Rencontres sur l'édition numérique en Afrique francophone de l'Ouest

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Rencontres sur l’édition numérique en Afrique francophone de l’Ouest Ouagadougou (Burkina Faso), du 18 au 21 décembre 2010 en marge de la Foire internationale du livre de Ouagadougou Compte-rendu

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Compte-rendu des rencontres sur l'édition numérique en Afrique francophone de l'Ouest organisées par l'Alliance internationale des éditeurs indépendants du 18 au 21 décembre 2010.

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Rencontres sur l’édition numérique en Afrique francophone de l’Ouest

Ouagadougou (Burkina Faso), du 18 au 21 décembre 2010 en marge de la Foire internationale du livre de Ouagadougou

Compte-rendu

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Sommaire

Liste des participants, p. 3

Samedi 18 décembre, p. 4

Mot de bienvenue, p. 4 Présentation des participants, p. 5

Introduction : l’éditeur indépendant, un acteur de l’édition numérique, p. 9

Comment arriver à « gérer » le virtuel dans des pays où Internet est un luxe ?, p. 11 Présentation de l’étude sur l’édition numérique dans les pays en développement, p. 11

L’édition numérique en Afrique, expériences existantes, p. 12

La chaîne du livre numérique, p. 14 Définitions, vocabulaires, p. 14

Les acteurs de la chaîne numérique sont-ils les mêmes que les acteurs de la chaîne traditionnelle ?, p. 15 Impression à la demande (l’exemple de Editorial Teseo), p. 16

Les formats de fichiers, p. 17 Les liseuses, p. 17

La promotion, la diffusion, la distribution, p. 18

Dimanche 19 décembre, p. 19

Les questions juridiques inhérentes à l’édition numérique, p. 19 La notion de territorialité – et le cas des coéditions à l’ère numérique, p. 20

La distribution, p. 22 Les DRM (digital right management), p. 22 Analyse d’un contrat de distribution, p. 23

Les modèles économiques, p. 24 Le modèle d’« agence », p. 24

Le modèle de « revendeur », p. 25 Le modèle de « Freemium », p. 25

Le modèle de « Open access », p. 26 Le modèle de « Creative commons », p. 26

Les supports de lecture numériques, p. 27

Présentation de la chaîne éditoriale web, La Poule ou l’œuf, p. 28

Lundi 20 décembre, p. 29

La chaîne technique de fabrication, p. 29 Cas pratiques de fabrication de fichiers numériques, p. 29 Cas pratiques de commercialisation et de promotion, p. 30

Conclusions / synthèse, p. 31

L’avis des participants, les plus et les moins de la rencontre, p. 31 Quelques pistes de travail et de lobbying à moyen terme, p. 33

Décisions prises lors des rencontres de Ouagadougou, les suites à donner, p. 34

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Liste des participants Éditeurs membres de l’Alliance Haris BETIRA (éditions Ruisseaux d’Afrique, Bénin) Serge DONTCHUENG KOUAM (Presses universitaires d’Afrique, Cameroun) Sékou FOFANA (éditions Donniya, Mali) Armel MAHOUEKPO (éditions Ruisseaux d’Afrique, Bénin) Jean-Claude NABA (éditions Sankofa & Gurli, Burkina Faso) François NKÉMÉ (éditions Ifrikiya, Cameroun) Marie Michèle RAZAFINTSALAMA (éditions Jeunes Malgaches, Madagascar) Jean RICHARD (éditions d’en bas, Suisse) Rodney SAINT-ÉLOI (éditions Mémoires d’encrier, Québec-Haïti) Amadou SIDIBE (éditions Jamana, Mali) Professionnels du livre burkinabés Alain DABILOUGOU (Le Reporter) Jacques GUÉGANÉ (éditions Découvertes du Burkina) Ignace HIEN (président de l'association des professionnels du livre du Burkina Faso, éditions GTI) Alassane KÉRÉ (éditions Sidwaya) Cyrille A. KAGAMBEGA (Bibliothèque nationale du Burkina) Amande REBOUL (lycée français de Ouagadougou) Hermine Samirah DIARRA ABDOUL, Jean Marcel FORO (étudiants de l’ISTID – Institut des Sciences et Techniques de l’Information Documentaire de Ouagadougou) Intervenants Gilles COLLEU (éditions Vents d’ailleurs, France) Octavio KULESZ (éditions Teseo, Argentine) Experts extérieurs David DAUVERGNE (association Les Complexes, France) Chloé GIRARD (association Les Complexes, France) Organisation internationale de la Francophonie (Institut de la Francophonie numérique) Christian AMBAUD (Institut de la Francophonie Numérique, OIF) Alliance internationale des éditeurs indépendants Clémence HEDDE (Alliance internationale des éditeurs indépendants) Laurence HUGUES (Alliance internationale des éditeurs indépendants)

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Avertissement Nous restituons ici le verbatim des différentes sessions de travail de la rencontre de Ouagadougou, dans l’ordre chronologique du déroulé de la rencontre, afin de respecter la progression du programme. Nous espérons ce compte-rendu le plus fidèle possible aux échanges des participants. Les décisions prises lors de ces journées sont restituées en fin de document.

Samedi 18 décembre

Mot de bienvenue Laurence HUGUES : Nous sommes ravis de vous accueillir à ces rencontres sur l’édition numérique, que nous organisons en partenariat avec l'Organisation internationale de la Francophonie. Nous remercions à ce titre Christian Ambaud pour son soutien et son écoute tout au long de la préparation de ces journées. Nous avons décidé de réunir des éditeurs d'Afrique de l'Ouest, qui connaissent des réalités similaires. Ces rencontres comprennent des sessions théoriques et des sessions en atelier mais le format de parole est très libre : ce qui est important est que nous puissions bénéficier d’un échange d'expériences en toute simplicité. Nous sommes par ailleurs ravis d'accueillir des professionnels de la chaîne du livre du Burkina Faso, de la Bibliothèque nationale, des éditeurs, des libraires et des étudiants. L'objectif premier de ces rencontres est de répondre à vos attentes et besoins. Nous avons en effet construit le programme de ces journées à partir des réponses aux questionnaires que nous vous avions fait parvenir. N’hésitez donc pas à intervenir pour que nous puissions développer des points qui vous paraissent utiles. Laurence présente le programme des journées. Cette rencontre s’inscrit par ailleurs dans le cadre d’une étude lancée par l’Alliance, en partenariat avec la Fondation Prince Claus aux Pays Bas, sur l’édition numérique dans les pays en développement, réalisée par Octavio KULESZ, un des intervenants. Sans plus tarder, nous allons commencer par une présentation de chacun, afin que vous nous fassiez part d’une expérience significative d’un projet numérique développé au sein de votre maison d’édition ou dans votre pays. Cela nous permettra de comprendre un peu plus ce qu’il se passe en Afrique, en Europe, en Amérique du Nord et en Argentine. Je remercie encore Christian AMBAUD et l'Institut de la Francophonie numérique ainsi que Jean-Claude NABA, membre de l’Alliance, qui nous a beaucoup aidés pour la mise en place de ces rencontres. Un grand merci également aux intervenants, Gilles COLLEU et Octavio KULESZ, qui ont énormément travaillé à l’élaboration de ce programme. Avant que vous ne vous présentiez, je passe la parole à Christian AMBAUD, pour qu’il nous dise un mot sur la formation qui a lieu en parallèle de ces rencontres. Christian AMBAUD (OIF, Institut de la Francophonie numérique) : Bonjour, et merci à vous. En effet, en parallèle de ces rencontres, a lieu une formation organisée par l’OIF. Une quinzaine de maquettistes travaillant sur les manuels scolaires sont formés aux logiciels libres. Le but de

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cette formation est de les sensibiliser à ces outils, notamment dans le cadre de livres électroniques.

Présentation des participants François NKEME (Ifrikiya, Cameroun) : Le livre numérique est un sujet délicat pour nous, complètement neuf, au-delà des échanges de fichiers PDF que nous faisons. Nous avons des problèmes de connexion, il faut que les gens aient des ordinateurs. Nous avons également d’importants problèmes de paiement en ligne : comment se faire payer ? Chez nous, tout est taxé. Aujourd’hui les accords de Florence ne sont pas respectés : peut-être que le numérique sera une opportunité dans ce sens. Mais le public n'est pas équipé pour l’instant. Nous pourrions être plus visibles dans le monde... Peut-être que des intermédiaires hors du Cameroun pourraient nous aider, notamment pour la question du paiement. Amadou SIDIBE (Jamana, Mali) : Jamana existe depuis 1986. Il s’agit de la première maison d'édition privée au Mali. Nous aussi, nous sommes venus apprendre. Les problèmes sont identiques à ceux mentionnés par François. Le problème est également celui de l'analphabétisme de la majeure partie de la population, ce qui complique l’apprentissage de l'outil informatique. Ensuite, il y a la question du faible débit. Les gens n’ont pas d’ordinateurs et vont dans des cybercafés. Tout est donc nouveau chez nous, et nous avons beaucoup d'obstacles à surmonter. Sékou FOFANA (Donniya, Mali) : Nous avons l’expérience du projet des manuscrits de Tombouctou : une bibliothèque privée a commencé à numériser 5 000 manuscrits. Mais la bibliothèque ne veut pas les mettre en ligne parce qu’elle craint que les chercheurs ne viennent plus à Tombouctou si les documents sont disponibles via Internet. L'accès à Internet est encore difficile. Les cybers sont trop chers. Mais nous sommes conscients des enjeux : si nous ne faisons pas un pas vers le numérique, nous n'existerons plus sur le plan international. Nous sommes venus pour apprendre et espérons avoir des réponses. Armel MAHOUEKPO (Ruisseaux d’Afrique, Bénin) : En 2003, les éditions Ruisseaux d’Afrique ont participé au projet « Embarquement immédiat », une collection sur Internet de textes de fiction de jeunes auteurs africains, financée par la Francophonie, en partenariat avec les éditions Luc Pire (Belgique). Le travail éditorial était classique, et les éditions Luc Pire mettaient en ligne les ouvrages, qu’on pouvait ensuite télécharger. Il y a eu trois textes, un d’un auteur togolais, deux d’auteurs béninois. Plusieurs éditeurs étaient impliqués, les éditions de l'Herbe, Cérès éditions, Tarik éditions. Aujourd'hui le site ne fonctionne plus parce qu’il n’y a plus de financement. L'OIF payait les droits d'auteur. Mais on ne savait pas comment Luc Pire mettait les ouvrages en ligne : il faudrait qu’on sache le faire nous-mêmes maintenant. Une subvention de l’OIF nous a permis d’acquérir un équipement informatique. Christian AMBAUD : Ce projet a été développé dans le cadre du Fonds francophone des Inforoutes. L’OIF est préoccupée par la question de la pérennisation et l’autonomisation financière des projets et a la volonté de transférer les compétences vers les éditeurs africains. Mais je crois que ce projet n'est pas encore clôturé administrativement, je pourrai vous fournir d'autres informations bien sûr si vous le souhaitez. Cyrille A. KAGAMBEGA (Bibliothèque nationale du Burkina Faso) : Je viens d’hériter du projet de numérisation des fonds de la BN, c’est neuf pour moi, le projet est financé par l’OIF.

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Christian AMBAUD : Il s’agit d’un réseau de bibliothèques au Nord et au Sud, qui se réunit annuellement, notamment pour éviter que deux bibliothèques numérisent le même document. Le soutien de l’OIF porte sur la numérisation. Il y a un transfert de compétence sur la méthode et les techniques de numérisation. Le Burkina Faso est membre de ce réseau, avec la Bibliothèque nationale de France, du Québec, de Suisse, de Madagascar, de Côte d'Ivoire, du Mali, du Vietnam et du Cambodge. Serge D. KOUAM (Presses universitaires d’Afrique, Cameroun) : Notre premier contact à l'édition électronique date de la fin des années 1990, entre 1997 et 1998, avec le projet Jucamor : Justice camerounaise sur micro-ordinateur. L’idée était de numériser toute la jurisprudence camerounaise pour harmoniser les informations d’un tribunal à l’autre. Le but était de pouvoir faire des mises à jour régulières. Il n’y avait pas Internet à l'époque : cette base de données devait être gravée sur CD. Mais le projet a échoué parce que nous n'arrivions pas à trouver une réponse à la question de la sécurisation des données contre le piratage, tout comme le problème du photocopiage. À quoi servait de dépenser tant d'argent pour vendre un exemplaire au final ? On a aussi tenté d'autres expériences mais à chaque fois, le blocage a été le même, celui de la protection des données. Je reviendrais sur cette question tout à l’heure, lors de la présentation des Nouvelles éditions numériques africaines (NENA, à Dakar), qui ont trouvé des solutions sur ce point précis. Jacques GUEGANÉ (Découvertes du Burkina, Burkina Faso) : Les expériences sur le numérique ont toutes été négatives dans l’ensemble. J'ai constaté qu’il est très facile de pirater un fichier... Au niveau des éditions Découvertes du Burkina, Google nous a proposé de numériser nos ouvrages, nous n’avons pas donné de suite. Les auteurs nous disent qu'ils ne s'en préoccupent pas. Nous avons organisé beaucoup de stages, mais jamais sur la façon de fabriquer un livre, nous avons besoin que nos imprimeurs sachent fabriquer un livre. Trois imprimeurs ont un équipement numérique dans le pays, mais les tarifs sont trop chers. En tant qu'éditeurs, nous avons besoin d'avoir une visibilité. Les libraires disent qu'ils n'ont pas de place pour nos livres, ils les acceptent seulement en dépôt. Nous avons donc notre propre librairie, et des sites Internet. Mais comment se faire payer dans le cas de ventes en ligne ? Concernant le Burkina, la BN du Burkina a des problèmes de place, il en est de même pour les Archives nationales. La numérisation est donc nécessaire. Dans les administrations, on parle d’archivage numérique. Nous avons exprimé des besoins au niveau des arts plastiques. Les artistes pourraient mettre en ligne leurs œuvres. Depuis deux ans, nous organisons la Fête internationale des Arts plastiques. Cette année, le thème était celui de la libération des matériaux et des techniques. Pourquoi ne pas essayer l'informatique donc ? Mais nos artistes plasticiens n'ont pas d'ordinateur, et ne savent pas vraiment les utiliser. Moi-même j'essaie de me former à l'infographie. Les illustrateurs ne s'y connaissent pas bien également. Voilà donc quelques réflexions, un peu dans le désordre. Diarra ABDOUL, Hermine SAMIRAH et Jean Marcel FORO (étudiants de l’ISTID -Institut des Sciences et Techniques de l’Information Documentaire) de Ouagadougou : Nous sommes là pour nous imprégner des problématiques liées au numérique, parce que le numérique est un enjeu important pour nos futurs métiers. Jean-Claude NABA (Sankofa & Gurli, Burkina Faso) : Je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit et qui me semble refléter la situation en Afrique… d’autant plus que les éditions Sankofa & Gurli n'ont aucune expérience en la matière. Marie Michèle RAZAFINSTALAMA (Jeunes Malgaches, Madagascar) : Nous avons une petite expérience, il s’agit de l’adaptation d'un de nos livres pour enfants grâce à la Fondation OLPC

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(One Laptop per child) aux États-Unis. L’objectif de ce programme est de réduire la fracture numérique. L’OLPC a doté d’ordinateurs une école au Nord de Madagascar. En 2008, ils nous ont approchés via OLPC France. Nous sommes intéressés, étant donné notre problème de diffusion des livres, par toute forme de lecture. Nous avons envoyé notre catalogue à l'école et les enseignants ont choisi un livre. Nous nous sommes demandés comment faire pour le contrat, l'association ne savait pas non plus. Il est indiqué sur le contrat que pour une quantité définie d'ordinateur, l’exploitation a une durée définie. C'est pour une école, et non dans un but commercial : comment donc être rémunéré ? Nous avons cédé les droits en tant qu’éditeur, mais l'auteur a été rémunéré. L’OLPC a fait l'adaptation, en PDF, l’implantation s'est faite au mois d'août, et s’est très bien passée. 150 ordinateurs XO vont arriver. Pour les prochains livres on va faire nous-mêmes les fichiers numériques. Notre maquettiste a eu une formation au CAFED sur les logiciels Scribus et Calibre. Nous pouvons commercialiser une version de ce fichier, dont nous avons encore les droits. Rodney SAINT-ELOI (Mémoire d’encrier, Québec – Haïti) : Pour ma part, je suis a priori très réticent. J’ai l’impression d’un effet de mode. Je suis dans une certaine résistance et une certaine schizophrénie. Je vis une double vie : celle d’un éditeur haïtien tout en vivant à Montréal. Je suis membre de l’association des éditeurs haïtiens, et vice-président de la section littéraire de l'Association nationale des éditeurs de livres du Québec (ANEL). Au Québec, il y a une euphorie numérique. Une plateforme a été créée, qui est utile également à des fins de commercialisation, l’entrepôt numérique ANEL – De marque. Vous pouvez voir et feuilleter les livres sur cette plateforme : http://accueil.entrepotnumerique.com/ En janvier 2011, les éditeurs vont pouvoir vendre directement leurs livres. On reçoit une subvention de 40% pour le traitement des fichiers. Mais au niveau du modèle économique, ce n’est pas résolu. Les bibliothécaires se demandent s'il faut passer par les libraires. En Haïti, j'ai envoyé le questionnaire réalisé par Octavio pour l’étude à des acteurs de toute la chaîne du livre haïtienne. Est-ce que le mot « numérique » désigne la même chose ? Pour les Haïtiens, cela désigne l'impression numérique, comme si l'édition numérique n'était pas pour eux. Je vous cite quelques réponses que m’ont envoyées les professionnels haïtiens. Par exemple, pour Anaïse CHAVENET, distributrice, quelques imprimeurs passent au numérique. La question ne se pose pas du point de vue de l'État : « Ce n'est pas demain la veille. » Emmelie PROPHÈTE, de la Direction nationale du livre, qui voyage beaucoup : « Il y a des tentatives au niveau de l'université avec Bibliothèques sans frontière notamment. Mais avec le séisme, on ne sait pas où on en est. » Avant le séisme, la BN et les Presses nationales avaient commencé à numériser : il y avait une conscience de l’importance de ce processus mais il n’y avait pas les ressources nécessaires. Emmelie PROPHÈTE croit sincèrement que nous ne sommes pas encore dans cet âge-là. Je vous livre également les propos d’un jeune auteur de 27 ans, Makenzy ORCEL : « On est même pas au stade du “dur”, et c'est pour moi un passage obligé. Comment un pays peut-il passer de rien au numérique sans politique culturelle, sans politique linguistique ? ». Pour en revenir à Mémoire d'encrier, on souhaite amorcer le virage numérique, mais on a déjà des difficultés à gérer notre propre site. On va numériser les titres québécois parce que le Québec finance en partie cela pour les titres québécois, mais pas le reste. Je souhaiterais faire en sorte que l'imaginaire numérique arrive chez les jeunes en Haïti. Je travaille actuellement sur un projet avec des jeunes qui ont écrit sur le séisme. On va essayer de faire d'abord un livre électronique, puis un livre papier. On a initié une collaboration avec François BON, qui publie en numérique Naomi FONTAINE, auteur amérindienne ; nous faisons la version papier. Georges ANGLADE avait le projet de

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numériser des anciens journaux haïtiens : une bibliothèque haïtienne qui pourrait être librement disponible. Mais il nous faut des fonds pour cela. Jean RICHARD (éditions d’en bas, Suisse) : J'ai abordé le sujet à partir de 2000 avec le Conseil de l'Europe, qui soutient les politiques nationales pour le livre papier, avec la question : pour le numérique, quelles sont les politiques nécessaires ? Nous avions étudié les différents problèmes, notamment l’impression à la demande qui nous paraissait une opportunité pour que les livres puissent circuler. Nous avions installé une imprimante Xerox dans une Fnac. Nous avions défriché le terrain et posé un certain nombre de problèmes. Avec les éditions d'en bas, j'ai connu des ruptures de stocks. Comment rendre disponible ces textes ? Un de mes auteurs concernés m'a dit que l’important était que son livre circule : je l'ai donc mis en PDF et je l'ai envoyé ainsi. Mais c’est une petite cuisine qu'on ne peut pas généraliser. Tout dernièrement, Google m'a approché. Avec les éditeurs suisses, on a inspecté les contrats. J'ai accepté l’option du feuilletage de mes livres en ligne, il y a des liens vers la commercialisation pour acheter le livre. Google m'utilise, je l'utilise. J'autorise 20% du feuilletage. Je n'avais pas demandé l’autorisation à tous les auteurs en amont : certains ont été fâchés, d'autres ravis. Google avait déjà numérisé tous les livres avant notre permission, ce qui veut dire que les bibliothèques américaines avaient déjà acheté tous nos livres. Je tente une autre expérience avec l’application Apple, qui est propriétaire, c’est-à-dire enfermé dans le système d'une entreprise : on ne peut passer que par ce guichet-là. Il faut s'inscrire, avoir un compte, payer, donc avoir une carte de crédit. Serge D. KOUAM : Quel pourcentage des livres sont sur Google Books ? Jean RICHARD : La totalité des textes sont numérisés mais je peux décider du pourcentage de feuilletage, j’ai opté pour 20%. Autre chose que je souhaiterais développer : pour faire connaître les auteurs de mon pays dans les écoles, dans un premier temps, j'avais envie de faire une anthologie de ces auteurs. Je me suis dit pourquoi ne pas en faire une plateforme numérique, avec différents formats. On pourrait par exemple choisir des textes et en faire un corpus et les imprimer à la demande. Il y a la question des droits, je réfléchis à un modèle forfaitaire avec la même entreprise qui me fait les applications Apple. Gilles COLLEU : Depuis 1984, avec Ici et ailleurs, on réalise des livres, scolaires, d’art, pour des éditeurs. Ces livres sont très « numérisés ». Il y a très longtemps que l'intégralité des processus de réalisation est numérique. Le travail est le même : un certain nombre d'opérations sur la mise en page et le formatage diffèrent, mais la matière première est identique. La fabrication du livre actuellement est très numérique : le papier est un moyen de publier des livres qui est, en réalité, numérique. Nous avions créé une maison d'édition numérique Kanaa, à partir de Cdroms, il s’agit d’ouvrages numériques vendus sur des supports multimédias. Les moyens techniques nécessaires étaient multipliés par 10, 20 ou 100 par rapport au papier, ce qui voulait dire que les recettes auraient dû être également multipliées par 10, 20 ou 100, ce qui n’a pas été le cas. Aujourd'hui aucune machine ne pourrait lire ce qui a été fait à l'époque : il faudrait refaire un travail considérable pour reformater les fichiers. C’est un phénomène un peu comparable à la rupture de stock. Les livres Vents d'ailleurs existent tous en numérique. Pour une partie, ils sont très interactifs. Mais ils ne sont pas disponibles en ligne pour l’instant, il n’y a pas d'urgence pour nous. On attend de voir avec quels acteurs travailler, comment les modèles se mettent en place. Octavio KULESZ (Editorial Teseo, Argentine) : Le principe d’Editorial Teseo, c’est que nous n'avons pas de stock. Les livres s'impriment un par un en impression numérique à la demande.

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Nous avons beaucoup négocié avec l'imprimeur pour qu'il y ait la même qualité finale, nous vendons les livres entre 10 et 12 dollars. Par ailleurs, nous faisons des ebooks à très bas prix : 4 dollars. Ce qui est très important pour nous, c’est la diffusion vers l’Espagne, le Brésil, etc. Le lecteur reçoit le livre par la poste. Le système a un grand potentiel. Pour l'instant, 80% de ce que nous vendons passe par l’impression à la demande. Nous publions surtout des livres universitaires, très spécialisés. On dit chez nous qu’une grande pluie, c'est beaucoup plus d'eau qu'un robinet ouvert…. c'est en effet difficile au début d’éditer un livre pour seulement quelques exemplaires. On a donc fait un partenariat avec des fondations, qui nous préachètent des livres. Nous avons également lancé une nouvelle collection « El fin de la noche » de fiction latino-américaine : des jeunes auteurs qui seront dans dix ans les grands auteurs. J'ai oublié de dire que j'ai commencé par le livre papier et à un moment donné, j'ai traversé le fleuve ! Je crois qu’il faut sauter le pas, et prendre le risque. Quand on saute, beaucoup de ressources apparaissent. L’esprit change quand on passe au numérique. Le papier est un format de plus, c'est la face apparente de l'iceberg. Le papier devient alors un satellite. Par exemple, avec les livres papier des éditions Libros del Zorzal (la maison d’édition papier que j’ai cofondé avec mon frère), il nous fallait stocker les livres les plus risqués parce que les libraires nous les renvoyaient… et au final, il fallait les « guillotiner » (pilonner). Ignace HIEN : Je suis Inspecteur des prix mais plus connu comme écrivain puis éditeur. J’ai travaillé à Graphique technique international (GTI) pendant six ans, puis j’ai collaboré aux Découvertes du Burkina. J'ai suivi des formations du CAFED à Tunis à deux reprises. Dès 1998, j'ai été contacté pour créer l'association des éditeurs burkinabés, j'en ai été le Président pendant six ans, puis j'ai passé la main à Jean-Claude NABA. L’association connaît aujourd'hui une phase de restructuration. Je suis depuis 2000 un collaborateur de la Foire internationale du Livre de Ouagadougou, et l’un des créateurs de la mutuelle pour les auteurs, la Muse. Amande REBOUL : Pendant deux ans j’ai collaboré avec l'Alliance sur les questions de la coédition internationale, puis sur l'édition jeunesse en Afrique francophone avec Luc PINHAS. J'ai été responsable d'une bibliothèque au Congo Brazzaville pendant deux ans et je travaille au Burkina aujourd'hui, au lycée français de Ouagadougou. Je participe à une collection, « Les Récréâtrales » aux Découvertes du Burkina, avec Jacques GUEGANÉ. On a publié cette année neuf titres de jeunes auteurs dramatiques, dans le cadre du festival des Récréâtrales. Le tirage est de 1 000 exemplaires environ par titre.

Introduction : l’éditeur indépendant, un acteur de l’édition numérique Gilles COLLEU : Je crois qu’il y a une chose fondamentale : il faut nous replacer en tant qu'éditeurs. Beaucoup d'interventions sur le numérique sont faites par des gens qui n'ont aucune idée de ce qu'est le livre, qui pensent qu’il n'y aura bientôt plus d'éditeurs. Comme si l'éditeur était un bloc néolithique. En tant qu’éditeur indépendant, nous avons une vision de l'édition indépendante : les sujets déterminants pour nous ne sont pas les mêmes que pour d'autres éditeurs. Dans un environnement où il y a abondance de livres comme là où le livre est plus rare, l'éditeur fait des choix. Sa fonction première est de choisir et de

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constituer un catalogue, avec des raisons qui ne sont pas essentiellement économiques. Nous avons des missions, la diffusion d'un certain nombre d'idées. On cherche à faire des livres moins chers pour qu'ils se diffusent, nous inventons tous les jours de nouveaux modèles pour diffuser nos livres. On entend qu'il y aurait deux modèles, celui des anciens et celui des modernes, en fait il s’agit du même modèle, celui de la péréquation. Il y a des endroits où nous pouvons créer nos propres modèles, grâce à des structures comme l’Alliance, grâce aux logiciels libres, en dehors de grandes plateformes. Il ne faut pas penser qu'il y aurait un retard. Il y a en ce moment un système de start-ups qui n'ont rien à voir avec l'édition et qui redécouvrent l'eau chaude. La difficulté pour vous éditeurs, c’est que vous n'avez pas de compétences techniques. Bien sûr, la maîtrise technique est essentielle, mais fondamentalement votre travail est en amont. C'est une chose de plus à maîtriser, mais cela n'est pas si complexe, pas plus complexe que le livre papier, même si le livre papier vous parle davantage. On délègue un travail à un imprimeur comme à un développeur. Je reprendrai ce que dit Octavio : il faut franchir le pas, mais rien ne vous empêche de prendre vos valises avec vous. Vous n'avez pas à les jeter en route. Les éditeurs inventent de nouvelles formules d'édition. Le numérique, à ce titre, est un terrain de jeu tout à fait passionnant. On peut avoir des éléments très interactifs ; on en parlera plus tard. Certes nos métiers sont en mutation, juridique et économique, mais déjà parmi nous, qui n'a aucun problème avec la gestion des stocks, ou avec la distribution des livres papier ? Nous avons ainsi la possibilité de réinventer de nouvelles pratiques de commercialisation, de diffusion-distribution. Nos capacités d'invention sont totales. Nous avons des freins très différents selon nos pays : par exemple, passer directement au téléphone portable sans passer par le fixe… Déjà, nous avons réussi à réunir des éditeurs autour d'une table, qui laissent leur catalogue et leur travail un moment pour échanger avec d'autres – et ce n'est pas si courant d'arriver à faire cela...

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Comment arriver à « gérer » le virtuel dans des pays où Internet est un luxe ?

• Présentation de l’étude sur l’édition numérique dans les pays en développement – voir annexe 1

Laurence HUGUES : Comme je vous le disais auparavant, l’Alliance, en partenariat avec la Fondation Prince Claus, a lancé une étude sur l'édition numérique dans les pays en développement. Nous avons publié un appel d'offre en septembre dernier, pour sélectionner la personne en charge de l’étude, et nous avons reçu 5 candidatures, dont 4 venaient du Nord. Ce faible taux de retour des pays du Sud est venu confirmer un constat : l'expertise actuelle est encore concentrée au Nord aujourd’hui. C’est ainsi qu’Octavio KULESZ a été sélectionné, et est en charge de la réalisation de cette étude depuis le mois d'octobre dernier. Je passe donc la parole à Octavio, pour qu’il nous fasse part des premiers résultats de l’étude. Octavio KULESZ présente l’étude dans sa généralité et la méthodologie utilisée, et précise certaines tendances repérées dans 6 grandes zones, qui sont caractérisées par un spectre de problèmes différents : Amérique latine, Chine, Russie, Inde, Monde arabe, Afrique. Commentaires et précisions lors de la présentation du power point : Octavio KULESZ : J'ai décidé de travailler sur ces régions en prenant en compte les pays leaders (population, PIB), et en étudiant les contrastes avec les pays qui les entourent. Il y a de grandes différences à l'intérieur de chaque bloc, et des similitudes permettant de dresser des comparaisons inter-blocs. En Amérique latine, il y a une forte concurrence des plateformes espagnoles. Les grands groupes comme Planeta ont créé des plateformes et demandent l'exclusivité. Jusqu'à présent, les éditeurs n’ont pas donné d'exclusivité. Au Brésil, l’État a investi un million de millions de dollars dans la construction de trains, d’aéroports, de bibliothèques... Dans ce contexte, les éditeurs qui essaient de faire du numérique ont beaucoup de ressources. En Argentine, l'investissement est beaucoup plus bas, et il y a quelques initiatives intéressantes. L’une ressemble à l’OLPC : « Conectar igualdad », qui va créer une demande considérable, au niveau national. Trois millions d’ordinateurs portables vont être donnés. Il y a eu une demande faite à la Chambre du livre, mais aucun éditeur n'a répondu par peur du piratage. C'est dommage parce que cela représente un chiffre considérable, la licence pourrait être rémunératrice. L'accès Internet en Amérique latine est assez élevé. Le gouvernement en Argentine dit vouloir que 85% de la population ait un accès wifi gratuit. La Chine sera peut-être demain plus puissante que l'Europe et les États-Unis réunis en termes numériques. « Alibaba », concurrent d’eBay, utilise des outils localement et investit beaucoup. Le secteur public investit énormément en effet avec la création de parcs industriels dédiés à l'édition numérique, pour que les Chinois, même en milieu rural, y aient accès. Des 80 liseuses qui existent sur le marché mondial, 40 sont chinoises. Il existe la plateforme Shanda, j'ai vu le responsable à Francfort, et il me disait que la plateforme réunit un million d'auteurs, dont plusieurs sont déjà riches : la Chine joue sur la quantité. Internet

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en Chine représente plus de connexions qu’aux États-Unis, et les ordinateurs portables sont plus nombreux que ceux des États-Unis et de l’Inde réunis ! Aucun éditeur chinois n'a rempli le formulaire en ligne que j’avais fait, à part quelqu'un de Taïwan. J’ai eu quelques difficultés pour les contacter parce que Google ne marche pas en Chine. La Chine compte beaucoup sur les acteurs locaux. En Inde, il y a beaucoup d’inégalités, et une quantité de langues. Il y a donc un problème de typographies, notamment pour celles qui ne sont pas simples à résoudre. Des colosses anglais et américains ont une place très importante sur le marché. Mais l’Inde est le 4e pays en termes d'accès à Internet. Beaucoup de gens travaillent en Open Access, et notamment les universités de pointe. Dans le monde arabe, le grand problème est celui des métadonnées… c’est le chaos quand il s'agit d'harmoniser des informations sur le livre. La reconnaissance de texte ne marche pas bien en arabe. Par ailleurs, il y a de la censure. On commence à réfléchir à un ISBN qui permettrait d'éviter de passer par les services des gouvernements. Le sujet est encore flou cependant. Les éditeurs espèrent contourner les problèmes liés au papier : en Égypte, 10 % des ouvrages papier circulent partout, 80% ne sortent pas d'un cercle de 5 km, le reste n'est nulle part. Aucun livre ne peut sauter la frontière. Le projet Kotobarabia n’est pas vraiment pensé pour des lecteurs locaux, il est tourné vers les États-Unis, et il marche très bien. En Afrique, l’accès à Internet est inégal. L’opposition entre les villes et les campagnes est très marquée. Le marché des portables est tellement important qu’il serait intéressant de penser à quelque chose adapté à cela. Si on pouvait trouver une façon de distribuer numériquement les catalogues des éditeurs africains pour les bibliothèques américaines, cela serait également intéressant financièrement. Worldreader a tenté l’expérience de distribuer 400 kindles mais je pense qu’il s’agit plus d’une opération marketing encore une fois. Le projet Paperight en Afrique du Sud repose sur un système d’impression à la demande, basé sur des photocopieuses, avec une reliure en spirale, une espèce de livre donc. L'idée est de créer un marché (avec des prix bon marché) là où il y a seulement de la piraterie. Le système permet de faire une seule impression mais ce n'est pas quelque chose de simple à mettre en place, il faut y réfléchir.

• L’édition numérique en Afrique, expériences existantes (infrastructures de réseaux numériques, parcs informatiques, etc.)

Serge D. KOUAM : Que rajouter à la présentation d’Octavio ? Je me rends compte que les problématiques sont les mêmes. L'essentiel des contraintes est au niveau commercial. Aujourd'hui il est possible, au moins au Cameroun, d'aller sur Internet, on peut télécharger des logiciels gratuitement, Open Office par exemple. La difficulté est d’avoir une connexion permanente et stable pour télécharger le livre. Pourtant je paye l’équivalent de 80 euros par mois pour l’ADSL : ça coûte très cher, ce n'est pas Internet qui est difficile d'accès mais c’est le coût d’accès à Internet

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qui est problématique. Nous avons comme option de rechercher une sous-traitance ailleurs, mais on ne saurait jamais ce qu'il s'y passe. Au final, ça ne coûte pas si cher que cela de faire un site. Le problème est celui de l'infrastructure pour sécuriser le paiement en ligne, les banques ne veulent pas investir dans ce domaine : il faudrait que le législateur bancaire s'y mette. Sinon, en cas de litige, nous n’aurons pas de recours possible. Des choses se mettent en place, il existe par exemple des possibilités de paiement par téléphone, par SMS. Ça suppose qu'un opérateur téléphonique s'associe à une banque, et vous donne un numéro associé au transfert d'argent. J'en ai discuté avec les NENA à Dakar, ça n'est pas encore effectif chez eux et ils restent aux Cdroms pour l’instant du coup. En Afrique centrale, le législateur tarde à comprendre les enjeux de la vente en ligne. On pourrait vendre mais nous sommes bloqués par le système de paiement. Le défi est donc de créer de nouveaux instruments de paiement. Comme disait Octavio, c'est en additionnant des petites choses que cela peut inciter à nous lancer, à partir de notre petit niveau. Mais il faut en convaincre les partenaires, nous devons faire du lobbying. En Afrique du Nord, il a été expérimenté un système de paiement par téléphone ou par messagerie téléphonique. Au Kenya, cela semble marcher. J’ai à l’esprit un « concept » entendu lors de la Foire du livre de Francfort, les « zones de silence littéraire », autrement dit, il n'y a pas de pays sous-développé en termes de création littéraire. Comment peut-on diffuser cela à l'échelle mondiale ? Le numérique peut-il nous permettre cela ? Alain DABILOUGOU (Le Reporter) : On a expérimenté le « zap » au Burkina, un transfert d'argent par SMS. Mais ça n’inspire pas forcément confiance. Le produit n'a pas décollé. La société Innova, qui a lancé ce projet, est en train de couler. Les gens ne se fient pas à la monnaie électronique. Rodney SAINT-ELOI : Je pensais qu'avec Paypal, on pouvait résoudre la question ? Octavio KULESZ : Pour l’instant, Paypal n'est pas partenaire dans tous les pays avec les banques locales. Et les commissions ne sont pas les mêmes selon les pays, ça peut être très cher pour de petites sommes.

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La « chaîne du livre » numérique : de la réception d’un manuscrit à sa publication et à sa commercialisation

• Définitions, vocabulaires (métadonnées, entrepôt numérique, agrégateur…) – voir annexe 2

Laurence HUGUES : Suite à cette première matinée, avez-vous des questions de définitions? Sékou FOFANA : Qu’est-ce que sont les « métadonnées » ? Octavio KULESZ : Les métadonnées sont toutes les informations sur le livre : le nombre de pages, le titre, l’auteur, la maison d'édition, le prix, l’ISBN. Ces données n'appartiennent pas au texte. Gilles COLLEU : Par exemple, on peut mettre dans les métadonnées, la géographisation des droits et des prix. La grande difficulté, c'est de s'accorder sur la standardisation de ces métadonnées. Il existe des normes : ONIX (ONline Information eXchange), ou Dublin core. On ne peut pas passer, ou difficilement, d'un système à l'autre. L’ONIX est en train de prendre la place standard, avec un effort de traduction dans plusieurs langues. Elle permet de rajouter ses propres métadonnées. Il y a beaucoup de logiciels, moi j'utilise Calibre qui est libre, et que vous pouvez télécharger gratuitement. Il faut se méfier des normes : la norme est valable tant que les uns et les autres la considèrent comme telle. Armel MAHOUEKPO : Je voudrais que vous reveniez sur la notion d’« entrepôt numérique » ? Gilles COLLEU : La question du numérique ne résout pas le problème du stockage. Les ordinateurs reliés entre eux avec des systèmes de sauvegarde permanente doivent être entreposés, dans un entrepôt de données. Il existe des solutions différentes, Hachette a développé son propre système par exemple. Rodney nous parlait ce matin par exemple de l’entrepôt numérique de l’ANEL. Laurence HUGUES : Pourriez-vous préciser ce qu’est un « agrégateur » ? Octavio KULESZ : Un agrégateur est une structure qui rassemble des fichiers, qui accumule ces fichiers et les distribue à des librairies en ligne. Ce sont des plateformes de distribution, par exemple Libranda où plusieurs distributeurs se sont associés pour que les éditeurs leur transmettent leurs fichiers numérisés. Gilles COLLEU : Aucun acteur ne peut prétendre à un service parfait. Il faut signer des contrats très courts pour pouvoir renégocier. Laurence HUGUES : Comme dans la chaîne du livre d’ailleurs, c'est l'éditeur qui doit avoir la main, et qui donnera au distributeur l'objet qu'il veut voir diffuser. Octavio KULESZ : Si on prend la chaîne du livre traditionnelle, il y a des plateformes qui, grâce à des innovations techniques, permettent l’autoédition. Par exemple lulu.com : n'importe qui peut téléverser son livre et le vendre sur le site. L'auteur gagne un pourcentage fixé à l'avance. Avec ce système, on saute la chaîne traditionnelle. C'est le modèle de l'édition à compte d'auteur, mais l'auteur n’a pas à payer dans ce cas-là.

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Gilles COLLEU : Rien à voir donc avec l'idée d'un catalogue d'éditeur, avec des titres qui entreraient en résonance avec d'autres. Octavio KULESZ : À mon avis, ces plateformes ne détruisent pas la chaîne mais forcent les acteurs à passer au numérique.

• Les acteurs de la chaîne numérique sont-ils les mêmes que les acteurs de la chaîne traditionnelle ?

Jean RICHARD : Est-ce que les acteurs dans la chaîne numérique ont le même rôle que dans la chaîne traditionnelle ? Octavio KULESZ : C'est un réflexe que de transposer. Seule l'expérimentation nous dira s'il y aura d'autres figures commerciales qui apparaissent. Pour nous, éditeurs numériques, l'éditeur continue de faire son travail de sélection, de choix mais aussi sur le texte (corrections, etc.). L’éditeur précise les métadonnées. Après, le distributeur peut faire les changements dans chaque format de fichiers. Le distributeur est grossiste. Le libraire répond aux questions, fait de la promotion, alors que le distributeur n’a pas de contact avec les lecteurs. Entre l'auteur et le lecteur, il y a donc toujours des intermédiaires. Gilles COLLEU : Qu'est-ce qu'un livre numérique ? À quel moment on s'arrête dans l'homothétie ? Si on enrichit un livre, d'un seul coup, nous avons une autre TVA et un prix libre ? Il faudrait alors rester dans un cadre très peu innovant pour être accepté dans la notion de livre. À partir de combien de liens hypertextes peut-on dire que ça n’est plus un livre ? On va commencer à se rendre compte qu'il y a de vraies compétences et une vraie valeur ajoutée du livre numérique.

Serge D. KOUAM : Il existe des « infopreneurs », des entrepreneurs de l'information. Un lecteur aura de plus en plus de mal à s'y retrouver, et il faut donc travailler à la structuration des informations. Est-ce que les libraires d'aujourd'hui peuvent être les libraires numériques de demain ? Octavio KULESZ : C'est la librairie qui va le plus souffrir du numérique en effet... Gilles COLLEU : Le libraire se sent menacé. Nous avons bien vu que les bornes de téléchargement dans les librairies sont vouées à l'échec par exemple. Laurence HUGUES : Si nous prenons l’exemple d’Alice au pays des merveilles sous format numérique, nous voyons que de nouveaux métiers se créent… Gilles COLLEU : Les éditeurs multimédia sont

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des promoteurs d'objets culturels, il y a une grande sophistication de l'objet, qui devient un objet culturel interactif. Cela a entièrement migré sur le web. Ce qui se vend le mieux, c'est ce qui ne s'appelle pas un livre numérique, mais un jeu. Quand vous avez travaillé sur l'Universalis en ligne, plus jamais vous ne revenez sur l'Universalis papier. Tout un pan de l'édition s'est déjà numérisé. Chloé GIRARD : Oui mais c'étaient des formes éditoriales qui étaient contraintes par le papier. Elles se révèlent avec le numérique. Le roman n'a pas forcément besoin de cette interactivité. Octavio KULESZ : Les PDF traditionnels ne se vendent pas en ligne parce qu’en fait, c'est un texte fait pour un autre support. C’est comme si vous passiez de la charrette à la voiture mais que vous continuiez de rouler à 10 km heure. Gilles COLLEU : Le roman restera le roman. Mais il y a des possibilités de faire des romans interactifs. Par exemple, 20% d'amour en plus, où vous avez 80 fins différentes. Beaucoup d'auteurs n’exploreront pas forcément cette voie du roman interactif mais elle peut exister.

• L’évolution des métiers Sékou FOFANA : Concrètement, quels sont les acteurs qui ne sont pas amenés à disparaître et quels sont les nouveaux métiers ? Gilles COLLEU : Les métiers vont évoluer plutôt que disparaître. Des compétences supplémentaires vont se développer, qui s'appuient sur des compétences existantes. Les métiers qui vont apparaître se situeront dans la médiation entre le contenu et la spécialisation du livre numérique.

• Démonstration du système de l’impression à la demande, à partir du site Internet d’Editorial Teseo

Octavio KULESZ : Pour nos livres imprimés à la demande, le lecteur peut choisir d'acheter par Amazon, c'est de loin là où on a le plus de ventes. En revanche, il y a un différentiel de prix : on ne peut pas avoir un prix unique. De plus, Amazon ne vous donne pas le format que vous voulez, il faut choisir entre différents formats qu’il propose : on a dû remaquetter les livres. Le prix a à voir avec le coût local de l'impression, Amazon prend en plus un pourcentage sur la distribution. Les droits d'auteur sont de 10 % sur le prix public, mais on parle ici du livre physique. Le lecteur paie le coût d'envoi mais en général cela n'est pas trop cher étant donné que c'est local. Serge D. KOUAM : En Afrique, 75% des envois postaux se perdent. Une des options possibles est de fonctionner par messageries, DHL, par exemple. Octavio KULESZ : Les livres à la demande sont une opportunité pour nous parce qu’aucun distributeur ne prendrait mes livres. Laurence HUGUES : Cela pourrait donc être une opportunité pour les éditeurs africains pour le commerce de leurs livres hors Afrique. Gilles COLLEU : Pour des livres à très faible rotation, oui. Aujourd'hui, une tendance est de pilonner l'intégralité des livres à faible rotation. Et au moment de la commande, le distributeur fabrique à la demande. Cela permet de conserver tous les livres disponibles.

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Serge D. KOUAM : Cela serait adapté pour Afrilivres. Chaque fois qu'on a essayé d'aller sur un salon à Paris ou à Genève, on a eu la preuve que le livre africain peut marcher. Mais aucun distributeur ne voudrait les prendre en revanche. Gilles COLLEU : Cela permettrait de contourner les problèmes de dédouanement. Il faut quand même voir que le livre à l'unité coûte cher à produire. Là où dans un système classique, le prix du livre est de 10 à 15 % du prix de revient, par exemple un euro, l’impression à la demande représente 4 euros, soit 3 ou 4 fois plus cher. Serge D. KOUAM : Si on a des commandes groupées, ça pourrait marcher.

• Les formats de fichiers Chloé GIRARD : Il n'y a pas de bon format pour les dix ou vingt prochaines années. Ce qui est important c'est d'avoir des formats qui seront plus faciles à faire évoluer, à l’inverse du PDF. Gilles COLLEU : Par exemple dans certaines maisons d’édition, ils ont tout numérisé au prix fort, et ça ne vaut plus rien aujourd'hui. Ils ont décrit le livre avec des critères qui ne sont plus utilisables aujourd’hui. Ils ont du coup tout désarchivé et passé en PDF. On manque de dialogue entre des gens très spécialisés dans le contenu et des gens spécialisés dans les formats. Marie Michèle RAZAFINSTALAMA : Mon souhait, c’est de travailler avec l'existant. Aujourd'hui, à Madagascar, l'existant, ce sont des écoles qui s'équipent. Les liseuses n'existent pas. Pourquoi ne pas d'abord s'adresser aux écoles ? Jean RICAHRD : On peut travailler sur deux pistes. Pour les éditeurs africains qui ont du mal à diffuser leur livre dans le Nord, travailler sur le numérique à destination des bibliothèques pourrait être une piste. Il ne faut pas se dire que pour l'instant, ça n’est pas une réalité en Afrique, mais plutôt se dire qu’il faut l’intégrer à ce qui se passe dans le reste du monde. Octavio KULESZ : Par exemple, il y a un potentiel pour les fichiers pour le téléphone portable.

• Les liseuses Serge D. KOUAM : Est-ce que l’iPad sert à autre chose qu’à lire des fichiers numériques ? Gilles COLEU : C'est un mini ordinateur, avec un accès Internet, un accès aux mails. Jean RICHARD : Par exemple, j'ai annoté le manuscrit de Sanou Mbaye lors de notre dernière coédition sur mon iPad ! David DAUVERGNE : Le succès de l'iPad par rapport aux liseuses est dû à cette possibilité de bénéficier de plusieurs activités.

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• La promotion, la diffusion et la distribution Octavio KULESZ : En termes de promotion, beaucoup d'outils peuvent servir. Google Livres est très polémique. En 2004, Google Print scannait tous les livres du monde, et il y a eut un procès intenté par des éditeurs américains. Le projet a été rebaptisé Google Books. Aujourd’hui, si Google n'a pas signé d'accord avec l'éditeur, seulement des extraits de l’ouvrage sont en ligne. Cela permet d'être en très bonne position dans le moteur de recherches de Google car Google génère les métadonnées. Google a commencé la vente de fichiers sur Google Books. Rodney SAINT-ELOI : Pourquoi signer ? Moi je n’ai pas signé. Gilles COLLEU : Moi, j'ai signé mais je ne mets sur Google que les livres épuisés ou ceux que je choisis de mettre. Octavio KULESZ : Google Books devient une véritable librairie. Pour l’instant ça marche seulement aux États-Unis. L’interface est très commode. On peut choisir la navigation, les marges... pour nous à Editorial Teseo, c'était la seule façon d'avoir une visibilité gratuite. La Chambre du Livre argentine était vraiment contre mais le président de la Chambre du Livre a signé depuis peu... Il faut prévenir les auteurs si vous signez un contrat avec Google. On n’a pas donné la quatrième de couverture à Google : ils ne peuvent pas faire de POD (print on demand – impression à la demande). Un autre moyen de promotion rapide et simple, c’est la vidéo, via You Tube par exemple. Serge D. KOUAM : Nous avons de notre côté un problème de débit pour lire une vidéo. Octavio KULESZ : On peut essayer de jouer sur les définitions des fichiers. D’autres solutions existent en terme de promotion pour les éditeurs : les réseaux Facebook ou Twitter. Cela demande un minimum d’animation, de répondre à des questions, de publier des informations… vous pouvez y consacrer une heure par jour par exemple. Vous pouvez par ailleurs encourager les auteurs à être actifs sur ces réseaux. Marie Michèle RAZAFINSTALAMA : Je n'ai pas du tout pensé à ça et pourtant, beaucoup de gens sont sur Facebook à Madagascar. Octavio KULEZ : Même le feuilletage, vous pouvez le faire tout seul. Il existe un outil gratuit : issuu. On téléverse le PDF sur un site et on propose le feuilletage sur son site Internet par exemple.

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Dimanche 19 décembre

Les questions juridiques inhérentes à l’édition numérique Gilles COLLEU : Concernant les questions juridiques, elles sont d'actualité dans tous les pays, sans qu'aucune solution pérenne ne se détache précisément. On pense bien sûr au droit d'auteur (qui veut aussi dire devoir d'éditeur), à la notion de coédition qui change avec le numérique. Pour les contrats de distribution, on a l'habitude d'avoir des contrats de distribution exclusifs, mais dans l'édition numérique, cela n’est pas conseillé. Pour le droit d’auteur, qui n’est pas défini de manière identique dans tous les pays, la durée du contrat d’auteur peut varier et à partir du moment où l’objet n’existe plus, il est possible de rompre le contrat. Les œuvres hors droit deviennent de fait des œuvres bloquées. Par exemple, on édite beaucoup de textes de Frankétienne aux éditions Vents d’ailleurs. Récemment, un de ses titres est devenu totalement indisponible. Nous avons donc posé la question à l’éditeur d’origine et nous avons récupéré de manière très simple les droits. Dans le cas du numérique, il aurait pu refuser de nous donner les droits, les droits étant verrouillés. En tant qu’éditeur, on a intérêt à avoir les droits sur la durée alors qu’en tant qu’auteur, on ne sait pas encore vraiment comment va évoluer le droit et on a donc intérêt à ne pas s’engager sur une trop longue durée. Le papier et les adaptations audiovisuelles aujourd’hui doivent faire l’objet de deux contrats : si je veux transformer un livre numérique en œuvre numérique avec interaction, avec des images par exemple en plus, il y a une modification certaine de l’œuvre. Il faut faire un contrat d’adaptation. Le contrat audiovisuel est inopérant dans ce cas là. On n’a pas encore le modèle de contrat idéal pour l’adaptation numérique pour la bonne raison qu’on ne sait pas encore jusqu’où peut aller le numérique. Je ne vais pas aller plus loin mais sachez simplement qu’il faut être attentif. Pour l’instant, on procède au cas par cas, ce qui demande de faire appel à des juristes ou à avoir des compétences en la matière. Pour ce qui est de la notion d’édition numérique, dans beaucoup de contrats récents, il y a une ligne précisant : « Cette cession est établie pour le papier et pour tous les supports numériques présent passé et à venir. » Cette mention n’est pas valide, il est impossible en droit de céder à l’avance des droits qui n’existent pas. En général le droit d’auteur représente 10 % du prix public, ça n’est pas aussi simple si on n’est pas sur un prix public / un prix conseillé. Pour l’instant, il n’existe pas de prix unique pour le livre numérique, il s’agit d’un prix conseillé. Au Canada, l’ANEL a beaucoup réfléchi à la question d’un prix équitable pour l’auteur dans le cadre du numérique. Le coût du livre numérique n’est pas le même. Pour le papier, les 10 % pour l’auteur viennent du calcul suivant : une fois enlevé les remises distributeur, il reste 20 %, qu’on partage entre éditeur et auteur. Combien coûte donc un livre numérique ? Et comment partage-t-on les recettes entre auteur et éditeur ? Aujourd’hui, l’éditeur accorde 25% sur le prix de cession à un distributeur, pour un livre papier de 10 euros HT, l’auteur va toucher 1 euro. Dans le cadre du numérique, l’ouvrage sera vendu 6 euros et aura été vendu 4 euros à l’agrégateur. Rodney SAINT-ELOI : Les auteurs sont très méfiants. Beaucoup d’éditeurs déposent eux-mêmes leurs livres sur un agrégateur mais les ventes ne suivent pas. Ce qui est difficile c’est d’expliquer cela par rapport au papier. Les auteurs ne se rendent pas compte que 10 % pour le papier et 25 % pour le numérique, c’est la même chose.

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Gilles COLLEU : Il faut montrer à l’auteur la répartition des coûts. Si on est très transparent, cela se passe bien. Le problème est qu’on ne connaît pas la répartition des coûts pour le numérique. Si vous n’avez pas d’articles spécifiques sur le numérique dans vos contrats actuels, ça veut dire que vous ne possédez pas les droits d’édition numérique. Il faut donc faire signer un avenant, c’est totalement indispensable avant d’imaginer toute adaptation, sauf pour le feuilletage en ligne, parce que cela entre dans le cadre de la promotion et non de la commercialisation. Le travail de correction et de mise en page réalisés pour le papier vous appartient. Un éditeur numérique qui reprendrait le travail que vous avez fait tomberait dans le cadre de la contrefaçon. Si un auteur veut céder son livre à un éditeur numérique, il doit lui donner le texte Word sans ajout aucun de l’éditeur original. Vous avez ainsi des arguments très forts pour vous occuper de l’édition numérique de vos livres. Rodney SAINT-ELOI : Je prends souvent des livres épuisés, que je réédite. Ils sont dans le domaine public, et je les réédite avec un appareil critique. Souvent cela coûte très cher. Qu’est-ce que je fais pour le numérique avec de tels ouvrages ? Gilles COLLEU : L’édition faite de l’ouvrage appartient à l’éditeur. L’appareil critique ne relève pas de l’auteur mais bien de l’éditeur, c’est une création de l’éditeur. Dans l’édition numérique, on trouve beaucoup de textes du domaine public sans aucun travail éditorial. En revanche, le travail d’éditeur n’appartient pas au domaine public. C’est pour cela que j’insiste sur le travail de l’éditeur sur l’œuvre, parce que c’est cela qui justifie notre rôle. Amidou SIDIBE : Et s’il n’y a plus de stock de l’ouvrage papier, peut-on le rééditer sans autorisation de l’auteur ? Gilles COLLEU : Si le livre papier est indisponible, l’auteur envoie une lettre recommandée : « Souhaitez-vous rééditer ce titre ? Si non, je récupère les droits. » L’éditeur doit répondre non ou oui. S’il dit oui et ne procède pas à une réimpression, l’auteur a le droit de récupérer ses droits au bout de six mois.

• La notion de territorialité – et le cas des coéditions à l’ère numérique Gilles COLLEU : Concernant la notion de territorialité, actuellement, les contrats sont faits pour un territoire précis. Avec le numérique, la notion de territoire existe beaucoup moins que la notion linguistique. Par exemple, avec Rodney, nous avons fait une coédition, on a le même diffuseur au Québec, bien sûr Rodney vend le livre au Québec, et nous en France, mais que se passe-t-il pour le numérique ? Ici, ce sont grâce aux métadonnées qu’il y a la possibilité de voir le lieu de vente – encore faut-il que les plateformes prennent en compte cela. Laurence HUGUES : Pour la coédition L’Afrique au secours de l’Afrique par exemple, c’est l’Atelier qui a les droits. Pour « Terres solidaires », c’est Actes Sud qui a toujours les droits numériques. Serait-il possible d’obtenir les droits numériques pour l’Afrique dans ces cas-là ? Gilles COLLEU : Théoriquement, cela serait possible. On indiquerait dans les métadonnées que pour cette zone géographique-là, ce sont telles éditions en Afrique qui ont les droits numériques. Mais il faut que la plateforme de vente respecte et lise cette métadonnée-là. Il est vraiment essentiel actuellement de passer par un agrégateur qui prend en compte ces données.

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Laurence HUGUES : Serait-il possible par exemple de vendre en ligne sur Amazon un titre de la collection « Terres solidaires ». Gilles COLLEU : On ne peut lire des fichiers vendus sur Amazon quasiment que sur le Kindle. Donc c’est extrêmement simple de savoir qui a acheté un livre sur Amazon. Mais Amazon ne va pas faire la répartition des ventes par éditeurs. Il faudrait que celui qui est responsable des droits s’enquière de l’endroit des ventes mais il n’est pas sûr du tout qu’Amazon serve l’Afrique par exemple. Serge D. KOUAM : Pourquoi l’éditeur céderait-il ses droits numériques pour un autre territoire ? Gilles COLLEU : En effet, l’éditeur ne cédera pas les droits numériques. En fait, l’intérêt est de limiter les dépenses : on fait une coédition et on partage les recettes pour limiter les risques car l’édition numérique coûte et c’est un risque. Donc pourquoi ne pas s’associer pour coéditer un livre numérique ? Laurence HUGUES : Si on parle d’un inédit, ça se tient, ça a un sens de mutualiser les coûts. Mais pas pour les cessions du français vers le français, quel est l’intérêt pour l’éditeur d’origine ? Serge D. KOUAM : On revient à la notion d’espace linguistique et non à la notion territoriale. Gilles COLLEU : De votre côté aussi, ça peut devenir plus facile d’accéder à un territoire avec le numérique. C’est celui qui va faire le travail sur l’œuvre qui va pouvoir le faire circuler au niveau international.

Serge D. KOUAM : Si moi en tant qu’éditeur camerounais j’ajoute une plus-value à un texte d’un éditeur français, est-ce que cela m’appartient du coup ? Gilles COLLEU : C’est en train de se décider. On parle d’une « œuvre noyau ». Il faut absolument faire signer à l’auteur un avenant pour toute version numérique, un avenant suffisamment large pour être serein pour les années qui viennent. Laurence HUGUES : Je rebondis sur ce que disait

Serge tout à l’heure. Le fait de valoriser une œuvre (appareil critique, ajouts de documents, etc.) revient à en faire une édition nouvelle, qui appartient du coup à l’éditeur. Cela veut-il dire que même si je n’ai pas obtenu les droits numériques de la part du Seuil pour la version originale d’un ouvrage, je peux prétendre à en faire une édition numérique puisque j’y ai apporté une plus-value ? Gilles COLLEU : Oui mais il faudra le demander au Seuil. Le Seuil n’acceptera pas de céder les droits tels quels d’un ouvrage, mais s’il s’agit d’une édition critique, cela peut se négocier plus facilement. Mais peut-être que le Seuil préférera racheter les droits de cette édition-là. Laurence HUGUES : En ce moment, l’Institut français lance un programme de soutien aux cessions de droits, incitant les éditeurs français à faire des cessions du français vers le français. Sur la notion du numérique, on risque cependant d’être bloqués. La seule manière pour que les

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éditeurs français propriétaires des droits acceptent une cession numérique, c’est qu’il y ait une valorisation de l’œuvre réalisée par les éditeurs achetant les droits. Serge D. KOUAM : Si j’achète les droits à un éditeur français pour une œuvre parce que c’est au programme de l’Éducation nationale au Cameroun et que j’en fais un appareil critique, il faudrait que l’éditeur accepte, sur un espace commercial donné, que je puisse commercialiser la version numérique de l’ouvrage. Gilles COLLEU : Ça pourrait même intéresser l’éditeur français qu’on lui propose cette version « améliorée ». Serge D. KOUAM : Et si je prends dix critiques littéraires pour lire et faire comprendre un texte, comment faire mes négociations en amont ? Gilles COLLEU : C’est vraiment au cas par cas. Tu peux demander à l’éditeur de te céder les droits pour une édition critique. Serge D. KOUAM : Ce qui veut dire qu’au moment où il me cède le fichier, il a une valeur, et que moi ensuite, je fixerai un autre prix public. Gilles COLLEU : Oui, c’est pour cela qu’il faut le prévoir au départ. Aujourd’hui, les éditeurs peuvent être intéressés pour la bonne raison que les choses ne sont pas figées : céder les droits numériques non, mais pour une édition particulière, oui.

• La distribution Gilles COLLEU : Sur les contrats, il y a aussi la question de la distribution qui est importante. La tendance très forte chez les distributeurs numériques est de faire signer aux éditeurs des avenants d’exclusivité. Il ne faut jamais signer une telle clause. Il n’existe pas d’acteurs aujourd’hui qui aient une expertise telle qu’ils puissent exiger l’exclusivité, personne ne peut donner la garantie de gérer mieux qu’un autre la distribution. L’argument qui dit qu’en éparpillant les canaux de ventes, ça va être ingérable est complètement faux, car les métadonnées permettent d’y voir clair.

• Les DRM (digital right management) Gilles COLLEU : Vous savez ce qu’est un fichier numérique. La grande crainte est que ces œuvres circulent trop facilement, et on connaît ce qu’il se passe pour la musique, le cinéma. Le discours consiste donc à dire qu’il faut verrouiller les fichiers avec des DRM (digital right management). Ce sont des applications externes au fichier qui vont crypter le fichier. Si vous ne possédez pas la clé, vous ne pouvez pas lire le fichier, en théorie. Le problème est que les DRM coûtent très chers, et qu’ils ne servent pas à grand-chose au final. Il est très facile de passer outre les DRM. Aujourd’hui, techniquement, ce sont des écrans de fumée. Il faut quatre minutes pour déverrouiller un fichier ! Il faut donc faire attention : dans beaucoup d’avenants, l’éditeur s’engage à garantir à l’auteur la protection de son œuvre, mais personne ne peut garantir cela. D’un point de vue économique, il va falloir que le fichier soit davantage achetable (en termes d’accessibilité et de prix) que « piratable ». C’est par exemple le système Apple, qui est un système très verrouillé et très « déverrouillable » mais qui est très simple et peu cher à acheter.

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Laurence HUGUES : L’éditeur est-il obligé d’acheter des DRM ? Gilles COLLEU : Non pas du tout, dans la mesure où il n’y a pas de clause dans le contrat qui indique cela. Les DRM peuvent de plus rendre beaucoup d’éléments illisibles (comme pour la musique). Pour le lecteur, c’est très gênant et ne sert à rien, et pour la personne qui pirate, c’est facile. Pour l’éditeur, cela a un coût. Ce sont des lobbys qui essaient de mettre en place cela parce que c’est une manne. Jean RICHARD : Parfois, la plateforme de distribution offre ce service. Gilles COLLEU : C’est de moins en moins vrai, et les plateformes ont tendance à facturer cela. Donc il faut avoir le choix. Sur presque toutes les librairies en ligne, on vous le propose mais je ne pense pas que les DRM vont être adoptés, ils n’ont pas montré leur efficacité. On peut tout protéger, mais on a intérêt à ce que les livres circulent. On a besoin que les livres soient vendus et on sait que beaucoup de livres qui circulent n’auraient de toute manière pas été vendus.

• Étude de cas : analyse d’un contrat de distribution Un éditeur participant montre à Gilles COLLEU un contrat qui lui a été proposé, que Gilles commente. Gilles COLLEU : Un article stipule dans ce contrat que l’éditeur cède en « droit exclusif » l’intégralité de son catalogue, non seulement dans sa version numérique mais également pour toute son exploitation. Cela revient donc à donner son catalogue, il devient dès lors impossible de signer ce contrat. On peut signer pour un titre, ou pour un usage précis et pour une plateforme précise mais pas pour l’intégralité de son catalogue, quels que soient les formats utilisés. La notion de « marque partagée » indiquée dans le contrat signifie que ce distributeur essaie de capter un maximum de catalogues, qu’il pourra céder lui-même. Cette notion est juridiquement interdite en France. Ce contrat pourrait donc se dénoncer. Autres exemples : l’« autorisation pour le monde entier », ou la « période initiale de cinq ans », ce qui pour le numérique est très long. Concernant la rémunération, elle est ici prévue dans un avenant… il ne faut surtout pas signer un contrat où une clause essentielle est prévue dans un avenant futur. On ne sait pas par ailleurs de quel « prix de vente » il s’agit, est-ce le prix de vente public TTC ? En cas de mévente d'une ou plusieurs versions numériques, il est prévu un changement du prix de vente par avenant, mais qui apprécie la notion de « mévente » dans le numérique ? Dans le papier, cela pourrait être plus acceptable parce qu’on peut s'appuyer sur des usages, sur un pourcentage du tirage. Il est aussi mentionné « 50% du prix facturé », ce qui est alléchant mais qu'est-ce que ce « prix facturé »? Il précise que c'est un prix de cession, donc ce n'est pas établi sur le prix de vente public. Alors qu'il n'y a pas d'encadrement du prix de cession. Lui seul maîtrise le prix facturé. En plus, le prix facturé se fait « après déduction des taxes, frais, commissions, frais de conversion de

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devises, etc. ». Les 50% s'appliquent donc une fois que ces frais sont déduits et « recouvrent l'ensemble des droits d'auteur ». Ce type de contrat est relativement courant, et vous présente tout ce qu’il ne faut pas accepter et signer ! Serge D. KOUAM : Il mentionne également la notion de « tatouage informatique », qu’est-ce que cela ? Gilles COLLEU : Le tatouage informatique revient à inscrire dans un fichier PDF le nom, le mail de l'acheteur, cela est une protection à valeur morale mais pas informatique. Pour ce qui est du contrat d’auteur, même si vous avez prévu une cession numérique « à venir », cela n’a pas de légalité. Certes, vous avez les droits numériques et l'auteur ne peut pas les donner à quelqu'un d'autre, mais il faut voir avec l'auteur sur quel objet précis défini, sinon l'auteur peut dénoncer cette clause, surtout si le livre connaît un certain succès.

Les modèles économiques Voir annexe 3 Octavio KULESZ : Même s'il y a plusieurs modèles économiques pour la commercialisation d’un livre numérique, l'essentiel est d’étudier le prix de vente, la remise et les formats. Il existe différents modèles et des coûts associés à chaque modèle, des coûts variables (en fonction des ventes) et des coûts fixes. La question est de savoir comment fixer le prix de vente, le pricing. Pour cela, il faut connaître les coûts fixes :

• le coût de la maquette ; • le coût pour déposer un livre dans une plateforme (cela peut être payant ou non) ; • les coûts liés à un site web ; • les coûts des licences : logiciels, typographies, systèmes d’exploitation (operating system – OS) – il existe des alternatives, on peut utiliser des logiciels, des typographies et des OS libres (Linux par exemple) ;

• le coût de l’ISBN, payant en Suisse ou dans certains pays d’Afrique… Ces petits coûts s'ajoutent très vite si vous avez cent titres à numériser. Jean RICHARD : Faut-il un ISBN par format ? Octavio KULESZ : Oui en théorie, il faut un ISBN par format (un pour l'ePub, un pour le Kindle, etc.), mais ce principe est remis en cause parce qu’il devenu trop compliqué.

• Le modèle « d'agence » Octavio KULESZ : Dans ce modèle, l'éditeur fournit les règles du jeu et donc le prix, et le vendeur reçoit un pourcentage à négocier. C’est le cas du bookstore d’Apple pour l’iPad et l’iPhone. Apple respecte le prix fixé par l'éditeur et reçoit 30 % du prix de vente. Il y a plusieurs façons de payer l'auteur mais selon les législations en termes d’impôt et de TVA, les calculs peuvent se compliquer. Il faut être attentif à l’ensemble de ces coûts. Je dois également faire appel à un distributeur qui fait l'intermédiaire avec Apple.

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Gilles COLLEU : Apple a choisi un distributeur par pays. Octavio KULESZ : Au vu de tous ces critères, quel prix de vente choisir ? Il n’y a aucune méthode scientifique ni d'étude de marché sur l'élasticité des prix en fonction de la demande. Nous avons découvert à Teseo que ce n'était pas utile de fixer un prix proportionnellement au livre papier. Un livre numérique de 300 pages ne coûte pas forcément plus cher qu'un livre numérique de 100 pages, ce n'est pas comme le papier. Nous avons donc fait l'expérience d'un prix unique très bas, qui est arbitraire et discutable. L'idée est que le livre numérique ne soit pas très cher pour que le lecteur puisse y accéder sans être tenté de pirater. Jean RICHARD : Vos livres sont donc à 4 dollars sur toutes les plateformes ? Moi j'ai des collègues qui font des prix différents selon les plateformes. Octavio KULESZ : Si tu fournis juste un fichier PDF, bien entendu, ça ne peut pas coûter la même chose qu'un très bon ebook. Il faut également ajuster son prix de vente en fonction de la qualité du fichier qu’on vend. Gilles COLLEU : Le modèle d'Octavio, c'est le système de péréquation. Le modèle dont tu parles Jean est différent et consiste à étudier le prix de vente de chaque livre en fonction de ce qu'il coûte et de ce qu’il rapporte. Octavio KULESZ : Si on gagne très peu d’argent, se faire payer une petite somme devient plus cher (car les droits d'auteur restent les mêmes quoi qu’il en soit) que de ne pas se faire payer. C'est encore ici la question des transferts bancaires qui se posent. Le lecteur peut payer ici en chèque ou par virement local aux États-Unis. Ce modèle n'apporte pas la fortune donc ! L'agrégateur avec qui nous travaillons veut que nos fichiers aient des DRM. Si je fixe mon prix à 4 euros, OverDrive, l’agrégateur, reçoit 2 euros (part qui recouvre leur pourcentage, celui du revendeur, et 0,22 euros pour Adobe), et sur les deux euros restants, je dois payer l'auteur.

• Le modèle de « revendeur » Octavio KULESZ : Ici, l’éditeur fournit un fichier et les métadonnées liées au fichier. Et le distributeur est ensuite libre de fixer son prix de vente : c’est le cas d'Amazon. Un prix unique du livre numérique ne permettrait pas cela.

• Le modèle « Freemium » Octavio KULESZ : L'éditeur fournit les fichiers, le distributeur en propose des versions gratuites mais imparfaites (pour de la publicité, avec des systèmes plus lents, en basse résolution, et des contenus incomplets). C’est finalement assez proche du modèle Google Books. L’exemple intéressant est la plateforme espagnole, 24symbols, qui propose de lire avec de la publicité. Ils appellent ça le spotify des livres [spotify : site qui permet d’écouter de la musique gratuitement avec des coupures publicitaires, ou en payant, sans coupures publicitaires]. Jean RICHARD : Pour information, publie.net de François Bon propose un abonnement de 64 euros annuel pour lire en streaming 10 livres par mois. Pour les télécharger dans tous les formats, cela coûte 94 euros par an.

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Octavio KULEZS : Ce système est très intéressant pour l'agrégateur, mais le gros problème pour les éditeurs est de savoir comment payer le travail éditorial et les auteurs.

• Le modèle « Open access » (libre accès) Dans ce cas-là, les livres sont en libre téléchargement pour le lecteur, gratuits donc. Cela signifie que l’éditeur doit trouver des sponsors ou des fondations qui financent l’opération – en contrepartie d’une valorisation de ce soutien, publicités pour ne pas être à perte. Le problème est que le financeur devient en position de force, et peut censurer des titres par exemple. Pour l’anecdote, un professeur de communication de l'université de Buenos Aires a écrit un ouvrage de référence, publié en décembre 2008. En juillet 2009, on en avait vendu que 15. Les étudiants le photocopiaient à l’université, et pourtant, le livre papier n'était pas plus cher que le photocopiage de l’ensemble du livre. C’est là qu’on s’est aperçu que les étudiants photocopiaient par chapitre. J'ai demandé du coup à l’auteur si on pouvait faire une version gratuite de son livre pour que les étudiants se rendent compte que c'était un livre, une œuvre, à considérer dans son intégralité et non fragmentée. Je l'ai mis sur Google Books. Et les ventes se sont multipliées par 10 à partir du moment où on a mis le livre en ligne dans son ensemble.

Nous avons également réalisé avec ce même livre un blog, consacré uniquement au livre. On le lit en entier gratuitement. Mais on ne peut pas le copier directement. L'idée c'est que les gens le lisent en ligne, qu’ils puissent ajouter des commentaires. La lecture numérique a un potentiel qu'il faut exploiter, et peut offrir beaucoup de richesses (ajouts de commentaires, discussions avec d’autres lecteurs, etc.). Laurence HUGUES : Je reviens sur le financement de ce type de projets via des fondations. Comment

assurer une pérennité du catalogue tout en étant dépendant de financeurs ? Octavio KULESZ : On peut imaginer un modèle hybride, permettant également une commercialisation. Il est possible de proposer à la fondation qui nous soutient une avance sur les droits pour 10 000 visites, que la fondation paierait 2 000 euros par exemple. Mais ce sont des éléments à négocier.

• Le modèle de « Creative Commons » Octavio KULESZ : Le copyright signifie que tous les droits sont réservés. Le Creative Commons est une licence introduite aux États-Unis pour que les contenus numériques puissent être partagés dans un cadre légal. Ce n’est donc pas « tous les droits réservés » mais « quelques droits réservés », et c’est à l'auteur de choisir. Une photo sur flickr peut être sous Creative Commons et cela peut être pratique si je cherche une photo pour une couverture. Rodney SAINT-ELOI : C’est un outil intéressant pour la lecture publique. Comment faire circuler un certain nombre de livres et trouver un organisme qui peut financer cela ?

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Octavio KULESZ : Quand je demande aux éditeurs indépendants, « est-ce que ce livre marche ? », ils me répondent « j'en ai fait 1 000 exemplaires et en ai vendu 200, je ne suis pas gagnant ». Pourquoi ne pas le mettre en ligne alors ? Souvent par peur de la piraterie. Le même argument peut être donné aux auteurs : vu que ce livre ne se vend pas beaucoup, autant qu’il soit lu le plus possible gratuitement. En conclusion, il y a donc beaucoup de modèles possibles. Les acteurs traditionnels utilisent en général le modèle d'agence. Mais c’est peut-être la meilleure façon de freiner la transition numérique, vendre un fichier PDF à 20 euros, c'est vouloir rester au papier… On peut ensuite trouver des modèles hybrides : on peut faire un modèle Open access pour une version en ligne, un modèle d’agence pour le papier, en local, et imaginer une version numérique pour l’international.

Les supports de lecture numériques : tablettes, liseuses… Gilles COLLEU : Nous avons apporté des liseuses, qui sont fait prioritairement pour lire. Il existe des mini-ordinateurs, comme l’iPad, qui sont faits pour plein d'autres choses que la lecture. La notion de livre électronique couvre des fonctionnalités très différentes en effet. Le Kindle est normalement fait pour les fichiers d’Amazon, mais en réalité il est très facile de fabriquer ses propres fichiers numériques. Rien n'empêche par exemple de lire sur un iPad un livre fait avec le logiciel « La poule ou l'œuf ». Chaque promoteur va proposer des lectures différentes. On nous a appris à lire et à utiliser le livre. On a mis des siècles à mettre en place le folio, les notes de bas de page. On est très loin d'avoir formalisé un processus de lecture idéale de livre numérique, par exemple sur la manière dont la page s'organise. Il y a donc une notion de lecture imparfaite sur des supports numériques. Aujourd’hui ce qui est le plus innovant n'est pas encore au point, entre autres dans le traitement typographique… qui n’atteint pas la qualité de la photocomposition. Sur un livre numérique, il n’y a pas de pliure, les livres sont pratiquement tous mono-page. L'homothétie complète n'est pas possible. On recherche encore comment la structuration du texte peut être présentée de manière idéale pour l’efficacité de la lecture. Vous allez donc voir beaucoup de choses imparfaites durant cette séance ! Dites-vous par ailleurs que dans six mois, ces objets seront caduques. Il n'y a pas plus interactif et structuré qu'un livre papier. Je peux en prendre connaissance en le feuilletant. Je vois rapidement le découpage, le type de texte, le paratexte, qui permet de prévoir mon degré d'implication en tant que lecteur. On a pas encore de formation pour lire sur le numérique. On lit sur les sites, comme l'ancien volumen, cette page qui n'en finit plus.

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Pour ce qui est des prix des liseuses : • l’iPad coûte 500 euros, ce qui est cher pour lire des livres mais ce qui ne l’est pas pour un ordinateur.

• les liseuses Sony coûte entre 120 et 150 euros. • le Kindle coûte environ 89 dollars, soit 100 euros avec les taxes – mais il ne lit pas les ePub.

• les petites liseuses chinoises coûtent 50 dollars mais ne sont pas du tout fonctionnelles.

Présentation de la chaîne éditoriale web dédiée aux documents longs – La Poule ou l’œuf - www.pouleouoeuf.org Chloé GIRARD : On voulait tout d'abord faire un retour sur la notion de structuration des fichiers. Un même contenu peut en effet être exploité de façon différente. Aujourd'hui, un livre va avoir plusieurs formes et des usages à sa sortie, que ce soit pour des liseuses, pour des smartphone, ou pour un autre outil dans le futur. Quel sera le format adéquat demain, on ne le sait pas. Donc, soit on a un contenu et on le traite autant de fois qu'il le faut, soit on essaye d’avoir un « contenu neutre et transformable », du moins le plus large possible pour les différents processus d'exploitation. Pour cela, il faut utiliser des feuilles de style, qui servent à formater les contenus selon les usages et les sorties. On va ainsi pouvoir ré-exploiter les contenus de façon variable. Gilles COLLEU : Fondamentalement, il faut que le texte soit le plus structuré possible. Chloé GIRARD : Et une chaîne éditoriale vise à structurer les contenus. Présentation du logiciel La Poule ou l’œuf à partir de fichiers textes apportés par les éditeurs. Pour télécharger le logiciel : http://www.pouleouoeuf.org/p-50.tic Chloé GIRARD : Pour utiliser le logiciel, il vous suffit d’importer vos livres sur La poule ou l’œuf, et d’installer une plateforme de gestion de compte. Le manuel de l'utilisateur est rédigé et disponible en ligne. Nous apportons une assistance bien sûr gratuite, sur notre forum.

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Lundi 20 décembre

La chaîne technique de fabrication

• Cas pratiques de fabrication de fichiers numériques (formats PDF, ePUB, etc.) à partir de différents logiciels (Indesign, Calibre…), DRM (Digital Rights Management)

Gilles COLLEU : Comment optimiser son fichier pour obtenir une publication structurée en format ePub et mobipocket ? Il vous faut d’abord structurer votre fichier sur Indesign, la dernière version est CS5.5. Il existe d’autres logiciels, notamment Calibre. Exemple à partir de La République de l'imagination, de Patrice NGANANG. Ce qu'il ne faut pas faire : Ici, nous avons un texte travaillé sous word, importé dans Indesign. Dans le cadre d'une publication numérique, on l’exporte en PDF, et on paramètre le PDF pour l'édition numérique. Le premier problème est celui de la mise en page conçue pour une double page avec des titres courants à gauche et des titres courants à droite… or notre fichier est mono-page. Les notes de bas de page ne sont pas bien placées, et les hyperliens ne fonctionnent pas. Indesign ne les reconnaît pas automatiquement. Il faut donc le prévoir en amont. Pour un format ePub, nous allons dans « Exporter », « Epub », et le résultat est que je n'ai plus de pages, plus de saut de pages. Le fichier est totalement inexploitable. Comment donc améliorer cette exportation ? Ce qu’il faut faire : Je vais donc essayer d'organiser ma mise en page pour améliorer le passage vers le numérique. D'abord, je crée les métadonnées, et j’indique que je veux les débuts de chapitre en haut de page. Je structure mes sauts de page, je construis une table des matières. Je supprime la page de faux titre, qui n’existe pas sur le numérique. Je peux déjà mettre l'option hyperliens et choisir où seront les hyperliens, ce qui relève du travail de l'éditeur. Je supprime la pagination et mon achevé d'imprimer, etc. Bref, je prépare à partir d’un fichier conçu pour le papier un fichier pour le numérique. On peut importer des métadonnées d'une photo intégrée dans la maquette, qu'on peut choisir de mettre où on veut. On peut également importer également des vidéos ou des éléments multimédia en flash. En résumé, j’optimise mon fichier pour qu’il soit le plus interactif possible. Le CSS (Cascading Style Sheets) est une feuille de style qui va permettre la mise en page du texte sur les liseuses. Si je suis dans le cadre d'une collection, je peux utiliser une CSS externe. Il est possible d’affiner les CSS en fonction des formats. En conclusion et comme vous le voyez, on peut générer sans trop de complexité des fichiers de qualité par rapport à certains fichiers qu'on trouve dans le commerce aujourd'hui, pourvu que son fichier source soit structuré. Laurence HUGUES : Une fois que l’on a son fichier, comment le met-on en vente ? Gilles COLLEU : On l'envoie à l'agrégateur ou au diffuseur avec qui on a contractualisé.

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Rodney SAINT-ELOI : Est-ce qu’un distributeur peut exiger d’un éditeur un fichier PDF, et en faire payer la transformation à l’éditeur ? Gilles COLLEU : Il vaut mieux garder la mainmise. Cela fait partie du travail de l'éditeur d'avoir un œil sur les adaptations des fichiers qu’il confie à un distributeur. Il faut voir si le prestataire te redonne le fichier ensuite. S'il n'y a pas de sémantisation, cela ne vaut pas 100 dollars. Laurence HUGUES : Et ensuite, comment je procède pour faire la promotion de mon fichier ?

• Cas pratiques de commercialisation de fichiers numériques sur des sites de ventes en ligne (Amazon, Eden, fnac.com, etc.)

Octavio KULESEZ : J'aimerais vous montrer quelques plateformes à ce propos.

• les pages facebook • le blogger, avec gmail • You Tube • Issuu : qui permet de mettre le livre en feuilletage et téléchargeable

Lulu.com : il s’agit d’une plateforme d’auto-édition. Certains éditeurs l'utilisent pour obtenir l'impression à la demande de façon simple. On peut publier un livre papier ou un ebook. Le site propose un ISBN international pour le vendre sur Amazon. C'est un ISBN de Lulu.com, comme si Lulu.com était l'éditeur. On peut choisir des paramètres techniques, le format, la couverture, etc. Le coût par livre est de 13 dollars. Je fixe le prix de vente, par exemple 20 dollars, et sur la différence, Lulu.com prend 20 % pour la diffusion. L'auteur ne paie rien, ce sont les acheteurs qui paient. Les paiements se font par Paypal, tu as un compte te permettant de faire des achats sur Internet.

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Conclusions / synthèses de la rencontre L’avis et les réactions des participants sur les rencontres numériques Laurence HUGUES : Avant de nous quitter, nous souhaiterions récolter vos impressions et remarques sur ces rencontres, les « plus », les « moins » de ces journées en terme de contenu, de forme, etc. C'était une première rencontre sur le numérique organisée par l’Alliance et vos retours nous permettront d’améliorer les prochaines sessions. Christian AMBAUD : La partie juridique était très claire, et fort utile. J’ai eu du mal à focaliser mon attention lors de la première après-midi, sur la chaîne du livre numérique… peut-être qu’un schéma aurait facilité la chose. Je ne suis pas sûr qu'on ait tout compris au niveau de la chaîne éditoriale de La poule ou l’oeuf. Cela pourrait être encore plus didactique pour de futures interventions. Mais de manière générale, les séances de travail étaient très didactiques, ce qui est rare sur ce type de sujet. Ce qui est intéressant dans ce type de formation, c'est qu’elle soit interne à l’Alliance, et qu’il n’y a pas des personnes extérieures qui apportent la bonne parole. Je pense que c'est formateur. Vous développez votre propre expertise. Ignace HIEN : Je reprocherai la durée de la formation. Au CAFED, ce sont des sessions de deux semaines par exemple. Laurence HUGUES : En effet, mais nous sommes ici dans le cadre d’une rencontre entre éditeurs membres de l’Alliance, ce n’est pas une formation technique mais un moment d’échanges entre professionnels, que nous avons souhaité ouvrir aux professionnels locaux. Idéalement, cette rencontre pourrait se prolonger par une formation plus technique, mais cela n'est pas l'objet ici. Cyrille A. KAGAMBEGA : Si les éditeurs burkinabés présents lors de cette rencontre étaient membres de l’Alliance, ils pourraient se rencontrer pour essayer de faire ce qui a été dit. Je crois que cela leur serait très utile. Amadou SIDIBE : Je m'attendais à plus manipuler les outils informatiques qu'à du théorique, même si ce n’est pas inutile d’avoir des notions théoriques bien sûr. Cela m’a permis de comprendre le b.a.-ba mais il est vrai que je m'attendais plus à une formation qu'à une rencontre. Gilles COLLEU : En terme de formation, il est important de savoir que pour quelqu'un qui maîtrise parfaitement Indesign, il faut au moins deux ou trois jours de formation pour le numérique. Si vous avez une utilisation superficielle d'Indesign, il faut compter cinq jours en plus. Si vous partez de rien, il faut compter quinze jours... et encore quelques jours en plus pour les CSS. Amadou SIDIBE : J'aurais souhaité une formation technique de ce type je pense.

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Laurence HUGUES : Il s’agissait ici d’une immersion dans le numérique. Les questions de formation techniques à proprement parler feront l’objet des prochaines étapes, comme nous l’avons mentionné dans les propositions à mettre en œuvre en 2011. François NKEME : J’ai appris beaucoup de choses et j’ai le sentiment qu’il nous aurait fallu réfléchir à ces questions sur le numérique bien avant, afin d’être plus réactifs. Sékou FOFANA : Moi, je suis rassuré de voir qu'au Nord aussi, on s'interroge sur le numérique – et que les réponses sont nombreuses ! Au niveau de la rencontre, parfois c’est allé un peu vite pour nous qui découvrons le lexique. Je pense qu’il faut penser à aller un peu moins vite pour les prochaines fois, pour laisser le temps aux participants d’assimiler les éléments théoriques. Armel MAHOUEKPO : Je trouve que ces rencontres se sont très bien passées. L'objectif pour Ruisseaux d’Afrique, c'est entre autres de mettre nos livres sur les marchés du Nord, et il y a encore du chemin à faire, on le voit bien ici. J’ai trouvé les parties techniques sur les fichiers Epub assez simples mais les questions juridiques étaient plus compliquées pour moi en revanche. Marie Michèle RAZAFINSTALAMA : Ces rencontres étaient très importantes pour moi. J’ai parfois été un peu perdue tellement il y avait de choses à comprendre. Mais je suis prête à me lancer dans le numérique, et à connaître d'autres éditeurs avec qui je pourrai échanger et avancer. Rodney SAINT-ELOI: Merci à vous, j'ai beaucoup appris. J’ai eu plus que ce à quoi je m'attendais. Je m’éveille au numérique. Comment cet éveil va-t-il être nourri maintenant ? Mon combat, c'est le numérique à destination du Sud, dans une vision citoyenne, pour la circulation des savoirs et non pas au service du commerce et de la technique. Je pense que l'Alliance peut avoir une responsabilité réelle en ce sens-là. Jean RICHARD : Je suis dans une position intermédiaire. Pour les initiés, il y a toujours ce risque de tomber dans un engouement qui crée une bulle, qui exclut les autres. C'est peut-être inévitable. J'ai un immense souci pour ma part : le numérique émerge sur des supports conçus au Nord, comment cela va-t-il se matérialiser au Sud ? L'étude d’Octavio y répondra très certainement. J'ai appris énormément. Quand je pense au temps que je passe à essayer de trouver des solutions… j'aurais dû m'adresser à vous directement, c'est ce que l'on va faire maintenant – et ça s'est concrétisé ici même. Octavio KULESZ : Cette rencontre a été très intéressante pour moi. J’ai appris énormément, autant dans cette salle que via mes petites interviews. J'ai senti pour la première fois que des éditeurs indépendants commencent à voir le numérique comme une opportunité et non comme une menace. Cette même rencontre en Argentine aurait mal fini ! Le format de deux /trois jours, même s’il est difficile de tout suivre et tout comprendre, permet de se secouer et se réveiller. Gilles COLLEU : Merci à tous ! C'est une sacrée gageure de se retrouver réunis comme cela : c’est une expérience humaine incroyable. Dans une démarche de recherche et développement, le cercle s'élargit d’un coup, autour des gens présents ici mais aussi beaucoup plus loin. C'est presque la première fois que je vois une rencontre qui débouche sur des propositions concrètes.

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Merci d'avoir été patients, c’était un exercice nouveau pour moi. J'ai essayé d'éviter les débats d’experts mais ils sont parfois nécessaires. On est en effet confrontés à des dimensions techniques qu’il est difficile d’éviter. Serge D. KOUAM : Je vais repartir de ces rencontres avec de l'assurance, et je vous en remercie. J'ai parfois décroché selon les sujets mais l'idée était bien que l'on s'imprègne du numérique. J’ai l’espoir qu'on arrive à obtenir ces cycles de formation techniques maintenant, pour pouvoir prendre les choses en main.

Quelques pistes de travail et de lobbying à moyen terme émanant des rencontres de Ouagadougou

• Les paiements en ligne et les transferts bancaires via Internet sont encore impossibles à effectuer => lobbying auprès des banques et des structures comme PayPal, voir avec l’Unesco notamment ? Certaines expériences de paiement en ligne sont en cours à travers les téléphones portables (SMS)… pistes à explorer par ailleurs.

• L’impression à la demande est un modèle qui pourrait pallier les problèmes des coûts d’impression en Afrique => imaginer des accords avec des imprimeries numériques au Nord pour les commandes venant du Nord ; passer des accords avec les postes nationales dans les pays.

• La vente en ligne s’avère une opportunité pour les éditeurs de faire connaître leurs ouvrages à l’international et de les vendre plus facilement via leurs propres sites et des sites de librairies en ligne => voir comment la question du paiement en ligne peut se régler… une structure comme l’Alliance pourrait-elle gérer les encaissements au profit des éditeurs ?

• La promotion en ligne via les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) représente des enjeux importants au vu du succès de ces réseaux en Afrique => les éditeurs peuvent développer cette piste très simplement et immédiatement, en impliquant leurs auteurs par exemple.

• Le téléphone portable en Afrique représente un énorme potentiel, que les éditeurs pourraient exploiter dans les années à venir, notamment pour la vente de fichiers numériques (Epub et autres) en jeunesse, BD, ouvrages techniques et pratiques, etc. => les résultats de l’étude d’Octavio KULESZ devraient apporter des éléments concrets pour cette piste-là.

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Décisions prises lors des rencontres de Ouagadougou – suites à donner à la rencontre en 2011 L’ensemble des décisions prises en fin de rencontre sont des décisions internes à l’Alliance, et bénéficieront aux éditeurs membres de l’association. Ces propositions d’actions concrètes seront progressivement mises en place sur l’année 2011, dans la mesure des moyens humains et financiers de l’Alliance.

• Initier un principe de compagnonnage, de tutorat, entre les éditeurs de l’Alliance . • Développer la recherche et le développement dans le domaine du numérique à travers la mise en place d’un « kit de survie » en ligne (sous la forme d’un blog ou d’un site Internet) à destination des éditeurs, réunissant les éléments suivants :

Juridiques o modèles de contrats d’auteur, de cessions de droits, etc. o contrat « idéal » (éditeur auteur et/ou éditeur distributeur numérique) et un mémento de tous les pièges à éviter sur des contrats d’édition…

o Économiques

o schéma de présentation des acteurs de la chaîne du livre numérique ; o modèles économiques existants, scénarios possibles…

Promotion et distribution o liste des sites dédiés à la promotion ; o liste des sites d’agrégateurs (plateformes de distribution) ; o liste des sites de librairies en ligne

Outils techniques o liste des logiciels propriétaires et libres existants ; o liste des gabarits ; o liste des typographies

Cette boîte à outils serait évolutive et pourrait être développée en fonction des demandes des éditeurs, par les éditeurs. Les outils mutualisés par les éditeurs seraient en ligne et accessibles aux éditeurs membres. Le tutorat personnalisé serait également réservé aux membres de l’Alliance (partie privée du site). En dehors de ces outils, des textes et analyses sur le numérique (réflexions sur les discours actuels, positionnements de l’Alliance sur le numérique, etc.), produites par les professionnels pourraient alimenter une partie publique du site, ouverte à tous.

• Favoriser les formations techniques à destination des salariés des maisons d’édition (voir les possibilités de partenariat avec le CAFED entre autres).

• Poursuivre la rencontre de Ouagadougou lors du Salon africain du livre de Genève (dans le cadre du Salon du livre de Genève, 29 avril au 3 mai 2011) : présentation publique des résultats de l’étude menée par Octavio KULESZ sur l’édition numérique dans les pays en développement entre autres.

• Encourager les adhésions d’éditeurs numériques à l’Alliance.

• Expérimenter et tester en grandeur nature un cas de coédition numérique à partir d’une prochaine coédition du réseau.

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Association d’intérêt général à but non lucratif. Position fiscale

vérifiée auprès des autorités fiscales de Paris-Est (France). Comptes de

2004 à 2009 certifiés par un expert comptable – cabinet SOFIDEEC,

Paris (France). Utilisation des données collectées par l’Alliance

respectueuse de la loi Informatique et liberté. Une comptabilité

analytique sur les comptes de classe 6 et 7 (recettes – charges) pour un

meilleur suivi des allocations de fonds. Les rapports annuels (moraux

et financiers) de l’Alliance, validés par l’Assemblée générale,

disponibles auprès de l’équipe permanente et sur le site de l’Alliance.

Les documents de communication de l’Alliance sont imprimés sur

papier recyclé. Les consommables utilisés par l’Alliance sont le plus

souvent issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable.

L’Alliance remercie pour leur soutien les organismes et les institutions

partenaires : http://www.alliance-editeurs.org/-Les-Partenaires-

38, rue Saint-Sabin

75011 Paris – France

www.alliance-editeurs.org

Ces rencontres ont été organisées avec le soutien

de l’Organisation internationale de la Francophonie