Relatif et Absolu — Krishnamurti, par M. Jalambic

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    M. JALAMBIC

    RELATIF et ABSOLU

    KRISHMRMRTI

    d i t i o n s D Y BPARIS

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    f r .

    RELATIF et ABSOLU

    KRISHIWMURTI

    M. ^ L A M B I C

    a3 ITIOjNTB A D Y A U PARI S

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    RELATIF et ABSOLU

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    KRISHNAMURTI

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    M . J A L A M B I C

    RELRTIF et RBSOLU

    KRISHNRMURTI

    d i t i o n s a d y a rP A R I S

    1933

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    Lauteur a quelque chose dire dont ilperoit la vrit ou la beaut secourable. Au-tant quil sache* personne ne Ta encore dit;autant quil sache, personne dautre ne peut ledire. Il est oblig de le dire clairem ent et mlo-dieusement sil le peut; clairem ent en tout cas.Dans lensemble de sa vie, il sent que ceci estla chose ou le groupe de choses qui est relpour lui : ceci est le fragment de connaissancevritable ou vision que sa part de la lumiredu soleil, son lot sur la terre lui ont permis desaisir. II voudrait le fixer pour toujours, legraver sur le rocher sil le pouvait, en disant :

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    La ralit que le philosophe aspire connatre nest pas celle dont le savant secontente. La ralit, la vraie, celle du philo-sophe, est constamment vivante, constammentchangeante; les diverses parties en sont inti-mement lies et semblent se pntrer mutuel-lement, de sorle quon ne saurait les sparersans les dchirer. Celle du savant nest quuneimage; comme toutes les images elle est im-mobile et elle est morte, ou, plutt, cest une

    mosaque dont les pierres sont juxtaposesavec art, mais ne sont que juxtaposes. Henri P o in c a r .

    (Discours de rception lAcadmie fran-aise.) "i. '

    Une photographie trs connue montre Pas

    teur dans son laboratoire. Il tient en main uneprouvette quil examine avec une attentionaigu. Il a plac dans lprouvette des subs-tances entre lesquelles son esprit a entrevudes ractions possibles; il demande lexprience de confirmer ou dinfirmer l'hypothsequil a conue. Il fait l uvre de savant.

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    D'autre part, ses biographies nous disent quil resta attach tonie sa vie la foi reli-gieuse de son enfance. Or les questions de la foi religieuse : origine de l'homme loi de sa conduite, destine future* se rattachent la ralit que le philosophe aspire connatre et qui n'est pas celle dont le savant se con-tente .

    Nous sommes ici en prsence des deux ra-lits dont parle Poincar. Dans son labora-toire, Pasteur est un savant, Pour la conduite de sa< vie, il a accept, par la foi, les solutions que sa race et ses anctres ont labores labo-rieusement au cours des derniers deux mille ans.

    La distinction entre ces deux ralits re-monte haut dailleurs. Elle est contemporaine de la pense grecque. ristote saperut que tout ce qui est tient son tre et son unit d'un mouvement et comme dune vie qui lie toutes les parties, en les pntrant dans toute leur profondeur, (Ravaisson, Philosophie en France, p. 2.) Il vit, et Platon du reste ne lavait pas ignor, que Tactivit complte et parfaite, do venait toute autre activit, o remontait tout mouvement, tait Inactivit de la pense, de laquelle la nature entire dpen-dait par consquent, et qui, indpendante de tout, suffisait elle seule tout et elle mme.,.

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    It posait ainsi une hauteur o n'atteignentni la physique ni la logique seules* au dessusdes ralits matrielles et des abstractions parlesquelles notre entendement les mesure* Pob jet de ce que, le premier, il appela dun nomexpressif, la mtaphysique. (d,t p. 3.)

    NATURE DE LA PENSEE

    Qu*est ce que la pense, cette activit quiexplique toute chose? Comment se prsentet elle nous?

    Prenons un exemple trs simple. Un enfantest en prsence d'un problme d'arithmtique rsoudre. Il peut le comprendre instantan ^ment; toutes les donnes du problme sclai-

    rent mutuellement; lenfant voit ce quil doitfaire de chacune delles pour obtenir la r-ponse demande. Il se peut, au contraire, quilne sache pas rsoudre le problme; il est de-vant une nigme. Que pouvez vous faire pourlui venir en aide? Vous prendrez une unechacune des donnes du problme; vous larapprocherez de celle qui lui est lie danslordre de la solution; vous imaginerez descas analogues. Mais vous devrez attendre quele lien qui existe entre les deux donnes ainsirapproches apparaisse lesprit de lenfant.Tant que le rapport nest pas vu par lui, queTclair de pense na pas jailli que lclat

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    du regard chez lenfant ne vous Fa pas rvl,rien n*est fait. Il est possible en somme deprparer la comprhension du problme, dela faciliter, mais vous ne pouvez pas la pro-duire. Lenfant aurait beau retenir de m-moire les donnes du problme, mme la solu-tion complte que vous aurez peut tre la fai-blesse de lui fournir, il naurait pas pour cela

    compris le problme. La mmoire, limagina-tion mme ne sont pas la pense.Nous sommes tous et durant toute notre vie

    des coliers en prsence de problmes r-soudre, Dans toutes nos activits* les plus mo-des ies comme les plus leves, nous essayons

    *de comprendre, de saisir des rapports, de com-biner des moyens en vue de fins atteindre.

    Quelle est donc la nature de la pense?Leibniz dit, aprs Descartes, qu* elle est un

    je ne sais quoi qui ne sexplique pas, mais quise sent . La pense est mystrieuse, en effet*Deux lments la constituent; dune part, desdonnes isoles, de Fautre, une action synth-tique de Fesprit, un clair, dans lequel il saisitleurs rapports et en forme un tout Lespritne se met d'ailleurs en mouvement quen pr-sence des donnes; il semble quil faille unobstacle pour que lclair jaillisse.

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    PREMIER ELEMENT DE LA PENSEE :Lu DONNEES

    D'o proviennent ces donnes parses?Nous savons que tout se tient, senchanedans la nature; la loi de cause et d'effet rgittoutes choses; le plus petit fait est, de procheen proche, li Funivers tout entier* Pour-

    quoi donc sommes nous rduits rechercherlaborieusement dans tous les domaines ce quisemble t il, devrait se prsenter de soi mme nous, dans son unit naturelle?

    LES SENS SONT DES MACHINESA ABSTRAIRE

    Nous sommes ainsi faits que nous morce-lons la ralit. Nous percevons le monde ext-rieur par nos sens. Nos sens, a t on dit, sontdes machines naturelles abstraire, ce quisignifie que chacun deux ne saisit de la ralitque ce qui est de sa fonction propre : le gotperoit les saveurs, Fodorat les odeurs, Foreillele son, la vue rtendue de surface et les cou-leurs* le toucher tout ce qui relve du contactNos cinq sens, et mme nos sept, pour tenircompte de la nomenclature complte, peroi-vent ils toute la ralit? Evidemment non. Ilssont limits on nombre et en puissance.

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    RELATIVITE DES DONNEES DES SENS

    De plus, les donnes de nos sens ne sont pasla reproduction exacte du monde rel. Lappa-reil photographique que nous sommes modifiece monde. Ce qui* pour nous, est son, lumire,etc., nest en soi que des vibrations, nous dit lascience. On a fait des tableaux indiquant tou-tes les vibrations possibles. Les donnes four-nies par chacun de nos sens occupent desplaces prcises* vont de tel tel degr. Lesdcouvertes faites au moyen dinstrumentsqui augmentent la porte de nos sens ra-diophonie* ondes courtes, rayons divers :infra rouges, ultra violets, rayons X, rayons

    cosmiques ont leurs places respectives surle tableau gnral des vibrations et encorereste t il bien des degrs dont nous ignorons jusquici les correspondances. Un vulgarisa-teur* homme de science, crivait rcemment : On a tort de se figurer que nos sens sontfaits pour nous renseigner sur le monde ext-rieur tel quil est. Ce ne sont pas des instru-ments de connaissance, ce sont bien pluttdes appareils utilitaires* dont lobjet essentielest de diriger notre manire dagir.*. On sefigure tout naturellement que nos sensationscorrespondent laralit des choses. Riennest plus faux : la sensation est un sym

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    1)0 k' cl nest quun symbole; il y a autantde diffrence entre la sensation de jaune etune lumire jaune quentre cette sensation etl'ensemble des lettres j, a, u, n, e, ou encorequ'entre cette sensation et le son mis lors-quon prononce le moi jaune. Ceci est si vraique pour reprendre une comparaison fami-lire, il y a autant de vibrations dans une

    seconde de lumire jaune quil sest coulde secondes depuis... Tapparition de la viesur la terre. (MarcelB o l l .) Ainsi nos sen-sations sont relatives nous; les donnesqu'eFes nous fournissent diffrent, prises enelles mmes, de ce quelles nous paraissenttre.

    SENSATIONS PROJETEES HORS DE NOUS,DANS L'ETENDUE

    Nous sommes affects par nos sensations;cest en nous que nous les prouvons; unesaveur amre, sucre ou sale est sentie parnoire palais; une lumire trop vivre blessenoire il; mais nous rejetons ces sensations l'extrieur de nous mmes; nous en faisonstien qualits d'tres ou dobjets existant enoiix mcuies. Nous parlons dun mets amer,sur r ou aul, d 'un clair qui nous aveugle.* )*oii vient, dit Fichte, que tu ne laisses pasces solicitions on elles sont rellement, cest

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    dire en toi? quau contraire tu les transportes un objet hors de loi? que tu en fais des pro-prits de lobjet tandis quelles ne sont* endfinitive, que des modifications de toimme?

    Fichte rpond sa propre question. Jesais absolument limpression que jprouve.

    Je sais, de plus, que cette impression doit avoirune cause. Puis, comme je ne trouve pas cettecause en moi, je conclus immdiatement, spon-tanment, quelle est hors de moi. Cette cause,cest ce que je nomme objet Chercher unecause est une dmarche, non des sens, maisde la pense. Ainsi fixs dans ltendue, horsde nous, ces corps qui se dterm inent ensexcluant et par suite en sexprimant rcipro-quement (Lagneau, Leons, p. 51), ces corpsprennent une individualit propre. La pen-se, dit le philosophe Lachelier, a pour carac-tre propre dtre lesceau de lobjectivit* C'est bien elle qui fixe dans ltendue ces corpsconstitus par des qualits qui ne sont autresque nos sensations extriorises*

    IDEE DE L'ETRE

    Ce ne sont pas seulement les qualits destres qui sortent de nous, mais lide mmepar laquelle nous assemblons ces qualits pour

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    ('ii Tonner une individualit distincte : lidedYtre nous appartient. Essayons de montrercomment lide de ltre ou de la vrit (1)se produit elle mme.

    ETRE ABSTRAIT

    Supposons que nous ne sachions pas en-core si cette ide existe; nous savons, dumoins, dans cette hypothse, quil est vrai ouquelle existe ou quelle nexiste pas. Nouspensons cette alternative elle mme sous laf orme de la vrit ou de ltre, sans laquellenous ne pouvons rien penser : il y a donc djen nous une ide de ltre ou de la vrit.Ainsi ltre, considr comme objet de la pen-

    se, a pour antcdent et pour garantie lidede ltre considr comme forme de cette pen-se.... Cette ide se produit logiquement ellemcme. Elle est son propre antcdent logi-que. (La c h e l i e r , Psychologie et Mtaphy-sique, p. 159.)

    Prenons un autre exemple. Labsolu est ouiiVst pas. Sil nest pas, il est vrai quil nestabsolument pas et ainsi labsolu est prsentiit mme degr dans la ngation et dans Taf

    Uf Vrit ou Etre, Etre signifie tre Tobjet dune afftr " ni Ifin mVe suaire; c'est tre intelligible, avoir des rai mmi , (It'liti ni liantes. L'tre se distingue de l'existence i mmut !** droit se distingue du fait . Le verbe tre mjiMnin J'Hcti: de la pense par lequel la vrit est saisie.

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    firmalion. Il serait mme prsent dans ledoute, car ce dont nous doutons est ou nestpas. Lesprit humain ne peut, en somme,chapper ltre, labsolu. Labsolu ne peutdisparatre que dans le silence et la mort.

    ETRE CONCRET

    Nous navons pas seulement, en nous, uneforme abstraite, logique et en quelque sortevide de ltre, mais encore le sentiment duntre vivant et co nc ret La pense tend parelle mme dpasser la sphre de Fabstraction et du vide : elle pose spontanment Ftreconcret afin de devenir elle mme, en le po-sant, pense concrte et vivante. (La c h e l i e r , p. 161.) Ceci est la loi mme de Ftre. Les-prit est libert, la libert est la condition detout; ...mais il faut quil soit vrai que lespritest, que la libert est cest dire quil fautque la libert, que lesprit senveloppe de n-cessit, se fasse ncessit. Il faut que la li-bert, que lesprit veuille; on nest libre (non

    en puissance seulement, mais dans Faction,dans la volition, dans la position de quelquechose) quen affirmant sa libert* Mais cela,cette affirmation, qui revient simposer uneloi, une ncessit, cest vouloir. Vouloir, cestvouloir tre; cest Faction de la libert quisaffirme elle mme ou qui se dclare vraie,

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    vouloir et nest elle mme que libert. (La

    - chlier, p. 164.)AinSi peut on distinguer comme trois de-

    grs de ltre : ltre logique, ltre concret etltre absolu ou mtaphysique.

    Cest avec tous ces lments pris en nousmmes que nous confrons Vtre tout ce que

    nous situons hors de nous, dans rtendue. LUnivers, indfiniment tendu en longueur,largeur et profondeur; n'existe que pourlhomme, nous devrions dire : pour lhommeclair par les dcouvertes de lastronomiemoderne. Les animaux ou du moins les ani-maux suprieurs, sont pourvus des mmessens que nous; mais il est probable que cessens les affectent beaucoup plus quils ne lesinstruisent et que ces affections elles mmessont entirement subordonnes leurs affec-tions organiques. Le inonde du chien, a t ondit ingnieusement, nest quuncontinimm dodeurs; il faudrait ajouter que cecontinuum ne se droule devant lui qu mesure quil le

    parcourt et ne se compose que des odeurs quimettent en jeu ses apptits. Le vgtal na pasde sens extrieurs, et rien dextrieur ne peutexister pour lui : il ny a place dans sa cons-cience que pour les affections obscures quiexpriment sans doute en lui la lente volutiondes tendances nutritives et reproductives. On

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    peut douter si le minral nest qu'un objetpour nos sens ou sil est, en outre, un sujet enlui mme; mais il ne peut tre, dans ce der-nier cas, que la volont dun tat fixe, quel'on n'ose plus nommer une affection* La vo-lont est le principe et le fond cach de toutce qui existe : beaucoup d'tre la redoublent,en quelque sorte, et la rvlent elle mmedans leurs modes affectifs; quelques uns dIndient demi (le ces modes les qualits sen sihies (l 1rs voient 11o lie r devan t eux commeune sorte de rve : un seul les fixe dans l'ten-due et en compose ce mirage permanent qu'ilnppllc o monde extrieur.(La g h e l e r , \ k l i W. ) it

    D E U X I M E L M E N T D E L A P E N S E :ACTIVITE SYNTHETIQUE

    Le premier lment de la pense se com-posait des donnes sur lesquelles l'esprit tra-vaille. Le second est encore plus mystrieux.Dans lexemple que nous avons donn, c'estlclair d'intuition par lequel l'enfant voit lerapport des divers lments du problme etles combine en un tout qui lui fournit la r-ponse demande.

    Les donnes sont une condition ncessairepour la manifestation de la pense. Notre es-prit nentre en branle qu la condition quun

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    problme lui soit pos. Avant de saisir sesrapports^ il faut savoir en quoi les rapportsreposent. Il faut subir un objet dans lequelpuissent tre aperus des rapports nces-saires. (Lagneau, Leons, p. 46.) Si rien nenous tait propos par la nature, nous ne pen-serions pas, Mais il ne sufft pas que la natureoffre une matire la pense pour quon

    pense; il faut que l'esprit se mette en mou-vement. (idem *p. 49.)L'clair d'intuition est donc vraiment le

    propre de la pense. Il y a l comme un lande synthse qui caractrise l'esprit. Je pense,donc je suis dit Descartes, entendant par lnon un rapport de consquence, mais un rap-

    port d'identit.L'amour est, comme la pense, une acti-vit de synthse. Aimer, a t on dit cests'unir ce qui n'est pas soi, tre deux dansun. (Lagneau, E x , de Dieu, p. 143.) Les deuxpersonnalits fondues en une seule parlamour sont comparables aux donnes duproblme. Elles sont une condition ncessaire;mais, comme les donnes ne sont que la ma-tire de la pense* les personnes rapprochessont, osons nous dire, comme la matire delamour. Lamour, cest l'lan de l'me, lapure activit qui rapproche les tres, qui lesfond en une unit suprieure. Ce qui cons

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    1 t (te lunit dune ralit ne peut tre quun mouvement par lequel cette ralit dans ses diffrentes parties se constitue une : cela est ni mer. (La g n e a u* Ex. de D.r p. 99.)

    Ces deux lans de synthse, clair dintuUlion de la pense, fusion par l'amour, sontles deux plus profondes aspirations de notretre* Elles sont en nous la voix de l'Esprit;elles nous rvlent l'essence de la nature spi-rituelle par opposition la nature matrielle.Selon la superbe expression du philosopheRavaisson : Cest une flamme sans supportmatriel, en quelque sorte, qui se nourritdelle mme. (Ra v a i s s o n, Phit. en France, p. 277.)

    Lactivit synthtique est bien dailleurs lamarque de tout notre tre* Les divers organesde notre corps concourent tous, chacun poursa part, au maintien de notre vie physique.Notre esprit est tel que plus il se relche, sedtend, s^arrte, se fixe dans des vues spa-res, plus l s'affaiblit. Il peut arriver unedispersion qui est une sorte danantissementdans lobsession et lide fixe. Plus, au con-traire, il embrasse de donnes, plus il saisitvigoureusement la loi qui les rgit et plus il ado puissance. La vue de rapports lointains^('unmx et non encore aperus, cest le gnie,I/ide Hxe et le gnie sont les deux ples de

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    l'esprit humain. Notre cur et notre volontslargissent, se magnifient mesure quilsslvent de lisol, du particulier des en-sembles de plus en plus vastes. Nos senti-ments schelonnent de Fgosme qui se re-plie sur soi seul lamour de tous, nonseulement des hommes, mais de la nature en-tire. La volont, asservie au caprice passager,

    se discipline, sorganise et devient un instru-ment souple et puissant pour celui qui la di-rige dune main sre.

    REALITE DU SAVANT REALITE DU PHILOSOPHE

    Nous avons vu le rle essentiel de la pensedans notre reprsentation du monde extrieur.Cest la pense qui imprime nos tats sub-

    jectifs, projets au dehors, le sceau de lobjec-tivit. Elle les fixe dans ltendue, o ils scdterminent les uns les autres; elle les affran-chit du temps, la pense les voit galementdans ce quils sont, dans ce quils ont t etdans ce quils doivent tre ; elle en fait des

    objets, des tres, existant hors de nous, pareux mmes.Cette vue est celle du sens commun. Sans

    doute, la rflexion, il nous est apparu quilntait pas possible que ce monde ft unechose en soi, extrieure toute conscience ,

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    ltELATlFi-:t a usol u 25quun tat subjectif pt se transformer en une* en Lite chimrique . Nanmoins, et sans nousinquiter de ces hautes considrations unefois que le monde extrieur est ainsi cr,nous le prenons tel quil nous apparat, nousvoyons en lui une ralit. Tout nest pas er-reur dans cette vue; nous prenons seulementla partie pour le tout. Lhomme qui na ja-

    mais rflchi ne doute pas un seul instant quilne voie la ralit telle quelle est; en fait* il nese trompe pas, car sa pense nest quune par-tie de la pense totale; sa nature, qui dter-mine en lui cette pense* nest quune partie dela nature universelle.,. La pense de ltre quina pas rflchi contient en elle quelque chosede la vrit absolue, porte la marque de lab-solu, d*o elle dpend, do elle rsulte. Doncil nest pas tonnant que toute dmarche de a pense soit accompagne de la convictionquelle voit les choses telles quelles sont; ily a de labsolu dans toute pense. (Lagneau,

    E x*de D.j p| 127.)

    Le point de vue du sens commun est ga-lement celui de la science. Le savant tudielUnivers comme une ralit qui est hors delui. Il observe les faits, exprimente, il for-mule des lois. Il cre des synthses de plusen plus vastes. Son ambition serait de dcou-vrir ni principe qui expliqut tout. Ambition

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    .

    chimrique* Les faits, arrachs un un l'en-semble dont ils font partie, sont des matriauxinertes. On peut, avec eux, lever des cons-tructions artificielles, fabriquer des mosa-ques qui imitent la vie, mais qui ne sont pasla vie. Des vues parses, si nombreuses soientelles, n'atteindront jamais l'infini; des sys-tmes, crs par lintelligence, nembrasseront

    jamais la totalit des liens par lesquels ledtail le plus infime se relie au tout,

    Enfin, vient une heure o lhomme com-prend que, dans sa poursuite de la vrit, ilsest engage dans une impasse. Il change alorsde direction. Au lieu de regarder hors delui, cest vers lui mme qu'il tourne ses yeux.Il prenait connaissance du monde par sessens, maintenant il veut savoir ce que sont au juste : impressions, sensations, perceptions. Iltudie les formes mmes de son intelligence;il veut dchiffrer les lois auxquelles elle obitdans sa recherche du vrai. Que signifie la ten-dance fondamentale de notre esprit qui nousporte nous lever sans cesse de notre visionactuelle une vue plus vaste qui l'englobeet la dpasse? Pourquoi prfrons nousl'ordre au dsordre* l'harmonie la confusion,le mouvement Fimmobilit, la vie la mort?

    Rappelant le mythe clbr de la Cavernede Platon, le philosophe Alain crit : Nous

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    Hommes donc semblables des captifs, nousqui recevons le vrai la surface de nos sens, des captifs qui seraient enchans* le dostourne la lumire, et condamns ne voirque le m ur de la caverne, sur lequel les ombrespassent. (Onze chapitres sur Platon, A l a i n , p, 49.) E t plus loin : Il fau dra donc quel-que vnement desprit, quelque rupture de

    cette coutume, et lide tonnante de ne plusregarder les ombres, mais de regarder en soi.Telle est F vasion. (Id., p. 51*) Regarder, nonplus hors de soi, mais en soi, cest bien Fvasion de la ralit du premier degr, celle dusavant et Fentre dans la deuxime, celle duphilosophe. Cest la Rflexion philosophique. Rflchir, c'est se dominer, se dpasser, sedtacher de ce quon pense, le juger. (La - g n e a u , Leons, p. 45,)

    RAPPORT DU RELATIF ET DE LABSOLU

    Le fragmentaire et le tout, le relatif et l'ab-solu sont ici en prsence. Lequel des deuxexplique Fautre?

    Nous rpterions volontiers ici le mot duphilosophe Lachelier su r ltendue conue parla raison. * Les parties divisent ltendue* maisne la constituent pas; une partie, dans la ra-lit, a beau faire suite une autre, elle nenest pas moins diffrente de cette autre, et il

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    n'y a rien qui* de ces deux choses, puisse enfaire une seule, (Psych , et Mtaph., p. 129.)Un corps vivant peut tre dissqu. Mais, moins que par une sorte de greffe miracu-leuse, les membres arrachs ne participentde nouveau la vie de l'ensemble, leur simplerapprochement ne suffira pas ressusciter lecorps vivant dont ils faisaient partie. La

    pense qui analyse, ne peut faire consistertoute la ralit de lobjet qu'elle pense dans leproduit de cette division. L'tre vrai que toutepense exprime lui est antrieur; cest lunitdont elle part, unit quelle dcompose en-suite en y voyant la ncessit... (Lagneau,de p. 142.)

    Labsolu vers lequel tout gravite ne peut tre

    saisi par l'esprit. I est pour nous essentielle-ment inintelligible. La pense nous lavonsvu opre sur des donnes isoles dont ellecherche les rapports. Mais nous ne saurionsdiviser morceler labsolu sans le dtruire; ilest par dfinition, le Tout sans parties. Nousne saurions donc le penser, le comprendre.

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    se fait par le bas et non par le haut, par lamatire et non par Tesprit, par le concret etnon par labstrait, par le fini et non par l'infinipar l'objet et non par le sujet, par la majoritet non par la minorit , (C. Suars,Krishna mnrtit p. 237.) Tout cela nest exact que de aralit du premier degr, celle dont le savantse contente. Lerreur cache dans cette tho-rie, cest que linfrieur peut produire le sup-rieur, que le tout est le simple assemblage desparties. Quest ce qui en fait le faux? Cestque, prcisment, il est contradictoire, comme(lisait ristote, que le meilleur provienne dupire, que le moins produise le plus. (Ravaisson, P k . en Fr., p. 189 190.)

    Si le besoin denvelopper toute pense dunepense pins gnrale qui la contienne et ladpasse, si ce besoin de synthse qui est lepropre de la raison ne correspond aucuneralit hors de nous, sil est sans valeur, riendans e monde na de valeur, pas plus dans lemonde matriel que dans le monde spirituel. Pour un esprit qui se refuse admettre lavaleur de la nature pensante, de ses formesncessaires, rien nexiste vritablement. (La - CrNEAu, E x* de p. 59.) Lhomme qui necroit pas la vrit absolue de la pense,ou qui ne se rend pas compte quil y croit, ouijm n*y croit pas pratiquement, pour cet

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    homme la ralit sensible, qui lui parat trela vraie ralit, nest au fond pas relle; il ladpouille* en effet* de tout ce qui en fait lesens, la valeur; il vit dans un inonde d'illu-sion; le monde na quune existence dem-prunt, illgitime; se figurant qu'il ne croit pasquil y ait au fond quelque chose qui vautabsolument, ne se mettant pas du ct de Dieu

    (de labsolu) pour juger du monde* il laissechapper le monde (Lagneau, E x . de D.t p. 66.) Si la pense est une illusion, il fautsupprimer toutes les sciences, car il ny ena aucune qui ne parle de ce que les choses sonten elles mmes, en dehors de toute perceptionactuelle* et* par consquent, de tout temps,qui ne soit une science de l'ternel et qui nesoit ternelle elle mme* abstraction faite,bien entendu, des erreurs quelle peut conte-nir. Il faut supprimer mme la psychologieempirique : car le psychologue qui enseigneque la conscience ne comporte que des modessubjectifs croit exprimer par l autre chosequun mode subjectif de sa propre conscience :il parle de ce qui se passe dans la conscienceen gnral, comme de quelque chose de vraien soi, quil dsire voir admis comme tel partout le monde, il se place donc et nous placeavec lui au point de vue de l'absolu, au mo-ment mme o il prtend nous en exclure.

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    Mais ne voulut il parler que de ce qui se passe i lui mme, il na pas le droit de sortir de soi) rve pour le constater et nous en ins-truire ; son rle, comme celui du sceptique dont il ne diffre pas du reste, est dtre muet. (Lacheler, p, 151.)

    Ainsi lesprit prend en lui mme cons-cience dune existence dont il reconnat que

    toute autre existence drive et dpend et quinest au tre que son action. (R a v a is s o n , p. 275.)

    NOTRE CONTACT AVEC LABSOLU

    Bien que labsolu soit inaccessible lintel-ligence nous pouvons nanmoins le connatre,

    avoir la certitude de sa ralit.Nous avons vu que la pense na de valeur

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    de ce qu*on est ce quon doit tre La mo-rale dit ; Ralisez vous; soyez, comme es-prits; dtachez vous chaque instant des plai-sirs qui vous arrtent, vous figeraient surplace; ne cessez pas Feffort parce que vousprouvez que cet effort vous cote. (Lg n eau,

    Ex. de D.t p. 87*) La loi morale nous conduiradu plaisir qui est la souverainet de Tins tant Fintrt qui est un groupement de nos plai-sirs et ensuite de Fgosme qui est la souve-rainet de Tindividu Faltruisme qui dplacele centre de notre personnalit; enfin elle nousfera sentir que notre place et notre rle nepeuvent nous tre srement assigns que danslensemble de toutes choses. L'acte moral con-siste donc substituer en nous, par notrepropre dcision, luniversel au particulier. Lindividu ne se ralise pleinement quenrenonant lui mme, en laissant agir en luile principe auquel il voulait s'galer, mais ensopposant lui, c'est dire lorsquil recon-nat, lorsquil veut que son tre vritable con-siste dans la ralisation en lui de Ftre uni-versel. (Lgneau, Ex. de D.t p. 117.) Nousne nous levons Ftre quen nous levant ia libert* quen matrisant nos penchantsmultiples, qu'en subordonnant leur diversit la logique dune volont fidle la mmepense. La vie nous apparat ainsi comme le

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    perptuel effort pour se conqurir elle mme.Le temps nous divise : un homme est commecompos de la multitude des hommes suc-cessifs qui, tour tour, dlibrent, se dci-dent, agissent; il faut qu lhomme du dsirprsent, de la tentation momentane, dont 'gosme est prt sacrifier tous ceux qui nesont pas encore, nous opposions lidal vivant

    do lhomme que nous voulons tre* de lhommequi enveloppe tous les autres* harmonise leursdsirs et leurs actes dans lunit de sa con-duite; faut que notre vie, au lieu de ntrequune suite de morts successives, soit comme(ont entire prsente en chacun de ses ins-tante que dans le prsent elle ramasse lepass et lavenir* quelle ralise ainsi* avec larichesse dtre qui nat de cette harmoniemme, la libert que supposent cette domi-nation du temps et cette matrise de soi,(G. S a i l l e s, La Conscience moderne.)

    Ainsi notre exprience quotidienne du de-voir nous livre le suprme secret, la ralitde labsolu. Par le devoir l'individu se perd,s'vanouit dans ^universel. Cet acte est pos-sible, parce que le tout est vraiment ltredu particulier et que l'homme, par l'acte morid, ralise sa vraie nature. Par lacte moral,l'absolu descend* en quelque sorte, de ses hau-teurs inaccessibles, pour sincarner dans la

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    nature; par lui labsolu prend une forme, uneexistence dans le monde du relatif. Ce qui doit tre , ce qui a le droit dctre devientce qui est. Ainsi ia nature se modifie, setransforme, ainsi elle est vraiment cre parlacte moral. La nature nous apparat, danslacte moral comme soude l'absolu, commelui tant intrinsquement conforme puisquil

    nous est possible de la modifier en ladaptant l'idal. (Lag n eau, Ex. de D., p. 37.) Cestdonc la transformation continuelle de la na-ture en nous mmes par laccomplissement deTacte moral qui nous donne la pleine certitudede la ralit de l'absolu. Chacun de nous naen somme, que la certitude quil mrite. Lo l'esprit triomphe nous saisissons l'absoluavec une entire vidence; l o il disparatdans ia matire, la routine, l'habitude, commeune source qui se perd dans les sables, lAb-solu, Dieu, sc drobe notre me.

    CONSEQUENCES

    Le monde de la premire ralit, celui de la

    ncessite, est, pour nous, le monde de la souffrance. Nous sommes esclaves dans ce monde.La ncessit est constitue par les lois qui r-gissent les faits : un corps livr lui mmetombe, leau bout 100 la vapeur estdoue de force dexpansion, etc. En tant

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    RELATIF ET AISOLt/ 35

    f|itc nous sommes nous mmes des phnohnnes, ces lois nous rgissent comme ellesrgissent toutes choses dans la nature. Nospu unions ont besoin d*air, notre corps denourriture, le feu nous brle, une vapeur,une goutte deau suffit pour nous tuer , NousHommes donc esclaves dans le monde des ph-nomnes; l, la ncessit simpose nous, nousdomine Nous sommes assujettis au temps et l'espace, isols en nous mmes. Cest du de-hors quil nous faut attendre la satisfaction denos besoins les plus imprieux* Cest bien lla cause de toutes nos misres, de nos con-voitises, de nos luttes et, finalement de notredfaite certaine dans la mort.

    Mais ces lois naturelles qui forgent noschanes sont conues par notre raison; elleslient entre eux les faits qui, sans elles, reste-raient isols. Ce besoin de notre raison d'unirce qui se prsente dabord nous comme s-par, fragmentaire, procde, nous Favons vu,tic la Ralit absolue, de Fessence de toutes

    choses* Dans l'absolu, il ny a pas de divisionsdoppositions; tout est dans tout, chaque choseest le tout. Si nous nous plaons an centrede notre tre, non plus la surface, consti-tue par la conscience de nous mme, plusrien ne peut simposer nous du dehors, nepeut nous contraindre* Rien nest hors de

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    nous, en effet, tout est en nous. Et dans cesanctuaire cach de l'essence mme de notretre nous chappons la ncessit, noussommes libres, libres comme Dieu qui nousparticipons libre comme Fabsolu que noussommes.

    SOUFFRANCE

    La souffrance est, pour nous* le plus puis-sant des stimulants. Cest par elle que, con-centrant toutes nos nergies, nous pouvons es-prer atteindre la rgion libratrice, passer durela tif labsolu, dcouvrir en nous mmes cetabsolu qui nous dlivrera. Leffort intense quela souffrance suscite en nous nous entranedans les profondeurs de notre tre, nous quit-tons la surface o nous nous vivons habituel-lement; lunit foncire de tout ce qui est servle nous. De lisolement douloureux,source du dsemparement, du dsespoir, nouspassons la plnitude souveraine, de ia mort la vie. A la faiblesse, lindigence de notretre spar, succde e sentiment de la puis-

    sance absolue, qui est Ftre de notre tre.MALADIE MORT

    La maladie et la mort elle mme se trans-figurent au seuil de labsolu. Deux lmentspeuvent tre distingus dans la maladie.

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    IVnlmrd la douleur physique qui peut trerKlr^inc, qui peut enlever notre esprit tout

    toute force ou lucidit; puis le senti-ment que toute dsorganisation du corps nousconduit la mort. Le prem ier lment, la dou-leur, cest le cri dalarme de la machine danslaquelle un organe ne fonctionne plus norma-lement. Que faire pour rparer laccident?Peux voies se prsentent nous. Dcouvrirh* rouage perturbateur et tcher de le remettre011 tat de remplir son rle. Cest le hut delu mdecine, telle quelle est gnralementcompris^. On ne considre que la partie lse,que le corps. Mais il y a une autre voie,spiritualiste, rappellerons nous^ vitaliste, en

    tout cas. Le corps, cest un aspect de lespritiix, immobilis par notre connaissance dueaux sens et notre intelligence limite. Maisla force qui sest ainsi mue en tat, qui dedynamique est devenue statique, qui sestchange en habitude, cette force primitive esttoujours en nous. Elle y est sous la forme dela pense. Pour trouver le remde au maldont nous souffrons, nous pouvons faire ap-pel cette force cratrice. Nous connaissonsrinfluence du moral sur le physique. Son ac-tion relve de la matrise de notre attention.Il est littralement possible de ne plus sen-tir son mal en en dtournant son attention.

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    La puissance de la pense est cratrice; lesexpriences dhypnotisme, de suggestion leprouvent par le grossissement des faits quenous pouvons tous observer quotidiennementdans notre propre vie. Fixons donc notre es-prit non sur le mal que nous subissons maissur la vie, sur son fonctionnement rgulier,normal. Notre tat se modifiera sous l'impul-

    sion de l'nergie vitale. Disons en passant,que cest l le principe des mthodes de gu-rison Mind Gure, Coud etc.

    Mais il y a la maladie mortelle. Nous nousrendons compte que notre vie s'achve. Cesecond lment donne au premier, la dou-leur sinon son acuit du moins ce qui en luifait noire terreur, notre eifroi. Mais si noussommes assurs que la mort ne va dtruirequune forme cre par nos sens, une formeillusoire que notre tre vritable sortira

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    phn humble fragment contient labsolu* estune vue magique qui transfigure lUnivers en||r>raHi'iiS cl choses.

    Les philosophes qui ont spcul sur la siUntliu'Iioii de la vie et sur la destine del'homme, n'ont pas assez remarqu que la na-ture a pris la peine de nous renseigner ltleNHiis elle mme. Elle nous avertit, par unhi^uc prcis, que notre destine est atteinte. CetUtfiiC est a joie* Je dis la joie, je ne dis pas leplaisir. Le plaisir nest quun artifice imaginpar la nature pour obtenir de Ttre vivantta conservation de la vie; il nindique pas ladirection o la vie est lance. Mais le joie an-nonce toujours que la vie a russi, quelle a

    ;jagn du terrain, qu'elle a remport une vic-toire : toute grande joie a un accent triom-phal... Nous trouvons que partout o il y a

    joie, il y a cration plus riche est la cration,plus profonde est la joie. (Bergson,UEner

    aie spirituelle, p, 24.)

    RESUME

    Rsumons les principales notions de ce pre-mier point.

    DEUX REALITESDeux ralits se prsentent nous. Celle

    qui constitue le monde extrieur, cest le do-maine de la science. Celle qui nous est rv-

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    40 REI jATIF e t a b s o l u

    le par la rflexion philosophique o nousprenons notre propre esprit comme objet denotre tude : cest le domaine de a philoso-phie, plus particulirement de la mtaphy-sique.

    Le inonde extrieur est un assemblage dedonnes fournies par nos sens et lies entreelles par les lois de notre esprit. Ces donnes

    tant fragmentaires ne peuvent nous per-mettre que des synthses provisoires parcequMncompItes; tout systme doit incessamment cder la place un systme plus vaste,

    SYNTHESE

    Nous allons donc du particulier au gnral*du fragmentaire des ensembles de plus enplus vastes. Notre pense est essentiellementl'activit qui nous dvoile des rapports deplus en plus tendus. Ce besoin de synthsese rvle encore chez nous par Tamour; il estdailleurs la marque propre de tout notretre.

    VALEUR

    Quelle est sa valeur?Le tout peut se diviser en parties; les

    parties spares laissent dailleurs chapperles caractristiques du tout, Mais les partiespar leur assemblage fte peuvent reconstituer

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    t'uni t organique du tout; te tout ne rsulteradonc pas de l'assemblage des parties. Ainsi ascience ne nous donnera jamais la vrit, carcelle ci ne peut tre que la totalit de tous lesrapports.

    Mais la partie11 e sexpliquerait elle pas plu-tt par le tout? Alors, ce nest plus par le rela-tif quon sefforcerait datteindre labsolu;mais cest du tout, de labsolu que descen-drait la lumire capable dclairer toute notreactivit.

    Notre pense ne vaut, n'a de valeur que sielle est, en nous, la manifestation de labsolu.Tout ce que nous crons n'est quune figure,une image* un symbole de lunique vritable

    ralit, de labsolu.

    CERTITUDE

    Refuser de croire la valeur de la pense,ccst rejeter toute chose au nant; aussi bienles donnes de a science que les hypothsesde la philosophie. Etre ou ne pas tre, soiet toutes choses; il faut choisir, (L g n ea c .)

    A cette preuve logique sen ajoute uneseconde, qui nous donne la parfaite certitude,A chaque heure, dans lacte moral, qui est lesacrifice du particulier luniversel, nous pro-clamons la valeur de luniversel, du tout, de

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    lAbsolu. Ainsi chacun a la certitude qu'il m-rite.

    SOUFFRANCE ET BONHEUR

    Alors que dans la ralit du premier degr,celle du sens commun et de la science, lemonde extrieur s'oppose nous, nous rduit l'isolement, source intarissable de nos mi-

    sres et de nos douleurs, nous trouvons dans lesentiment de la ralit du deuxime degr lah joie qui est l'panouissement tic notre tredans sa plnitude. Cette joie est cratrice; ellenous fait projeter l'absolu dans le relatif* in-carner l'idal dans le monde concret, dans lanature. LUnivers rend la pense de cha-cun, dans la beaut quil manifeste, ce quellelui a d'abord prt. Il faut avoir dvelopp ennous le sentiment de l'harmonie, de Vordre,de la beaut pour le trouver dans le monde. (Lagneu, E x . de D.t p. 151.)

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    LE MOI 43

    II

    LE MOI

    Le problme de la nature de notre moi, desa valeur* est celui qui nous touche de plusprs. Comment envisager notre personnalit la lumire des considrations qui prcdent?

    Nous trouvons en nous mmes les deuxordres de ralit dont parle H. Poincar, celledu savant et celle du philosophe. La premire,notre ralit empirique, comprend notre moiphysique et noire moi psychologique, Que

    nous montre a science physique de notre tre?Des lois universelles, indpendantes de nousqui font de nous des manifestations phmresd'une ralit ternelle. (Lagneau, E x . de D., p. 89.) Par notre moi physique nous sommesassujettis rtendue. Notre m oi psychologiqueest dfini, l'ensemble de nos tats de cons-cience, penses, motions, actes. Ces tals deconscience se succdent dans le temps et nousavons ainsi un pass, un prsent et un futur.

    Dans cette premire ralit nous sommesdonc sous lempire de l'espace et du temps.Et cest cela qui cause toutes nos terreurs etnos angoisses. Le besoin fondamental de notre

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    tre, cest dire notre essentielle volont devivre est sans cesse bafou par ces limites detemps et despace Quelle place insignifianteoccupons nous dans limmensit du monde?Et le temps qui scoule sans rpit nous con-duit tous inexorablement la mort.

    Mais cette ralit dont e savant se con-tente n'est pas notre seule ralit. Nous par-

    ticipons celle que le philosophe aspire connatre .Nous y participons la fois, nous lavons

    vu, par la raison, par lamour et par lactionmorale.

    Redisons que par la raison, par ses prin-cipes didentit et de raison suffisante, nousavons la notion de vrit ou d'tre et celled'universalit. Le vrai, c'est ce qui s'im-pose universellement la pense, ce que lapense particulire conoit comme devantsimposer toute pense. * (La g n e a u, Ex . de

    D p. 46.) Qu'est ce que nous sommes enralit? En apparence* nous consistons dansune succession d'actions, de sentiments; toutcela nest quapparence, s'il ny a que nous.Si, au fond de tout cela, i y a quelque chosede rel, cest que ce qui nous constitue abso-lument c'est le rapport o nous sommes avecla totalit des autres tres. Dans lanthropo-centrisme, la ralit consiste dans lindividu

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    sentiel est l 'Unit, il semble que nous n'enayons ride que par lamour* (Lagneau, E x , de D.t p. 143.) Nous participons l'absolu parF amour. Lamour est, comme la pense, nousFavons vu, une activit, une nergie, un lande synthse. Comme Fclair de Fintuition,dans la pense, est suprieur aux donnesquil illumine* ainsi Factivit propre de

    lamour est au dessus des personnes quilrapproche. L'amour dira Krishnamurti, estsa propre Divinit.

    Mais cest surtout Facte moral qui nous donne la certitude de la ralit de Fabsolu.L'acte moral incarne labsolu, il le fait nature.Il descend en quelque sorte, de ses hauteursinaccessibles pour prendre une forme* uneexistence dans le monde du relatif. Par luice qui doit tre , ce qui a le droit dtre ,devient* Ainsi la nature, sans cesse modifie,transforme, est vraiment cre par Factionmorale. Le relatif est donc comme Fimage deFabsolu. Il en diffre en ce que Fabsolu ayantpris forme, ayant par l mme bris son lan,nest plus dynamique, mais statique. Il estdescendu de la ralit vivante du philosophe,qui est sa demeure, la ralit sensible, mor-cele, la mosaque du savant qui nestque son reflet, son symbole.

    Nous pouvons dire que, comme il existe

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    deux ordres de ralit, il existe deux moi en chacun de nous.Si on les dsigne tousdeux par le mme mot : personnalit, on sex-plique lopinion divergente de certains pen-seurs Pour les uns, les plus nombreux, lidede personnalit peut seule sauver le mondemoderne, (Sa i s s e t .) Pour les autres, cetteide est le dissolvant par excellence,(L a - g n e a u .) Ces deux opinions contradictoires sont justes; mais, Tune s'applique au moi empi-rique, cest dire physique et psychologique,lautre au moi de labsolu, Fesprit, Krishnamurti dsigne par les mots &Individual Uniqueness , Unicit expression inaccoutu-me qui peut nous sembler dabord trange

    le second de ces moi oppos la per-sonnalit (persona, masque). Lunicit est pourlui, la voie particulire par laquelle chacunde nous va la vrit. Ne pourrait on pas ;dire aussi qu'elle reprsente Faspect particu-lier par lequel Fabsolu tend se manifester enchacun de nous?

    La personnalit dont Fidal est de se dve-lopper, de saccrotre, tente dattirer tout elle; elle accapare toutes choses. Et comme lesbiens quun individu sapproprie sont forc-ment enlevs aux autres, elle dresse leshommes les uns contre les autres. De l lacourse la richesse, la jouissance; de l les

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    comptitions, les luttes, les haines. Cette seuleremarque devrait suffire discrditer la per-sonnalit, Quil sagisse du moi individuelou du moi social, national, le moi estbien toujours le dissolvant par excellence.La seconde ralit celle qui nous plonge dansTuniversel* nous permet de jouir de tout cequi appartient tous. Elle nous porte par

    tager avec autrui nos biens de toutes sortes, les rpandre comme une pluie bienfaisantesur ceux, moins favoriss, qui ont faim etsoif, quil sagisse de la faim et de la soif du corps ou de Tme,

    La premire ralit est ia seule pour beau-coup dentre nous. Elle est faite de notrecorps, qui, comme un aiguillon, nous excite toute heure par le plaisir et la douleur. Elleest faite de nos tats de conscience c'est direde tout ce dont nous avons connaissance. Ladeuxime nest pas en surface comme la pre .mire, mais en profondeur. Il faut, pour lasaisir, un mouvement inaccoutum de 1*espritIl ne faut plus regarder les ombres dessines

    sur le mur de la Caverne, il faut se retournerpour voir lobjet, Rptons : Il faudra donclide tonnante de ne plus regarder lesombres, mais de regarder en soi. Telle estl!vasion, (A l a in ,) Ce retour sur soi ou r-flexion philosophique est comme la cons

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    Mais tout cela c*est la recherche dune perfec-tion qui est Fabsolu lui mme. Si la perfec-tion est sans valeur Fabsolu na pas de ra-lit, toute ce qui fait le prix de notre existencescroule Quimporte que la pense slve,quelle embrasse des horizons de plus en plusvastes, quimportent les besoins de notrecur ou la porte de nos actes? Tout cela na

    aucun sens; cest un mouvement dsordonn,incohrent, un pitinement sur place si labsolu nest pas Fhorizon, comme un pharequi illumine notre route.

    Il faut distinguer ce que nous sommes ennous mmes et ce que nous devenons dans laconnaissance que nous prenons de nousmmes; ce que nous sommes rellement et ceque nous croyons tre. En nous mmes, noussommes une force toute ramasse sur ellemme, qui ne connat ni temps ni espace. Maislintelligence par laquelle nous nous connais-sons impose ses lois cette connaissance. Ellefragmente cette force en quelque sorte; ellela voit, non en elle mme, mais dans ses ef-

    fets et ainsi elle nous situe dans le temps etFespace. Sc connatre, c'est se dtacher de soi;connatre quelque chose, cest se mettre enface de lobjet connatre, sopposer luipour le juger. L'acte de connaissance crencessairement la dualit sujet objet. Ne pour-

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    fet, il nest point de mouvement qui ne dpende de tous les mouvements qui se sont jamais accomplis et qui ne doive contribuer tous cenx qui jamais saccompliront, il nestpoint de pense en laquelle ne retentisse plusou moins obscurment tout ce qui fut* et quine doive subsister et se propager elle mmesans steindre jamais comme en vibrations

    ternelles. Chaque me est un foyer o se r-flchit de toutes parts sous mille angles diff-rents luniverselle lumire et non seulementchaque m, mais chacune des penses, cha-cun des sentiments par lesquels se produitsans cesse, du fond de l'infini, son immor-telle personnalit* (R a v a is s On-, p. 238,)

    On a pu dire : Lindividu nexiste que parFaction intrieure de Fide de lUniversel et dudsir quelle lui inspire .(La g n e a u , Ex, de D p. 107.)

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    VUES PHILOSOPHIQUES

    m

    VUES PHILOSOPHIQUES

    II rsulte de toutes les considrations pr-cdentes une conception philosophique dontnous pouvons rsumer les principaux traits.

    Leibniz a remarqu quon pouvait formertous les nombres avec Ifunit seule jointe auzro, ce qui donne un systme darithmtiquebinaire et non plus dcimal, et que de mme

    on pouvait, avec la lumire et l'ombre seule-ment former toutes les couleurs, comme ladit aussi Goethe; et il a vu dans ces faits dessymboles de la constitution gnrale de la na-ture, pour laquelle il suffit dun principe deralit absolue ou infinie et d'un principe delimitation, (R a v a s s o n , p. 278.)

    Nous connaissons ces deux principes; leprincipe de ralit absolue ou infinie, cest

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    temps. Le temps et lespace constituent lcransur lequel labsolu se rfracte et peut, parsuite, nous apparatre.

    Le rle de robstacle, de la rsistance, estcapital dans le fait de la connaissance. Cestd'ailleurs une loi gnrale de la nature quel'obstacle provoque la manifestation de laforce cache qui paraissait sommeiller. Lairsort clatant du canal troit dune trompettedit Montaigne; le sifflet de la machine va-peur jette au loin un appel strident; la va-gue rejaillit en cume sur le rocher qui l'ar-rte, le courant lectrique devient chaleur oulumire en traversant la rsistance place surson parcours. Ainsi, dans la nature, Tnergie

    obscure, latente devient manifeste en se me-surant lobstacle qui soppose elle. Cettepuissance devient chez lhomme conscientedelle mme et ainsi nat la conscience de soi,la conscience rflchie des philosophes. Dunepart lnergie intrieure, le dsir; en face delui la rsistance vaincre. Voil lantithse dusujet et de lobjet.

    II existe trois degrs dans le dveloppementde la conscience : l La conscience chez ra n i-mai; 2 Chez lhomme, la conscience sensible,celle du relatif; 3 La conscience rflchie oude labsolu. Ltre infra humain ne sait pasque les choses sont dune certaine manire. Il

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    1rs subit, il n'y voit pas la ncessit, il neles comprend pas... les images des chosespsent sur lui; encore sont elles vagues* ind ,termines. Ce n'est qu'en s'opposant la naliire qui simpose lui que l'esprit la connatnature et ncessaire, (L a g n ea u , Leons*p. 50.) Ainsi* dans la vie purem ent repr -sentative* unit. Lanimal na vraisemblable-ment qu'une vie de reprsentation, ccst direquil ne soppose pas ce quil pense* qu'il viten quelque sorte rpandu la surface de sespenses qui se confondent avec les choses*Avec la vie de Tentendement, la dualit ap-parat; l'esprit a conscience de lui mme etconnat quil est distinct des choses qu'il con-

    nat... Dans sa forme suprieure rationnelle,l'intelligence... slve au dessus de cette dua-lit qui constitue la vie de l'entendement etcherche la ramener lunit. {/

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    Quel sens pouvons nous donner cet acte quiest proprement la cration?Les grands mystiques spculatifs de FOcci

    dent, les Denys FAropagite, les Eckart, lesRuysbroeck parlent incessament de Fobscurit ou se cache Fabsolu, des profondes t-nbres de la Divinit La connaissance, nouslavons vu, consiste par essence dans des rap-ports que Fesprit saisit entre des donnesparses. La connaissance donc, telle que lacomprend lesprit humain ne peut existerdans Fabsolu qui est par dfinition le Toutpar lui mme* le Tout qui se dtruirait s'ilse fragmentait. Ce nest qu'en nous, dansFme humaine, point culminant de la nature,

    que Dieu peut se connatre et saimer luimme, Dieu saimant lui mme de Famourinfini dans les cratures qu'il dtermine, en-tretient par cela mme et son propre tre etFtre de ces cratures, (Lagneatj, E x . de D p. 99.) Ainsi le temps et lespace sont les rsis-tances, les obstacles qui permettent au cou-rant divin de se transformer en connaissanceet en amour; la force souveraine est endigue

    jusqu nous devenir accessible, jusqu' illu-miner et embraser nos mes.

    Nous dirons avec les grands mystiques : Lhomme engendre Dieu en lui mme. Cettegense divine est la flicit suprme et la vie

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    ternelle. Dieu, sorti de soi mme et des-cendu avec lme humaine jusquaux tnbresdu monde, revient soi et se replonge ensa Divinit.(De l a c r o i x , Le Mysticisme spcu* latif.) Ou bien encore, au nom de la seuleraison : Lacte divin ne peut tre conu quecomme la position absolue de lunit divinedans une diversit absolue laquelle ellesaffirme identique, et que, par suite, elle tend ramener elle mme indfiniment. (Lag n e u , Ex ; de D p. 105,)

    Cette conception philosophique peut avoirpour nous la fcondit dune foi religieuse.Pasteur et tous les croyants peuvent slever

    labsolu* Dieu par le sentiment, parlamour dont lessence est de fondre les deuxen un. Mais la foi chrtienne repose sur undogme, cest dire sur une conception parti-culire du monde. Ce dogme, cration de lhomme dans le paradis terrestre, chute deThomme, rdemption nest plus accept jjarbeaucoup dentre nous. Comme toutes les con-ceptions possibles, la conception chrtienneappartient la ralit du premier degr, aumonde du relatif. La vision fulgurante que ledogme est du domaine du relatif est la seuleexplication de lexprience dramatique faitepar saint Thomas dAquin. A la suite dune

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    extase o il eut le contact de labsolu, saintThomas dAquin se refuse poursuivre ladicte de la Somme thologique. On a dit que* r unit suprieure quil a entrevue, lui mon-trant les principes d'une manire toujourspins simple et plus rayonnante, il ne peut plusdescendre la complexit de l'expos didac-tique, Non, il ne sagit pas ici d'une diffi-

    cult de transposition. Saint Thomas d'quindit avec nergie : Tout ce que j'ai crit nestque de paille, de la paille bonne brler, Cest l un dsavu de son uvre qui ne per-met aucun doute aux esprits non prvenus.

    Le dogme est assujetti au temps et les-pace. C'est en un lieu spcial de lespace et une poque dtermine que la rvlation seserait produite. Nous ne pouvons la connatreque par ou dire, du dehors et elle reste fata-lement une donne que notre esprit ne peutsaisir. Elle ne peut tre accepte que par lafoi. Mais la foi proscrit le doute et le douteest la vie mme de l'esprit. Douter c'est

    juger quon ne reconnat pas dans l'objet

    actuel de la pense les conditions ncessairespour lgitimer une affirmation; c'est avoirconscience du dsaccord entre la forme de lapense et sa matire ou son fond Le doutene s'explique que par une intervention de lalibert. C'est vraiment dans lacte de douter

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    [ue se trouve laction cratrice le la pense. >(La g n ea u , Leons, p. 224.)La foi, qui condamne le doute, ne se trans-

    met que par autorit. Cette autorit peut tredouce bien quelle soit dangereuse si ellesexerce par le prestige ou par lducationqui est une mainmise sur la libert de len-fant, Mais au cours de lhistoire, cette auto-rit na t trop souvent que cruelle contrainte.Cest elle qui a condamn lhrtique trebrl vivant, petit feu, faisant ainsi unleurre macabre de la sublime parole duChrist: Aimez vous les uns les autres.Ajoutons encore que le chrtien ayant cana-lis la Divinit dans FHomme Dieu, ne peut

    aimer son Dieu que dun amour troit, Unamour partiel, cest encore, par un autre as-pect, au del dune certaine limite, de lindif-frence ou de la haine. Il se meut dans unesphre o ne pourra natre la charit totale,

    joie dans la joie, amour qui n*est qu'amour. (Br u n s c h v ie g .)

    Alors que le croyant va lAbsolu, Dieupar la foi, nous nous efforons de latteindrepar la raison. Cest l la foi de Fin crdule,qui est la plus belle (A l a i n .) Labsolu peutainsi appartenir tous sans distinction derace, d'poque, de credo.

    Cette conception philosophique investit

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    chacun de la haute fonction de crateur.Crer, nest ce pas faire descendre Fidaldans le monde du relatif en l'assujettissantau temps et l'espace? Il nous appartientde faire de chacune de nos penses, de cha-cun de nos sentiments et de nos actes commeune manifestation, une rvlation de Fabsolu,du divin.

    Cette thorie place le suprieur au dessusde l'infrieur. Nous savons que le courantmoderne de pense prend volontiers la mar-che inverse, Lhypothse qui prtend expli-quer linfrieur par une ralit suprieure,existant en acte, semble fortement bran-le, (De l a c r o i x, Essai sur le Mysticisme spculatif , p, 259.) Et ceci s'explique aismentsi on considre que dans Tordre des faits,cest l'infrieur qui porte le suprieur. Dansla tour de Babel que nous levons pour at-teindre le vrai, a base, l'infrieur supportela construction totale; mais cest le suprieurla plate forme leve do notre il embras-sera le plus vaste horizon possible, qui seule

    est la raison d'tre de toute la construction, L'infrieur porte le suprieur, mais ce n'estqu^un ordre de fait; partout dans la pense,c'est le suprieur qui explique l'infrieur. (La g n e a u, Leons, p. 7t.)

    La vrit n'est pas une ide atteindre,

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    une conception former; elle n'est pas sta-tique, mais dynamique; elle consiste dansractivit de l'esprit, dans sa paissance desynthse. Un point atteint est un arrt, untat spar, un aspect du vrai qui doit sanscesse sunir d'autres, par suite changer, sedpasser lui mme. Aussi peut il paratre certains quil est lgitime de se refuser accepter dfinitivement une thorie quellequelle soit, de sarrter l, en quelque sorte,pour ne tirer que des consquences pratiques,propres gouverner la vie, tels les dogmesreligieux. Ces esprits se rfugient dans lapense dune marche progressive. Encorefaut il que cette marche de bas en haut se jus-

    tifie, que le point que Ton atteint dpasse ce-lui qui prcde, quil soit jug au dessussuprieur, que cette progression ait une va-leur comme dit Lagneau. Il faut, par suite,que lide du Tout, de Absolu, oriente Tesprit, claire la voie. Sans elle tout est vain.

    Bien des penseurs se rclament aujour-dhui de Hegel. Mais nous dirions avec Lagneau : Les Hgliens tudient les ides oulIde part des hommes, quand elle n'en estque le reflet docile et, seule, le corps sanslme, le cadavre,(La g k e a u, Ecrits, p. 232.)Comment accepter df tudier les faits en de-hors de la conscience dont ils ne sont, en ra-

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    G2 R E L AT I F E T AB S O L U

    lit, que la projection? O prend on que cemonde extrieur sur lequel on greffe aprscoup la conscience, existe d'abord en luiVmme et en dehors de toute conscience? ( L a c h e l i e r , p . 1 2 7 . )

    Nous rsisterons donc an courant de pensequi sexprime ainsi : Et comme il faut croireau monde et que toute raison sappuie l,

    comme toute folie, ce qui nest quen laconscience, la rflexion se trouve aussitt sus-pecte et contre lordre comme il apparat enla forte maxime de Comte : Rgler Te de dans sur le dehors. ^ Le philosophe Alainajoute : Cette division et cet exil, en quelquesorte, est propre l'incrdulit; elle en estComme la punition chaque instant. ( A l a i n ,

    Souvenirs, p, 107.) Punition en effet, car cesttre condamn vivre hors de chez soi, dansle relatif, sans jamais pouvoir rentrer en soimeme o se trouve la vrit et, avec elle, lapaix et le bonheur.

    Peut tre est il utile de prciser ici le sensde trois vocables, vritables pommes de' dis-corde : finalit mtaphysique, mysticisme* Laconception qu'ils dsignent nappartient pas la ralit du savant. Dans la ralit dusavant ces mots ne sauraient dsigner que desvues intellectuelles, des systmes clos, par

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    liels el

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    lit : systmes scientifiques, philosophiquesmoraux, sociaux, religieux. Lopposition for-melle de Krishnamurti tout systme est doncpleinement justifie. Les vues intellectuellesne peuvent avoir de valeur que par leur coh-sion, cohsion qui nest quun signe, un sym-bole du vrai* Des vues partielles, fussent ellesinnombrables, ne seront jamais l'Infini, necontiendront donc jamais la Vrit et la vie.

    La deuxime ralit, celle laquelleaspire le philosophe, Fultime Ralitcomme la nomme Krishnamurti, ne peut treatteinte que par le mouvement de la vie com-plte, par lexprience de la vie totale, scru-te sans cesse* toute heure dans ses moindres

    dtails, soumise, par un esprit la fois alerteet concentr, la flamme de la consciencede soi qui spare Fessentiel du non essen-tiel. Nous atteignons ainsi la sagesse ouintuition qui est la vue instantane de la su-prme, de F ultim e Ralit.

    Personnellement, cest la thorie de la con-naissance qui nous a conduit Krishnamurti;cest la voie daccs par laquelle nous Favonsapproch. Dautres peuvent en suivre de dif-frentes sans doute. Mais l'ignorance de lanature de la connaissance nous parat expli-quer toutes les incomprhensions, tous lescontresens, tous les malentendus qui s'talent

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    dans un si grand nombre des questions posesincessamment au Matre. Que la comprhen-sion soit votre loi demande t il instamment.Tout notre dsir est que ce travail puisse faci-liter cette comprhension quelques uns deceux qui souhaitent latteindre.

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    KRISHNAMURTIMettons nous directement en prsence de la

    pense de Krishnamurti.Cette pense est difficile pntrer. Elle

    peut bien, comme Fa parfois dclar Krishna-murti tre ramasse au point quelle pourrait

    tenir dans une coquille, dans le creux de lamain. Reconnaissons nanmoins avec fran-chise qu'elle chappe beaucoup,

    A cela nous voyons deux raisons.l Dabord cette pense est difficile par son

    contenu mme. Il sagit, en somme, de passerde la premire ralit, celle du relatif, ladeuxime, celle de Fabsolu, Or, nous vivonsitous plus ou moins compltement dans lerelatif. Notre vie est faite de dsirs, dsir desatisfaire nos diverses tendances : physiques,intellectuelles, familiales, sociales, morales,religieuses. Pour beaucoup ces tendances secentralisent dans le dsir de Fargent, La for-tune peut procurer tant de satisfactions! Il

    faut tre blas sur ces besoins, en avoir fait letour, avoir prouv leur nant pour sleverau dessus et vouloir obstinment ce qui est audel du temps et de Fespace, pour sattacher ce qui contient tout et ne passe pas, Flnfiniet FEterneL Mais cela cest renoncer ladualit sujet objet, donc son moi. Le

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    moi s>*la personnalit en effet est une cons-truction de Inintelligence qui, comme toutesles donnes dues l'intelligence, est composede vues fragmentaires mortes Il est une mo-saque .

    2 La seconde raison de la difficult quenous prouvons est due la forme mme danslaquelle Krishnamurti expose sa pense. Peuttre sera t il utile de montrer, dune manireprcise, sur un exemple particulier les diffi-cults qui arrtent le lecteur ou l'auditeur.Nous pourrons alors indiquer quelles dispo-sitions d'esprit nous devons apporter cestudes ,

    Prenons au hasard des textes tous ou

    presque tous pourraient servir cette fin la premire question qui figure au Bulletin de FEtoile (nov. dc. 1932, p. 105), Elle prsenteles difficults qui nous embarrassent et elletouche de plus, plusieurs points essentielsde la pense de Krishnamurti.

    Question pose :

    Lorsque je pense au Christ, Rprouve enmon cur un grand amour. Lorsque je suisen votre prsence, je me trouve stimul men-talement. Je sais qu'il en est de mme pourd'autres personnes. Pourquoi prouvons nouscette diffrence si* ainsi que vous le dites la

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    des tmoins. Il devrait, pour tre fidle, treimpersonnel.Celui qui pense au Christ avec amour voit

    en lui une personne; c'est un ami, un conso-lateur tout puissant, toujours prsent; lui seulpeut nous aider porter nos fardeaux et sonamour pour nous est le refuge o nous trou-vons toute heure la consolation et la forceCelui qui s'approche de Krishnamurti vient luidemander, non une consolation, un rconfort,mais une rponse lnigme de la vie. Il estpouss par un besoin de lumire et de certi-tude. Il ne cherche pas un ami, il voudrait uneexplication laquelle il puisse pleinementadhrer et qui oriente sa conduite.

    Ces deux besoins, celui du cur et celui dela pense, peuvent paratre diffrents mais lesdeux existent au fond de toute ne humaine.La plnitude de la Vie n'est ni un rconfort,ni une stimulation, mais l'harmonie parfaitede la pense et de rmotion.

    2. Krishnamurti cite sa propre exp-rience. Pense et motion sharmonisent, seconfondent chez lui. Et il est vident pour tousceux qui Font approch que ce quil dit de luiest pleinement vrai. Son ardeur partagerson bonheur avec ceux qui lcoutent estincomparable et elle vous transporte. Chez

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    la pense et lamour sont deux expressionsdiffrentes dun mme besoin essentiel de notrenature, le besoin de synthse, d'unit? La pen-se saisit des rapports entre des donnes quise prsentent isoles lesprit; lamour, cestle mouvement par lequel les diffrentes par-ties dune ralit se constituent une (L a - g n e u ). Les deux, pense et amour, font uneunit de ce qui, sans eux, ne serait que frag-ments isols, parpillement. Nous voil doncsur les hauteurs o la pense se confond avecle sentiment.

    Mais voici, dans le texte de Krishnamurti,un second arrt. Dans cette flamme de laconscience de soi existe la solitude totale et,lorsque vous connaissez cette solitude, qui estune extase, alors la pense et le sentimentcommencent perdre leur diffrenciation.Comment comprendre ce texte? D'o sortentces ides disolement, de solitude, dextase?Rien, dans ce qui prcde, ne les explique.Nous saisissons ici une des raisons, la princi-

    pale peut tre, de la difficult de la pense deKrishnamurti. Nous cherchons d'instinct unesuite logique dans les ides qui se suivent dansle texte et nous ne la trouvons pas. La clartne vient pas chez Krishnamurti de l'enchane-ment des ides; il faut, pour que la lumireapparaisse, nous plonger en quelque sorte en

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    KRISHNAMURTI 75

    plein gouffre de la pense totale de Krishna-murti, L'explication du texte prcdent est,sans doute, cette vue profonde que la penseet le sentiment, lorsquils atteignent toute leurpuissance, slvent au dessus de tout ce quirappelle les limitations, les troitesses de cha-que personnalit. Nous disions plus haut quele rcit dun vnement doit tre impersonnel,non teint de la mentalit propre de chaquenarrateur. La vrit ne peut tre trouve quepar celui que n'arrte aucune barrire qui luisoit propre; parti pris, prjugs, dsir de ser-vir une cause ou une autre. Cest dans le dserttotal, o aucune influence trangre ne peutsexercer, que peut briller le soleil de la Vrit

    et de lamour vritables, Seigneur, dit leMose de Vigny, vous mavez fait puissant etsolitaire*

    Cette haute pense qui seule nous paratpouvoir clairer ce texte, il faut, pour la recon-natre, lavoir vue et sentie dans toute l'oeuvrede Krishnamurti.

    Continuerons nous ltude dtaille du texteque nous avons choisi?Le troisime paragraphe nous offrira gale-

    ment des points darrt de la pense logiqueet des solutions qui ne peuvent venir que de laconnaissance de a pense totale de Krishnamurti.

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    L'homme en lui mme est la Vie; il nepeut la trouver par lentremise d'un autre Voil qui parait en contradiction avec l'exp-rience de toute lhumanit. Les hommes sepassent de main en main le flambeau de lavrit. La seule explication qui nous parat

    justifier cette pense cest que tout ce qui nousvient dautrui porte les limites dautrui; toutepersonnalit, celle des autres comme la ntrepropre, ne nous donnent que des crationsfragmentaires et factices. Elles appartiennent la premire ralit; elles ne sont pas vivan-tes. J ai iu beaucoup de livres qui parlentde Toi. Ils disent que tu ressembles dautres,que beaucoup de temples sont construits pourToi, quil y a beaucoup de rites pour Tinvo-quer. Mais je ne communie pas dans ces livres,car ils ne sont que les coques des penseshumaines. {Le Chant de la Vie, pome XXL)

    Continuons notre lecture.Lhomme ne peut raliser la Vie quen

    transperant les nombreuses couches stratifiesde sa propre conscience de soi,.. Pour raliserlextase de la Vie, il vous faut pntrer dansvotre propre esprit et dans votre cur.

    Il faut se dbarrasser de toutes les limita-tions qui constituent le moi. Ces limitations

    . crent en nous le dsir de nous complter, deprogresser; elles posent devant nous un but

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    vers lequel nous tendons sans eesse. Or, ditKrishnamurti, ce n'est que' par la disparitiondu dsir personnel, par la destruction du moique, pntrant par un mouvement inversede celui qui nous porte hors de nous dansles profondeurs de notre tre* nous verronsdisparatre la distinction de l'esprit et du cur.

    Lorsque toute soif intrieure a cess alorspenser cest sentir; il n'y a plus de distinctionentre l'esprit et le cur, mais une concentra-tion lucide qui a perdu toute distinction; c'estla concentration dune fleur. Cette concentra-tion est infinie, tandis que ce que vous appelezamour et pense engendrent de la rsistance,des limitations, une paresse de l'esprit et ducur, donc une corruption,

    Toute cette fin de paragraphe est inintelli-gible pour celui qui na pas le sens profondde la pense totale. Mais pour celui qui le pos-sde, tout s'claire. Il sagit toujours d'chap-per au moi, scs barrires, ses dsirs, auxrsistances contre lesquelles il lutte, au relatif,

    en un mot, pour pntrer dans l'absolu, leRoyaume de la Vrit, de F Amour et du Bon-heur.

    En somme, ce qui fait l'obscurit des textesde Krishnamurti, c'est que nous cherchonsentre chaque partie un enchanement logiquequi n?y est pas. Ce sont des tincelles; leur

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    7S KRISHNAMUim

    seul lien est quelles slancent dun mmefoyer, dont chacune nous rvle un aspect. Lapense de Krishnamurti pourrait tre compa-re des clairs de magnsium qui illumine-raient successivement les divers points dunegrotte obscure. Les parois intermdiaires dansla grotte restent dans les tnbres; nous nepouvons que les imaginer. De mme, devonsnous supposer les liens qui rattachent les unesaux autres les diverses parties de la pensede Kriahnamurti; elle procde, en effet, parbonds, par clairs successifs. Il ne sagit doncpoint ici d*en chane ment logique, plus oumoins ais suivre par le simple jeu desfacults de Inintelligence. Il sagit, pourrait on

    dire, de plonges* de coules pic dans lesabmes de l'exprience, de Fme, de la Vie.Cette dmarche spciale de la pense ne r-pond elle pas au mot clbre de Pascal: Les-prit a son ordre, qui est par principes et d*monstrations; le cur en a un autre. Cetordre consiste principalement la digressionsur chaque point qui a rapport la fin, pourla montrer toujours.

    Peut tre les intellectuels sont ils en posturedfavorable pour suivre la pense de Krishna-murti. Je sais que quelques uns, parmi vous,sont trs savants, et jai bien peur que ce soitcela la difficult. Vous avez tant lu, vous vous

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    tes dvelopp l'esprit tel point que vousavez perdu la vitalit de la pense. Vous ayezmdit, et vous avez si bien model votreesprit que vous avez perdu de vue le modeleur,qui est votre dsir lui mme. Pour raliser cequi est vrai, vous devez tre libre du fardeaudes connaissances acquises; ce nest point dire que vous ne devez pas lire, mais vousdevez tre dbarrass du dsir de suivre quel-qu'un dautre, ou de transformer ce que je disen une conception intellectuelle, ce qui dtrui-rait votre comprhension de la plnitude de laVie. (Bult. de VEtoile, juillet aot,p, 113.)

    Signalons encore, pour tre complet, deuxdifficults que prsentent les textes. Krishna

    murti ne donne pas toujours aux expressionsquil emploie le sens qui nous est le plus fami-lier. Ainsi le mot mmoire dsigne pour nousla facult de se souvenir du pass. Krishna-murti dsigne par mmoire es tendancesacquises, les habitudes du corps, de lesprit,de l'me. Voyez ce sens, ainsi que celui desmots intelligence* intuition, dans le passagesuivant :

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    Cette vritable mmoire, c*est lintelligence,..Lintelligence est la capacit de choisir avecdiscernement ce qui est essentiel et de rejeterce qui est faux. Cette intelligence sacquiertpar l'exprience, par les leons qui restentaprs l'exprience. La plus haute forme decette intelligence est lintuition, parce quelleest le rsidu de toutes les expriences accu-mules. Cest la vraie fonction de la m-moire., (Bull, de VEtoile, octobre 1929.)

    La seconde difficult est que si nous nen-tendons pas l'anglais, nous avons affaire des traductions qui comportent toujours unepart dinfidlit.

    Comment donc devons nous lire un texte

    de Krishnamurti Le parcourir des yeux la faon dun ro-man? Pure sottise. Le lire attentivementcherchant comprendre par l'enchanementdes ides. Mthode strile.

    Il faut dtacher chaque pense dont on nevoit pas le sens. La confronter avec lexp-

    rience quon peut avoir; il faut surtout la rap-procher de la pense totale de Krishnamurti,C'est l, d'habitude, qu'elle s'clairera. Lais-sons la donc patiemment, longuement mriren nous. Soudain, son heure, elle nous ap-paratra dans toute sa vrit. Elle sera alors,pour nous, un joyau sans prix. Elle illumi-

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    nera notre route, elle nous enchantera ellenous ouvrira les portes du Royaume duBonheur .

    Tchons de mettre en lumire la pensetotale de Krishnamurti puisquelle seule peutnous permettre de comprendre chacune deses parties.

    VISION CENTRALE

    La vision centrale de Krishnamurti estrsume dans cette ligne :

    La natu re recle la Vie, cest dire quetout ce qui est manifest recle la Vie, (a>

    prience et Conduite , p. 6.)

    Qu'est ce que la Vie? Je vois le Dieu dans tout ce qui existe,

    dira R. Rolland. Je le vois tout entier dans lemoindre segment comme dans le Tout Cos-mique, Nulle diversit d'essence. Et quant la puissance, elle est partout infinie : celle quigt dans une pince de poussire pourrait, si

    Ton savait, faire sauter un monde. La seulediffrence est quelle est plus ou moins con-centre, au cur dune conscience, dun moiou bien dun noyau datome. Le plus grandhomme nest quun plus clair miroir du so-leil qui se joue en chaque goutte de rose. (R. RoLLANn, La Vie de Hamakrishna f p, 26.)

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    Ce que R. Rolland nomme le Dieu ,Krishnamurti lappelle Vie, De nombreusesexpressions Tailleurs dsignent chez lui l'es-sence suprme : Etre, Vrit, Absolu (soppo-sant relatif), Libert (sopposant ce qui estdtermin par les lois de la nature), Divin etaussi, particulirement, The Beloved (le BienAim).

    La Vie, dans la nature, sachemine crerun tre conscient de lui mme. Quand cetteVie dans la nature se dveloppe jusqu seconcentrer en un seul foyer individuel, lanature a accompli sa raison dtre. Toute ladestine et la fonction de la nature est de

    crer lindividu conscient de soi, conscient desdualits, qui sait quil constitue lui mme uneentit spare.*. Lindividu est un tre spar,qui est soi conscient, qui se sait diffrent desautres, en qui rside la distinction entre luiet les autres. ( E xp . et Cond,t p. 7.)

    La nature atteint donc son point culminant

    dans lhomme. En lui, la Vie devient cons-ciente delle mme; elle a form un tre s-par, diffrent des autres. Ce point nest pasatteint par lanimal. Celui ci possde lenten-dement spontan, mais non rflchi. Ses pen-ses sont objectives; elles portent, non sur lui,mais sur ce qui nest pas lui* II ne se connat

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    pas lui mme comme distinct de la nature,comme tre pensant, Mais lindividualit nest pas une fin en

    soi; elle est une imperfection, ( E xp . et Cond., p. 7.)

    Elle est une imperfection, car elle est unelimitation. Lhomme spare lout ce qui est en

    deux parts : lui et ce qui nest pas lui, le sub- jectif et lobjectif, Cette dualit dans laquelleil soppose ce qui nest pas lui sera la source de ses souffrances. Sans cesse il se heurtera des forces trangres et le plus souvent hos-tiles, Tout son effort, toute sa science tendront les dominer, les assujettir. Il est engagdans une lutte sans fin; vainqueur sur unpoint, il sera vaincu sur un autre. En toutcas lissue, pour chaque tre spar, nest pasdouteuse, il disparatra dans la mort.

    Le but de lindividualit est de parvenir la totalit, non pas la totalit de savoir, commeon peut tre tent de le croire, mais la totalitde ltre, Le but ultim e de lexistence indi-

    viduelle est de raliser le pur tat dtre* danslequel il ny a pas de sparations, mais qui estla ralisation du tout. L'accomplissement dela destine de lhomme estd'tre la totalit.II sagit de devenir soi mme la totalit. ( Exp. et C o n d p. 8,)

    La goutte de pluie contient elle dans sa

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    plnitude le torrent imptueux? La goutte depluie dans sa solitude nourrit elle Parbre surla colline? La goutte d'eau dans sa chutechante t elle la douce musique des eaux nom-breuses? La goutte dans sa puret apaise t ellela soif douloureuse?

    Les fous poursuivent travers la Vie les

    ombres de leur moi, et la Vie les doit car ilserrent dans les chemins de Pesclavage.

    Pourquoi ces efforts dans la solitude desdivisions? Dans la Vie il ny a ni vous, nimoi, (Le Chant de la Vie, pome XIV.)

    Au lieu de ntre que la goutte de pluie quitombe, svapore, se perd dans le sol, soyezleau de la mer qui, incessamment se trans-forme en nuage, en pluie, en source, en tor-rent, en cours deau pour retourner la meret recommencer son cycle sans fin* Leau estunique en son essence*

    Et de la source la mer, et de la mer la source, tout est la mme Energie, lEtresans dbut ni fin, quil mest indiffrent quonnomme Dieu (et quel Dieu?) ou Force (etquelle Force?) Ft elle dite matire, quellematire est ce donc qui dsigne galement lesnergies de lEsprit? Des mots, des mots!...Lessence est lUnit, non pas abstraite, maisvivante. Et cest elle que j'adore, ainsi que les

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    grands croyants et les grands ignorants, quila portent en eux mmes, conscients ou incon-scients. ^ (R.R o l l a n d , Vie de Ramakri$hnat page 16.)

    Il semble donc que pour Krishnamurti toutce qui existe constitue une progression en troistapes. Dabord, la nature proprement dite.Les tres qui la composent agissent poussspar une force qu'ils nanalysent pas. Puis vientlhomme* lhomme ordinaire, nous tous. Lapuissance qu'il sent en lui constitue sa person-nalit, son moi. En lui sopposent le subjectif,lui, et r objectif, tout ce qui est hors de lui.Il est assujetti aux lois naturelles; il est esclavede forces trangres qui le dominent. Enfin,vient la troisime tape. L'homme renonce son ide de moi spar, individuel* 11 se sentsolidaire du monde entier. La force quilprouve en lui est universelle; elle est en toutelle est une, nulle diversit dessence. Lefragment quil croyait tre son moi distinct,spar, n'est quun aspect de la manifestation

    de cette force unique. Son essence est lessenceuniverselle.Cette conception ne correspond elle pas

    exactement aux trois degrs de consciencedistingus par le philosophe Lagneau : cons-cience de ltre infra humain; chez l'homme,conscience sensible ou de la ralit du premier

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    degr; conscience rflchie, ou de l'absolu, ouencore de la ralit du deuxime degr?Lhomme qui atteint la conscience de lAb-

    solu entre, dit Krishnamurti, dans le Rgnehumain par opposition au Rgne Soushumain qui comprend tous ceux qui ne d-passent pas la conscience sensible, la ralitdu relatif. Krishnamurti emploie ici une ter-minologie diffrente de la ntre. Nous appe-lons sur hommes ceux qui ont atteint un degrdlvation qui dpasse le niveau moyen, ceniveau moyen tant celui des hommes engnral. Pour Krishnamurti, les hommes deniveau ordinaire ne sont pas humains maissous humains; ce sont ceux que nous nom-

    mons sur hommes qui, seuls, appartiennent auRgne humain.Comment faut il comprendre ce Rgne hu-

    main, point ultime du dveloppement de lavie sur notre pante?

    Les naturalistes nous disent que, dans lvo-lution des espces, loiseau est n du saurienpar le fossile ail queue de lzard, Tarcliopterix. Le reptile, las de ramper, sur le sol,voulut slever dans lair, et il le voulut avectant de force et dobstination quil se donnades ailes, et loiseau prit son voL Lhomme estenferm dans le moi individuel, et cest ce quicause ses terreurs et ses souffrances; emmur

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    quil est dans le temps et lespace, tout le me-nace de lanantisse ment quil redoute; cesten vain quil cre mythe sur mythe pour sedlivrer de la mort, pour se convaincre deson immortalit.

    Vient une heure o il veut tout prix sortirde ce cachot du moi; il veut atteindre lUni

    versel, le Tout, l'Unit, le Divin. L seulementla vie prendra son vol; il jouira de son ter 'nit quil sent sourdement en lui. Lhommesent quil est ternel, (Sp i n o z a) . Ce pas, danslvolution, cest tout le message de Krishna-murti, Ce nest pas en organisant, avec unehabilet toujours croissante* les richesses duSoi, en les entassant par ce que nous nommonsnos progrs matriels ou moraux que nousrussirons* Ce nest pas par lintelligence quine travaille que sur ce qui est donn, le degracquis, mais par lappel aux sources pro-fondes de linstinct que la voie souvrira.Cest en aimant dun amour intense et sanslimite la Vie dans toutes ses manifestations,

    en se livrant tout entier sa puissance in-domptable et en quelque sorte farouche* ense perdant en elle, en sabandonnant dansune attitude de scurit confiante et douce,de certitude, de foi absolue que se fera ennous le miracle, que le reptile deviendraloiseau, que du rgne sou huinain natra

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    enfin le Rgne humain dans sa gloire etsa flicit.

    DESTRUCTION DU MOI

    Lhomme de ce Rgne humain , lhommeachev, accompli, parfait est un tre qui napas dego, dit Krishnamurti. Cette dissolutiondu Moi est un point essentiel de son enseignement.

    Nous considrons tous le Moi , le Je ,notre personnalit, comme tant un tre enlui mme, distinct de tout ce qui nest pas lui.Nous naissons et nous mourons; nous vivonsde telle date telle date; nous sommes doncassujetti au temps. Nous sommes prsent dans

    tel ou tel lieu; sans doute avons nous la possi-bilit de changer de place, mais nous ne som-mes jamais la fois qu un point prcis deltendue; nous sommes donc assujetti les-pace. Chacun de nous possde ses caractrespropres qui le distinguent des autres : physi-ques, intellectuels, motifs, moraux, religieuxfamiliaux, sociaux, nationaux, etc. Chacun denous* spare en lui le subjectif de ce qui nestpas lui, ^objectif. Ce sont ces deux premiersopposs qui rendent possible la conscience ouconnaissance {

    Sans doute la plus lmentaire rflexionnous apprend que notre indpendance est plus

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    apparente que relle; quen vrit, notre per-sonnalit physique morale* sociale