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Vousycroyez,vous,auxprédictionsdesvoyantes?Unjour,lorsd’unétéenAngleterre,l’uned’ellesm’aannoncéquej’allaisbientôtrencontrerl’hommedemavie,uncertainP.C.Lelendemain,jefaisaislaconnaissanceduflamboyantcomtePercivalSpencerCavendish,et,lesoirmême,lorsd’unbal,ilm’invitaitàdanser.Unvraicontedefées…saufquej’étaisunegaminerondeletteettimide,couvertedeboutonsdevaricelle!J’avais11anset«PercyleMagnifique»enavait20.Iln’empêchequejesuisimmédiatementtombéeamoureusedelui.Letempsapasséetjen’aijamaisrevulemagnétiquelordanglaisauregardsicaptivant,maissonsouvenirm’alongtempshantée.Aujourd’hui,mevoilàderetourenAngleterre.Jenesuispluslapetitefilleimpressionnabled’autrefois,jesuisuneadulte!Alorspourquoi,rienqu’àl’idéederecroiserlebeauPercival,moncœurnepeut-ils’empêcherdebattrelachamade?

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ChloeWilkox

ORDONNE-MOI!

Volume12

1.Déraisonetsentiments

Mamèrepiqueunedernièrefleurblanchedansmescheveux.Ellesetientderrièremoi,devantlapsyché.Ellepassesesbrasautourdemesépaulesets’exclame:

–Tuessibelle,machérie!

Depuis ce petit boudoir où, depuis mon réveil, je me suis isolée pour me préparer, je peuxentendrelebrouhahadesinvitésquiattendentdanslejardin.Jepasselatêteparlafenêtre: ilssonttouslà,assis;ilsattendentledébutdelacérémonie.Soudain,onfrappe.

–Entrez!

Monpèrepasselatêteparl’encadrementdelaporte:

–Louisa,c’estl’heure.

Ilavanced’unpasetrefermelaportederrièrelui.Unedernièrefois,jerajustemonvoiledevantlaglace.D’unemain, j’attrapematraîne.Monautremainvientseposersur lebrasquemonpèremetend.

–Turessemblesàunange,mafille.J’espèrequeDavidsaitlachancequ’ila.

Mamèremejetteunultimeregardavantdenouslaisserentêteàtête:

–Bon,vousdeux,jedescendsrejoindrelesautres.Àtoutdesuite,madameFulton!

Avantquenousnousengagionsdansl’escalier,monpèreseretourneversmoi:

–Lestraditionsontleurimportance.Nepaslesrespecterportemalheur.As-tubienpenséàtout?Iltefautquelquechosed’ancien,quelquechosedebleu,quelquechosed’emprunté,quelquechosedeneuf.

Pourleneuf,j’aimarobe.Pourlebleu,j’aimajarretière.Pourl’emprunt,j’ailebraceletquem’aconfiéJudithletempsdelacérémonie.Etpourl’ancien,j’aimabaguedefiançailles:lesolitairequese transmettent de génération en génération les baronnes de Schiari, que je porte aujourd’hui enpendentif, accroché à une petite chaîne en or. Machinalement, je porte la main à mon cou. Maissoudain,catastrophe:jeconstatequelesolitairen’yestpas!

–Papa!J’aiperdulabague!–Louisa,ilesttroptardpourlachercher;ilfautyaller,lesinvitéss’impatient…–Maispapa,tul’asdittoi-même:ilfautrespecterlestraditions!Sinon…–Net’inquiètepasdesmalédictions,mafille,jedisaisçacommeça.Davidestenbas,ilt’attend,il

t’aime:c’esttoutcequicompte.

Maisc’estimpossibledenepasm’angoisser!CettebagueesttoutpourDavid:c’estsonhéritage,lamarquedesonamourpourmoi…Sijel’aiégarée,jenemelepardonneraipas.Néanmoins,monpèreàraison:ilfautyaller.Nerveuse,j’attrapedenouveausonbrasetnousdescendonsdanslehallduchâteau.

Dèsquejemetsunpiedsurleparvis,lequatuoràcordesfaitretentirlespremièresnotesduCanondePachelbel.Judithmerejoint,unbouquetàlamain.C’estl’heure,c’estlemoment:monpèreetmoinousengageonsdansl’allée.Judithnousemboîtelepas.Lesinvitésseretournentpourm’observer.Mesamissontaupremierrang:Mary,Dan,Barbara…Ilsmeregardentensouriant.Soudain,Sachatourne son visage versmoi, et je réalise que sa grande capeline noire est ornée d’une voilette. Jefrissonne…Ondiraituneveuve.J’essayedenepasprêterattentionaumalaisequis’emparedemoi.Jeme focalise surDavid,quim’attend sous la tonnellede lierre etde lilas, faceaupasteurquivacélébrernotreunion.

Ilestsibeau,avecsoncostumenoir,sastaturenoble,sasilhouetteparfaite,sescheveuxsombres!Commedansunrêve,ilseretourneauralenti.J’aidespapillonsdansleventre.

Mais voilà que soudain, lemariém’ouvre les bras. Et je pousse un cri interminable lorsque jeconstatequ’auboutdel’allée,cen’estpasDavidquim’attendmaisSandro.

Non,non,non,cen’estpaspossible!

Jen’arrivepasàm’arrêterdecrier.Lesinvitésmeregardent,stupéfaits.Monpèrem’aattrapéeparlesépaulesetmesecoue.

–Louisa?Louisa,quesepasse-t-il?Louisa!Quesepasse-t-il?

J’ouvrelesyeuxpendantqueDavidmesecouelégèrement:

–ÇavaLouisa?Quesepasse-t-il?

Ouf,toutcelan’étaitqu’unmauvaisrêve!JemejettedanslesbrasdeDavid,quim’étreintetmemurmure:

–Oh,monamour…Monamour…Cen’estrien,justeuncauchemar.

Sapeauchaude,sesbraspuissants,meramènentàlaréalité.Malgrélesépaisrideauxdeveloursquiempêchentlalumièredujourd’entrerdanslachambre,jeprendspeuàpeuconsciencedudécor.Nous sommes allongés sur un lit à baldaquin, un lustre de cristal pend au plafond, des fleursfraîchementcoupées,poséessurlatabledenuit,diffusentleurparfumrassurant.Enfacedemoi,leportraitd’unejeunefemmesemblemejeterunregardapaisant.TelestlecadredenotrechambreauWarmheartManor.

NoussommesarrivésdanscepetitchâteaudesHamptonshiersoir,auvolantdeladécapotablequeDavidaachetéepournotreroadtripenLouisiane.Nouspartironsdèsdemain,aprèsavoircélébrélemariagedeGaryetJudith.Nousrouleronsverslesuddupaysànotrerythme:nousavonstoutnotretemps.Notreseul impératifestd’êtrearrivésenCaliforniedansquatresemaines : là,Barbaranous

rejoindraetnouspasseronsdixjoursdevacancesensemble.Oh,j’aitellementhâtequemameilleureamie rencontre enfinDavid !À cette idée, jeme sens soudain toute guillerette.Davidme jette unregardrassuré:

–Tum’asl’airmieuxréveillée,d’uncoup.J’étaisinquiet:tucriaissifortdanstonsommeil!

Ilsautehorsdulit:

–Dequoias-tubienpurêverpouravoiraussipeur?

Confuse,jebafouille:

–Jenemesouviensplus…Plusvraiment…

Pieuxmensonge. J’ai encore tout en tête : la bague perdue, Sacha et son voile noir, Sandro quim’ouvrelesbras.

David avance vers la fenêtre et écarte les rideaux : le soleil illumine la chambre. Il ouvre pourfaireentrerl’airduprintemps,cetairfraisquicharriel’odeurdel’herbecoupéeetdelaterreencorehumidederosée.Davidseretourneetmesourit.

–Çayest,c’estlegrandjour!

Ilregardesamontre:

–Huitheures…Nousferionsbiendeprofiterunpeudutempsqu’ilnousresteensembleavantquetoutlemondeviennenoussolliciter.Jesensqu’êtrelestémoinsdecemariagenevapasêtredetoutrepos…

Jemelèveetlerejoins,pudiquementenveloppéedansledrap.

–Louisa,jen’arrivepascroireque,dansmoinsdequatreheures,JudithseradevenueMrsGaryStewart!

–Etmoi,jen’arrivepasàcroirequetuasaujourd’hui30ans…

Davidrougit,unpeugêné.Jelerassure:

–Net’enfaispas,David:jen’airappeléquec’étaittonanniversaireàpersonne.Pasdesurprisesmalvenues:tonsecretestbiengardé.

Davidm’embrassesurlefront.

–Tantmieux…Tusaiscommejedétestecettedate.Heureusement,toutlemondesemblel’avoiroubliéedepuisdesannées!Etcen’estcertainementpasencegrandjourqueçavaleurrevenirenmémoire…Bon,nousavonsencoreuneheuredevantnousavantquelesfutursépouxseréveillent.Quedirais-tudeprendredesforcesavecunsolidepetitdéjeuner?Nousenauronsbienbesoinpourcettejournéequis’annoncechargéeenémotions.Jevaisappelerleroomservice…

Jel’arrête.

–David, lepeude tempsquinousest laisséen têteà têteencegrand jour, jecompte l’occuperautrement…

Et, joignant legesteà laparole, je laisse tomber ledrapquidissimulaitmoncorps, referme lesrideaux,etenlacemonamant.

LorsqueDavidetmoiémergeonsdenouveau, ilestdéjà9h30.David,en regardantsamontre,s’exclame:

–Mince, il faut qu’on se dépêche ! Le traiteur doit être en train de faire samise en place. Ledécorateurfinalisecertainementlesderniersdétails…Ilfautqu’onserelaiepourleschapeauter.

Queldommage!Ilvafalloirseprépareràlahâteet,siçasetrouve,jen’auraimêmepasletempsdeluioffrirsoncadeaud’anniversaire!Monamantm’enlace:

–Nousgagnerionsdutempsennousdouchantensemble…–DavidFulton,vousêtesinsatiablecematin!–C’estcemariage:çatitillemoncôtéromantique.

Jel’embrasse:

–Moi,çatitillesurtoutmoncôtécoupable,pourl’instant:j’ailaisséSachasedébrouillerseule!Elledoitêtreen traindebataillercontre lacoiffeusepourqu’onne transformepas lescheveuxdeJudithenpiècemontée…

Davidrit.

–Ça,ceseraitunevéritablecatastrophe.

Jeme lave à la hâte et enfile la sublime robe réalisée parMaria pour l’occasion. Pendant queDavid est sous la douche, je sors de sous le lit un paquet cadeau que je pose en évidence sur lematelas.

QuandDavid ressortde la salledebains, il se figeun instantpuisposedesyeuxétonnés sur lepaquetàcôtédemoi.

–Monange,qu’est-cequec’estqueça?

Gentiment,jememoque:

–Jesaisquetun’enaspasl’habitudemaisceci,trèscher,estuncadeaud’anniversaire.

Uncadeaudontjesuisparticulièrementfière,jel’avoue,mêmes’ilm’afallubeaucoupd’effortspour l’obtenir.Heureusement,vuqueDavid s’estbeaucoupabsentéces troisderniersmois, j’aipuprendre plusieurs petits jobs afin de financer ma « folie » sans qu’il se rende compte de rien.Serveuse, professeur particulier de français… Et puis il me restait aussi pas mal d’argent de ma

boursed’étude.Onpeutdirequejen’aiménagénimapeinenimonporte-monnaie,maisçaenvalaitlecoup!

Direquesijen’avaispasétéinscritesurlamailinglistdeChristie’s,lacélèbresalledesventes,jen’auraisjamaissuquelamachineàécriresurlaquelleEllroyarédigéLeDahlianoirallaitêtremiseenvente!OK,c’étaitunefolie,maislenouveaumaîtreduromannoirnemérite-t-ilpasdetravaillersurlesmeilleursoutils?

ToutcommeLeDahliaavantlui,LaDisparitionvaêtreadaptéaucinéma.LesscénaristessesontdéjàmisautravailetconsultentrégulièrementDavid,quin’allaitpaslâchersonbébéaussifacilementqueça!Ilad’ailleursprévenulaproduction:«JevaisêtreparticulièrementvigilantsurlechoixdesacteursquiinterpréterontJohnetManon.»JohnetManon,lesdeuxpersonnagesinspirésdenous…CommeçaaététroublantetbeaudelirecequeDavidaécritsurmoi!J’aipuenfincomprendretoutcequ’ilavaitressentienmerencontrantetquel’amour,cesentimentauquelilavaitrenoncé,luiétaitvraiment tombé dessus. J’ai mieux compris ses difficultés à s’engager – bien qu’aujourd’hui, cesdifficultéssemblents’êtreévanouies.

Davids’approchedemoiet,timidement,commeunenfantquin’apasétéhabituéàêtregâté,medemande:

–Je…jepeux?

Ildésignelepaquet.

–Biensûr,c’estfaitpourça!

Il s’assiedsur le lit, àcôtédupaquetornéd’ungros ruban.Précautionneusement, ildéballe soncadeau.Ildécouvrelamallette,necomprendpastoutdesuitedequoiils’agit.Ill’ouvre…entrevoitleclavierdelaRemington…Ilasurlevisageuneexpressionémerveilléequimeravit.

–Louisa,elleestmagnifique!

Ilsepencheversmoietm’embrassepassionnément.Lorsqueseslèvress’éloignentdesmiennes,ilaperçoitunepetiteenveloppeglisséedanslesrouleauxdelamachineàécrire.

–Qu’est-cequec’est?

Ils’agitducertificatdelasalledesventes,quiconfirmequ’elleabienappartenuàJamesEllroy.

–Ouvre,tuverrasbien!

David s’exécute. Il commence à lire, attentif. Peu à peu, ses sourcils se dressent, sa bouches’ouvre…Soudain,ilrelèvelatêtepourmeregarder,interloqué.

–Louisa,tu…tuesfolle…C’estbeaucouptrop!

Jesuissiheureusedesentirquemoncadeauluiplaît!

– Ce n’est en aucun cas trop, David. Rien n’est trop beau pour toi. Anniversaire ou pasanniversaire,cettemachineterevenaitdedroit:tul’asméritéegrâceàtontravail.Voisçacommeunesorted’héritagespirituel…

Davidm’embrassefougueusement.

–Per…personneavanttoi…Personnen’ajamaisréussiàmefaireautantplaisir.

Çanemesurprendpas: leDavidquej’aiconnu,avecsoncôtécontrolfreak,avait tantdemalàrecevoir, à se laisser toucher ! Plus aucune trace de ce trait de caractère chez mon amant, quim’étreintetrépète,bouleversé:

–Louisa,jet’aime,jet’aimetant!Tueslafemmedemavie…

Jelelaissemeserrerdanssesbraspuissantsensavourantmachance.Noussommesdansuncadreidyllique, nous nous aimons, nos amis sont heureux…Ces troismoismouvementés, oùDavid estpartipromouvoir son livreauxquatrecoinsdumondependantque je finissaismonrecueilàNewYorkontrendunotrepassionplusvivequejamais.D’ailleurs,ensentantlesmainsdeDavidsurmoi,ledésirm’envahit.J’ail’impressionquelamêmefièvreagagnémonamant.Pourtant,ilinterromptsesbaisers:

–Louisa,j’aimoiaussiquelquechosepourtoi.J’avaispensétel’offrirenLouisianemaisjeneveuxplusattendre…

Il se lève pour aller fouiller dans sa valise. Je suis intriguée. Ça, c’est du David tout craché !Impossiblepourluiderecevoirsansdonnerlecentupleenretour.Quellefoliea-t-ilencorecommisepourmoi?

Je n’ai pas le temps d’obtenir la réponse à cette question car soudain, quelqu’un tambourine ànotreporte.

–David,Louisa!C’estSacha!

Davidseretourneversmoietmejetteunregarddésemparé.Ilposeundoigtsurseslèvrespourmefairesigned’ignorerlaprésencedeSachaetderestersilencieuseletempsqu’elles’enaille.C’estplusfortquemoi:j’éclatederireetsecouelatêtepoursignifieràDavidquejerefuse.Tantpispourlecadeau,ilfaudraqu’ilmel’offreplustard.Jeclaironne:

–Entre,Sacha!

Labelleblonde,vêtuede lamêmerobequemoi, fait irruptiondans lapièce.Ellea l’airunpeuaffolée,cequinem’étonneguère.Jem’attendsàcequecettejournéesoitricheenémotions!Monrêveétaitpeut-êtreunesortedeprésage…Unmariageesttoujourspleind’imprévusetc’estànous,demoisellesd’honneur,delesgérer.

–Qu’est-cequit’arrive,Sacha?

Notreamies’avanceversnousettrébuchesurletapis.Ellemanquedepousserunjuron,s’agace…Jeris,cequiladérideaussitôt.Ellepouffeàsontour,avecunetellesincérité,unetelleautodérision,quejeculpabiliseaussitôtdemonrêve…Sachaenveuvenoire:qu’est-cequeçapeutbienvouloirdire?

Est-cequemoninconscientseméfieencoredecettefemme?Alorsqu’elles’estrévéléeuneamieformidablemalgréseserreurspassées?

Sachas’approchedulitetmetireparlebrasenm’expliquantlesraisonsdesavisite.

–Cettejournéecommencefort!C’estl’angoisseabsolueducôtédelamariée.Judithestentraindenousfairelatraditionnellecrisedepaniquepré-cérémonie…

–Maispourquoiça??

Sachahausselesépaules:

–Mystèretotal…Jenecomprendsrienàcequil’affole,maisilfautdirequelapsychologie,c’estplustontrucquelemien.Peut-êtrequetoi,turéussirasàlacalmer.

SachasetourneversDavid:

–Tupeuxnousêtreutileaussi:allez,lève-toi,onyva!

Noussortonsdelachambreetdescendonsaupremierétageduchâteau.C’estlàquesetrouvelepetit boudoir où se prépare lamariée. Nous entrons dans la pièce et, instantanément, une étrangesensationdedéjà-vus’emparedemoi.Serait-celemêmeboudoirquedansmoncauchemar?

J’accordesansdoutetropd’importanceàcerêve.Maisilsemblaitsi…réaliste!

Judithestplantéelà,enjeanettee-shirt,devantlemiroir,àhaleter.Lamaquilleuseetlacoiffeuseattendent,unpeudésemparées:ellesnepeuventpastravaillertantquelamariéen’apaspassésarobe.J’observeJudith:sespoumonss’emplissentetsevidentàtouteallure.Jem’approched’elle,luiposeunemainsurl’épaule;elleseretourne.J’enprofitepourl’attireràmoietlaserrercontremoncœur.

–Hé,mabelle…Qu’est-cequinevapas?Pourquoin’es-tupasencorehabillée?–Je…JenepeuxpasLouisa.–Dequoiest-cequetuparles,Judith?–Jenepeuxpasenfilercetterobe,fairecommesiderienn’était,alorsquenoussavonstousau

fondquecemariagen’aurapaslieu….

David,Sachaetmoi-mêmenousexclamonsenchœur:

–QUOI???

Judithsemetàfairelescentpas.

–Vous savez aussi bienquemoiqueGary…Garyn’est pas fait pour cegenrede choses ! Il a

passéquinzeansàrefuserquejepartagesavieetmaintenant,ilvoudraitsemarier?Jesuiscertainequ’ilva…qu’ilvachangerd’avis.Quand ilverra les invités,quand ilenfilerasoncostume,quandDavidluiremettralesalliances…Àunmomentdonné,ilvafairemachinearrière.

LementondeJudithsemetàtrembler.

–Si…si jesuishabilléeàcemoment-là…Sijesuiscoifféeetmaquillée,heureuse,confiante…AumomentoùDavidfranchiracetteporte,aumomentoùilm’annonceraqueGaryestparti,ceseraencorepire.

Davids’approchedeJudith.Iltentedel’apaiser:

– Judith… Judith, écoute moi… Tu fais une crise d’angoisse. Il faut que tu te calmes, que tureprennes tes esprits.C’est taproprepeurqui te fait imaginer lespires scénarios.Garynecompteabsolumentpasdisparaîtredanslanature.

Judithplantesesyeuxdésarmésdansceuxdesonmeilleurami:

– En es-tu certain, David ? En es-tu absolument convaincu ? OK, mettons qu’il ne parte pasaujourd’hui,qu’ilaillejusqu’auboutdecettecérémonieetqu’ildise«oui»…Qu’ensera-t-ildansunan?Danscinqans?Peux-tumepromettrequ’ilseraencorelà,avecmoi?

–Bienentendu,jenelepeuxpasmais…

Judiths’écrie,triomphante:

–Ah,tuvois!Toinonplus,tunesaispassiGarypeutfaireça…S’ilestcapablede…

Davidl’interrompt:

–NonJudith,jenelesaispas,maisj’ycrois,duplusprofonddemoncœur.Ettoiaussi,tudoisycroire.Car lemariage,c’estça :unactedefoi.Laconvictionqu’unepersonneaétémisesurcetteterrepourquetupuissesl’aimeretréciproquement.

Jem’approcheàmontour:

–Judith,j’aivucommeGaryteregarde.J’étaislà,lejouroùilt’ademandéeenmariage.Jesais,toutcommetoi,qu’ilavaitachetélabaguedefiançaillesdepuisdesannées.Ilestprêt,plusqueprêt,crois-moi…

–Tu…Tupenses?

Jeris.

–Biensûr!Allez,vienslà…

Jelaserredenouveaucontremoi.

–Écoute,Davidvaresteravectoiet…

Jejetteunrapidecoupd’œilàl’équipecoiffure/maquillage:

–…ets’assurerqu’onnetemaquillepascommeunevoiturevolée.Sachaetmoiavonsdeuxoutroischosesàréglerpourledîner,maisnousseronsderetourtrèsvite.

Àpart,jemurmureàDavid:

–GardeunœilsurJudith.J’embarqueSachaavecmoi.MieuxvautallervérifierqueGaryvabien.SiJuditharaison,s’ila lemoindredoute…Ilseraplusenclinàseconfieràsasœurjumellequ’àquiconque.

Jenepeuxmedéfairedelasensationquecevilainrêveannonçaitunecatastrophe.

2.Ladoubleconstance

J’entraîneSachahorsduboudoir.

–Sacha,jecroisqu’ilseraitbonqu’onpassevoircommentvaGary.L’étatdeJudithm’ainquiétée.–Tunepensespasqu’ellefaitjusteunecrisedepanique?–Si,si,biensûr…Maismieuxvautprévenirqueguérir…Prendrelatempérature…Constaterpar

nous-mêmesdansquelétatsetrouvelefuturmarié…–Tuasraison.Viens,suis-moi.

Noustraversonslecouloirjusqu’aupetitsalonoùsetrouveGaryetfrapponsàlaporte.

–Gary?C’estSachaetLouisa.Est-cequ’onpeutentrer?

Garynousouvrelaporte.Unlargesourirebarresonvisage.

–Commentvontmessublimesdemoisellesd’honneur?

Garyestsibeau,danssonmagnifiquecostumetaillésurmesure!Iln’apourl’instantpasrevêtusaveste ni noué sa cravate. Son visage irradie : il semble heureux, détendu. Il nous fait même unbaisemain de parfait gentleman.Sacha rit. Il la prendpar lamain et lui fait faire un tour sur elle-même.Ilnousdemande:

–M’apportez-vousdesnouvellesdemafutureépouse?Commentva-t-elle?

Sacha,avecsonfranc-parlerhabituel,nepeuts’empêcherdeluirépondre:

–Elleflippecomplètement.

Garyblêmit.

–Commentça?–Oh,elleseracontedeshistoires…Tusaiscommentsontlesfemmes…

JedonneuncoupdecoudeàSacha:

– Hé ! Ce n’est pas parce que tu es sortie du placard que tu dois te transformer en affreusemisogyne!

Gary ne goûte pas du tout la remarque de sa sœur et je le comprends. Parfois, Sachamanquevraimentdetact;ellelancecegenredebombessansréfléchirunesecondeaufaitqueçavainquiéterGary!Lefuturmariésetourneversmoi:

–Louisa,commentva-t-elle?Elleadesdoutes?

Jem’approchedeluietluiposeunemainapaisantesurl’épaule.

–Net’enfaispas,elleneremetpasdutoutenquestionsondésirdet’épouser.C’estjustequ’elleestinquiète,elles’imaginedeschoses.Jecroisqu’elleapeurquetunechangesd’avis…C’estuneangoisse que toutes les futures mariées connaissent. Ne t’inquiète pas, je t’assure que soncomportementn’ariend’anormal.

Garys’élanceverslaporte:

–Ilfautquej’aillelarassurer!

Sachaetmoinouscramponnonsàsonbraspourl’empêcherdequitterlapièce.

–Surtoutpas,frérot!Voirlamariéeavant,çaportemalheur.Situnerespectespaslatradition,là,tapromisevatotalementpaniquer!

–Sachaa raison,Gary.Tudevraisnous laissergérer.D’ailleurs,DavidestavecJudith : tuvoisbienqu’iln’yaaucunproblème!

–Vousêtessûresque…?–Oui,oui,net’enfaispas!Tiens,laisseplutôtSachafairetonnœuddecravateetdétends-toi.

MaisGaryn’yparvientpas.L’anxiétédeJudithl’affectebientrop.

–Comment se fait-il qu’elle doute encore demon amour ?Après tout ce que nous avons vécuensemble?

Sacha,quidécidémentn’enratepasune,luidit,toutens’affairantànouersacravate:

–Justement,d’aprèscequej’aicompris,tun’aspasfaitquedesétincellesenmonabsence.

Choquée,jemetourneverselleetm’écrie:

–Sacha!–Bahquoi,c’estvrainon?Çaaétéunpeulavalsedeshésitations,cettehistoire…AlorsJudith

angoisse,ettuangoisses,ettoutlemondeangoisseavecvous,maisàlafin,vousfinirezquandmêmepar vous dire « oui », et tout lemonde sera content.Nous, on fera des discours qu’on regretterademain,ondanseracommedescrétins,onboiratrop…Vousvouséclipserezpourlanuitdenoces…Dansquatreheuresmaximum,toutlemondeauraoubliéqu’àunmoment,cematin,vousaveztouslesdeuxeuunpetitcoupdesang.

Bon,çava,ellerattrapebienlecoup.

Jeris.

–Quelromantisme,Sacha!

Ellemefaitunsouriregrimaçant.

–Moi,tusais,vucequisepasseavecMariaencemoment,lesmariages…

Jem’approchedeGaryetleserredansmesbras.

–Danslefond,Gary,Sachaaraison.Mêmesisurlaforme,jenesuispastoutàfaitd’accord:çavaêtreunecérémonie trèsémouvante,undélicieux repas,debeauxdiscours,unenuitde fête…Jevaispleurer,Davidvapleurer,etmêmecettesans-cœur,là…

JedésigneSachadumentonetpoursuis:

–…mêmeelle,quandvouséchangerezvosvœux,jetepariequ’onvavoirsonmascaracouler.

Sachahausselesépaules.

–J’essayaisjustededédramatiserlasituation.

Garysetourneverslemiroir,examinelenœuddecravatequeluiafaitsasœur:

–Tulepensesvraiment,Louisa?Toutirabien?

Jel’embrassesurlapommette.

–Maisoui,grandsot!Toutvasedéroulercommedansunrêve,tuverras.

Enfin…Pascommedansmoncauchemardecematin,j’espère!

Surce,j’entraînesasœurverslaportedesortie.

À peine avons-nous refermé sur nous la porte du petit salon que Sacha et moi nous jetons unregardenbiais.Nousnousmordonsleslèvrespournepasrire.Gentiment,jelagronde:

–Sacha,franchement…Depuisquandest-cequelerôled’unedemoiselled’honneurestdestresserlemarié?

Sacha,bonnejoueuse,ritauxéclats.

– Bon sang, j’espère que mon discours au dîner sera un peu mieux que celui que je viens dedonner. Parce que là, j’avoue, ce n’était pas brillant ! Enfin, nous avons tout demême réussi à lerassurer.

Jepouffe.

– L’ironie, dans tout ça, c’est que si je n’avais pas eu l’idée de passer le voir, nous n’aurionsjamaiseubesoindelerassurer…Onfaitunebellebrochette,toietmoi!

Sachasoupire.

– Bon sang Louisa, cette journée ne fait que commencer et j’ai déjà besoin d’une coupe dechampagne.

Jelaregardeavecunairespiègle.

– On pourrait aller quémander en cuisine ? Ça serait l’occasion de donner les premièresinstructionsautraiteur…

–Ça,c’estunebonneidée!

Comme deux voleuses, Sacha etmoi nous glissons le long des escaliers jusqu’aux cuisines duchâteau.Nousrasonspresquelesmursafind’éviterquel’undesinvitésnenousvoieetnoussollicite.Dieu, je n’aurais jamais cru qu’être demoiselle d’honneur soit si épuisant, nerveusement parlant !Oui,nousméritonsamplementcettecoupepournousrevigorer.

Arrivéesauxcuisines,j’aipeineàmasquermadéception:lesserveursnesontpaslà!Jeregardemamontre.

–Ilest10h45,ilsdoiventêtreentraindemettrelebuffetduvind’honneurenplace.Tantpispournous…

MaisSachaavanceverslesfrigosavecunsourireinsolent.Va-t-elle…?

Oui,elleouvreàdemilaportedufrigoetensortunebouteilledeCristalRoedererqu’ellebrandit,triomphante.

–Justeunepetitegoutte…

En étouffant un gloussement, je m’approche d’elle et lui fais signe d’être discrète. Nous nousasseyonssurlesolrutilantdelacuisine,dissimuléespar lesplansdetravailet les largesfrigoseninox. Sacha commence à ouvrir la bouteille. Le bouchon part dans un bruit de tous les diables !Encoreunefois,nousétouffonsnosriresd’écolières.Çafaitdubien,defairel’enfant,unpeu!

–MoinsfortSacha,onvasefairepincer!

Sachamemurmure:

–Çamerappellelesbêtisesqu’onfaisaitavecJudith,aprèsl’extinctiondesfeux,aufoyer.

Sachaboitunegorgéeaugoulotpuismetendlabouteilleenajoutant:

–Oh,onauraitdûl’entraîneravecnous.Volerduchampagneàsonpropremariageluiauraitfaitunbienfou:çaluiauraitpermisderelâcherlapression…

–Elleprofiteradelafêteunefoislacérémoniepassée.Onvafaireensortequ’elleviveundînerparfaitetunesoiréeinoubliable.

Sachasetourneversmoiavecunsourireadorable.

–Çamefaitplaisirdepartagercerôledetémoinavectoi,Louisa.Déjà,parcequepourl’instant,jem’amusecommeunefolle.Ensuite,parcequepersonned’autrequetoin’auraitétémieuxindiquéepourtémoignerdevanttoutecetteassembléedel’importancedeleuramour…Aprèstout,c’estquand

mêmegrâceauxeffortsquetuasfaitspourmeretrouverqu’ilsontpuseremettreensemble!

Ça,c’estunephrasequimetouchevraiment!JeredonnelabouteilleàSacha.Elleal’airunpeurêveuse.

– Je suis quandmême rudement contente. Toi,moi, Joul…On commence à former une sacréepetitebande.Jen’aipastropeul’occasiondevivreça,adolescente:jesuispartiepourFriscoetj’aicommencéàtravaillersijeune!Quandonfaitcegenredechoses,toietmoi,c’estunpeucommesijevivaislesannéeslycéequim’ontétéconfisquées.

Moiaussi,j’avouequejem’amusetoujoursbeaucoupavecSacha:elleesttellementfantaisiste!

–Tusais,Louisa,c’esttoujoursdanslesmomentsdecrisequ’onréalisel’importancedel’amitié.ToutcequejetraverseavecMariaauraitunesaveurbienplusamèresimescopinesn’étaientpaslàpourme soutenir.C’est tellement difficile, en cemoment !Continuer de travailler jour après jouravecelle,fairecommesiriennes’étaitpasséentrenous…Alorsquejesaisqu’ellem’aime!Maiselleabientroppeurduregardquevontporterlesgenssursavieprivée,etRichardsesertdecettepeurpourlamanipuler.

–Est-ceque…tul’ascroiséedepuiscematin?Maria?

Sachaacquiesce.

–Jel’aiaperçuequandelleaapportélarobedeJudithmaisjemesuisesquivée,jenepouvaispaslui faire face. Pas un jour comme aujourd’hui, où on célèbre l’amour et le fait de le déclarer…publiquement.

–Etellecontinuede refuserdeseservirdes informationsqueChloeacollectéessurRichard?Toutessesinfidélités,sesproblèmesdeboisson,sescuresdedésintoxication?

Sachaopine.

–Elleaétél’épousedecethommependantquinzeans.Elleditqu’ellenepeutpasluifaireuncoupaussibas.

Jetrouveçatellementinjuste!MariafaittoutpourprotégerRichard,audétrimentdesonproprebonheuretdeceluideSacha!

Jem’enquiersd’ailleursauprèsdecettedernière:

–Tuneluiastoujourspasparlédetonpassé,j’imagine?–Non,jen’enaipaseul’occasion.Ellem’éviteconstamment…Ellenerépondpasàmesappels

ouàmesSMS.J’airéussiàluiparler,quelquesfois,àl’atelier.Jeluiaiditquejel’aimaiscommeunefolle.Nousavonsbeaucouppleuré,ellem’aassuréqu’elleaussiétaitdinguedemoi…Maiselleresteinflexible.Jenesaisplusquoifaire!

Jeregardemamontre:

– Elle ne va plus pouvoir t’éviter bien longtemps de toute façon : c’est l’heure d’aller se faire

maquiller et, à 11 h 30, il est prévu qu’elle nous rejoigne pour vérifier qu’il n’y a pas besoin deretouchesdedernièreminute.

Sachaposelabouteilleàpeineentaméesurl’unedesdessertes.Elleserelèveetmetendlamainpourm’aideràmehisser.

–Ehbien,allons-y,partenaire.Àlaguerrecommeàlaguerre!

JeposelamaindansledosdeSacha.

Peut-êtrequelavoilettedeveuvequ’elleportaitdansmonrêveavaitunrapportavecledeuildesarelationavecMaria?

NousarrivonsdansleboudoirdeJudith,quiavisiblementtoutoubliédesacrisedepaniqued’ilyauneheure.

Notepourplustard:penseràdireàDavidàquelpointilestformidableetrassurant.

Lastardujourestmerveilleusementcoifféeetmaquillée:sacascadedecheveuxrouxdessinedejoliesondulationsauxquelless’entremêlentrubansetplumesblanches.Sonteintestsuperbe,naturel,etlaisseentrevoirlestachesdesondesapeaudorée.Seulesaboucheesttrèsfardée,d’unbeaurougeorangé.Elleestparfaite.

Mariaestdéjàlà.Ellereprendlégèrementlecorsagedelarobeblanche,dontquelquesperlessonttombées.Lorsqu’ellel’aperçoit,Sachasefigesoudain.MaisMarial’évitesoigneusementduregard.Judithfaitsemblantdenerienremarqueretnousinforme:

–DavidetStansontallésplacer les invitéspournouslaisserànotreséancedemaquillageetderetouches.Iln’yapasàdire,lesdeuxtémoinsdeGaryassurent!

Surce,ellenousfaitunclind’œil.

Pendantquelacoiffeuseetlamaquilleuses’occupentdemoi,Sachaestausupplice.Mariaestàsespiedspourvérifier unedernière fois le tombéde sa robe.Sesmains la frôlent…Mais sonvisagerestedemarbreetsonregard,fuyant.

Àcemoment-là,montéléphonesonne.C’estunSMSdeMary.J’avertislesfilles:

–MaryetDanviennentd’arriverauchâteau.Ilsveulentmonteruninstantnousembrasser.Çanet’ennuiepastrop,Judith?

–Au contraire !Dis-leur de venir. Enfermée ici, je deviens folle : j’ai l’impression d’être uneprincesse faite prisonnière dans une tour. J’entends les discussions, les rires des gens en bas…Etmoi,jenepeuxmêmepasenprofiter!

JerépondsàMary.

[Monte!Onestaupremierétage,dernièreporteducouloiràdroite.]

Macolocataire,cettetornade,surgitdansleboudoirenquelquessecondesseulement.Danluitientlamain.Commed’habitude,ilssontdélicieusementexcentriques.Maryporteunerobeannées1960etDan,uncostumededandyanglais.Marys’exclameennousvoyant:

– Oh, les filles, ce que vous êtes belles ! On dirait des poupées ! Je n’ose même pas vousembrasserdepeurderuinervosbeauxmaquillages…

Enriant,elles’approchedenousetnousfaitdesbisesdanslevide,sanstouchernosjoues.Dan,faussementsolennel,s’amuseànousserrerlamain.Ilaunpetitcomplimentpourchacune:

–Commentvanotrecélèbreécrivain?EtnotreradieuseJudith?Tuessublime.

Ilajouteplusbas,dansunegrimacecomique:

–Sijamaistuveuxplaquertonpromisett’enfuiravecmoi,ilestencoretemps…

Il se tourne vers Sacha,maintenant assise devant la coiffeuse pendant qu’on coiffe ses cheveuxblonds.Mariaobservelascènetoutenajustantledrapédemarobe.

–Quantàtoi,Eleonore…

Sachatressaille.Jesensqu’ellesupportedemoinsenmoinssadoubleidentité.

Lesimplenomd’Eleonoreluiestdevenuodieuxdepuisquelquetemps.

Danpoursuit.

– Tu sais que tu m’as brisé le cœur en t’affichant partout avec ton nouveau boyfriend ? ChrisHammer,sérieusement…Commentveux-tuquejerivalise?

Mariasedécompose.

Bravo,Dan.

Mariaestblême.Ungrosmalaises’installedanslapièce.MêmeDans’enaperçoit:

–Bahquoi,qu’est-cequej’aiditencore?

Mary ne comprend pas non plus se qui se passemais, après un léger raclement de gorge, ellecommenceàentraînerDanverslasortiepournouslaissertranquilles:

–Bon,onvouslaisse…Onsevoitdansquelquesminutespourlegrandsaut!

EtlesenfantsterriblesdeNYUs’éclipsent.

Dèsquelaporteserefermesureux,Sachase tourneversMaria.L’airdésolée,ellecherchesonregard.Enfin,elleoseprendrelaparolepours’adresseràlafemmequ’elleaime.

–Tusais…tusaisbienqueChrisn’estqu’unefaçade…Unehistoireinventéedetoutespiècespourteprotéger.

MaisMariaaleslarmesauxyeux.

–Vraiment,Eleonore?Parcequesic’estpourmeprotéger,cen’estpaslapeinedecontinuercettemascarade.Commetoietmoinenousvoyonsplus…

Jeme tourneversMaria avecun air profondément choqué.Comment peut-elle être si cruelle ?Mariafaitminedenepasvoirmonœilladeassassineetcontinue:

–Maispeut-êtret’es-tupriseàtonpetitjeu?Aprèstout,ChrisHammerestunhommecharmant.Ettuastouslesdroitsde…

Sachapousseuncridéchirant:

–Çasuffit!

Mariasefige.

Sachas’approched’elleetluiprendlamainavecdouceur.Ellereprend,cettefoisavecunevoixchaude,enveloppante,rassurante:

–Çasuffit,Maria.Tusaisbienquejen’aimequetoi.Jetel’aiditetrépétécesderniersmois:jen’ai jamais aimé comme ça avant. Je ne savaismême pas qu’il était possible de ressentir ça pourquelqu’un.

Sachas’interrompt,unpeugênée.EllesetourneversJudithetmoiavantdereprendre:

–J’auraisaiméqu’onsoitseuleàseulepourtedirecequej’aisurlecœurmaisjenepeuxplussouffrircommeçaalors je te ledisdevantnosamisquiseront les témoinsdecequejeressensaufonddemoi :Maria je t’aime, tu es la femmedont j’ai toujours rêvé.Dèsque je te regarde, c’estcomme si une immense vague de chaleur me submergeait. J’ai conscience que jamais je neretrouveraiquelqu’und’aussitalentueux,d’aussisensible,d’aussitouchantquetoi.Jesaisaussiquetuassoufferttoutescesannées,etcrois-moi,lasouffrance,jeconnais.Jeteregardeetjetevois,Maria.Jemereconnaisentoi.Jesuisprêteàdéposermavieàtespieds.Àt’aimercommejamaispersonnenet’aaimée.Tun’aspourçaqu’unmotàdire…

SacharelâchelamaindeMariaetreculed’unpas.Lesdeuxamantesontl’airaussisecouéesl’unequel’autre.Mariapleureensilence.Mêmemoi,j’aideslarmesaurasdescilstantcequeSachavientdedireestémouvant.Pourtant,lasituationestdéchirante:savoirquemonamieressentquelquechosed’aussi beau mais qu’elle ne peut être avec l’élue de son cœur… C’est tellement dur, tellementinjuste!Jepourraisencriertantçamerévolte.

D’unevoixdouce,Sachareprend:

–Maria, jeneveuxplusqu’onjoueàça.Jeneveuxplusqu’onsefassedumal.Jeneveuxplus

rientecacher.

Lesoufflecourt,elleluidemande:

–Parsavecmoi,Maria.OublieRichard,oubliecequetuasàperdreet,pourunefois,penseàcequetuasàgagner.Sinoussommesensemble,nousreconstruironspierreparpierreunenouvellevie.Nous créerons une autre marque pour tes vêtements, encore plus fabuleuse que la précédente. Jet’aiderai,jetesoutiendrai,jet’accompagneraidanslesépreuveslesplusdures.Jeserailàpourtoiàchaqueinstant.Iltesuffitdedire«oui»etjeseraiàtoipourlavieentière.

Judithetmoiretenonsnossouffles.

Mariarestepétrifiée.

Parpitié…Disoui…

Soudain,labelleArgentineseprécipiteversSachaetl’embrasseavecpassion:

–Oh,Eleonore,monamour…Oui,jeveuxêtreavectoi.J’accepte.AudiableRichard,audiablelequ’en-dira-t-on!Partonsensemble,partonsloin.

Sachaenlacesonamante.

–Maria…!Je teprometsque jevais te rendreheureuse.Nous ironsoù tuveux :auCanada,enCalifornie,enEuropemême!Nousrepartironsdezéro.Jeteparleraidemonpassé,jetediraitoutdemoi…Toutcequetuignores…Jenetementiraijamais,jen’auraiaucunsecretpourtoi.

SachaetMaria s’embrassentencoreetencorealorsquesur leursvisagescoulentdes larmesdejoie.Jesuissiheureuse!JepensaisquelaSachaennoirdemonrêveannonçaitunecatastrophemaisen fait, elle signifiait simplementqueSacha faisait enfin ledeuilde sesanciennes souffrances…Ilfautmaintenantqu’elletrouvelecouraged’«enterrer»EleonoreendisantlavéritésursonpasséàMaria.

Voilàqu’unepartie demon cauchemar est décryptée.Reste à trouver le sensdu reste.Labaguedisparue…Sandrodevantl’autel…Qu’est-cequetoutçapeutbiensignifier?

Aumilieudetoutesceseffusions,Davidfaitsonentrée.Surpris,ildemande:

–Qu’est-cequisepasseici?

Jel’entouredemesbras.

–Rien.Nouscélébronsl’amour,c’esttout.

Sacrécliché,maistellementvraidanslasituationprésente!

Ilmesouritetsepencheversmoipourm’embrasser.

–Çatombetrèsbien,j’aijustementmoiaussienviederendrehommageàCupidon.

Puisilmedemande,plusbas:

–Est-cequetupourraismesuivreuninstant?J’aiquelquechoseàtedemander…

MaisStanley,l’autretémoindeGary,entredansleboudoir:

–Messieursdames,c’est l’heure.L’orchestreet les invitéss’impatient.Et lemarié,n’enparlonspas!

JemeretourneversJudith:

–Prête?

Ellehochelatête:

–Jen’aijamaisétéaussiprêtedetoutemavie.

3.L’insoutenablelégèretédel’air

À la suite de David et de Judith, jem’engouffre dans l’allée, Sacha àmes côtés. LeCanon dePachelbel, jouéparunquatuoràcordes, retentitetmarque le rythmedenospas.Jechassedemonespritlesréminiscencesdemonrêvequijaillissentetjetteuncoupd’œilàSacha,quimesourit.Nousnous dirigeons d’un pas souple jusqu’à la tonnelle sous laquelle se tiennent le pasteur, Stanley etGary.Moncœurbatàl’unissonaveclamusique.

Arrivéàdestination,DavidlâchelebrasdeJudithetvarejoindreStansurlagauche.Lamariéesetourneversmoietmetendsonbouquet.Sachaetmoinousdéportonssurladroite.

–Noussommesiciréunispourcélébrerl’uniondecethommeetdecettefemme…

Alorsquelepasteurparle,monesprits’évade.ToutemonattentionsefocalisesurDavid,quialesyeuxrivéssurmoi…Quepeut-ilbienpenserencemoment?Entoutcas,ilmedévoredesyeux.

Serai-jebientôt,moiaussi,dansunebellerobeblanche,devanttousmesamis,entraind’acceptercommeépouxcethommequej’adore?Suis-jeprête?

Alorsque jecontemple levisagedeDavid, jecomprendsque je lesuis.Malgrémon jeuneâge,monpeud’expérience,jesais:ilestleseuletl’unique.Personnenepourrajamaisledétrôner.Ena-t-il conscience ? Ressent-il la même chose pour moi ? Après tout, il a tant changé depuis notrerencontre…Maintenant, il est de nouveau capable d’aimer, de s’ouvrir à une femme. Aurai-je lachanced’êtrecellequipartagerasesjoursetsesnuitspourtoujours?Certes,jel’aiguéri,maisçanesignifiepaspourautantque jesuissongrandamour.Peut-êtreque toutceque je luiaiapporté luiserviraàaimeruneautrefemmeetàfaireauprèsd’ellelesermentdel’adorerpourl’éternité.

Lavoixdupasteurm’arracheàcetteméditationdésagréableoùmesplusgrandespeurssemblentprendrecorps.

Bonsang,lecauchemardecettenuitnemelâchedécidémentpas!

–Ilestl’heure,GaryetJudith,d’échangervosvœuxdevantvostémoins,votrefamille,vosamisettousceuxquicomptentpourvous.

JudithsetourneversGaryetprendlaparole:

–Gary,J’aipasséplusdelamoitiédemavieàattendrecemoment.J’enairêvédèslapremièrefois que tu m’as embrassée. Nous avions 14 ans, te souviens-tu ? Tu m’avais emmenée à la fêteforainedeConeyIsland.Tum’avaisoffertunepommed’amouretdemandédet’attendreuninstantdevantlePalaisdesGlaces.Tuavaisdisparuplusdevingtminutesetjet’attendais,mortedepeur.Jepensaisquepeut-êtretum’avaisplantéelà.Quandtuasreparu,j’étaisencolère.Maistuasbrandiunimmenseoursenpelucheettut’esexcusé,penaud.«Jevoulaistegagnerçaaustanddetir.Commejesaisquetun’asjamaiseudepeluche…»Nousétionsorphelins,Gary,maisàcetinstantj’aicompris

que tu étais là pour veiller sur moi. J’ai su qu’un jour, tu grandirais pour devenir un hommeformidableetquejevoulaisremettremavieentretesmains.Maisj’étaisunejeunefilleencore,alorsplutôtquetedireça,j’aibafouillédesremerciementsémus.C’estàcetinstantquetut’espenchéversmoi.

Judithmarque une petite pause et toise l’assemblée avec un souriremalicieux.Les invités rient.Maissoudain,l’émotionsubmergedenouveaulamariée,quiajoute:

–Ettoutdoucement,tuasposétabouchesurlamienne.

LevisagedeJudithdevientrêveur:

–Cejour-là,Gary,jet’aidéjàdit«oui».Quandtum’asdonnécebaiser,moncœur,matête,onthurlé à l’unisson ce « oui » qu’aujourd’hui je réitère. En seize ans,mon amour pour toi n’a paschangé.Toi,oui,biensûr,tuaschangé.Tuesdevenucethommemerveilleuxetprotecteurquej’aientrevucejour-lààConeyIsland.Maismoi,jesuisrestéelamêmeJudith:cellequi,pourunbaiserdetoi,ascellésondestin.

Garysemblebouleversé.Ilattrapelesmainsdesapromise.

– Judith… Au moment d’écrire mes vœux, j’ai cherché moi aussi un souvenir de toi dont jepourraism’inspirer.Jemesuisassisàmatable,unstyloàlamainetunefeuilledepapierdevantmoi,etj’aicommencéàfouillerdansmamémoire…Cesoir-là,uneévidencem’afrappé:tuesdanstousmessouvenirs.Jenemerappellequetoi.Lorsquejet’aiconnu,j’avais7ans.Demavied’avant,jeneme souviens pas. J’ai commencé à vivre le jour où, dans la cour terne d’un foyer d’accueil àBrooklyn,j’aiaperçulesoleildetescheveux,lachaleurdetonsourire.Tuaseffacé,enuninstant,ladouleur,lamisèreetlapertequej’avaisconnuesjusque-là.

GarysetourneversDavidetluifaitsignedeluitendrel’écrinaveclesalliances.

–Oui,mavieacommencéavectoi…Ilestdonclogiquequejeveuillelafiniràtescôtés.Aveccettealliance,jenet’offrerienquetun’aiesdéjà,JudithCampbell:tupossèdesmoncœur,mesnuits,mesjoursettoutesmespensées.Ilnemeresteplusrienàdéposeràtespiedsquemonnom,ettumeferais un immense honneur de l’accepter. Judith, acceptes-tu de devenirma femme, deme laissert’aimerdanslamaladieoulasanté,danslafortuneetdanslapauvreté,chaquejourqueDieufaitetjusqu’àcequelamortnoussépare?

Entremblant,Judithtendsamain.Savoixs’étranglealorsqu’ellerépond:

–Ou…oui.

Garyglissel’anneauàsondoigt.Puisilluitendl’autrealliance,dontelles’empare.

–EttoiGary…?

Garyaunpetitrireému:

–Biensûrqueoui.Millefoisoui.

Et il passe son annulaire dans l’anneau avant d’attraper le visage de Judith et de l’embrasserfougueusement.Lepasteur,enplaisantant,sermonneGary:

–C’estnormalementàmoidevousautorisercela…

Garyrelâchesonétreinteet se tourne respectueusementvers leministreduculte,qui reprend laparole:

–Gary,Judith,parlespouvoirsquimesontconférésparl’ÉtatdeNewYork,jevousdéclaremarietfemme.Ah,j’oubliais:maintenant,vouspouvezembrasserlamariée.

Les bouches de Gary et Judith se joignent alors qu’explose dans l’assemblée une salved’applaudissementstonitruants.Jebatsdesmainsenregardantmesamiss’étreindre.

MretMrsGaryStewart!

MonregardcroiseceluideDavid.Et…etjen’enrevienspasmais…

Ilpleure!

SurlajouedeDavidcouleunelarmed’émotion.Ils’enrendcompteet,unpeugêné,l’essuieavantdemesourireetd’articulerensilence,àmonattention:«Iloveyou».

Ivredejoie,j’applaudislesmariésdeplusbelle.

Danslesjardinsduchâteau,lechampagnecouleàflots.Lesinvitésseprécipitentpourféliciterlesjeunesépoux.

–C’étaitunemagnifiquecérémonie.–Quelsbeauxdiscoursvousavezfait,touslesdeux!

JudithetGaryembrassentleursamisetleursconnaissances.Lestémoinssetiennentàleurscôtésetserrentchaleureusementcesmainsquisetendent.Judith,entresesdents,glisse:

–Jepensequesijecontinuedesourirecommeça,jevaismedéchirerlesmusclesdelamâchoire.

J’étouffeunpetitrire.Sacharenchérit:

–Moi,personnellement,jefriselatendinite…

Nouséclatonsderire,avantqueJudithnousoffrequartierlibrepourlafinduvind’honneur:

– Gary et moi allons nous occuper des convives : vous, amusez-vous. On se retrouve dansquarante-cinqminutespourlelancerdebouquet.

Ellemefaitunclind’œil,queDavidintercepte.Jerougis,depeurqu’ilnedevinequemoiaussi,je

merêveenmariée.Maisaucontraire,ilseserrecontremoietmemurmure:

– Je te fais confiance pour l’attraper, ma belle. Quelque choseme dit qu’on risque d’en avoirbesoin,decebouquet.

Jerougisencoreplus.Depuisnotrerencontre,c’estladeuxièmefoisqueDavidparledemariage.J’ignoreaufondsicelafaitpartiedesesprojetsd’avenir.Alorsquandilévoquelapossibilitéqu’unjourons’unisseainsiluietmoi…Ehbien,çamefaitfondre,toutsimplement.

Nousallonsnouschercherunverreaubuffet.Deloin,j’observelesinvités.Jerecenseceuxquejeconnais,ceuxquejen’aipasencoreeul’occasionderencontrer,ceuxàqui jen’ai toutbonnementpaseuletempsdedirebonjour…C’estalorsquej’aperçoisSandro,auloin,toutseul.

Mapremière réaction est demeprécipitervers lui pour l’embrassermaismon rêveme revientd’uncoupenmémoire.

Sandrodevantl’autel,m’ouvrantsesbras.

Jeme sens soudain trèsmal à l’aise. Est-ce qu’une partie demoi pense encore au baiser qu’ilm’avaitdonnécethiver?Jerestepenaude,àobservermonami.Quisembled’ailleurscomplètementabsorbé,fascinéparunspectaclequim’échappe…Jesuissonregardetconstatequ’ilestbraquésurunebellebrunemouléedansunerobefourreaubleunuit.Etcettesublimecréaturedontlasilhouetten’arienàenvieràcelledeScarlettJohanssonn’estautreque…ChloeArmant!

Bonsang,maisilladévorelittéralementdesyeux!Qu’est-cequ’illuiprend?Jecroyaisqu’ilétaittombéamoureux,àTrieste?

JedonneunpetitcoupdecoudeàDavidetdésigneSandrodumenton:

–Regardeunpeucequisetrame…

Davidtournelatêteverssoncousin,puisversChloe.

–Disdonc,tuasraisonLouisa!Illamangeduregard!Qu’est-cequiluiarrive?Jecroyaisqu’ilsétaientfâchésàmort?

Jehausselesépaules:

–Quipeutsavoircequisepassedans la têtedecesdeux-là?Cen’estpascommesionn’avaitjamaiscomprisleurspetitsjeux…

–Justement, jecroyaisqu’ilsavaientdépassécestade!Mais là,ondiraitunevéritablepartiedecache-cache.

–Plutôtunjeudeloup,situveuxmonavis.Fuis-moi,jetesuis…–…suis-moi,jetefuis.Bonsang,jesuisheureuxqu’onaitdépassécestade,monamour!C’est

terriblementépuisant.

Davidsepencheversmoietcaressemonvisageavantdeposerseslèvressurlesmiennes.Jesuis

parcourue par un délicieux frisson. Il a raison : c’est si bon de pouvoir enfin avoir confiance enl’avenir ! Je lui prends lamain et jette un dernier coup d’œil à Sandro.Voilà que nos regards secroisent.Sandromefaitunpetitsigne.Davidcaressemondosetmedit:

–Valevoir,Louisa.Tunel’aspasencoresalué.–Ettoi?–Jel’aicroiséjusteavantlacérémonie.Jevaisvouslaisserpapoteretcontinueràfaireletourdes

invités.Ceuxquinerestentpaspourledînervontbientôtpartir.Ensuite…

Ilm’attireàlui.

–Ensuite,lasoiréeetlanuitserontànous.

Jel’embrasseunedernièrefois,tendrement,puismedirigeversmonami.

–Sandro!Commentvas-tu?–Louisa…

Ilmeprenddanssesbras.

–Jesuissiheureuxdetevoir!J’étaisunpeuperdu,seul,aumilieudecettefoule.Jeneconnaispasgrandmondeici.

JedésigneChloed’unmouvementdetête:

–Ilyaelle…Tonamied’enfance…

Sandrosouritd’unairgêné.

–Jen’osepasallerlavoir.C’estidiot,hein?

Sandroattrapemonbras:

–Viens,marchonsunpeu.

Nous avançons en direction de la roseraie. Là, aumilieu des fleurs, nous trouvons un banc depierre.Sandromeproposequel’ons’assoie.

–Commentvalavie,àTrieste?–J’envisagederentrer,figure-toi.Jecroisavoirprislereculnécessairesurmavieetavoirrésolu

tousmesproblèmes.Celafait,quoi?Cinqousixmoisquejesuisparti?J’aibeaucoupréfléchipoursavoiroùj’enétais.Parrapportàtoi,àDavid,àChloe,àmesparents…

–TutesensdoncprêtàreveniràManhattan?

Sandrosouritdanslevide:

–Plusquejamais.

Unpetitsilences’installe,pendantlequeljeréfléchisàtouteallure.Finalement,j’oseluiposerlaquestionquimetaraude.

–Sandro,jecroyaisqu’ilyavaitquelqu’un…Unefemme…EnItalie…

Sandrorougit.

–Ilyabienquelqu’un,Louisa,eneffet…Maisjen’aijamaisditqu’elleétaitenItalie.

Jetournemonvisageverslui,unsourcilhaussédansuneexpressionperplexe.

–Mais…tum’avaisditêtretombéamoureuxlà-bas.

Sandrogesticulesurlebanc,unpeugêné.Ondiraitunpetitgarçon.

–OuiLouisa,jesuisbientombéamoureuxàTrieste.Maistumeconnais,jesuisunincorrigiblefandesamoursimpossibles…Jesuistombéamoureuxdequelqu’unquin’étaitpaslà.

Maperplexitéredouble.Sandroleremarque.

–Sijeteracontetout,Lou,tuprometsdenepastemoquernidemesermonner?–Memoquerdetoi?Sandro,tusaisbienquecen’estpasmongenre!–Tuasraison:c’estjustemoiqui…J’imaginequejemesensunpeuridicule.Jen’arrivepasà

déterminer si ce que je ressens est sincère et profond ou si c’est encore une de mes histoiresinvraisemblablesdecœurd’artichaut.Unpeucommequand…

Ilbaisselavoix,soudaingêné:

–Unpeucommequandj’aicrut’aimer.

Pour luimontrerque jeneprendspasmal la comparaison, j’attrape samainet laplacedans lamienne.

–ToutvabienSandro,tupeuxmedirecegenredechose.Jen’aijamaisjugélessentimentsquetumeportais–ouplutôt, ceuxque tu as crumeporter– et jamais jene le ferai. Je suis simplementheureusequeçat’aitpassé.

–J’aiparfoisl’impressionquecen’estpastoimaisl’idéed’êtreamoureuxquej’aiaimée.Commesi envoyant tout ceque tu apportais àDavid, j’avais commencé à vouloir vivre ça àmon tour, etcommesij’avaisfixémonattentionsurtoienattendantlapersonneidéale.

–Etcettepersonne,tupensesl’avoirtrouvée?Raconte-moi.

Monamimeserrelamain.

–Commejetel’aidéjàdit,enpartantpourTrieste,jenevoulaisvraimentpaspenseràl’amour.Jesouhaitaisme concentrer surmoi, donner une nouvelle direction àma vie. Peut-être étudier l’art,prendredescoursdedessin,cegenredechoses.M’épanouir,ensomme.Lespremiersjours,j’aierrédans la ville sans trop savoir quoi faire. J’ai beaucoupmarché, beaucoup pensé. Au cours de ces

longuesbaladessansobjectif,unepersonnenecessaitdesurgirdansmonesprit.Etcettepersonne,c’étaitChloe.

Sandromarqueunepetitepauseavantdereprendre.

–Audébut, j’ai cruquec’étaitmacolèrecontreellequi faisaitque son imagen’arrêtaitpasdes’imposeràmoi.Jelachassaisdemanièrerageuse,jenem’enpréoccupaispas.J’étaistrèsseulàcemoment-là.J’étaisdescendudansunhôtelmodesteenattendantdetrouverunappartement.Jevoulaisvivrecommeunepersonnenormale,loinduluxeetdugratin.Jerepoussaistouteslessollicitationssociales, bals, dîners, que je pouvais recevoir de la part de la noblesse italienne. Au bout d’unesemaine…

Sandrotouchemachinalementlapochedesoncostume.Jepeuxvoirqu’uneenveloppeendépasse.

–…Chloem’aécritcettelettrequejegardedepuissurmoi.Unelettred’amour,maissurtoutunelettred’excuses.Cecourrierm’abouleversé.Entre les lignes, jecroyaisredécouvrircettefillequej’aitantaiméeetdequij’aiétésiproche.J’aicommencéàpenseràelleavectendresse…

Sandrosorsl’enveloppeetl’examine,avecunairabsent,rêveur.

–Duranttoutmonséjour,leslettresn’ontpascessé,Louisa.Chaquesemaine,Chloém’aécrit.Nonpourmesupplierdeluipardonneroupourmeparlerd’amour.Justepourmeracontersesjournées.Ellem’aparlédesesprojetsdese lancerdansl’humanitaire,desentretiensqu’elleaeusauprèsdediverses ONG. Tu savais qu’elle avait fait un stage de trois mois dans un cabinet d’avocats pours’initieràlafiscalitéavantdeselancerdanslacollectedefonds?

Jel’ignorais:Chloeestrestéetrèsdiscrètesursesactivités,mêmeaprèsquejeluiaipardonné,etjen’aipascherchéàensavoirplus.

–Ellem’aaussiparlédetoi,devotrerelation,decequ’elleafaitpouraiderEleonore.Ellem’aconfiésesdoutes lorsqu’elleenquêtaitsurRichardpouraiderMaria.EllenesavaitpassielleavaitraisonderessusciterJohnDoe.J’avaisbeaucontinueràmeméfierd’elle,ànepasluirépondre,elleacontinué chaque semaine à s’ouvrir àmoi.Au fil du temps, je l’ai vue changer. Je changeais,moiaussi…

–Commentça?

Sandroprendunsouriremalicieux.

–Ehbien,enpremier lieu, jen’aidit àaucunedespersonnesque j’ai fréquentéesàTriestequej’étaisunLaGuardia.Auboutdequinzejourssurplace,j’aidétruitmescartesbleues,cellesquimedonnentaccèsauxcomptesdemesparents.Etfigure-toi,mapetiteLouchérie,quetonSandroafaitquelquechosedontilneseseraitjamaiscrucapable…

Macuriositéestaiguisée:

–Quoidonc??–J’aitrouvéuntravail!Toutseul,commeungrand.Sansfairejouerlesrelationsdemonpère.

Grâceàmesproprestalents!

Alors là, je tombe des nues ! Je n’imaginais pas que Sandro renoncerait un jour au luxe et àl’argentdesafamillepourgagnerlui-mêmesavie!

–Jesuisfièredetoi,Sandro,c’estmerveilleux!Tuasdonctrouvétavocation?

Monamiritdeboncœur:

–Pasvraiment,Lou.Mon jobétaitmalpayé,harassant…Pour lecoup,moiquivoulaisvoir lavraieviedesvraisgens,jel’aivue,etdeprès!

–Tum’intrigues…Qu’as-tudoncfait?–Le seul qui était àma portée avecmon bagout etmon amour immodéré duwhisky : j’ai été

barman.–Barman???–Ehoui,Lou.Etquellesatisfactiondegagnersoi-mêmesonargent!Quelplaisirdevivreavecce

qu’on a, d’apprendre à gérer un budget, de sentir que son patron est satisfait du travail que l’onfournit…Jemesuisfaitdesamisparmimescollèguesetpourlapremièrefoisdepuislongtemps,jemesuissentiaimépourmoi-même.

Sandroritenmedisanttoutça.Cetteexpériencelerendsijoyeux!

–Parfois,quandjerentraisdemonservice,aprèsavoirbuquelquesverresavecmescollègues,jem’installais àma petite table, dansmonminuscule studio, et j’écrivais à Chloe.Mais je ne lui aijamaisenvoyéaucunedeceslettres.Jenepouvaism’yrésoudre.

–Pourquoiça?

LadétressepointesoudaindanslavoixdeSandro:

–Parcequejedécouvraisquej’étaisamoureuxd’elle,Louisa.

Mesyeuxs’écarquillent.

–Tu…Tuescertain,Sandro?

Ilsourittristement:

–Sait-onjamaiscequ’onressentvraimentpourquelqu’un,aprèstantd’annéesettantd’épreuves?Non, je n’en suis pas certain, Louisa. Je me dis que c’est peut-être la solitude… Le fait que mameilleureamiememanquait…Uneillusiondueàtouteslesbelleslettresqu’ellem’envoyait…

Sandrosoupire:

–Jen’arrivepasàsavoirsicequej’éprouveestvrai.SiChloeavraimentautantchangéqu’elleledit.Simoi-mêmej’aichangé.Peut-êtrequejemeracontedeshistoires?

JepassemonbrasautourdeceluideSandroetmeblottiscontrelui.Jeregardeautourdenousles

merveilleuses fleurs : les roses blanches, au loin, qui symbolisent la pureté ; les roses jaunes, quisymbolisentl’amitié;lesrosesrouges,synonymesdepassion.

–Tout ce que je peux te dire, Sandro, c’est queChloem’a réellement surprise en ton absence.L’aide qu’elle nous a apportée, la gentillesse et la disponibilité dont elle a fait preuve…Tout celan’avaitriendefeint.Jepensequetupeuxsanscrainteluiouvrirtoncœur.Sijamaistul’aimes,donneunechanceàvotrehistoire.Parcequemêmedanssespiresmoments,Chloe t’a toujoursaiméplusquetout.Jepensequ’elleferaitn’importequoipourtoi.

Sandros’assombrit:

–Malheureusement,ellequitte lesÉtats-Unisdansdeuxmois.Ellevaaller travailleràTallin,enEstonie,dansuneécolededesignéquitable.Elleyenseigneral’histoiredelamode.Ellecommenceàlarentréeetveutprendresesmarquesdèsjuillet…

–Raisondepluspouragir!

Jemerelèvedubancenbondissant.

–Cen’estpasgravesiellepart:l’important,c’estquetuosesêtrefidèleàcequeturessens.–Maisjeneveuxpascontrariersesplans!Pourlapremièrefoisdesavie,Chloepenseenfinàce

quiestbonpourelle…

JetireSandroparlamainpourqu’ilserelèveaussi.

–AllonsSandro,tul’asprouvétoi-même:tupeuxrepartirdezérooùquetusois.L’Estonienetetentepas?

Jeluifaisunclind’œil:

–Ilsdoiventbienavoirbesoindebarmentalentueux,là-bas?

J’ailaisséSandrodanslaroseraie.Ildevaitréfléchiràcequ’ilallaitdireàChloe.Jemesensdeplusenplusrassuréeetl’effroyablecauchemarquej’aifaitcettenuitsemblepeuàpeusedissiper.EtsivoirSandroenrêvesignifiaitqueluiaussiavaittrouvél’amour?

J’avancedanslejardinenmefrictionnantlesbras.Leciels’estcouvertetlatempératureasoudainchuté.BiendécidéeàaiderCupidon,jefoncedansl’ancienpressoirduchâteautransforméensallederéceptionpourchangerlesplansdetableetréunirlesdeuxtourtereaux.Unedemoiselled’honneuraaussicegenredepouvoir!J’aitellementhâtedevoircequivasepasserentreeux!Cettediscussionm’aragaillardie.Pourl’instant,jetrouvecemariageparfait.

Alorsquejediscuteaveclesserveurs,Davidvientmetrouver.

–Monamour…Tuavaisdisparu,jet’aicherchéepartout.

Légèrementdéçu,ilajoutemême:

–TuasratélemomentoùJudithalancésonbouquet.C’estunedescopinesdesoncoursdeyogaquil’aattrapé…

–Excuse-moiDavid,j’étaisavectoncousin.Onavaitdeschosesàrattraper,depuisletemps!

Jemepencheàl’oreilledemonamant:

–Sandrom’aracontédeshistoiresfollessurTrieste,surcequ’ilyafait.Tuvasêtrefierdelui!

Davidal’airunpeunerveux.Ilregardesamontre.

–Louisa,ilestdéjà18heures…Nousavonsseulementuneheure,aumieuxuneheuretrenteavantledîner.J’aimeraisvraimenttevoirenprivé.Ilfautqu’onparledequelquechose.

–Oh,biensûr!Excuse-moi,c’estvraiquenousn’avonspastrouvéunmomentànousdepuiscematin.Tuveuxqu’onailledansuncointranquille?

–Jepréférerais,oui.–Onn’aqu’àretourneràlachambre:personneneviendranousdérangerlà-basetjedoisprendre

uneétole,l’airserafraîchit.

Davidacquiesce,toutheureux.Noussortonsdupressoirmaindanslamain.Jedécouvre,surprise,quelecielestmaintenanttotalementnoir.

–Heureusementqueledînerestprévuàl’intérieur!Jesensqu’ilvayavoirunsacréorage.–Dépêchons-nousderegagnerlachambreavantquelapluienoussurprenne,monamour.

Nous passons par l’entrée principale du château et nous faufilons à travers le hall le plusdiscrètement possible.Nous nous engouffrons dans les escaliers.Malheureusement, une femme entailleurroseetchapeaujaune,entraindedescendre,m’alpaguesoudain:

–Mademoiselle, vous tombezbien ! Jemeposais unequestionquant aumenududîner.Voyez-vous,jesuisallergiqueàlacoriandreet…

David,enm’entraînantpourquenouscontinuionsnotrecourse,luilance:

–Vous la confondez avec une autre : cette jeune femme ne fait pas partie de l’organisation dumariage.

Ladames’étonne:

–Mais…Mais…Elleportelarobededemoiselled’honneur!

Nousdisparaissonsdansletournantdel’escalieralorsqueDavidluicrie:

–C’estunepâlecopie:cettefilleaungoûtprononcépourlescontrefaçons!

Nousnousengouffronsdanslecorridordudeuxièmeétageenpouffant.Toutessoufflé,Davidmeplaquecontreunmur.

–Quelsaletypetufais!Sijamaiscettedamefaitunchocanaphylactiqueaudîner…

MaisDavidmefaittaired’unbaiserfougueux.Ilpressesoncorpscontrelemienetmordillemalèvreinférieureenmemurmurant,desabellevoixgrave:

–Onmangedugibiercesoir.Aucun traiteursaind’espritn’assaisonneraitunebicheavecde lacoriandre.

Puisilmeprendlamainpourm’entraînerencourantdansnotrechambre.

Nous nous élançons sur le tapismoelleux et dépassons une fenêtre, puis une autre, et une autreencore,quitoutesouvrentsuruncielgrisanthracite.Soudain, lepremiercoupdetonnerreretentit,spectaculaire.Moncœursemetàpalpiter.L’oragemerendtoujoursinquiètemaisaussiétonnammentsensuelle.Lesélémentsquisedéchaînent…L’électricitédansl’air…Lapeur,irrationnelle,animale…C’estd’unérotismetorrideàmesyeux.

Enfin, nous arrivons à notre porte, que David, qui tremble légèrement, a du mal à ouvrir. Jem’étonne.Est-cel’oragequilerendnerveux?Çam’étonnerait:cethommen’apeurderien.

Jenel’aiJAMAISvuaussiinquiet.

Çatombeàpointnommé:j’aijustementuneidéepourl’aideràsedétendre…

Jem’engouffreàmontourdanslachambreet,sansbruit,refermelaportesurnous.

J’avanceversDaviddanslapénombredelachambre.Àcausedel’orage,c’estcommes’ilfaisaitnuitenpleinjour.Davidsetientàcôtédelafenêtreets’apprêteàlafermer.Jel’arrête.

–Non,laisse…

Ilseretourneversmoi,surpris.Jem’approchedelui.

–J’aienvied’entendrel’orage.

Devantlafenêtre,jepeuxsentirleventchaudquisoufflefort:c’estcommeunecaressetièdesurmoncorps.Jefrissonne,excitée.Lepremieréclairtombe,fendantlecieldansunvacarmedetouslesdiables:jemeréfugiedanslesbrasdeDavid.Unefoiscontrelecorpsdemonamant,jemerendscompteàquelpointj’aienviedelui.

Lorsqu’il semet à caresserma nuque pourme rassurer, c’est pire encore : ce geste protecteurassociéàlatexturedesespaumescontremapeaumerendcomplètementdingue.Sousl’étoffedemarobe,mes seins se dressent. Instinctivement, je creusemes reins et viens collermonbassin contreceluideDavid.Marespirationsefaitplusrapide,plussaccadée.Daviddoits’enrendrecomptecarjesens son sexe durcir à travers son pantalon, ce qui achève deme rendre folle.Aumoment où undeuxièmeéclairtombe,jepeuxdéjàsentirentremescuissesàquelpointjesuismouillée.

Je posemes lèvres sur celles deDavid et introduisma langue dans sa bouche. Je commence àl’embrasseravecfièvre.Ilnepeuts’empêcherdeselaisserfairemêmes’ilproteste,ausupplice:

–Non…Louisa,non,pasmaintenant;j’aiunechoseimportanteàtedire…

Jeraidismalangueetlapassedanssoncou.Jelemordilleauniveaudelajugulaireetluirépondsenhaletant:

–Ehbienparle…Jet’écoute…

Davidlaissesesmainsdescendrele longdemeshanches.Ilrésistedifficilementà l’enviedelesposersurmesfessesmaisyparvientauprixd’uneffortsurhumain.

–Jen’aipourtantpasl’impressionquetusoistrèsattentive…

Jefaisalleretvenirmacuissecontresonentrejambeetluifaisremarquer,taquine:

–Jen’aipasl’impressionquetusoistrèsconcentrénonplus…

Davids’emparesoudaindemespoignets,qu’ilmaintientenl’airtoutensedétachantdemoi.Ilmetientfermementàquelquescentimètresdesoncorps,biendécidéànepasselaissertenter.Jenepeuxbougertantjesuisravagéeparledésir.Jerestecomplètementimmobile,hormismapoitrinequisesoulèveàunrythmerapide.Alorsquel’excitationmefaithaleter,jeplongemesyeuxdansceuxdeDavid.

Mauvaiseidée:çanemecalmepasdutout!

Sonregardnoir,indéchiffrable,mefaitaucontrairemouillerencoreplus.Jefrémis.Jesensmespupillessedilaterlégèrement,manuquesetendre,mesclaviculessaillir,mestétonsdurciralorsque,imperceptiblement,j’avancemapoitrineverslui.

Davids’enrendcompteetluttepourgardersoncalme.Dehors,lecielsedéchaîne:ilgrondealorsquelapluietombedésormais.Lesinvitéssesontrabattusdanslepressoirouàl’intérieurduchâteau.J’entendsleursvoixrésonnerdeuxétagesplusbas,leursrires,leursverresquitintent.Àcôtédecebrouhahalégeretravi,lesilenceentreDavidetmoiestd’unedensitéincroyable.Jenesaisplusqui,deluioumoi,estlechasseuroulaproie;jenesaisqu’unechose:sil’undenousparle,lamagieserarompue.

Davidlesentaussi,c’estpourquoiiln’oseriendire.Ilvoulaitmeparlerdequelquechosemaislevoilàbientropaimantépourbriserlecharmeentrenous.Ilmeveut,jelesens;soncorpsdégageunechaleur incroyable. Ilcraque lepremier, relâchemonpoignetdroitetvientcaresserma jouedesapaume.Jelovemonvisagedanssamain.

Ilneveut toujourspasserendremaisc’estplusfortquelui : ilnepeuts’empêcherdepasser lapulpe de son pouce sur ma lèvre inférieure. Je sors un peuma langue et viens titiller son doigt.Imperceptiblement,Davidserapprochedemoi.J’emprisonnealorssondoigtentremesdeuxlèvrespulpeusesethumides.Jelelaissecoulisserdansmabouchedefaçonsuffisammentsuggestivepourque David en oublie tout et relâche mon autre poignet. Je viens alors, avec mes deux mains,m’emparer de la sienne et, cette fois, c’est son index puis sonmajeur que je fais entrer dansmaboucheafindelespressercontremalanguetendreetchaude.

MesdentstouchentleboutdesdoigtsdeDavid.Jeréaliselenombredesensationsquemedonnecesimplecontact,lesmilleterminaisonsnerveusesquisetrouventsousmeslèvres,contremonpalais.Jenepeuxm’empêcherdemedemandercequejeressentiraissi,àlaplacedesesdoigts,c’étaitlesexedeDavidquecaressaitmaboucheavide.

Etjesais–noussavonstouslesdeux–qu’ilpenseexactementàlamêmechose.

Lesoufflecourt,Davidmedit:

–Louisa,ilfautvraimentquejeteparl…

Maisaumomentoùlapaumedemamainvientseplaquercontresonsexeenérection,par-dessusletissudesonpantalon,ilsetrouveincapabledefinirsaphrase.Ilpousseunlongsoupiralorsquemamainmoulelaformedesavergeetmonte,puisdescend,puisremonte.

Jeramènemadeuxièmemainauniveaudesonentrejambeetcommenceàdéfairesabraguette.Lavoixtremblante,Davidmedemande:

–Quefais-tu,Louisa?

Prêteàtoutpourjoueravecsesnerfs,jeluipropose:

–Tuveuxquej’arrête,David?

Jesenssagorgeseserrer. Ilest incapabledeprononcer lemoindremotoudefaire lemoindregestepourm’arrêter.

Jefaisjaillirsonsexedesonpantalonet,aprèsavoirhumidifiélapaumedemamain,commenceàlecaresser.Jelesensgonfléentremesdoigtsquisontreferméssurluicommeunétau.J’alternedepetitsmouvementsvifs avecdesmouvementsplus longs, plusprofonds,mesyeux rivés aux siens.Queressent-il?Àquoipense-t-il?

Jepeuxpresqueledevinerenleregardant.C’estincroyable!

Attentiveauxexpressionsdesonvisage,jeguettesonplaisiralorsqu’ilgémit:

–Louisa,c’esttropbon…

Desesmainsfiévreuses,ilvientagripperletissudemarobe.Malgréleslourdsvolantsd’organza,il relèvema jupeetvientcherchermonsexeavecsamain.SapaumesecollecontremonmontdeVénus : jememets à onduler. D’un doigt expert, il écarte l’élastique dema culotte et se glisse àl’intérieur.Ilpeutsentirmonsexetrempéetcommenceàjoueravec.Sesdoigtsentrentetsortentpourvenirtitillermonclitoris.Monplaisirestsigrandquejen’arriveplusàledistinguerdeceluiquejeluidonne.Nosmouvementssesynchronisent–sesdoigtsquimefouillent,mamainqui lecaresseavecvigueur…Ilmefaitfairevolte-faceet,commedeuxdanseursdetango,nousreculonsjusqu’àcequemondos rencontre la colonnedu lit àbaldaquin.Enmemordillant le lobede l’oreille,Davidmurmure:

–Jevoudraispouvoirt’arrachercetterobe.

Laviolencedel’oragecontinuederemplirl’air.Moiaussi,jevoudraisqueDavidmettemarobeen lambeaux, qu’il libèremon corps etmeprenne sauvagement. Je lâche son sexe et commence àentreprendrededéfairemoncorset.Lesmains impatientesdeDavid se joignent auxmiennespourdénouerleslacetsetlibérermapoitrine.Ill’attrapeàpleinesmainsetcommenceàlacaresseravecdélectation,laissantsesdeuxpoucestitillerlapointedemestétons.Leplaisirquecelameprocureestpresqueaussi intenseques’ilcaressaitmonsexeet jenepeuxm’empêcherdecrier lorsqu’ilvientrefermer sa bouche sur la pointe de mon sein, qu’il emprisonne doucement entre ses dents. Lamorsure,lapointedesalangue…Toutm’électrise.

Jepourraisjouirrienquecommeça.

Jegesticulepourm’extrairedemarobetoutendébarrassantDaviddesacravate,desaveste,desachemise… Ses mains viennent attraper mes fesses, ses phalanges s’enfoncent dans la chair. Ils’emparedemaculotteet,soudain,avecunairimpitoyable,medit:

–Elle,parcontre,riennem’empêchedel’arracher…

Iltiresurletissuquis’étireetvientcisaillermachair.Çamebrûleetm’excite.Ilsembletellementhorsdecontrôleencet instant !Contremonventre, je sens ladoucechaleurde son sexe. J’ai trèsenviedelefairejouir…Davidcontinuedes’affairer,ils’yreprendplusieursfoismaisfinalement,maculottecède.Ilmesoulèvealors.Jeprendsappuisursesépaulesmuscléesetpassemesjambesautourdelui.Ilorientemonbassinet,d’unmouvementvifdeshanches,vientenfoncersonsexeraideenmoi.

Jesuisdansunétatdecomplèteextase.Davids’occupedemefairemonteretdescendresurluietmepénètreprofondément. Jen’aipresquepasd’effortà faire, justeàm’agripperà lui. Jemesenslégèrecommeuneplume,cequicontrasteavecladensitédemonplaisir.

Heureusement que le tonnerre couvre nos voix car David et moi poussons des gémissementsintenses, profonds. Nous sommes en parfaite symbiose, emboîtés l’un dans l’autre. Nos corps neformentplusqu’un.

–Oh,David…Ohc’estbon…!

Jecrie,jenepeuxpasmeretenir.Jegriffesondos,jemordssesépaules.Jenemepossèdeplus.J’enveuxplus,encoreplus.Jelesuppliepresque:

–Prends-moipar-derrière…

Cette demande le rend fou. Il me jette sur le lit. J’atterris sur le dos mais j’ai vite fait de meretourner et dem’allonger sur le ventre alors queDavid se débarrasse de son pantalon et de sonboxer, restés à ses pieds. Il vient s’allonger sur moi. Ma main cherche son sexe et l’enfonce denouveaudans lemien.Jemeredresseetprendsappuisurmesavant-bras.Alorsqu’ilestàgenouxderrièremoi,immobile,jeviensàsarencontre,lentement,lerecevantleplusloinpossible.J’aienviequ’il se déchaîne, comme la tempête qui sévit dehors. Il ne s’en prive d’ailleurs pas : il s’empare

soudaindemesépaulesetm’intime,parcegeste,deneplusbouger.

C’estluiquireprendlecontrôle.Ilcommenceàdonnerdescoupsdereinspourmeprendreetleplaisir me paralyse littéralement. Mon dos se creuse, je gémis fort, sans aucune pudeur. Davidm’encourage:

–Oui,c’estçamabelle,crie!

Sesmotsmerendentcomplètementdingue.Jen’enpeuxplus,jesensquejevaisjouir,etpourtantjevoudraisprolongercemoment.QuandlamaindeDavidvientseposersurmonsexeetquesonindexcommenceà joueravecmonclitoris, jesaisquec’estpeineperdue : jen’arriveraipasàmeretenir.C’estcommesichaquenerf,chaqueparticuledepeauquienveloppemesnerfs,étaitstimulé.Jenepeuxabsolumentpasdifférerma jouissance,c’estplus fortquemoi…C’est tropbon…Unevaguedeplaisirsembleseretirer,metirerverslefond,versunendroitsilencieuxoùpersonneàpartmoi n’a accès. Je sais que quand elle va déferler, ce sera l’orgasme le plus foudroyant que j’aieconnu. Je neme suis jamais sentie aussi désirée, aussi aimée. J’ai l’impression d’être une déesseadulée autant qu’un redoutable instrument de plaisir.David aussi n’en peut plus : sesmouvementss’accélèrent,deviennentdélicieusementbrutaux.

–Davidje…Oh!jeviens,monamour,jeviens…

Unspasmes’emparedemoi.Jemecabre.Tousmesmusclessecontractent.Jeserrelesdrapsentremes poings crispés.David sent que jeme resserre sur son sexe et, pour lui, c’est le détonateur. Ildonneuncoupdereinstrèsprofond,presqueviolent,quidéclenchechezmoiundeuxièmespasme.Le sentir jouirme rendcomplètement folle. Jem’étire,mecolle à lui, vais le chercherpourqu’ilresteenfoncédansmonsexe.Ilbougeetdéclencheunetroisièmevaguedeplaisir.Jeneretiensplusmescris, jesuiscomplètementanéantie.Jamaisjen’aijouicommeça.C’estincroyablementbon…Incroyablementintense…Celapourraitdureruneéternité…Jen’aiplusaucunenotiondetempsalorsquemonorgasmecontinueparvagues successives, alorsque lesmainsdeDavid se referment surmesépaules,quesesdoigtss’enfoncentdansmachairetquetoussesmusclessontraidis.

Quandilretombeàcôtédemoi,sonvisageestbouleversé.

– Louisa, je crois que ça n’a jamais été aussi bon. C’était… C’était magique, d’une intensitéincroyable.

Ses pupilles brillent pendant que, du bout du doigt, il caresse l’arrondi de mon épaule.J’acquiesce:cequenousavonsvécuestau-delàdemots.Jamaisjen’auraiscruqueDavidpourraitmefairejouirencoreplusfortqued’habitudemaiscequivientdesepasserestincroyable.Toutétaitintense : laviolencedeséléments,celledemondésir, l’incapacitédeDavidàmerésister,etcefeud’artificefinal…

Rêveuse, je jetteunœilpar la fenêtre.Dehors, lecalmeest revenu, leciel s’estdégagé.Onsentencore l’air humidemais la pluie a presque cessé. Le ciel a pris une teintemauve.Ça y est, c’estl’heuredudîner.

4.Onnebadinepasavecl’amour

DepuislatableoùildiscuteaveclepatrondeJudith,Davidm’observeavecunregardsi intensequejemesensmiseànue.

Bon sang, j’ai presque envie de lui proposer qu’on s’éclipse de nouveau pour remonter à lachambre…

Jemesensencoretoutengourdieparnotreétreintedurantl’orage.Distraitement, jerelancemesinterlocuteurs,descopainsdelycéedeGary.

Pendant que Sacha gère les équipe de serveurs, j’essaye dem’occuper de chaque convive pourm’assurerquetoutlemondes’amuse,quelechampagneestfrais,quechacunapudireunpetitmotauxjeunesmariés…Résultat,j’aiàpeineeuletempsdetoucheràmabiche!C’estregrettablecarjesuisaffamée.Ilfautdireque,danslachambre,avecDavid,çaaétésportif…

J’ypense!Iln’atoujourspaseul’occasiondemedirecedontilvoulaitqu’onparle!Ducoup,jeculpabiliseunpeudeluiavoirsautédessus…Siçasetrouve,c’étaitvraimentimportant.Maisjen’aipaspum’empêcherdeleséduire:lasituationétaitbientropromantiqueetexcitante.Queldommagequenousn’ayonspaseuplusde tempsafindeparler !Mais ilnousfallait rejoindre lesconvives :c’étaitl’heuredudîner.

Je lui jette de nouveau un regard : il fait rire quelques invités dans son coin, soucieux de lesdivertirafinqueGaryetJudithpuissentavoirunmomentàeux.Lesmariésn’ensontpasquittespourautant : ils naviguent dans la salle et font la conversation à tous ces gens qui sont réunis afin decélébrerleuramour.

Moi,sijememarieunjour,ceseraàlasauvette.Avecmestémoins,quelquesamis…etDavid.

Commes’illisaitdansmespensées,monamanttournesonvisageversmoi.A-t-ilcompriscequej’aientête?C’estimpossible,bienentendu,maisjerougisquandmême.Ilmevoitpiquerunfarddeloin et s’en amuse. Il s’approche de moi d’une démarche souple. Par-derrière, il m’enlace et memurmure:

–Tuaseuunedetespetitesrougeurscharmantes…C’estl’émotionoulespenséesimpures?

Jerougisdeplusbelleetfaisvolte-face.

–Chut!Siont’entendait…

Par-dessussonépaule,j’entrevoisSandroetChloeengrandeconversation.Ilsrientetleursyeuxbrillent. Je repense encore à mon rêve, à Sandro devant l’autel, à son visage, à son expressionouverte,confiante.

Jesaismaintenantcequemoninconscientessayaitdemedire.

Jecroisquecettefois,monamiabeletbientrouvél’amour!Etheureusementpourtoutlemonde,cen’estpasmoi.

Lechefderangdéclare,alorsquelesserveursdébarrassent:

– Messieurs dames, c’est maintenant l’heure du dessert : les mariés vont découper la piècemontée…

La lumière se tamise alors que Gary et Judith s’avancent au centre de la pièce pour découperl’immensegâteaublanc.Unàun,lesinvitésselèventetviennentseplacerencercleautourd’eux.Lesdeuxmariésempoignentlapelleàtarteetselancent…Lehautdelapiècemontées’effondreetJudithritauxéclats.Elleestradieuse.Ellepasseundoigtdanslacrèmepâtissièreetlelècheavecunsouriregourmand.Ilresteunpeudechantillyàlacommissuredeseslèvres:Garyl’ôted’unbaiser.Salved’applaudissements.Davidmetienttoujourscontrelui:

–Nousn’avonsunefoisdepluspaspuavoirnotrefameuse…petiteconversation.

Ilm’embrassedanslecou.

–Vulamanièredéloyaledonttum’asdistraittoutàl’heuredanslachambre…

J’aiunriremutin.

–Onpeutdenouveaus’éclipsersituveux…–J’adorerais…Maisc’estbientôtànotretourdeparler.

Pendantquenousmurmurions,Gary et Judith se sont installés au centrede lapiste.L’orchestrelancelespremièresnotesdeleurchanson,«ItHadToBeYou».

Personned’autrequetoi,

Nemefaitceteffet.

J’aimetoutdetoi:

Tesdéfauts,tesqualités.

Çanepouvaitêtrequetoi,ithadtobeyou,

Oui,seulementtoi.

Les yeux des invités sont braqués sur le couple magnifique qui évolue devant nous. Quand lamusique s’arrête, Judith esquisse une petite révérence. Nous applaudissons à tout rompre quand,soudain, Stanley grimpe sur l’estrade où joue l’orchestre, un micro à la main. Roulement detambour:

–Gary,Judith,j’aiunemauvaisenouvelleàvousannoncer.Enfin,mauvaise…embarrassante,entoutcas.C’estl’heuredesdiscours!

Stan se lance dans un des numéros de pitre dont il a le secret, diaporama à l’appui. Pendant cetemps, les autres témoins, hilares, se rapprochent de lui afin de prendre ensuite la parole. Lesphotographies deGary à la fac défilent, impitoyables. Le voilà déguisé en pom-pom girl zombiepourHalloween.Suruneautre,ildortsuruncanapépendantqu’onluidessinedesmoustachessurlevisage.Onpeutégalementlevoirdanssonuniformedequaterbackentraindeposeraveclamascottedesonéquipe.Lesanecdoteshonteusespleuvent.

–…Jeracontetoutçasansmalveillance,monami.Monbutn’estpasdeteridiculiserlejourdetonpropremariage,tupensesbien…

Petitsriresdansl’assemblée.

–Plussérieusement,Judith:touteslesphotosquejeviensdetemontrersontdanscetalbumquevoici,moncadeaupourtoi…

StantendàJudithl’albumenquestion.

–Tupeuxchoisirdelesbrûler,enfairedesagrandissementsen4par3pourvotrefutursalonoumême lesmettre en ligne. Elles te reviennent de droit car, en épousantGary, tu es non seulementdevenue ladépositairedesonbonheur futurmaisaussi l’heureusepropriétairedesonpassé.Alorsfais-enbonusage,etsoyezheureux,lesenfants.

NousapplaudissonsStan,leroidustand-up,puisc’estautourdeSachadeprendrelemicro.Sondiscoursm’émeutd’autantplusquejedevinequ’ellesouffredenepouvoirparlerlibrement,toujourscontrainteparsadoubleidentitéd’«Eleonore».

–S’ilyaunechosequej’aiappriseenregardantGaryetJudith,enlesobservants’aimersansseledire,puisenfintrouverlecouraged’êtreensemble,c’estquelavéritépayetoujours.Seulslavéritéetlecouragequ’ilfautpourl’affronterleurontpermisdeseteniraujourd’huifaceàvousetdeclamerleuramour.C’estpourmoiuneleçon,unmodèle.

Soudain,Sachasemetàbalayerl’assembléeduregard.Ellecherchequelqu’un,ellel’appelle:

–Maria?Maria,lève-toi,s’ilteplaît.Jeveuxquetoutlemondetevoie,jeveuxquetoutlemondeentendecequejevaistedire…

Mariaémergedelafoule.Sachadescenddel’estradeetavanceverselle:

–Mesdames,messieurs,voicilafemmequej’aime.Sijepeuxmetenirfaceàvousaujourd’huietledire,leclamer,lecriersansenrougir,c’estparcequej’aidesamisformidables,commeGaryetJudith,quim’ontapprisànepasavoirhonted’aimer.Alors jevaismaintenantembrassersousvosyeuxl’amourdemavie,parcequejen’aipluspeurdelefaire :c’est lecadeauqueJudithetGarym’ontfait.

Sousnosapplaudissements,SachaembrasseMariaavantderegagnerl’estrade.

–Gary, Judith, je ne vous adresserai pas ce soir tousmes vœux de bonheur : vous n’avez pasbesoindemessouhaitspourêtreheureux,votreamournedoitrienàlachance.Jevoulaisjustevousdirequepourmoi,votrecoupleestunmodèle.J’aibeaucoupdechancedevousconnaître,merci.

Sous lesapplaudissementsde tous,Sachameprenddanssesbras toutenmeremettant lemicro.Ellemurmureàmonoreille:

–Ilesttemps,Louisa.JevaisenfintoutdireàMaria.Cesoir.

Ellesedétachedemoietdescenddel’estradepourallerretrouverlafemmequ’elleaimealorsquel’assembléecontinued’applaudirsoncourageetsaforce.JevoisdeloinDanetMary,quisemblentsurpris, mais aussi attendris. Et j’observe les deux amantes s’éclipser, confiante. Je sais que pourelles,toutvabienaller.

Sachavaenfinoserêtreelle-même.Quelsoulagement!Quelbonheur!

Davidsepencheàmonoreille:

–Décidément,cesoir,c’estl’heuredevéritépourtoutlemonde…

Queveut-ildireparlà?J’aiàpeineletempsdemeledemander:c’estàmontourdeparler.

–CommeEleonorel’asibienditdanssondiscours,lavien’apasépargnéJudithetGary.Est-cepourcelaqu’ilssontdevenus,l’unetl’autre,despersonnessichaleureuses?Jenelesaispas,maisjesaisqu’ilsdégagentuneforcequiréchauffetousceuxquiontlachancedelesaimer.

Jem’arrêteuninstantpourtrouvermesmots.

–Aujourd’hui,ilssontdevantnouspourcélébrerlefaitqu’enfin,ilsformentunefamille,etjesaisà quel point il s’agit pour eux d’une chose importante. À mes yeux, ce mariage n’est pas lecouronnementdeleuramour:c’estlepremierjourd’unenouvellevie.C’estàpartirdemaintenantquecommenceleurvéritablechemin.Jepenseàleursenfantsànaîtreetjelesenvie.JelesenviecarJudithetGarysaurontdonnerplusd’amourqu’iln’enfautpourréussirdanslavie,c’estàdirepouravoirconfianceensoimaisaussidanslesautres.

D’uncoup,mavoixs’étrangle:

–Oui,jepenseàcettefamillequ’ilsvontfonderensemble,etjepenseàcetteautrefamille,cellequ’ilsontfondéeavecleursamis.Judith,Gary,vousm’avezapprisàaimermieux,àaimerplusfort.Vousm’avezaccordévotreconfiance.Moi,encontrepartie,jevousaidonnémoncœur,àtoutjamais.Vousêtesplusàmesyeuxquedesamis,iln’yapasassezdemotspourça.

Unelarmemevient.J’aiunpetitriregênéavantdeconclure:

–Judith,Gary, lesmotscommencentàmemanquer,alors jenevousdiraiqu’unechose :soyez

heureux,vousleméritez.

Àcederniermot,mavoixsebrise.Judithseprécipiteversmoietmeprenddanssesbras.Jesensdansmoncouseslarmesd’émotion.Garynousrejoint.

–Mercipourcebeaudiscours,Louisa.

JetendslemicroàDavid,quis’enempare.Ils’éclaircitlavoix,sortdesonvestonlepapiersurlequelsontinscritessesnotes.Ilcommenceàlire.Mesamisetmoirelâchonsnotreétreinteetnoustournonsversluipourl’écouter.

–Bonsoiràtous.Laplupartd’entrevousquiêtesréuniscesoirpourcélébrerl’uniondemesdeuxmeilleurs amisme connaissent déjà. Vous savez donc que je suis plus doué pour écrire que pourparler.

Davidlèvelatête.Ilscrutel’assemblée.

Luiquidétesteprendrelaparoleenpublic!

Sonsilences’éterniseetjemedemandesoudains’iln’auraitpasunpeuletrac.Jesondesesbeauxyeuxnoirs.

Vas-y,monamour.Parlesanscrainte.Ouvretoncœur.

Soudain,Davidsetourneversmoiet,commes’ilpuisaitsoncouragedanslefaitdemeregarder,poursuitsansliresesnotes.

–Puisquejesuisécrivain,puisquejenesuispasunbonorateur,j’avaiscouchésurlepapiermondiscours.Undiscoursquiparlaitd’amour, forcément.Mais jeviensdecomprendre lavanitédecegeste:l’amournes’écritpas,ilsevit.

Lavoixdemonamantestaltéréeparl’émotion.

–Aussi,cesoir,jenevaispaslirecediscoursquej’avaisprévu…

Ilfroisselafeuilleetlajetteauloin.

–Non,jevaisvousparler.Avecleplusd’honnêtetépossible.

Davids’avanced’unpas.

–Ilestcoutume,àunmariage,deveniravecuncadeau.Mais,commevousl’aureztouscomprisenentendantlesdiscoursdestroisprécédentstémoins,lecadeau,cesoir,cesontJudithetGaryquinous l’offrent. Le cadeau qu’ils nous font, c’est leur exemple. Je connais Judith et Gary depuisl’enfance.Jelesairencontréslorsquej’avais8ansetjepeuxvousgarantirquecesdeux-làs’aimaientdéjà.Jelesaivusgrandir,échangerleurpremierbaiser…

Lesinvitéssourient,attendris.Davidlaissepassercebruissementavantdereprendre,plusgrave:

–Mais je les ai aussi vus se séparer. Parce que la vie s’est chargée de les éloigner. Pourtant,courageusement, ils ont remonté à contre-courant le fleuve tumultueux du destin. Pour pouvoir serejoindre,seretrouveretsetenirdevantvousaujourd’huiafindesejurerunamouréternel.

Davidtouchenerveusementlapochedesoncostume.

–Oui,ilsseconnaissentdepuisvingt-deuxans,etc’estpourquoiilscommencentleurviedejeunesmariésplus solides et plus forts quequiconque.Quand ils parlent de s’aimerpour toujours, je lescrois.J’aifoienleuramour.

Davidplongesamaindans lapocheet la ressort, lepoing fermé. Il tientquelquechosedanssapaume.L’émotionsemblesoudainlesubmergeralorsqu’ildéclare:

–C’estça, l’autrecadeauqueJudithetGarym’ont fait : la foi.Maisàquoisert la foi,sansunedivinitéàadorer?

Soudain,Daviddescendde l’estradeet s’approchedugroupeque je formeavec lesdeux jeunesmariés.Ilmeprendlamain,plongesesyeuxdanslesmiens.Ilsemblesubmergéparl’émotion.GaryetJudiths’écartentdenous.J’aijusteletempsd’entendrelamariéeglisseràsonépoux:

–Gary,çayest:jecroisqu’ilselance…

Jenecomprendspasdutoutcequisepasse.Davidreprendsondiscours:

–Louisa,c’estcequejevoulaistediredepuiscematin.Tuesmadéesse.Toutelafoidontjesuisaujourd’huicapable,ellenemesertqu’à t’adorer.Nousn’avonspaseu,nous,vingt-deuxanspournousconnaître,pouracquérirlacertitudequenousnepouvionsvivrel’unsansl’autre.Etpourtant,enseulementdixmois, cette certitude s’est logéedansmoncœur et personnenepourra l’en extraire.Personne…àparttoi.

Lentement,Davida tendu lemicroà Judith.Levoilàqui commenceà sebaisser faceàmoi.Lascènesemblesedéroulerauralenti.

Aumoment oùDavid pose un genou à terre, je prends conscience de ce qui est en train de seproduire.Etmonsoufflesecoupe,littéralement.Deslarmesbrouillentmavue.Davidtendsonpoingversmoi,paumetendueversleciel,etdépliesesdoigts.L’unaprèsl’autre.

C’estcommesilemondeavaitcessédetourner.

Danssamaintendueapparaîtunebaguesertied’unimmensesolitaire.Et,sansl’avoirjamaisvueautrementquedansmonrêve,jelareconnaistoutdesuite.

LabaguedesbaronnesdeSchiari.

Davidattrapel’anneauentresesdeuxdoigts.Ildépliemamaingaucheenfouiedanslasienne,lamainàl’annulaireduqueldoitallerunebaguedefiançailles.

–LouisaMars,acceptes-tudemelaissercroireennousjusqu’àlafindestemps?

Ilprenduneimmenseinspirationpuisajoute:

–Meferais-tul’immensehonneurdedevenirmafemme?

Defaçonincontrôlable,leslarmesdébordentdemesyeux.Ellescoulentsurmonvisagealorsquejetombemoiaussiàgenoux,faceàDavid,etm’écrie:

–Oui,oui.Oh,millefoisoui!

Jesuistellementbouleverséequejen’arrivepasàcroirequetoutcelaestréel.Pourtant,unepartiedemoiàuneconscienceaiguëdelascènequisedéroule.Àl’intérieurdemoncrâne,unevoixhurledejoie.

David, en tremblant légèrement, fait glisser la bague le long demon doigt. Puis ilm’enlace etm’aide à me relever. Mes jambes sont cotonneuses, je manque de chanceler. J’entends lesapplaudissements, lescrisdejoiequisesontélevésautourdenous:c’estcommes’ilsprovenaientd’uneautregalaxie.Jem’accrocheaucoudeDavidpournepasperdre l’équilibre.Monfiancémemaintientfermementcontrelui.Jem’abandonneàsonétreinte,mepressecontresoncœur,contreseslèvresalorsqu’ilmecouvredebaisersetmemurmure:

–MadameFulton…Jevaisvousrendrescandaleusementheureuse:j’enfaislesermentéternel.

5.Épilogue

Lorsquelejourpointeleboutdesonnez,jesuisdéjàréveilléedepuislongtemps.David,lui,dortàpoings fermés. Il faut direque la soirée a été riche en émotions.Trop richepourque je trouve lesommeil.

Jerepenseàlanuitquenousvenonsdepassertousensemble,labande,Davidetmoi.Tousréunispour célébrer unmême événement, tous enfin au bras de la personne que nous aimons. Il y avaitSandroetChloe,MaryetDan,SachaetMaria…GaryetJudith,lesjeunesmariés…EtDavid.Etmoi.

Jeregardemontéléphoneportable:ilestpresque7heures.Àmidiauplustard,avecDavid,nousnousmettronsencheminpourquatresemainesd’aventureaufildesroutes.Maislavéritableaventureacommencéhiersoir.Quandilm’ademandédedevenirsafemmeetquandj’aiaccepté.

Jusqu’à4heures,avecnosamis,nousavonsdansésansdiscontinuer,euphoriques.Noussavionsquenousvivionsunedesplusbellessoiréesdenosvies.NoussavionségalementquelorsqueDavidetmoirentrerionsdevacances,toutseraitdifférent:plusdesecrets,plusd’intriguesàl’horizon,plusdecœursbrisés,degrandesstratégiespourconquérirl’autre.Enunenuitseulement,c’estcommesinousétionsd’uncoupdevenusadultes.

Jemesouviensm’êtredemandé,àunmoment,alorsquenouschantionsenchœurunvieuxtubedisco, à quoi allait ressembler notre relation maintenant que nous sommes tous en couple. Nousavonsvécudixmoisintenses,richesenrebondissements,emplisdepassion,maiscequ’ilm’enrestesurtout,c’estl’impressiond’uneformidableaventurehumaineàplusieurs.J’aimeraisqu’ilresteunetracedeçaquelquepart.

Jeme lèveetavancevers la salledebainspourmepasserde l’eausur levisage.Enouvrant lerobinet,mesyeuxseposentsurmamaindroiteoùbrilledemillefeuxlabaguedefiançaillesquesetransmettentdegénérationengénérationlesbaronnesdeSchiari.

Labaguequejeremettraiunjouràmaproprefille.

Mon rêve de la veille a enfin pris sens. Chaque symbole a trouvé sa place dans la journéemouvementée d’hier : la bague avait disparu, mais c’est parce qu’elle s’apprêtait à changer depropriétaire ; Sacha était en noir pour enterrer son passé ; Sandro se tenait devant l’autel car, àTrieste,ilaenfincomprisqu’ilpouvaits’engageravecunefemme.

Jen’arrivetoutbonnementpasàréalisercequinousarrive.

Cequim’arrive,àmoi.

CelégerahurissementsedissipelorsquejeretourneàlachambreetcontempleDavidquidort.

Monfuturépoux.

Pourvivrenotreamour,nousavonssoulevédesmontagnes.Aucundramen’ajamaisréussiànousséparer.Ensemble,noussommesplusfortsquetout.

Plusjamaisjen’auraipeur:j’aitrouvélebonheuretriennipersonnenepourramel’enlever.

Mesyeuxseposentsur lamachineàécrireque j’aiofferteàDavidhiermatin.Elle trônesur lepetitbureauprèsdelafenêtre.J’avanceverselleeteffleuresestouchesduboutdesdoigts,commes’il s’agissait du clavier d’un piano. Je repense à la question quem’avait poséeBobWilson,monagent,lorsdenotrepremièreentrevueoùilm’avaitcommandélerecueildenouvellesquisortiraenseptembre:ai-jevraimentenmoicequ’ilfautpourdevenirécrivain?

Oui,j’aicequ’ilfaut:jenelaisseraiplusjamaispersonnemefairecroirequejenepeuxpasvivremesrêves.

Machinalement,jeglisseunefeuilledepapieràen-têtequitraînesurlatableentrelesrouleaux.Jecommenceàtaper,sansréfléchir.Quelquesphrases,c’esttout.Jem’interrompspourlesrelire:

«AéroportduBourget.Salled’attente.Jedoisavoir l’airbête,plantéecommeçaavecmoncafédansunemainetmonpetitpanneau«ÉditionsLaroque»dansl’autre.Etcetavionquin’arrivepas…Maisaussi,quelleidéeaeueAdèledem’envoyerchercherDavidFultonàl’aéroport?»

Jesouris.Davidsortdesonsommeil:lebruitdestouchesl’aréveillé.D’unevoixendormie,ilmedemandecequejefais.Jeluiréponds:

–J’écris.

Ilseredresse,intrigué.

–Uneautrenouvelle?–Unroman,jecrois.

Ilmesourit,enchanté.

–Alorsçayest,tut’ymets…Jesuisfierdetoi.Jesuiscertainqueçavaêtregrandiose.

Jesensqu’ilhésiteuninstantavantdemedemander:

–Jeneveuxpasêtretropindiscretmais…Tusaisdéjàdequoiçavaparler?

J’opine.

–Çaparleradetoi.Çaparleradenous.

FIN

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VampireBrothers

DevarêvaitdequitterleMontanapourétudierl’histoiredel'artdansuneuniversitéprestigieuse;elledoitresteràMissoulapournepass’éloignerdesamère,gravementmalade.Devapensaitquecettenouvelleannéeuniversitaireseraitd’unebanalitésanségale;untueurensériesévissantdanslesparagesetlesagissementssuspectsdesameilleureamievontviteluifairerevoirsacopie.DevacroyaitavoirtrouvéenDanteunvéritableami;unseulregarddubeauTristanGrantetsavievaêtrebouleverséeàtoutjamais…Attiréemalgréelleparcesublimegarçondontellenesaitrien,lajoliejeunefillevatoutfairepouréchapperàlapassionquichercheàs’emparerd’elle.Carelleenestcertaine:cebeauvisageetcetteassuranceimplacabledissimulentquelquechose.Maisquandelledécouvreenfinsonsecret,ilestdéjàtroptard…

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