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Egalementdisponible:

Protège-moi…detoi

Célèbreactriceabonnéeausuccèsetausommetdubox-office,LizHamiltonestunejeunefemmede22ans,insoucianteetlégère.Savieserésumeàunesuccessiondetournages,desoirées,d’interviews–etd’amispastoujourssincères.Jusqu’aujouroùellereçoitleslettresd’undétraqué.Desmissivesinquiétantes,violentes,sinistres.Habituéeàévoluerdansunmondedepaillettesetdefaux-semblants,ellen’yaccordeguèred’importance…avantquesonagentn’engageungardeducorps.Etpasn’importelequel!

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Egalementdisponible:

Prêteàtout?

Deuxinconnusirrépressiblementattirésl’unparl’autrepassentensembleunenuittorride,ilsn’ontpasprévudeserevoir.Ouimaisvoilà,elle,c’estTessHarper,unejeunefemmequiaungrandbesoind’argentetquiparticipeàuneémissiondetélé-réalité,quitteàpasserpourunepoufiasse.Lui,c’estColinCooper,ilestproducteur,plutôtintello,etdétestelespaillettesetlesbimbos.Etilsn’avaientpasledroitdeserencontrer.

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

LucyAllen

SECRETLOVE

Volume1

ZLEX_001

1.Prologue

15mai.SanFrancisco,quartierdeRussianHill

AnnoncesurRoomster.com:OldLadycherchecolocataire

«IdéalementsituéesurTelegraphHill,quartiertranquille,BluePaintedLadycherchecolocatairepoursesdeuxrésidentsactuels.Grandemaisonvictorienneoffrechambrespacieuseprivée(litkingsize,TVécranplat,Wi-Fi,Fatboy,penderieetsalledebainsprivée).Àpartager:salonlumineuxaveccheminéeàbois,bibliothèque(livres,DVD),grandecuisineéquipée,buanderie,terrasseavecvuesurlabaieetjardin.Référencesnonexigées.Dépressifs,moralisateursetautresabstinentsnesontpaslesbienvenus. Les amateurs de bons vins ont toute notre sympathie. Libre immédiatement. 1000 $ parmois.»

Je clique rapidement sur l’adressemail. Pas question deme faire doubler. Une semaine que jescrutelespetitesannoncesimmobilières.Envain!Àchaquefois,c’estlamêmerengaine:déjàpris.

De:AlexLarcierObjet:ColocationBluePaintedLadyBonjour.Votreannoncecolocest-elletoujoursvalable?Sioui,quandserait-ilpossibledevisiter?AlexLarcier

Unepetiteprièreaugrandkarmacosmique.Çanecoûterien,maisçapeutrapporter.

Monstagedémarredansquinzejours.Pourl’instant,jenesuispasàlarue.JelogedansunepetitechambredouillettedégotéesurlesiteAirbnb.N’empêche,àsixcentsdollarslasemaine,cecharmantbedandbreakfastestentraind’engloutirmonbudget.Jen’aiaucuneenviededemanderàmamanetpapaunerallonge.Monstagedefind’étudesencommunicationauxStates,c’étaitmonidée.Jusqu’àprésent,jemesuisdébrouilléeseule.Resteàtenirsixmoiscommeunegrande.

J’aimafierté!

Cinqminutesplustard.Uneréponse…

De:JeremyLarsenObjet:RE:ColocationBluePaintedLadySivousêteslàdansl’heure,lacolocestàvous.Sic’estdanslestrenteminutes…vosconditionssontlesmiennes!L’adresse:500FilbertStreet.Goodluck!J.

J’hallucine:«vosconditions sont lesmiennes»…Jevais luimontrermesconditions,moi,à laPaintedLady.Pourvuquecenesoitpasuncanular…

Vite,vite.Pas le tempsdemecoiffernidemechanger.Le traditionnel jean, tee-shirt,basketdel’étudianteferal’affaire.Uncontrôledesécuritédanslemiroirs’imposequandmême:mescheveuxsemblentdociles.Nickel.Quellebrillanteidées’estemparéedemoilejourprécédantmondépartdeBordeaux.MefairecouperlescheveuxàlaJeanSeberg.Aveccettepetitecoupepixie, j’aipuenfinmettrefinàplusdevingtansderébelliondansmescheveuxblondvénitien.MacopineMinaaadoré.Jelavoisencoretoutexcitéemeféliciterdecetteinitiativecapillaire.Selonelle,nonseulementcesquelquescoupsdeciseaumagiquemettentenévidencemesgrandsyeuxbleusetmonteintdiaphane,maissurtoutmemétamorphosentenEmmaWatson.

Danssabouche,c’est lesummumdescompliments.Minaetmoisommesamiesdepuis l’âgede8ans,etplusprécisémentdepuis le jouroùmamèrenousaamenéesvoirHarryPotter sur grandécran.Nous étions dans lamême classe, on jouait ensemble, sans plus.Mais dès ce jour-là, tout achangéentrenous,lapottermanias’estemparéedenosvies.Pendantlesrécrés,nousrêvionsd’entrerà l’écoledePoudlard, devoler surunbalai, de lancerdes sorts…Cequenous faisionsd’ailleursallègrement. Ma grande sœur Masha était notre sujet d’expérimentation favori. La pauvre, nousl’avonstransforméeengrenouillebaveuse,enoiseausansplumeetenchatpleindepustules.Notrekifabsolu?RegarderlesDVDdePottertoutensefaisantdesorgiesdedragéessurprisesdeBertieCrochueetcrottesdenez.

Stop!

Pasletempsderêvasser.L’adressedonnéeestl’unedecescélèbresPaintedLadiesdeTelegraphHill,lesmaisonsvictoriennescoloréesemblématiquesdeSanFrancisco.

Àvold’oiseau,noussommesvoisins.L’affaireestjouable.Jen’aiqu’àremonterLombardStreetaupasdecourseetc’estbon.Pourvuquecelamarche.Lamétéo joueenma faveur.Lebrouillardresteaccroché sur les collinesde laville.L’airprintanier est encore frais. Jene seraidoncpasaurendez-vous complètement liquéfiée. Après vingt minutes de marche rapide, je suis quelque peuessoufflée.Erreurdedébutante.J’aizappélecaractère trèspentuduquartier.Levold’oiseau,c’estbonpourlesvolatilesetcertainementpaspourlesfillesquimesurentcommemoi1m62.

Aubordde lacrised’asthme,maissoulagée,mevoilàcommeprévuenunpeumoinsde trenteminutesdevantunesuperbemaisonvictoriennebleue.Enlavoyant,j’hésiteentreunénormegâteaubleuàlacrèmeetundécordeDisney.Plusquecentenaire,lavieilledamearborefièrementsadatedenaissance au-dessus de la porte d’entrée : 1899. L’endroit rêvé pour une colocation. Je croise lesdoigts.

Zen.Souffleunboncoupetsonne…

Pas le temps de m’annoncer, quelqu’un a profité de ma rêverie. La porte s’ouvre comme parmagie.

Houhou…Mickey,Minnie,Donald…c’estvous?

Jepénètredansl’entrée.Clac!Laporteserefermed’uncoup.

–Ohé,ilyaquelqu’un?J’airendez-vous.JesuisAlex.C’estpourlacoloc…

Disney se serait-il transformé en Hitchcock ? Ne pas pétocher, ne pas pétocher. Norman Batesn’existequedansPsychose,pasdanslavie…Enfin,j’espère!

Sanscriergare,surgitdroitdevantmoiunesilhouette.Jesursaute.

Mince,ilm’afaitpeur,cecon!

J’esquisseunsourire,histoired’entamerunsemblantdediscussion.Jelesaluedelamain.

–Bonjour?Vousêtes?…

Serait-ilmuet?Peut-êtreunecaméracachéepouruneémissionUS?

Sic’est lecas, ilsont fait fort.Devantmoi, toutsourire, lesosied’AnthonyPerkins, l’acteurdePsychose.MaismonNormanBatesestplusjeune.Ildoitavoirmoinsde20ans,plutôtmignonavecsescheveuxenbataille.Grand,fin,unedégained’étudiantquidoitfairetombertouteslesfillesdesoncampus.Pasvraimentl’allured’unserialkiller…

C’estsûr.Jesuisuneexpertepourrepérerunpsychopathe…Jefaisquoi?S’ilneditriendansuneseconde, je fuiset tantpispour le ridiculede la situation.Noterdansuncahier :ne jamaisentrerseuledanslamaisond’uninconnu.

J’hallucine. Ce gars semoque demoi. Il m’examine de la tête aux pieds comme si j’étais unemarchandise.

Inspiresunmaxd’oxygène.Etvitefait,tutecarapates!

–Alex…lance-t-iltoutd’uncoup.

Super,monNormanparle!

–Diablementsexy,pourungarçon!finit-ilparajoutersuruntonamusé.–Oui,réponds-jed’unevoixquiessayedecamouflerlapaniquecroissantequis’estemparéede

moi.–Vousêtesunefille…–Et?–Désolé,jepensaisavoiràfaireàunAlexaumasculin.Jen’aipasenvisagédecolocationavec

unefille.–Oh,vousêtesdéçu.Jevouslaisse,alors.

Tropcontentedetrouverunbonprétextepourpartirdecettemaisondefous.

Ilsourit,mefaitunclind’œil.Toutenmeprenantlamaindemanièrepossessive(ilsegardebiendemelarendre),ilm’entraînedansungrandsalonauxmursblancs,plutôtdépouillé.Àmagauche,un énorme canapé où une dizaine de personnes pourraient s’installer face à une télé tout aussigigantesque.Àdroite,unegrandecheminéeenmarbregris(auxdimensionsparfaitespourjouerlesdocteurPetiot).Justeàcôté,unmagnifiquefauteuilloungeEames.Ausol,unmagnifiqueparquetdechêne.LetoutdonnesuruneénormeterrassequidominelabaiedeSanFrancisco.

Ohlala!Alex,tuperdslatête!Tun’espasentraindejouerlesdécoratricesd’intérieur.S’ilsortuncouteau,t’esfoutue.Maman,papa,carrotcake,vousmemanquerez…

–Jenesuispasdutout,maisalorspasdutoutdéçu.Bienaucontraire,jetrouvecettesurprisedespluscharmante,déclaremonétrangehôtesuruntonenjôleur.Installez-vous,jepeuxvousproposerquelque chose à boire ? Vous aimez le vin ? J’ai un excellent chardonnay californien. J’ai crupercevoirundélicieuxpetitaccent,trèssexy.VousêtesFrançaise,non?

–Écoutez,jepensequejenesuispascellequevouscherchez.Onvas’arrêterlà.Etpuisrendez-moimamain.

Imperturbable,ilsortunebouteilledevinetladébouche.L’œilpétillant,ilpoursuit.

–Appelez-moiJeremy.Onestdumêmeâge?Pasdebarrièreentrenous.J’insiste.Installez-vous,laplacenemanquepassurlecanapé.

Tupeuxrêver!Non,maisj’hallucine…ilmedrague!

–Écoutez,monsieur,vousfaitesfausseroute…

Ilm’interromptaussitôt.

–Oh,non!Nefroncezpaslessourcils.

Ilmesourit.Jerestebouchebée,éberluéepartantd’aplomb.

–STOP!–Nevousfâchezpas.Jenevousagressepas…

Mon cœur s’emballe. Furieuse, je dois remettre ce blanc-bec en place ! D’une voix grave etmenaçante,j’yvaisfranco:

–Jenevaispasm’installersurvotrecanapé.Jenevaispasboirevotrevin.Jenesuispaslàpourmefairedraguer.Jechercheunechambreàlouer!Etnonunplandragueàlanoix!

–L’unn’est pas incompatible avec l’autre. Je suis ungarçonplutôt pasmal, vous êtes une fillemagnifique.Oùestleproblème?

Putain.Maisquelgroslourd!Jen’auraisjamaisdûvenir…

–Leproblème?Ilestquej’aibesoind’untoitetnond’unmec.Etsivouscroyezquejesuisprêteàpartagervotrelitenguisedeloyer,vousêtesàcôtédelaplaque!

Incrédule,ils’approchedemoitoutsourire…

–Sivousneme laissezpaspartir, jehurle.Vousneme faitespaspeur.Vousêtesungrosnaze.Vous faites partie de ce club des jeunes cons qui croient que l’argent achète tout. Erreur !Manifestement, il n’achète pas les bonnesmanières…Vous êtes égocentrique, grossier, déplaisant,frimeur.Desqualitésquejevomis,maisquiplairontàcertaines,j’ensuisconvaincue!

Surpris de ma réaction, le jeune proprio paraît tout d’un coup inquiet. Un changement radicals’opèrechezceblanc-bec…

–S’ilvousplaît, laissez-moiunechance.Pardon, jesuisdésolé.Jesuisenpaniquecomplète.Etquandjepanique,jefaisn’importequoi,medit-ilavecunelueurd’enfantapeurédanslesyeux.

Je ne sais pas pourquoi… Mais son regard, l’intonation de sa voix trouvent écho chez moi.L’instinct?Lacuriosité?Jem’efforcedemecalmer.Malgrélasituationabsurde,jen’arrivepasàquittercettemaisonetsondrôledepropriétaire.Bizarrement,jeletrouvetouchant,quelquechosedesympathique émanede cet étudiant. Impossible d’échapper à ce regard triste qui domineunvisageanguleux,tropmince,plusprèsdel’adolescencequedel’âgeadulte.Sabouche,égalementenfantine,trahitsondésarroi.

–Jevaistoutvousexpliquer…Moncolocestpartidujouraulendemain.Lasolitudem’angoisse.Jesuisincapabledevivreseul.Laviedoitêtrelégèreetpétillantecommeunebulledechampagne.Unemaison,mêmevictorienne, sans bruit, c’est lamort. Je ne peuxm’empêcher de gamberger…Quand jevousaivue, jen’aipaspum’empêcherde faire lecon,c’estpasméchant.Vousêtesunefille,charmanteenplus.Enfin…

Froidpolairedansmesyeux,monmessageestclair:stop!

Jeremyesquisseunsourirepenaudetpoursuit:

– Pardon, Alex. Recommençons à zéro. Je m’appelle Jeremy Larsen, je suis étudiant en droitdepuis peu. J’ai 21 ans. Je suis facile à vivre au quotidien, j’aime les bons vins, j’ai peur de lasolitude.Commepromisdansmonmail,vosconditionsserontlesmiennes.S’ilvousplaît,acceptezd’êtremacolocataire.

Sesmotsm’ont touchée(et lesconditionsfinancièresaussi).LasincéritédeJeremyréussitàmeconvaincre de rester. Ilme fixe, inquiet dema réponse. Je lui annonce sur un ton solennel en luitendantlamain:

–J’accepteàconditionqu’iln’yaitaucuneambiguïtéentrenous.Aumoindrefauxpas,jepars.Etqu’importentvosangoisses,vouslesaffronterezseul.

–Tope-là,scellonsnotreaccordavecunbonverredechardonnay.

Lelendemain,16mai,j’emménagedanslaMaisonBleueau500FilbertStreet,surTelegraphHill.Àmesconditions:cinqcentsdollarsdeloyermensuel.

2.Quiproquos

15juillet.LaMaisonBleue,TelegraphHill.

En cette fin d’après-midi, le soleil est radieux. L’air chaud est empli d’un mélange agréabled’odeurs de pins, de clématites et d’océan. Debout devant ma fenêtre grande ouverte, je respireprofondément,pournepasperdreuneseulenotedecedélicieuxparfumdeFrisco.J’aimemavie.Devantmoi,uneenfiladedejardinsluxuriantscollésauxfaçadesdecouleurspasteld’autresvieillesLadiesplusoumoinsbienentretenues.Enfondsonore, leconcertd’unebandedeperroquetsà têterouge.Deuxmoisque jesuisarrivéeetdéjàcettevillem’aensorcelée. Jesuisenamour.Quand ilfaudrapartir, la séparation seradouloureuse, je le sais.Surtoutnepaspenser à la findu stage.Lemoment présent seul compte. Tiens, quand on parle de présent, en voilà un qui y est bien ancré :Oscar.

Miaouuuuuuuu…

Devantlaportedemachambre,illancesonmiaulementrauque.

–Oscar.Va-t’en!

Enguisederéponse,ilpoursuitavecunelitanieusantedemiaulementsencoreplusrauques.

–Tuesinsupportable!Cettemaniedenepasaccepteruneportefermée.Voyeur,va!OK,jecède.Laporteestouverte,maintenant.Satisfait!

Aulieudesecontenterd’entrerd’unpasnonchalant,cesuperbeorientalexigedescaresses.Selonlui,ilenvademondevoir.Ilsefrotteàmoi,metourneautour,sonmiaulementsefaitplusplaintif.Sa longue queue fouette ma jambe. Sacré Oscar, aussi têtu que sonmaître. J’ai très vite comprispourquoil’annoncedeJeremyindiquaitdeuxrésidents.DèsmapremièrenuitdanslaMaisonBleue,cechatprétentieuxs’estmisàchanterlasérénadedevantlaportedemachambre.Cinqheuresdumat,premierréveilenfanfareetnaissanced’unebellecohabitation.

–Aïe,Aïe.Alex,c’estlacata!

Cette fois, c’est mon autre colocataire qui s’invite dans ma chambre. Jeremy, visiblement enpanique.

–Vousvousêtesdonnélemot,avecOscar,pourenvahirmamatinéezen?dis-jesurprise.–Nediscutepas.Lisça.

Jejetteunœilsurl’écrandutéléphonetendudevantmonnez,untexto.

[SuisàFriscopouraffaires.Passetevoirdansl’aprèm.Toncolocestlà?Fautqu’onparle.]

–Et?dis-jeensouriant.–Oliver…Oliver,monfrère,ildébarque,merépondJeremy,levisagegrave.–C’estcool,non?Depuisquejesuislà,c’estlapremièrefoisqu’ilvient.– Tu parles. BigBrother veut s’assurer que le super coloc est unmec sérieux et pas un fêtard

irresponsablecommesonfrangin!Moij’appelleçadelacuriositémalplacée.–Oudel’amour.–Tuestropgentille.Lemondeetsoncôtéobscurglissentau-dessusdetatête.–Tuexagères.

Jeremy,énervé,faitlescentpas.

–Oliverprendsonrôledegrandfrèretrèsausérieux,encoreplusdepuisqueLarsenseniorestmort.Ilcroitquecelaluidonnededroitderégentermavie,poursuit-il.

– Hmm… une régence plutôt discrète, lui dis-je en souriant. Depuis que je te connais, je n’aijamaisvutonfrèrenimêmeentendulesondesavoix.

– Tu parles ! Toujours là à me juger. Mes amis ne sont jamais assez bons, mes activitésirresponsables,mauvaischoixd’études…Ons’estdisputésplusd’unefois.

–Ilveutjusteteprotéger,tunecroispas?

Jehausselesépaules.Jesoupire.Jeremynem’écoutepas.Sonregardestailleurs.Ilestfurieux.Jesensquelalistedesreprochesvaêtrelongue.Pourm’assurerderesterdansuneécoutesilencieuseetbienveillante,jemecaleconfortablementdansmongrosFatboyorange.

Avecdescookies,celaauraitétémieux…Commentfont lespsychanalystespourécouter lesgenssansrienfaire?

Faceàmoi,Jeremytoujoursdanssonmonde.

–Lepire,c’estquandj’aireçumapartd’héritage.Enquelquesmois,j’aipresquetoutclaqué.Tuvois?Lessorties,lesbellesbagnoles,lesvoyagesautourdumondeavecmespotes,lescasinos…jemesuisvraimentéclaté.Jeneregretterienexcepté…uneconnerie.

–Oh?Laquelle?demandé-jesoudain.

SiJeremydéclareavoirfaituneconnerie,cedoitêtregratiné!Lesilencen’estplusdemise.

Vite…docteurAlexFreud,activationbouton«écouteactive».

–Unsoir,aucoursd’unpokerclandestin,j’aiperdugrosetj’aiempruntédufricàdestypespastrèsréglos.Ilsm’ontmenacédemort.Jen’arrivaispasàlesrembourser…

Connerie+Jeremy=Mégagrossecata!

–Commeungosseprisenfaute, j’aidûdemander l’aidedemongrandfrère. Ila toutpayé, lesmecsm’ontlâché.Oliverétaitfurax.Encontrepartie,ilaexigédeplacerlerestedemonhéritagesurdescomptesbloqués.Letempsquejesoisplusmature,m’a-t-ildit.

–Tuasfranchementdérapé,Jeremy.Jecomprendstonfrère,dis-jeenmerelevantdemonFatboy.–J’aireprismesétudes,mesuisinstallédanscettemaison…grommelle-t-il.Celafaitplusdedeux

ans,maisOlivern’atoujourspasconfiance.Ilfourretoujourssonnezdansmavie,mescomptes.–Tun’espasjuste…–Ilyaquelquesmois,j’aifiniparpéteruncâble,onafaillienvenirauxmains.C’estlàqu’ona

faitundeal.J’agisenadulteresponsableetlui,ilmelaissetranquilleavecinterdictiondedébarquerchezmoi.Onne se voit que dans des endroits neutres.Avec ce texto, il fout tout en l’air, commed’hab.

–Tum’excuseras,maismoi,danstoutcequetuviensdemeraconter,jen’yvoisquedel’amour.OK,ilestsuperprotecteur,certainementtrèschiant,maisavoue,ilyavaitdequoi.Non?Jeremy,tuavais des voyous aux fesses !Moi, si j’avais été ta sœur, je t’aurais d’abord flingué, puismis unbraceletélectronique!

–Onnemetpasdebraceletélectroniqueàunmort,Alex!–C’esttoiquiledis!Toutcequejesais,c’estquejet’auraisinfligéunedoublepeine!finis-jepar

direensouriant.

Ilsoupire.

–OK,OK.N’empêche,ilavraimentmalchoisisonmomentpourdébarquer,justequandElsaasasemainedevacances.Lamaisonestdansunbordelmonstre.Punaise,jevaisdevoirmetapertoutlerangement!

–Commetouslesétudiantsquin’ontpaslebonheurd’avoirunefemmedeménage,memoqué-jedelui.

–Tuveuxbienaiderunpauvreétudiantdotédedeuxmainsgauchesetcomplètementparalyséparl’énormitédelatâche?

–Certainementpas.Tuasfaitlafiestaavectespotes.Tuassumes.Rangermonbordelestdéjàunetorturesansnom,alorsceluidesautresrelèvedumasochismeabsolu.Noway!Enrevanche,jepeuxt’envoyertoutemonénergiepositive…luiréponds-jeavecunclind’œildesplustaquin.

–Ouais, jesensdéjàtoutestesondesm’envahir…Ha!ha!Stop,Alex!Tum’envoiesunedosemassive d’énergie, je ne gère pas…HAHAHAAAA…Je suis en train d’exploser, glousse-t-il enfaisantlepitre.

Enguised’encouragement,jel’embrassesurlajoue.Jeremyenprofitepourm’étreindre,commelegrandenfantqu’ilestencore.

–Merci,Alex, taprésenceme fait vraimentbeaucoupdebien. Je suis contentque tu sois restéemalgrémonplandraguedésastreux.

–Dequoituparles?Allezfile,tuasunemaisonàranger.

Unpeuplusdétendu,Jeremysortdelachambre,suivideprèsparleprétentieuxOscar.

–Ah,non!C’estpaslemoment.Situétaisunvraipote,tum’aideraisaulieudemesuivrecommeuneombre.

Si jem’attendais à ça, je vais enfin faire connaissance avecLE frère de Jeremy. Je suis excitéemaisaussiunbrininquiète.Moncolocm’enadresséunportraitquejepeuxqualifierdesuccinctetde peu flatteur : « Oliver est un maniaque de la réussite, un mec toujours sûr de lui, un patronpaternaliste d’une boîte qui marche bien.Mon frère est un psychorigide incapable de jouir de la

légèretédelavie.Illuiarrived’êtrecool,encorefaut-ilsuivresesordres.Sinongareàtoi…»

Je suis certaineque Jeremexagère.Cela faitdeuxmoisque je le connais, àprésent. Ilpeut êtrecharmant, drôle, sensible, mais aussi agaçant, étourdi, immature, irresponsable. Il est capable dumeilleur comme du pire. La veille d’un examen important, il est parti sur un coup de tête pourBarceloneavecuneétudianteespagnoledont il était tombé raidedingueamoureux.Selon lui, cettepom-pomgirlétaitlafemmedesavie.Cinqjoursplustard,ilestrevenuseul.

Autreparadoxe,Jeremyadorelesbonsvins.C’estmêmeunexpertenœnologie.Sacaveregorgedepetits trésors.Cequinel’empêchepasdenégliger lesassociationsculinaires.Jepenseencoreàl’autresoiroùilaserviunmagnifiquesaint-émilionsurunehorriblepâtesucréeetcoloréederougequ’ilconsidérait(plusqu’àtort)commeunepizzadivine.

Ausecours!

Pourautant,jen’arrivepasàluienvouloir.Souscertainsaspects,ilestcommemonjumeau.Nousdétestons tous les deux la routine. On s’ennuie vite. C’est pour cela que j’ai choisi des études decommunication. J’y ai vu la promesse de cours diversifiés, la possibilité de stages à l’étranger, ladiversitédedébouchés…Pourautant,j’aibienfailliabandonnermesétudes,encoretroproutinièresàmongoût.Heureusement,lestageestarrivé.Jerem,lui,neseposepasdequestions.Ilstoppenetetpasseàautrechose.Études,fillesmêmecombat.Uneexception, l’amitié.Danscedomaine,Jeremyestd’uneabsoluefidélité.Depuislejouroùils’estengagéànepasmedraguer,iln’apasuneseulefoistentélamoindreesquissededrague.Cejour-là,ilm’abeletbienoffertsonamitiéindéfectible.JesaisquejepeuxcomptersurJerem,l’inverseestvraiaussi.Sesamisrencontréslorsdedifférentessoirées confortentmon sentiment. Jerem en a sorti plus d’un de situations étranges, drôles, voiredramatiques.Sansjugementnidiscoursmoralisateurs,ilesttoujourslà,fidèleauposte.

***

Deuxheuresplustard,Oliverestarrivé.Quantàmapetitepersonne,elleseretrouvereclusedanslabibliothèquejouxtantlesalon,l’oreillecolléeàlaporte.

Oui,jesais,c’estnaze!

L’ambianceestélectriqueentrelesdeuxfrères.DèssonarrivéeàlaMaisonBleue,Oliveralancéleshostilités. Jepréfèreattendreque la tensionbaissed’uncran.Jemevoismaldébarquerdans lesalon,lesourireauxlèvresetbalancerun«bonjour,jesuisAlex.Vousallezbien?».

Troppeurd’uneballeperdue!

Iln’yvapasparquatrechemins,lefrérot.Ildémarredirectaveclesujetquifâche:lesétudesdeJeremy.Moncolocaquelquesdifficultésàtrouversavoie.Cequesonfrèreadumalàavaler.

– Je ne comprends pas ton manque de persévérance, ton instabilité… Tu as arrêté la fac demédecineparcequetut’esdécouvertuneneurasthénieaiguë.Après,çaaétélapsycho.Là,c’étaitlesgensquiétaient fous,c’était trop flippantpourcontinuer.Etmaintenant, tumedisque tuarrêtes la

littératurepourledroit!Quandest-cequetudeviendrasenfinadulte,Jeremy?

Aïe,pauvreJeremy.Ils’enprendpleinlatête.

Jesuisàquelquescentimètresdecetteconversationhouleuse…Pourtant,lesoufflecourt,bercéeétrangementparunevoixinconnue,virileetsisensuelle.Jesuissubjuguéeparuntimbrefermequin’apasbesoindemonterpours’imposer.C’estcommesijesuccombaisàunechansonauxparolesdépourvuesdetoutromantisme,portéeexclusivementparunemélodieensorcelante.

Hum,j’aimeraisbienquecettevoixarrêtedes’acharnersurJeremetmeglissedesmotsdouxdanslecreuxdel’oreille…

Débile!Cegarss’enprendàmonpote.Delaterreàlalune,Alex,descendsdetonnuage.Letempsn’estpasauxfrissons!

Letonmonteencored’uncranentrelesdeuxhommes.Quantàmonesprit,ildivague,portéparlasincéritéde cettevoixvirilequime fait frissonner.Àquoipeutbien ressembler lepropriétairedecettevoixchaudeetveloutée?

JeneregarderaiplusTheVoicesansunepenséecompatissantepourlejury.Construireunphysiqueautourd’unevoixaussisexyestflippant.

Secondround.Jeremy,blessé,contre-attaque.

Changementdevoix,parfaitpourrevenirsurterre.

–Oliver,jen’aiaucuntalent.LesLarsenn’ontpasbesoind’unscribouillardraté.

LesproposagacentOliver,quiréplique:

–Jeremy,ARRÊTE!Lerôledel’éternelincompris,c’estbonpourlesromansàl’eauderose…Là,c’estridicule.Letalent,c’estavanttoutdutravail,dutravailetencoredutravail!Onn’ariensanspersévérance.Maistoi,dèsqueceladevientcompliqué,tufuis.Cen’estpasdetalentdonttumanques,maisdecourage!

Dur,maispasfaux!

OK,c’estpasgagnépourJerem.

–Etmaintenant,tutelancesdansledroit!–Oui,carledroitmèneàtout.

PirouetteàlaJerem.Tiens,prendça.Bravo!

–Encorefaut-ilsavoiroùtuveuxaller!

Nouvelleriposted’Oliver.

Aïe,ça,çafaitmal…

Jeremyencaisselecoup.Jesenssadouleur.

–Tuas toujoursdouté. Jevoisbienque tu ashonte. Jene suispasunLarsenqui réussit.Tu astoujourssucequetuvoulaisfaire,pasmoi.

–Jen’aipashonte,tutetrompes.Jeveuxjustequetuarrêtesdetecacher,degâchertavie.Tun’asriend’unimbécile,tuasdesfacilités…maistun’enfaisrien.Etça,çamedésole!

Magorgeestnouée.Cettedéclarationmetouche.Lavoixd’Oliverestdifférente,elles’estcoloréed’inquiétude.

Silence. Jeremy balbutie quelque chose.Quelques banalités, sans doute. Il essaye de changer desujet.

MonpauvreJeremy,tusouffres,maistutetrompessurtonfrère.Savoix,sesmotsnetrichentpas,j’ysensdelabienveillance.

–Etcenouveaucoloc,leFrançaissupersérieux,bosseur…ilestoù?

Ha!Enfin!Bellevoixensorcelante,mevoici.Àquoiressembles-tudonc?

J’hésiteuninstant.Jenesuispascertained’assumerleridiculedelasituation.

Écouterauxportes,pasterriblepourunepremièreimpression…Zut!

Jequittemaplanque,ouvrerapidementlaportedelabibliothèqueettrouvelesdeuxhommesfaceàmoi.

Waouh!

Hyperventilation.Danger.Nepasbégayer.Nepasparlerpetitchinois.Méditationexpresse.

–Bonjour !Oliver, je suppose. Je suisAlex, la coloc de Jeremy, annoncé-je sur le ton le plusnaturelpossible.

Ouf!lesmotssontsortisdansl’ordre…

Devantmoi,lefrèredeJeremysembleluiaussisuffoqué.Visiblementilnes’attendaitpasàÇA.Sonexpressionestdesplusdrôle.

–Oups!Alex,unprénomdefille.Çasurprendtoujoursaudébut.– Oui, je sais. Jeremy aussi a fait une drôle de tête la première fois. Moins charmante que la

vôtre…

Jeremy retrouve le sourire. J’ai l’impression de voir un gamin ravi d’avoir réussi une bonneblague…RetoursurOliver.Mêmesij’aiessayédecalmermacrisedepaniqueencherchantlesyeuxdemonami,jesuisincapablederetenirmonregardéloignédecethomme.

Ilestàtomberparterre!

Mes yeux s’écarquillent. Je mets enfin un physique sur la voix la plus sexy de la terre. Jesuccombe.Moncœurs’arrêtedebattre.Faceàmoi,labeautédudiableincarnée.Jen’aipasd’autresmotspourlemètrequatre-vingt-dixdemusclesetdegrâce.Unesensualiténaturellesedégagedelui.Impossiblededétachermon regarddecethommeracé, sûrde lui, encoreplusenvoûtantquedansmonimaginaire.

Nepasrougir,nepasrougir.MéthodeCoué,jet’enpriemarchepourunefois.

3.Premièresoirée

Devant moi, un jeune homme de moins de 30 ans, divinement beau, dont les yeux d’un bleuprofondmedévisagent.Surpris, puis amusépar ladécouverteduquiproquo,Oliverme sourit.Unsourire lumineux qui dessine deux fossettes super sexy. C’est donc cette belle bouche aux lèvrescharnuesqui est à l’originedemes frissons. Je suis scotchéepar cebeaublondaux traitsvirils etdouxàlafois.Carrée,samâchoireluidonneuncôtémasculinquicontrasteavecladouceurdestraitsdesonvisage.Sonteintlégèrementhâlé,sescheveuxcourtsindomptés,sapeaulisseexemptedetoutaccident… Je suis sous le charme absolu. Son sourire me fait l’effet d’une bombe, le sol vientd’explosersousmespieds.Jetombe.

Inspire,expire.Sourirezen.

Ilmetendlamain.Elleestdouceetferme.Sesonglesimpeccables.Cethommeestirréel.

Déchargedecentmillevoltsdanstoutmoncorps.

– C’est donc vous Alex. Jeremy s’est bien gardé de me dire que son colocataire était UNEcolocataire.

Souriremalicieux.Ilmeregardedespiedsàlatête.Avecmonvieuxshortetmamarinière,jemesenstoutd’uncoupcommeunvilainpetitcanard.Jereprendslaparole.

–Iladûpenserquec’étaitundétailsansimportance.

Jeviensde tomberdans lebleude sesyeux.Noyade.Viteuneffortpour remonter à la surface.Horsdequestiondepasserpourunecruche.Jepoursuis:

–Enfin,jepencheraisdavantagepourunebonneblague…Jeremyestungrandfarceur.–Quoiqu’ilensoit, jesuisravidefairevotreconnaissance.Vousêtessidifférentedesesex.Je

suiscertainquevotrerelationserabénéfiquepourlui.

Eh,maisnon…Y’aerreur.Onn’estpasensemble.Etl’autrequiditrien…Maisdisquelquechose,Jerem.

–Non,non.Vousvoustrompezcomplètement.JenesuispaslapetitecopinedeJeremy.Nousnesommespasensemble.Noussommescolocataires…

–Nesoyezpasridicule.Inutiledevousdissimulerderrièrel’alibidelacolocation.JenesaispascequeJeremyvousaditsurmoi,maisnesoyezpasinquiète.Jenesuispaslàpourvousjuger.Votrevieprivéenemeregardepas.

Co-lo-ca-tion,c’estquoidanslemotquetunecomprendspas?

Sesyeuxbleusnemequittentpas.Sonsourireestpoli.Sacarrure impressionnante.Etmoi, toutpetitboutdefemme,jesuisagacée.Jeneveuxpasdecequiproquo.J’adoreJerem,maiscertainementpascommeunamant.Quelleidée!Jem’empressedeluimettrelespointssurles i,augrandfrèresupersexy.

–Jeremyetmoisommescolocatairesetamis.Riend’autre.C’estdingue,ça!Sousprétextequ’unhomme et une femme vivent sous le même toit, ils doivent nécessairement avoir une histoire defesses,ironisé-je,lecœurbattantàmilleàl’heure.

–Jeneparlaispasd’unehistoiredesexe,jepensaisplusàunerelationamoureuse.Maisjevouspried’excusermaconfusion.J’aibiencomprisetsurtoutentendulanaturedevotrerelation,sourit-ilavecdouceur.

Oups.

Jeremy se laisse tomber dans le superbe fauteuil Eames. Toute cette scène semble terriblementl’amuser.

MesyeuxsontrivéssurOliver.Saprésenceesthypnotique.Impossiblededétachermonregarddecetapollongrandetmince.Sesépauleslargesetpuissantessontdessinéesàmerveilleparuntee-shirtblanc. Sous son jean brut Big Boy, je devine des fesses musclées, des hanches étroites… Je memordillelalèvreinférieure.

OK.Ilfautquej’arrête.J’ail’impressiond’êtreunevictimedelamonodièteàquil’onprésenteunénormegâteauàlachantilly.

Tentant de masquer mon trouble, et un peu honteuse de m’être laissé emporter par unecontemplationgourmande,jepoursuis.

–Noussommespartisdumauvaispied.Profitonsdecettesoiréepourfaireconnaissance.Dînonsensembletouslestrois.Vousêtespartants?

Commeça,jeprofiteraiencoredetaprésencetoutenterabibochantavecJerem.Toutbénef!

Ébahiparcetteproposition,Jeremys’empressed’intervenirsuruntonmoqueur.

–Trèsbonneidée,Alex.Jesuiscertainqu’Oliverapprécieraunrepasàlabonnefranquetteentreétudiants.

Ne tenant pas compte de l’ironie de Jeremy, je ne me préoccupe pas plus de la réponse del’intéressé,jesuisenmodeaction.

–Jeremy,tuveuxbient’occuperduvin?Ondoitavoirdequoifairedespâtescarbonara.Est-cequecelavousconvient,Oliver?

–Pourquoipas?secontente-t-ilderépondreunbrinétonné.

Ilplongesonregarddanslemien.

Moncerveauestentraindeseliquéfier.Jelâcheunpetitrirenerveux.

– J’accepte votre invitation à deux conditions. Je tiens à vous préciser qu’elles sont nonnégociables.

JevoisJeremys’agacer,ilfaitlamoue.Oliverquiluitourneledosnevoitpaslaréactiondesonfrère.Personnellement,lecôtéimpérialaledondem’irriter,maisjesuiscurieusedeconnaîtresesconditionsavantdemelancerdansd’éventuellescontestations.

EtsurtoutfurieusementenviedepoursuivrecettesoiréeavecMisterSexy.

–Primo,lesujetétudesdeJeremyestoutpourcesoir.

Jeremsoulagémefaitunclind’œil.Jeréponds.

–Nickel.–Deuxio,jem’occupedurepas.

J’acquiesce.Toutcelamesembledesplusraisonnable.

–Jevousrassuredesuite,jenevaispascuisiner,maispasseruncoupdefil.Enrevanche,vousmelaissezlechoixdumenu.Jeconnaisleshabitudesalimentairesdemonfrère.Ilatoutdelacaricaturedel’étudiantquisenourritdechipsetdepizza!poursuitOliveravecuntonbienveillant.

Jeremyfroncelessourcils.IlfixeOliveravecagressivité.

–Putain!Tusaistoujoursmieuxquelesautrescequiestbonpoureux.Jeremyestunenfantquinesaitpasprendresoindelui.Hein?Illuifauttoujourssongrandfrère.Sanslui,Dieuseulsaitdansquelétatilserait…

La leçonnutritionnellea rallumé lamèchedubâtondedynamitequ’est Jeremy.Toujours sur lequi-vive, il a pris cela pour une attaque personnelle. Ses oreilles ne font guère la différence entregentillemoquerieetsarcasme,quandils’agitdelavoix,pourtantsisuave,desonfrère.

Oh,non,Jerem!negâchepastout.Vite,uneidée.

– Jeremy, excuse-moi d’interrompre ta tiradedevilain petit frère,maismoi, j’ai faim ! Je vaistomberenhypoglycémiesijenemangepasrapidement.ChefOliver,quenousproposez-vouspourcesoir?

–LechefvousproposecesoirunrepasitalienavecciopinnoetrisottoauxfruitsdemerdechezGigi’sSottoMare,reprenddeplusbelleOliverquisautesurmaproposition.

–ExcusezlapetiteFrenchieignorante,«ciopinno»?–Leciopinnoestunevieillerecettesicilienne.C’estunmélangedefruitsdemertelsquecrevettes,

crabe,moulesetpétoncles,servidansunesaucearmoricaine.LesmeilleursviennentdechezGigi’sSottoMare.Tuverras.

–Etpourledessert?–TiramisuetsacripantinadeStellaPastry.

–Unebombe,lâcheJeremycalmé.–Excellentchoix,nousvouslaissonspassercommande.Lesétudiantsvonts’occuperdecequ’ils

maîtrisentàlaperfection:lesboissonsetlatable.

Oliverprendsontéléphoneetpasselescommandes.J’installelatablesurlaterrasse.Lavuesurlabaieyestexceptionnelle.Lespectacleducoucherdesoleilsurl’océannedevraitpastarder.L’hommeleplussexydelaterremerejoint,visiblementheureuxdelasituation.Sadémarchefélineprovoqueunenouvelledéchargeélectriquedansmoncorps.J’ail’impressionqu’ilglissesurlesoltellementsonpassemblelégeretélégant.Cemecestdécidémentplusquecraquant!

–Lerepasarrivedansunetrentainedeminutes.

Ils’installeàmescôtéssurlabanquetteenteck.Jesenssonparfumboiséetépicé,avecunenoteflorale,m’envahirtoutcommelachaleurdesoncorpstoutproche.J’imaginesamainsurmacuisse.Aventurière,elleesquisseunecaressesurmapeaunue,sebaladeversmonventre…

J’aidélicieusementchaud!

–Vousallezbien,Alex?Vousêtestouterouge?

Quécalor!

–Oui,oui.Justeunepetitedéfaillance…Sansdoutelachaleur.Jenem’ysuispasencoreadaptée.

Chaleur,oui,maispasestivale.Jeperdslatête.

La sonnerie de la porte d’entrée retentit. Sauvée par le gong. Comme prévu les livreurs sontarrivés.Olivers’éclipse,suivideJeremy.Unpeud’airetdesolitudemeferontleplusgrandbien.Jepousseunsoupirenrepensantàl’effetqu’Oliverasurmoi.Jehumel’airambiantàlarecherchedeceparfumsimasculinetentêtant.Ungrand frissonparcourt lebasdemes reins.Lorsque lesdeuxfrèresreviennentlesbraschargésdeplats,jesuisbiendécidéeàprofiterdecettesoirée.

–Jesuisaffamée,dis-jetouteguillerette.– Excellente nouvelle. Ça tombe bien. J’ai commandé pour une famille sicilienne au grand

complet,plaisanteOliver.–Pourcepremierrepasàtrois,jenousaisortiunmagnifiquevernacciadiSanGimignano,2010.

Le seul vin blanc de Toscane. Je vous laisse savourer ce nectar déjà connu deDante.Oliver a eul’occasiondelegoûter.Pourtouttedire,c’estmêmeluiquim’enaamenéunecaisse.Tuenpensesquoi,Alex?

–J’aimebeaucoupsonpetitarrière-goûtd’amande,réponds-jeaprèsavoirlaissécenectarenvahirmonpalais.

Aucoursdurepas,laconversationsefaitjoyeuse.NousparlonsàbâtonsrompusdelaFrance,desvins,delagastronomie,desclichés…Latensionfinitparretomberentrelesdeuxfrères.

Paslamienne.

Depuis près de deux heures, je me suis transformée enmitraillette verbale. Je parle beaucoup.Trop!CequenemanquepasdereleverJeremyavecsonairmalicieux.

–Jenepensaispasquecepetitvinitalienpouvaitdélieràcepointleslangues.Ilfautquejenoteceladansmoncarnetdedégustation,lancemoncolocensouriant.

–Pardon.Jenesaispascequim’arrive,cesoir.J’espèrequejenevoussaoulepas?–Du tout, j’appréciebeaucoupce repas,merassure lavoixchauded’Oliver,visiblementamusé

parmonembarras.

J’espèrequetun’appréciespasquelerepas…

– Tu peux parler, Oliver. Rigole Jeremy, pas près de lâcher son frangin. Ce vin semble déliervraimentTOUTESleslangues.C’estlapremièrefoisquejetevoisaussibavardetintéresséparlaFranceetparl’unedesesétudiantes.

Olivernerépondpas.Ilsecontentedemefixerdanslesyeux.Unlargesourireilluminesonbeauvisageviril.Sescheveuxblondsébouriffésmedonnent envied’yplonger lamain.Nousprofitonstous les deux de ces longues secondes de silence. Mon cœur tambourine, je sens mes jambesflageolantes.

Neserais-jedoncpaslaseuleàêtretroublée?

–Eh,ho!J’aimeraisbienjoueraussi!C’estquoi,lesrègles?Celuiquibaisselesyeuxlepremieraperdu?

Jeremy ne se lasse pas de nous taquiner. Cette situation l’amuse visiblement beaucoup. Reste àsavoirsic’estmoilacibleousonfrère.

Lesdeux,moncapitaine!

– Excuse-nous. Ce vin cache bien son jeu ! Ton choix était excellent, Jeremy, répondtranquillementOliver.

«Cachebiensonjeu»…

Jerestesansvoix.Moncœurbatsifortqu’ilvafinirparsortirdemapoitrine.J’aidumalàcachermon embarras. Je ne réponds rien.Du coup,Oliver en parfait gentleman, relance la conversationcommesiderienn’était.

–Jeremyaunvraitalentpourlevin.Voussaviezqu’ilavaitsuividescoursd’œnologie?

Bonsang,qu’est-cequim’arrive?Jenemereconnaispas.Jenepeuxpastoutmettresurlecomptede ce vin italien. Impossible de détacher mes yeux de cet apollon. Il est divinement beau et sicharmant!Letroubleesttoujoursprésentdansmoncorps.Cedoitêtrel’airdel’océanpacifiqueetlecoucherdesoleilmajestueuxquisedéploiedevantnous.

– Oui. Le vin est d’ailleurs une des passions que nous avons en commun, me contenté-je de

répondre.–Unvinparfaitpourunevuemagnifique.

Ilpenselamêmechosequemoi.Serions-nousconnectés?

Jesourisbéatementalorsqu’Oliverpoursuit.

–Jepasseraisdesheuresàcontemplercescouleursorangeetrosequidansentsurlasurfacedelabaie.Jecomprendsquecettevilleaitattiréautantd’artistes.Kerouac,Maupin.MarilynavoulufairesesphotosdemariageavecJoeDiMaggioprèsdeNorthBeach…

Lesyeuxbrillants,Jeremyéclatederire.

– Je sens que vous êtes faits pour vous entendre. Je vous laisse divaguer sur la beauté de materrasse.Jevaisfarfouillerdansmacavepournoustrouverunpetitspumantelégerpourledessert.Jevousrappellequ’unsupertiramisunousfaitdel’œildepuisdeuxbonnesheures!

–Alex,nousvoilàdoncabandonnés,ditOliverenmelançantunsourireencoin.

Etc’estrepartipouruntour.Moncœurs’affolerienquedelafaçondontilprononcemonprénom.

–Unvraicalvaire.Maisjepensequenoussurvivronsàcettenouvelleépreuve,dis-jecomplice.–Jeremym’aditquevousfaitesunstageencommunicationdansunestartup?–Oui,chezGreenBe.Soncréateurestfrançais.Ilconnaissaitmonécole…

J’ignoresic’est lenomdeGreenBeouautrechose,maisjecroisbienavoirvuOliverleverunsourcil. Quoi qu’il en soit, je note une modification radicale dans le comportement de moncompagnondetable.Olivers’estraidi.Sonregards’estassombri.Unfrissonmeparcourtlecorps.Intriguée,j’essayedesondersonâme.

Alex,nouvelletélépathe,bientôtdansvotreville!

–Pourquoiavez-vouschoisicettestartupenparticulieretpasuneautre?medemandeOliversuruntonneutre.

Unpeucontrariée,jeluiréponds.

–Cen’estpasmoiquiaichoisiGreenBe,c’estl’inverse.Jevoulaisjustepartiràl’étrangeretfaireunstagedanslacomm'.Ilsefaitquel’unedemesprofsconnaissaitlepatrondeGreenBe.Ellenousamisencontact.Etjemesuisditpourquoipas?

–Cenomnem’estpasinconnu,maisjenemesouvienspastropsurquoielletravaille…–Biotechnologie,recherchedenouvellesprotéines,lecoupé-je.–Celadoitêtrepassionnant?–Oui,maisjenevousendiraipasplus.Lestravauxquiysonteffectuéssontpourlapluparttop

secret,dis-jeavecunepointed’ironie.

Malgrésonsourirecourtois,ilmefaitl’effetd’unepanthèreentraind’observersaproie.

Jevacille.Pourquoiai-jelesentimentquelachuteestproche?

Mayday,Mayday!

– Vous dites que c’est top secret… et pourtant vous faites un stage en communication. Vouscommuniquezsurquoi,alors?

Jeme sens de plus en plusmal à l’aise, j’étouffe.Oliver n’a plus rien du type charmant…Sonvisageestgrave,sesyeuxseplissentquandjeluirépondscommesiluiaussicherchaitàsondermonâme.

–Toutn’estpassecret.C’estmonpatronquimecommuniquelesélémentsnonsensibles.–VoustravaillezdoncenétroitecollaborationavecPavel…

Pavel!Maisjeneluiai jamaisditcenom.Cemonsieurensaitplusquecequ’ilneveut laisserparaître.

J’ycroispas!C’estquoicetteembrouille?

Indifférent àmonmalaise, la panthèreOliver s’acharne sur sa proie. Son ton est toujours poli,mais désormais froid et distant. Il me demande du coup si je suis ambitieuse, intéressée par laréussite?Opportuniste?Quellessontmesvaleurs?

Lavache,mais il seprendpourqui?Alex, réveille-toi.Tun’espasunepetitebiche tremblante.Remetscetypeàsaplace.Allez,ouste!

–Vousne seriezpasen traindeme fairepasserunentretiend’embauche?Vouscherchezàmerecruter?Vousdevezêtreredoutablecommepatron!Pourrappel,jenecherchepasd’emploi.Etlà,jesuiscenséepasserunesoiréeagréable.

Letoncommenceàmonterentrenous.Jen’aipasenviedemefâcheravecOliver.PasquestiondefairedelapeineàJeremy.Mêmes’ils’agacetrèsvitedesonfrère,Jereml’aimebeaucoup.Ilneveutjustepasd’unsecondpère.

Mon chevalier blanc est de retour ! Jerem arrive enfin avec le vin pétillant et le dessert. Je leregardeavecgratitude.

Ouf!Jeremy,monsauveur…

–Nemeditespasquevousparlezboulot.Olivern’embêtepasAlex.C’estunefillenormale,ellen’estpasmariéeàsontravail,commetoi.

Letiramisun’apasplusd’impactsurOliver,quinesemblepasvouloirmelâcher.

Raté!

Jesenstoujourssonregardquimesonde,ilmepasseauscanner.Ilcherchequelquechose.Maisquoi?Imperturbable,ilsemblevouloirrepartiràl’offensive.Jefrissonne.Lefroiddeladiscussiona

glacé mon corps.Malaise. Aucun mot ne sort de nos bouches. Nous avons coupé le fil de notreétrangediscussion.Oliverselèveetdisparaîtdanslesalon.Quefait-il?Quelquessecondesplustard,ilrevientavecsonpulletleposeavecdouceursurmesépaules.Jesuisgênéeparlaprésencedesesgrandes mains chaudes sur moi. J’ai peur de rougir et de dévoiler ce trouble délicieux qui serépercutedanstoutmondos.J’ailesoufflecoupé,sonodeur,sachaleur…

Pitié!Quecetinstantdureuneéternité.

–Merci.C’esttrèsgentil,dis-jepoliment.

Quelhommeétrange!Sanscriergare,ilmefaitpasseruninterrogatoireenrèglealorsquenousvenonsdepartagerunagréable repas.L’instant suivant, il se souciedemonbien-être et semontreattentionné.

«Uneclaque,unecaresse»:méthoden°1pourréussiravecbriovotreinterrogatoire.

Je prends lesmanches de son pull entre lesmains et croise les bras pourme réchauffer,maissurtoutmeprotéger.J’aideplusenplusdemalàcomprendrecetteattitude.Jecroisesonregardquime fixe, une étrange lueur y scintille. Je retrouve ses deux délicieuses fossettes esquissées par unsourire discret. Impossible de détourner les yeux. Notre échange intense, sans parole, me laissepenserquejel'intéresse.

–Pourenrevenirànotreconversation.Sij’aibiencompris,vousauriezpueffectuervotrestagen’importeoù.Vousn’avezdoncpaschoisiGreenBe…Est-cedirequevouslaissezledestinchoisiràvotreplace?

Etc’estrepartipourunenouvelleattaque.Merde!Pourquiseprend-ilpourmefairelaleçon?IlluifautunautreJeremy?Pasquestiond’êtrelapetitefillequepapaOliverestentraindegronder.

–J’ai acceptéce stage,parceque jecroisen la sérendipité, auhasarddes rencontresheureuses.Mêmesicestagen’estpasdemonfaitaudépart,jesuisconvaincuequ’enl’acceptantilm’ouvriradenombreusesportes.

–Alex,tuveuxbienparlercommetoutlemonde.Séren…machin.C’estquoiça?–Excuse-moiJerem.Pourfairesimple,lasérendipité,c’esttrouverautrechosequecellequel’on

cherche.C’estunedécouvertefaitedemanièreinattendue.

Mesexplicationslaissentperplexemonami,dontlesilencemepousseàcontinuer.

– L’histoire est pleine d’exemples de sérendipité. Tu as Christophe Colomb, qui a trouvé lesAmériquesalorsqu’ilcherchaitlaroutedesIndes.Flemingadécouvertlapénicillineennenettoyantpasdeséprouvettes.Biend’autresdécouvertessontduesauhasard…

– Le sauternes, la tarte Tatin, le Velcro, le micro-ondes, le Nutella, ajoute Oliver visiblementpassionnéparlesujet.

J’ignoresic’estlefaitdelasérendipité,maisjesuisheureusedeconstaterquelevisaged’Olivers’est éclairé, ses traits se sont adoucis. Jeprendsunegorgéede lambrusco, pour fêter ce nouveaurevirement.Oliverporteégalementsonverreàseslèvrescharnues…Jeperdsànouveaupied.

Je suis jalouse de ce nectar pétillant qui humecte ses lèvres.Moi aussi, je veux cette bouche !Suffit!RetoursurTerre,Alex!

–C’estvalablepourtout,mêmepouruncoupdefoudre?pouffeJeremy.

Salegosse!

–Oui,leconceptfonctionneaussienamour,m’exclamé-jelerougeauxjoues.–Ledestinadoncsonmotàdire.Nousneserionsquedesmarionnettesqu’ilchoisitd’aiderou

pas.Jen’aimepastroptonconcept.– Pas tout à fait, Jerem. Ce n’est pas qu’une question de hasard, c’est aussi un état d’esprit. Il

t’appartientdetirerpartidescirconstancesimprévues.– Mieux encore, surenchérit Oliver, tu peux le provoquer. C’est ce que font de nombreuses

entreprises,maintenant!

Maîtrisantlesujet,ilnemelâchepas.Jel’observe,subjuguéemaisaussiagacée.Cetypeal’artdeprovoquertoutetsoncontrairechezmoi.J’aienviedelesentirprèsdemoietenmêmetempsdelebaffer.Ilmedonnechaudpuismeglacelesang.

–Lesujetestvaste….Vousnecraignezpaslazemblanité?

Mince,ilconnaîtBoyd!!!

Ses yeux bleus neme quittent pas. J’ai le sentiment d’être déshabillée intégralement, mon âmepesée.Jefixeceregardbleuglacial.

Mêmepaspeur!

–Lesrencontresmalheureuses,non.JenesuispascommelehérosdeWilliamBoyd.–Vousaimezdonclessurprisesheureuses.J’enprendsnote,m’annonce-t-ilenesquissantenfinun

largesourire.– Vous me faites flipper grave, vos références planent trop au-dessus de ma tête. Boyd,

zumbanité?!?– Zemblanité, Jerem. Pour ton information, c’est dans l’un de ses romans queWilliamBoyd a

imaginélecontrairedeSérendipité,àsavoir:faireméthodiquementetparstupiditédesdécouvertesmalheureuses.

–C’estbiencequejedisais,vousêtestropintelligentspourmoi.Vousmedonnezmalaucrâne!–Cene serait pas plutôt tonvin italien…ditOliver en se levant. Il se fait tard. J’ai unegrosse

réuniondemain.Jedoisencorefinaliserquelquesdétails.

Enguised’aurevoir,Olivers’approchedemoi,ilsouritgentiment.

–Alex…

Unechaleur fulgurantem’enflammeànouveau.J’aidumalàavaler.Cethommeestdécidémentdouépourmemettredansunétatpaspossible.

–Oliver…

Jetendsmonvisage,fermelesyeux,senssonparfumépicétoutprochedemoi.Ilposeunbaiserchastesurmajoue.

J’espéraisquoi?Unbaiserlangoureuxcommeça,toutd’uncoupetdevantJeremenprime.

–Àtrèsbientôt!melance-t-ilens’éloignantdéjà.

Pourquoidit-ilcela?Compte-t-ilsérieusementmerevoir?Unesimpleformuledepolitesse?

Jelaissemonregardsuivrecettesilhouetteféline.Jerêve,cethommenepeutpasexisterdanslavraievie…

Waouh!Rêveoupas,lerectoestaussifantasmagoriquequeleverso.

Deretourdansmachambre,jecâlineOscar,histoiredemeremettredecettesoiréetrèsétrange,entreéruptionvolcaniqueetfroidpolaire.Commed’habitude,Jeremydébarquesansmêmefrapper.Ilestvraiquemaporteestrarementfermée.Mercilechatetsaphobiedesportescloses.

–Onpeutdirequetuasfaitdel’effetàmonfrangin,annonceJeremyd’excellentehumeur.–N’importequoi!dis-jeenlevantlesyeuxauciel.–Moijedisquesi…jenel’aijamaisvuaussidétendu.–Ehbien,sic’estçaêtredétendu,alorsqu’est-cequeçadoitêtrequandilesttendu!– Je le connais bien, mon frangin, je le pratique depuis ma naissance. D’habitude, face à une

nouvelle personne, il est distant, silencieux, observateur. Dire qu’il aura suffi d’un short, d’unemarinièreetsurtoutdetafrimoussepiquetéedetachesderousseurpourentamerlagrossecuirassedemonfrère.

–Jetelaissetoiettesidéesdébiles.Jebosse,moi,demain.Bonnenuit!

EtsiJeremyavaitraison?Sijen’avaispaslaisséOliverindifférent?Entoutcaslui,c’estsûr,ilmechamboulecomplètement.Savoixchaude,sonregardintense,sonodeur,soncorpssuperbe,sadémarcheaérienne…rienqued’ypenser,moncœurs’emballe.

Çayestjesuisdingue.Mamanm’avaitprévenuedenepasmangerlessucreriesaméricaines,ellessontnocivespourlecerveau.Lapreuve!

Deuxheuresdumat. Il fautque j’enparleàMina.Troismoisque jesuispartiedeFranceetmameilleureamiememanque.Onseconnaîtdepuisnos8 ans, c’est notrepremière séparation.Nousn’avonsaucunsecretl’unepourl’autre.Mêmesisesconseilssontsouventfarfelus,ilsm’onttoujoursfaitleplusgrandbien.Ilfautabsolumentquejeluiracontecettesoirée.

De:AlexLarcierÀ:MinaBouquetObjet:Tacopineestfolle!

Mina, je suis perdue. J’ai rencontré un mec beau comme un dieu. C’est le frère de Jerem.Envoûtant,vif,agaçant,éblouissant,beau,intelligent,cultivé(ilconnaîtBoyd!!!),desyeuxbleusàs’ynoyer,sexyàtomberparterre…Uneodeurépicée,boisée,résolumentenvoûtante.Unevoixchaude,sensuelle,unealluredefélin.EtuncaractèredeCOCHON!PauvreJeremy,commejelecomprends.PasfaciledetrouversaplaceavecunfrèrecommeOliver.Mina,jesuisfolle.Jecroisbien que ta meilleure amie est tombée raide dingue d’un gars charmant, énervant, agaçant,dominateur…et,fortheureusement,jeneleverraitrèscertainementplus.Cedoitêtreuntrucdanslabouffelocalequinepassepas.Hein?Onvadireça;-).HELP!Dis-moicequetuenpenses?Àtrèstrèsvite.Bizette

4.GreenBe

Je dorsmal.Mon lit format king size est un champ de bataille où jeme perds,me tourne,meretourne encore et encore. Ma nuit est remplie de grands yeux bleus ensorcelants, d’une bouchegourmandequimesourit,demainsimmenses,audacieusesetcaressantes…Oliver,toujoursOliver.Ilestàmescôtés.Sesdoigtss’aventurentsurmoncorps,explorentavecdextéritéchaqueparcelledemonêtre.Sabouchecharnueparcourtlescourbesdemonanatomie.Ensueur,jefinisparmeleveràl’aube.Posée surmon lit défait, j’ai largement le tempsde jeter un coupd’œil surmaboîtemail.Minaarépondu.

De:MinaBouquetÀ:AlexLarcierObjet:Macopineesttoutàfaitnormale!Hellomonexpatfavorite,Nopanic !Tout celam’a l’airABSOLUMENTnormal.Pour toutdire, je trouve cela rassurant.Depuisquelquemois,taviesentimentaleavaitdesalluresdedésert.Etça,c’étaitvraimentdingue.TonOliverm’a l’aircool.Beaucommeundieu…Miam, je lecroqueraisbien,moi☺Pour lecaractèredecochon,tunem’asrienditdeplus…Ilestgrossier?vaniteux?vicieux?torturé?égocentrique?agressif?violent?Jenesaispas,moi…Donne-moidesexemples.Teconnaissant,cemonsieurdoitavoirducaractère,sinontunel’auraismêmepasremarqué.Onnepeutpasdirequetusoisfacileàvivre.Etcen’estpasunreproche!Tusaisquejet’adore.Tunepeuxpasêtreavecunmecfacile,quidiraitamenàtoutcequetudis.Ilt’enfautunquiadelapersonnalité,ducaractère.Là,çaferadesétincelles.Jesensquetuvasbient’amuseravectonsexyboy.Alors si j’ai un conseil à te donner : FONCE et amuse-toi.N’attend pas qu’il reprenne contact.Devance-le.Cenedoitpasêtrecompliquédedemanderàtoncolocsontéléphone.

«Vousallezvousamuser»…Mouais.Facileàdire.

Quelle raisonaurais-jepourdemanderà Jeremson téléphone? Ilva semoquerdemoi. Il serainsupportable.QuantàOliver,ilnevarienycomprendre.Aumieux,ilvacroirequej’aibesoindeconseils.Aupirequejeledrague.

Pasfaux.Ilestsisexy.

Jesoupire.J’écris,j’efface,jecensure,jenesaispasquoipenser,j’écrisunebafouille.Aufinal,j’envoieuneréponselaconique.

De:AlexLarcierÀ:MinaBouquetObjet:TacopineestchianteMaMina,Oliver n’est pas pour moi. Je ne l’intéresse pas. Je l’ai trouvé très fraternel, voire carrémentpaternel lors de notre soirée. C’est un des trucs qui me fait dire qu’il a un sale caractère !Qu’importe,jeletrouveagaçant,cemonsieurtropparfait!Jefileauboulot.Tumeraconterasoùtuenesdetesillus.Teslayoutont-ilsséduitlamaisond’édition?Tacopinechiantequit’adore.Àplus.P.-S.:J’espèrequetun’aspasprofitédemonabsencepourtefaireunnouveautatouage.N’oubliepastapromesse:pasdetattoosansm’avoirmontréleprojet!Jeterappellequ’aprèsunesoiréearrosée,uncupcakebleuavecunnappageroseestvenuenrichirtonépaule.

Jedéconnecte.Oscarenprofitepourfairesonentréeroyale,sautersurlelitetsefrotteràmoi.

–Non,non,Oscar.Paslemoment.Arrête,tumetsdespoilspartout.VavoirJerem.Pourquoi,lui,tuneleréveillesjamais?

Toujours collé àmoi, il insiste à coupsde ronronnements etde regards insistants. Il sait que jel’adoreetquejerouspèteseulementpourlaforme.

–Paslapeinedeprendretesairsdesnob.C’estbon…

Jecaressesondos.Sonpoilestdoux.Ilenprofitepours’installersurmesgenoux.Jesouris.

–Tuapprécies.Jevaist’avouerquelquechose,maisçaresteentrenous.PasunmotàJerem!Moiaussi,j’aimenosmomentscâlins.Enrevanche,jen’auraisriencontreunchangementd’horaires.

Pourtouteréponse,demagnifiquesyeuxémeraudeenformed’amandemefixent.

–Jeprendsçapourunoui.Jevaisdevoirtelaisser.J’aiencoreunedoucheàprendre.Àforcedetepapouiller,jevaisarriverenretardetcen’estpaslejour.

22ans,célibataire,mémèreàchat…

Pourmedonner de l’énergie, pour «m’ancrer dans l’énergie du sol » (dixitmaman), j’ai optépourunslimetdesballerinesrouges,complétésd’unblazercintréclairetd’unchemisierrosepastel.C’estpartipourunenouvellesemainedetravail.JequittelaMaisonBleuelecœurléger.GreenBevamepermettredecanaliser toutemonattentionsurdessujetsbienpluspassionnantsquecetapollonincompréhensiblepourlafillezenquejesuis.

Dehors,labrumetapel’incrustesurlessommetsdeFrisco.DequoiméritersonsurnomdeFogCity. J’embarque dans le bus 39 et sa faune hétéroclite.Mon calvaire ne dure pas longtemps, une

quinzaine deminutes à subir les odeurs d’eaux de toilette bonmarchémélangées aux émanationscorporellespasfraîches.Monvoisinmegratified’ungrandsourire.Mauvaissigne, ilvasûrementvouloir entamer la conversation… Sera-t-il comme ce vieuxmonsieur endimanché de la semainedernièrequiaessayédemeconvertirauxjoiesdesasecteenmedisantquel’apocalypseétaitprocheetqu’ilfallaitpenseràmonsalut?Oualorscommecettejeuneboboadeptedubudokon?Attristéepar mon ignorance, légitime à ses yeux « normal, vous êtes Française », elle m’expliqua,condescendante, que le nom de ce sport merveilleux signifie « chemin de guerre spirituel ». Unprogrammeàluitoutseul.Etderajoutersansmedemanderquoiquecesoit«c’esttrèshypeàL.A.Jennifer,SeanetRobertadorentméditertoutendonnantdescoupsdepiedetdepoing».

Aujourd’hui,j’optepourunenouvellestratégie,cellede«jefinismanuitavecunemicrosieste».Elleserapeut-êtrepayanteavecmonvoisinsouriant.Jefermelesyeux,respiredoucement.Silenceradiomaintenu.Aucunetentativedeprisedecontact.Prudente,j’ouvreunœil,encoin…Génial!Cemonsieur est adepte de la lecture… commemoi. Je n’existe pas, seul son bouquin compte. Noussommesdelamêmefamille,celledeslecteursautistes.Lavieestbelle.Jepeuxdégaineràmontouretsortirmonlivre.Voilàunejournéequicommencesousdebonsauspices.

Sauvageetlectrice,célibataireturesteras!

Monplanning de la semaine est chargé.Des tonnes de documents à étudier, quelques entretiensavecmes patrons, une présentation à rédiger, pasmal de coups de fil…Les journées harassantess’enchaînent.Boulotetdodosontmesdeuxgrandsamis.Ilsoccupenttoutmonespace-temps.Çameconvient parfaitement. Pas une minute à consacrer à mon sport favori, à savoir me retourner lecerveauavecdesquestionssansréponse.Quelestmonchemin?Quelestlebutdemavie?Ai-jebienfaitdechoisirdesétudesdecomm'?Etsijem’étaisplantée?Mesparentssont-ilsfiersdemoi?Maviedestagiaireparfaitesepoursuit.J’ymetstoutemonénergie.Lesjourspassent…sansOliver.Ilatotalementdisparu.Pasdenouvelles.

Tantpis!

***

Vendredi,neufheures,jesuisàmonpostechezGreenBe.Devantmoi,unmotgriffonnéparPavelBaxter,l’undemesdeuxboss:«Présentation10h!»

Bonjouretmerci.DeuxmotsnonfournisdanslekitPavel.

Autourdemoi, l’ambianceestélectrique.ChezGreenBe,c’est lebranle-basdecombat.LePDGd’AlphaMedEntreprisessouhaiteinvestirdanslastart-up.

– Alex, pas trop nerveuse pour ta présentation ? Notre invité devrait arriver un peu avant dixheures. Tu sais combien c’est important pour nous. AlphaMed veut investir dans mes recherches.C’estdulourd.JesuiscertainquetuapprécierascommemoisonPDG.Tousleshommesd’affairesdevraientprendreexemplesurcemec.Ilestpleinauxas,maisnelaramènepas.Ilconnaîtsonmétier.J’aieuleplaisirdelerencontrerilyaquelquetempsdéjà.Onapasmaldiscuté.C’estunetêtedanssondomaine.Etsurtout,c’estquelqu’underespectueuxdel’éthiqueetdeslois.

Le patron de GreenBe, Sébastien Carton, est surexcité. Derrière ses petites lunettes rondes, sesyeuxsontfébriles.Avecsonvisagedepoupon,sesbouclesindomptéeschâtains,sabarbenaissanteetsapetitebedaine, ilaquelquechosed’unadolescentattardé.Âgéde32ans, ilatoutdugentilgeek.Depuisquejeleconnais,cechercheurenbiotechnologieesttoujoursenjeanetpolo.Jenel’aijamaisentenducrier, lever lavoixetencoremoinsprononcerunmotblessant.Tout lecontrairedePavelBaxter,notregérant.

Avecsescheveuxsombresetfilasses,sonvisagesecetseslèvresfines,cederniernerappellepaslabonhomiedeSébastien.Nigrandnipetit,nigrosnimaigre,Pavelaunphysiquepasse-partout.Enrevanche, soncaractèreestbienplusmarqué.Égocentriqueetarrogant, il sembleprendreplaisiràblesser.Aboyern’estpaspourdéplaireàce trentenaire.Sonprincipaldéfautestaussisaprincipalequalité, à savoir l’amour exclusif des chiffres. Il est vrai qu’en la matière, il est doué. Le côtédéplaisant,c’estquecetancientradernevit,nerespirequeparleschiffres.Lereste,c’estundétaildontilsepasseraitbien.

Etdanscettecatégoriededétail,jesuislenano…Pluspetitquepetit!

Sébastienetluionttoutdel’associationimprobable.Visiblement,Pavelestbondanssondomaine,très bonmême. Sébastien lui doit une fière chandelle. Il y a un an, la start-up était au bord de lafaillite.Baxteryainvestidel’argentfrais.Danslafoulée,ilanettoyélescomptes,remisdel’ordredans la compta.DucoupGreenBeapu redresser labarre.Pavel se seraitprisdepassionpour lestravauxdeSébastien…

Ah, oui, une autre qualité de Pavel, ne montrer son bon côté qu’à un club très restreint depersonnes…Jen’enfaispaspartie.

ConvaincuquelestravauxdeSébastiendonnerontdesubstantielsretourssurinvestissement,Pavela souhaité continuer l’aventure avec lui. Du coup, il a offert ses services pour la recherche denouveaux fonds, la paperasserie et les comptes, à condition de faire partie de GreenBe et d’êtrenommé gérant. Le messie pour Sébastien qui s’est empressé d’accepter, trop content de pouvoirs’occuperexclusivementdesesrecherches.

Pour l’heure, Pavel affiche son habituelle morgue. La venue du PDG d’AlphaMed ne l’affectevisiblementpas.Commeàsonhabitude,ilesttiréàquatreépinglesdanssoncostumegrisfoncé.Ondiraitunemployédepompesfunèbres.L’analysedeschiffresluiréchauffelecœur,paslesjoues…

Bonjour,lecachetd’aspirine.

Sébastiennemanqued’ailleurspasde le taquineràcesujet,surtoutquandPavelfaituneénièmecritiquedelatenue«débraillée»desescollaborateurs.

–Les jeansenlèvent toutecrédibilitéànotreentreprise,Sébastien.Cen’estpasdumeilleureffetquandlesinvestisseursviennentmevoir,aannoncéPavellorsdenotredernièreréuniondetravail.

Sébastienn’a rienvouluentendre.Pour lui,cecostumegrisd’employéestunehérésiedansunestart-up.Ilenamêmeprofitépoursemoquergentimentdesongérant:

– Pavel, ton extrême efficacité me surprendra toujours, vu comment tu es engoncé dans tesvêtements.Tudevraisfaireattentionà tasanté.Cen’estpasbonpour toncerveauquedecouper lacirculationducou…

MaisPavelainsisté.Sébastienaclosledébat,agacé,enrappelantsaphilosophie.

–Jetel’aidéjàdit:GreenBeaetauratoujoursuneambiancedécontractée.Cequicompte,c’estcequ’onadanslatête,passurnous.Onestplusproductifdansuneambianceanticonformiste.

Ettoc!NounourscontreSuper-Trader,onepoint!

Côtédéco,Sébastienasumaintenirégalementsapattedestartupper.Dèsl’entrée,l’ambiancecoolattitudeestdonnée.Surlesmurs,unartistegrapheuradessinéuneénormelicorneblanchesurfondvert, symbole des geeks. Un vélo californien des années soixante-dix fait figure de statueornementale.Unebornearcadecomplètel’ambiance.Cetteentréedonnesurl’openspace,chacundenousyaunpostede travail éco-conçu (matérielde récup,palette).Dans la sallede repos,qui faitaussiofficedecoinrepas,unvieuxflipperélectriqueetuneautrebornedejeuxvintagesontenlibreaccès.Quantàlasallederéunion,elleestpétillante,avecsesmursorangeetsessiègesverts,latablesetransformeenping-pong.UnénormebonzaïcinquantenaireimportéduJaponoccupelenorddelapièce.C’estunmaîtrefengshui,amideSébastien,quiaétudié lescouleurset lesformespourquel’énergievitale,lechi,puissecirculeretassurercréativitéetprospéritéauxéchanges.

Encorefaut-ilaimerl’orangeetlevert.

Jenesaispassicettehistoiredechimarche,entoutcas,moi,j’adore.Encorepluslorsquejedoisassister aux réunions soporifiques de notre cher gérant. Ce côté pétillant et vivifiantmemaintientéveillée.

Situé au sous-sol, le labo de Sébastien affiche une allure plutôt classique. Instruments de hauteprécision, frigos, microscopes, paillasse… La science nemérite pas d’excentricité. Je note quandmêmedestouchestrèspersonnellestellesqu’unmannequinrevêtuducostumedeDarkVador,ainsiqu’une fontaine à soda et unedizaine de distributeurs deM&M’s.LebureaudePavel joue la noteprésidentielle:unetabledetravailsombreetsurdimensionnée,unesuperbechaiseergonomiqueencuir, de nombreux cadres avec diplômes et récompenses qui ornent les murs blanc cassé, unemajestueuse bibliothèque où nichent des premières éditions de classiques anglais et quelquessculpturesafricainesanciennes.Fonctionnelettapageur.ToutPavel.

–Alors,leroquetestvenutesaluer?lanceJohn,moncollègueetami.–Àtonavis?Ilm’aencorelaissél’undesesmotsdoux,grommelé-je.–MademoiselleLarcier,inutiledevousrappelervotrestatutdestagiaire.Pasd’initiativeoujevais

devoirvouséliminer…ditJohnenimitantPavel.

Jepouffederireenlevoyantfaire.Moncollègueadoremefaitrigoler.Ilestvraimentdouédanssonnumérod’imitation.Beaubrunàlabarbeparfaitementtaillée,Johnestréceptionniste.Dèsmonarrivée, le courant entrenousestpassé. Il est toujoursd’humeur joyeuse.Sanatureoptimiste lui apermisdefairefaceàunerupturesentimentaledouloureuseavecsonprofdedroitdescontrats.Un

hétéromariéquin’apaseulecouraged’assumersonamourpourungarçon.Dégoûté,Johnastoppénetsesétudesdedroit,pourtantprometteuses.Ilneveutplusseprendrelatêteavecriennipersonne.Sonboulotpépèreluilaisseletempsdecourirlescastings.Unepassionqu’iladepuisqu’uncopainluiaditqu’ilseraituntrèsbonacteur:ilaunebellegueuleetilmentavecaplomb.Unequalitébienutile pour ce hipster de 22 ans du genre volage. Il aime également l’histoire de la barbe, leschorégraphiesdeMadonnaetlesmagasinsbiooùl’ontrouvelesplusjolisgarçonsdelaville.Johnestuncollègueparfait.

–Tuasvuquivientnousvoiraujourd’hui?medemande-t-il,toutexcité.– Une grosse pointure de l’industrie pharma. Comment ignorer cet événement, vu l’état

d’excitationquirègneici.Sanscompterquec’estmoiquidémarrelaréunion.Perso,jesuissereine.Ilmetardejustequetoutsecalme.

Ilyaquelquessemaines,j’aiprésentéunPowerPointquiaétéunanimementfélicité–mêmeparPavel,c’estpourdire!–etSébastienaalorsinsistépourquejeprépareunspeechsurGreenBe,tropcontentdenepasavoiràlefairelui-même.

–Tunesaispascequit’attend,machérie!Tudevraisêtresurexcitée.Alex,nousneparlonspasd’unegrossepatatebedonnanteetâgée.L’investisseurquivientnousvoirestleplusbeauspécimenquiexistedans leclub très fermédesmilliardaires.Beauàdamner tous les saintset immensémentriche.Ilcumulelesqualités.

Johnaccompagnesaphrased’unsifflementd’admiration.

–Jamaisentenduparlerdececharmantmonsieur.–Tun’espassérieuse?TuneconnaispaslemilliardaireleplussexyselonVanityFair?s’étonne

Johnenécarquillantlesyeuxdemanièreexagéréetoutenseprenantlatête.

LaCageauxfollesversionGreenBeActorsStudio!

–Toutlemondenelitpaslapressepeople,monsieur!–Ehbientudevrais.C’estunelacunedanstonéducation!Tuneseraispasassiselà,impassible.En

vrai, jepeux te ledire : ilestencoreplusà tomber…Cetrèsélégantmilliardaireestdéjàvenu iciavantquel’autrepsychoPaveln’arrive.Unautregarsl’accompagnait,pasmaldutout,d’ailleurs.Unbeaubrun,moinsraffiné.Dave,David,Damian,enfinDa…quelquechose.Tum’auraisvu,onauraitdit le loup de Tex Avery, la gueule ouverte. Ils nem’ontmême pas remarqué. Des hétéros, c’estcertain.Dommage.Pff.

John a réussi à titiller ma curiosité. Je laisse mon esprit vagabonder. À quoi peut donc bienressembler un jeune milliardaire ? Musclé ? Racé ? Prétentieux ? Antipathique ou au contrairecharmant?Detempsàautre,jeregardelaported’entréeavecunepointedecuriosité.

Waitandsee.

Dixheurestapantes.Unesilhouetteélancéeetvirilepousselaportevitrée.Lepasestléger,assuré.Jesursaute,surpriseparcetteentrée.Jedétaillecethommequitelunchevalierseraitdescendudesonétrangemonture.L’énormelicorneblanchetaguéesurnosmursadesalluresdefidèledestrier…Je

cligne des yeux pour m’assurer de ne pas rêver. Démarche féline. Un air de déjà-vu. Chaleurdiffuse…

Degrandsyeuxbleussebaladentdanslehall,ilsseposentsurmoi,mesourient.Oliver…

Est-cepossible?

Non,paslui?!

Jeremyluiaurait-ilditoùjetravaille?Ils’estgardédemeledire.Ilestencoreplusbeauqueceweek-end.Olivera troquéson jean tee-shirtpourunchinobeige,ungiletdecostumeparfaitementcoupé et une chemise blancheouverte, auxmanches élégamment retroussées. Pas de cravate. Il estdivinement sexy dans cette allure élégante de dandy nonchalant. Je suis obligée de me l’avouer :Oliveresttrèsattirant.

Quelleprestance!

Jem’élanceverslui,ungrandsourireauxlèvres.

–MonsieurLarsen,ravidevousvoir!lancederrièremoilavoixdeJohn,mestoppantnetdansmonélan.

Lerougememonteauxjoues.Lesyeuxd’Oliverpétillentdel’effetdesurprisequ’ilvientdemefaire.Ilsalued’abordJohn,puistaquin,ils’adresseàmoi.

–Inutiledememontrerlechemin,mademoiselle.Jesuisdéjàvenu.J’aiuneexcellentemémoire.–Euh…d’accord,oui.Bienvenue,réponds-jebêtement,prisetotalementaudépourvu.

Quellecruche!Mevoilàtransforméeillicoprestoengourdasse.

Jefulminecontremoi,maisaussicontrecejeunePDG.Ils’estbiengardédemedirequ’ilétaitdéjàvenuchezGreenBeetsurtoutqu’ildevaityrevenir.DanslafamilleLarsen,onaimevisiblementfairedesblagues.Jecomprendsmieuxmaintenantlaflopéedequestionsd’Oliverlorsdelasoirée.Cequej’aiprispouruneattaquepersonnellen’étaitqu’intérêtprofessionnel.Moiquileprenaispourunmectropsérieux.Ilabiencachésoncôtémoqueur…

Oliver, lui,afficheunsourirefranc, trèsamusédesoneffetavantdedisparaîtredans lasallederéunion,précédéparJohn.Ilabienpréparésoncoup.Monsieur«parfait»adoncdel’humour.

Jeresteplantéelà.Jememordslalèvre.Paniqueàbord.C’estdevantluiquejevaisdevoirfairemaprésentation.Moncœurs’emballe,lesbattementssontassourdissants.

Jevaismourir !Maprésentationvaêtrenulle, jevaisbégayer, je suis foutue.RetourenFrancedemain.Bonjourpapa,bonjourmaman…

Stressée, je serre ma tablette contre moi tel un doudou capable de me rassurer, je prends ladirectiondelasalle.Àmi-chemin,unetêteapparaîtàlaporte.

–Larcier.Onvousattend,lancePaveld’untonsec,àlaportedelasallederéunion.–Toujoursaussicharmantcemaniaqueduchiffre,grommelé-je.–Courage,melanceJohnencroisantlesdoigts.

Jeluisouris.Johnestaussigentilqu’ilestbeau.Allez,courage.

Dèsmonentrée,jesuispercutéeparleregardfrancd’Oliver.Unocéandebleudanslequeljemeplongerais des heures durant. Nouvelle crise de tachycardie. Le PDG d’AlphaMed me souritdiscrètement.Ilestbeaucommeunange…

Unangeexterminateur?

–Re-bonjour,mademoiselleLarcier.–MonsieurLarsen.

Retoursur terre.Paveldébute la réunionavecquelquescourbettesàdestinationd’Oliver.CoupéabruptementparunSébastienimpatientquiselancedanslaprésentationdesdifférentsintervenantsencommençantparmoi.

– Je vous présente Alex. Voici deux mois qu’elle nous a rejoints. Elle finalise ses études eneffectuant son stage chez nous. Elle travaille notamment sur notre prochaine campagne decommunication et sur le développement futur de nouveaux partenariats. Voilà pourquoi je lui aidemandéd’êtreprésente.

Laréunionsepoursuitavecmonspeech.Vingtminutesplustard,jesuissoulagée.Maprésentationestuneréussite,elleafaitsonpetiteffet.AlorsquePavelreprendlaparole,Sébastiennemanquepasdemefaireunclind’œilcomplice.Samanièreàluidemeféliciter.Pourresterconcentrée,jemesuisinterditderegardertoutelazoneoccupéeparOliver.J’aijusteentendusesdoigtstapoterlebureau.Maislà,jecraque,jecherchesesyeux.Ilsmefixentavecassurance,lessourcilsfroncés.

Qu’a-t-ilpensédemaprésentation?

Jepanique.Luisembles’enapercevoirquandunlégersourireencoinsedessineenfin.Ilhochediscrètement la tête. Je devine que ça ne lui a pas déplu. Tandis que je reste accrochée à ses yeuxmagnifiques,jeremarquequelessienssebaladentsurmonvisage.Ilspétillent,medévorent.

Cettesallederéunionarésolumentunexcellentchi.

L’instantd’après…lesyeux,unbrininsolents,mequittent.Lamâchoireviriled’Oliversecrispe.Ilsemblevouloirseconcentrersur le tonmonocordedePavel,quidéblatèredeschiffresàn’enplusfinir.Jeleregardeàladérobée.Impossiblededétachermesyeuxdecevisageénigmatique.Jesensquemesjouescommencentàs’échauffer…

– Larcier, vous m’entendez ? Je vous ai demandé de sortir. Cette partie de la réunion estconfidentielle.Jevousdemandedoncdesortir!aboiePavel.

Priseenflagrantdélitd’inattention,jem’apprêteàpartirquandSébastienintervient.

–Allons,Pavel.Mêmesic’estdans lecadredenotrerencontreavecM.Larsen,Alexpeutavoirconnaissancedecertainséléments.Letempsdesonstage,ellefaitpartiedeGreenBe.Je terappellequ’elleestégalementliéeparnotreclausedeconfidentialité.

Jememordille les lèvres. J’ai dumal à comprendrePavel. Il sait queSébastienm’a confiédesresponsabilitésmalgrémonstatutdestagiaire.Decefait-là, j’aiaccèsà laplupartdesdossierssurGreenBe. Je sais qu’on travaille notamment sur un nouveau produit alimentaire et aussi sur latransformation des algues. L’essentiel de ces travaux porte sur ces nouvelles protéines végétales.Certesjen’aipasaccèsàtouslesdétailsstratégiques,maispourl’essentieljesuisaucourant…Alorspourquoi tout ce cinéma ? J’opte pour un problème d’ego. Pavel a besoin d’écraser pour brillerdevantOliver.

Levisagetorduparlemépris,Pavelmefixelonguement.Ildécidedepoursuivre.L’ambianceestglaciale.

– Mademoiselle Larcier, je me permets de vous rappeler votre obligation contractuelle deconfidentialité.Toutcecidoitresterentrenosmurs.Pasquestiond’enparleràdesconcurrentsniàlapresse.

– J’en ai bien conscience. Vous pouvez compter sur mon entière discrétion, réponds-je sansagressivité.

–Nivoscopines,vosproches,ajoute-t-il,excédé.

Ilmeprendvraimentpourunesottedotéed’uncerveaudemollusque.Jeserrelesdents.Jefaislemaximumpournepas exploserdevant cedictateur.Sans attendrema réponse,Oliver intervientdemanièreaffirmée,sansagressivité.

–MonsieurBaxter, jecomprends lanaturehautement stratégiquedes travauxdeSébastien.Pourautant,celanevouspermetpasd’êtrediscourtoisenverscettejeunefemme.Deplus,saprésentationétaitvraimentpertinenteetjepensequ’elleatoutesaplaceici.

Jeluifaispitié!

Àmoinsqu’ilnesoitsincère?

J’aitoutemaplaceici…Iciaveclui?STOPfantasme!

N’empêche,jesuistouchée.Olivers’intéresseàmoi…

–Oui, oui, vous avez raison,Monsieur Larsen. Jem’emporte. Excusez, mademoiselle Larcier,cettefaçoncavalière…Ceprojetmetienttellementàcœur,grommellePavel.

PavelPremier.Obséquieuxaveclepouvoir,tortionnaireaveclesautres.

–N’ayez crainte, je sais que je dois être discrète, ajouté-je le plus calmement possible sous leregardbienveillantd’Oliver.

Unequinzainedeminutesplustard,noussortonstousexceptéPaveletOliver,quipoursuiventleur

entretien.

Besoind’unedosedesucre.

Après avoir pris un donut XXL nappé de chocolat dans le distributeur de la salle de repos, jereviensm’installeràmonbureau.

Labouchepleine,jecommenceenfinàmedétendre.Johnmerejoint.Jeluiexpliquelaréunionetl’attitudeinfectedePavel.Biensûr,jepassesoussilencetoutcequitoucheOliver.

–Etlebeaumilliardaire,alors,dis-moi,tuenpensesquoi,maintenantquetul’asvudeprès?–Poli,professionnel.–Tutemoquesdemoi.Nemedispasqu’iltelaisseinsensible?Tuasnotécetteclasse?–Bof…dis-jeentoutemauvaisefoi.–Cegarsestd’uneélégancefolle.Ilnecherchepasàenmettrepleinlavue.Ilaunrendez-vous

chezGreenBe, il s’adapte. Au placard le costume taillé surmesure. Il mise sur le casual chic, laPatrickJanetouch.Etcettemontre…jemedamneraispourenavoirunecommeça.

–Ahbon?Qu’est-cequ’ellefait,samontre,misàpartdonnerl’heure?– Alex, c’est une Patek Philippe de 1952 en platine blanc. Elle vaut deux millions de dollars.

AngelinaJolieenaoffertuneàBradPitt.Toutelapresseenaparlé,meraconte-t-iltoutexcité.–Ahoui,quandmême!–Passeràcôtéd’unmeccommelui,c’estunsacrilège…d’autantquetuastoutesteschances!me

lance-t-ilénigmatique.–Commentça,j’aitoutesmeschances?

Oh,non,pitié…

–J’aibienvulesregardsqu’ilt’alancés.Hum,cebeaumonsieuraremarquémacopine…Quandtuserasaveclui,tunem’oublieraspas.UnePatek,tut’ensouviendras?

Pourbienappuyersademande,Johnagitedélicatementsonpoignetdevantlenez.Unvraigamin.

– Tu te fais des films, John. Avec ton imagination, tu as une belle carrière de scénariste quit’attend,fonce,glissé-jeàJohnsurletondelaconfidence.

–Dutout.ÉcoutebientonamiJohn:GO!GO!Tuseraisbêtedepasseràcôtédece trèsbeauspécimendemâlehétéro,immensémentriche.Ceseraitmêmeunpéchéquedenepastelaissertenter.Tuastoutesteschances.Tiens,jetelaissel’articledeVanityFairsurnotresublimemilliardaire.Unpeudelectureteferaleplusgrandbien.Uncafépourfairepassertajunk-food?Jevaisfaireuntouraudistributeur.

JeprofitedudépartdeJohnpourm’empareravidementdel’article:

«Ancienchampiondeparkour,OliverLarsendominel’industriepharmaceutique.Issudelahautebourgeoisienew-yorkaise,cethéritierasubâtirunempireenmoinsd’unedécennie (…)AprèsunejeunessedoréepartagéeentredesétudesbrillantesàHarvardetsesexploitsenparkour,Oliveradûreprendrel’entreprisefamilialeàlamortdesonpère,survenuelorsd’uncrashaérienàMoscou(…).LejeunePDGs’estbrouilléavecsonamietassocié,ilpoursuitseulsonascension(…)Oùs’arrêtera

OliverLarsen?»

Perduedansma lecture, je sursaute.Laportede la sallede réunionvientdeclaquer, 1m90demuscles tendus se rue sur la sortie.Oliver, un bloc de glace. Sonvisage est fermé, sesmâchoirescrispées.Pasunregardpourmoi.Pasunaurevoir.

Nadapourlapetitestagiaire!

Ilm’ignoreroyalement.Çam’apprendraàmefairedesfilms.J’aicruvoirsesyeuxbrillerquandilsplongeaientdanslesmiens,j’aicruvoirsessouriressensuelssemoquergentimentdemoi…jepensaisqu’untrucs’étaitpasséentrenous.Maisnon!Oliverestjusteunhommed’affaires,courtois,poliquiafaitlaconversationaveclacolocdesonpetitfrère.Unpointc’esttout!Jerevoislevisaged’Oliver,soncharisme,sasensualitéanimale.Unfrissond’excitationmeparcourtlecorps.

Zut!

Monpetit cerveau a beaume dire de passermon chemin,mes hormones, elles, ne veulent rienentendre.Jesoupirelonguement.

Auxgrandsmauxlesgrandsmoyens.

Je saisis mon fidèle porte-clés en forme de fée Clochette. Mon grigri. Prise en flagrant délitrégressif, je sursauteenentendant lavoixchaude,gentimentmoqueusedeJohn,de retouravec lescafés.

–Tuasencorebesoind’unepoupée,àtonâge?–C’estça,lecharmeàlafrançaise,toutendisantcela,jereplacemonporte-clésdanssontiroir.

5.Attraction

Les jours suivants passent à une allure folle. Je n’ai pas eu une seule minute à moi entre larédactionde lanewsletter, lamiseà jourde lapageFacebookdeGreenBe, lesmilliersdemailsàtrieretlesréunionsdetravail.Àpartça,rienàsignaler.Unenouvellefois,Oliverestabsentdemonpaysage.Pour autant, jenepeuxm’empêcherdepenser à lui. Je suispartagéeentre la colère et lemanque. J’enrage contre ce prétentieux qui m’ignore chez GreenBe sous prétexte que je ne suisqu’unepetitestagiaire.Danslaminutequisuit,jerêvedelerevoirtantsonsourireirrésistiblemefaitfondre.

Ilestvraimentàtomberparterre!

Samedi27juillet.LaMaisonBleue/TelegraphHill.

Il estmidi quandmamère fait irruption dansma chambre. Son grand sourire et ses yeux grisenvahissentl’écrandematablette.

Skype,j’adore.

Je suis heureuse d’avoir des nouvelles demes proches,même si je sais que je finirai par êtreagacée.Mamanaunevisiontrèspersonnelledesliensmèrefille,conséquencedesonéducationbabacool.Unjoyeuxmélangedeculturerusseetd’uneenfancepasséedansunecommunautéhippie.

–Bonjourmachérie,commentvamapetiteAméricaine?–Çava,çava.Papaestavectoi?–Tuconnaistonpère.Noussommessamedisoir,ilestdehors,jenesaisoùavecsamaîtresse.

Tropdrôle.

–Bref,papaestencoresuruneenquêteconfidentielle.UnegrosseaffaireentreParisetMoscou,apparemment.

Une manière pour maman de dire que mon père lui manque. Ma mère, Olga, 52 ans, est trèsamoureusedesonmari,Georges,55ans.Laréciproqueestvraie.Maismonpèreaimeégalementsontravaildeflicspécialisédanslafinanceinternationale.Onditquelescontrairess’attirent.Mesparentsensontuneparfaiteillustration.Autantmonpèreestflegmatique,organiséetméthodique,autantmamèreestbordélique,passionnéeetgénéreuse.

Jesuisquelquepartentrecesdeuxextrêmes.

MasœurMashaestplusprochedemonpère.Contrairementàmoi,ellea toujourssucequ’ellevoulaitfairedanslavie.À12ans,elleadécrétévouloirtravailleravecleschiffresetêtrebanquière.

Aujourd’hui,elleena28etbossedanslafinancepoursonplusgrandplaisir.Etmoi,jemecherche.Mêmes’ilsnemel’ontjamaisdit,jesensbienquejelesdéçois.Ilsneselassentpasdefélicitermonintelligence,monempathie,masensibilité,mavivacitéd’esprit…Jamaisilsn’ontévoquéenbienouenmalmeschoixd’étude,monstage.QuandjeleuraiditquejepartaisàSanFrancisco,ilssesontcontentésdeposertroisquestions:quand?où?etcombiendetemps?Lejourdudépart,j’aiquandmêmeeudroitàun«tuvasnousmanquer,soisprudente.Etsurtoutéclate-toi».Endehorsdecela,rien.Nicritiquenifélicitations.

–Nicolasdortchezunami.Iltefaitmillebisous.Sasœurluimanque…

Jesuisdéçue.J’auraistellementvouluvoirlabouilledemonpetitfrèreadoré.Celafaitcinqansqu’ilestentrédansnosvies.Unejoieintense.Jesuisfièredelui,maisaussidemesparents.Monpèrel’adécouvertlorsd’uneenquêterusse.Samère,uneadotoxico,venaitd’êtreretrouvéemortedansune ruelle deMoscou. Pas de père à qui le confier. Touché par cette tragédie, Papa en a parlé àmaman. Elle l’a rejoint aussitôt pour entamer une procédure d’adoption. Les papiers ont vite étéréglés.Lesrelationsdemonpèreysontpourbeaucoup.Jen’oseimaginerl’avenirdeNicolassimesparentsl’avaientlaissédansunorphelinatmoscovite.Cepetitbouchonavaitàpeine2moisetdéjàungrospassif.Lesadoptantsneseseraientpasprécipités,tropapeurésàl’idéed’accueillirunenfantnédrogué. Maladie, débilité, sevrage… Pas vraiment de quoi effrayer mes parents. Cinq ans après,Nicolasestunpetitgarçonéquilibré,heureux, ignorantsonpassé trouble.Un jour,mesparents luidiront.

–Tuas eudesnouvellesde ta sœur ?Non?Masham’adit qu’ellepasserait tevoir.Elle a desvacancesàprendretrèsbientôt.JeluiconfieraiquelquespetitesdouceursmadeinFrance.Ceseraunesurprise.

Difficiled’enplaceruneavecunemèred’originerusse.

–Tuasmauvaisemine,mafille.Tut’alimentesbien?J’espèrequetunemangesquebio.Tusaiscequejepensedelanourritureaméricaine.Sic’estunproblèmed’argent,tumeledis,jetefaisunvirement…

Jelèvelesyeuxaucielenguisededésapprobation.

–Maman,arrête,jegère.–Sicen’estpas lanourriture,c’est le travail…Tonpatron t’exploite,c’estça? Ilabusede ton

statut de stagiaire ? J’ai lu plein d’articles sur le sujet. Il est évident que les stagiaires sont lesnouveaux esclaves du capitalisme. Le burn-out tu connais ? Les symptômes sont irritabilité,insomnie…

J’interrompsmamèredanssonrôlededocteurFoldingue.

–Maman,tuesinsupportable.Jebosse.Normal,j’aimespreuvesàfaire.Maist’inquiète,toutestsouscontrôle.Jenesuispasauborddugouffre,loindelà.

–OK,OK,puisquetuledis.Maisc’estnormalquejem’inquiète,jesuistamère…

Blabla…Mamanestrepartiedanssontripsoixante-huitard.

J’aidécroché.Certainsmotspercutentmoncerveaudetempsàautre.Sociétéconsumériste.Courseeffrénéeàl’argent.Misèrehumaine.Exploitationducapital.Droguédusexe.

Hein?Mincej’airatéunépisode.

C’estquoicettenouveauté?Surpriseparcemothorscontextepolitico-maternel,jemereconnecteaussitôt.

–Quoi,commentdroguédusexe?dis-jetoutcoup.–Ha!Tuvois,jetesurprendsenflagrantdélitdesymptômedeburn-out!Tuestellementfatiguée

quetun’arrivesmêmeplusàresterconcentrée!Jetedemandaissitun’avaispasrencontrél’undecesjeunesaméricainsdroguésdusexe?C’estpeut-êtreluiquit’épuiseavecsesassautsfrénétiques?

–MAMAN!Tuesinsupportable.Non,jen’aipasrencontrécegenredetype.

Ausecours!Pourquoiai-jeacceptécetteconversation??

– Comprends-moi, mon cœur. Je ne te reproche pas d’avoir une vie sexuelle active, bien aucontraire. Tu sais ce que je pense du sexe et de son effet positif sur les chakras. Ce que je veuxt’expliquer,c’estquesitupartagesdesactivitésenchambreavecunjeunegarçon,penseàfairelesexercices de respiration que je t’ai appris. Tu y gagneras en souffle, en énergie sexuelle et enendurance.Laplénitudeseraalorsentoi.

Joker.

Jepousseunpetitcrid’indignation.Pourquoifaut-ilquemamèresoituneproduPilates,deyogaetsurtoutdénuéedetabou?Jeboude.Ilesttempsd’arrêtercetteséancedetorture.

–Lesujetestclos,maman.Bisousàtoutelapetitefamille.–Tunepeuxpastefermercommeça.Cen’estpasbonpournotrerelation…–Moiaussi,jet’aime,maman.–Oui,oui…moiaussi,mais…

Jecoupecetteconversationensoufflant.Mamanestvraimenthorsnorme.Jel’aime,maiselleestvraimentparfoistropdécalée.

Je n’ai pas besoin de ça.Mon compteur tension nerveuse est déjà à sonmaximumavecOliver.Avec son jeu du « j’apparais, je disparais, je souffle le chaud puis le froid », je perds la tête.L’inconstance personnifiée ! Il faut que je canalise mon énergie et que je vide mon esprit. Je neconnaisqu’unseulmoyenefficace :quelquesexercicesdeyoga.Aveceux, je suisobligéedebienrespireretsurtoutdemeconcentrer.

Mamann’apastoujourstort.

JedécidedemettreunCDdesmoothjazzenmusiquedefond,jem’installesurmontapisdeyoga,faceàlafenêtregrandeouverte.L’airestdoux.Unebelleaprès-midipourmereconnecteravecmoi-même.Premierexercice,lesalutausoleil.Jefermelesyeux,j’inspire,j’expirelentement.Jebascule

dansunétatsecond.Oliverestlà,derrièremoi.Sesgrandesmainspuissantessaisissentmataille,ilmeplaquecontrelui,jesenssonsoufflechaud,sonparfumboisé.Lecœurbattant,j’ouvrelesyeux.Personne.

Mauvaisdépart.Leyogan’estpasindiqué.Changementdestratégie.VoyonssilePilatesseraplusefficace.

Assisesurmongrosswissball, jefermeànouveaulesyeux.Jeredresseledos,serrelesabdos.Inspiration. Expiration. Apparition… sensuelle. Oliver torse nu me fixe, l’air aguicheur. Montéed’adrénaline.Àgenouxdevantmoi, il laisse ses doigts sebalader surmanuque. Ilme caresse lescheveux, me dit des mots délicieux, il m’embrasse doucement. Effleure mes seins, les trouvemagnifiques…

J’aiterriblementchaud.

Je suis dingue. Cette fois-ci, je décide de ne pas fermer les yeux. Je vais également corserl’exercicepourévacuercetrop-pleind’énergie.Jeposeleschevillessurmonballon.Enappuisurlesbras, je faisquelquespompes.Pasd’Oliverà l’horizon. Jepoursuisavec l’étoiledemer, leballondansledos,jefaisuneextensioncomplètedudos…

Mercimaman!LePilates,c’estmagique.

Jeme sens enfin détendue, je ferme les yeux. Oliver en profite pour réapparaître nu avec sonmagnifique torse musclé, ses abdos parfaitement dessinés. La bouche entrouverte, il me regardeintensément,pleindedésir.Sûrdelui,ilpromènesesdoigtslelongdemesjambes.Sescaressessefontpluspressantes.Sadestinationestclaire.Monventreestenvahid’unenuéedepapillons.Jemecambre davantage. J’ai envie de lui. Je perds la tête. Surtout ne pas ouvrir les yeux, que ce rêvecontinue…

Lavibrationdemontéléphonedécidepourmoi.UnSMS.

Zut!

[Hello. Oliver doit passer me prendre pour match de basket. Serai en retard. T’embête pas del’accueillir?Jeremy]

Àlafoispaniquéeetheureusedecettenouvelle,jepétoche.Lesquestionssebousculentdansmatête.Oliversera-t-ilcharmant?Distant?Est-cequejeluiplais?Nesuis-jepassottedemeposercettequestion?

Lasonneriedelaported’entréestoppenetmatorturementale.

Quandonparleduloup.

Jemeprécipitepourluiouvrir.Ilmesouritenmevoyant.

Badaboum.Moncœurs’emballe.

–BonjourAlex.Jenevousdérangepas?–Dutout.JefaisaisquelquesexercicesdePilates.–Riendetelpourméditer…–Vousconnaissez!–Voussemblezsurprise?Enrevanche,jenepratiquepas.C’esttropstatiqueàmongoût.

Oliverestlà.Ilal’airheureuxdemevoir.Moi,jesuisrésolumenthypnotisée…Ilestàcouperlesouffle.Avecsontee-shirtgriscolenVetsonjeanuséquidescendsurleshanches,ilauncôtébadboyhypersexy.Difficiled’imaginerquecethommepuisseêtrelePDGd’unegrosseboîte.Telleuneaccro,jerespireàpleinpoumonsonparfumboisé.Ilmepénètre.Monnez,moncerveau,moncœur.

Grossièreerreur,lachaleurmonted’uncran.

Unefoisàl’intérieurdelamaison,nouséchangeonsd’autresbanalités.Jefaisuneffortsurhumainpourgardermonsang-froid.Notreconversationestjoyeuseetdétenduecommecellededeuxamisquiseconnaissentbienets’apprécient.Ilmedévisage,silencieux,puisaborded’uncouplerendez-vouschezGreenBe.

–Pour toutvousdire. Je suiscontrarié. Jenem’yattendaispas.L’affairemesemblaitenbonnevoie.Sébastienétaitpartant,maisc’estcet imbéciledePavelquibloquetout.Quelfauxjeton,dit-ilagacé.

–Désolée,annoncé-jenesachantpastropquoidire.

Unsourireéclaireànouveausonvisagemasculin.Savoixchaudeestcalme.Ilestcourtois.

–Vousmecomprenez,j’ensuiscertain.

Unevaguedeplaisirm’envahit.Olivermeferait-ilconfiance?

–Toutàfait.Pavelestobnubiléparleschiffres,celaluiobscurcitlecerveau.Jenotequandmêmeun avantage avec ce genre de personnage, c’est qu’il n’est pas difficile à cerner, contrairement àd’autres…

Quellemerdeuse,jefais…

–Vousappréciezdonccetypedepersonnalitéprévisible?sedésoleOliver,moqueur.–Certainementpas,ilestd’unennuimortel,protesté-jeamusée.–Quoiqu’ilensoit,ilabeauêtreprévisibleetennuyeux,ilbloquebeletbienmesnégociations,

rétorqueOliverensefrottantlanuque.

Ohlala.Parleàmatête,moncœurvacille.

Oliver ne me quitte pas des yeux, tandis que je lutte pour ne pas perdre le contrôle. Je necomprends pas pourquoi il me fait ces confidences. Je suis touchée, pour autant je ne peuxm’empêcherdelepiquer.

–Etvousdétestezça,quequelqu’unpuissebloquervosprojets…Cenedoitpasêtreunesituation

habituellepourungrandpatroncommevous,n’est-cepas?

Silencetroublant.Jefarfouillesesyeuxbleus.Hypnotiques,ensorceleurs,tentateurs,ilsnesontpasunlivreouvertpourmoi.Oliverestbeau.Beauetmystérieux.Solaireaussietsurtoutd’unesensualitétroublante… Je suis cuite. Je suis attirée par lui comme un papillon de nuit vers la lumière, et enmêmetempsjesuisparalyséeàl’idéequ’ilmebrûle.Pasquestionpourautantqu’ildécouvrel’intérêtquejeluiporte.Jecontinueavecunregarddedéfi.

– Vous ne dites rien ? GreenBe ne vous tente pas ? Peut-être avez-vous un problème avec lestentations?

–Jen’aiaucunproblèmeaveclestentations.Jelesgèremêmetrèsbien…Enycédanttoujours,lance-t-ilamusé.

Monsieuraréponseàtout.

–Etsil’autrenepartagepaslemêmedésir?demandé-jelagorgenouée.

Nouveausilence.Letempssemblesuspendu.J’ai l’impressionquelesalonvaexploser tant l’airestchargéd’électricité.Noussommessurunebombeàretardementdontj’ignoreledécomptedelamiseàfeu.

Kamikazeprêteàexploser!

Oliver ne semble pas décider àme répondre. Son visage viril arbore un sourire insolent. Sonregard troublant me défie. Les battements de mon cœur se sont accélérés. Je sens que je perdscomplètementpied.MaisdéjàOlivers’approchedemoidesonpas félin.Beaucommeundieu.Enmoinsd’uneseconde, jemeretrouvenezànezavec lui.D’ungesteaffirméetnaturel, ilmeprendcontrelui.Moncœurbatàtoutrompre.Sansréfléchir,maboucheaccepteseslèvrescharnues.Nosrespirationssemêlentpourlatoutepremièrefois.Cebaiserprovoqueuneexplosiondanstoutmoncorps.Ladouceurfaitplaceàlafougue.Jesenssonsoufflecourt,lesbattementsdésordonnésdesoncœur contre moi. Nos langues se découvrent, se cherchent, se laissent porter dans une dansedélicieusementexcitante.Mesmainssepressentautourdesanuquechaude.J’aimececorpspuissantquimedésarme.Jemesenssifrêleetpourtantentotalesécurité.J’enveuxencore.Quecetinstantnes’arrêtejamais!

Sanscriergare,Oliversedétachedemoi,stoppantnetlavaguedevoluptéquim’inonde.Mesyeuxcherchentuneexplicationdanssonregardindéchiffrable.

–Jeremy,jeviensd’entendresavoiture…–OLIVER,Tueslà?hurleJeremytoutenclaquantlaported’entrée.

Non!Pasça…

–Alex,ilnefautpas…pourJeremy!memurmure-t-il.

Partagée entre frustration sans nom et enchantement, je suis soufflée. Nous dissimulons notrepremierbaiserimprovisé,délicieusementanimal.Toutvabien.

Pourqui?

–Salutfrangin,pastroptôt.J’arrive,crieOliverenmeregardantgêné.–Thanks,Alex.Àplus,ditJeremyignoranttotalementcequivientdesejouerentresonfrèreet

moi.–Merci,Alex,dem’avoirfaitpatienter.Àbientôt,melanceOliversuruntonneutreensortantde

lamaison.

Super!Jefaiscomment,maintenant?

JeregardelesdeuxfrèresmonteràborddelaTeslanoired’Oliver.Impossibledebouger,jerestelàsurleseuildelamaisonunlongmoment.Hypnotiséeparcequivientd’arriver,jemesurprendsàpenser au retour immédiat d’Oliver. Il pourrait annuler son match pour venir me retrouver etpoursuivrecedélicieuxetplusqueprometteurbaiser.Unsiècleplustard,jesorsdemarêveriedébileetentreenfindanslaMaisonBleue.

Jesuisprêtepourcréerlefan-clubd’Oliver.

Jegrimace.Déjà,avant lebaiser, jen’arrivaispasàévacuercette troublanteobsession.Mais, là,l’opérationzenattitudevaêtreplusqu’ardue. Jedébutemanouvelle stratégie«Retouraucalme»avecunpetitmasqued’argilevertesuivid’unedouchefraîchepourmeremettrelesidéesenplace.Un bon départ pourm’aider à retrouver la sérénité.Quinzeminutes plus tard, je suis toujours aumêmepoint.Zut!Riennemarche.Ilnemeresteplusqu’àremplirmonpetitventrefrustré.Directionlacuisine.J’oublielescarottesàgrignoter.

LaméthodeBugsBunny,c’estbonpourmaman!

J’aitrouvémieux.Lemeilleuramidesfillesendétresseestposésurmesgenoux,unpotdedeuxlitresdeglacechocolatcookiesetcaramel.Quelquescuillèresplus tard, jemesensmieux.Affaléesur l’énormecanapédusalon, jemesuisplongéedans ladernièresaisondeTheBigBangTheory.Oscarenprofitepourpointerleboutdesonmuseau.Parfait.Ilnemanquaitquelaronronthérapieàmon programme.Absorbée par des délires de Léonard et de sa bande de geeks, je lui fournis sarationdecâlins.

Jesensqueçavient…lesilenceintérieurpointesonnez.

Tandisquejemelaissegagnerparundébutdezenitude,j’entendsmontéléphonevibrer.C’estunSMS.Jejetteuncoupd’œiletdécouvrel’expéditeur.

Oliver!Commenta-t-ileumonnumérodetéléphone?

C’estcertainementJeremquiluiadonné.

[Ravidecesdernierséchanges]

Jepousseunpetitcridejoie…Ilpenseàmoipendantsonmatchdebasket.

Sourireidiotauxlèvres,jeletaquine.

[SurGreenBe?]

Moinsd’uneminuteplustard,saréponsemeparvient.

[Aussimaispasque]

Suiviimmédiatementd’unautreSMS.

[Peut-êtrequenousdevrionsrecommencer.J’ailabouchesèche;-)]

Pasdedoute,jel’intéresse.

Jenerésistepasàlepiquergentiment.

[Prenezuncoca.Lesport,çadonnesoif;-)][Jeremycommenceàseposerdesquestions.Jetelaisse…pourcettefois!]

Oh,non!Nemelaissepas.Jerêve…Ilvientdemetutoyer.

Nerveuse, je continue de fixer mon téléphone, j’espère un autremessage. Lesminutes passent,toujours rien. Quand mon portable vibre à nouveau. Je suis surexcitée, à tel point que je le faistomber.

Zut,zut!C’estpaslemomentdetraîner.

Lecœurbattant,jefinisparlirelemessage.

[Bientôtjebaiseraiànouveauteslèvres…]

Jepianotetrèsvitesansréfléchir.

[J’ycomptebien]

Oliverréagitaussitôt.

[etceneseraqu’undébut…]

Uneheuredumat,jesoupire.Pasdedoute,jesuisaccroàOliver.Encoreunefois,j’aibesoind’enparleràMina.Ilfautquenousayonsuneconversationentrefilles.J’ail’impressiondedevenirfolle.Oscarentameunlongmonologue.Chantagefélindontilalesecret.

–OK,Oscar,messagereçu,dis-jeenleprenantdanslesbras.Tupeuxdormirsurlelit.Moi,j’enaiencorepourcinqminutes.Unmailàenvoyer.

De:AlexLarcierÀ:MinaBouquet

Objet:RéunionausommetMina,réunionausommetdemainparSkype.11am,heurelocaleUS.PS:LefrèredeJerem,Olivern’estpasn’importequi!!!JetelaissedécouvrirlabombesurleNet.OliverLarsen.Tuneseraspasdéçue!Bizettes

6.Paniqueàbord

Dimanche. La fenêtre de ma chambre est envahie par un parfum d’été. Je laisse mon cerveaus’enivrer tout en douceur avec le parfum du chèvrefeuille et de l’herbe fraîchement coupée.Monregardseportesurlespectaclechatoyantdelanaturequisedéploiedevantmoi.Lesrosiersrougesexprimentleurgénéreusepassion.Conquérantes,lesclématitesvolubiless’enroulententreleurstigespiégéesd’épines,sousleregardimpassibledestroncstordusdepinsimmobiles.Habituellement,toutcelaprovoqueenmoiunedoucesérénité.Aujourd’huinada.Rien.Impossibledesavourertoutcelaavecquiétude.Moncerveaun’yvoitquepassion,fusion,exaltation,excitation…

Jepsychoteenrimes.Fautvraimentquejemechangelesidées.

Les heures s’égrènent avec une lenteur insupportable. Je n’arrête pas de repenser à ce baisermerveilleux. J’enveux encore. Je revis cesquelquesminutesdebonheur absolu. Je sens encore legoût fruitédeses lèvreschaudessur lesmiennes…Lehic,c’estque je revoisaussienboucle sonregardgênéetquejerevislechocdel’arrêtbrutaldesonétreinte.

Jerem,jetedéteste.

Jefoncesurmonlit.C’estl’heuredemaréunionavecMina.JemeconnectesurSkypeetcliquesursonavatar,BettyPage.Sonvisageapparaît.Sesyeuxnoisettepétillent.Toutesouriante,elleestmimiavecsescheveuxmi-longsbruns.Depuisunan,elleselajouebrushingdelamort.Ondiraitune star des années trente vantant les mérites d’un shampoing. À chacun de ses mouvements, sescheveuxbougentpourseremettreillicoprestoenplace.

Antithèse du mannequin nordique, mon amie affiche avec fierté ses rondeurs. Elle rit fort, ladiscrétionn’apasétécrééepourelle.Elleadore les tenuesexcentriques, lesrougesà lèvresrougepassion.Minaestunovni.Illustratricepourenfants,ellerêvededevenirl’EmilyGravettfrançaise.Lemondedel’éditionn’estpasfacile.Fatiguéedetirerlediableparlaqueue,Minaadécidéunjourdeselancerégalementdanslesspectaclesburlesques,bienplusrentablesquelesdessins.Unerévélation.Aujourd’hui,pourrienaumondeellenevoudraitchoisirentrelesdeuxmétiers.Jel’adore.C’estmaMina.

–Hello,machérie,dit-elleenagitantlamain.–Hello,maMina.Tumemanques.

Je passe une bonne dizaine de minutes à lui raconter ma journée d’hier, notamment le Pilatesdébilequiaviréàlaséancetantrique.Minaexplosederire.

–Jeveux lesmêmesexercices,parcequ’encemoment,c’est ledésert,côtémâle.Celapourraitm’aideràpatienter.TuenesoùavectonMisterSexy?

–Ons’estembrassés,dis-jelesourireauxlèvres.

–Nan!Paspossible.Macopinepasseenfinàl’attaque,jen’ycroispas.–Net’emballepas.Jen’ysuispourrien.C’estOliverquim’aembrassée.–Etalors?L’essentielc’estdepasseràl’action.–Onn’apasdépassélepréambule.Jeremadébarqué.Tuauraisvulatêted’Oliver.Ilatoutstoppé

net.–Mapauvre.Tropnul!

Jehausselesépaules,faisunegrimacerigolote.JeneveuxpasluimontrercombienjesuisaccrocàOliver.Minaéclatederireetm’emportedanssontourbillondebonnehumeur.

–J’aigoogelisétonchéri.Ilestencoreplusbeauquecequetum’enasdit.Tuastrèsbongoût.Alors,bonnenouvelle,tonOlivern’anifemme,nienfant,nicadavre…Ilestadepteduparkouravecunautregars,superbeau.J’aijustematélesphotos.Tuconnaismondegrézérodel’anglais.Jesuisdésormaissaplusgrandefan.Imagine,tonmecestunyamakasimilliardaire.

–Monmec,monmec…Ons’estjusteembrassés,jeterappelle.

Soudain,lasonnettedelaporteretentit.Jelèvelatêtedematablette.

–Excuse,Mina.Onasonné.Jereviens…Parspas.Jefaisauplusvite.

Surprise.Unlivreurmetendunegrosseenveloppeenkraft.

Ilstravaillentmêmeledimanche…Mamancrieraitàl’exploitationdestravailleurs!

Je déchire rapidement le papier. Et découvre un contenu des plus surprenant : des crayons decouleuretcinqlivresdecoloriagepouradultes.

Uncahier,descrayons…c’estquoicettearnaque?

Àlafoiscurieuseetagacée,jelislacartequim’estadressée:

Peut-êtremieuxquelePilates…Unenouvelleméthodepourméditer.Tiensmoiaucourant.Oliver.

Quelquesminutesplustard,jeretrouveMinasurSkype.

–Excuse-moi.Jeviensderecevoirçademonmec,commetudis.J’hallucine,Mina.Regarde.–Ilnemanquepasd’humour,tonRoméo,rigole-t-elle.

Jeregardetoutcela,perplexe.

–J’ail’impressionqu’ilmeprendpourunegamine…soupiré-je.–Silecoloriageestérogène,surtouttumeledis.DéjàquetutransformeslePilatesenexercices

tantriques… Si en plus tu t’occupes de la com, ces cahiers finiront exclusivement vendus en sex-shops.Faisattention,Alex,denouvellesopportunitésprofessionnelless’ouvrentàtoi,poursuitMina,imperturbable.

Pour appuyer son délire, elle me tire la langue. Nous éclatons de rire. Nous poursuivons nos

échangescoquins.Minafinitparmedonnerquelquesnouvellesdesonfuturspectacledestrip-teaseburlesque:LaSirèneBetty. J’aidroitauxdétailsdesoncostume,de lamusique,de l’effeuillage…Nousrionscommedesgaminessurexcitées.Letempsfile.Jesuispluslégère,prêteàaffronterunenouvellesemainedetravail,mêmesielles’annoncemonotone.

Letempscomptedoublequandl’hommeleplussexydelaterrevousmanque.

***

–Tuaseudesnouvellesdenotrebeaumilliardaire?medemandeJohnsurletondelaconfidence.

Cehipsteraccroauxcancansn’arrêtepasdemetournerautour.Ilpeutêtrepéniblequandilauneidéeentête.

–Ben,non,pourquoi en aurais-je eu ?bafouillé-jegênéedenepas lui avoir encoredit être encolocaveclefrèred’Oliver.

–Voilàquiétrange…tunemeferaispasdescachotteries?–Dutout.Cen’estpasmonstyle.

Ouh!lamenteuse,elleestamoureuse.

–Jesuisconvaincuqu’untrucmagiques’estpasséentrevous.J’ail’œilpourça.

Je tiens bon, murée dans mon secret. Lorsque tout d’un coup mes yeux tombent sur mon belOliver. Je suis surprise, je nem’attendais pas à le voir. La bouche ouverte, aucun son ne sort. Jeremarque sa nouvelle tenue, très classe : un costume sombre parfaitement ajusté à sa carrure. Lacravate est toujours absente de sa panoplie de businessman. Il est flamboyant.Oliver passe devantmoi.Ilm’accordejusteunpetitsignedelatêteetunlégersourire.Pavels’empressedel’accueilliravant de s’engouffrer dans le grand bureau. Je suis déçue, je me sens vide. Il ne veut pas êtrecompromisavecunepetitestagiaire.Jecomprends.

N’empêche,çafaitmal.

Jemereplongedanslarédactiondelanewsletterdumoisprochain.Uneheureplustard,jereçoisunSMS.Oliver!Ilm’écritpendantsaréunionavecPavel.

[Ilestbientôt13heures?J’aiprévuquelquechosepourtoi.]

Génial!Uneinvitationàdéjeuner.Jen’enrevienspas, jesuis toutexcitée.Ils’apprêteàmangeravecmoi.Jevaispouvoirenfinpartagerdutempsaveclui.Moncœurbatlachamade.

Enfin!

Treizeheures.LesyeuxrivésverslebureaudePavel,j’attendsavecimpatiencelasortied’Oliver.

–MademoiselleLarcier?Unelivraisonpourvous!

À peine le temps de signer le bon de réception et me voici avec un énorme panier-repas dumeilleurrestaurantfrançaisdelaville.Jerestebouchebée.

Ilavaitpourtantditundéjeuner?Non,non !C’estmoiquiaimalcompris. Ilm’a justepromis«quelquechose».

Une nouvelle fois je suis partagée entre deux sentiments : frustration de ne pas le voir etravissementdecettemagnifiqueattention.Tandisquejecommenceàdéballerlesomptueuxpanier-repas,jenepeuxm’empêcherderessentirunpincementaucœur.Jehausselesépaules.

Positiver.Positiver.Positiver…

John s’approche à grandes enjambées demon bureau. Je crains le pire. Il peut être d’un lourd,parfois.

– Qui peut bien envoyer un magnifique panier-repas à cinq cents dollars à ma petite stagiairefrenchy ?Tu as tapé dans l’œil du grand chefAndré ?Àmoins que ce ne soit l’un de ses clientsrichissimes?

Non,lepèreNoël!

–Tais-toi!Sinonjemegardetoutcelapourmoiettantpispourleskilosenplus!–Çamarche,répond-ilavecunepetitegrimace.

Médusée, je découvre dans le colis bien des richesses gastronomiques demon pays. Foie gras,caillesauxraisins,écrasédepommesdeterreauxtruffes,comté,baguette.Mêmeledessertestprévu,unParis-Brestquia l’airà tomberpar terre.Etpouraccompagner toutcela,unebellebouteilledemontagne-saint-émilion.J’hallucine.Olivercroitvraimentquejemangecommequatre.

–Alors,onattaque?s’impatienteJohn.–Nem’attendspas,jeveuxremerciernotregénéreuxdonateur…

PendantqueJohnsifflotetoutguilleret,jetapoteuneréponserapide.

[Merci pour ces délices qui me manquent tant ici. Un plaisir que j’aurais aimé partager avecvous!]

Voilàpourlapolitesse,l’émotionnel…Besoindepiquermaintenant.Çasoulage!

JepoursuisavecunsecondSMS.

[Mais pas très local, ce repas, monsieur « Je conduis une voiture électrique Tesla de dernièregénération»;-)]

–Lavieestmalfaite,Alex.Nousnoustaponsungueuletond’enferalorsquederrièrecetteporte,notre beau milliardaire est enfermé avec Pavel. Le pauvre ! Il aurait été bien mieux en notrecompagnie,ironiseJohn.

– Monsieur « Je vois tout » sait-il ce que fait Larsen avec Pavel ? Et pourquoi semblait-il si

contrariéaprès la réunion?Toutce secret, je trouveçaétrange. Jenecomprendsvraimentpas cequ’ungroupecommeAlphaMedEntreprisespeutvouloiràGreenBe.

–Oh,là!Tum’enposesdesquestions.Franchement,jen’ensaisfichtrementrien.Leseultrucqueje peux te dire, c’est que ce faux jeton de Pavel travaille aussi sur une autre offre. J’ai surprisquelquesbribesdeconversation.Nemeregardepasavectesgrandsyeuxdebiche.Jen’ensaispasplus.MynameisDickinson.JohnDickinson.NotBond,dit-ilengloussant.Surce,jet’abandonne.Ilest temps de reprendre le boulot. Je dois justifiermon salaire et surtout éplucher les annonces decasting.

Quelnuméro!

Unpeuplustard,unnouvelSMSd’Oliver.

[CespetitsboutsgourmandsdeFranceont-ilsétéàlahauteur?]

Malgrédesjournéesplusqueremplies,Olivertrouveletempsdes’intéresseràmoi.

Jeflottesurunpetitnuage…Unmiraclequandjepenseaurepasgargantuesquequejeviensdemefaire.

Personne à l’horizon. Seule, face àmon ordi, j’en profite pour enrichirmes connaissances surmongénéreuxOliver.

Qu’est-cequececherGoogleasurvous?

Enmoinsd’uneseconde,unepremièrepageaveclesitedel’entreprise,desarticlesdelapresseéconomique…Jecliquedeschiffres,dubla-blainstitutionneletungrosdossierduNewYorkTimes:

«OliverLarsen,unepersonnalitéincontournable(…)Inconnudugrandpublic,cewonderboyde28 ans suscite l’admiration dans le club très fermé des milliardaires. Son patrimoine est estimé àsoixantemilliardsdedollars(…)AvecDamianJones,unamidefac,ilsontdécidédes’associeraprèsla mort tragique du père d’Oliver Larsen. Pleins d’ambition, les deux amis d’à peine 23 ans etfraîchementdiplômésd’Harvardontmultipliélesachatsetmislamainsurdifférentslaboratoiresetstartups.Leurobjectif?Bâtirunempirepharmaceutique(…)Ambitieux,lejeuneNew-Yorkaisafficheune politique sociale et philanthropique des plus généreuse. La vie chez AlphaMed Entreprises ?Génial,sil’onencroitlessalariés.«Toutyestplusélevéquelamoyennenationale,lessalaires,lescongés, les avantages en nature. Les cantines sont bio et gratuites. Il y a des salles de gym, demassage,derepos.CequicomptechezAlphaMedEntreprises,c’estlerésultat…»expliqueKateFox,laresponsabledéveloppement.Quantauxœuvrescaritatives,OliverLarsentalonneMarkZuckerbergauclassementdesplusgrosdonateursaméricains.»

Waouh!J’aiembrasséunwonderboy!

–Ha,ha!Vousvoilàpriselamaindanslesac,Larcier!lanceJohnenimitantPavel.

Jesursaute.J’aivraimentcruquec’étaitlecroque-mort.

Lecon!

–T’esbête,j’aifaillimourirdepeur.–Tudaignesenfint’intéresseraumecleplusconvoitédelaplanète.Jesuisfierdetoi!– D’après ce que j’ai déjà pu lire, cemonsieur est très apprécié de la presse éco. Les articles

élogieuxnemanquentpas.–Lapresseéco,trèspeupourmoi.Jepréfèrelescancans.

Toutendisantcela,Johns’installeàcôtédemoietcommencesesrecherchessursatablette.

–Voyonsvoir…TiensdesphotosdenotresuperbeM.Larsenavecunemagnifiqueblonde.Quic’est,celle-là?Avecsonsourireplusblancqueblanc, jesuiscertainquerienn’estd’originechezelle.Jecroisd’ailleursreconnaîtrelapattedudocteurPaten,lechirurgiendesstars.

Toujours aussi motivée par mon enquête, je tombe sur une interview de Damian Jones, sonassocié.

– C’est lui, le beau brun qui est venu ici avec tonmilliardaire. J’adore son côté Tarzan. Brun,ténébreux,cheveuxonduléslongs,lunettes…toutcequ’ilfautpourmefairecraquer.Pourquoin’est-ildoncpasvenu?C’estdommage.

– Selon cet article, ton chouchou se serait fait virer comme unmalpropre. Il aurait déclaré aujournaliste:«TantpispourLarsen,ilauradésormaisunconcurrentféroceenaffaires.»

–Pascool,ceM.Larsen,s’exclameJohn.

Lapresseracontevraimentn’importequoi!

Olivern’estpascommeça.Ilestintelligent,vif,généreux.

Etseslèvressontsidouces.

Peut-êtreai-je lu tropdecontesdeféesavecdesprincessesetdesprincescharmants?Jeplaquemesfantasmessurcethomme?Moninstinctmeditdeluifaireconfiance.Etsi,pourunefois,ilmetrompait?

Maispourquoitoujoursmeretournerlecerveau?

***

Lelendemain,Oliverrevient,toujoursaussisublimedanssatenuedebusinessman.J’aidroitunenouvellefoisaumicrosourireetaupetitsignedelatêtetoutaussidiscret.IlfoncedirectementdanslebureaudePavel.

C’estunemanie.

Jenepeuxm’empêcherderegarderdanssadirection.Rien…Oliveradisparupourunenouvellejournéede travail avec legérantdeGreenBe. Il en sortira trèscertainementàpasd’heure.Moi, jeserairentréeàlaMaisonBleuedepuislongtemps.Allez,courage!J’aidutafàaccomplir,moiaussi.

Àpeineai-jecommencéàpianotersurmonclavierquemontéléphonevibre.UnSMS:

[Ne lis pas en marchant. Les automobilistes gagnent des points quand ils renversent un piétoncultivé]

Perplexe, jeme posemille questions.Comment sait-il que j’ai l’habitude de lire enmarchant ?M’aurait-ilvusansmefairesigne?Oùm’a-t-ilvu?Mesuit-il?J’hésiteuneminute.Jepianotemaréponse.

[J’aimeliredangereusement…]

Saréponseestimmédiate.

[Etvivre…dangereusement?]

Heu?!?

Cinqminutesplustard,jereçoisuncolis.Johnestabsentpourlajournée.Ouf!J’ouvrelaboîte.Jenecomprendspas.Àmagrandesurprise,ils’agituncasquedemotoold-style.Pasdecarte,pasdemessage…Jesuisperplexe.

Cemonsieuradécidémentbeaucoupd’humour.Ilfaitmêmedansledécalé.Jesupposequec’estuneprotectioncontreleschutesentantquepiétonlecteur.Jen’enrevienspas.Jeprendsconsciencedel’intérêtqu’ilmeporte.J’hésite.Toutd’uncoup,jepanique.N’est-ilpastoutbonnemententraindem’infantiliser? Jeneseraispour luiqu’unepetite sœuràprotéger?Perturbéepar lepetit jeuquemèneOliver,jem’octroieunepause.J’aibesoind’envoyerunmailàMina.

De:AlexLarcierÀ:MinaBouquetObjet:??????Nouveau cadeau, toujours aussi bizarre !Cette fois, c’est un casque demoto !Avant ça, ilm’aenvoyé des SMS pourme dire de ne pas lire enmarchant. Etmoi je lui ai dit que j’aimai liredangereusement…Il vient de m’envoyer un casque de moto. Juste avant il me demande si j’aime vivredangereusement.Toutçaparcequejelisenmarchant!T’enpensesquoi?

De:MinaBouquetÀ:AlexLarcierObjet:RE:??????Hé,t’espascenséebosser?CethommeestPARFAIT!J’adorecethumour.Ilestgentil,ilpenseàtasécurité…Ilestriche,musclé,tellementbeaaaaaaauuuuuuu.Jeveuxlemême;-)

De:AlexLarcierÀ:MinaBouquetObjet:RE:RE:??????Si,maisjem’offreunepausebienméritée.Tun’esqu’unemidinette,MinaBouquet.Onn’estpasdansunehistoireà l’eauderose.BarbaraCartland,c’étaitmagrand-mèrequilisaitça!Tumedéçois,jetecroyaispluscritique.Snif!Ilmesnobe quand il vient ici. Je ne suis qu’une petite stagiaire. C’est comme si notre baiser n’avaitjamais existé. Si ça se trouve, c’est le cas. J’ai tout imaginé. Ce typeme rend dingue. Je ne lecomprendspas!

De:MinaBouquetÀ:AlexLarcierObjet:RE:RE:RE:??????Tunet’espasditunseulinstantqu’ilgardesesdistancespourteprotéger?Moi,sij’avaisétéàsaplace,jen’auraispasvouluquetescollèguesconnaissentnotrehistoire.Lesgenspeuventêtred’unmesquin.Perso,jen’aimeraispasquel’onsachequejefaisami-amiavecuncollègue.C’estmavieprivéeetcelaneregardepersonne.Tutesouviensdemonderniermec?Arilemagicien.Onn’aenvoyéaucunfaire-partpourannoncernotreaventureàlatroupe…C’étaitnotrehistoire.Bref,arrêtedefairetaparano.Positiveattitude.Situn’yarrivesplus,jebalancetoutàmamanOlga.Elleteconcocterauncoursprivéd’enferpourteremettreàniveau☺)))))))))Bizettes.

Je choisis d’ignorer les propos de Mina. Ce chaud-froid constant me monte à la tête. Je n’ycomprendsrien,jemesensblessée.Pire,jenemereconnaispas.Jesuisfâchéeetça,cen’estpasmoi.J’abandonne.Ilesttempsdepasseràautrechose.C’estpluszenetpositif.Tantpis!Cen’estpaspourunbaiser,certesexplosifquejevaismemettre«larateaucourt-bouillon»(commediraitpapa).

***

Samedimatin.LaMaisonBleue.Jemesensvidéedetout.Olivermemanquecruellement.

–Tun’aspaslemoral?medemandeinquietJeremy.

Jemeforceàsourire.Depuislecasquevintage,jen’aiplusaucunenouvelled’Oliver.ZéroSMSetzérocolis.Jedevraisêtrecontente,moiquivoulaistournerlapage.Jemerassureenmedisantquej’aibien faitdememéfier. Jene l’intéressepas. Il est fortuné,beau, intelligent…iln’estpaspourmoi.

Jemesensnulle.

–Tuasdesnouvellesdetonfrère?demandé-jesurletonleplusneutrepossible.–Non,pasdepuisquelquesjours.IlestsûrementrepartiàNewYork.Tusais,Olivernemeraconte

passavie.Nimoilamienne.Maisdis-moi,tuseraisquandmêmepasentraindetomberamoureusedelui?

–Pff,dutout.Jel’aitrouvésympa,c’esttout.–Tantmieux.Gardetesdistances.Monfrèreesttropcompliqué.Jeterappellequec’estluiquia

fait mettre une caméra à l’entrée de la maison. Tout ça parce qu’il a besoin de tout contrôler,maîtriser. Il doit toujours être le numéro un, lemeilleur. Jamais aucune faiblesse.Oliver se prendpour Superman. Alors que toi, il te faut un mec sympa, léger, pétillant comme une bulle dechampagne…

–…Commetoi!lecoupé-jeavecunlargesourirecommunicatif.

Nouspartonsdansunfouriremagistral.Jerempoursuit,l’airtaquin.

–Jen’aimepastevoirdéprimée.Situn’espasbien,jesuismal.Etça,c’estnoway!JeteproposeuneviréedansmonFrisco.Tuvasvoirquejevaisteredonnerlemoral.Enavanttoute,mademoiselleLarcier,nouslarguonslesamarres,directionleport.

7.Tensionsexplosives

J’adorelesweek-ends,surtoutceuxquicommencentmaletquifinissentbien.Ça,jeledoisàmonamiJeremy.Ils’estoccupédemoicommeunfrère.Ilm’aorganisédeuxjoursd’enfer.Ilmefallaitbiencelapourtenterd’oublierOliver.Touts’estdérouléàunecadencefrénétique:viréedansCastro,repas dans unpetit resto deChinatown, sortie nocturne avec ses potes… Je suis épuisée et surtoutapaisée.Prêteàaffronterunenouvellesemainesansl’hommeinvisible.

Avantça,jepassemeravitaillerencaféinechezMaxieCoffeeClub,situéjusteenfacedeGreenBe.Commetouslesmatins,c’estlafoule.Àvuedenez,j’enaipourdixbonnesminutesavantdepouvoirpasser ma commande. Patience, je suis en bonne compagnie. Depuis que j’ai quitté la maison, jen’arrive pas àme détacher du dernier roman de Jeff Lindsay. SonDexter me rend complètementdingue.

– Jedonneraismaviepourun frappéau sojaparfumcaramel,meditunevoixchaudederrièremoi.

Jemeretourne.Uncharmantbusinessmanmefaitunlargesourire.

–Excellentchoix,cesontlesmeilleursdelaville.–Jemeprésente,Arthur.Vousêtes…?–Alex,enchanté.–Laissez-moivousoffrirvotreexpresso…–Heu,oui.Merci,c’estgentil.

Rapide,lemonsieur.C’estvraiqu’iln’estpasmal.UnbeauténébreuxcommelesaimeJohn.Moij’aidéjàOliverdanslatête…Alorstoi,moncoco,netefaispastropd’illusions.

Comme tous les matins, les places libres sont rares, ici. Il me propose de partager une table.J’accepteàconditionqueleschosessoientclairesentrenous :Jenesuispasuncœuràprendre. Ilsouritsansriendireetnousnousinstallons.

Très vite, je découvre un jeune homme d’excellente compagnie.Nous avons pasmal de pointscommuns.TousdeuxnoussommesdesnouveauxvenussurFrisco,nousadoronsDexter, les bonsvinsouencoreleyoga.Auboutd’unetrentainedeminutes,Arthurs’excuse.Unclientl’attend.Ilmeproposedeprolongernotrediscussionautourd’unverrecesoir.J’acceptevolontiers.

Touteactivitéplaisantesusceptibledemesoutenirdansmonsevraged’Oliverestlabienvenue.

***

Ilestdix-neufheuresquand jeretrouveArthurauMaxieCoffeeClub,bienpluscalmeenfinde

journée.

–Jemesuispermisdenouscommanderdeuxirishcoffeefrappés.Tuaimes?–Oui,oui,c’estparfait,acquiescé-je.

Nous trinquons à cette soirée entre nouveaux immigrants californiens. Nous rions beaucoup,échangeonssurtoutetrien.Jeconfirme.Arthurestvraimentunmecsympa,cultivé,extraverti.Ilyajusteunpetitdétailquimechiffonne…Sonvisagenem’estpasinconnu,j’ail’impressiondel’avoirdéjàvu.Pourtant,ilm’assurequenon.Ilseraitarrivélaveille,etavantcelailétaitdansunautreÉtat.Etpuisc’estbizarre,ilm’aparlécematind’uneherboristeriebioultraconfidentiellesurChinatownqueseulsleshabituésconnaissent…

Papa,sorsdececorps!

Qu’importe, avec lui le temps file. Les sujets de discussion ne manquent pas. J’ai passé uneexcellentesoirée,mêmesiArthurnes’estpasbeaucoupdévoilé.Lapudeur.Presqueàregretjesuisobligéedemettrefinàcettesoirée.Jesuisentraindepayerlemanquedesommeildeceweek-end.CedélicieuxMorphéem’appelle.

–Mercibeaucouppourcettesoirée,Arthur.Ilfaudraquel’onrenouvellecela.–Jesuispartant…Pourquoipasdemainmatinicidevantunexpresso?Jeneconnaispersonneen

ville.Pourtoutdire,jemesensunpeuseul.Etj’avouequetacompagniemefaitbeaucoupdebien.N’yvoispasunplandrague,jeterassure.

J’appréciesafranchise.Envoilàunquin’apaspeurderévélersesfragilités!

Encore un autre qui angoisse à l’idée d’être seul. La Californie serait-elle touchée par uneépidémied’autophobie?Àmoinsquecesoitmoiquiattirelesjeunesmâlesapeurésparlasolitude?

Alex:votrenouveaumédicamentcontrelesangoissesdelasolitude.

Jeleregardedroitdanslesyeux.

–Jenesuispas inquiète. J’aiconfiance.Tuesunmecbien. Je tedisdoncàdemain,alors.Huitheures.

Chezmoi,lemanqued’Olivermesaisit.Çamerendfolle.Jeviensdepasserunesoiréeagréableavec un beau brun qui a l’air génial. Ce serait tellement plus simple. Tout a l’air si limpide avecArthur.Mais,non!

Arthur est un ami. Il ne fait pas le poids face à Oliver. « Le cœur a ses raisons que la raisonignore»,mediraitMasha.Jepousseunsoupir.

Le lendemainmatin, c’est le rushchezMaxiCoffeeClub.Leprixdu succès.Toujourscette fileinterminablequiserpentedanslarue.Arthuraprissoindenousréserverunetable.Nouspartageonsunmoka, échangeonsnos impressions et filons chacunversnosboulots respectifs.C’est ainsiquenotrepetitrituelquotidiens’estmisenplaceavecnatureletsansambiguïté.Étrangement,jemesens

pluslégère,mêmesiOlivermemanquedemanièrecruelle.

Maisoùest-ilpassé?J’enviensàmedemandersijen’aipastoutimaginé…

Même chez GreenBe, on s’étonne de son absence. Sur les conseils de John (pipelette, va !),Sébastienestcarrémentvenumedemandersij’avaisdesnouvellesd’Oliver.

J’hallucine!

Jel’airenvoyéversPavel.LesdeuxhommessesontpasmalvusavantladisparitiondeLarsen.Legérantnemetientpasdanslaconfidence.Jenesuisqu’unestagiaire,pourlui.

Ettoc!

***

Vendredisoir,9août.LaMaisonBleuesurTelegraphHill.

Deretouràlamaison,jesuisaccueillieparunPost-it:

«Suisenviréeavecmespotes…SeeYoneday!J.»

Traduction:«Jereviendraidansunétatpaspossiblelundimatin.»

Cool.

J’ai lamaisonpourmoi touteseule.Pasdemec,exceptéOscar.Mais lui, ilnecomptepas. J’enprofitepourmettrelamusiqueàfond,BrunoMarsestparfaitpourbiencommencerceweek-endfillesolo. Je vais pouvoir enfin me balader en petite culotte et caraco blanc. Je chantonne tout enesquissantquelquespasdedance.Pourfinir,jemedécideàmefairecoulerunbain.Quandonsonneàlaporte.Coupd’œilauvisiophone…Oliverapparaîtsurl’écran.

Qu’est-cequ’ilpeutvouloir?

L’homme le plus sexy et le plus incompréhensible en personne fait un petit signe courtois à lacaméra. Je manque de m’étouffer. Lui, maintenant, c’est trop fort ! Il disparaît, ne donne plus denouvelles…etlà,commeunefleur,ilréapparaît.Enplus,cen’estcertainementpaspourmoi,maispourJerem.S’ilcroitpouvoirinterromprelasoiréedefoliezenquejem’étaisfixée,ilsetrompe.Jevaisleréexpédierd’oùilvientàlavitesselumière…Expulserlesondesnégatives,c’estaussiçalapositiveattitude!

Ohlala!Toi,tuvasvoir…lacouleurdemesondesdestructrices.

Submergée dans mon envie d’expulser toute cette mauvaise énergie, j’oublie de me changer.Qu’importe!Cebeaumonsieurvafairelongfeu…

Àdemi-nue,jemeplanquederrièrelaporteentre-ouverte,silenceglacialenguised’accueil.Jeme

retiensde le saluer lapremière. Jeveuxgarder les traits lesplus figés, lesplus froidspossible. Jecrispeàfondlamâchoire.

Aïe,aïe,mesmolairesvontéclater.Penseràfairedesexercicesderenforcement…Çapeuttoujoursservir.

–BonjourAlex,fait-ilavecunsourire.

Non,non.Paslesourirequitue.Jenecéderaipas!Jesuisforte.FORTE…

–Bonjour.Oliver.Jeremyn’estpaslà,ilrevientlundi,dis-jed’unevoixaiguë.

C’estquoi,cettevoixperchée?Prochainephrase,ilfautêtredanslesgraves.

Oh!Maislà,c’estmoiquisuisgrave…Jedeviensfolle!

–Jesais,cen’estpaspourluiquejesuisvenu,maispourtoi.JeviensjustederevenirsurFrisco,j’étaisàNewYork.Desaffairesurgentesàréglerausiègesocial,m’explique-t-ild’unevoixcalme.

Toujoursplanquéederrièremaporte,jeledétailledespiedsàlatête.Oliverportelemêmejeanuséquelesoirdubaiser,untee-shirtblancfroissé,desbaskets.Ombréeparunebarbenaissante,samâchoireestencoreplusvirile,plussauvage.Iladescernessouslesyeux,l’airfatiguéetpréoccupé.Ses cheveux en bataille. Une sensualité animale se dégage de lui. Je suis envoûtée, j’ai du mal àdétachermesyeuxdelui.

Tellementsexy…Nepascraquer.Nepascraquer.

Jesouffleunboncoupetlelaisseentrer.Emportéedansmonélan,j’enoubliematenueplusquelégère.Surpris,Olivermefixeavecunregardquimêleétonnementetdésir.Àsontour,ilmescrutedespiedsàlatête.Jevoisbienquematenueminimalisten’estpaspourluidéplaire.

Zut!Ilaoubliéd’êtreaveugle.

Je serre la porte contre moi, je cherche un vêtement. Un imper, un poncho, un parapluie, unskateboard,unebesace,unbonnet…Unpetitn’importequoipourmecouvrir.

Paniquedansmoncerveau,jeparsendélire.

Nada,rien!J’optepourlafuite.Raté!Oliverattrapemonpoignet,ilmefixedroitdanslesyeux.

–Durantcesquelquesjours,j’aitentéd’oubliernotrebaiser,medit-ild’unevoixgrave.

Mufle!

–Ah,bon?dis-jeenfeintantmondétachement.– Pourquoi est-ce que tu n’as pas essayé deme contacter ? Je pensais que tu chercherais àme

relancer.

Nombriliste!Pourquiilseprend?!?

–Jenesuispascommetouteslesfilles!

Ettoc!

–Oui,ça,jem’ensuisbienrenducompte.

Çaveutdirequoiça?

–Cebaiserestuneerreur.J’auraispréférénepasavoirgoûtéàteslèvres,s’enfonce-t-il.

Pourquoi?J’aimauvaisehaleine?

–Deplusenpluscharmant.–Pourl’équilibredeJeremy,iln’estpasjudicieuxquejesorteavecsacolocataire.Tuluiapportes

l’harmoniedontilabesoin.Ilprogresse.

J’aidumalàavalerlapilule.Ilresteplantéprèsdelaporte,samainsurmonpoignet,biendécidéàpoursuivresondiscoursavantderepartiraveclesentimentdudevoirfraternelaccompli.

PapaOliver,tum’agaces,maistum’agaces!!!

–Jeremysembleenfins’accrocheràsesétudes.Jeneveuxpasmettretoutcelaendanger.

Partisursalancée,ils’enlisesansserendredecomptedumalqu’ilmefait.

Tropdrôle!TunediraispasçasituconnaissaislabandedepotesqueJerems’esttrouvéenfacdedroit.!

Fusillant Oliver du regard, je tremble de colère. Cet homme me met hors de moi. J’ai envied’envoyerbaladercetinsolentbourrédecertitudes,maisaussideserrercontremoisoncorpsviril.Mesmainsmenacent de le baffer tandis quemes lèvres ne pensent qu’à l’embrasser.Mes jambesrêventdeluienvoyeruncoupdepiedauxfessespourl’éjecterhorsdecettemaisonmaiségalementdeluisauterautourdeshanchespourmedonneràlui.

Alex:unefillesimple!

–Jeremyestungrandgarçon,ilabesoind’unfrère,pasd’unpère!

D’une démarche féline, il se rapproche demoi. Une vague de désirme submerge. Je sens sonparfum boisé et envoûtant. Un supplice. Je me détache de lui. Je n’y tiens plus. Toute la tensionaccumuléecesdernièressemainesdoitsortir.Jenemaîtriserien.Pourmecalmer,jemedéplacedanslesalonàgrandrenfortdegestes.

–Excusez-moi,monsieur«Jesuisseulmaîtreàbord»,maisunbaiserc’estlarencontredeDEUXbouches, non ? Dans cette histoire, nous sommes DEUX. Tu me dis : « J’ai essayé d’oublier, jen’auraispasdû…»Etsimoi,jenevoulaispasoublier?Jen’aipasmonmotàdiredanstoutcela?

Surpris,Olivermefixeintensément.Jeconnaisleseffetsdecebleuuniquesurmoncerveau…Jefaisquoi?Jevidemonsacenfermantlesyeux?Ridicule!Etmoiquisuistoujoursenpetitetenue.

Jem’enfous.Ilenavud’autres.

Fautquejeresteconcentrée…

Jeneveuxpasdéposerlesarmes,c’esttroptôt.

Eureka!Jefixelabaieetmenourrisdesonénergie.

Je lui tourne donc le dos, les bras croisés, jeme plante devant la véranda. Je continue surmalancée.

–EtchezGreenBe,pasunmot,àpeineunsigne.Unestagiairecen’estpasassezbienpourlePDGd’AlphaMed,hein!

–Ce n’est pas du tout ça,Alex.Au contraire, c’est par respect pour toi que jeme suismontrédiscret.Jesaisquetuesunefilleindépendante.Jenevoulaispasquetescollèguessachentquenousnous connaissons en privé. Tu n’apprécierais pas que l’on te considère comme la petite amie dumilliardaire.Tescompétencespasseraientviteàlatrappe.Tessuccès,etilyenauraj’ensuiscertain,neserontpasvuscommelaconséquencelégitimedetontravail,maisuniquementcommelerésultatd’unerelationprivéeavecmoi.Lesgensneteverrontplustoi,Alex.Poureux,tuserasdésormaislafilleprêteàtoutpourréussir….

Minaavaitraison…C’estpourmoiqu’ilafaitça!

Dansuncoindematête,jenote«petiteamie».Toujoursdedos,jesourisbêtement.Jeluiplaisdonc.Pourtantilregrettenotrebaiser.

Etunecontradictiondeplus!

– Pour tout te dire, je suis préoccupé. Pavel est un filou. Il est en train de négocier avec unconcurrentdansmondos.Il faitbarrageentremoietSébastien, troppréoccupéparsesrecherches.ConnaissantSébastien,ilgobetoutcequePavelluidit.

Ilmefaitconfiance!!!

Jemeretourneenfinverslui.Olivermefixetoujours.Jetombesursesmagnifiquesyeuxbleus,ilsbrillentd’uneintensitéquejen’aiencorejamaisvuechezlui.Unfrissonmeparcourtledos.Jesuistroublée.Ils’approchedemoi,mecaresselevisagetoutendouceur.Savoixdescend,sefaitencorepluschaude.

–J’aiessayéd’oubliercebaiser.Tupeuxmecroire.Detoutesmesforces.Maisàchaquefois,jerepensaisàtapeaudouce,tesyeuxpétillants,àtescilsincroyablementlongs.Testachesderousseur.Tonsourireravageur.Tasouplesseféline…Avecteslignesfinesettoncorpsgracieux,onpourraittecroirefragile,maisnon…Tuesforteetsidifférente.

Je sens la chaleurm’inonder,mais je tiens bon, je ne cède pas. C’est trop facile de disparaîtrecommeça,puisdereveniravecl’excusedufrèreprotecteuretdestonnesdecompliments.Jereculed’uncoup.

J’aimafierté,moi!

–Tuestrèsdouépourcachertonjeu.Jetefélicite.ZéroSMS,tuasoubliémonnuméro?

Raté…Tuparlesdefierté,jesuisincapabledetenirmalangue.Quellecruche!

Oliverestsurpris.Ilnecomprendpas.

–Tufaispartiedecesdroguésdulien?Lasolitudet’angoissecommeJeremy?medemande-t-il,gentimentmoqueur.

Suisjusteaccroàtoi.Crétin!

–N’importequoi!RienàvoiravecJeremy.UnSMSn’ariend’unechaînedebagnard!Tuesunloupsolitaire,pasmoi.

Oliver s’avance lentement vers moi. J’ai le souffle coupé. J’attends ce moment depuis silongtemps.Laproximitédececorpsprovoqueunséismedansmonventre,mesjambescommencentàtrembler.Jefrissonne.Impossiblederesterfâchée.J’aitellementfaimdelui,desescaresses,desoncorps.

–Etpuismerde,Alex.Çasuffit!

Toutendisantcela,Oliversejettesurmoi.Etm’embrassefougueusement.Noustombonsdansuntourbillon. Les piques, les justifications, les arguments… toute cette tension accumulée explose. Ilplaque son corps contre le mien. Feu. Je brûle. Je lui rends son baiser comme une sauvageonne.Chaque parcelle de mon corps est un incendie. Je ne maîtrise plus rien. Je veux cet homme,l’embrasser,lemordre,ledévorer.Jesuisoutofcontrol!

–Oliver…

Je souffle sonnom le tempsd’une respiration,mais déjàOliver reprendmabouche. Je sens salanguesurmeslèvres.Jem’ouvreàelle,àsonjeu.Ilsucemalèvreinférieure.Salanguehabilejoueavec lamienne.Avec douceur, elle la cherche, la provoque, l’évite, la retrouve.Nos deux languess’apprivoisent. J’aime son goût sucré. Elle ne manque pas son objectif. Je tremble, mes yeux seplissent.Ceballetlangoureuxmedonnedesdéchargesélectriquesdanslebasduventre.S’ilcontinueàjouerainsiavecmeslèvresetmalangue,jerisquebiend’avoirunorgasme.Lebaiserorgasmique,unedélicieusenouveauté.

Cethommeestlediable.

Nosbouchessontaimantéespendantquenosmainsexplorentnoscorps.Sapeauchaudeappellemes mains, qui se glissent sous son tee-shirt. La douceur de son torse imberbe m’électrise. Je

frissonne.Mesdoigts s’aventurent surune ligneclairequidescendsous sonnombrilpouraller secachersoussonjean.J’aienviedelui,jeneréfléchispas.Jeluienlèvesontee-shirt,toutenrestantcolléeàsabouche.J’aibesoindesentirsapeaucontrelamienne.Sontorseestdoux.Jesenslabossesoussonjean,jesaisqu’ilaenviedemoi,toutcommemoidelui.

–Tuestellementbelle,Alex,souffleOliveràmonoreille.

Ensorceléeparcettevoixsuaveetchaude,jegémis.Oliverembrassemoncou,mesépaules.Sonparfum réchauffé par notre désir est encore plus enivrant. Samain gauche se pose surma nuque,pendantqueladroitesebaladedansmondos,avantdes’attardersurlachutedemesreinspuissurmesfesses. Il lesdessine, lespalpe, lessculpte. Ilmepressecontresoncorps, toutcontresonsexeéveilléetprêtàl’assaut.

J’airêvécettescènedesmillionsdefois.J’aienviedehurlermonbonheur.J’aideplusenplusdemalàrespirer.Celan’arienàvoiravecnosbaisers.Jegémis.J’enveuxplus.Notredansecommenceà être douloureuse. Ses mains découvrent mes seins, elles les frôlent à travers mon caraco. J’ail’impressionqu’Oliverjoueavecmesnerfs.Jen’enpeuxplusdecettemontéeenpuissance.

–J’aienviedetoi,dis-jed’unevoixfébrile.

Sonregarddebraiseplongédanslemien,ilignoremasuppliqueetretiremonhautavecdélice.Cequ’ilvoitsemblel’émerveiller.

–Tes seins sontmagnifiques.Merveilleusesperfectionsde lanature, ils s’adaptent à la tailledemesmains.

Enfin,sesmainscaressentmapoitrine.Ilsaisitmestétonsgonflésdeplaisirduboutdesdoigts.Jegémisdepuisletréfondsdemesentraillesenfeu.

–Tesgémissements…Alex,tumerendsfou.

Jeme laisseporterparmondésir.Tout encaressantmes seins, il retrouvemaboucheavide. Jesaisissesfessesfermesetpommées,jemebaladelelongdesondosmagnifique,jepalpesesbiceps,sanuque…Jesenssesmusclesvibrersousmesdoigts.Jemeremplisdessensationsdébridéesquececorps finement ciselé et musclé m’apporte. Je m’enivre de sa force, de son odeur épicée. Il esttellementexcitant!

Sonjeancontremapeaudevientunetorture,ilm’irrite.Jedéfaisl’unaprèsl’autrechacundesesboutons.Ravidemonaudace,Olivermelaissefaire.Poursonplusgrandplaisir, ilseretrouveenboxermoulant,lejeanausol.Toutd’uncoupconscientedecequejeviensdefaireeteffrayéedemapropreinitiative,j’hésiteàmesaisirdel’élastiquelibérateur.Oliverguidemamainverscedernierrempartdetissu.Ilmesouritavantdememurmurer«oui».

Entièrementnu,monamantapparaîtdanstoutesabeauté.Sondésirflamboyantestmagistral,àtelpoint qu’il m’impressionne. Il me fait presque peur.Mes jambes sont en coton.Mon cœur bat lachamadeautantparexcitationqueparcrainte.Sexy,beaucommeunange,ilestsurtoutextrêmementviril.

–Àtontour,maintenant,m’annonce-t-ild’unevoixsuave.

Ilm’embrasseànouveau.Ses lèvresgourmandesseposentsurmabouche,moncou,messeins.Puis ils’accroupitdevantmoi.Jecaressesescheveuxsoyeux,sanuque, jeprendssonvisageentremesdoigts.Oliverredresselatêteetmelanceunregardpleindedouceuretdedésir.

Cethommeestdivin.

Puisilreprendsesbaiserslangoureuxsurmonventre,approcheseslèvresdemonslip,embrassemonpubisavantdeseposersurl’endroitlepluschauddemoncorps,toujoursàtraverscemorceaudecoton.Jouantleurproprepartitiondemusique,sesmainssefraientuncheminentremesfessesetleborddemaculotteavantdelafaireglisseravecdextérité.L’unedesesmainsglisseversl’intérieurdemescuisses.

Sesdoigts s’immiscentdansmon intimité. Je suis à lui. J’ai l’impressionquemoncœurpalpitedanslefonddemesentrailles.Samainpassedemonsexehumideàmahanche,puisremontesurmesseinstendusparledésir.Mesgémissementsl’encouragent.Saboucheseposesurmonsexe.Jesenssalanguesurmeslèvres,illeslèche,megoûte,puistitillemonclitorisgonflépartantd’attention.Jenepeuxm’empêcherd’onduler.Monbassins’adapteàsacadence.Jesuisbrûlante.Jevaisexploser.Ilnepeutpass’arrêterlà…Jegémis,j’enveuxplus.Jeleveuxenmoi.

Oliverseredresseetmesoulèvesanseffortcommeunepoupéequ’ilposeavecdélicatessesurlegrand canapé. Je panique. J’ai perdu le contact.Mon cœur cogne, je vais mourir si tout s’arrête.J’aimesoncorps,j’aibesoindelui.Jemeredresse,jeluiprendslamain.Jeveuxl’attireràmoi.

–Continue,nem’abandonnepas,murmuré-je,haletante.

Ilmeregarde intensément,sesyeux illuminésd’uneflammeinconnue jusque-là. Ilmedévore labouche,lesépaules,lesseins.Marespirations’accélèrequandilemprisonnemonseingauchedanssamain,ilattrapelemamelon,lesuced’aborddélicatementpuislemordille.Lejeuseprolongeavecl’autre sein. La tension est extrême, la douleur étrangement délicieuse me fait cambrer. Elle serépercutedansmonventrequis’impatientetoujoursplus.Ilabandonnemonseinpourmabouche.Sesbaiserssefontplussauvages,salangueconquérantes’emparedelamienneimpatiente.

Ils’allongeenfinsurmoi.Jecroismadélivranceproche…MaisOliverenadécidéautrement,ilveutfairedurer leplaisir.Peauàpeau.Jesenssonbrûlantsexeenérectioncontremonpubis.Ilsefrottecommes’ilvoulaitmerendrefolle.Sonsexem’attire,j’aibesoindeletoucheretdelecaresserdélicatement.J’entameunva-et-vientlent,provoquantdesgrognements.D’unseulcoup,ilarrêtemamainetselève.Unenouvelletorture.Moncorpsleréclame.Jeleveuxenmoi!Frustrée,c’estàmontourdegrogner…Cequiprovoqueunsourireespièglechezmonapollon.

–Zen.Jeveuxjustenousprotéger.

Ildisparaîtdusalon,jel’entendsfarfouillerdanslachambredeJeremyetreveniravecuneboîtedepréservatifsqu’ilmemontrevictorieux.

Alléluia!

Deboutdevantmoi,jenepeuxquedévorerdesyeuxcecorpsmagnifiquementsculpté.Desépauleslarges,unetaillefine,desabdominauxdessinésàlaperfection,despectorauxsaillants…unphysiquede dieu antique.De son côté,Oliver semble apprécier un autre spectacle, celui dema nudité. Sonregardardentdétailleavecdélicemonanatomie.Suruntongraveetfébrile,ilmedit:

–Tuesplusquebelle,Alex.Tuesmagnifique.Jepourraisteregarderpendantdesheures.

Le sang bat dansmes tempes, je rougis, tout d’un coup intimidée par cette déclaration.Mais ledésirreprendledessus.Jeveuxl’embrasserànouveau,jeveuxsentirsaforceenmoi.Oliverenfileun préservatif sur son sexe dressémajestueux. Il revient surmoi pour le corps-à-corps ultime. Jefrémissouscetassaut.J’écartemesjambespourmieuxl’accueillir.Tropexcitépourjoueraujeudela tentation,Oliverneprécipitepaspour autant son entrée.Sapénétration au ralentimepermetdem’ouvrirunpeuplusàlui.Jelesensgorgédedésirpourmoi.Enfin!Nousnefaisonsplusqu’un.Lemouvement de ses hanches sur moi est doux. Il entre et sort sans précipitation. Il se retient. Jel’accompagnedemonbassin.J’onduleàsonrythme.Jem’accrocheàluipourmieuxleretenir.Mesjambesl’entourent,jeveuxlesentirplusprofonddansmonintimité.Jeretrouveseslèvrespourunbaiserfougueux,noslanguess’emmêlentavecavidité.

Lemouvementsefaitpluspuissant,plusrapide.Notredansetoujoursplusintimes’affirme.Moncœur est prêt à exploser. Je perds pied sous l’effet d’un feu indécent que son sexe provoque danschaqueparcelledemon intimitébrûlante.Jegémis.Oliverhalète.Jecrie. Ilgrogne.Jenecontrôleplusrien.Soudainunfrissonsansnomparcourttoutmoncorps,monsexesecontracte,avantdeserelâcher.JejouisquelquessecondesavantOliver,quipousseuncrirauquedeplaisir.Notreorgasmeestdélicieux,infini.Jeressensunsentimentdeplénitude.Jesuisbien.

Lenirvanaexiste!

Iln’estplusenmoi,pourtant je lesenstoujours.Chaqueparcelledemoncorpsvibreencore.Jesuisauseptièmeciel.Épuisée,jenepeuxm’empêcherdemedemandercequej’aifaitpourséduireunamantaussiunique.Oliverretrouvesonsouffle,sarespirationsefaitpluslente.Jesenssesdoigtsquicherchentmamain.Cegested’uneinfinietendressem’émeutplusquetout.Àtelpointquejenepeux réprimer quelques larmes. Heureusement, la nuit est tombée, le salon est plongé dansl’obscurité.J’aitroppeurqu’ilsemoquedemonhypersensibilité.

Jeglissedoucementvers lesommeil,quand je sens lamainhabiledemonamantexplorermonintimité.Moiquilacroyaisendormie,ellen’étaitdoncqu’assoupie.Jesuisrapidementtrèsexcitée,monclitorisestgonflé.J’enveuxencore.Oliverluiaussiaretrouvésapuissance.Jesenssonsexepleindeviecontremacuisse.

Jemecolleàlui,jeveuxunbaiserenflammé.Ilrépondàmonenvie.Ilplaquesaboucheavideetvoluptueuse contre la mienne. Je mordille ses lèvres, ma langue enlace la sienne. Notre baisersauvageélectrisechaqueparcelledemoncorps.Sesmainssurmapeaubrûlantemerendentencoreplus folle. Il emprisonne mes seins, les malmène, les cajole… Désir brut. Mes doigts enfiévrésglissent dans ses cheveux doux, se perdent sur sa nuque, s’enfoncent sur ses biceps, son dos. Seslèvresmequittent.

–Alex,j’aisifaimdetoi…gémit-ild’unevoixrauque.

Entourésdel’obscurité,nousrepartonsfébrilespourunenouvellechevauchée.Cettefois-ci,monamant passionné se montre plus impatient. Je l’entends déchirer prestement l’emballage d’unpréservatifavantdel’enfiler.Sonassautsefaitdirect,Olivermepénètreavecardeur.Mesmainssecrispentsursesfesses.Jem’accrocheàluidetoutesmesforcespourmieuxlesentir.Jeleveuxauplusprofonddemoi,encoreetencore.Monbassinaccompagnesonva-et-vientvigoureux, intense.Nossoupirs,noshalètements,noscris,notresueur…l’embrasementdessensestunenouvellefoistotale. Quelques minutes plus tard, notre jouissance simultanée nous terrasse. Deuxième orgasme.Moncorpsn’estpasprèsdedemandergrâce,ilenredemande…Lanuitprometd’êtreinoubliable.

8.Nejamaissefierauxapparences

Samedi10août.LaMaisonBleue.

Leparadisexiste.J’ysuis!Jeflottesurunpetitnuagerose.Jeviensdepasserunenuittorrideavecleplusbelhommequ’ilm’aétédonnédevoir.Jenepensaispasêtrecapabled’atteindrelessommetsde la jouissance plusieurs fois dans lamême nuit. Erreur !AvecOliver,ma nuit a été explosive !Magique!Magistrale!Unique!Lecanapédusalonmaisaussimachambretémoignentdenotrenuitincroyable.Disséminéssurleparquet,desoreillers,undrap,lesrestesd’unplateau-repasimproviséaux petites heures…mais aussi ma grosse peluche monstre déglingué (un cadeau fait maison deMina),mongrosballondePilates,matonnederomans(lus,àlireetencoursdelecture),matablette,mesbaskets,descarnets,despola….Pourêtrehonnête,jenepeuxpastoutmettresurlecomptedenotrenuit.Avantnosébatstumultueux,machambreavaitdéjàtoutd’unchampdebataille.

Résolutionpourlenouvelan:êtremoinsbordélique.Justeunpeu.

Heureusement,Olivern’apaspuserendrecomptedetoutcela.Ilfaisaittropsombre.Maislà,jesuiscuite.Jem’enveuxdeluidonnercetteimage.Pourautant,jen’aiaucuneenviedemeleverpourranger.L’instantprésentseulcompte.J’aitroppeurqu’ilseréveille.Monbelamantestlà,àcôtédemoi,allongésurledos,nu,endormidanscettechambreenvahied’unedoucelueur.

Papillonsdansleventre,leretour.

Ilrespiredoucement,levisagepaisible.Jenecomprendstoujourspasl’effetquejeluifais.Ilpeutavoirtouteslesfemmes,lesplussophistiquées,lesplusbelles…pourtantilestlààcôtédemoi.C’estdansmachambrequelewonderboydelapresseécodortpaisiblement.Perduedansmesréflexions,jeneremarquepasleréveildudormeur.

–Bonjour.Tuesradieuse,Alex,meditmonbelOliveravecunsourireenjôleur.

Sesyeuxbleussontmagnifiques.Jenepeuxmedétacherdecetocéan.Unevaguedechaleurmesubmerge.

–Tuyespourquelquechose,dis-jeavecunclind’œilpleindesous-entendus.–Etpourtantjelisdanstonregardquequelquechosenevapas,s’inquiète-t-il.–C’estcecapharnaüm…jemedisquecen’estpastrèsvendeur,dis-jesuruntonpenaud.–Oh,non.Celafaitquelquesminutesquejeprendsplaisiràleregarder,cebordel…Tonbordel

rempli de toi. Tu n’as jamais envisagé d’en faire une installation pour une exposition d’artcontemporaindansunegaleriebranchée?semoque-t-il.

–Bonneidée.J’yajouteraismêmetonboxerpourquel’œuvresoitplusaboutie,répliqué-je.

Nouséclatonsderireàl’unisson.

–Jesuiscertainquechaqueobjetmeracontequelquechosedetoi,detavie…Commecettetonnedelivres.J’yvoisMadameJe-lis-en-marchant.Tudevraisd’ailleurst’inscrireaulivredesrecords:jeneconnaispersonnecapabledelireetdemarcherenmêmetemps.

–Commenttusaisça,d’ailleurs?Tunem’espionneraispas,parhasard?–Le hasard des rencontres heureuses,mademoiselle Sérendipité. Je t’ai croisée dans la rue.Tu

étaissur le trottoiropposé.J’aieubeau te fairesigne, tunem’aspasvu.Tuétaisplongéedansunlivre.Jen’aipaspum’empêcherdet’observerdurantquelquesminutes.Jet’aitrouvéefascinante!

Aprèscetteconfidence,Oliverpoursuitl’explorationdemondouxbordel.Sonregardseposesurmonobjetleplusprécieux.J’anticipesaquestion.

– C’est ma fée Clochette. Mon porte-clés magique. Aujourd’hui, cette petite figurine est toutemochouille,décolorée.Maispourrienaumondejeneveuxm’enséparer.C’estmamanquime l’aoffertquand j’avais8ans,à lamortdemababouchka,magrand-mère russe.Enme l’offrant,ellem’adit:«Commeça,Baboussianetequitterajamaisetveillerasurtoi.»

Visiblementattendri,Oliverm’attireàluietmeprenddanssesbrasmusclés.Ilm’embrasseavectendresse.

Jefonds.

–Etcetrucmonstrueux?

Oliverfaitmined’êtredégoûtéenpointantdudoigtmonhorriblegrossepeluche.Jerigole.

–C’estBernard,mapeluchedéglinguée.MacopineMinamel’afaitejusteavantmondépartpourSanFrancisco.

Tout en lui racontant, je prends Bernard. Je pense àMina, quimemanque… J’enfouisma têtecontreletorsed’Oliver.Sonodeurvirilemerassure.

Cepremiermatins’écouleaugrédeshistoires,desanecdotesquejeraconte.Olivermeposemillequestions. Je luidonnedesboutsdemaviebanale,normale.Mesparents,macopineMina…Toutcela n’a rien à voir avec la vie d’un milliardaire, mais Oliver m’écoute, intéressé. Sa voix esttoujoursdouce.Sesyeuxcaptivésnemequittentpas.

Tard dans la matinée, nous décidons de filer sous la douche. Nos étreintes multiples nous ontdonné une allure de vrais sauvages.Cheveux hirsutes, transpiration…Le côté sensuel de l’animaltrouvelàseslimites.

–Lagestiondel’eauestuneaffairesérieuseenCalifornie…

Endisant cela les yeux plein demalice,Oliverm’attrape lamain etm’emmène dans la doucheitalienne.Jepouffecommeunegamine.Pourl’heure,noussommesdesenfantsamusésetdesamantssages. Fourbus, nous avons besoin de recharger nos batteries. Quelques minutes plus tard, noussommesfraisetdispospourpartiràl’assautdelacuisine.Petitdétourparlesalonpourpiquerletee-shirtd’Oliveretlaissermonbelamantenfilersonjean.

Nousimprovisonsunrepasavecdesrestesdiverstrouvésdanslefrigoetleplacard.Ilyamêmedequoifairedesfondantsauchocolat.OliverpiqueunebouteilledevincaliforniendanslacavedeJerem.Lerepassepoursuittranquillement.Noscorpss’apaisent.Nouscontinuonsàprofiterdenotrebulledebonheurhorsdutemps.Aumomentdudessert,jelanceinnocemmentunsujet:

–Onabeaucoupparlédemoi.Enrevanche,jenesaisriendetoi,ousipeu.Cen’estpasjuste,jetrouve.Raconte-moitonenfance, tesparents.Oùas-tugrandi?Est-cequetuavaisunsurnom?Unanimaldecompagnie?

–Toutcelan’aaucunintérêt,Alex.Jepréfèrenepasenparler.–S’ilteplaît,Oliver,nefaispasça…

Sonvisage se ferme. Il s’éloigne toutd’uncoupdemoi, le regardperduquelquepartdans sonpassé.

Mauvaiseidée!Jediraismêmetrès,trèsmauvaiseidée.

– Je suis né dans une grande famille aisée. J’ai bénéficié d’une éducation bourgeoise classique.Mon enfance est d’une banalité absolue. Tout cela n’a rien d’excitant. Je ne regarde jamais enarrière…Celafaitbienlongtempsquejem’assumeseul,meraconte-t-ilsuruntonneutre.

Toutcelaestbienvague.Sonregardesttriste.Jedevinelesujetdouloureux.Moninstinctnemetrompepas,j’ensuisconvaincue.Ilyalàuneblessurequifaitencoremal.J’aienviedeleprendredansmesbras,del’embrasser.MaisOlivers’estcloîtrédanssonrôledesuperhérosinvincible.Monbeauchevalieraremissagrossearmure.Ilestloindemoi.

–Lesujetestclos.Jeveuxfairehonneuràtondessert.

Entroisbouchées,lefondantestenglouti.Oliverafficheunairradieux.

–C’est délicieuxTu es douée. Je comprendsmaintenant pourquoi Jeremy semble avoir pris dupoidscesdernierstemps!Iléclatederire.

Ettoi,tuesdouépourchangerdesujet.

Jen’insistepas.Unjour,ilmeferapeut-êtreconfiance.J’attendrai.Jesaisêtrepatiente.

Lasonneriedesonportablenousfaitsursautertousdeux.Audébutdel’appel,jelevoissouriant,mais il crispe rapidement la mâchoire. Ses traits se durcissent. Les nouvelles ne doivent pas êtrebonnes.

–Paslui?OK.Kate,merci.J’attends,annonceOliversuruntonsec.

Quic’est,celle-là?Jalouse,jesuisjalouse.

–Riendegrave?Tuveuxmeraconter?Jevoisbienquetuescontrarié.Tupeuxteconfieràmoi.Jeseraimuettecommeunetombe…dis-jeenm’approchantdelui.

Aulieudelesoulager,mapropositionatoutl’effetinverse.Oliversecrispeencoreplus.Sesyeuxbleussontpolaires.Ilmefixefroidement.J’étouffefaceàcenouveaumurdesilence.

Eh!Nemeflinguepas.J’airienfait,moi!

Sonportablesonneànouveau.Oliverregarde,puistapotedirectementunnuméro.Cettefois,c’estmonportablequivibre.Jeneregardepas.Cen’estpaslemoment.

–Tudevraisrépondre,melanceOliverimpératif.–Ah?C’esttoi?Tuviensdem’envoyerunmotdoux?

Sotte!Aveclatêtequ’ilfait,ceseraitvraimentdébile.

Surmonécran,unMMStransféréparOliver.Enouvrantlecontenu,jedécouvreunephotodemoietArthurtoutsourireprenantlecaféauMaxieCoffeeClub.

Soulagée,unbrinflattée,j’éclatederire.

–Tuesjaloux?Tum’asfaitsuivre?–Non,c’estuneamiequivousasurpris.Etcen’estpastoiqu’ellevisait,c’étaitl’hommeavectoi.

Médusée,jeregardeOliver.

–Jen’ycomprendsrien.Tuparlesd’Arthur?–Laquestionn’estpaslà.Est-cequec’esttoi?Insiste-il,toujoursplusrigide.– Ben, oui ! Tu vois bien…Le charmantmonsieur à côté demoi, c’est Arthur. Ça te pose un

problème?–Arthur !Arthur !Arthur !Oliver répète ceprénomsur un tonglacial.Ses traits se crispent à

chaquefoisqu’ilprononceceprénom.

Qu’est-cequ’ilaàscanderceprénomcommeça?

Pourquoicetonglacial,dominateur?C’estcomplètementridicule…Jememordsleslèvres,toutcelam’inquiète.MaisOliverneveutpaslâchercettehistoire.Bienaucontraire.

– Vous avez parlé de quoi ? Qu’est-ce qui pouvait être à ce point passionnant dans vosconversations?

–Jenesaisplus.Sansdouteavons-nousparlédelittérature,cinémaouencoredelaville.Cegenredediscussionquedesgensciviliséspeuventavoir,tuvois?lâché-jeagacée.

–Ilfaitquoidanslavie?poursuit-iltoujoursaussifroid.–Saispas,réponds-jetoutensecouantlatête.–Ilvientd’où?–Dequelquepart…–Tuluiasparlédeboulot?–Certainementpas.Monboulotnemedéfinitpas.J’aiunevieendehors,contrairementàcertains!–Jenecomprendspascequ’ilteveut…

Siça,cen’estpasunemégacrisedejalousie…çayressemblevachement.

Mesjouessontbrûlantes,mesmainstremblent.Ildépasselesbornes.Stop!J’explose.

–Çavapas?Tudéconnes,là!Tuviensdecoucherunefoisavecmoiettucroisquetuvasmefaireunescène?Ouic’estmoiavecunHOMME!Etalors?Onprendlecafé.C’estunami,ungarscool avec qui j’aime discuter. Tume fais peur, Oliver. Tu sais la Californie est réputée pour sesthérapeutes.Tuenasvisiblementgrandbesoin!asséné-jefurieuse.

Les mâchoires au bord de l’explosion, à force de les crisper, Oliver s’empare de ses baskets.Torsenu,ilcherchesontee-shirt.Ilmefixeavecunregardglacial.Jehausselesépaules,leregardepleindedéfi.

Noproblemo.Aprèstoutilm’avuetoutenue!

Jeluibalanceleboutdetissuàlafigureettantpissijemeretrouveenpetiteculotte.Oliversortdelamaisonsansseretourner.Claquelaporte!

Le souffle coupé, anéantie par ce qui vient d’arriver, je laisse exploser ma colère mêlée detristesse.Deslarmesenvahissentmonvisage.Oliverestjaloux,ilpensequejel’aitrahietmoi,jen’ycomprendsrien.

Je suis seule dans la Maison Bleue. Silence de mort. Après le paradis, ce dimanche a tout ducauchemar.Jerevoismonjugement.

Jedétestelesweek-ends!

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Egalementdisponible:

SecretLove,vol.2

AlexvaenfindécouvrirquiestOliver,lefrèredesoncolocataire…Maisquandvientlemomentdesprésentations,lajeunefemmeeststupéfaitederessentirunetelleattirancepourcethommeaussiagaçantquesexy.Enplus,Oliverestunrichissimebusinessman,l’undescélibataireslesplusenvuedelacôteOuest,etsurtoutleconcurrentdel’entrepriseoùelletravaille.EntreOliveretAlex,malgréuneattirancemagnétique,touterelationparaîtimpossible:Olivernepeutserésoudreàsortiraveclacollocdesonfrèreetencoremoinsavecuneconcurrente!Nepouvantrésisteràleurdésirdévorant,lesdeuxamantsseretrouventdevantundilemme:renoncerousecacher.Commencealorsunjeude«suis-moi,jetefuis»oùsentimentsetraisonsedisputentlavictoire.

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

DécouvrezRésiste-moi,deLisaSwann

EXTRAITRÉSISTE-MOI

Vol.1

1.Cecin’estpasunecoïncidence

– Mais qu’est-ce que tu fais habillée comme ça ? demande Irina, ma sœur cadette, quand jedébarquedanslacuisinedelamaison.

Jesecouelatêteetlèvelesyeuxaucielavecunemoueagacée.

–Comme si je ne faisais jamais de sport… jemarmonne enme servant un grand verre de jusd’orange.

–Pasdansune tenueglamourcommecelle-ci,me répond Irina.Tuvas courir ?C’est nouveau,toutescescouleurs?

C’estdoncicilesnouveauxlocauxduKGB…

Jesecouelatêteengrommelantun«mouais».

Ducoindel’œil,jecherchelechiendemafillequidoitsecacherdansuncoin,quandsoudainmamèredéboulecommeunchard’assautcustomiséFlowerPower.Elleressembleàuncroisemententreuneguerrièreféministeetunechamanehippie.

JevousprésenteNadiaProvidence,ladoyennedecettemaisonnée–3femmes+1fillette+1chien–domiciliéedansunetownhousedeBrooklyn.

Elleagitelesmainsdevantsonvisage,lesdoigtsenéventail,puisprendl’airinspiré,lespaupièrescloses.

–Jevois…murmure-t-ellesuruntonmystérieux.–Tunevoisrien!Tuaslesyeuxfermés,maman!jelancedepuislecomptoirdelacuisine.

Nadiaouvrelesyeuxetmedécocheunregardnoir.

–Jevoisdesturrrbulences,uneperrrrsonnequiseprrrrendlespiedsdansunecorrrrde,duverrrt,continue-t-elleenroulantexcessivementlesrcommeàchaquefoisqu’elleestsur lepointdenouslivrersesvisions.

Jenesaisvraimentpascommentjefaispourendurercepetitcinémamatinaldepuisvingt-huitans,jenesaispascequejefaisencorelààvivreavecmamèreetmasœur,alorsquejesuismamanetquema fille de 10 ans aurait bien besoin d’un peu d’air –Etmoi alors ! – et d’une ambiance moinsféminineetmoinsextravagante.

OK,jefaispartiedudécor.Àmafaçon,jenedoispasdétonner…

Mamère,lesyeuxdenouveaufermés,inspireprofondément.

–Jesens…recommence-t-elle,tellelaPythiedevantlesentraillesd’unevolaillesacrifiée.–Tusenslecafé!dis-jeenposantdevantelleunmugquejeviensdeluiremplir.

Unénormesourires’épanouitsurseslèvres.

–Mercimafillechérie,roucoule-t-elleens’installantenfaced’Irina.

Edgar, lebasset hound, cet animalprochedumeuble, passe la têtedans la cuisine avec samineabattuehabituelle.Jelecoinceminederiendanslecouloirpourl’empêcherdem’échapper.J’attrapesalaisseaccrochéeauportemanteau.

Mongars,j’aibesoind’unalliécematinetc’esttoiquit’ycolles!

–Jesorslechien,jevaisenprofiterpourcourir,jelanceauxoccupantesdelacuisine.

J’entends,delàoùjemetrouve,quel’activitésesuspenddanslapiècevoisine.Jepeuximaginermamèreetmasœurquisedévisagent.D’abordjenecoursjamais.Jesuissportive,certes,maislacourse,c’estcommentdire…tropbasique,tropsimplepourmoi.Ensuite, lechienetmoi,onn’estpas forcément les meilleurs amis du monde. Edgar est un peu comme ces plantes que j’oublied’arroserparcequejesaisqu’ilpleuvraunjour…

Violetsepencheà laportedelasalledebainsdurez-de-chaussée.Masuperbeenfantn’aquelamoitiédesacrinièredetressée,l’autreparties’élevantdansl’air,électrique,ensuivantlasavanteraieenzigzagqu’elles’estdessinéesurlecrâne.Commentmafillepeutpasserautantdetempsdevantlaglacequandmoi,samère,jedaigneàpeinebrossermescheveux…

–J’aidéjàsortiEdgar,Mum!

Ellemefixe,bouchebée.

–C’estquoi,cettetenue?medemande-t-elleens’approchantdemoipourtoucherletissuhypercolorédemonbasmoulant.

–C’estune tenuepourcourir,machérie, je répondsendéglutissant.C’est incroyable, cematin,vousaveztoutesl’airdedécouvrirquejefaisdusport!

–Nonmaisd’habitude,tun’enfaispascommeça…pashabilléecommeune…vraie…euh,c’estpasunpeusupermoulantcetruc,non?

J’aimemafille,c’estfou,jeseraiscapabledetuerpourelle,maisfranchement,ilyadesmatins,elleestvexante…Jenesaispascommentelleparvientàtoucherjusteoùçapeutfairemal.

–Pasplusmoulantquecequeportelamajoritédesfemmesquejerisquedecroiserdanslarueencourant,jerétorqueavecunecaresse,unpeucrispée,surlajouedeViolet.

–C’estjustequec’estraredetevoiraussi…apprêtéeseulementpourfairedusport.–OK,OK,malouloute,jecroisquevousm’aveztoutesbienfaitpasserlemessagequematenue

estunpeu…voyante…parcequejenevoudraispascroirequevousessayezd’insinuerqu’ellenemevapas…

Àforcedeparlerdematenuederunningenélasthannebrillantfuchsia,turquoiseetjaune–oui,jesais, ça fait beaucoup de couleurs pour un seul corps ! –, je me demande si j’ai bien fait en lachoisissantàlahâtedanslemagasindesport.Parcequ’êtrevue,oui,c’estlebut,maisêtrerepéréecommeunphareparnuitnoire…

–Jevaiscourir,dis-jeenmepenchantpourembrassermafillesurlefront.–Edgarestdéjàsorti,merépèteViolet.

Lepauvrechienmefixeavecsesyeuxdedépressifs.

Pasdecomédie,monvieux,tufaispartieduplan,tunemelâchespas!

–Unpeud’exerciceenplusluiferaleplusgrandbien,ilestgrascommeunloukoum,jerépondsenluiaccrochantlalaisseaucollier.

Edgarserépandaubasdesmarchesduperroncommes’ilétaitenguimauve,puisilsecouchesurleflanc.Jejetteuncoupd’œilàmamontreetjelefixe.

–Merde,mefaispasuncoupcommeça,vieux…Allezfaitunpetiteffortjusqu’aucoindelarueetjetepaiedesdonuts.

Aprèscinqminutesdelutte,jeperdspatienceetnousprenonslebusjusqu’àProspectPark.

Ce dimanchematin commence à prendre des airs de galère et jeme demande bien ce qui peutclocher chezmoi pour que j’en arrive à cette situation débile, à savoir aller courir un dimanchematin,alorsquejedétestelesjoggersdudimanche,dansunparcremplidecettefauneencompagnied’unchienavecquijenem’entendsquesurunechose,àsavoir:lejogging,c’estnaze.

Dans Prospect Park, j’en arrivemême à porter Edgar jusqu’à l’endroit précis où j’ai prévu demonterlagarde.

Jeposemonbagageàpattesprèsd’unbosquet,pasloind’unbancetd’unvirageducheminquimelaisse assez demarge pour voir arriver celui que je compte bien accoster « par hasard » et qui,d’aprèscequej’aiapprisdeseshabitudestrèsprécises,quasiobsessionnelles,nedevraitpastarderàdéboulerentrottinant.Jeconsultemamontre.J’aiàpeinecinqminutesdevantmoi.Jejetteuncoupd’œilàEdgar,pantelant,àmespieds.

–Oh,arrêtetoncirque,tuveux!C’estmoiquidevraistirerlalangue…

Évidemment,jenepeuxpascomptersurcechienpourfairecommes’ilprenaitplaisiràgaloperàmescôtés.

Merde,merde,ilfautquejetrouveunplandesecours!

Etvite, car levoilà !Pasdifficiled’ailleursde le reconnaître,mêmeenpleineffort, ce typeestaussi séduisant qu’au repos, en costume. Brun, grand, épaules massives, cuisses musclées, desécouteurssurlesoreilles,mâchoiresdéterminéesetyeuxvertclair.C’estpasvrai,lesdieuxluiont

donnélesuper-pouvoirdenepastranspirer!Onsecroiraitdansunepubpouruneeaudetoilette.Cetypedonnel’impressiondenecourirquedepuiscinqmètresalorsque,toujoursd’aprèsmessources,ilenestauxtroisquartsdesonparcoursdominical.

J’avais prévu de me mettre à courir en amont de lui et de jouer la surprise en le voyant medépasser,genre«DocteurBoyd?Quellecoïncidence !»,peut-êtrede lâcherEdgar sur ses talons,tout celan’était pas très clair,mais lemoinsque l’onpuissedire, c’estqu’àquelques secondesdupassagedel’objetcourantidentifié,jevaisdevoirimproviser.

LedocteurBoydestmaintenantàtroismètresdubosquet.Jeprendslalaisseàdeuxmains,Edgarsurprisseredresseetjelebalance–enl’aidantunpeudupied–horsdesfourrésaubeaumilieuduchemin. En même temps, je fais mine d’être à sa poursuite, comme si cette bête sauvage etterriblementénergiquevenaitsubitementd’échapperàmoncontrôle.Cenuméromesembletoutd’uncoupbiencompliqué,maisdans lemouvement, sansdouteque lebeaudocteurBoydn’aurapas letemps de relever les incohérences. Notamment que mon empressement est bien disproportionnédevantl’airapathiquedemonchien.Quoiqu’ilensoit,mêmesiçanesedéroulepascommeprévu,jeparviensà stopper la trajectoiredu sportif.Bon,pasvraiment élégamment,mais cequi compte,c’estlerésultat.

Aumomentoùjemeprécipitehorsdubosquet,ledocteurBoydaévitél’obstacleEdgarenfaisantunécart.Illanceun«Hé,tenezvotrechien!»mécontent.Etj’auraispuenchaînersurlatiradequej’avaispréparésiEdgarn’avaitpassoudainreprisvie,opéréunvolte-faceetentreprisdesevengerentournantautourdemesjambes.Mevoilàligotée.Résultat,jebasculeenpiaillantetj’essaiedemerattraper au bras du docteur Boyd. Enfin la théorie des dominos se confirme, Edgar s’affale, jem’étaleetBoydbascule.

Saufquel’hommeprocèdeàunesortederoulé-bouléhypersouplequ’iladûapprendreencoursd’arts martiaux là où moi, je m’écroule comme une gourde qui aurait d’un coup tout oublié del’équilibre.Jefermelesyeuxdehonteenpriantdem’autodétruiresurlechamp.

–Vousvousêtesfaitmal?medit-ild’unevoixpréoccupée.Vousavezdéchirévotrecollant.

Jeplisseencorepluslespaupières.Jeneveuxplusjamaisrouvrirlesyeux.

–Mais,onseconnaît,non?

Dieun’existepas,onnedisparaîtquedans les films, j’ouvre lesyeux, inspireprofondément, etprendsunepetitevoixdesouris.

–Oh,docteurBoyd?Quellecoïncidence…

Il est au-dessus demoi, ilme fixe, il est juste superbemêmevu sous cet angle.Onpourrait secroiredansunecomédieromantique,voussavez,lascèneoùlesdeuxhérossetombentlittéralementdessus.Lecoupdefoudreetc.Çapourraitmaiscen’estpasça.Ilfautquejevousracontecommentj’ensuisarrivéelà,leschevillesligotéesparlalaissedecetimbéciledebasset,avachieauxpiedsduséduisantDrCliveBoyd.

Allez, jepasseauxaveux,çafaitpresqueunesemaineque jefilece type telleundétectiveprivéamateur. Et ne croyez pas que je sois une dangereuse sociopathe ou une admiratrice obstinée. Cethomme n’a rien d’une star, il est chirurgien esthétique. De renom, certes. Quant à moi, je suispsychologue.Jesais,onnediraitpasquandonm’imaginedanscettepostureinconfortable,l’airpasmalin,lesmainspleinesdeterre,lecollantcraqué,àessayerdefairel’innocente.

En fait, j’auraisdûcommencerpar ledébutde l’histoire, il y aunedizainede jours, dansmoncabinet.

***

J’ouvre la porte qui donne sur ma petite salle d’attente. Une jeune femme blonde se lève,visiblementnerveuse,sonsacserrécontresapoitrine.

–BonjourMimi,dis-jeavecunsouriresincère,enluitendantlamain.

MimiBringsestmadernièrepatientede la journée.Taillemoyenne,silhouette très fine,elleesttoujoursapprêtée,toujourssoucieusedesonapparence.Bientropd’ailleurs,etc’est laraisonpourlaquellejelavoisdepuisquatremois.

Mimis’installesurlecanapéfaceaufauteuilquej’occupe.Jeluilaisseletempsdeseposer.Jelacouvedemonsourire.Ellen’apasl’aird’allerbien.

–Mimi?dis-jed’unevoixdouceenmeretenantdeclaquerdansmesmainspourlafairesortirdel’étrangetransedanslaquelleellesembleplongée.Commentallez-vous,Mimi?

Jemedétendsquandjelavoisrespirerplusprofondément.

–Jevousaiparlédel’opérationquejevaissubir?demande-t-ellecommesionnesevoyaitpasrégulièrement,cesdernierstemps.

–Ilmesemblequeoui,Mimi.Cellepourmodifiervoslèvresetvotrenez,c’estça?jerépondsavecsollicitudeeninclinantlatêtepourl’inviteràpoursuivre.

Ellesecouefrénétiquement la têteensemordillant la lèvre.Jesuis trèsvigilantesoudain.Mêmes’ilestclairqueMimiestunrieninstable,ilnemesemblaitpasladernièrefoisquesonétatétaitàcepointpréoccupant.

Le principal souci de Mimi, c’est l’addiction aux interventions de chirurgie esthétique. Ellevoudrait tout changerenelle, rienne la satisfait.Pourtant j’ai en facedemoiune jeune femmedemonâgetoutàfaitjolie,unpeutropmaigrepeut-être.Jesaisqu’elleadéjàsubidesopérationspourremodelersapoitrine,affinerlescuisses.C’estdifficilepourmoideresterneutresurlesujet.Jenerentrepasvraimentdanslescritèresmannequinetjedétestelapressionquelasociétéfaitpesersurles femmesen leur faisantcroirequ’ellesne seront jamaisparfaites.En facedemoi,Mimi a l’airperduedansdespenséesinquiétantes.J’essaiedelaramenerdoucementaumomentprésent.

–Mimi?Vousallezbien?Quelquechosevouspréoccupe?

Elle tourneversmoi sesyeuxhypermaquillésdont lapupilleest àpeinevisible. Je sensque leproblèmedépasseunpeulesimplesujetd’inquiétude.

–Ilneveutpasm’opérer,lance-t-elled’unevoixhachée.Clive.Ilneveutpas.Jecroisqu’ilsesenttropimpliquésentimentalementavecmoi.

Oh!dequionparle,là?

Jehausselessourcilspourluimontrerquejenelasuispas.

–Clive,voussavez,monnouveauchirurgien,ilesttropamoureuxdemoi,continue-t-elle.Ilyaquelquechosequiclocheencemomententrenous…

J’ai dû louper des épisodes parce qu’elle ne m’avait jamais parlé de cette histoire. Enfin pascomme ça, en tout cas. J’avais bien cru comprendre que son nouveau chirurgien était plutôt belhomme,qu’iln’étaitpeut-êtrepasinsensibleaucharmedeMimi,etmêmesijesoupçonnaiscetyped’userdesoncharismepourgarderunebonnecliente,jen’enavaispastouchémotàMimi.

–Mimi,votrechirurgienestamoureuxdevous?J’aibiencompris?–Oui,onsortensemble,jenevousl’avaispasdit?J’étaispersuadéedevousenavoirparlé.Çane

faitpaslongtempsqu’onestensemble,peut-êtrequejen’aipasosévousledire,jenesaisplus,depeur que vous me jugiez. C’est juste que ces derniers temps, je trouve que Clive se comportebizarrement.

J’essaiedevoirdequellemanière jepeuxessayerd’ensavoirplussansqu’ellepenseque je luifaispasseruninterrogatoiredanslesrèglesetdoncqu’éventuellementjeneluifaispasconfiance.

–Vousvivezdoncunehistoiresentimentale,Mimi,jesuiscontentedel’apprendre,mêmesivoussemblezinquiète,justelà.Vousvoulezmeparlerdecettehistoire?J’enétaisrestéeàcetteattirancequevoussembliezéprouverl’unpourl’autre,sanssavoirquevousaviezfranchilepas.

–Onestensemble,onaunerelationsentimentaleetsexuelle,merépond-elleassezcliniquement.

Toutçam’al’airsuperromantique,disdonc…

Jecommenceàvisualiserunesortedediableenblouseblanche,grosseRolexaupoignetetdesbillets de banques pleins les poches. En gros, un charlatan en train de profiter de la fragilitépsychologiquedemapatiente.J’écartecetteimagedemonesprit.

Jedoisresterdanslesclous,nepaspartiravecunapriori!

Passimplecependant.

Mimise lanceaussitôtdansunrécit trèshaletantdigned’unfilm: lebeauchirurgienqui tombefollementamoureuxdesajeunepatienteassezordinaire.

–J’aienvied’êtrebellepourlui,voussavez,ditMimiàunmoment.C’estcequejeluidisquandilmereçoitenrendez-vous.Jenecomprendspaspourquoiilrefusecettenouvelleopération.

JelèvelamainpourstopperlefluxdumonologuedeMimietégalementpourlaramenerdanslaréalitéquenouspartageons,là,dansmoncabinet.J’aieudroitauxsortiesromantiques,auxcadeauxsomptueux,auxmaniesethabitudesdubeauchirurgien,àlabaladedominicaledansProspectPark,sasuperbemaisondeGramercyPark,maislàquelquechosenerentrepasdanslaromance.

–Mimi,vousleconsultezdoncencoreàsoncabinetousaclinique,dis-jepourreformulersansbraquermapatiente.

–Oui,répond-elle.Oui,jetrouvequec’estpluscorrect.Cen’estpasparcequ’onestensemblequejenedoispaspasserparlavoienormale,non?Etpuis,iltrouveçaexcitantaussidelefairedanssoncabinet,ajoute-t-elleavecunpetitairembarrassé.

–Fairequoi,Mimi?

Règled’orquejerespecteavecmespatients:nejamaisformulerquelquechosequ’ilsn’auraientpasdit.Pasd’interprétationhâtive.Mimimefixeavecdesyeuxcommedessoucoupes.Elledoitsedemandersicen’estpasmoiquisuisunpeuàcôtédelaplaque.

–Ehbien,onadesrapportssexuelsdanssoncabinet,dit-elletoujourssurlemêmetonfroidquim’interpelle.Maisilyauntrucquim’adérangéjustement,lesdeuxdernièresfois,précise-t-elle.J’ail’impressiondenepasêtreenétatnormal,commesij’étaisconscientemaisincapablederéagir,vousvoyez?

Jehochelatêteetessaiedenepasjoindremesmainsenunepostureunpeutendue.

–Vouspouvezmedécrirecetétat,Mimi?–Ehbien,c’estunpeucommequandonestparti,vousvoyez.Particommeavecunjointouautre

chose,descachets.Onboitunverreavantl’examenmédicaletpuisaprès,jemesenscommeça.Àcôtédemoncorps.J’ailuqueleGHBfaisaitceteffet-là.

Jedéglutis,j’avancesurdesœufs.

–Jesupposequevoussavezalorsqu’onappellecettedrogue,ladrogueduvioleur,dis-jed’unevoixtrèsmodéréeenobservantlaréactiondeMimi.

–Jesuisconsentante,réplique-t-elleaussitôtenfronçantlessourcils.Onnepeutpasdirequec’estunviol,non?

–Vousavezl’airtrèspréoccupéeentoutcas,celadonneàréfléchir,Mimi.Jepeuxmêmemesentirinquiètepourvous.

Elledétournelesyeux,sansavoirl’airplusbouleverséqueça,commesionétaitentraindeparlerdudernierfilmqu’elleestalléevoir.

–L’associédeClive,leDrMcBaccara,continue-t-elled’unevoixabsente.Jecroisqu’ilsait.J’ail’impression qu’il me fait des propositions aussi. Vous croyez qu’il faut que j’en parle à Clive ?demande-t-elleenfinensetournantversmoi.

Je la dévisage quelques secondes en silence. Je cherche laMimiBrings des dernières semainessanscomprendre.Jeremarquelescernessoussesyeux,sesjouespluscreuséesqued’habitude,sonregardplusterne.

–J’aimeClive,déclare-t-ellebrutalementquandellevoitquejenerépondspas.

Unsouriresedessinesurseslèves.Ellesemétamorphosecomplètement.

–Ilsaitêtretellementattentionné,continue-t-elle.Ilmeconnaîtsibien…

Et la voilà partie dans une avalanche de compliments, un flot de belles paroles au sujet de cechirurgienquimeparaîtplusquedouteux.Jel’observealorsqu’ellemonologue.Jenesaissijedoisinterveniroulalaissersesoignertouteseule,ens’écoutantparler,del’inquiétudeaveclaquelleelleestarrivéedansmoncabinet.D’ailleurslafindelaséanceapprocheetilseraitpeujudicieuxdemapartdelalaisserpartiravecdesinterrogationsquilaplongeraientdansledésarroi.Cequineveutpasdirequemoi-mêmejenemesenspasconcernéeparcequisepasse.Quandnousnousquittons, jegardelamaindeMimipluslongtempsquedecoutumedanslamienne.Mesyeuxdanslessiens,jeluidisd’unevoixtrèsdouce:

–Mimi,voussavezquesivousavezbesoindem’appelerentredeuxséances,vouspouvezlefaire.Àn’importequelleheure,jesuislàpourvous.

Elleredevientlajoliejeunefemmeauregardinnocentavecquij’aimediscuter.

Quandellevabien…

Ellemesourit.

–Merci,Ludmilla,merépond-elle.J’aiClivemaintenant.Ils’occupedemoi.

À peine la porte refermée derrièreMimi, jeme dirige d’un pas déterminé versmon bureau etallumemonordinateur.Jeremontemesmanches.

DocteurCliveBoyd,vousallezvoircommentmoi,jevaism’occuperdevous…

2.Ludmilla&Cie

Dans le moteur de recherche de mon ordinateur, je tape « Dr Clive Boyd Manhattan ». Unimpressionnantnombred’occurrencesapparaît.Jevaisdroitaubutpuisquec’estlesiteducabinetdesdocteursBoydetMcBaccaraquiestentêtedeliste.

Lapagequis’ouvredoitêtrecenséevéhiculerunsentimentdeluxe,debien-êtreetdesérieux.Onn’estfinalementpasloindel’institutdebeautéhautdegamme–saufqu’apparemment,onvousdétendauGHB,chezBoydetassocié…

Mesmâchoires sont crispées. Je retiensencoremacolèreetpourtant il fautque jegarde la têtefroide.Nepasjuger!Pastoujoursfacilequandonadegrossoupçonsdeviolsursapatiente.Jemereprends, il faut rester vigilantemais l’esprit ouvert à ce que je peux découvrir.Mimi est fragile,instable, c’est normal que je veuille la protéger et la défendre, mais sa fragilité et son instabilitépourraient aussi la pousser à s’imaginer plein de choses. Pas simple non plus de s’empêcher dedouterdesapatiente.

Je ferme les yeux, retrouve une respiration plus lente, fais le vide dans mon esprit, versionpyrolyseexpress,puis reprends la lecturede lapagequi s’estaffichéedevantmoi. Jeparcours lesonglets. Photos bien léchées de la clinique, avantages proposés par l’établissement, liste desinterventions possibles sous forme d’ode à la beauté féminine. Après une énième apologie de lapoitrineparfaitequitienttouteseuleetdoncéternellementjeune–fichuemodedesairbags!Onn’estpasdesbagnoles!–,jebasculesurl’ongletexposantleCVdesdeuxchirurgiens.

Le docteur Boyd a 30 ans et déjà un parcours impressionnant. Une seconde, voire même unmillièmedeseconde,jepourraismesentirprochedecethommequi,commemoi,aétédiplôméplustôtquelamajoritédesétudiantsetasutrèsvitecequ’ilvoulaitfaire.Maislerapprochements’arrêtelà,parcequefranchementjenepeuxvraimentpasadhéreraucommercedelaperfectionplastique.

J’imagine rencontrer ce genre de type en soirée. Je visualise bien le mec sûr de lui qui vouscomplimente tout en soulignant innocemment ce qui est améliorable chez vous, et vous proposantbien sûrd’y remédiergrâceà ses talents.Legenreà se justifierdes termescomme« sociétal»et«normées»…

Ilfautquejemecalme,jem’énervetouteseule,là…

JerepenseàmaséanceavecMimi,dequellemanièresonvisages’estéclairéquandellemeparlaitdecethomme,deleursmomentspassésensembleetjecliqueàprésentsurl’option«images»demarecherche.

Aussitôtunemosaïquedephotosremplitl’écran.

Ah,ouais…quandmême…

Mesyeuxpassentd’unportraitàl’autreduDrCliveBoyd,etlacaricatureduDrFrankensteinquej’avaisélaboréedansmatêtefondcommeunméchantdeciredansunfilmd’horreur.

Letypeest…séduisant.Non, jedoisêtrehonnête, ilestcarrémentfascinant!Onpourraitmêmedirequ’ilestbeauàsafaçonjustementdécalée.EnécoutantMimietaprèsavoirvisité lesitedesaclinique,jem’étaisimaginéunhommeauvisagedepoupéeKen,cheveuxbrushés,barbesavammenttailléepeut-être, stylehipster, traits finspresque androgynes et là, j’ai devantmoiunHomme,uneincarnationdelavirilitéaveccequeçaadesauvageetd’animal.Lèvrescharnuesetsensuelles,nezprononcéetélégammentfort,mentoncarré,mâchoirevolontaire,cheveuxbrunsunrienbouclés,passuperbiencoiffésetunregardvertclairétrangementdouxdanscevisageàlapersonnalitéaffirmée.Le style d’hommequ’on a envie de voir dans les grands espaces, le vent dans les cheveux, qui seretourne vers vous en vous adressant un discret sourire qui en dit long, ses yeux verts posés survous…

Onsecalme…Pasdutoutmontyped’homme…Detoutefaçon,onsedemandebienquelestmontyped’hommeoumêmesijemesuisjamaisposélaquestion?

Surlesphotos,leterriblementcharismatiqueDrBoydposeparfoisencompagniedecélébritésducinémaoude lachanson.Cequiest,dansuncertainsens,complètementdébile, jepensepresqueàvoixhaute.Ducoup,toutlemondevasavoirquecesfemmesluifontconfiancepoursefairerefaireetqu’ellesn’ontdoncpasgrand-chosedenaturel.

Oui,leDrBoydestbeaumecetsûrementqu’ilestcompétentdanssonmétiermaiscequ’ilfaitetcequ’ilincarnemedégoûtenttoutsimplement.OK,jem’énerveetenrajouteunpeu,parcequejemesuissurpriseànepasêtreinsensibleàsoncharme.Etdefait,jecomprendsqueMimisoitfascinée.Resteàsavoirsicethommeestundangereuxperversquejevaismefaireunplaisirdedémasqueraunomdetouteslesfemmesquiserespectentoubiensijemesuisplantéesurtoutelaligne.

Jecomposelenumérodesoncabinetsurmontéléphone.Unevoixsuavemerépond:

–CliniqueBoyd&McBaccara,bonjour.–Bonjour, dis-je en essayant d’imiter le velours de la voix de la réceptionniste. Je souhaiterais

prendrerendez-vousavecleDrBoyd.–VousêtesdéjàpatienteduDrBoyd?–Non,c’estlapremièrefoisquejeleconsulte,réponds-je.–Jepeuxvousproposerunrendez-vousenavril,meditlasuaveréceptionniste.–Onestenmai,dis-je.–Oui,eneffet,ceseradoncenavrildel’annéeprochaine.

Elleplaisante,non?

– C’est un peu urgent, je réplique en me rendant compte que je n’appelle pas le cabinet d’uncancérologuemaisbienceluid’unchirurgienesthétique.

Ducoup,lafillenemerépondpasvraiment.

–Jevousnotepouravril,alors?demande-t-elle.–Jevousremerciemaisnon,dis-jeavantderaccrocherunpeusèchement.

Je fixe le vide devantmoi, vexée. Je ne vais sûrement pas attendre que le Dr Boyd essoremapatientecommeuneserpillière.Maiscommentvais-jefairepourl’approcher?Mesyeuxsontrivésàl’écrandevantmoi,etc’estbienlàquesetrouvelaréponseàmaquestion.Surlapaged’accueildusite de la clinique Boyd & McBaccara, je n’avais pas vu l’annonce d’une conférence des deuxchirurgiens prévue le lendemain dans les salons d’un hôtel prestigieux de Manhattan. Je notel’adresse, déterminée au point demanquer d’exploser lamine demon feutre pointe fine surmonbloc-notes.

***

Je ferme laportedemoncabinet, sorsde la townhousedeBrooklyndans laquelle ilest situéetmonteleperrondelamaisonvoisinepourrentrerchezmoi.C’estcequ’onappellevivreàdeuxpasdubureau.Uneplaqueenémailàcôtédelasonnetteannonce«LesMatriochkas».Jepousselaporteetpénètredanslamaison.

Desmatriochkas, vous savez ce que c’est ?Ce sont ces poupées russes en bois qui s’emboîtentl’unedansl’autrepourn’enformerqu’uneseule.LesMatriochkas,c’estnous,lesfemmesetfillesdelamaison.Ilyadusangrussedansnosveinesetjevousconfirme,ilyabienaussiquelquechosedel’ordredelacommunautédefemmesdansnotremanièredecohabiterainsi.

J’entendsquelquesaccordsdepianoausalonpuisunevoixd’homme.Mamèredoitêtreentraindejouerpourunpublicprivilégié.Jelavoisbien,NadiaProvidence,brindillede48ansauxcheveuxblonds nattés, aumaquillage aiguisé et dur, les doigts fins plaquant les notes sur les touches, têterejetéeenarrièredansuneposequidévoile toute sagorge,yeuxàdemiclospour sedonner l’airinspiré.Leshommesadorent.

Jepassesilencieusementdanslecouloir.Levisiteurdemamèrecroitpeut-êtrequ’ilvapasserunesoiréeromantiqueencompagniedeNadiaProvidence,maisilnesedoutepasquequandelleenauraassezqu’ill’admire–etçapeutarrivertrèsvite,dugenredansl’heurequivient…–,elleleficheraàlaportesansaucunscrupule.Aucunhommen’estadmisbienlongtempsdanscettemaison,ilsemblequecesoituneloidictéeparNadiaetgravéedanslapierreduperron!

DepuislacourderrièrelamaisonmeparviennentlesbruitsdechantierqueproduitmasœurIrina.Maman lui a installé une verrière qui sert d’atelier. À 22 ans, ma sœur a arrêté ses études et seconsacreuniquementàlasculpturesurmétal,activitéartistiquehautementencouragéeparmamèrequicroitdurcommefer–ah,ah!–aufortpotentieldesafille.Mouais,jepenseenregardantIrinajouerduchalumeauderrièresonmasquedesoudeur.

On ne la voit pas ainsi cachée derrière sa visière, mais il faut savoir qu’en plus d’être aussilongiligneetd’unblondaussiéclatantquemamère,Irinaestd’unebeautéépoustouflantequiexcusetoutamateurismedesapart.Enfin,c’estainsique laviesemble fonctionnerpourelle.Car il suffitqu’Irinasourieouqu’Irinapleurepourquedesexplorationsspatialesalunissentavecsuccèsoudes

tsunamiss’abattentsurdesvillessituéesàcentkilomètresàl’intérieurdesterres.J’exagère,c’estça?Ouais,unpeu.Jeparaisagacée?Carrément.Mamèreetmasœur,etmêmemafilleViolet,partagentlamêmemorphologiesvelteetélancée, lesmêmesgrâceet légèretéquisont juste tombéesdans leberceauàcôtédumien.

Voyez-vous,moi,LudmillaProvidence,jesuisplusKateWinsletqueKateMoss.Etengénéral,çanemedérangepas.J’aimêmeplutôttendanceàassumermonphysiqueencourbes.Alorsjenesaispas pourquoi aujourd’hui çame travaille particulièrement. Sans doute que l’histoire deMimi, sonobsession de la perfection, son histoire avec ce chirurgien au physique plutôt au-dessus de lamoyenneetquifaitsonbeurredescomplexesdesfemmes,toutças’accumuleunpeuetm’agace.

JepousselaportedelachambredeVioletausecondétagedelamaisonetmajoliepoupéerussesetourneversmoi.

–Mum!melance-t-elleenselevantpourm’embrasser.Regardecequej’airéussiàfaire!

Ellemeplanteseslongsdoigtsgracilessouslenezetilmefautpresqueloucherpourcomprendrequecequ’ellemeprésenteavecfierté,cesontcescréationsimpressionnistespeintesavecminutiesurchaqueongle.

–Commenttutrouves?medemande-t-elleenroulantdesyeuxravis.–Justesuperbe,tropglamour,jeréponds,surleton«conversationavecmapré-ado».

Personnellementjen’aijamaiscomprisàquoiçarimaitdesepeinturlurerlesgriffessic’estpourtoutécaillerensuitedèsqu’oneffleurequelquechose…

JedévisageVioletetunegrossebulledouceetchaudegonfleaussitôtdansmapoitrine.Çamefaitçaenvirondixfoisparjouravecmafille.Commesijen’enrevenaistoujourspasd’êtrelamèredecetteenfantrayonnante,brillante,sijoyeuseet…tellementdifférentedemoi.Oh,jevousrassure,dixfoisparjour,j’aiaussienviedel’envoyersurMarsencoloniedevacances!

Violetestlefruitd’uneamourettequiatournécourt,uneromancedequelquessemainesavecunétudiant écossais en psychologie qui a aussitôt traversé l’océan en sens inverse quand il a apprisqu’une descendance était en cours. Bref, j’avais 18 ans, j’étais à la fac, il était tout à fait hors dequestionpourmoid’avorter,c’étaitcommeça.Danslafamille,ilsemblaitnatureld’assumerd’êtremèresanss’encombrerdupère,dixitmamère,quim’aépaulée,soutenueetm’apermisainsidefinirmesétudesetdemelancerdanslavieactivesansmemettreenstand-bypourélevermonbébé.Aprèstout,ellem’avaiteujeuneégalement.Etpuis,unpère,jedoisbienavoirun,maisici,c’estunpeuunsujet tabou. Idem pour le père d’Irina. Dans la tradition familiale féminine, Violet a pris le plid’accepter comme argent comptant que les hommes se défilent quand les responsabilités de pèrepointentleurnez.

Résultat :aujourd’hui j’ai28ans, j’aiunboulotquej’aime,mais j’aicommelesentimentd’êtreprisonnièred’unedetteàvieenverslesfemmesdelafamilleProvidence.Unedettedontlafactureàpayers’énonceennombred’annéesquejevaisdevoirpasseràmeméfierdelagentmasculine…Jen’ai pas enviede ça. J’ai enviede croirequ’il existedeshommes fiables, j’ai enviede croire aux

contesdeféesetquemafilleycroitaussi.

–Tuveuxveniravecmoiauskatepark,machérie?jedemandeàVioletquilèvelesyeuxversmoienfaisantlagrimace.

Onnesaitjamais,sileprincedecontesdeféesyest…

–TuveuxregarderavecmoidestutorielsdemanucuresurYoutube?medemande-t-elleenfaisantjouersessourcilsdemanièrecomique.

Cequej’aimechezmafille,c’estsonespritdesynthèseetsonsensdel’humour.

Il y a malgré tout beaucoup de tendresse dans le regard que Violet pose sur sa maman«différente»,carilparaîtraitqu’aucunedesmamansdesescopinesnefréquenteleskatepark.Ellesnesaventpascequ’ellesperdent…

–OK,j’aicompris,luidis-jeenluichatouillantlanuque.Chèreenfant,nousnousretrouvonsdoncplustardaugrandsalonpourledîner.Tenuedesoiréeexigée.

–Ouaisc’estça,merétorque-t-elleentortillantsoncorpsdeliane.Metstesgenouillèressinontuvasencorereveniravectonjeantroué!

Jerentredansmachambre.LesecondétagedelamaisonaétéaménagédemanièreàcequeVioletetmoiayonsl’impressiond’êtreindépendantes.Uneimpressionquiflirteavecl’illusioncarmasœuretmamèrevontetviennentcommebonleursemble.Etceseraitmentirquedirequeçanem’arrangepas.Grâceàelles, jen’aipasdeproblèmesdegardepourmafille,cequimepermetde travaillerdansmoncabinetetdansleservicedepédopsychiatried’unhôpitaldeManhattan.

JemechangeetenfileunvieuxLevis,unepairedebasketsbranchéesdeskaters,untee-shirtartyetjefourredansunsacàdoscoudières,genouillères,casqueetbouteilled’eau.

–Maman, t’es cool, je trouve,me ditViolet qui s’est postée à la porte sans que jem’en rendecompte.

Je suis le regard de Violet qui parcourt les murs de ma chambre, s’attardent sur des photosencadréesdepaysagesmagnifiques,deperformancessportivesetsurprenantesaumilieudedécorsépoustouflants.Etpuisdescartes,del’équipementd’escalade,dessouvenirsdespaysquej’aivisitésquisemélangentauxpilesdelivres.Çan’estpastrèsbling-blingmaisjepeuxcomprendrequeçalafasserêver.

Jeprendsmonsacàdos,embrassemafillequiesttoujoursentraind’imaginerjenesaisquoietjedescendslesdeuxétagesdelamaisoncommeuneadopresséed’allerprendrel’air.

***

Enarrivantauskatepark,jereconnaistoutdesuitelesquelquesgaminsetjeunesadultesque j’aiprisl’habitudedecôtoyer.Audébutréticentsàl’idéedepartagerleurterritoireavecune«vieille»commemoi, ilssesont laissésapprocherquandilsontvuquenonseulement jene leurfaisaispas

trophontemaisqu’enplusj’étaistrèsrespectueusedeladistancequ’ilsm’imposaient.Jeresserremaqueue-de-chevaletlacoincedansmacasquette.Enarrivant,despetitsgarsetdesplusgrandsviennentmefaireun«check».Jegardemonsérieuxparcequ’euxlesont,maisintérieurement,j’aivraimentenviederigoler.

Simespatientsmevoyaient…

Aussitôtl’histoiredeMimimerevient,nonqu’ellem’aitvraimentquittée.Ilfautquejeprennedurecul,moiaussi,quejemechangelesidées.J’aiunepetiteheuredevantmoipourmeviderlatête.Jelaissemonsacàdosàlagardedespetitsquiadmirentlesgrandsévolueretj’enchaînedes«tricks»debasepourm’échaufferavantdeprendrepleinementpossessiondelapisteetdesespossibilités.

L’heureestpresquepassée.J’aiapprisunenouvellefigure,jesuisennage,lesmuscleschaudsetdénoués,jemesensbien.Auborddelapiste,unhommebrunapparaît.Jesouris.Ilmefaitunsignedelamain.Jerassemblemesaffairesetlerejoins,monskatesouslebras.

–Bonjour,Milla,medit-ilenmeserrantdanssesbras.

JesuistoujoursheureusederetrouvermononcleGabriel,lefrèreaînédemamère.Ilapprochedelasoixantainemaisilparaîtbienmoins.Jesupposequec’estdûàsongoûtpourlesactivitéssportivesun peu décalées et au fait qu’il pratique toujours son métier de professeur en psychologie avecferveuretpassion.Sijetiensdequelqu’un,ensomme,c’estdemononcle.Etquandjedisqu’aucunhommen’estlebienvenudanslamaisondesMatriochkas,mononclenefaitpasexceptionàlarègle.Jenel’aijamaisrencontréautrementqu’endehorsdelamaisonetdelaprésencedemamère.

–Tu asvu comment les adolescentes te regardent ? je demande àGabriel avecun petit sourirecomplice.

Ilhausselessourcilsd’unairamusé.

–Lesjeunesfillesdenotreépoquen’ontvraimentpasfroidauxyeuxoualorsellesontdesacrésproblèmes de vue parce que je me demande ce qui peut les intriguer chez un vieux bonhommecommemoi?

Jelèvelesyeuxauciel.

– Tu sais que les femmes t’adorent,Gabriel, TOUTES les femmes. Tu te rappelles les regardsenamourésquetelançaitVioletalorsqu’ellenesavaitmêmepasmarcher…

– J’ai envie d’un hot-dog, pas toi ? me demande-t-il en détournant ostensiblement le sujet dediscussion.

Etjesaisquedanslaminutequivasuivre,ilvatrouverlemoyendedévierlaconversationversmoi.Gabrieln’aimepass’étendresursavieprivée,sesémotions.Jenesaissic’estparpudeuroupargoûtdusecret.

–EtcommentvaMartin?medemande-t-ilalors.

Jemeretiensdem’exclamerquejel’auraisparié,etmecontented’acquiescerd’unairentendu.

Martin est mon… euh, Martin est celui avec qui j’entretiens une relation, comment dire, pasvraimentsentimentale,plutôttrèsamicaleàtendancesexuelle.Cequ’onappellecommunémentunsexfriend,termequejen’aimepastrop,carc’estbienplusqu’unamiavecquijecouche,c’estceluiquime supporte et surtout, SURTOUT, supportema famille, et ça je crois quemême un homme foud’amourenserait incapable.J’airencontréMartinà l’hôpitaloùje travaille.Depuis troisans,c’estbien, sans problème, facile et sans contrainte ni engagement. Comme un appartement qu’on loueavantdedéciderd’acheterunemaison,commelasalled’attentedugrandamour.Jesais,c’estpeut-êtrehorriblededireçamaisçan’estpasméchantenversMartin,croyez-moi,j’aibienlesentimentqu’ilvitlamêmechosequemoi.

–Bien,ilvabien,jecrois,jerépondssincèrement.–Vousenvisagezdevousinstallerensemble?medemande-t-il.

Jeleregarde,surprise.

–Jesuistropcurieux,c’estça,Milla?ajoute-t-il.

Jeluirépondsparunemoued’incompréhension,lessourcilsfroncés.

–Peut-êtrequejelesuiseneffet,continue-t-il.Maisjem’intéresseàtoi,tulesais,ettonbien-êtrecompte pour moi. Le tien et celui de Violet, bien entendu. Martin me semble être un hommeattentionnéetstable,assezfiablepour…

– Pour quoi ? dis-je en l’interrompant. Pour m’arracher de la communauté des femmesProvidence?Jenesuispascertainequemonenviedequitterlenidjustifielefaitdem’installeravecunhomme,Gabriel.

–Jetecroyaisamoureuse,c’estcensésuffire,non?–AmoureusedeMartin?jerépèteenécarquillantlesyeux.Euh,jenediraispasça.

Gabriels’arrêtepourmeprendrelamainavecunedouceurtrèspaternelle.Entoutcas,c’estainsiquej’imaginelecontactd’unpère.

–Qu’est-cequit’enempêche,Milla?

Jemedéfile,jen’aimepasqu’ons’aventuresurceterrainminé.

–Ehbien,pleinde trucsen fait, je répondsàmoitiéen rigolant.Des trucsquin’ont rienàvoiravecmoi, comme l’importance que les hommes attachent au physique, à la femme qui est à leurscôtés,descritèresauxquelsjesuiscertaineMartinestsensiblecommen’importequelhomme…

Gabriels’arrêteetmefixe,l’airtrèsétonné.

–Tuplaisantes,Milla?Tunevaspasmedirequ’unefemmeintelligentecommetoiaccordedel’importanceàcegenred’idées?Jemedemandebiencommenttuteperçois?Necrois-tupasqueMartintevoitcommemoijetevois,unebellefemme,libredepensée,séduisanteetpleinedevie?

– Ah, merde, laisse tomber, Gabriel, dis-je avec un geste désabusé des mains. C’est moi qui

déconne aujourd’hui. Les histoires de mes patientes, l’obsession qu’elles ont de leur corps,l’importance qu’elles y attachent, jusqu’à ma fille qui, à 10 ans, passe la moitié de son temps àchangerdeschosesd’elle,lasociétéquoi…toutçadoitmemonteràlatête.

–Queçanet’empêchepasdevoircequ’ilyadebeauetdedésirableentoietqueçan’empêchepaslesautresdetelefaireentendre,dit-ilenposantdoucementlamainsurmonbras.

–Cequisous-entend?–Quepeut-êtretut’empêchesbeaucoupdechoses,répond-ilensoutenanttendrementmonregard.

Pourmapart,jepensequ’ilseraittempsquetuenvisagesdefaireréellementquelquechosedetaviesentimentale,quetucessesd’avoirlatrouilleetquetut’envolesdunid.

Çaalemérited’êtreclair!Merci,tonton!

Nouséchangeons un regard silencieux, puis il esquisse un sourire auquel je finis par répondreavant de serrer mon oncle dans mes bras au moment de nous quitter. Sur le chemin du retour,j’appelleMartin.Ilrépondpresqueaussitôt,commed’habitude.

–Commentvas-tu,jolieSlave?medemande-t-ilenprenantunevoixdecrooner.–Jemedemandaissituétaislibrepourundînerenamoureuxdemainsoir?dis-jeavecunevoix

deséductrice.–Enamoureux?répèteMartinsansquejeparvienneàdistinguersisontonestceluidel’humour

oudel’heureusesurprise.Maisoui,carrément!ajoute-t-ilpourreprendremonexpressionfavoritevoléeàmafille.

Àsuivre,danslevolume1delasérieRésiste-moi

Egalementdisponible:

Résiste-moi

LudmillaProvidenceestpsychologue.Quandunedesespatientesluiracontedeschosesétrangessurunéminentchirurgienesthétique,Ludmillaenquête,persuadéequesapatienteestmanipulée,voireabuséeparlemédecin.MaiselleestbienobligéedereconnaîtrequeledocteurCliveBoydestabsolumentcharmant!Luttantcontresonattirancepourlemédecin,Ludmilladécidedeluitendreunpiège…Maissic’étaitelle,laproie?LedocteurBoydest-ilsincèreouessaie-t-ildemanipulerLudmillacommeilenamanipuléd’autres?Impossibledelesavoirsanssemettreendanger…

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DarkLight-Àluipourtoujours,1

Danslesbrasd’ElliottGrant,levampireleplustorridequ’illuiaitétédonnédeconnaître,Irisestdevenueunevéritablefemme,touràtoursoumiseetdominatrice.D’abordsorcièrepuisvampirisée,elleapusurmontertouteslesépreuves,galvaniséeparleurpassion.

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