourquoi pas, mais pour certains, ce

ne sera pas vraiment le cas. Pour

Lydie Autreux, conseillère générale

de Seine-et-Marne, si les conseillers

seront deux fois moins nombreux

Ces conseillers généraux des Ardennes, élus en 2008, ne connaitront pas tous une métamorphose en conseillers territoriaux. Des presque 6 000élus sur l’ensemble du territoire, il n’en restera plus que 3 000 en 2014.

DR

Page 38: Repères 1

38 3 mars 2011

Politique Cantonales

qu’aujourd’hui, ils seront aussi

mieux payés. Selon elle, ces élus pas-

seront beaucoup moins de temps

« sur le terrain », dans leur départe-

ment, que les actuels conseillers gé-

néraux, implantés dans les cantons

(lire l’interview en page 37).

Cumul des mandats,anticonstitutionnel?Mais le regroupement des conseillers

ne risque pas de passer tout à fait ina-

perçu. Déjà en janvier 2010, le projet

de réforme a engendré des réticences.

Le secrétaire d’Etat aux collectivités

territoriales Alain Marleix avait pré-

senté un premier jet de la loi qui pré-

voyait l’élection de 80 % des

conseillers au scrutin uninominal à un

tour, et les 20% restants à la propor-

tionnelle intégrale. Durée du mandat :

six ans. Un partage qui permettrait de

mettre en avant la majorité tout en

donnant une chance aux partis mino-

ritaires. Ce scrutin mixte peut permet-

tre, selon Laurent Fabius, ancien

membre PS du conseil général de

Seine-Maritime, «qu’une liste ayant

recueilli au niveau régional moins de

votes qu’une autre, puisse néanmoins

recueillir  plus  de  sièges  qu’elle».

Cette idée a vite été critiquée par le

Conseil d’Etat, qui l’estime anticons-

titutionnelle. Le but était de cumuler

les vertus du mode de scrutin majori-

taire et du mode de scrutin propor-

tionnel. Mais les deux semblent

incompatibles puisque d'un côté le

scrutin majoritaire à un tour favorise

le bipartisme alors que de l'autre, le

scrutin de liste favorise le pluralisme.

Autre point contesté dans cette propo-

sition, la fin des triangulaires au se-

cond tour. Pour l’UMP, elles ont

participé à sa défaite aux anciennes

élections. Pour cause, le scrutin s'est

joué entre trois candidats dans dix-

sept régions. 200 députés proches de

Jean-François Copé avaient soutenu

cette idée. Le gros problème de la ré-

forme reste le cumul des mandats. La

loi stipule qu’un élu peut exercer deux

fonctions mais pas plus. Alors un

maire pourra-t-il être à la fois conseil-

ler général et régional ou le poste de

conseiller territorial sera-t-il considéré

comme un seul mandat avec deux fois

plus de responsabilités? Le principe

de «double mandat» avait été proposé

par le député Lionel Tardy (UMP).

Détail douteux, après un vote à main

levée en Assemblée, la députée Cathe-

rine Vautrin (UMP) a refusé d’exposer

le résultat du comptage. La réforme

est donc loin d’être bouclée.

Quoi qu’il en soit, les bureaux de

vote risquent d’être bien vides les di-

manches 20 et 27 mars prochains,

les élections cantonales étant isolées.

En effet, elles sont d’ordinaire cou-

plées avec les municipales. Et même

dans ce cas de figure, ce n’est pas la

bousculade devant les urnes. En

2008, l’abstention avait été de

44,55 %. Enjeu primordial de ces

élections : si la gauche obtient la ma-

jorité dans les départements français,

elle obtiendra le Sénat. De quoi dé-

stabiliser l’UMP pour 2012. g

Les Conseils généraux financent le sport et la jeunesse, comme ici le skate-park de Chellesen Seine-et-Marne.

Ele

onore

Quesnel

Communautés de communes sur tout le territoire

quid des super-villes, obscurs conglomérats de communes voulus par

Jean-Pierre Chevènement, auxquelles les électeurs ne comprennent pas

grand chose ? avec la réforme des collectivités territoriales, pas question

de supprimer les communautés de communes. il s’agit au contraire de

les renforcer. le 1er janvier 2014, la « carte de l’intercommunalité » sera

achevée et nombre de syndicats redondants, supprimés. Pour renforcer

la démocratie locale, les électeurs voteront pour leurs représentants

communautaires aux élections municipales, ce qui devrait éviter une

abstention massive. quant aux collectivités appelées « pays » - les ancê-

tres des communautés de communes, créés en 1995 -, il ne s’en érigera

plus, dans un souci de modernisation du territoire. les quelques cen-

taines de « pays » actuels continueront néanmoins d’exister.

Page 39: Repères 1

393 mars 2011

PolitiqueCantonales

«Le contact avec leshabitants n'existera plus»

A quoi ressemble la journée « type » d'une

conseillère générale ?

Tous les lundis matin, nous avons une réunion à Melun [au

sud de la Seine-et-Marne, ndlr], avec le président du

Conseil général, le vice-président, les conseillers de la ma-

jorité et la direction adjointe. Une fois par mois, nous

avons des commissions avec l’opposition, sur la solidarité,

l'environnement, les transports, la culture, le sport, etc.

Nous allons aussi aux réunions des conseils d’administra-

tion des collèges ou des théâtres avec lesquels nous tra-

vaillons. Nous nous rendons également aux tables rondes,

inaugurations, brocantes, lotos, salons, compétitions, mai-

sons de retraite, etc. Et nous recevons les habitants qui sou-

haitent parler de leurs problèmes. Il y a donc beaucoup de

route, et on est pris tous les jours.

Comment conseils général et régional se partagent-ils

les tâches?

Le Département s'occupe principalement de l'action so-

ciale, c'est-à-dire du RSA (Revenu de Solidarité Active),

des personnes âgées, de la petite enfance, de la protec-

tion maternelle infantile (PMI), des routes, de l’emploi,

du sport, de la culture, du personnel d'entretien des col-

lèges et des projets pédagogiques. Tandis que l'entretien

et la restauration des collèges relèvent de la Région.

Mais nous nous occupons conjointement des transports

en commun, avec le STIF (Syndicat des Transports

d’Ile-de-France).

Le conseiller général est-il plus proche des habitants

que le conseiller régional?

Oui, le conseiller régional est à Paris, tandis que nous

sommes dans le département. Notre rôle, c'est d'être à

l'écoute des habitants.

Que pensez-vous de la disparition des conseillers tels

que nous les connaissons au profit des conseillers

territoriaux?

Ils ne feront que des réunions, ça n'aura pas d'intérêt. Ils

seront principalement à Paris, donc le contact direct avec

les habitants n’existera plus. Ici, les Chellois ne savent

pas qui sont leurs conseillers régionaux, tandis que nous,

ils nous connaissent, car le Conseil général est basé dans

le canton, et que nous sommes là pour les aider. Le

Conseil général n'existera plus, et il n'y aura plus per-

sonne sur le terrain. Dans les zones rurales, cela se verra

beaucoup plus. Le risque est que les gens ne sachent plus

vers qui se tourner. Que l'on croise les compétences de

chacun, en mêlant département et région, pourquoi pas,

mais pas comme ça. En plus, ça ne fera pas faire d'éco-

nomie, au contraire. Certes il y aura moins de conseil-

lers, mais ils seront mieux payés.

Pour Lydie Autreux, conseillère générale du canton de Chelles (77), la disparition des conseil-lers généraux et régionaux au profit du conseiller territorial est une mauvaise chose. Selonelle, ce nouvel élu n’aura pas le temps d’entendre les doléances des citoyens.

Propos recueillis par Eleonore Quesnel

Lydie Autreux, conseillère générale de Seine-et-Marne depuis2008, est chargée des personnes âgées et de la santé publique.

«Le risque est que les gens nesachent plus vers qui se tourner»

DR

Lydie Autreux, conseillère générale (PS) du canton de Chelles (77)

Page 40: Repères 1

«C’est une réforme né-

cessaire et certains

points qu’elle aborde

sont très positifs, attaque sans hésiter

Céline Braq, directrice adjointe de

l’institut de sondage BVA Opinion.

Des affaires comme celle des son-

dages de l’Elysée, actuellement trai-

tée par la justice, jettent le discrédit

sur la profession. Demander à ce que

les identités des commanditaires et

des payeurs des sondages soit ren-

dues publiques est une règle de base

qui aurait dû être appliquée depuis

bien longtemps». Cette question de la

transparence de l’identité des acteurs

d’une enquête d’opinion est en effet

au centre de la proposition du séna-

teur UMP Hugues Portelli, qui avait

porté le projet en octobre dernier.

Eviter toute compromission, rega-

gner la confiance de l’opinion pu-

blique et des clients, voilà les enjeux

de cet ajustement législatif pour les

instituts de sondage sérieux. BVA,

Ipsos, TNS Sofres, LH2 et les autres

ont en effet tout intérêt à jouer le jeu.

La valeur commerciale d’un sondage

se détermine notamment par sa per-

tinence. Les médias, les entreprises,

les partis politiques, sont aussi

friands de telles enquêtes pour l’ap-

pui qu’elles apportent à une théorie

en démontrant qu’elle reflète l’opi-

nion majoritaire. « Les sondages ser-

vent fréquemment à donner un vernis

de crédibilité à une thèse » explique

Antoine Guiral, chef du service poli-

tique de Libération. Si cette crédibi-

lité disparaît, le sondage devient

inutile, qu’il s’agisse d’enquêtes po-

litiques publiées par les médias (plus

de 1 000 par an) ou d’études com-

mandées par des entreprises privées.

Confusion des genresMais pour Céline Braq, ce n’est pas

le seul disfonctionnement que la pro-

position, adoptée à l’unanimité par

les sénateurs le 14 février dernier,

corrigera : «Elle devrait permettre de

clarifier l’appellation même de son-

dage. Aujourd’hui, il existe des sites

internet qui se contentent de poser

des questions en ligne et de récolter

les votes des visiteurs tout en appe-

lant cette pratique « sondage». Il y a

confusion entre le travail des instituts

et ces pratiques». Des pratiques qui,

en effet, se rapprochent plus de l’ex-

40 3 mars 2011

politique enquête

La position du Sénat sur la proposition de loi s’oppose à celle du gouvernement qui ne voit pas d’un bon oeil cette possible future réforme.

DR

Sondages : un ajustement nécessaire?

La proposition de loi sur les sondages, adoptée à l’unanimité par le Sénat le 14 février dernier,prévoit un encadrement plus strict et une meilleure transparence des enquêtes d’opinion. Enl’état, elle convainc pourtant inégalement les acteurs du monde politique.

Par Pascal Golfier

Page 41: Repères 1

pression populaire que de l’enquête

d’opinion. Pour autant, si le sondage

«est indispensable à la démocratie»

selon les termes de Céline Braq, l’ex-

pression populaire en est également

un fondement.

Et c’est bien là le nœud de la polé-

mique. Le sondage revêt-il vraiment

cette notion de reflet de l’opinion du

peuple ou peut-il être manipulé,

orienté, voire truqué ? « En fonction

de la tournure de la question, on peut

constater des variances de 10 points

dans des sondages qui traitent du

même sujet» reprend Antoine Guiral.

Un des derniers exemples en date : les

consultations lors des grèves qui ont

amené à la pénurie d’essence d’octo-

bre dernier. Au plus fort des manifes-

tations, 56 % des français interrogés

réclamaient la fin des blocages si la

réforme des retraites était votée à

l’Assemblée. Au même moment, une

autre enquête stipulait qu’ils étaient

54 % à se dire en accord avec les

revendications des syndicats. D’un

côté, on semble détacher une ten-

dance favorable au gouvernement,

de l’autre une tendance favorable

aux syndicats.

Autre problème lors de la constitution

de l’échantillon interrogé. Dans un

billet d’humeur, Bastien François,

professeur de science politique à

l’Université Paris I Panthéon-Sor-

bonne, explique que lors des démar-

chages téléphoniques, une personne

sur dix, au mieux, prend le temps de

répondre aux questions. Les son-

deurs, pris par le temps, peuvent se

retrouver à traquer littéralement le

volontaire, peu importe sa catégorie

sociale ou sa tranche d’âge. Pierre

Martin, politologue et enseignant

à l’Institut d’Etudes Politiques de

Grenoble, rebondit : « Le concept

d’échantillon ne veut rien dire. Ils

sont artificiels, fabriqués selon des

quotas. Si l’on respectait des règles

statistiques, les per-

sonnes interrogées de-

vraient être tirées

complètement au sort».

ScientifisationOr pour Pierre Martin, la

proposition de loi du sé-

nateur Hugues Portelli

renforce cette volonté de

scientifiser l’enquête

d’opinion alors même

que cela est impossible.

« Si les gens apprécient

tellement les sondages,

c’est qu’ils répondent à

un besoin naturel de

savoir ce qu’il va se pas-

ser, reprend le spécia-

liste. On réclame aux

instituts un travail d’ora-

cle, de prédiction, qui

par définition ne peut

pas être scientifique. Il

faut parfaitement discer-

ner les notions de « sé-

rieux» et de « scientifique» qui n’ont

rien à voir. Si les sondages ont re-

cours aux statistiques et aux mathé-

matiques qui sont des sciences, ils

restent artisanaux. La proposition de

loi actuelle confond ces deux notions

en voulant afficher des marges d’er-

reurs calculées par avance, qui ne

pourraient être que fausses».

Par ailleurs, l’interprétation même

faite des sondages est sujette à cau-

tion. Un exemple : la fourchette de

probabilité. Lorsqu’une enquête rap-

porte qu’un candidat à une élection

remporterait entre 16 % et 20 % des

voies, la pensée première est de se

dire qu’il y a une forte probabilité que

le score de ce candidat soit de 18%.

Alors qu’en réalité, chaque score

compris entre 16 % et 20 % a autant

de chances d’être réalisé. Une four-

chette à laquelle doit encore s’ajouter

une éventuelle marge d’erreur. A par-

tir de ce même sondage, il est donc

autant possible de prédire un résultat

de moins de 15 % pour les « pessi-

mistes» ou de plus de 20% pour les

« optimistes ». Selon Pierre Martin,

c’est justement cette analyse qui peut

influencer le résultat d’une élection :

«Les sondages pré-électoraux n’im-

pactent pas directement le public car

il n’est majoritairement pas intéressé

par la politique et ne s’interroge pas

à l’avance. Mais les politiques et les

médias sont très sensibles à ces ques-

tions. Or ce sont eux qui commandent

les enquêtes, en diffusent les résul-

tats, et bénéficient en plus d’une in-

fluence sur l’auditoire».

Plus qu’une loi sur la transparence,

c’est donc vers une meilleure utili-

sation de ces sondages que les ef-

forts doivent se porter. Puisque

lorsque le sociologue français Pierre

Bourdieu écrivait en 1972 « l’opi-

nion publique n’existe pas », c’est

bien parce qu’il démontrait déjà

qu’elle était créée de toute pièce par

d’autres acteurs qui faisaient des en-

quêtes leur outil de légitimation. g

413 mars 2011

politiqueenquête

Hugues Portelli (UMP) a porté le proposition de loidevant le Sénat en octobre dernier.

«Si l’on respectait des règles statistiques, lespersonnes interrogées seraient tirées au sort»

DR

Page 42: Repères 1

42 3 mars 2011

economie argent public

En quête d'une fiscalité équitable

Le bouclier fiscal ou l'ISF font partieintégrante des débats sur la fiscalitéces derniers mois. Pour le gouverne-ment, l'enjeu est d'autant plus im-portant que ses propositions vontquasiment déterminer les résultatsde la présidentielle en 2012.

Par Audrey Loussouarn

Fiscalité rime-t-elle avec

équité ? Pas toujours. Et

même si souvent l'équité

amène à l'égalité, le sys-

tème fiscal français dé-

roge parfois à un de ces trois

principes de liberté, d’égalité et de

fraternité. La question est d'autant

plus importante aujourd'hui qu'elle

remet en cause certaines idées de la

République, si chères aux deux ad-

ministrations qui calculent et encais-

sent les impôts. Au cœur même de

ces bureaux, la notion de privilège

fait pourtant peu à peu son nid et

amène à des révoltes internes. Pour

cause, le centre des impôts et le tré-

sor public ne devraient plus tarder à

ne faire qu'un. Le contribuable n'au-

rait alors plus aucune garantie d'im-

partialité si une même administration

chapeautée par Bercy examinait ses

déclarations d'impôts et récoltait ses

prélèvements. Pire encore, les plus

favorisés en matière de revenus pour-

raient être la cible de prélèvements

supplémentaires. « C’est du clienté-

lisme fiscal qui va à l’encontre des

origines de l’impôt, celles qui pré-

voient une égalité pour tous les ci-

toyens », dénonce Vincent Drezet,

secrétaire général du SNUI (Syndicat

National Unifié des Impôts). Pour-

tant, ce n'est pas faute d'essayer. La

loi de finances 2011 tente de suppri-

mer certains avantages fiscaux en

mettant en place une limitation des

exonérations jugées source de niches

fiscales (suppression des indemnités

DR

Page 43: Repères 1

de départ volontaire à la retraite et

des indemnités d’accident du travail).

Bercy entreprend de réduire ses dé-

penses mais pas seulement. Le minis-

tère des finances a augmenté depuis

janvier dernier les taxes sur les hauts

revenus, sur les plus-values mobi-

lières et sur les revenus de place-

ment. Mais cela suffit-il à résoudre

entre autres le problème des niches

fiscales souvent occasionnées par un

heureux hasard dans le calcul des im-

pôts ? Pas tout à fait puisque le sujet

du bouclier fiscal n'a toujours pas été

mis réellement à plat. Pour Vincent

Drezet, il faut « arrêter d’avoir peur

de taxer les plus riches en retirant le

plafonnement des taxes et en appli-

quant cette idée aux niches fiscales ».

Il ajoute que « même avec une bonne

réforme, la détaxation sera toujours

un problème ». Selon lui le gouverne-

ment vise à retenir les probables ex-

patriés fiscaux en leur offrant une

réforme de défiscalisation. « Seule-

ment, le gouvernement n’a étudié que

les départs dus à l’apparition de

l’ISF. Rien ne montre que les entrées

sur notre territoire sont moins fré-

quentes et que l’impôt repousse les

riches étrangers », dénonce-t-il.

Entre visées électorales et réforme

républicaine adéquate, le choix sem-

ble vite fait pour le gouvernement.

Pour mettre toutes les chances de son

côté à la présidentielle de 2012, Ni-

colas Sarkozy devra proposer avant

la fin de son mandat une réforme

juste et équitable. Seulement à trop

vouloir faire vite, le gouvernement

pourrait de nouveau bâcler une ré-

forme aux enjeux structurels lourds.

Bouclier fiscal, rempartà la CSGSous pression des manifestants contre

la réforme des retraites, la ministre de

l'économie Christine Lagarde avait dû

rassurer les Français en affirmant, le

17 novembre dernier sur LCI vouloir,

«supprimer, et l'impôt sur la fortune,

et le bouclier fiscal» en les rempla-

çant par «une fiscalité qui, au lieu de

peser sur le patrimoine, pèsera sur les

revenus du patrimoine et les plus-va-

lues réalisées sur le patrimoine». Et

c'est bien là le problème. Le bouclier

fiscal plafonne actuellement le mon-

tant des impôts acquittés annuelle-

ment par un même contribuable à

50% de ses revenus déclarés. Seule-

ment, ce dernier en vient à s'exonérer

de certaines taxes de solidarité grâce

à un système de calcul singulier. Le

centre des impôts compte, grâce aux

déclarations de revenus d'un contri-

buable, le montant des impôts qu'il

doit régler. Par exemple, s’il paie

6000 euros alors qu'il en gagne

10000, le bouclier fiscal lui permettra

de se faire rembourser 1000 euros. Et

dans ce cas, c'est la CSG (Contribu-

tion Sociale Généralisée) qui trinque.

La taxe, introduite par Michel Rocard

en 1990, est comprise dans le calcul

du bouclier fiscal alors qu'elle n’a que

des vocations sociales et qu'elle se

calcule de manière proportionnelle

aux revenus.

La fin du bouclier fiscal ne devrait

donc pas affaiblir les recettes de

l'Etat, au contraire. Dans une propo-

sition de loi exposée au Sénat le 12

mai 2010, Jean-Louis Masson révé-

lait que « douze bénéficiaires du bou-

clier fiscal ont bénéficié chacun

d'une restitution moyenne de 7,7 mil-

lions d'euros en 2009. Pour les cent

premiers bénéficiaires, la restitution

moyenne est de plus de 1,8 million

d'euros par contribuable ». En un an,

le gouvernement devra donc travail-

ler sur une réforme basée sur des

principes d'équité, en diminuant les

inégalités entre les plus riches et les

plus pauvres. En termes de stratégie

politique, aucun électeur ne doit être

dénigré. C'est à partir de là que l'ISF

(Impôt de Solidarité sur la Fortune)

devra également être revu. Pour

Vincent Dezet, « non seulement, c’est

une politique couteuse mais en

plus c’est 1,2 milliards d’euros de

manque à gagner ». De quoi dissua-

der le gouvernement de bafouer une

certaine idée de l’impôt citoyen. g

433 mars 2011

economieargent public

Les réformes fiscales constituent un enjeu majeur pour le gouvernement, dans l’optique de la présidentielle de 2012.

«Même avec une bonne réforme, la détaxationsera toujours un problème»

DR

Page 44: Repères 1

44 3 mars 2011

ECONOMIE ENQUÊTE

Les assurances-vierestent lettre morte

Entre un et cinq milliards d’euros, les assurances-vie en déshérence qui ne sont pasrestituées aux bénéficiaires font fantasmer. Détournements selon les avocats défen-seurs des épargnants, pas de transparence selon les sociétés privées. Les pouvoirs pu-blics n’ont pas d’autre choix que de déblayer ce sujet sur fond de scandales, véritableniche à arnaques.

Par Benoît Magistrini

Les assurances-vie ont

toujours la cote, mais

reposent sur un lit d’ar-

naques. Portés par un

régime fiscal avanta-

geux, les contrats de ce produit de

gestion patrimonial représentent un

encours de 1 343 milliards d’euros

pour 22 millions de contrats en jan-

vier 2011 selon les chiffres de la

FFSA (Fédération Française des So-

ciétés d’Assurances) et du GEMA

(Groupement des Entreprises Mu-

tuelles d’Assurance), soit plus de la

moitié des produits d’épargne longue

des ménages. Une manne importante

souvent stigmatisée par les associa-

tions de défense des épargnants

lorsqu’il s’agit de parler d’abus en

tout genre. Dans cette somme, 1,05

milliard d’euros sont considérés en

déshérence selon cette même source.

A peine 0,08 % du total, presque

rien… Mais ce « détail » fait débat

dans le microcosme des assurances.

D’abord, ce montant n’évolue pas ou

presque depuis les années 90 alors

que l’encours total augmente chaque

année. Ensuite, les cabinets privés de

recherche des bénéficiaires - le CRD

(Capitaux-Recherche-Déshérence)

notamment - tablent sur des montants

cinq fois plus importants en ce qui

concerne ces assurances qui dorment

du fait de l’absence de bénéficiaire.

Les assurances de leur côté, minimi-

DR

Le cimetière de Loyasse, à Lyon, compte sûrement dans ses rangées quelques assurances-vie qui n’ont pas trouvé de bénéficiaires.

Page 45: Repères 1

sent ce chiffre : Axa n’aurait que 15

millions d’euros en déshérence, à

peine 1,5% de la somme de la four-

chette basse, alors que la société

représente 10% du marché des assu-

rances-vie. « Il  y a un  flou complet

autour des assurances-vie en déshé-

rence, clame Sylvie Badin, avocate et

présidente de l’ACABE (Association

Contre les Abus des Banques Euro-

péennes). Il  n’y  a  aucune  transpa-

rence  autour  de  la  gestion  de  cet

argent  lorsque  le bénéficiaire n’est

pas trouvé immédiatement». Même si

dans 80% des cas, c’est l’assuré lui-

même qui perçoit la rente - car en vie

au terme du contrat - et que les en-

fants ou compagnon de l’assuré sont

majoritairement les bénéficiaires de

la part résiduelle, les « restes» posent

des difficultés. «Les assureurs s’ap-

proprient les actifs à l’abandon, ac-

cuse maître Alain Bousquet, président

de la FNACAB (Fédération nationale

des associations contre les abus ban-

caires). La  recherche  des  bénéfi-

ciaires ne se fait pas car les sommes

sont  injectées  discrètement  sur  les

comptes des actionnaires, dans des

bonus  ou  dans  divers  investisse-

ments». Un trou noir dans le monde

des assurances.

Pourtant, depuis quelques années, de

nombreuses mesures sont en place

pour faciliter cette recherche. « Il

n’est pas toujours évident pour les as-

sureurs de reconnaître quel souscrip-

teur est décédé, se justifie la Maif,

l’identification se fait par rapport au

dernier domicile connu, ce qui peut

engendrer des confusions lorsque les

personnes  indiquées ont  changé de

domicile  sans prévenir. L’inactivité

n’est pas signe de décès, car elle vaut

parfois aussi lorsque le souscripteur

est vivant, c’est le problème avec les

produits d’épargne longue ». L’incer-

titude demeure sur l’ampleur du phé-

nomène et sur les responsabilités liées

à cette impossibilité de quantifica-

tion. « Certes,  localiser  le  bénéfi-

ciaire  peut  être  compliqué, admet

Sylvie Badin, mais il est tout autant

évident que les assureurs trainent les

pieds pour restituer les actifs. Jouer

la montre est logique, ils n’ont abso-

lument  aucun  intérêt  à  augmenter

leurs  dépenses  pour  chercher  des

ayants-droit qui s’ignorent et qui ne

vont, forcément, jamais se plaindre ».

Les assureurs dans lecollimateurLa première pierre à l’édifice a été

posée en 2003. Les pouvoirs publics

ont promulgué une loi obligeant les

assureurs à diffuser de façon très

large une information annuelle aux

assurés. «Depuis le début des années

2000, des mesures ont été mises en

place, aussi bien préventives que cu-

ratives », rapporte le Ministère de

l’Economie et des Finances. Dans la

foulée, l’Agira 1 (Association pour la

Gestion des Informations sur le

Risque des Assurances), effective en

2006 suite à la loi DDAC (Diverses

Dispositions d'Adaptation au droit

Communautaire) du 15 décembre

2005, a amélioré le système en per-

mettant à toute personne physique ou

morale de formuler une requête de re-

cherche de bénéficiaire à son béné-

fice. L’organisme, qui centralise les

bases clients de l’ensemble des assu-

reurs, se charge de faire l’intermé-

diaire entre les requérants et

l’ensemble des compagnies d’assu-

rances. « Via un simple courrier, ex-

plique Philippe Rulens, président de

l’Agira,  les  personnes  pensant  être

bénéficiaires  d’un  contrat  non  ré-

clamé ont la possibilité d’enclencher

ce processus gratuitement en appor-

tant la preuve du décès du potentiel

souscripteur». Selon la FFSA, le dis-

positif a permis, dans sa première

mouture, d’identifier 8 400 dossiers

sur 74 000 demandes pour 232 mil-

lions d’euro en quatre ans.

La loi du 17 décembre 2007 permet

la recherche des bénéficiaires des

contrats d’assurance sur la vie non ré-

clamés et garantit les droits des assu-

rés. Elle oblige les assureurs à

rechercher tous les deux ans les per-

sonnes de plus de 90 ans détenant un

contrat de plus de 2000 euros, sans

récent contact enregistré. Jean-Paul

Delevoye, médiateur de la Répu-

blique à l’origine du texte, dénonçait

453 mars 2011

ECONOMIEENQUÊTE

L'encours des contrats d'assurance-vie (provisions mathématiques et provisions pourparticipation aux bénéfices) progresse de 7 % sur un an, à 1 343 milliards d'euros.

«Les sommes sont injectées discrètement sur lescomptes des actionnaires ou réinvesties»

FF

SA

et

GE

MA

Page 46: Repères 1

46 3 mars 2011

ECONOMIE ENQUÊTE

en 2006 «une situation inacceptable

sur le plan de l’éthique». De même,

cette loi réforme en profondeur l’ac-

ceptation bénéficiaire. Plus souple,

elle permet au souscripteur de se li-

bérer de ce poids, l’incitant alors à

inscrire avec plus de précision quelle

est la personne désignée. Autrefois, la

personne avertie pouvait accepter, à

l'insu du souscripteur, le bénéfice de

l'assurance-vie. Le souscripteur ne

pouvait plus récupérer ses capitaux

ou modifier la clause bénéficiaire,

sans l'accord de celui-ci.

Dans le cadre de l’application de la

loi, Agira 2 s’est vu agrémenté en

mars 2009 (tardivement du fait

des précautions relatives à la protec-

tion des données) d’un outil complé-

mentaire pour la recherche des

bénéficiaires : le RNIPP (Répertoire

National d'Identification des Per-

sonnes Physiques). Le fichier, géré

par l’Insee, est consultable par les as-

sureurs - par le biais de leurs orga-

nismes professionnels - pour éviter

d’avoir à effectuer des recherches qui,

du fait de leur coût, étaient réalisées

à reculons auparavant. L’évolution de

l’Agira a donné lieu à une nette amé-

lioration du résultat dont s’est félicité

le ministère de l’Economie et des Fi-

nances à l’origine du système. Les

identifications ont abouti à la restitu-

tion de 323 millions d’euros, en un an

seulement, à travers le traitement de

26 000 contrats jusqu’ici non récla-

més, et à la formulation de plus de 10

millions d’interrogations auprès du

RNIPP. « Ces  chiffres  vertigineux

sont encourageants, admet Me Alain

Bousquet, mais ils révèlent surtout à

quel point nous sortons d’une situa-

tion chaotique». « Il est vrai que les

résultats  sont  bien  meilleurs,

confirme Philippe Rulens. Faciliter

la recherche, en réduire le coût, était

la condition sine qua non pour que ça

marche. Les assureurs sont perdants,

à part en terme d’image, s’ils recher-

chent effectivement les bénéficiaires

difficiles  à  détecter.  En  inversant

l’initiative de la recherche, en obli-

geant les assureurs et en leur offrant

un outil sans hausse de coût, on ob-

tient des résultats probants».

Le 29 avril 2010, la loi proposée par

Hervé Maurey (NC) a été adoptée et

va encore plus loin pour le cas où les

bénéficiaires ne feraient pas de de-

mande de recherche auprès de l’Agira.

«Faire  des  recherches  demande  du

temps  et  coûte  cher  aux  assureurs,

explique le Sénateur de l’Eure, il

faut  restreindre  les  cibles  de  re-

cherches obligatoires afin de permet-

tre  une  meilleure  transparence».

Chaque année, les sociétés d’assu-

rances ont l’obligation de consulter et

de croiser leur liste d’assurés avec le

RNIPP pour vérifier l’état de leurs

clients ayant des encours de plus de

2000 euros. « Il n’y a plus de limite

d’âge, continue Hervé Maurey, l’espé-

rance de vie en France est inférieure

aux 90 ans de  la  loi antérieure. De

plus, si les héritiers étaient les enfants

du défunt, cela augmentait la chance

que ceux-ci soient également décédés

compte-tenu  de  cette  limite  d’âge».

Car avec Agira, les assureurs sont

quelque peu déresponsabilisés, sans

que des contrôles ne soient effectués.

Absence de sanction« L’attitude des assureurs est dictée

par les intérêts financiers qui décou-

lent de cet argent qui dort sagement,

accuse Hervé Maurey. Outre  dimi-

nuer les coûts des enquêtes, ne rien

faire leur permet de prélever chaque

année des  frais de gestion en  toute

impunité». De leur côté, les assureurs

se défendent en invoquant des actions

antérieure à la loi. «Nous travaillons

depuis  2006  avec  le  cabinet  Capi-

taux-Recherche-Déshérence, invoque

Axa France. Externaliser est une so-

lution efficace et moins coûteuse pour

trouver les bénéficiaires. C’est impor-

tant pour la confiance de nos clients

de savoir que nous ne trichons pas».

Mais le cabinet ne corrobore pas tout

à fait le discours de l’assureur : «Le

lobby des assureurs est fort, explique

Me Sylvie Badin, présidente de

l’ACABE, ils ne sont pas plus ver-

tueux que n’importe quelle autre so-

ciété  commerciale.  Leur  but  est

simple  :  faire  du  profit !  C’est  lo-

gique, pas condamnable en soi, mais

tous les moyens sont bons et il ne faut

Axa France, la troisième société en terme d’assurances-vie (10 % du marché), indique nedétenir que 15 millions d’euros en déshérence.

«L’attitude des assureurs est dictée par lesintêrets financiers qui découlent de cet argent»

DR

Page 47: Repères 1

pas  avoir  un  regard  angélique  sur

leurs  activités.  L’ensemble  des  ré-

formes passées depuis 2006 ne s’est

pas accompagné d’une forte hausse

de l’activité des sociétés privées de

recherche de bénéficiaires. L’absence

de menace réelle ne provoque chez

les assureurs que des efforts d’appa-

rence qui ne vont pas très loin».

Après la reconnaissance de l’inacti-

vité de l’assuré, l’encours est déclaré

en déshérence. Ce n’est qu’au bout de

30 ans qu’il est transféré au Fonds de

Réserve pour les Retraites. Un che-

minement très différent de celui

de 140 autres produits financiers,

comme les comptes courants par

exemple. «Le statut des assurances

sur  la  vie  est  différent, explique la

Caisse des Dépôts et Consignations,

leur  déshérence  ne  les  conduit  pas

chez nous au bout de 10 ans après le

décès». « Il n’y a pas de raison vala-

ble, déplore Sylvie Badin, ce laps de

temps  supérieur  avant  de  sortir  du

circuit  empêche  de  connaitre  plus

précisément  l’ampleur  du  phéno-

mène,  et  ce  sans  justification ». Ce

manque d’information, Hervé Mau-

rey a souhaité lui aussi s’y attaquer :

« La  publication  annuelle  des  dé-

marches entreprises pour rechercher

les  bénéficiaires  et  les  résultats  de

celles-ci est désormais obligatoire. Il

faut  espérer  que  cela  soit  respecté

désormais,  l’Autorité  de  contrôle

prudentiel doit tout mettre en œuvre

pour  bien  superviser  les  pratiques

des assurances». «Ce n’est pas parce

que les assurances ne vont pas devant

les tribunaux qu’elles sont blanches

comme  neige, martèle Me Alain

Bousquet, comme souvent, le manque

de preuves, l’absence de plaignants,

ce qui est logique dans le cas présent,

masquent l’ampleur des malfaçons. Il

faut rester vigilants, bien s’informer,

et  ne  négliger  aucune  étape  lors

du décès d’un proche ». Si l’arsenal

de lois améliore la situation, des

contrôles plus poussés sont néces-

saires afin d’éviter que cette escro-

querie pure et simple ne subsiste. g

473 mars 2011

ECONOMIEENQUÊTE

Phili

ppe T

urp

in

Les points sur lesquels redoubler de vigilance

Le plus rapidement possible après le décès, les héritiers devront pré-senter à la (ou aux) banque(s) du défunt une attestation notariée de suc-cession ou un certificat d'hérédité - gratuit dans les mairies qui endélivrent -, accompagnés dans les deux cas d'une copie du livret de fa-mille, ainsi que des coordonnées du notaire.En cas d'absence de réclamation d'un ayant droit, les avoirs sonttransférés à la Caisse des dépôts au bout de dix ans (pas pour les assu-rances-vie). Trente ans après le décès, les sommes sont versées dans lescaisses de l'Etat.Le compte joint n'est pas soumis aux mêmes règles que les comptesindividuels. Il continue de fonctionner, amputé toutefois de la part ré-servataire destinée aux héritiers. Ces derniers peuvent demander à labanque par lettre recommandée avec accusé de réception (ou en pas-sant par le notaire) de le bloquer.Les personnes pensant être bénéficiaires d'un contrat d'assurance-

vie, mais qui ne savent pas dans quel établissement ce compte est ou-vert, peuvent gratuitement faire valoir leur droit de recherche debénéficiaire devant l'organisme agréé : Agira, 1, rue Jules-Lefebvre,75431 Paris Cedex 09.Les frais d'obsèques peuvent être partiellement payés par la banquesur les avoirs des comptes du défunt, à hauteur de 3 050 euros, sur pré-sentation d'une facture.

Les assurances-vie permettent de faire fructifier des fonds sur le long terme. Elles offrent aussid'importants avantages fiscaux en matière de succession. Un contrat d'assurance-vie doitavoir une durée déterminée à la souscription, reconductible ou non selon les contrats.

Page 48: Repères 1

48 3 mars 2011

SoCiéTe religion

L'église fortifiée de Hartmannswiller, dans le Haut-Rhin-Rhin, est subventionnée par l'Etat dans le cadre du concordat d'Alsace-Moselle.

Le concordat en zonede turbulences

La laïcité fait un retour remarqué dans le débat politique. Au centre des discussions,le concordat d’Alsace-Moselle qu’une députée UMP du Bas-Rhin propose d’élargir àtoute la France, et que le Parti de Gauche souhaite abroger.

Par Antoine Delthil

«Si la République a pro-

gressé, c’est malgré

l’Eglise, contre ses ef-

forts », plaidait l’avocat Aristide

Briand en 1905 à l’Assemblée Na-

tionale, pour défendre son projet de

séparation de l’Eglise et de l’Etat,

adopté quelques mois plus tard au

terme de discussions houleuses. En

2011, le concept déchire toujours la

classe politique française. En cause,

le financement de la construction

des lieux de cultes, strictement in-

terdit par la loi de 1905, qui stipule

que « la République ne reconnaît, ne

salarie ni ne subventionne aucun

culte ». A droite, l’idée latente d’une

modification de cette loi fait son

chemin. Nicolas Sarkozy lui-même

l’avait remise en cause avant son

élection dans un ouvrage paru en

2004, et intitulé La République, les

Religions, l’Espérance. Arlette

Grosskorst, députée UMP du Bas-

Rhin, émet quant à elle l’idée d’une

extension à toute la France du

concordat d’Alsace-Moselle. Ce ré-

gime, signé en 1901, a été abrogé

par la loi de 1905 sur l’ensemble

du territoire, à l’exception donc de

l’Alsace et de la Moselle, qui appar-

tenaient à l’Empire Prusse au mo-

ment de l’entrée en vigueur du texte.

Rém

i S

tosskopf

Page 49: Repères 1

Toujours en place dans trois dépar-

tements (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Mo-

selle), il met à la charge de l’Etat

et des collectivités locales le

salaire des ministres du culte catho-

lique, protestant luthérien, protes-

tant réformé, et juif, soit 1 400

religieux. L’Islam, aujourd’hui

deuxième religion de France, n’en

bénéficie pas. Le concordat permet

également le subventionnement des

lieux de cultes, et oblige l’enseigne-

ment des religions catholiques et

protestantes à l’école primaire et au

collège. Les élèves peuvent être ce-

pendant dispensés sur simple de-

mande écrite. « Certains de mes

collègues vont hurler, concède Ar-

lette Grosskost, mais je propose un

processus par étapes : d’abord l’in-

tégration de l’Islam au concordat,

puis, dans l’idéal, une extension de

celui-ci à toute la France après ex-

périmentation ».

Le régime concordataire coûte

chaque année 55 millions d’euros à

l’Etat. La note de son application à

tout le territoire risque d’être salée,

ce que reconnaît la députée : « Ce

serait une révolution financière, il

faudrait faire un calcul ». « Ce se-

rait surtout s’engager dans une voie

communautaire et laisser de côté

l’incroyance, qui est importante en

France », estime Laurent Escure,

secrétaire général du CNAL (Co-

mité National d’Action Laïque).

« Instrumentalisationde la laïcité »Jean-Luc Mélenchon, co-président

du Parti de Gauche, a de son côté

proposé l’abrogation du concordat.

« On est en train de monter une pro-

position de loi, contre ce régime qui

a 200 ans, et qui constitue une

remise en cause de la laïcité »,

confirme-t-on au siège du parti.

L’ancien ministre s’est attiré les

foudres des députés UMP d’Alsace,

où les conservateurs restent popu-

laires (il s’agit de la dernière région

française à droite après les élections

régionales de 2010). Jean-Phillipe

Maurer, député UMP de la

deuxième circonscription du Bas-

Rhin a d’ailleurs adressé une lettre

à Jean-Luc Mélenchon : « Laissez

les Alsaciens et Mosellans tran-

quilles, ils ne vous ont rien de-

mandé. Ne vous en déplaise, nous

sommes des gens modérés qui

avons l'habitude de travailler en-

semble le plus sereinement possible

en vue de l'intérêt général et du

bien public ». « Les Ayatollahs de la

laïcité existent aussi, et Jean-Luc

Mélenchon en fait partie », renché-

rit Arlette Grosskost.

Derrière ce débat plane le retour de

la thématique islamique. Arlette

Grosskost ne s’en cache pas. « In-

clure l’Islam au concordat permet-

trait une meilleure formation des

imams, qui deviendraient des fonc-

tionnaires, et éviterait le problème

de l’obscurité et de l’obscurantisme

de certains prêches ». L’UMP orga-

nisera en avril un débat sur « l’exer-

cice des cultes religieux dans la

République laïque avec un point

particulier sur l’exercice du culte

musulman », pour reprendre la for-

mule du secrétaire général du parti

Jean-François Copé. « On cherche à

instrumentaliser la laïcité », déplore

Laurent Escure. Un moyen pour Ni-

colas Sarkozy d’endiguer la montée

de Marine Le Pen ? C’est en tous cas

le deuxième grand chantier lancé

par la majorité, qui marche sur les

plates bandes habituelles du Front

National. Le lancé de débat : sport

préféré de l’UMP. g

493 mars 2011

SoCiéTereligion

Jean-Luc Melenchon, co-président du Partide Gauche, veut abroger le concordat.

«Inclure l’Islam au consulat éviterait le problèmede l’obscurantisme de certains prêches»

DR

Le concordat, une histoire de 200 ans

1801 : Joseph Bonaparte, frère de napoléon, signe le concordat avecle représentant du pape Pie Vii, pour garantir l’entente entre reli-gions. il ne s’applique alors qu’à la religion catholique.1802 : les deux branches de la religion protestante sont incluses dansle concordat, six ans avant le judaïsme.1871 : la France, vaincue, cède les trois départements de l’Alsace-Moselle à l’Allemagne.1905 : la Séparation de l’eglise et de l’etat proposée par le socialisteAristide Briand est votée par l’Assemblée nationale, et abroge leconcordat.1918 : la France récupère l’Alsace-Moselle après la Première guerreMondiale.1925 : Un avis du Conseil d’etat réaffirme le concordat en Alsace-Moselle.2006 : le député UMP François grosdidier émet une proposition deloi visant à inclure l’islam au concordat d’Alsace-Moselle.

Page 50: Repères 1

Silence, je tourne

«Vous allez adorer ce

film, c’est le vôtre !»,

a écrit Michel Gondry

sur  l’entrée  de  son Usine de films

amateurs. Placée à la galerie sud du

Centre Pompidou à Paris, l’activité

propose gratuitement aux visiteurs de

créer  son  propre  court-métrage  en

trois  heures.  C’est  de  son  film

«Soyez sympa rembobinez», réalisé

en 2008, qu’est venu l’idée d’un tel

concept. Dans ce long-métrage Jack

Black et Mos Def doivent réaliser les

remakes de grands classiques comme

SOS Fantômes, Le Roi Lion ou Ro-

bocop après avoir involontairement

effacé les cassettes d’un vidéoclub.

Au  Centre  Pompidou,  les  partici-

pants imaginent entièrement le film

et en sont à la fois les acteurs, réali-

sateurs,  scénaristes  et  costumiers.

«Avec l’usine de films amateurs les

gens font leur film puis le regardent

comme une vidéo familiale faite mai-

son, explique  Michel  Gondry. Ils

prennent du plaisir à le voir parce

qu’ils sont dedans, parce qu’ils l’ont

fait et cela reflète quelque chose qui

leur est propre». Après avoir - non

sans attente - obtenu une place, une

heure  de  passage  et  signé  une  dé-

charge permettant au Centre d’utili-

ser  leur  image,  les  réalisateurs

amateurs  se  rendent  par  groupe  de

vingt dans le faux studio. A l’entrée,

le groupe  très  éclectique a déjà un

aperçu de ce qui l’attend avec la dif-

fusion des films de précédents visi-

teurs,  comme  celui  d’une  histoire

d’amour entre une femme et son es-

suie-tout ou d’un zombie fan de Mi-

chael Jackson. 

De l’amateur au cinéasteLe public est invité à visiter les dé-

cors, plus réalistes les uns que les au-

tres.  D’une  chambre  à  coucher,  on

passe trois pas plus loin à un métro,

puis  d’une  chapelle  à…  oups !  De

fausses toilettes déjà «occupées» par

des enfants. «La majorité des films

réalisés sont des films d’horreur et

des policiers, explique Georgina, une

animatrice. Le métro et la prison sont

donc les décors les plus utilisés».

Celle-ci demande à l’équipe de se réu-

nir pour réfléchir au futur film: titre,

genre, scénario, tout est à établir en 45

50 3 mars 2011

CultuRe RepoRtage

Du 17 février au 7 mars, le centre Pompidou à Paris ouvre ses portes au monde farfelu de Mi-chel Gondry. Le réalisateur propose aux visiteurs un atelier permettant de tourner leur proprefilm. Décors, accessoires et caméras, tout est à disposition du public, ou plutôt des cinéastes.

Par Alexandra Bresson

Maxime, le rélisateur du groupe, dirige Baija et ses amies pour la troisième scène d’Un pigeon chez les poulets.

«Ce cinéma bricolé façon «maison», c’estvraiment l’univers de Michel Gondry»

Ale

xandra

Bre

sson

Page 51: Repères 1

513 mars 2011

CultuReRepoRtage

minutes  top chrono. Les plus petits

sont  les moins gênés. Baija, 10ans,

voudrait un  film d’amour alors que

Jonathan,  étudiant  en  informatique,

préfère un «bon vieux thriller». «Qui

veut dessiner les panneaux?»,  crie

l’animatrice. Lou, une amie de Baija,

se charge d’écrire « the end» aux feu-

tres colorés. Une fois la décision prise

de réaliser une comédie policière, du

nom d’«Un pigeon chez les poulets»,

selon  l’idée  de Philippe,  la  quaran-

taine avec toujours le sourire aux lè-

vres,  il  reste  les  lieux et  les  rôles à

trouver. Maxime, étudiant en biologie,

s’improvise  réalisateur  et Alice,  ly-

céenne venue avec son père, se pro-

pose  pour  jouer  la  première  scène.

Puis  petit  passage,  mais  non  des

moindres, par la case «accessoires».

Benjamin, l’acteur principal, se préci-

pite  sur  la  fausse  fourrure  blanche

pour se déguiser en poulet tandis que

Baija et ses amies fabriquent de faux

insignes  de  policiers.  Le  groupe  se

presse  ensuite  de  tourner,  le  temps

étant limité à une heure pour réaliser

un film de huit minutes. Mais atten-

tion : une seule prise par scène est au-

torisée  et  les  cinéastes  ont  pour

consigne de tourner dans l’ordre du

scénario, L’usine de films amateurs ne

disposant pas de monteur.

Moteur et… action !Maxime joue à merveille le réalisa-

teur. La première scène est tournée en

moins de cinq minutes. Pour la sui-

vante, qui nécessite un couple pour

jouer des SDF, Sandrine, mère de fa-

mille venue accompagner sa fille, se

dévoue.  «Au départ je n’avais pas

l’intention de participer mais la

bonne ambiance du groupe m’a

convaincue», se réjouit-elle. Au bout

d’une heure, le tournage est achevé et

tout le monde se retrouve pour le vi-

sionnage. A  peine  le  film  terminé,

l’équipe applaudit et une animatrice

propose  de  réaliser  la  jaquette  du

DVD donné en souvenir. «C’est une

manière de rendre le cinéma accessi-

ble à tous,retient Anissa étudiante en

commerce. C’est drôle de penser un

scénario à partir de décors et de cos-

tumes que l’on a à notre disposition

et de faire travailler notre imagina-

tion. Ce cinéma bricolé façon «mai-

son », c’est vraiment l’univers de

Michel Gondry». «C’est très intéres-

sant de voir le processus de création

et d’imagination collective qui opère,

ajoute  Clément,  étudiant  en  urba-

nisme.  J’ai adoré voir les autres

jouer et s’investir à fond dans leur

rôle lors de la projection». L’usine de

film amateur faisant «studio comble»

tous  les  jours,  le  centre  Pompidou

compte repousser la fermeture prévue

le 7mars. «Rien n’est officiel mais le

centre Pompidou pense prolonger

d’un mois la manifestation», confie

Georgina.  L’expérimentation  de

L’usine de films amateurs à  New-

York en 2008 a déjà été relatée par

Michel Gondry dans son livre You’ll

Like This Film Because You’re In It

(The Be Kind Rewind Protocol). Vu

le succès de cette édition française,

nul doute que le réalisateur a de quoi

écrire un nouveau tome. g

Dans Soyez sympa rembobinez, comédie sortie en 2008 de Michel Gondry avec Jack Black et Mos Def, les gérants d'un vidéoclub tournent pareux même les remakes de films célèbres.

Allocin

é

Page 52: Repères 1

52 3 mars 2011

SPORT BASKET

LeBron James, et les autres joueurs de la ligue nord américaine de basketball entendent bien conserver leurs acquis salariaux.

NBA : more money,more problems

La probabilité d’une grève générale en NBA, la ligue de basket nord-américaine, necesse d’augmenter. Joueurs et patrons de franchises (clubs) n’arrivent pas à trouverun accord sur la réduction des salaires afin de limiter les coûts.

Par Valentin Marcinkowski

«J’espère que les hommes

sages vont s’accorder

avant de détruire la

poule aux œufs d’or ». George Eddy,

le consultant vedette de Canal +

pour le basket US, ne croit pas si

bien dire. Car la NBA, cette formi-

dable cash machine du sport US, est

en train de se tirer une balle dans le

pied. A l’heure de renégocier les sa-

laires pour les prochaines années,

joueurs et propriétaires de franchise

campent sur leur position. Si aucun

accord n’est trouvé, une grève géné-

rale pourrait conduire à l’annulation

du prochain exercice.

Qu’est-ce qu’un« lock-out » ?Le fonctionnement de la ligue est régi

par le Collective Bargaining Agree-

ment (CBA) signé par l’union des

joueurs et la ligue. L’accord actuel

date de 2005 et prend fin au terme de

la saison 2011. A l’heure actuelle, les

négociations entre les deux parties

sont au point mort. Si aucun nouvel

accord n’est trouvé d’ici le prochain

début de saison, les franchises seront

dispensées de verser les salaires aux

joueurs, qui eux, ne seront plus obli-

gés de jouer. La NBA se retrouverait

alors dans une situation de « lock-

out», autrement dit de grève.

Pourquoi ça bloque ?En 2010, la ligue a annoncé des

pertes avoisinant les 370 millions de

dollars. Pour cette année, le déficit

DR

Page 53: Repères 1

avoisine les 350 millions de dollars.

David Stern, le dirigeant historique

de la NBA souhaite réduire la part

globale des salaires (environ 2,1 mil-

liards de dollars) de 38% afin d’éco-

nomiser environ 800 millions de

dollars. Dans ces conditions, les

joueurs eux, prônent le statut quo.

A quoi sont dues cespertes ? « Avec la crise, les ventes de billets

et les revenus du sponsoring ont

baissé », avance George Eddy.

Toutes les franchises ne sont pas

dans la même situation pour autant :

des équipes comme les Los Angeles

Lakers ou les Chicago Bulls s’en

sortent très bien. Ce qui fait dire à

Bouna N’Diaye, l’agent de joueurs

qui représente une bonne partie des

Français évoluant en NBA, qu’il n’y

a « pas de crise, que des mauvais

gestionnaires ».

Les joueurs NBAsont-ils trop payés ?Avec un salaire moyen d’environ 5,5

millions de dollars par saison, la NBA

est le sport collectif où les joueurs

sont le mieux payés. «C’est trop cher

et scandaleux par rapport à un méde-

cin, c’est sûr, concède George Eddy.

Mais le bon joueur de basket est un

talent rare, comme un grand chan-

teur». Même son de cloche du côté de

Franck Verrechia, journaliste à Mon-

dial Basket : « Les stars font tourner

toute une industrie du spectacle, c'est

normal qu'ils en touchent les divi-

dendes». Pour Bouna N’Diaye, per-

sonne ne met « le couteau sous la

gorge des propriétaires» pour signer

de tels contrats. «Si un businessman

met autant d’argent sur tel ou tel

joueur, c’est qu’il sait qu’il s’y retrou-

vera». Un investissement pas sans

risque : il arrive parfois que des

joueurs ne répondent pas aux attentes.

Le « lock-out » aura-t-ilvraiment lieu ?Pas de doute pour Bouna N’Diaye :

«Les deux camps sont trop opposés.

Chacun demande beaucoup trop ».

George Eddy, lui, se veut plus opti-

miste. « Les propriétaires veulent une

réduction des salaires de 38% quand

les joueurs veulent rester au même

niveau. Comme d’habitude, ils vont

couper la poire en deux et l’affaire

sera réglée », explique le Franco-

américain. Néanmoins, le passé

prouve que le scénario d’une grève

est plus qu’envisageable. La saison

98-99 n’avait démarré qu’en février

et avait été amputée d’une trentaine

de matchs, faute d’accord trouvé en

début de saison. En 2004, la saison de

NHL, la ligue américaine de hockey

sur glace, avait dû être annulée pour

des problèmes liés aux salaires.

L’agent de joueurs français n’exclut

par pour autant qu’une prolongation

d’un ou deux ans du règlement actuel

soit signée pour laisser plus de temps

aux négociations.

Vers un départ massifdes joueurs pourl’Europe ?Ils sont nombreux à étudier cette pos-

sibilité. « David Stern a été très clair,

rappelle George Eddy. Si les salaires

ne sont pas versés, les joueurs sont

libres d’aller jouer ailleurs ». Bouna

N’Diaye ne fait pas de mystère :

« Tout le monde est inquiet, certains

veulent aller en Europe le temps que

ça se passe ». Cependant, les grosses

stars américaines ne devraient pas

partir. « Il y a un gros paradoxe,

avance l’agent. Pour un gars comme

LeBron James (le meilleur joueur de

la ligue) c’est très risqué d’aller en

Europe alors que pour d’autres (ma-

joritairement européens), cela peut

être très intéressant financièrement ».

Quelles seront lesconséquences pourl’image de la NBA ?« Ce combat entre les joueurs mil-

lionnaires et les propriétaires dé-

goûte l’Américain moyen ». Fidèle

à son franc parler, George Eddy se

souvient que le « lock-out » d’il y a

douze ans avait été « désastreux en

terme d’image ». Charles Barkley,

légende de la NBA des années 90,

estime pour sa part « qu’il serait ca-

tastrophique d’avoir un « lock-out »

en plein milieu d’une période de ré-

cession. Vous ne pouvez pas dire

aux gens que des gars qui gagnent

10 ou 15 millions de dollars vont

faire la grève ». A Bouna N’Diaye

de conclure : « Il y a un problème

mais c’est aussi ça le capitalisme

américain ». g

533 mars 2011

SPORTBASKET

David Stern, patron de la NBA, souhaite baisser de 38% les salaires des joueurs.

DR

Page 54: Repères 1

54 3 mars 2011

sport Danse

Alors ondanse

Du 7 au 13 mars, Paris devient la capitale du monde hip-hop avec la 10e édition dufestival Juste Debout. L’occasion de s’intéresser à la Street Dance qui compte deplus en plus d’adeptes en France.

Par Emmanuelle Ringot

Aquand une fédé ?

Entre entrainements

et compétitions, la

danse hip-hop est

aujourd’hui un sport

à part entière. Plus qu’une tendance

musicale, c’est une véritable culture

parallèle qui naît dans la rue dans les

années 60, sur les trottoirs des ghet-

tos de New York. Ses ambassadeurs

s’affrontent dans des « battle » de

popping, b-boy et autres new style.

Depuis peu, la Street Dance séduit

même le grand public. Du 7 au 13

mars, la 10e édition du festival Inter-

national de Street Dance Juste De-

bout réunira plus de 2500 danseurs

sélectionnés après une tournée inter-

nationale de deux mois. « C’est une

compétition très importante dans le

monde de la Street Dance, témoigne

Louis Bertrant, professeur de hip-

hop dans les Yvelines, les meilleures

équipes du monde s’affrontent. C’est

du haut niveau ! »

Plus qu’une passionDe plus en plus d’écoles de danse ou-

vrent des cours de Street Dance. Il est

cependant impossible de recenser le

DR

La Street Dance s'affiche partout : dans la publicité, les médias, et même au théâtre. Ici une version revisitée de Roméo et Juliette de Shakespeare.

Page 55: Repères 1

553 mars 2011

sportDanse

nombre exact de streetdancers en

France car aucune fédération natio-

nale n’existe. « Selon le niveau des

groupes, je les entraine pour des

compétitions plus ou moins impor-

tantes, explique Louis Bertrant. Cette

année, on a deux équipes qui se pré-

sentent aux présélections de Juste

Debout. Les débutants s’orientent

plus vers des compétitions contre les

écoles des environs ». Comme dans

tous les sports, seuls les meilleurs

peuvent vivre de leur passion. Ga-

gner une compétition aussi impor-

tante que Juste Debout peut ouvrir

les portes du monde professionnel.

Les chorégraphies sont répétées et

les mouvements appris sur le bout

des doigts. « A l’approche des com-

pétitions importantes, on s’entraine

tous les jours pour connaître la cho-

régraphie par cœur. Il faut entretenir

son corps, le muscler, l’assouplir,

comme pour les danseurs classiques.

Après, la technique des différentes

danses s’apprend au fur et à mesure.

J’ai commencé par la hype puis le

new style », raconte Aurore, gagnante

de l’épreuve de new style à l’édition

2004 de Juste Debout. Ce festival a

su s’imposer comme le plus grand

spectacle de danse hip hop au monde

et fait figure de référence pour tous

les professionnels de la danse. La

grande finale aura lieu le 13 mars

prochain à Bercy, l’occasion d’entrer

dans le monde si méconnu de la

Street Dance. Let’s dance ! g

Juste Debout, fort du succès de son festival a ouvert en 2009 une école spécialisée à Paris pour les danseurs de Street Dance les plus prometteurs.

Homardpayette

Influences

Le terme « street Dance » regroupe de nombreux styles aux origines va-

riées. Le popping par exemple - technique de contraction des muscles

en rythme - est né sur la côte est des etats-Unis. Ce style a connu son

heure de gloire dans le clip de Beat It de Michael Jackson. Le locking, la

plus ancienne des danses hip hop, trouve quant à lui son origine dans

les années 60 en Californie avec des mouvements rappelant la gestuelle

des communautés afro-américaines et hispaniques qui luttaient alors

pour leurs droits civiques. Le même savant mélange se retrouve dans

les pas du Top Rock, style originaire des trottoirs de Brooklyn au début

des années 70, qui mêle salsa, danse africaine et claquettes. plus léger

et acrobatique, la House Danse débarque à new York dans les années

80. enfin, le style le plus connu de street Dance est le new style. Dérivé

des mouvements hip hop qui l’ont précédé, ses pas sont adaptés à la

musique rap qui a envahi les bandes FM dès la fin des années 70.

Page 56: Repères 1

Le ministère de la Santéau chevet des malades

Rendre les patients «ac-

teurs de leur santé»

dans le cadre de

la «démocratie sani-

taire», c’est le leitmo-

tiv quelque peu jargonneux mais plus si

neuf du ministère de la Santé, qui a pré-

senté à la presse la semaine dernière un

rapport sur ce thème. Dans la foulée, le

4 mars prochain, un colloque national

intitulé «2011, année des patients» ou-

vrira une saison de débats sur les droits

des malades, deux ans après l’entrée en

vigueur de la loi «Hôpital, santé, pa-

tients et territoire» (HSPT).

Accès au dossier médical tortueux,

coût des interventions flou, indemni-

sation parfois difficile… Ajoutez à

cela la maltraitance de personnes fai-

bles ou âgées hospitalisées - pas si

rare que cela - et les établissements

de soins français passent pour de kaf-

kaïennes machines à broyer du petit

vieux grippé sous CMU.

Trip advisor du maladeSelon le rapport, pour y remédier, il

faudrait d’abord mieux informer le

public. «Un patient français sur deux

ne sait pas qu’il a des droits », re-

grette Christine d’Autume, rapporteur

du projet et à la tête de l’Inspection

générale des affaires sociales, citant

un sondage BVA. Pour ce faire, le

projet prévoit de lui signifier qu’il a

le droit de se faire représenter par des

associations, de lui donner l’aide des

professionnels de la santé pour s’y re-

trouver, mais surtout de lui fournir

des données de manière plus claire

(sur les structures, les services, les

coûts, les interventions, etc.).

Puis généraliser la « bientraitance »

à l’hôpital. Pour ce faire, une des

pistes pourrait être de « labelliser

des initiatives de terrain qui valori-

sent le droit des patients », dixit

la rapporteur. Ensuite, fournir un

maximum d’informations, notam-

ment en « publiant des indices » sur

un site Internet dédié. Une sorte de

Trip-advisor du malade, où l’on

imagine qu’on pourrait noter tout à

la fois la qualité de la literie, du hâ-

chis parmentier sous vide et de la

prestation du proctologue.

Docteur ClicMais ce n’est pas tout. Le dernier

volet du rapport étant axé sur les

supposées « nouvelles attentes du ci-

toyen » connecté, la « télémédecine »

devait arriver sur le tapis à un mo-

ment ou à un autre. Car avec les pro-

blèmes de répartition des médecins

en zones rurales, que l’on connaît,

consulter Docteur Clic, ça arrange-

rait (presque) tout le monde. « Les

nouvelles technologies génèrent des

inquiétudes, reconnaît lors d’une

conférence de presse Nora Berra, se-

crétaire d’Etat à la Santé, qui assure

ne pas confondre consultation et

connexion. Mais elles pourraient

permettre à tous de bénéficier d’un

accès aux soins ». A propos d’Inter-

net, les professionnels se font du

mauvais sang, comme cet auteur

du rapport, qui réagit : « Quand vous

êtes dans l’errance de la maladie,

ce n’est pas un site qui va vous

faire trouver une personne de

confiance ! »

Promouvoir l’usage d’Internet pour

les malades à l’heure où une frange

importante des utilisateurs de sites

comme Doctissimo sont considérés

comme des « cyber-condriaques »

bien atteints, c’est l’hôpital qui se

fout de la charité. g

56 3 mars 2011

santé Droits

Le ministère de la Santé, pour son année «des patients et de leurs droits» dont il vient de pré-senter les grands axes, sort l’artillerie lourde : de la télémédecine, un site Internet pour noterles hôpitaux ou encore des « labels de bientraitance».

Par Eléonore Quesnel

Selon un sondage BVA, un patient Français sur deux ignore ses droits. Le rapport «2011,année des patients et de leurs droits » préconise de mieux les en informer.

cookipediachef

Page 57: Repères 1

Au-delà de la Lune

Georges W.Bush visait

la Lune, Barack

Obama a Mars en

tête. Alors que l’an-

cien président des

Etats-Unis prévoyait un retour de

l’homme sur la Lune pour 2020, l’ac-

tuel occupant de la Maison Blanche a

décidé de changer ses plans. Car « il y

a beaucoup de choses à explorer dans

l’espace», mais également parce que

le budget 2010 des Etats-Unis ne per-

met pas de réinvestir dans de nou-

velles fusées, le parc de la Nasa

s’arrêtant courant 2011. Barack

Obama ne souhaite pourtant pas aban-

donner la conquête spatiale, mais au

contraire aller plus loin, et réfléchir à

long terme. Le prochain corps astral

sur lequel des astronautes américains

poseront le pied sera donc un asté-

roïde, encore indéterminé, mais situé

au-delà de la Lune, en 2025. Un projet

ambitieux économiquement, rendu

possible par le nouveau budget de la

Nasa qui favorise les vols habités.

Mais l’expédition demandera une

très lourde préparation, comme l’ex-

plique Antoine Labeyrie, professeur

de la chaire d’astrophysique observa-

tionnelle du Collège de France : « La

préparation de ce type de mission de-

mande de nombreux calculs de mo-

délisation. La présence humaine est

une complication, en particulier en

termes d’impératifs de sécurité. On

ne peut se permettre la moindre er-

reur ». Une préparation coûteuse,

lourde, et surtout très longue, mais

nécessaire afin de prévenir tous les

risques : « Se poser sur un astéroïde

est très différent d’un atterrissage ou

même d’un alunissage. Un astéroïde

est un corps peu massif, et possède

donc une apesanteur très faible, une

attraction très lente, qui nécessite

une adaptation très précise du do-

sage des fusées ».

La mission à destination d’un asté-

roïde possède deux objectifs distincts.

Le premier est de préparer les astro-

nautes à une expédition vers Mars

prévue pour 2035, une sorte de «répé-

tition générale» avant de se lancer

dans le grand challenge du Président.

L’autre objectif est de récolter divers

échantillons et données visant à étu-

dier afin de prévenir d’éventuelles

collisions d’astéroïdes avec la Terre.

«Certains spécialistes pensent que les

astéroïdes sont peu solides, explique

le professeur Antoine Labeyrie. Il faut

connaître leur consistance afin de

pouvoir éventuellement les dévier ou

les détruire». La présence d’une

équipe humaine permettrait donc de

récupérer de précieuses informations,

mais également de les étudier plus ra-

pidement que dans le cadre de don-

nées recueillies par une sonde. Une

mission qui pourrait avoir son impor-

tance, quand on sait qu’un impact

d’astéroïde est prévu dans le pacifique

pour le mois d’avril 2036. g

573 mars 2011

ScienceSASTrOnOMie

Plus de 40 ans après les premiers pas de l’Homme sur la Lune, le président américain BarackObama souhaite envoyer des astronautes plus loin. D’abord sur un astéroïde, puis sur Mars.Un projet sur le long terme, pas sans obstacles.

Par Laetitia Reboulleau

L'étude des astéroïdes permet de prévenir d'éventuelles collisions avec la Terre.

Innovanews

Plus dans la Lune

Si Barack Obama a décidé de

pousser les explorations vers

Mars, c’est aussi en raison

d’une certaine baisse d’intérêt

pour le satellite de la Terre. An-

toine Labeyrie, professeur

d’astrophysique, explique ce

désengouement : « La Lune est

moins mystérieuse, on y est déjà

allé, maintenant, l’exploration

peut être faite par des robots ».

Les Hommes ne sont plus vrai-

ment dans la Lune…

Page 58: Repères 1

58 3 mars 2011

HigH tecH Histoire

A Agbogbloshie, près d’Accra au Ghana, un homme tient un stand contenant toutes sortes de déchets électroniques comme des claviers, dessouris, des scanners ou disques durs.

Durée de vielimitée

Impossible de trouver une personne qui n’aurait pas été mécontentée par les appareilsou produits achetés aujourd’hui, souvent définis comme fragiles ou de qualité médio-cre. En cause, un concept qui ne date pas d’hier : l’obsolescence programmée.

Par Laurence Riatto

«Un produit qui ne s'use

pas est une tragédie

pour les affaires».

C’est ce qu’on pouvait lire dès les an-

nées 20 dans un magazine de publi-

cité  très  influent.  L’ampoule :

première victime de  l’obsolescence

programmée ou raccourcissement dé-

libéré de la vie d’un produit pour aug-

menter la consommation. En 1924 un

cartel  international  naît  à  Genève :

Phoebus. Cette société, composée des

principaux  fabricants  d’ampoules,

souhaitait  contrôler  les  consomma-

teurs en diminuant la durée de vie des

ampoules. Dans un premier temps le

cartel créa des ampoules d’une durée

de vie de 2500 heures. Puis il réduisit

cette durée de vie à 1000 heures. Phi-

lips  en  Hollande,  Osram  en  Alle-

magne et La compagnie des lampes

en  France  composaient  notamment

Phoebus. Dans des notes internes il

était  inscrit,  « la durée de vie

moyenne des lampes destinées à

l’éclairage général ne peut-être ga-

rantie, rendue public ou proposée,

seulement à condition qu’elle soit

équivalente à 1000 heures». Mais en

1942,  le  Cartel  est  découvert  et  le

gouvernement  américain  porte

plainte  contre  General  Electric  et

d’autres  fabricants  d’ampoules.  En

effet, le «Sherman Anti-Trust Act» du

2  juillet  1890  vise  à  garantir  la

concurrence entre entreprises et inter-

dit  les  ententes  illicites  qui  restrei-

gnent les échanges et le commerce.

Les sociétés complices sont ainsi ac-

cusées de fixer  les prix, de concur-

rence déloyale et de limiter la durée

de vie des ampoules incandescentes.

1953,  le  jugement  tombe :  General

Electric et ses associés sont contraints

de lever leur restriction sur la longé-

vité des ampoules. Mais ces dernières

conservent une durée de vie égale à

1000 heures. Des centaines de bre-

vets d’ampoules  sont ainsi déposés

mais aucune n’apparaît sur le marché.

L’obsolescence  programmée  prend

alors son essor en même temps que la

production en série et que la société de

consommation se développe durant les

années folles. La production est plus

rapide  et  moins  coûteuse.  Les  prix

moins élevés pour le consommateur

qui achète davantage mais qui ne suit

pas  pour  autant  le  rythme  des  ma-

chines. Il faut donc trouver une straté-

gie.  L’obsolescence  programmée

s’étend alors à tous types de produits.

Andre

w M

cC

onnell

Page 59: Repères 1

C’est ainsi qu’Henry Ford et son mo-

dèle T,  accessible à  tous,  fiable,  ro-

buste  et  conçu  pour  durer,  est  vite

rattrapé par General Motors. En 1924,

la nouvelle Chevrolet d’Alfred Sloan

arrive sur le marché. Elle a subi des

changements esthétiques. Plus  jolie,

elle  se  vend  à  des milliers  d’exem-

plaires. Ford est alors battu non pas sur

le terrain de la mécanique mais sur le

design. Le concept du modèle annuel

avec taille et couleur différentes est né.

Obsolescenceprogrammée obligatoireEn 1929 à New York, après le crack

boursier, Bernard London,  un  riche

courtier en immobilier propose d’en

finir avec la dépression en déclarant

l’obsolescence  programmée  obliga-

toire.  C’est  la  première  fois  que  le

concept est officialisé. Ce plan per-

mettrait ainsi de relancer l’industrie et

le plein emploi. Mais cette proposition

d’obsolescence par obligation légale

n’a jamais été approuvée. Dans les an-

nées 50, l’obsolescence programmée

tente d’appâter le consommateur. Elle

représente « la volonté de la part du

consommateur de posséder un bien un

peu plus neuf, selon  le  designer

Brooks Stevens, un peu plus perfor-

mant, un peu plus tôt que nécessaire».

Cette devise séduit les américains. Les

années 50 ont  ainsi  servi de  fonde-

ment  à  la  société de consommation

que  nous  connaissons  aujourd’hui.

«Sans l’obsolescence programmée il

n’y aurait pas de centres commer-

ciaux ni de designers», analyse l’ar-

chitecte industriel Boris Knuf. 

Mais la croissance est devenue une ob-

session. «Nous vivons dans une so-

ciété de croissance où la logique n’est

pas de croître pour satisfaire les be-

soins, mais de croître pour croître, ex-

plique  Serge  Latouche,  professeur

d’Economie à l’Université Paris-Sud

XI (91). Faire croître, sans limite, la

production et la consommation».

Ainsi, l’obsolescence programmée est

un gouffre financier pour le consom-

mateur  mais  aussi  une  plaie  pour

l’environnement.  En  effet,  cette

consommation sans limite se base sur

une  contradiction  indéniable :  com-

ment produire à l’infini sur une planète

finie où les ressources sont limitées?

La notion d’humanité existe-t-elle en-

core à l’heure où l’on fabrique des pro-

duits programmés pour s’autodétruire

et qui partent ensuite dans des conte-

neurs polluer le continent africain? Au

Ghana par exemple, on s'exaspère de

ces déchets informatiques qui arrivent

par milliers de tonnes.

593 mars 2011

HigH tecHHistoire

En 1879, omas Edison inventel'ampoule électrique, composée avec unfilament de coton carbonisé.

DR

Illustration avec trois objets familiers

MP3 : La batterie des 1ère, 2e et 3e générations d’iPod était prévue pour

durer 18 mois. Apple n’envisageait pas de la remplacer même si cette der-

nière était la seule responsable de la panne du MP3. seule solution : ra-

cheter un nouvel appareil. scandalisés, les utilisateurs se sont alors

mobilisés. Après un procès qui a débouché sur un accord entre les deux

parties, l’entreprise a mis en place un service de remplacement des bat-

teries, étendu sa garantie à deux ans et dédommagé les plaignants.

Imprimantes : Difficile de les faire réparer. il est souvent conseillé d’en

racheter. Dans Prêt à jeter, Marcos Lopez, un jeune informaticien lâché

par son imprimante, enquête. sur les forums, il apprend qu’une puce dé-

termine la durée de vie de sa machine. Au bout d’un certain nombre d’im-

pressions, elle rend l’âme. Mais internet regorge de développeurs malins.

Vitaliy Kiselev, inventeur russe d’un logiciel, remet les compteurs à zéro.

Marcos charge le logiciel et son imprimante refonctionne.

Bas Nylon : en 1940, le groupe Américain DuPont, spécialisé dans la chi-

mie met sur le marché le bas Nylon. grâce à cette fibre textile révolution-

naire, les bas ne filent plus et les consommatrices sont ravies. Mais les

ventes s’effondrent très rapidement. Ainsi la quantité d’additifs proté-

geant la fibre est modifiée et les bas se remettent à filer comme avant.

Aujourd’hui, la durée de vie d’un bas est de un, voire deux jours. Au

consommateur d’en racheter… DR

DR

DR

Page 60: Repères 1

Economie et écologiePour  les spécialistes  il existe diffé-

rentes solutions : la décroissance, prô-

née par Serge Latouche qui prévient

que « la croissance, fondée sur l’ac-

cumulation des richesses, détruit la

nature et génère des inégalités so-

ciales. Il faut donc travailler à la dé-

croissance : une société fondée sur la

qualité et la coopération et non sur la

quantité et la compétition. Une huma-

nité libérée de l’économisme se don-

nant la justice sociale comme

objectif». D’autres, tendent vers une

économie plus modérée comme Phi-

lippe Moati, professeur en Sciences

économiques à l’Université Paris VII

et directeur de recherches au Crédoc

(Centre de recherches pour l’étude et

l’observation des conditions de vie) :

« Il faut des incitations réglemen-

taires et un travail de sensibilisation

qui peut être effectué par les acteurs

de la société civile. C’est également

dans l’intérêt des entreprises, si elles

veulent survivre sur le long terme,

d’assurer leur transition vers de nou-

veaux modèles économiques répon-

dant aux aspirations des gens à

consommer mieux, dans le respect de

la contrainte écologique». Une  in-

dustrie qui produirait et recyclerait à

l'infini, à l'image de la nature, est une

solution envisageable. «L’Union Eu-

ropéenne a adopté une directive qui

impose des normes minimales de per-

formance écologique aux appareils

électroniques, explique Edouard Tou-

louse, spécialiste des politiques euro-

péennes  d’éco-conception  pour

ECOS (ONG qui porte la voix des or-

ganisations environnementales telles

que la WWF, les Amis de la Terre et

Greenpeace). En théorie tous les as-

pects environnementaux peuvent être

couverts comme la consommation

d’énergie, l’utilisation des res-

sources, la fin de vie ou la recyclabi-

lité. Mais en pratique la mise en

œuvre pour lutter contre l’obsoles-

cence programmée et accroître la

durée de vie s’avère difficile. Les fa-

bricants ne sont pas motivés, ils pous-

sent plutôt pour accélérer le renou-

vellement des stocks».  La

commission européenne semble elle

aussi avoir pris la mesure de ce désas-

tre économique (pour le consomma-

teur)  et  écologique  puisqu’elle

révisera cette directive l’année pro-

chaine.  «Nous sommes dans un

contexte où nous parlons de plus en

plus des risques d’épuisement des

ressources, ajoute Edouard Toulouse.

La Commission européenne a publié

une étude alertant sur les réserves

des métaux rares entrant dans la

composition des appareils électro-

niques et informatiques». 

La  solution est  finalement entre  les

mains de chacun. Les producteurs et

distributeurs  doivent  faire  évoluer

leurs pratiques en ménageant les res-

sources naturelles mais le consomma-

teur doit lui aussi faire des efforts en

se  demandant  si  l’acquisition  d’un

nouveau  produit  est  nécessaire.

Comme disait Jonathan Swift, auteur

de satires sur  la folie et  l'orgueil de

l'Homme, «Le plaisir d’avoir ne vaut

pas la peine d’acquérir». g

60 3 mars 2011

HigH tecH Histoire

La Ford T, produite par les usines d’Henry Ford entre 1908 et 1927 est considérée comme la première voiture accessible à tous. Assemblée à lachaîne et non plus individuellement à la main, elle fut désignée voiture la plus importante du XXe siècle au terme d’un sondage international.

W9N

ED

«Sans l’obsolescence programmée il n’y auraitpas de centres commerciaux ni de designers»

Page 61: Repères 1

La Xoom de Motorola,l'iPad Killer?

D'extérieur, la tablette deMotorola dispose d'unebelle finition, notamment

dans ses angles. Elle apparaît mêmecomme plutôt robuste et penséepour résister aux petits chocs. Maisc'est surtout sous sa façade que leconstructeur américain a mis les pe-tits plats dans les grands : la Xoomtourne sous Android 3.0 afin deprofiter du système d’exploitation deGoogle, considéré comme le plus ra-pide du moment. Juste derrièrel'environnement des mobiles d'Ap-ple. Avec son processeur doublecœur et sa carte graphique NVIDIA,la Xoom est nettement plus réac-tive que la tablette d'Apple. Lesmenus défilent avec une fluiditéétonnante, et l'on ne constate aucunralentissement même après avoirouvert pléthore de fenêtres. Avec unécran de 10.1 pouces (25.7 cm)contre 9 pour l’iPAD et une résolu-tion de 1280x800, le rendu vidéo estsurprenant avec un contraste bienau-dessus de tous ses concurrents.Entièrement compatible 3G/4G, latablette dispose d’un autre atout detaille face à l’iPAD : son supportFlash. Alors qu’Apple lui a définiti-vement fermé la porte, le construc-teur américain promet que sa tablettesera enfin capable de lire n'importequelle vidéo encodée en Flash sur unsite web. Finies les attentes intermi-nables lors du chargement de l'inter-face YouTube sur l'iPAD ! À noterpourtant que le modèle équipé duplug-in Flash ne sera commercialiséqu'un mois après le lancement de la

Xoom. Motorola assure qu’en Eu-rope, la tablette sortira dans sa ver-sion définitive avec support Flash.Avec une autonomie réelle de plusde dix heures en vidéo (contre huitpour l’IPAD), sa sortie HDMi pourla lecture HD et son micro port USB,la Xoom est elle vraiment l’iPADKiller annoncé ?

Le soufflé retombeSelon Jean Sébastien Zanchi du siteTom’s Guide.fr, « la tablette plaira à

une certaine cible, mais pas au grand

public ». La Xoom suit la mode des« docks », sorte d'environnement« clavier-écran » qui peut servir lorsd'une utilisation professionnelle.« Nous sommes plus en présence d'un

ordinateur d'appoint que d'une ta-

blette loisirs ». Il concède cependantque sa sortie HDMi, permettant lalecture de vidéo sur une télévision

HD, fait de la Xoom « un média cen-

ter honorable ». C'est surtout sonprix définitif qui la rend beaucoupmoins attractive et inaccessible auplus grand nombre. Annoncée à 800euros, la tablette est plus onéreuseque l'iPAD première génération, ven-due à 730 euros lors de sa sortie il ya tout juste un an. Et de conclure endisant « que les tablettes ACER,

certes un peu moins performantes,

sont elles aussi intéressantes et dis-

ponibles aux alentours de 400

euros ». Finalement, la Xoom « aura

du mal à faire face à la nouvelle gé-

nération de tablette, particulière-

ment l’iPAD 2 ». Cette dernière,annoncée comme plus fine et surtoutplus légère, sera certes plus chère quesa grande sœur (vendue aujourd'huiautour de 550 euros), mais risque defaire oublier bien vite les premierséclats de la tablette Motorola. g

613 mars 2011

Hi-TecHconso

Alors que l'iPAD 2 d'Apple sera présenté le 2 mars prochain, les autres constructeurs tententtant bien que mal de se faire une place sur le marché. Si HP, Samsung et Acer, se sont déjàlancés dans l'aventure, c’est Motorola qui fait forte impression avec sa tablette Xoom.

Par Alexandre Benhadid

La tablette Xoom, tout juste présentée par Motorola, est plus un ordinateur d’appoint qu’unetablette de loisir comme l’iPAD.

Motorola

Page 62: Repères 1

Vous, les femmes

Madame Bovary, de Gustave Flaubert

Aventures, dettes, déprimes, le quotidien de Flaubert à la campagne a connu un

franc succès, mais a déplu aux autorités. Il fut même poursuivi pour «outrage

à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs». Dans Madame Bo-

vary, Charles Bovary, un jeune médecin, prend pour épouse Emma Rouault, la

fille d’un de ses patients, qui pense mener la grande vie loin de la ferme de son

père. Ses espoirs sont vite déchus. Elle sombre alors dans une dépression par-

ticulière, et prend des amants pour se sentir exister. Emma défie la société de

l’époque en s’octroyant une place que la femme du XIXe (1856) ne peut se per-

mettre d’occuper. Ses sentiments sont décrits très longuement. Malgré son em-

pathie, le lecteur moderne adore détester Madame Bovary et la condamne tout

autant que la société du XIXe siècle. Belle évolution.

Edité chez Folio Classique poche (2001).

62 3 mars 2011

Livres ThémaTique

A l’occasion de la Journée Mondiale de la Femme, le 8 mars prochain, retour sur trois destinsexceptionnels de personnages féminins. La littérature classique a su dépeindre les oppressionsculturelles et sociales qu’ont subies les femmes tout en les mettant à l’honneur.

Par Clémentine Santerre

Bérénice, de Racine

La tragédie de Racine, Bérénice, conte l’histoire de la rupture tourmentée de

Titus, empereur romain, et Bérénice, reine de Palestine. L’union d’un empereur

et d’une reine, qui plus est non romaine, était désapprouvée par le peuple. Cette

pièce de théâtre en cinq actes, jouée pour la première fois en 1670, est plus un

exercice d’écriture qu’une véritable histoire. De beaux discours sur l’amour et

les raisons d’une séparation. L’héroïne fait preuve de passion et de maturité

face à son destin. L’intrigue est distancée par l’intensité des sentiments mis en

scène. Mais pourquoi lire Bérénice plutôt que Phèdre ou Antigone? Parce que

Bérénice ne finit pas par la mort de son héroïne. Si l’usage veut qu’une tragédie

voit le sang couler à sa fin, Bérénice, elle, est condamnée à souffrir jusqu’à la

mort. Une douleur de longue durée, plus tragique que la tragédie.

Edité chez les Petits Classiques Larousse (2006).

La Princesse de Clèves, de Madame de La Fayette

Mademoiselle de Chartres est une jeune femme de 16 ans quand elle est présen-

tée à la Cour. Le Prince de Clèves, séduit par sa beauté admirable, la demande

en mariage. Elle accepte, mais tombe rapidement amoureuse du Duc de Ne-

mours. Elle ne succombera jamais par respect pour son mari, envers qui elle a

une profonde affection. Cet ouvrage, aussi bien historique que romanesque, mon-

tre la volonté que peut avoir une femme déterminée. Fin tragique pour un amour

non consommé. «L’honneur» vaut-il toutes les privations? Aujourd’hui, la ques-

tion ne se poserait pas. Le divorce serait prononcé. A l’époque [le livre a été pu-

blié en 1678, et l’histoire se déroule en 1559, ndlr], la Princesse est saluée et

admirée pour sa vertu qui illustre parfaitement la pensée des Précieuses (courant

littéraire qui a bercé Madame de La Fayette) : l’amour idéal est inaccessible.

Edité chez Librio (2003).

Page 63: Repères 1

DVDsorties du 9 mars 2011

Par Valentin Marcinkowski

Rubber, de quentin Dupieux

C’est l’histoire d’un pneu… Oui, un pneu. Dans le désert californien, Robert,

un pneu de bagnole, prend vie et se met à tuer toutes les personnes qu’il ren-

contre. Le tout sous le regard de spectateurs lointains munis de jumelles.

Chargé d’élucider les meurtres, le shérif - interprété par l’excellent Stephen

Spinella - mène l’enquête tout en se posant des questions existentielles du

genre : « Pourquoi, dans Massacre à la tronçonneuse, personne ne va jamais

aux toilettes ? » Film complètement barge, Rubber est un hommage au sur-

réalisme né de l’imagination sans limite de Quentin Dupieux, qui, dans le

même genre, avait déjà réalisé Steak en 2007. Film culte ou nanar ? Chacun

se fera sa propre idée mais il est fortement recommandé de mettre de côté

tout sens rationnel pendant une heure et quart afin de pouvoir pleinement ap-

précier ce Rubber venu d’ailleurs.

633 mars 2011

InfothèquEDVD

Very Bad Cops, d’Adam McKay

Highsmith (Samuel L. Jackson) et Danson (Dwayne Johnson) sont les deux

« stars » de la police de New-York. A la suite d’une cascade aussi débile

qu’ambitieuse lors d’une opération, ils meurent. L’occasion rêvée pour Terry

Hoitz (Mark Wahlberg), mis sur la touche après une bavure, de prendre leur

place. Pour cela, il fait équipe avec Allen Gamble (Will Ferrell), le looser du

service peu enclin à l’aventure et satisfait de classer des dossiers toute la jour-

née. Un air de dejà-vu plane sur le film qui exploite à fond les ficelles du

buddy movie. Mais peu importe : ça marche, et plutôt bien. Inconnu en France

mais adulé aux Etats-Unis, Will Ferrell, ex-star du Saturday Night Live, dé-

montre une nouvelle fois tout son talent comique. Rien que pour ça, le film

vaut le coup d’œil. A voir absolument en VO pour ne pas perdre la saveur des

dialogues originaux.

L’Homme Qui Voulait Vivre Sa Vie, d’Eric Lartigau

Paul Exben (Romain Duris) a tout pour être heureux. Seulement voilà, cette

vie ne ressemble en rien à celle qu’il avait imaginée. Après un terrible drame,

il endosse une nouvelle identité qui le contraint à l’exil mais qui lui permet

de vivre pleinement sa passion. Après plusieurs comédies à succès, Eric Lar-

tigau s’essaie à un nouveau genre non sans mal. Malgré une mise en scène

efficace et une transposition scrupuleusement fidèle au roman de l’Américain

Douglas Kennedy, cette adaptation pêche par son manque d’audace et souffre

de quelques longueurs. Heureusement, le film est sauvé par la prestation tout

en retenue d’un Romain Duris en forme, bien aidé il est vrai par des seconds

rôles de qualité (Marina Foïs, Niels Arestrup). Un film correct mais qui ne

laissera pas une trace indélébile dans l’histoire du cinéma français.

Page 64: Repères 1

CDLes sorties du mois

Par Valentin Marcinkowski

culture sorties

Un Lasers éblouissant

Ne vous fiez pas à son nom, Lupe Fiasco n’a rien d’un raté. En deux albums

seulement, le rappeur de Chicago s’est fait une place de choix dans l’univers

du hip-hop américain, bien aidé il est vrai par Kanye West et Jay-Z. Avec Lasers,

le rappeur frappe un grand coup. A contre-courant d’un milieu de plus en plus

formaté, Lupe Fiasco soigne, lui, toujours ses textes comme dans Words I Never

Said avec Skylar Grey. Filles dénudées, grosses voitures et bagues en or ne font

pas partie de son univers. D’où cette réputation d’intello du hip-hop qui lui colle

à la peau. Elu en 2007 «homme le mieux habillé de la planète» par le magazine

américain Esquire, Lupe Fiasco livre un album à son image : élégant et raffiné.

La rumeur veut qu’il arrête sa carrière après ce troisième disque alors qu’il n’est âgé que de 29 ans. Un peu tôt pour

prendre sa retraite, non ?

Lupe Fiasco – Lasers – Warner – Sortie le 7 mars

Safari musical risqué pour Yelle

Safari Disco Club marque le retour cacophonique de Julie Budet, plus connue sous

le nom de Yelle, cinq ans après le tube Je Veux Te Voir. Connue en France grâce à ce

titre axé très grand public, la musique de la jeune femme l’est moins, c’est un fait.

Ici, le voyageur est invité à une plongée dans un monde très électro imprégné de cette

French Touch que le monde entier nous envie. Le tout agrémenté de textes ne signi-

fiant pas grand-chose, comme en témoigne le premier single éponyme de l’album.

Un constat s’impose alors: l’électro et la langue de Molière ne font pas bon ménage.

Tel un mauvais trip après une soirée riche en excès, ce Safari Disco Club très concep-

tuel abandonne toute rationalité et ne donne guère envie de renouveler l’expérience.

Il y aura toujours néanmoins une jeunesse bien pensante et branchée en quête d’«underground» pour apprécier.

Yelle – Safari Disco Club – Barclay - Sortie le 14 mars

Beady Eye, la vie sans Noel Gallagher

On prend (presque) les mêmes et on recommence. Noel parti, Liam Gallagher

a décidé de poursuivre l’aventure avec les ex-Oasis sous le nom de Beady

Eye. Un pari osé tant l’influence de l’aîné de la fratrie était prépondérante

sur le groupe. Accompagné par le producteur Steve Lillywhite (U2, Rolling

Stones), la formation livre un Different Gear, Still Speading ambiancé très

60’s, porté par quelques bons titres comme Four Letter Word. L’influence

des Beatles et surtout de John Lennon est partout. Finalement, ce Beady Eye

s’inscrit dans la continuité de ce que faisait Oasis ces dernières années, à sa-

voir de la bonne musique mais bien loin de la perfection d’un Definitely

Maybe ou What’s the Story Morning Glory. Honorable tout de même pour un premier disque, mais sans plus.

Beady Eye – Different Gear, Still Speeding – Pias France – Sorti le 28 février

64 3 mars 2011

Page 65: Repères 1

Amuse-bouche

Du latin fellare, qui si-

gnifie téter, sucer, la

fellation, ou «pipe»,

est le fait de stimuler

le pénis avec la

bouche. La langue, le palais, les lèvres,

tout est prétexte à jouer. «Elle est

connotée acte de plaisir pur. C’est au-

tant un préliminaire qu’une fin d’acte.

C’est une pratique multitâche», ex-

plique Ruben Otormin, sexologue. La

fellation a plusieurs vertus. Manière la

plus efficace d’exciter un homme, elle

joue le rôle de substitut de masturba-

tion. Ce n’est pas la main, mais la

bouche qui «fait», avec comme va-

leurs ajoutées la douceur et l’humidité

buccales. Elle procure également un

sentiment de puissance au mâle qui a

l’impression que la femme s’occupe

entièrement de lui, toute consacrée au

plaisir de son homme. Pas étonnant,

donc, qu’elle soit le préliminaire le plus

apprécié, avec la jouissance la plus ef-

ficace (plus, parfois, que le rapport

sexuel en lui-même). Rares sont les

hommes qui ne savourent pas la pipe.

«Ceux qui n’aiment pas ont une vision

moraliste de la sexualité, limitée à la

reproduction. D’un point de vue ana-

lytique, il y a un complexe de castra-

tion inconscient. Le fait de mettre le

sexe dans la bouche s’associe à une

perte de contrôle», justifie le Dr Ruben

Otormin. Pour certains, c’est un acte

réservé à un certain type de femmes.

«Le duel permanent de la madone et

de la putain», poursuit Nathalie Fer-

rand, sexologue dans les Yvelines (78).

Acte de confiance, la fellation est une

des clés du tantrisme, art du plaisir né

en Inde au Ve siècle, qui propose une

palette très large de pratiques. Pour le

Dr Ruben Otormin, « l’énergie de l’or-

gasme doit être épargnée pour mieux

jouir de l’acte. Il faut retarder la péné-

tration -ou génitalité- pour profiter en-

core plus de longs préliminaires». Plus

de 80% des femmes déclarent avoir

essayé au moins une fois la fellation

selon une enquête de l’INSERM et de

l’INED: Contexte de la Sexualité en

France, réalisée en 2008 auprès de plus

de 12000 personnes. Aidée par la ré-

volution sexuelle, elle a réussi à

s’émanciper pour devenir un «clas-

sique» du répertoire sexuel. Sa cousine

l’irrumation se cantonne, elle, davan-

tage aux films X qu’à la pratique dans

un couple. La bouche sert, dans ca cas,

uniquement de réceptacle. L’homme

contrôle la profondeur et le va-et-vient.

Une pratique désagréable et un peu

«trash» pour la femme, pas toujours

aussi docile que Linda Lovelace, hé-

roïne du film Gorge profonde, en

1972. Pratique multitâche, plaisir ga-

ranti, humour pervers… Quoi qu’il en

soit, la pipe laisse sans voix. g

653 mars 2011

moDE DE vIEsExo

Une récente étude américaine du docteur Maura Gillison, de l'Université d'Ohio, révèle unpossible lien entre sexe oral et cancer buccal. Aujourd’hui pourtant, la fellation est un des in-grédients d’une vie sexuelle épanouie.

Par Clémentine Santerre

DR

Cocasserie de la turlute

Les anecdotes les plus folles

courent sur cette pratique. La

pipe comme astuce anticellu-

lite en fait partie. Tout comme

les propriétés fantasmées du

sperme sur l’éclat de la peau.

Felix Faure, président français,

est mort sottement en 1899 à

l’Elysée suite à une fellation. Le

lendemain, George Clemenceau

ironisait « Il voulait être César,

il ne fut que Pompée ». L’affaire

Clinton-Lewinsky reste dans

toutes les bouches. L’adage

« sucer n’est pas tromper » a

bien servi à l’ancien président

des Etats-Unis, qui se justifiait

en déclarant que la fellation

n’était pas un acte sexuel

puisqu’il la subissait. Dure,

dure la vie de président, sacré

nom d’une pipe.

Contrairement aux idées reçues, la bouche n’est pas à proprement parler une zone érogène.

Page 66: Repères 1

Par devant, par derrière

Rien ne se démode

aussi vite que la

mode. Pareil en poli-

tique. Les semaines

précédentes voyaient

l’omniprésence de Dominique

Strauss-Kahn dans les médias, au-

jourd’hui c’est du remaniement ex-

press du gouvernement dont il est

question. Et si finalement, nous

n’étions pas vraiment passés du coq

à l’âne ? Et si les deux étaient liés ?

28 % des intentions de vote au pre-

mier tour*. Si près de 2012, le chiffre

fait rêver. C’est l’Oscar politique du

moment. Et la statuette est décernée

à la plus francophile des stars améri-

caines : Dominique Strauss-Kahn.

DSK : Dominique Sarko Killer. Le

directeur du FMI fait alors peur à Ni-

colas Sarkozy, il représente le nou-

veau fantasme hexagonal. L’homme

d’exception, comme un remake du

général de Gaulle. Si, lors de son

passage à Paris, Dominique Strauss

Kahn n’a rien dit, il est facile d’inter-

préter son discours comme : « regar-

dez quel Etat de merde nous a laissé

Nicolas Sarkozy ». Sachant que

l’homme a l’ambition présidentielle

grandissante - oui, si il n’a certes pas

le droit de se porter candidat mainte-

nant du fait de son poste au FMI, il

est cependant autorisé à réfuter toute

candidature ; ce qu’il n’a pas fait - à

Nicolas Sarkozy de trembler.

ManigancesAcculé de toutes parts, le Président

doit réagir. A sa droite, Marine Le

Pen affiche 20 % d’intentions de

vote au compteur*. Michelle Al-

liot-Marie fait tâche. Boulet pour

Nicolas Sarkozy à quelques mois

de la présidentielle, à la chira-

quienne de sortir du gouvernement

pour ouvrir son agence de voyage.

Petite manipulation : le Président

fait croire à un remaniement pour

cause de nécessités diplomatiques.

En vérité, il prépare sa candidature

à un nouveau mandat.

Il laisse les journalistes interpréter

la sortie du gouvernement de Brice

Hortefeux comme un pare-feu à un

nouveau scandale - l’homme vient

d’être condamné par la justice pour

la deuxième fois en tant que minis-

tre. Bof bof question République ir-

réprochable -. En vérité, le meilleur

pote du président lui vient en aide.

Conseiller spécial du président.

Trop bien : d’une ils pourront pas-

ser toutes leurs pauses déjeuner en-

semble, et de deux ils peuvent,

main dans la main, copains comme

cochons, donner un nouvel éclat à

Nicolas Sarkozy. Pas de déni de

bras droit donc, mais une stratégie

pour 2012.

Jamais un président de la Répu-

blique n’a été aussi bas dans les son-

dages si près de la présidentielle.

Conseiller politique du copain Nico-

las à l’Elysée, copain Brice est là

pour y remédier et partir en quête de

légitimité pour le président. Evidem-

ment, le fait qu’une personnalité po-

litique soit payée par l’Etat pour

préparer la prochaine campagne

électorale pose un problème

d’éthique du pouvoir.

C’est aux partis, normalement, de

trouver des financements - occultes

ou non, une fois n’est pas coutume-

pour valoriser leur candidat. Que

Brice soit mandaté par l’Elysée et

pas par l’UMP pour préparer une

campagne électorale est un abus de

pouvoir que, ni le parti majoritaire,

ni l’exécutif, n’ont intérêt à voir

s’ébruiter. Au brave contribuable de

payer l’impôt pour la ré-accession au

pouvoir de Nicolas Sarkozy. Domi-

nique Strauss-Kahn fait croire qu’il

n’a pas d’ambition présidentielle.

Nicolas Sarkozy feint une préoccu-

pation internationale pour mettre en

place sa stratégie 2012. Comme quoi

tout se joue par derrière. Et là ce sont

les Français qui l’ont… par derrière.

Le dramaturge russe Alexandre Os-

trovki écrivait : « Il ne faut pas se

moquer des imbéciles mais savoir

profiter de leurs faiblesses ». C’est

exactement ça. g

*Sondage de CSA pour BFM TV / RMC /

20 Minutes. Enquête réalisée par télé-

phone du 21 au 22 février 2011 avec un

échantillon de 1005 personnes. Marge

d'erreur: environ 3,1%.

66 3 mars 2011

opinion Le biLLet

L’humeur de Karma Duquesne, rédactrice en chef

Noém

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