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Toutcontrelui

ClaraWilsonnevitquepourl'amourdel'art.Jeunegaleristenew-yorkaise,farouchementindépendante,ellesebatpourfairesaplaceentreunpatrontyranniqueetunefamilleétouffante,quin'acceptepasseschoix.Maisunjour,sonchemincroiseceluidumystérieuxetmagnifiqueThéodoreHenderson,ettoutvachanger…Souslecharmedujeuneamateurd'artricheàmilliards,Claradoitnéanmoinsgarderlatêtefroide…QuiestréellementlebeauThéo?Unetrilogiehaletanteaucharmeenvoûtant,nepassezpasàcôtédunouveauPhoebeCampbell!

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Aumomentoùelleserendàl’entretiend’embauchequipeutchangersavie,KateMarlowemanquedesefairepiquersontaxiparleplusirrésistibledesinconnus.Aveclebébédesadéfuntesœuràcharge,sesfacturesenretardetsesloyersimpayés,ellenepeutpaslaisserfilercettevoiture.Cetravail,c’estsachance!Niunenideux,elledécidedeprendreenotagelebelétranger...mêmes'ilyadel'électricitédansl'air.Entreeux,l’attiranceestimmédiate,foudroyante.Mêmes’ilsignorentencorequecetterencontrevachangerleurvie.Àjamais.

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172000dollars.C’estleprixdemonavenir.Celuidemaliberté,aussi.J’aibienessayélesbanques,lespetitsboulotsoùlafrituret’accompagnejusquedanstonlit...Maisimpossiblederéunircettesommed’argentetavoirletempsd’étudier.J’étaisauborddugouffrequandSoniam’atenducettemystérieusecarte,avecunlosangepourpregravédessusetunnumérodetéléphoneenlettresd’or.Ellem’adit:«RencontreMadame,tuvasluiplaire,ellevat’aider...Ettonprêtétudiantettontaudisd’appartementencolocationneserontplusquedevilainssouvenirs.»Elleavaitraison,lemeilleurm’estarrivé,etlepireaussi...

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Toussesdésirs-vol.1

Moi,c'estCléoDelille,journalistechezStarglam,unmagazinepeopleparisien.Montravail?Couvrirlessoiréeslesplusenvuedumoment,deMonacoàParis.Monproblème?Impossibledemettreunnomsurtouteslesstarsquejecroise.Moi,mapassion,c'estl'art.Pourtant,entredeuxcocktails,j'airencontréunhomme.Ilm'atoutdesuiteeueavecsesyeuxbleusmagnétiques,irrésistibles...Ilm'atenduunpiège,etjem'ysuisengouffréesansréfléchirplusd'uneseconde.Etaujourd'hui,jesuissaprisonnière.Prisonnièredesesyeux,desonnom–NathanChesterfield,milliardaireetprédateuràsesheures–,demondésirpourluidepuislapremièrefoisqu'ilaposéseslèvressurlesmiennes.

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JuneMoore

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ÉTREINTE

Volume9

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1.Révélations

NilsetmoiatterrissonsàMiamidansl’après-midi,aprèsunvoltranquille,maisinstructif,àborddusecondjetdeRoman.Avantledécollage,NilsafaituncrochetparsachambreauSleepyPrincesspour récupérerungrandcartondébordantdedossiers,dephotos,de rapports, de témoignages,denotes,dedocumentsentoutgenre:touteslesinformationsqu’ilacollectéesaucoursdesdernièressemainesdanslecadredel’enquêtesurlamortdeTeresa.Jesuisimpressionnée,etmêmesidérée:çareprésenteunesommededonnéesphénoménale.Jeréaliseseulementmaintenantl’incroyablemassedetravailquisecachederrièrechacunedesesavancées,maisaussitoutesleshypothèsesqu’iladûenvisager, puis vérifier ou démonter, preuves à l’appui, avant de me transmettre ses conclusions.Toutes les fausses pistes, les impasses, les zones d’ombre. Il y a un rapport détaillé sur toutes lespersonnes qui ont eu un lien, direct ou indirect, avec Elton Vance et Teresa Parker. Une tâchehallucinante, rendue d’autant plus compliquée que l’affaire date de vingt-cinq ans et que lesrecherchesdoiventêtremenéesdefrontauxÉtats-UniscommeenFrance.

–Tuasfaittoutçatoutseul?luidemandé-je,incrédule,perduedanstoutecettepaperasse.– Quasiment, répond-il en haussant les épaules. Roman me paie pour un job, pas pour des

vacances.Maisj’aidescontactsàParis,jeleuraiconfiéunepartieduboulot.Ici,jeneconnaispasencoreassezdemondedignedeconfiance,jen’aipaspudéléguer.Etpuis,engénéral,jepréfèremerendremoi-mêmesurplace,pourmefaireuneidée.

Quandnousdescendonsdujet,encedernierdimanchedefévrier,ilpleutautantqu’àNewYork,maisilfaitdix-septdegrésdeplus,cequipourraitrendrelachosemoinspéniblesiseulementnousavions emporté des vêtements plus légers.À défaut, avecmon pantalon de velours,ma chemise àmanches longues et mes bottines, je me sens comme une aubergine cuisinée à l’étouffée. Il faitterriblementlourdethumide,mescheveuxbouclentdanstouslessens,etlasueurmecouledansledos.Celam’agaced’autantplusqueNils,enjeanettee-shirt,sonblousonsurl’épaule,semblefraiscomme une rose. Pourtant, malgré la chaleur étouffante et mon teint qui vire à l’écrevisse auxpremiersrayonsdesoleil,définitivement,jepréfèrelesudaunord,laCalifornieàNewYork.Etmonbref séjour en Louisiane, chez Roman, m’a franchement fait rêver. Ici, tout le monde est plusdécontracté,moinspressé,onn’estpasbousculéàchaquecoinderue.Lecœurdelavillenebatpasmoinsfort,maispluslentement.Parcontre,ilfautlivreruneguerresansmerciauxmoustiques,quemapeaulaiteusederousseattirecommeunirrésistibleappât.

Dansletaxiquinousconduitsjusqu'àLittleHaïti,lequartieroùhabiteRobertMartin,jeretourneentremesmainscequeNilsadénichéchezJackParker.Celaserésumeàpeudechose,maisçaluiaouvertlapistepourlasuitedesesrecherches:unephotodeFlemingavecuninconnuauxfauxairsdeStevenSeagal.Ill’atrouvéedansunvieilalbum,glisséederrièreunpaysageenneigé,pendantsasecondevisite chez Jack. Il a passé toute lamaison aupeigne fin etméticuleusementdécortiqué lecontenudufameuxcartondécouvertsous l’établi,qui l’avait intrigué lorsde lasoiréeVIP.Jesensquecettephotoluiparaîtimportante,maismalgrésonenthousiasme,çanemesemblepasvaloirtoutce remue-ménage.Au final, pas d’explications, pas depreuves irréfutables, pas de liendirect avec

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Teresa,pasdedénouementmiraculeux.

–Laphotonousmontreunhommejeune,baraqué, tenuedesport,qui rencontreFleming,et luiremetuneenveloppe,résume-t-il.ElleestpriseenFrance,le11mars1990.C’est-à-dirependantunesemaine oùTeresa etVance sont officiellement tous les deux à Paris, elle pour le tournage d’unepublicité,luipouragrément.Officieusement,ils’agissaitcertainementd’uneescapadeenamoureux.Qu’est-cequetuendéduis?

Jen’ai jamaisétébonneauCluedo, jen’ai jamaisété fichuededevinerque lemeurtrierétait leProfesseurViolet,avecunrevolver,surlaterrasse.Cependant,Nils,enappuyantsurcertainsdétails,guidemaréflexion.Jemecreuse lesméningeset jechoisismesmotsavecsoin,enessayantdenerienoublier:

– Teresa et son amant étaient surveillés par Fleming, lui-même suivi par je-ne-sais-pas-qui. LebaraquéconnaîtFleming.Illuidonnedesinformationset/oudel’argent.Teresaacachécettephotodoncelleestcompromettante:onpeutparierquel’enveloppecontenaitdeschosesplusimportantesque les horairesdebuspour leTexasouun carnet de tickets-restaurant.Vu la date et le lieu, ça aprobablementunrapportavecledécèsdeTeresa.Letypepeutêtreceluiquiacommanditésamort.

Nilscorrigeetcomplète:

– Non, ce n’est pas le commanditaire, c’est un costaud, sportif, gueule carrée, fringues bonmarché,etondistinguelabossed’unflinguesoussaveste:sûrementunhommedemain.Letypenerigolepas ; comme tudis, il ne se contentepasd’échanger avecFlemingdes recettesde tarte auxpommes.Ilsemontreàvisagedécouvertenpleinjour,dansunlieudepassage,cequisignifiequ’iln’est(oun’étaità l’époque)pasrecherché.Pourtant,cettephotodérange,sinonellen'auraitpasétédissimulée,etonsaitqueFlemingaprovoquélacourse-poursuitequiacoûtélavieàTeresa;c’estdoncquelebaraquédoitêtre,d’unemanièreoud’uneautre,reliéàlamortdeTeresa...ouàcelledesonamant,EltonVance.Conclusion:c’estsûrementl’hommedemainducommanditairedumeurtredeVanceetTeresa.

Nilsménageunepause,peut-êtrepourmedonnerlapossibilitédelecontredireoulequestionner.Jemecontented’approuver,impatiented’avoirlasuite.Ilpoursuit:

–D’aprèsl’angledevue,onpeutparierquelaphotoestprisedetrèsloin,autéléobjectif,avecdumatérielprofessionnel:l’hommequil’afaiteconnaissaitsonboulot,etilaprisdesrisques.C’étaitdoncprobablementunjournaliste.Combiendejournalistesconnais-tuquiontremisencauselathèsedel’accident?

–Unseul,réponds-jedeplusenplusexaltéeàmesurequeNilsdéroulelefildesesconclusions,etquejevoissedécanter lemystère:RandallFarrell, l'auteurdel'articleà l'originedecetteenquête,celuiquim'amisesurlapisted'unassassinatmaquilléenaccident.

–Bingo.Etqu’est-ildevenu?–Mort.D’uncancer,jecrois.–Un cancer qui tombe vraiment à point nommé, qui l’a terrassé à la frontière duMexique de

manièretellementfoudroyantequ’ilaétéenterrélelendemainsurlafoid’unpermisd’inhumerplusquedouteux, signéde lamain tremblanted’unmédecinmexicainqui s’est ensuite évaporédans la

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nature.–Commenttusaisça?m’exclamé-je.–Jenemesuispastournélespouces,cettesemaine,j’aicontinuéàfouiner,àcreuser,àinterroger

des types, à fairebossermescontacts...Bref.Cettephotone s’estpas retrouvéeparhasarddans lamaison de Jack, et Farrell ne s’est sûrement pas amusé à photographier Fleming parce qu’il letrouvaitjoligarçon.Donc...?

–Doncavantl’accident,quelqu’unademandéàFarrelldesuivreFleming.Oulebaraqué.–Toutàfait.Peut-êtreparcequecequelqu’un,TeresaouVance,sesentaitmenacéetcherchaitdes

preuves.Autrechose, toujoursàproposdeFleming,quej’aiapprisentirantquelquesficelleschezlesflics:à24ans,ilafaillifaireunséjourenprison,pourcoupsetblessuressursapetiteamie.Ilestfinalementrestélibrecarquelqu’un,uncertainCharlesSmet,s’estacquittédesacautionetluiapayéunbonavocatquiestallévoirlafilleetl’aconvaincuederetirersaplainte.

–Smet...Çanemeditrien...–Çaneditrienàpersonne,maisc’estpourtantparlàqu’ilvafalloircreuser.ParcequeceSmet

n’étaitniundesesamisniunbondsman.–Unbondsman?– Un garant de caution judiciaire, un genre d’agent d’assurances, un type dont c’est le métier

d’avancerlemontantdescautionsdesmecsquin’enontpaslesmoyens.J’aivérifié:Smetn’enestpas un. Mais ce qui est étrange, c’est que ce n’est pas non plus un homme riche, juste un garstranquille,sanshistoire,uncadremoyen,fichénullepart...maisquiadisparudelacirculation.Jen’aipas encore réussi à le loger. Selon moi, il s’agit d’un prête-nom, un homme de paille ducommanditaire.Conclusion?

Comme je reste silencieuse, le cerveau en ébullition, essayant de trier et d’assimiler tous lestenantsetlesaboutissants,ilenchaîne:

–Donc,Flemingbossaitpourunhommequiavaitbesoindelui(c’est-à-dired'unjournalistepeuscrupuleuxetprêtàtout)etquiétaitlibreen1990.Cethommevoulaitluiconfierunboulotdélicat:déclencherl’accidentdeTeresaetVance.Ilétaitricheetsouhaitait ladisparitionradicaledeTeresaet/oudeVance.Ils’entouraitdetypeslouches,maisilétaitintelligentetprudent.Lapreuve:sesseulsrapportsavecFlemingsefaisaientparlebiaisd’intermédiaires,qu’ils’agissedeluitransmettredesinfosparlebaraquéoudelesortirdupétrin,enutilisantunhommedepaille.Onadoncdeuxpistessérieusesetexploitablessanstropdecomplication:CharlesSmetetlebaraqué.Sionmetlamainsurl’unoul’autre,ontientlecommanditaire...

–Etl’avocat?Iln’yapasmoyenderemonterjusqu’aucommanditairegrâceàlui?–Biententé,merépondNilsensouriant.Maisc’étaitunvieuxbonhommeetilacassésapipe,le

pluspaisiblementdumonde,ilyadéjàpasmald’années.

Jeréfléchis,jemetsboutàboutcetteavalanched’informationsetdeconclusions.Présentéainsi,çaparaîttellementévident.Pourtant,çamefaittournerlatête,pirequ’unénièmetourdemanègeavecCameron.Nilsraisonnevite,avecunelogiqueimplacableportéepardesannéesd’expérience.Iltentedesemettreàmonniveauensimplifiant,maisjem’embrouilleparfois,alorsjeproteste,jeconteste,mais il finit immanquablement par balayermes objections et démolir mes contre-propositions enquelquesmots.

Quand moi j’aurais accusé le Colonel Moutarde dans le salon avec la clef anglaise, Nils me

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prouvequeçanepeutêtrequeMadameLeblancaveclahachedanslacuisine.Finalement,jeluiposelaquestionquimetaraudedepuisdesjours:

–Tucroisquecethomme,lecommanditaire,pourraitêtreJackParker?–J’yaipensé.C’estmêmepourcette raisonque j’ai fouillésabaraque. Ilavait lemobile :être

cocunedoit pas êtreunepartiedeplaisir, surtoutpourunhommecomme lui, fier, orgueilleuxetimbudesapersonne.Ilavaitl’argent:ilétaitdéjàmillionnaireàcetteépoque.Maisd’unepart,aussiantipathique soit-il, il n’a pas le profil d’un assassin ; d’autre part, lamanière dont le coup a étépréparé, lapatience, laminutie et lesmoyensmisenœuvre, les contactsutilisés,me fontpenser àquelquechosedebeaucoupplusfroid,préméditéeténormequ’uncrimepassionnel.Çaneressemblepasnonplusàunevengeance : iln'yapasdevolontéde fairesouffrir, seulementd'éliminer.C'estorganisé,minutieux,réfléchi,radicalmaisiln'yapasdesadismeoudedimensionsymbolique.Ducoup,jepencheraisplutôtpouruncrimed’intérêt.TeresaouVancedevaientreprésenterunemenacepourlecommanditaire,etsionparvenaitàapprendrelequeldesdeuxétaitviséparl’accident,çamesimplifierait la viepour la suitedes recherches... J’espèrequeMartin auraun avis sur la question.Donc,non,jenepensepasquecesoitJack.

Jeruminecesarguments,pastoutàfaitconvaincue.Pourtant,j’aimeraistellementlecroire!C’estdéjàassezsordidecommeçasansqu’onrajoutedansl’équationlepèredeRomanenmeurtrier.

Arrivée devant lemobil-home deRobertMartin, je suis, comme lors de notre première visite,frappéeparl’étatdedélabrementdel’endroit.Aujourd’hui,c’estmêmepireencore.Lapelousen’estqu’unterrainvagueenvahidemauvaisesherbesmontéesengraines.Unsalondejardinenplastiqueblanc tirant sur le jaunâtre, aux chaises bancales, gît sous unparasol délavé.Des canettes de bièrejonchentlesol,desmégotsdébordentdupotd’ungrandyuccarachitique.Toutsembledéjàmortici,et j’ai dumal à croire queMartin, bien vivant, ait pu appelerNils il y amoins de quatre heures.Pourtant,unrideaudedentellesynthétiques’écartequandonfrappeàlaporte,etlevieilhommenousfaitsigned’entrer.

Martin n’a pas dû ouvrir ses fenêtres depuis un bon bout de temps. L’air, à l’intérieur, estirrespirable, empuanti par la fumée épaisse dedizaines, de centaines, de cigarettes consumées à lachaîne.Desbrunes,bienfortes,bienfrançaises,quipiquentlesyeuxetlagorgedetoutêtrevivantàdeuxkilomètresàlaronde.Jesuffoque,auborddumalaise,avantqueNilsn’aèreengrand.Lapluies’inviteenminusculesrigolesparesseuseslelongdesappuisdefenêtres,maisl’atmosphèreestpluspesantequejamais.Pasunsouffled’airpourévacuerlenuagetoxiquedetabac.Jemeplantelenezprèsd’une lucarne, essayant désespérémentd’aspirer quelquesbouffées indemnesdenicotine.Mespoumonsviennentdevieillirdedixansentroisminutes.

–Désolé,ditMartinavecungestevagueetlas,sansseleverdesabanquette.

Ilalesdoigtsetleteintjaunes,levisagefroisséetdéfaitd’unhommemalade.Lamainquitientsacigarettetremble,répandantdescendressurlatable.

–Vousavezunesalegueule,Martin,constateNilssans lamoindrecompassion.C’estpourvousracheteruneconscience,avantdeclaquer,quevousdécidezsoudaindemefairedesconfidences?

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Mêmesijeneportepaslevieilhommedansmoncœur,jenepeuxpasm’empêcherdegrimacer.Nils yva avec la délicatessed’un tank. Ils se regardent en chiensde faïenceunmoment avant queMartinbaisselesyeuxetallumeunenouvellecigaretteaumégotdelaprécédente.Illâche:

–Lacible...cen’étaitpasTeresaTessler,maisEltonVance.

Larévélationmefige;j’avaisbeaum’yêtrepréparée,çamefaitunchoc.

–Maisalors...commencé-jed’unevoixhésitante,maisalors... répété-jesansparvenirà finirmaphrase, tantcequecette information impliquedecynismeabsurde.Teresa...n’étaitqu’undommagecollatéral ? Elle est morte simplement parce qu’elle se trouvait au mauvais endroit, au mauvaismoment?

RobertMartinaunemoueetjetteunregardàNils,quimerépond:

–Pasvraiment.Elleaserviàdétournerl’attention.–Avantd’entérinerlathèsedel’accident,poursuitMartindevantmonairinterrogatif,lapolicea

évidemment mené sa petite enquête. Vu la médiatisation de Teresa Tessler, son engagement, sesrécents démêlés avec les labos de cosmétiques et les enjeux en cours, les flics ont commencé parfouillerdesoncôté.Si,malgrémesefforts,l’accidentleuravaitparususpect,c’estdansl’entouragedeTeresaTesslerqu’ilsauraientcherchél’assassin.Commevous.D’autantque,depuisunan,Vancenefaisaitplusdutoutparlerdelui.

–Alors... lamort deTeresa n’était qu’un écran de fumée... dis-je, la gorge serrée, en pensant àRoman.D’unecertainemanière,çalarendplusatroceencore.

L’hostilitédeNilsenversMartinestpresquepalpable,jelesensàdeuxdoigtsdeluisauterdessusetdelesecouer jusqu’àluicasser touslesos.Moi, jesuis justeprofondémentchoquéeet triste.LamortdeTeresameparaîttellementvaine,tellementfutile.Ilaurasuffidesipeupourpriverunpetitgarçondesamère...

–Ok,reprendNils.Lenomdutypederrièretoutça?–Jen’ensaisrien,répondMartinaprèsunequintedetouxparticulièrementviolente.Jenecrois

mêmepasl’avoirdéjàsu.–Cebonhomme-làvousditquelquechose?continueNilsenluimettantunephotodeJacksousles

yeux.–Oui,biensûr.JackParker.

Jesursaute,maisNilsresteimpassible.Ildevaits’attendreàcetteréponse:

– J’ai vu quelques-uns de ses films, dit le vieil homme. Pas mon genre, d’ailleurs. Trop deflingues,tropd’explosions,aucunecrédibilit...

–OnsepasseradevotrecritiqueéclairéedelafilmographiedeJackParker,l’interromptNils.Est-cequevousl’avezdéjàvuailleursquesurunécran?Est-cequ’ilpourraitêtrelecommanditaire?

–Ouijel’aidéjàcroisémaisnon,çanepeutpasêtrelui,serenfrogneMartin.C’estjusteunebellegueuleavecuncerveaudebigorneau.Iln’ariendemachiavélique,iln’auraitjamaismontéuncoupsiélaboré.Bêtemaispasméchant.Aupire, ilauraitpula tuerparaccident,unjourdecolèreoùil

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aurait trop bu. Et il serait resté planté comme un con devant son cadavre à chialer en attendant lapolice.

–Ok...Etcegrandcostaud,là,avecvotrepoteFleming,vousleconnaissez?demandeNilsenluitendantlaphotoqu’ilavoléechezJack.

–Flemingn’estpasunami,grommelleMartinenseconcentrantsurlevisagedubaraqué.Etnon,ilnemeditrien.Maisc’estlointoutça...etjesuisvieux,j’aiplusl’espritaussivif.

–Ilsebaladaitàvisagedécouvert,maispeut-êtrequ’illuiarrivaitdechangerdelook.Essayezdel’imaginerautrement,avecdeslunettes,delabarbe,unemoustache,ouencoredescheveuxlongs...

Enentendant cesmots, jeme surprends à tenter l’exercicemoi-même,parceque le fauxStevenSeagalm’intriguedepuisunmoment.Quand j’enviensàme le représenteravec labouleàzéroetvingtkilosdeplus,unlégerdéclicsefaitquelquepartdanslesméandresdemoncerveau.Undéclic,pasmoins.Maispasplus.Impossibledediresij’aidéjàaperçucethommeousij’aitropregardédefilms de Steven Seagal.Ado, j’avais le béguin pour un lointain cousin qui se passait ses films enboucle,cequiexpliquequejesoisaussicaléesurlesujet...

Martin, quant à lui, ne doit pas avoir la même culture cinématographique, ou les mêmesfréquentationsquemoiparcequ’ilsecouelatête,négativement.Laphotoneluirappellepersonne.

–Ok,ditNils.Jesupposequeçaauraitététropfacile...–Faisgaffe en faisant circuler cettephoto,Eriksen.Çava forcément finir par se savoir, que tu

cherchescetype.Ettongibieral’airprêtàtoutpoursauversapeau.Turisqueslatienne.–Vousvoyezuneautrefaçondeprocéder?–Non.–Donc...Autrechose:pourquoiVance?Ilgênaitquelqu’un?–Ilgênaitbeaucoupdemonde,répondMartin.–Jesais,ilavaitpasmaldepolitiquesvéreuxdanssoncollimateur.J’aiundossiergroscommeun

annuairesurluietlestypesqu’ilafaittomber.Maisdelààêtreassassiné...Etpuis,ilavaitl’airplutôtsage,cetteannée-là,justement.Ilnefaisaitplusdevagues,lapressesemblaitl’avoiroublié,ondisaitqu’ilseretiraitdelascène...

–Onledisait,oui.Jen’aipassuivisacarrièredeprès;lapolitiquedesUSA,moi,jem’enfoutaisà l’époque.Mais ce que je sais, c’est que Vance n’avait rien d’un homme inactif. J’ai retracé sesdéplacements,dans lecadrede l’enquêtede routine. Il étaitdiscret,mais ilne s’estpasaccordéunmomentderépit,toujoursenmouvementaucoursdessixderniersmois.Toujoursàl’affût.

–Vousavezdespreuves?Unrécapitulatifdesesdestinations?– Les preuves, je les ai détruites, tu te doutes bien. Je n’avais aucune envie qu’on s’intéresse à

Vance, et à ce qu’on remette en cause la mort accidentelle. J’ai tout fait pour qu’il n’y ait pasd’enquêteapprofondieetqu’onclassel’affaire.

– Je ne suis pas mécontent que vous soyez en train de crever, Martin, dit Nils presque avecnonchalance.J’espèrequec’estdouloureux.

–Çal’est,répondlevieilhomme.Soistranquille,Eriksen,çal’estvraiment...

Quand nous prenons congé, il ajoute, après une quinte de toux qui lui ravage la gorge et lespoumons,dansunbruitdelingehumidequ’ondéchire:

– Vance... il gênait aussi quelques hommes d’affaires. Des gros. Puissants. Et d’autres, plus

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modestes,maisquin’avaientplusrienàperdres’illesfaisaittomber.Destypespartisderien,etquinevoulaientsurtoutpasyrevenir.Capablesdetout,donc.C’estparlàqu’ilfautcreuser.

–Desnoms?–Non.Jen’ensaispasplus,jetejure.

Nilsquittelemobil-homesansunmot.Jeluiemboîtelepas,nauséeusetantàcausedelafuméedecigarettequedesrévélationsdeMartinquim’interpelle:

–Mademoiselle...–Oui?–DitesàRoman...quejesuisdésolé.

Jehochelatêteetsorssouslapluie.

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2.LamagieduSud

Roman, bras croisés, regard dur perdu au loin, est appuyé contre le flanc du mobil-home,indifférentàlapluiequiruissellesursonbeauvisage,commeuntorrentdelarmes,ettransformesoncostume impeccable en éponge. Je suis aussi surprise qu’heureuse de le voir : il ne devait nousrejoindre que ce soir. Mais je suis soulagée également. Après ces confessions pour le moinsglauques,saprésencemefaitdubien.

Puisjeréaliseque,desonposteprèsdelafenêtre,ilasuiviunebonnepartie,voirelatotalité,deséchangesendirect.Sic’étaitéprouvantpourmoi,j’imaginecequeçaadûêtrepourlui,etlemalaisem’envahit...

Lapluieredoubledeviolence.Nilss’estréfugiésousleparasol,ilaremontélecoldesonblousondecuiretnousobserve,lesmainsdanslespoches.Prêt,jesuppose,às’interposersiRomandécided’allerétranglerMartin.Ouàluidonneruncoupdemain...Quantàmoi,jesuistoujoursplantéesurladernièremarchedumobil-home,etjenesaispasquoidire,quoifaire.C’estdifficile:Romann’estpastrèsexpressif,etledécrypterrelèvesouventdelamissionimpossible.Quandquelquechosenevapas, il se minéralise. Fureur, désespoir, douleur, tristesse, dégoût, inquiétude, rancœur, dépit,angoisse,colère :quellesquesoient lesémotionsnégativesqui le ravagent,sa réponseestpresquetoujoursidentique:mutismeetfixité.Ilsemure.Ilseferme.Ilverrouilletout,letempsdereprendrelecontrôle.Etmoipendantcetemps,jemesensimpuissante,incapabledel’aider,delesoutenir.Maispeut-êtren’ena-t-ilpasbesoin...

Ilsedétachesoudaindumobil-home,l’aird’avoirprisunedécision,etjevoisNilssecrisper,dansl’expectative.MaisRomansecontentedemetendrelamainet,quandjelasaisis,elleestglacée,maisferme. Je le suis jusqu’au taxi qui était resté garé devant le portillon déglingué, à nous attendre.Romanadûrenvoyerlesien.Quandilm’ouvrelaportière,jejetteunœilpar-dessussonépauleetj’aperçoisMartinsurlepasdesaporte;ilsuitRomandesyeux,ilressembleàunfantôme.

Le trajet en taxi jusqu’à l’aérodrome est silencieux. Au moment de nous séparer, Roman mepropose de rester avec lui ce soir. J’accepte bien sûr, le cœur déjà gros de ne pas le voir de lasemaine,qu’ildoitpasseràLaNouvelle-Orléans.Avantd’embarquerdans le jetqui le ramèneraàManhattan,Nilsluidresseuntoporécapitulatifdesesconclusions.IlcomptemaintenantseconcentrersurVance,mettrelamainsurFlemingdontilaenfinretrouvélatraceavant-hier,etfouillerlesautrespropriétésdeJack.IlestpersuadéqueVance,sesachantmenacé,auraconfiéàTeresadesdocumentsexplosifs qu’elle aura ensuite dissimulés chez Jack, comme elle l’a fait pour la photo. Roman luidonnesonfeuvert,àconditionqueJacknesoitpasinformé.

– Je ne veux pas que Jack soit mêlé à ça, pour l’instant, dit Roman toujours aussi sombre.Embarque tout ce que tu trouveras chez lui qui peut servir,mais sois discret. Fais gaffe à ce quepersonnenetesuiveounecomprennecequetumanigances.Lefumierquiestderrièretoutçam’adéjàprismamère,pasquestionqu’ils’approchedemonpère.

«Monpère... »C’est lapremière foisque j’entendsRomanappeler Jackautrementquepar son

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prénom,ets’iln’yaaucunedouceurdanssavoix,ilyaindubitablementunemarqued’amourdanslechoixdecetteexpression.Tandisqu’ilscontinuentàdiscuteretplanifier,jetéléphoneàEdithpourluidemander si demain je peux bouclermon article en télétravail au lieu deme rendre au bureau. JevoudraisresterlepluslongtempspossibleavecRoman.

– Pas de problème, me répond-elle après avoir consulté les plannings. Rien ne requiert votreprésencephysiqueici.D’ailleurs,jeconstatequevousavezposédeuxjourslasemainesuivante?

–Oui, c’estmon anniversaire, dis-je en croisant les doigts pour qu’elle nemedemandepas encontrepartied’annulercesdeuxjournées(noussommesmoinsàcouteauxtirésdepuisqueRomanafait hospitaliser son père dans sa clinique,mais Edith reste Edith, c’est-à-dire quelqu’un pour quigentillesseestencoresynonymedefaiblesse).

–D’accord...répond-ellenéanmoins.Àconditionquevouspreniezenchargelescorrectionsetlesvérificationsdesdonnéespourleprochainnumérospécial.

Labourrique!Çafaitdesjoursquetoutlemondeessaiedeserefilerceboulot,unevraiepatatechaude,encorepluspénibleetsoporifiquequ’uneconférencesurl’indiceducoûtdeconstructionetl’organisationspatialedesstabulationsentravéesenélevagelaitierdansl’Indiana.Rienquel’intitulévousachève.

–Aucunsouci,dis-jeenmeretenantdegrimacer.MerciEdith.

Aprèstout,c’estaussiça,cemétier; jenepeuxpastoujourstirer legroslotetmepromenerauCarnavaldeRioouinterviewerl’hommedemavie...

– De rien Amy, de rien... répond Edith sans que je parvienne à déceler si elle est sincère ousarcastique.

–Votrepèrevamieux?–Merveilleusementbien ! s’enthousiasme-t-elle, joyeuse tout à coup. Il apu se leverpour faire

quelquespashieraubrasdesoninfirmière,Corinne.Unejeunefemmeformidable,pétillante,unedevoscompatriotes,jecrois.MonsieurParkerl’aaffectéeàsonserviceexclusif.Remerciez-leencorepourtout,Amy,jevousprie.

–Jen’ymanqueraipas,assuré-jeenm’apprêtantàraccrocher.–Amy?merappellesoudainEdith.–Oui?– J’appréciequevousvous chargiezdesbasses tâchesdunuméro spécial.Ça fait partiedu job,

certainsonttendanceàl’oublier.Pasvous,c’estbien.–Oh...mecontenté-jederépondre,priseaudépourvu.–Ilyenapourtroisjours,peut-êtrequatre,sanscompterl’articlequevousdevezterminerlundi.

Jevousenvoielesfichiersparmail.Àpartmercredimatin,oùj’auraibesoindevousenchairetenos, inutile de venir au journal cette semaine.Vous pouvez travailler depuis chez vous, vous aurezlargementdequoivousoccuper.

– C’est... merci infiniment, Edith ! balbutié-je avant de raccrocher, contente, surprise et mêmesupercontente!

Jevaispouvoir resteravecRomanàLaNouvelle-Orléans !Toute lasemaine !Enfinpresque.Etaprès:week-endprolongéenamoureux!Lepied!

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Puis,constatantqueNilsetRomansontencoreengrandediscussion,j’enprofitepourconfirmerparmailàPatrickDawn,monéditeur,notrerendez-vousdemardisoiràNewYork,quisegoupilleformidablementbien,etpourappelerCharlie:

–Ok,jeneterevoispasavantunboutdetemps,alors?merépond-elletoutenrâlantaprèsGoliathquiessaiedel’escaladerpours’installersursesgenoux.

–Oui,enfin,bon... jenesaispas trop,enfait,dis-je toutàcoupembarrasséeenréalisantque jem’emballeunpeuviteetqueRomanavaitpeut-êtred’autresprojets,danslesquelsjenefigurepas,pourcettesemaine.IlfautquejevoieavecRoman.

–C’esttoutvu:ilvavouloirtegarderpourlui.Veinarde.–Je t’enverraiun texto,dis-jepourcoupercourt.Enplus, jen’avaispasprévu lecoup,donc je

n’airienemmené,mêmepasmabrosseàdents.–Àmonavis,metaquineCharlie,unmultimilliardairedoitbienavoirunebrosseàdentsd’avance

chezlui.Voiredeuxoutrois.Ouuncartonausous-sol.–Voireuncontainerentier,dis-jeensouriant.–Toutàfait.Mais,aupire,sijamaisparmalheurtuétaistombéesurleseulmultimilliardaireau

mondequin’apasdecontainerdebrossesàdentsd’avancedanssacave,jesuiscertainequ’ilseraitcapabled’acheterlachaîneWalmartrienquepourtedépanner.

Nouscontinuonsàdélirersurlesujetjusqu’àcequeCharlies’exclame:

–Couché!–Pardon?–Désolée,c’estSnoopy.Ilessaiederuserpourgrimpersurlecanapé.Maisj’appliquelaméthode

Roman:fermetéetfermeté.J’iraiàlacliniquevétodemainpourluiprendredel’antiparasitaire.Jetrouvequ’ilsegrattebeaucoup.

–Encore?!Maistuyesdéjàalléecinqfoisdepuisquetul’as!– Eh ben demain ça fera six, répond Charlie sans se démonter. Tu préfères que je fasse de

l’élevagedepucesdanstonappart?–Jamaisdelavie!Sij’envoisuneseulesautillersurlamoquetteàmonretour,jevouscoupeen

cubes,toiettonsacàpuces.Mais...tuvasylaissertonsalaire,àforce,soupiré-jeenmecreusantlacervelle pour trouver une façon diplomate de lui dire d’abandonner l’idée d’emballer son beauvétérinaire.

MaisCharlieacomprissansquejeprononcelesmots;ellemarqueunsilenceavantdedéclarer,soudainsérieuse:

–Ilmeplaîtvraiment.C’estpassisouvent,quejetombeamoureuse...

Querépondreàça?Nouspapotonsencorequelquesminutes jusqu’àceque jem’aperçoivequeNilsetRomanm’attendent.

***

Aprèsplusdedeuxheuresd’hélicoptère,RomanetmoiarrivonsdanssapropriétédeLaNouvelle-Orléans,oùnousétions impatiemmentattendusparNorah,sagouvernantedepuis l’enfance.Levol

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futcalme,Tonyayantbiensentiquecen’étaitpaslemomentdefairedescabriolesavecl’hélico.Jeme suis blottie dans les bras de Roman, qui m’ont accueillie, forts et protecteurs, et c’est lui,finalement,quim’aréconfortée.

Lemanoirenboisrougeestàl’imagedeRoman:beau,atypique,solide,secret.Dressésurpilotisetentouréd’unparcauxarbresgigantesques,dontdemagnifiqueschênescentenaires(desQuercusVirginiana,plusprécisément,m’apprendRoman),ilestceinturéd’unevérandaàdoubleétageduhautde laquelle, sur la façadeouest, la vue sur leMississippi est tout simplement époustouflante.C’estd’ailleurs làquenousdînons,nousrégalantd’unplat typiquedeLouisiane,unsucculentgomboaupouletmitonnéparNorah.Nousparlonspeu,maisl’atmosphèren’estpaspesante.J’admireleparc,quidescendenpentejusqu’auxberges.Deslumièresdouceséclairentlepaysage,sereflètentsurleseauxcalmesetsombres.Jesuisheureused’êtreici,danscelieuqueRomanaime,etquireprésentetantpourlui,lamaisondesamère.

–Nous l’avons choisie ensemble,me dit-il à la fin du repas.Tous les trois, avec Jack. Il n’y ajamaisvécu,maissanslui,pasdemaison.

Debout, adossé à la rambarde de teck rouge qu’il lisse de la main, il regarde le manoir,mélancolique.

–J’avais4ans,mamèrevenaitde toucheruncacheténormepoursondernier film.JacketellehabitaientunloftaucœurdeMiami,maisellevoulait«unevraiemaison»pouréleversonfils.Ellecherchait un endroit au calme, en dehors de la ville, loin des feux de la rampe. Elle en a visitéplusieurs, elle m’emmenait chaque fois avec elle et me demandait mon avis.Moi, je les trouvaistoutesbelles,etj’étaissurtoutheureuxd’êtreavecelle,del’avoirpourmoitoutseul,pourunefois.Àcet âge-là, je n’étais pas difficile : dumoment que j’avais une chambre et un jardin pour jouer àTarzan,c’étaitparfait.Maisaucunenetrouvaitgrâceauxyeuxdemamère:troppetite,tropaustère,tropbling-bling,tropgrande,tropblanche,tropsombre...Visiterdesmaisons,quandona4ans,çavabiencinqminutes.Maislà,çaadurédessemaines.J’aicommencéàenavoirmarre,vraiment.Jemesuismisàchouinerpourun rien,àdirenonà tout, systématiquement.Etpuis,unbeau jour,elleadénichécelle-ci.Ellem’aditqu’elleenavaittrouvéuneparfaite:demacouleurpréférée,rouge,avecdesécureuilspartout,desarbrespourfairedescabanesetlefleuvepourfairedubateau.

Roman,perdudanssessouvenirs,semetsoudainàsourire:

–Elle était tellement heureuse qu’elle avait réussi à convaincre Jackde venir visiter avecnous.Moi, j’enavaismarredesvisites, j’étaisdemauvaispoil, j’ai ronchonnénon-stop :«OnpeutdéjàfairedubateauàMiami,eticiy’amêmepasdepiscine,etlesmarchesellesgrincent,etilssontoùlesécureuils?etleMissipipic’estnul,çapue,c’estpasaussigrandquelamer,etc.»Ilparaîtquemamèrenesavaitplusquoiinventerpourmeconvaincre.Pluselleessayaitdemevendrelamaison,plusjem’obstinais : jenevoulaispashabiter ici.L’agent immobilier,quivoyait laventede l’année luipassersouslenezàcaused’unsalemorveuxcapricieux,avaitvisiblementtrèsenviedemecollerunebonnefessée,etaulit!Mamèreallaitabandonner,désespérée,quandJackm’adit,l’airderien,endésignantleparc,puislefleuve:

–T’asraison,fiston.Çavautrienici.Vise-moiça:c’estlajungle,ilfaudraunemachettepoursepromenerdanslejardin.Regarde,ilyamêmedeslianesdanslesarbres!Non,maisfranchement!

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Deslianes!Oncroitrêver!–Oùça?j’aidemandé,tousmessensdepetitTarzanenherbesoudainenéveil.–Etcefleuveestpleindecrocodiles,acontinuéJacksansmerépondre.Énormes,paraît-il!Avec

desgueulesgigantesques!–Descrocodiles?j’airépété,encoreplusintéressé.–Pleindecrocodiles!Descentainesdecrocodiles!s’estexclaméJackavecemphase.Àchaque

foisqu’onvoudrafaireuntourenbateau,paf!ontomberasuruncrocodile!Ilfaudrasebattre,luimettredescoupsderamesurlenez,toutça...Non,vraiment,fiston,c’estpasunemaisonpournous.Fautêtreunaventurier,unvrai,pourvivreici...

Je ris de bon cœur en écoutantRomanme raconter cettemésaventure.Au fil desmots, il s’estglissé dans la peau des personnages et m’a mimé toute la scène avec force détails. Il imiteparfaitement sa bouille obstinée de garnement, l’air renfrogné et avide de l’agent immobilier, levisagedépitédesamère,lagrandiloquencedeJack.

–Tutesouviensvraimentdetoutçaoutuinventes?luidemandé-jequandmonfourireestpassé.–Jemerappellequelquesdétails,répond-ilavecunsourirenostalgique.Maislerestejeletiensde

Jack.Iladoraitracontercettehistoire.–Tu n’as jamais pensé à faire carrière dans le cinéma ? dis-je enme nichant contre lui. Tu es

vraimentbon.–Tuplaisantes?Déjàquejenesupportepasd’êtreprisenphoto.

Nousprofitonsdeladouceurdusoirpourévoquernotreenfance,enlacéssouslavéranda.CelledeRomanestchaotique,maisilenparleavectendresse,malgrélesépisodesdouloureux.

–J’idéalisemamère,jesais,dit-ilenhaussantlesépaulescommepours’endéfendre.J’engardedessouvenirsdepetitgarçonémerveilléalorsqu’enfait,jepassaisplusdetempsavecNorahqu’avecelle,quim’accordaitrarementplusd’uneheured’attentionparjour.Maisjecroisquec’étaitjustesontempérament;ellem’aimaitendemi-teintes,maladroitement,maisellem’aimait.Jepense.

–Moi j’ensuissûre,dis-je.Déjàparcequesinonellen’auraitpasachetécettemaison,qu’elleaclairement choisie pour toi,même si tu faisais tamauvaise tête. Ensuite parce que tu étais le petitgarçonlepluscraquantdelaplanète.

–Ça,c’estparfaitementvrai,serengorge-t-ilcomiquement.–Pourfinir,Teresan’étaitsansdoutepasunemèremodèleselonlesstandardsétablis,maiselle

t’a toujoursgardéauprèsd’elle.ElleaengagéNorahpour t’assureruneéducationetuneprésenceconstante,ellet’aemmenésursestournages,envacances,endéplacement...Quoiqu’ellefasse,Norahet toi étiez de la partie.Alors, oui, en effet, sur une journée de vingt-quatre heures elle en passaitrarement une entière avec toi,mais n’empêche. Si elle ne t’avait pas aimé, elle t’aurait laissé à lamaisonavecNorah,oubienenvoyédansuneinstitution...

Jemetaissoudainenmemordant les lèvres,consciente,mais trop tard,quec’estexactementceque Jack a fait à la mort de sa femme : il a expédié Roman en Suisse et s’en est totalementdésintéressé.

–Excuse-moi,dis-je.Jesuislareinedesgaffeuses.MaisdanslecasdeJack,c’estdifférent...–Bah,inutiledeterattraper,c’estlavérité:Jacks’estdébarrassédemoi,maisjeneluienveux

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pas.Ouplutôt : jene luienveuxplus.J’aipassé tropd’annéesàêtreencolèrecontremesparents.ContreJackpoursonindifférenceetsonabsence,contremamèreparcequesamortaétécommeunetrahison,ellem’abandonnaitenmelaissantenpâtureaux journalistes,seul faceauxscandales,à lahonte,àladouleur.SeulparcequeJackn’étaitpasassezadultepourassumerunenfant.

–Maisilvenaitdeperdresafemmeet...–N’essaiepasdemeprotégerenledéfendant,m’interromptRomanensouriant.Jenesuisplusun

petit garçon,Amy. Je sais encaisser. Et tu as déjà fait beaucoup pourmoi, plus que n’importe quid’autre.Grâceàtoi,j’aiunechancedeconnaîtrelavéritésurlamortdemamère,etdefairepayerl’assassin.QuantàJack,ilestcommeilest,j’aiapprisàfaireavec.Detoutefaçon,danslafamille,onn’ajamaisététrèsdouéspourdire«Jet’aime»nipourlemontrer.

–Moi,jetrouvequetutedébrouillespasmal...dis-jeenl’embrassant,toutenletirantparsonpullpourl’entraîneràmasuiteverslachambre.

LachambredeRoman,souslestoits,estspacieuseetspartiate,équipéed’unimmenselitenboissculpté face au balcon qui donne sur le Mississippi... et c’est à peu près tout pour la déco. Unventilateur, un tapis navajo, deux ou trois tableaux aux murs, et une glycine en bac, tentaculaire,éclairéepardepetiteslampesàultraviolet,quioccupetoutlecoinouest,complètentl’ameublement.Cettelumièredouceestlaseulealluméedanslapiècequandj’attireRomanverslelit.Ellesouligneàpeinelesanglesdesonvisagedontlestraitssefondentdanslapénombrelégère.Lanuitestchaudeetcalme,etj’aienviedelui,desaforce,desadouceur.

Il retire son pull et son tee-shirt d’un seul mouvement, et comme chaque fois je m’émerveilledevantsontorseauxmusclessecs.Romanestunsportif,uncoureur,unhommequipoussesouventson corps dans ses derniers retranchements, et tout dans sa musculature respire la volonté et lamaîtrise,lapuissancealliéeàlavélocité.J’effleuresonventreduboutdesdoigts,sesabdossaillants,la ligne soyeuse de poils noirs qui descend de son nombril pour se perdre sous sa ceinture.Meslèvres suivent le tracé de mes doigts, puis je le déboutonne. Il bloque sa respiration quand, enm’agenouillant pour baisser son jean, je frôle demes cheveux son sexe qui se dresse. J’aime cetinstantfugaceoùjelevoisgonfleretseraidir.

Roman pose unemain surmon épaule, la remonte surma nuque et, d’une pression des doigts,m’inciteàmeredresser. Ilestsilencieuxetgrave,sesgestessontmesurés ;seuls l’intensitédesonregardetl’arctendudesonsexetrahissentsondésir.Deboutfaceàlui,j’appuiemesdoigtsàlabasedesoncou,làoùpalpitesacarotide;ellepulsepuissamment,unrythmelentquis’accélèrequandjemepenchepourpassermalanguesurseslèvresetquejemecolleàlui.Unliendirectavecsoncœur.

Uncœurquibatplusvite,plusfort,àmesurequelesmainsdeRomans’égarentsousmachemiseàmanches longues et dégrafent mon soutien-gorge, une jolie chose en dentelle mauve auquel iln’accorde pas lemoindre regard quand ilme l'enlève. Pas plus qu’à la culotte assortie qui suit lechemindemonpantalonpourfinirausol.Puisilmeserrecontreluietreprendmeslèvres,messeinss’écrasentcontrelui,nousvoilàpeauàpeau,cœuràcœur;lemiens’emballe.

LabouchedeRomanmefaittoujoursuneffetfabuleux,songoûtsucré,samanièred’embrasserexigeante et tendre, jamais invasive,mais jamaishésitante, lamanièred’unhommequi sait cequej’aime,maisquiprendaussicequ’ilveut,commeilveut,autantqu’ildonne.Jepourraispasserdesheures à essayer de décrire les sensations que me procure sa bouche, sans jamais parvenir à en

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donner un aperçu.Quand ilm’embrasse, c’est comme s’il déconnectait tousmes sens, toutesmesfonctionsvitales,pourlesrelierauxsiens:monsouffleetmoncœurnedépendentplusquedelui,monventren’obéitplusqu’à sescaresses,mes jambesme trahissentetnecherchentqu’à s’écarterpourle laisserpasser,monsexes’ouvrecommeunefleursouslesrayonsdusoleil.C’està lafoisgrisant et déstabilisant, cette perte de tout contrôle de mon propre corps, cette soumissionirrépressible.

Les mains de Roman me caressent maintenant le dos, les hanches, les fesses, en un carrouselsensuel ; elles sontdouces et chaudes, ellesprennent leur temps, dessinent des arabesques, laissentdansleursillageunfrissonquimehérissel’échine,commeunebrûluredélicieuse.J’aichaud.Trèschaud. Je me sens envahie d’une langueur qui me coupe les jambes, et quand la main gauche deRoman,soudain,s’écartedutracédéfiniparladroitepourbifurquerdemahancheàmonventre,demonventreàmonaine,demonaineàmafente,humideettiède,qu’ellecaresseetpénètre,jepousseun gémissement et m’affaisse sur le lit derrière moi. De la main droite, Roman accompagne madescenteendouceuretjemeretrouveassisefaceàlui,laboucheàquelquescentimètresdesonsexeérigé,sombreetpalpitant.Puisilselaissetomberàsontour,surlesgenoux,etilécartelesmiensdesdeuxmains.C’estluimaintenantquialaboucheauniveaudemonsexequandilsepencheversmoi.Jem’ouvre un peu plus devant lui et je pose lesmains sur sa tête. J’aime jouer avec ses cheveuxquandils’occupedemoi.Etlà,j’aitrèsenviequ’ils’occupedemoi...

Ilmesourit,latêtelégèrementinclinéesurlecôté,etjedonneraisunandemaviepourchacundeses sourires. Je détaille ses lèvres, ni trop épaisses ni trop fines, au plimoqueur. Ilm’écarte plusgrandlescuisses,jesuisbrûlanteetfrémissante,jevibred’impatienceetdedésir.Ilcommencepardéposer,àlalisièredemonsexe,desbaiserslégers,paresseux,quimechauffentetm’excitentencoreplus,quisontsurmapeaudélicatecommedespapillonsauxailesincandescentes.Jegémissonnom,jesensquejemeliquéfie.Dansmonventretoutsemblefondreetsediluerpourvenirperleràmeslèvres ;d’uncoupde langue, ilgoûtemonclitoris.Lasurprise, ladéchargedeplaisir, intense,mefontsursauteretgémirdeplusbelle.

–Tuasungoûtd’épices,Amy,àlafoisdouceâtreetpiquant.Tuesdélicieuse.–Alors dévore-moi...murmuré-je, en appuyant doucement sur sa tête pour le ramener là où je

veux,làoùj’aibesoin.

Cequ’ils’appliqueà faire,avecunepassionvoracequicontrasteviolemmentavec leballet lentquenosdeuxcorpsdansaientjusqu’àprésent.Salanguemelècheetmepénètre,tourbillonnesurmeschairs ruisselantes,me titille,m’exaspèrepuismecaresseavecfougue,presque jusqu’à l’orgasme,presquejusqu’àladélivrance...maispastoutàfait.Romansedérobequandjeluiemprisonnelatêteet lui demandedeme faire jouir, il dit non, il dit pas tout de suite, il dit je veux t’entendre gémirencore,plus fort,madouce,plus fort.Alors jegémis,etmême, je suisprèsdecrier.MaisRomanm’abandonnesoudain,sedécalesurlecôté.Jeproteste,maisilmeditnon,nebougepas,tuvasvoir.Etjevois,ouplutôtjesens,lepetitventfraisduventilateursurmonventre.Romanposesajouesurmacuisse,saboucheàquelquescentimètresdemafente,brûlanteetruisselante,qu’ilouvreduboutdesdoigts.La fraîcheurde l’air duventilateur, qui arriveparvagues surmon sexe, est délicieuse,électrisante. J’ondule sous ces caresses étranges, intangibles, mon clitoris gonflé imite mesmamelonsetsedresseetpointe,dansl’attented’uneffleurement,dontRoman,parfois,legratifie,duboutdel’index,mefaisantbondiretgeindredefrustration.J’enveuxplus!

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Jemetortille, jem’ouvreplusgrand,jevoudraism’écarteler.Romansoufflesurmeslèvres,unsoufflechaudquicontrasteavecl’airfrais.Puis il rapprochesabouchedemonsexe, lecaressedubout de la langue, l’embrasse à pleine bouche, le déguste, le dévore, et sa chaleur est délicieuse.J’essaiedel’emprisonner,jeneveuxplusqu’ils’écarte,jenesupporteraisplusqu’ilsedérobeetmepriveduplaisirquienfleetgonfleetgrossitdémesurémententremescuisses.Jecomprendstoutlesensdel’expression«mourirdefrustration».

–Oh,Roman...s’ilteplaît...jet’enprie...

Jenesaisplusqueça,lessuppliques,lesmurmures,jenesuispluscapabled’autrechoseparcequesa boucheme rend folle. Sesmains sont profondément enfoncées dans la chairmoelleuse demescuisses, ses pouces écartèlentmes lèvres, desmèches de ses cheveux, soyeuses, viennent caressermonventreetmefontfrissonner,etsalangue,salangue...plongeetvirevolteetrevientsepresser,s’appuyer, ô c’est trop bon, danser frénétiquement sur mon clitoris qui vibre et pulse jusqu’à cequ’enfin une explosion de jouissance, la délivrance, me fasse crier et crier jusqu’à perdre monsouffle, mes mots, et ma conscience... Je flanche, je tombe en arrière, accueillie par la mollesseduveteusedel’édredon,puisjebasculedansuntrounoir,noyéedeplaisir.

Quandj’émerge,leslumièresdelaglycinesontéteintes.Romanestallongéprèsdemoi,enappuisuruncoude,ilm’observe.Jedevinesestraitsdansl’obscurité,l’ombred’unsourire.J’admirelespleins et les déliés de son corps, la saillie de sahanchequi pointe, et lesmusclespuissants de sescuisses. Je voudrais tendre la main pour le toucher, mais je ne me sens pas la force de faire lemoindre mouvement. Mon orgasme a été si impétueux qu’il m’a laissée épuisée, rompue. J’ail’impressionden’êtreplusqu’unemarionnettedésarticuléedontonauraitcoupélesfils.Aumilieudela farandole indolente de pensées qui flottent dansmon cerveau, une seule se détache : j’ai laisséRomanenplan.Ilm’afaitjouiretjemesuisendormiecommeunebrutesansluirendrelapareille.J’aimerais me rattraper, mais rien que l’idée de tourner la tête ou de lever un bras me sembleinsurmontable.

–Roman...–Oui?–Peuxplusbouger...

Jel’entendsriredoucement.Ilserapprochepourpassersonbrassousmanuqueettirerledrapsurmoi.Ilmecaresselatempe,enrouleuneboucleentresesdoigts:

–Etc’estgrave?–Ennuyeux.Pourtoi.–C’estsûr.Maisjesurvivrai,net’enfaispas.–Vrai?–Promis.–Bonnenuit...–Jesuisheureuxquetusoislà,madouce,murmure-t-ilalorsquejesombredanslesommeil,la

tête calée sur son épaule, nos jambes entremêlées, son sexe dur contre mon flanc. J’ai tellementbesoindetoi...

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Aumilieudelanuit,lefroidmeréveille.Jechercheàtâtonslacouverture,enprenantsoindenepasdérangerRoman.Ildortpaisiblement,surledos,unbrasrepliésoussatête,l’autreposésursonventre. Il respire calmement, profondément.C’est la première fois que je peux l’admirer dans sonsommeil. Ilest toutsimplementmagnifique,uneœuvred’artdechairetd’os. Il frissonnequand jeposelamainàl’intérieurdesacuisse.Lapeauesttellementdouceàcetendroit,presqueimberbe...Jelacaresselégèrement,monpouce,parmégarde,effleuresesboursesquiserétractentinstantanément.Sonsouffles’accélère,sespaupièrespapillonnent,ilestàlafrontièredusommeil.Mamainremonteetvientsenicherdanslehautdesescuisses;sesyeuxs’ouvrentàdemi,ilmeregardeàtraverslafentedesespaupières,sansriendire.Sonsexecommenceàpalpiter, jelefrôledemapaume,ilsegrandit;jelecaresse,ilseraidit;jel’empoigne,ilsedresse.

–Tucomptesabuserdemoncorpspendantmonsommeil?marmonneRomand’unevoixrauque.– J’y songe, dis-je tandis que ma main entame des va-et-vient lascifs sur son membre

complètementaugarde-à-vous,maintenant.J’ysongebeaucoupettrèsfort...–C’estbien,répond-ilavecunsourireenrefermantlesyeux.Abusetantquetuveux,madouce,

abusetantetplus,jusqu’àcequejetedemandegrâce...–Àtesordres,monamour…dis-jeenluimordillantl’épauleavantdelechevaucher.

Iln’apascriégrâce,maisilacriémonnom.Plusieursfois.

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3.HappybirthdayAmy!

Le lendemainmatin, lamélancoliedeRoman s’est évaporée. Je l’entendsvaguement se lever, àl’aube,etjedevinequ’ilpartcourir.Ilmedéposeaucoindeslèvresunbaiserquimefaitronronnerdeplaisir.J’envisageunesecondede leramenersous lesdrapspourprofiterencoreunpeude lui,maisjemerendorsavantmêmed’avoirterminédeformulerl’idée.Uneoudeuxheuresplustard,jesuisréveilléepar l’odeurdélicieuseducaféetdesviennoiseries touteschaudes.Romans’assiedentailleursurlelit,aprèsyavoirdéposéunplateaudepetitdéjeunersicopieuxqu’ilsuffiraitànourrirlamoitiédelaville.Jeletrouvetellementsexy,torsenu,lescheveuxmouillésaprèsladouche,quel’idée de retourner sous les couvertures avec luime tenaille à nouveau.Mais lemoindre geste, lamoindre manœuvre mettent en péril l’équilibre précaire du plateau. La sagesse m’oblige donc àattendre d’avoir terminé le petit déjeuner avant d’attaquer le plat de résistance en abusant de soncorps.

Pourmonplusgrandbonheur,etcommel’avaitpréditCharlie,RomansemontreplusquedisposéàmefaireuneplacedanssavieàLaNouvelle-Orléans,pour toute lasemaine.Jepeuxconstateràcetteoccasionqu’ilnestockepasdecontainerdebrossesàdentsdanssonsous-sol.Maisilmeprêtetrès obligeamment la sienne avant de m’emmener, dès l’ouverture des magasins, en commandoshopping.Nousécumonstouteslesboutiques,maindanslamain.C’estmerveilleuxd’êtreensemble,danscettevillefascinante,àl’ambianceétrangeetsidifférentedeNewYork.C’estcarrémentunautremonde que Roman connaît jusque dans ses moindres recoins. Il profite éhontément que je n’aielittéralementrienàmemettrepourmeconstituerunegarde-robesuffisantepourm’habillerunmoissansporterdeuxjoursdesuitelamêmetenue.Commed’habitude,jedoisréfrénersesardeurs.Pasquecesoitdésagréable,aucontraire,c’estgrisant,maisjeneparvienstoujourspasàm’yhabituer,alorsjerenâcle:

–Roman,dis-jequandilmefaitessayeruneénièmerobe,bleunuit,magnifique,maisbeaucouptropchaude,alorsquelespaquetss’empilentdéjàdanslavoiturejusqu’auplafond.Roman...

– Hmmmm ? répond-il préoccupé par un pli dans le lainage qui ne tombe pas comme il lesouhaiterait.

–Onn’estpasdansPrettyWoman,tusais?–Évidemment,dit-iloffusqué.TuesbienplusbellequeJuliaRoberts.Mademoiselle,continue-t-il

à l’attentiondelavendeuseenluidésignant leplidisgracieux, ilyamoyendefairequelquechosepourcetrucquipendouille,là?

–Certainement,monsieur.–Parfait.Sivouspouviezfairevite,ajoute-t-ilalorsquejem’apprêteàprotesterque,bon,çasuffit

commeça.Jecrainsd’avoirépuisélapatiencedemafiancée,quiestàuncheveudepasserenmode«ronchonnage».

Je nepeuxpasm’empêcher depouffer à cette repartie, énoncée avec le plus grand sérieux, quidésamorce d’emblée mon envie de râler (ça, et le mot « fiancée », qui m'a donné des frissonspartout). J’adore l’humourdécaléet le sensde ladérisiondeRoman,capabled’utiliserdes termes

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comme«pendouiller»ou«ronchonnage»avecautantdeclasseques’ildiscutaitd’artétrusqueenprenantlethéaveclareined’Angleterre.Etj’apprécieaussiqu’ilsacheprécisémentdécryptermoncaractère (alorsque j’aimoi-mêmeparfoisdumalàmecomprendre...).Qu’ilpuisse, l’airderien,déceler,voireanticiperlamoindredemesvariationsd’humeur.C’estàsedemanders’iln’apasunsixièmesensoudesantennescachées.

LerestedelasemainepasseàunevitessevertigineuseetjeretrouvelebonheurdepartagerlaviedeRomanauquotidien.Unbonheurtoujourstropbrefdont jecompteprofiteraumaximum.Vivreavec luin’est jamaismonotone, c’estunegriseriecontinue,grâceà sonhumour, sa tendresse, sonénergie.

JetravaillesurlescorrectionsdemandéesparEdithmaisaussisurcellesdemonmanuscrit,quePatrickDawn,monéditeur,m’arendumardisoirquandjemesuisrendueàNewYork.Lemercredimatin, j'ai travailléavecEdithethop, retouren jetàLaNouvelle-Orléans.J'aiencorebeaucoupdemalavecces sautsdepuceaériens,que je trouveépuisantsmêmequandTonyne s'autorisepasdeloopings.JenesaispascommentfaitRoman,jecroisquejenem'yhabitueraijamais.MonentrevueavecPatricks’estpasséecommesurdesroulettes ;c’estungrandbonhommejovial(vraiment trèsgrand, presque deux mètres !) aux cheveux blancs, avec des épaules de lutteur et un ventreproéminent.Sesquelquesremarquesetsuggestionssont,pourlaplupart,trèspertinentes.Dèsquej’aiterminémesmodifications,ilvalide,jesignelebonàtireretmonmanuscritpartchezl’imprimeur;unenouvelleaventurequicommence.

Roman, lui, jongle avec ses rendez-vous pour se libérer tôt l’après-midi etme faire visiter LaNouvelle-Orléans, surtout le Vieux Carré qu’il affectionne particulièrement pour sa culture, samusique,sonambiance.Onmangedesbeignetsavecuncaféaulaitprèsdumarchéfrançais,onfaitunebaladeenbateauàrouesàaubessurleMississippi(quimevautunspectaculairecoupdesoleilsur le nez), on passe des soirées dans des clubs de jazz, et Roman attise ma gourmandise enm’invitantdanslesmeilleursrestaurantscajunsetcréoles.Ici,lafrénésienew-yorkaise,lespalaces,lesbuildingssemblentunmirage.Onprendsontempspourvivre,etlarichessedelavilleestavanttoutculturelle,mêmes’ilyadesquartierstrèsfortunés,notammentGardenDistrictavecsessuperbesdemeuresdecélèbresacteurs.Habitericinemedéplairaitpas;croiserBradPittenallantachetersescroissantslematin,onpeutimaginerpirecommecalvaire...Onestloindesendroitsexcessivementluxueuxdanslesquelsj’ail’habitudedevoirévoluerRomanmaisilesttoutaussiàsonaiseici.C’esticiqu’ilsesentchezlui,pasàManhattan,pasdanssesappartementsimpersonnelsdelaRedTower,debétonetd’acier,dessinésetmeublésparunarchitecte tendanceethorsdeprix ;maisdanscetteimmensemaison en bois plantée aumilieu du bayou, avec ses arbres qui ont vu naître etmourirplusieursgénérations,avecson fleuve impavide...et sesalligators.Alligatorsquenousavonseu lachance (ou lamalchance, selon lepointdevue),decroiser lorsdenosescapades sur lebateaudeRoman,àtraverslebayou,etplusspécialementsurlelacSaint-Martinoùilspullulent.

Malgré tout, s’il est toujours aussi attentionnéet tendreavecmoi,Roman reste inhabituellementpréoccupé;maintenantquel’enquêtesurlamortdesamèreaprisuntournantdécisif,ilespèreundénouement imminent. Il appelleNilsmatin et soir, pour s’informer des avancées, jusqu’à ce quecelui-ci,avecsontactlégendaire,l’envoiepromener:

–Jetefaissignequandj’aidunouveau,Roman.Arrêtedemeharceleretdesaturermamessagerie

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commeunepucelleaprèssonpremierrancart.

Romanfermelesyeux,rongesonfrein,etinspireungrandcoupavantderaccrochercalmement.JecomprendsqueNilsletrouvetroppressant,maisilyasûrementdesmanièresplusdiplomatesdeledire.

–Ilpeutêtreexaspérantjusqu’àl’exécration,leViking,quandilveut,hein?dis-je,compatissante,enpensantaunombredefoisoùNilsm’alaisséesurdescharbonsardents,sansnouvelles,alorsquej’avaisdésespérémentbesoindesesréponses.

–S’ilmechatouilletrop,jel’emmèneenbaladesurlelacSaint-Martinetjelelaisserentreràlanage,gronde-t-ilentresesdents.

–Pauvresalligators...dis-je,faussementdésolée.

Romansetourneversmoietretrouvelesourire:

–Tuasraison,ceneseraitpascharitablepourcesbestioles,et j’aurai toutes lesassociationsdedéfenseanimalesurledos.

Ilpasseunemaindansmescheveuxetconclut,justeavantdem’embrassertendrement:

–Jedevraisplutôtlepriverdedessertpendanttroisjours,jesuissûrqu’ilnes’enremettraitpas.

***

Levendredi,Romanestàdeuxdoigtsdemettresamenaceàexécution.Au termedecinq jours,visiblement éprouvants, d’investigations surVance, de voyages d’unbout à l’autre du pays sur lestracesdeFleming,defouillesinfructueuseschezJack,NilsfaitescaleàLaNouvelle-Orléans.Il luimanque encore des pièces du puzzle, il veut visiter et inspecter l’ancien foyer de Teresa. Commedemain c’est mon anniversaire (un quart de siècle !), et que Roman compte m’emmener pourl’occasionquelquepartloind’ici,Nilsauratoutloisirderetournerlamaisondefondencomble.

À19heures,ilpleutdestrombes,aussidînons-noustouslestroisdansl’étrangesalleàmangerdumanoir plutôt que dans la véranda. C’est une pièce grande comme une salle de bal, percée d’unemultitudedeportes toutesmagnifiquementouvragéeset rigoureusement identiques,quidébouchentsurlescuisines,arrière-cuisine,réserve,maisaussi,étonnamment,surdesalcôves,despenderies,desboudoirs.Lapluie fouette rageusement les baies vitrées et formeun rideauopaquequi brouille lepaysage,confondantlecieletlaterre.

–Tuenesoù,surFleming?demandeRomanàNils.–Nullepart,répondNilsenseservantunetroisièmeassiettedejambalayaauxcrevettes.–Commentçanullepart?s’inquièteRoman.Dimanchederniertuavaisretrouvésatrace.–Ouais.Maisiln’estpasrestésagementassisàm’attendrependantquej’interrogeaisMartin.Ila

filé.–Et?s’impatienteRoman.

Nils félicite Norah, venue nous réapprovisionner en pain, pour sa délicieuse cuisine, avant de

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répondre:

–Etilm’abaladédanstroisÉtatsavantquejeperdesapisteducôtédeLasVegas.–Maistuvasleretrouver,n’est-cepas?Quandtudisquetul’asperdu,c’estjuste...enfin...–Jenesaispas.–Merde!C’estpasHoudini,cetype!–Non,maismoi je ne suis pas équipé pour retourner chaque foutu grain de sable de ce foutu

désert.

Roman,quel’impassibilitédeNilsexaspèretoutàfait,rétorque:

– T’es pas équipé ? Ça veut dire quoi ? Tu as besoin de plus demoyens ?De plus d’argent ?Combien?Dis-moi!

Nilsleregardeparendessousetprendletempsdeterminersonassietteavantderépondre:

–Si j’avaisbesoindefric, jeteledirais.Maisledieudollarnerésoutpastout,Roman.J’aifaitmonpossiblepourretrouverFleming...

–Apparemment,tonpossiblenesuffitpas!–Pourautantquejesache,reprendNilsd’unevoixtrèsbasse,àlalimitedugrondement,Fleming

apuénerverlemauvaismecquiauradécidédel’enterrerquelquepartdansledésertdeMojave.Sit’asunplanpour le retrouveraumilieudecesquarantemillekilomètrescarrésd’aridité,vas-y, jet’écoute.Sinon,tuarrêtesdem’emmerderettumelaissesbosser.

Àpartirdelà,letonmonteentreeux,chacuncampesursespositions,Romanapparemmentportépar le stress et vingt-cinq ans de doutes et de douleur, Nils hermétique et dangereusement calme,commedéconnecté.J’aidumalàlesreconnaître,touslesdeux,touts’estenchaînéetdégradésivite!Regarderdeuxamiss’affronterestunspectacleeffrayant;quandjelesvoisseleveretseplanterfaceà face, j’ai peur qu’ils n’en viennent auxmains. J’hésite àm’interposer,mais déjàNils contourneRomanpourattrapersonblousondecuir.Ildit:

–C’estpasenposantunchèqueenblancsur la tableque tuvas retrouver l’assassinde tamère,Roman.Tudevraislesavoir,depuisletemps.J’aifaitmonmaximum.Maispuisquec’estpasassez,etsitupensesqued’autrespeuventmieuxfaire...ok.Engagequelqu’undepluscompétent.TutrouverastoutcequiconcernecetteaffairedansdescartonsauSleepyPrincess.

Nils m’adresse un petit salut et s’apprête à quitter la pièce par la porte la plus proche quandRoman,déstabilisé,luidemande:

–Tuvasoùcommeça?–Qu’est-cequeçapeuttefoutre?répondNilsenfranchissantleseuil.–Ben...–Merde!ditNilsensortantdelapenderiepouremprunterlaportesuivante.

Romanesquisseunsourireencoin,ettrentesecondesplustard,Nilsresurgitenpestant:

–Foutuebaraque!grommelle-t-ilavantdedisparaîtreparunetroisièmeporte.

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–Ilyadouzeportesdanscettesalle,meconfieRomandontlesourires’élargit.Uneseuledonnesurlecouloir,lesautressontdesculs-de-sac.Tucroisqu’ilvatouteslesessayer?

–Ilestasseztêtupourça,oui,réponds-je,soulagéedelevoirsedétendre.Oubienilvapasserparlavéranda.

– Sous ce déluge ? demandeRoman, sceptique, en désignant la pluie torrentielle qui fouette debiaislesbaiesvitréesdonnantsurlavéranda.

QuandNils réapparaît et, d’unpasdécidé, passeunequatrièmeporte,Roman, l’air de s’amuserfranchementmaintenant,commente:

–Ah...jeteparieunbaiserqu’iln’essaieraplusaucuneporteaprèscelle-ci.–Qu’est-cequiterendsisûr?m’étonné-je.–Norahaprévuungâteauàl’ananasabsolumentirrésistiblepourledessert.–Ilestdanslescuisines?demandé-jeenriant.

Àcetinstant,Nils,l’airmi-figuemi-raisin,émergeaveclefameuxgâteau,nappéd’unesauceaumiel,posésurunsomptueuxplateaudecuivre.Ilestvisiblementtirailléentrel’appâtdusucreetunrestedemauvaisehumeur.Romansepenchepourmevolerlebaiserdupariavantdeluidire:

– Désolé, Nils, je suis un peu nerveux en ce moment. J’apprécie ton boulot. Énormément. Enseulementquelquessemaines,tuesarrivéplusloinquequiconquen’estalléenplusdevingtans.Lesflics, les journalistes, le détective que j’avais embauché, Fleming... Personne n’avait réussi àrassemblertantd’infos,nifaitcesrecoupementsetcesdéductions.

Nilsécouteendécoupantlegâteauavecapplication;illegoûteduboutdudoigt,ethochelatêted’unairappréciateur.Laréconciliationestenbonnevoie.

–Jevoudraisquecesoittoiquipoursuivescetteenquête,conclutRomanaprèsquelquesexcuses.–Ok, se contente de répondreNils, pas rancunier, en nous distribuant nos parts, uneminuscule

pourRomanetuneénormepourmoi.–J’ail’impressionqu’ilnem’apascomplètementpardonné,mechuchoteRomanàquiilsuffitde

deuxcoupsdecuillèrepourterminersapartdegâteaualorsqueNilsetmoin’ensommespasencoreauquartdesnôtres.

Je l’autorise à piocher dans la mienne. Il invite Norah à se joindre à nous, et je trouve cetteattentiontouchante.Nilsnetaritpasd’élogessurlacuisine,ilsedéclareprêtàépouserNorahsur-le-champ.Lavieilledameprometd’étudiersaproposition,Romanfaitminedes’offusquer,etlerepass’achèvedanslabonnehumeurgénérale.

Je t’aime, Roman Parker, même quand tu as tort, même quand tu te trompes. Parce que tu saist’excuseretreconnaître teserreurs.Parcequ’avec tous tesmilliards, tupourrais teprendrepour lemaîtredumonde,maisnon,turestesàl’écoutedesautres.Surtout,nechangerien.

Commes’ilavaitludansmespensées,ilprendmamainsurlatableetlapressedoucement.Ilmesourit.Jeperdspied...

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***

Aprèsledîner,Nilss’exiledanslegrenierpourfaireletridanslecapharnaümquis’yentasse,àlarecherched’autrespreuvescachéesparTeresa.Ilydénichedescartonsremplisdevieillesarchives,sansintérêtselonNorah.Desfacturesd’eau,d’électricité,degaz,desquittancesdeloyer,desbonsdegarantie, des relevés de comptes, des redevances, des contrats d’assurance, des justificatifs depaiement, etc. Toute cette paperasse qu’on garde dans un coin pendant des années au cas oùl’administrationnouslaréclamerait,etqu’onfinitparoublier.ÀlamortdeTeresa,Romann’avaitque 7 ans et Jack se désintéressait totalement de la maison de La Nouvelle-Orléans dont son filshériteraitàsamajorité.C’estdoncNorahquis’étaitoccupéedetrierlesaffairesdeTeresa.Elleavaitremis à Jack, sur sa demande, tout ce qui avait une valeur marchande, comme les bijoux et lesmanteaux.Elleavait soigneusementconservé lesphotos, les lettreset toutcequipouvaitavoirunevaleursentimentaleafindeledonneràRoman,quandilseraitplusgrand.Pourfinir,elleavaitentasséaugreniertoutelapaperasserie,pêle-mêle.Pluspersonnen’yavaitpenséjusqu’àcequeNilsvienneymettre songrainde sel.Tandisqu’il transforme legrenier enchampdemanœuvre, éparpillant lesdossiersauxquatrecoinsdelapièce,Romanetmoipréparonsnosbagages.

–Si tunemedis pasoùonva, je nepeuxpasdeviner quoi emmener, ronchonné-je devantmavalise.

–C’estunesurprise,s’obstineRoman.–Maisjeprendsunmaillotdebainoupas?–Oui,çapeuttoujoursservir...–Unejupe?–Trèsbien.–Unjean?–Parfait.–Unbonnet,uneécharpe,desgants?–Tuasçaici?demande-t-ilétonné.–Non.–Benalors...?

Jesoupire,vaincue,etentassetoutcequimetombesouslamainsansdistinction.Romanmetendlarobeenlainebleunuitqu’ilafaitretoucher.

– Si je me retrouve en tenue de cocktail pour escalader le Kilimandjaro, ce sera ta faute,bougonné-jeencore.

Unquartd’heureplustard,noussommesdansl’hélicoptère,puislejet,puisbarbotageenduodanslabaignoireavecvuesurlesnuages,puisnuitdélicieuseetcâline,àquarantemillepiedsd’altitude.Délicieuse,maistropcourte:à6heuresdumatin,Romanmeréveille.Nousnousapprêtonsàatterrir.Enfinjevaissavoiroùilm’emmène!

Jeme redresse, les cheveuxenbataille, encore somnolente.Sur le lit, il a étalédesvêtements àmonintention:unpantalondeveloursbeige,deschaussettesen laine,unpullàgrossescôtesd’unjoli vert pâle, desmoufles et unmanteau à côté duquel celui duPèreNoël passerait pour un giletd’été.J’auraisdûmedouterquecequejemettaisdansmavalisen’avaitaucuneimportanceetqu’il

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aurait prévu de quoi m’habiller en fonction de notre destination. J’aime d’ailleurs beaucoup lepantalon,etjecaressemachinalementlepullduplatdelamain:ilestd’unedouceurexquise...

Romandéambulenudanslachambrequelquessecondes,àlarecherchedesesvêtements,avantdes’habillerrapidement.Jenemelassepasdeleregarder.Quandilbouge,soncorpsestunemerveille,une extraordinaire mécanique, presque trop parfaite. Il est vif et souple, les muscles roulentdoucementsoussapeaudoréequidisparaîttropvitesousletissu.Jesoupirededépitquandilenfilesonboxer,puisunjeannoiretunénormepullàcolroulé,dugenrequ’onportepourallerchasserl’ourspolaire.Ilestbeau.Iln’yapasmillefaçonsdeledire,cestroismotssontàlafoissuffisantsetdérisoires.C’estcomme«Jet’aime».Çaveuttoutdire,c’estabsolu.

–OnpartpouruneexpéditionenAntarctique?demandé-jeenmefaisantviolencepourramenermespenséesàdesconsidérationsplusterreàterre.

–Presque.J’aidûtrouverunendroitdontleclimatneseraitpasunemenacepourtonboutdenez,dit-ilenm’embrassantjustementlà.TusaisquetueslaseulepersonnedemaconnaissanceàavoirprisuncoupdesoleilàLaNouvelle-Orléansenfévrier...

–Enmars,rectifié-je.–Mars,situveux,meconcède-t-ildebonnegrâce.Maissousuneombrelleavecdeuxcouchesde

crèmesolaireindice50,avouequec’estpasbanal.

Lesoleilesthautdanslecielquandnousdescendonsdujet,faisantscintillerlaneigedemillefeuxautourdel’aérodrome.Décalagehorairequitapebien.Romanmeditqu’iciilest14heures...Surleflancdubâtimentàmadroite,jepeuxlire:WelcometoRovaniemi.Cequinem’éclaireabsolumentpas.

–Oùest-cequ’onest?–AupaysduPèreNoël,répondRomanenmettantseslunettesnoires.–AuPôleNord??m’étranglé-jeenl’imitant,tantlaluminositépiquelesyeux.–Jevoisquetuconnaistesclassiques,metaquine-t-il.EnLaponiefinlandaise,précisément.

La Laponie n’est pas la destination qui me serait spontanément venue à l’esprit si on m’avaitdemandéoùjesouhaitaisfêtermes25ans.Mais laLaponieavecRoman,c’estplusqu’uneétendueneigeuseauxpaysagesépoustouflants,plusquedesvillagesdecartepostale,plusencorequelepaysféeriquedonttouslesenfantsontrêvé,avecseslutinsetseschariotstiréspardesrennesenchantés.

La Laponie avec Roman, c’est des nuits fiévreuses dans un igloo douillet, avec les auroresboréales pour ciel de lit. C’est des baisers givrés sous des cieux nocturnes aux fantasmagoriquesdraperies vertes, commedes voiles demariée colorés, qui viennent nous frôler et nous échappentalorsqu’oncroitlestoucherduboutdesdoigts.C’estdesfousriresetdesrouladesdanslaneige,desrandonnéesentraîneau,justelui,moi,etnotreattelagedechiens,danslesimmensitésglacées.C’estunesoiréearroséeausalmiakkikossupourseréchauffer,etquise termineavec la têtequipartenvrilleetleventreenfeuauboutdudeuxièmeverre.C’estdespetitsmatinscâlinsemboîtésl’undansl’autresoustroisépaisseursd’édredons.C’estdescaresseslanguidesdanslesauna,dusexefundanslebainàbulles,desétreintesamoureusesàfairefondrelacalotteglaciairedansnotreiglooduboutdumonde.LaLaponie,finalement,estlemeilleurendroitsurterreoùfêterses25ans.Àconditiond’yalleravecRomanParker.

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LeretouràManhattanestaussidésagréablequ’unlendemaindecuite.Jen’aiaucuneenviequesetermine cette parenthèse enchantée. Au beau milieu de la nuit, dans le jet, Roman se réveille ensursaut:

–Merde!–Hmmmblgoâ?marmonné-jedansmonsommeil.–J’aioubliétoncadeau.–Mmmkwelk’do?essayé-jed’articulerlatêteencoreenfouiedansl’oreiller.–Maisenfin,Amy:toncadeaud’anniversaire!–Aaaaah...soupiré-jeenmeblottissantcontreluiavantdemerendormir.

Quandjem’éveillelelendemainmatin,justeavantl’atterrissage,Romanestassisentailleursurlelit, torsenu, etme regarde en souriant.C’est laplusbellevisiondontune fillepuisse rêver à sonréveil. J’émerge doucement en lui rendant son sourire. Il me tend un petit paquet rectangulaireenrubanné:

–Bonanniversaire,madouce.

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4.UnchatonnomméChaussette

En descendant du jet, Romanme dépose directement àUndertake. Dire que la reprise est rudeaprèscesquatrejourshorsdutempsestundouxeuphémisme.C'étaittropcourt.Tropbon,tropbref.Il est àpeine7heures, ence secondmercredidemars,mescollèguesn’arriverontpasavantdeuxbonnes heures, et j’ai encore la tête à plus de six mille kilomètres, quelque part dans les vastesétenduespoudreusesd’unpaysmagique.

Je m’assieds derrière mon bureau, vaguement étourdie par le décalage horaire, le cadeau deRomansouslesyeux.C’estunsuperbestyloCartier,d’unorrougeassortiàmonbracelet,etdontlaligneélancée représenteunchatbondissantauxyeuxd’onyx.Une laquenoire figure lesombresetsoulignelesreliefsdufélin,laplumeestenormassif18caratsrhodié.J’oseàpeineletoucheretjem’imagineencoremoinsécrireavec.

–Pourtesdédicaces,m’aditRomanquandilmel’aoffert.Maintenantquetonrecueilatrouvésonéditeur,ilvafalloirassurer.

Jesorsunblocdepapierpourl’essayer.Toutcequimevient,toutcequelaplumedaignetracer,c’estleprénomdeRoman,enmajuscules,enminuscules,enpleinsetdéliés,Roman,Roman,Roman,répétéàl’infini,Romanquienvahitlapageblanche,Romanquioccupetoutl’espace,toutmonesprit,toutmoncœur.

Vers10heures,Simonm’apporteuncafé,unbeignet,etnouspapotonstranquillement.Ilm’avoueéchangerdesmailsdeplusenpluspassionnésavecBahia,passerdesheuressurSkypeavecelleetavoirprogrammésesprochainesvacancespourleBrésil.Jesuiscontentepourlui, jeluidisqu’ilsformentvraimentunjolicouple,touslesdeux.Ilenrositdeplaisir.

À 11 h 08, je réponds au mail de Patrick Dawn, mon éditeur, qui vient de me transmettre lecalendrierprévisionnelpourmonrecueil :datedesortie,envoisauxservicesdepresseetdatesdedédicaces.Àmidi,j’airédigélessoixantelignesquem’ademandéesEdithpourcesoir,etjeprendsde l’avancesurmon travaildu lendemainpourpouvoirquitterplus tôt,quandun textodeNilsmecoupedansmonélan:

[13h,crêperieenbasdelaRedTower,avecRoman.Possible?]

Jeluirépondsimmédiatement,impatientedesavoircequ’ilatrouvé.

[Ok,jepréviensRoman.]

Ets’ilavaitmis lamainsurFleming?Et s’il connaissaitenfin lenomducommanditaire?J’aitellement hâte que toute cette affaire soit élucidée. Si seulement ça pouvait apporter à Roman lasérénité...

Uneheureplustard,Romanetmoiavonsàpeinedeuxminutesd’intimitéavantqueNilsnenous

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rejoigneetjelesmetsàprofitpourl’embrassercommesinousétionsséparésdepuisdeuxsiècles.Jenel’aiquittéquedepuissixpetitesheures,maisellesm’ontparudesjours,etjesuisheureusedeleretrouver.

–Quelaccueil!dit-ilensouriantquandjem’écartedelui.Aufait,Camerondoitpasserl’après-midi avecmoi, tu veux te joindre à nous, puisque tu as terminé ta journée plus tôt ? Et rester cesoir...?

– Pourquoi pas ? dis-je avec la plus parfaite nonchalance parce queNils arrive, alors que j’aifurieusementenviedeluisauteraucou.

NousnousattablonstouslestroisdevantlesmeilleurescrêpesdeManhattan,etNilsnousfaituncompterendudesonweek-enddelabeurpendantquenousbatifolionsdanslaneige.Enépluchantleskilos de paperasserie du grenier de LaNouvelle-Orléans, il est tombé sur des documents n’ayantaucunrapportaveclesfacturesourelevésdecomptesdeTeresa.Desfeuillesvolantes,disperséesetnoyéesdanslamassedecourrier,attestationsetjustificatifsinutilesquetoutlemondeconserve,desannéesetdesannées,sansbiensavoirpourquoi.Réuniesetclassées,cesquelquespagesconstituentundossiermince,maisdesplusintéressants:

– Unmontage financier, répond Roman quand Nils lui demande ce qu’il en pense. Audacieux,original,quicontourneunebonnevingtainede loisetenenfreintdeuxou troisautres,aupassage.Uneformidableescroquerie,quisebasesurlesystèmedePonzi,enplusélaboré.

–Ponzi?demandeNils.– Le système pyramidal, dis-je. Tu fais un gros coup de pub en promettant à tes clients un

investissementà100%d’intérêts.Tuattiresdoncbeaucoupdemonde.Etturémunèrestespremiersclients...

–...aveclesfondsprocurésparlesclientssuivants,toutent’offrantuneconfortablecommissionaupassage,complèteNils.Ok,jeconnaisl’arnaque,elleainspiréBernardMadoff.C’estunesortedeventemultiniveauxdétournée.

– Exactement, confirme Roman. Le type qui a monté ça n’est pas le premier venu, dit-il endésignant le dossier. Il a su prendre toutes les précautions, il a prévu tous les cas de figure, luipermettantdedevenirimmensémentricheenunclaquementdedoigts.Quasimentsansinvestissementetsansêtreinquiété.JenesaispascommentVanceadécouvertlepotauxroses,maislapertesèchepourletypeauraitétécolossalesisapetitecombineétaitdévoilée.Sanscompterqu’ilrisquaitcentansdeprison,aubasmot.Autantdirelaperpétuité.

– Colossale ? demande Nils en attaquant sa troisième galette. On parle de quelle somme, là ?Combiendecentainesdemilliersdedollars?

Romanfeuilletteledossier,ils’attardesurlesschémas,lescalculs.Jejetteunœilpar-dessussonépaule,maismêmepourmoiqui suisassezcaléeenchiffres, c'est trèsobscur.Romanpassed'unepageàl'autreàunevitesseahurissante,etc'estl'occasiondemerappelerquesoncerveauatoujoursdixcoupsd'avancesurceluidesautres:

– On ne parle plus en milliers de dollars, dit-il enfin. Mais en millions. Peut-être même enmilliards...

–Ok...ditNils, aumoinsaussi abasourdiquemoi, aprèsquelques secondesde silence.C’est aunom de Charles Smet, un patronyme qui peut bien être français ou belge ou américain. Ce qui

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confirmelathéorieduprête-nom,lemêmequiadéjàservipourlibérerFleming.J’imaginemalunmecaussimalinmonteruntrucpareilensonnompropre.Ilneresteplusqu’àdécouvrirquisecachederrièrecethommedepailleetontient lecommanditaire.Àtonavis, l’escroquerieest toujoursencours?

–Non,répondRoman,catégorique.Cegenredesystèmen’estpasviabledansletemps,etfinitpars’effondrer ou se faire repérer, généralement en faisant beaucoup de bruit. Selonmoi, ce pseudo-Smetafaiténormémentd’argent, trèsvite,puisilaprissesdispositionspourdisparaîtreavantquetoutneluiretombedessus.Ilaassurésesarrièresenanticipantl’effondrement.

–Cequisignifiequ’ilasugarderlatêtefroide,puisqu’ilnes’estpaslaisségriserparlesgainsetqu’ils’estarrêtéàtemps.

–Oui, dis-je en récapitulant.On a affaire à un homme intelligent, froid, calculateur, audacieux,rusé,avecbeaucoupdemaîtrise.

–Et,àmoinsqu’ilaittoutperduauxdés,extrêmementriche,ajouteRoman.–Etsansaucunscrupuleàtuer,termineNils.Autantdire,unpersonnaged’unehautedangerosité.

Nils n’aborde pas la question de Fleming, etRoman ne l’interroge pas. La conversation dériveversd’autressujetspluslégers.Nousneprenonspasdedessert,saufCameron,queSydneyvientdenousdéposer,etNils,quienengloutitdeux.Parfois,jemedemandes’iln’apasleversolitaire...

***

J’ignore ce que Roman avait prévu comme activités pour l’après-midi, mais le temps qu’ilrépondeàuncoupdefilimportantetmevoilàengagéeavecCamerondansunediscussiondontjenemaîtrisepastouslesparamètres.Leproblèmeestsimple,maislasolutionn’estpasdemondomainedecompétences:Cameron,qui,d’aprèsRoman,neréclamejamaisrien,nefaitjamaisdecaprices,etsecontentedetellementpeuquec’enesttroublantpourungarçondesonâge,Cameron,donc,veutun chat. Un vrai, pas une peluche, précise-t-il d’un air déterminé. Je parviens à le faire patienterjusqu’àcequeRomanterminesonappelpourluirefilerlapatatechaude.S’ensuivententrelesdeuxfrèresdespourparlersassezcocasses,CameronayantvisiblementhéritédelapersévérancefarouchedesParkeretdutalentpourl’artdramatiquedesonpère.IlnousrejouetouràtourLesMisérablesetOliverTwist, il est lepetitgarçon leplusmalheureux (maisdigne)dumonde, et tout s’arrangeraitprobablementsi seulement ilavaitunchaton.Noiravec leboutdespattesblanc,depréférence.Unpauvre orphelin qu’il pourrait sauver de la fourrière.Mais Sydney le lui refuse depuis desmois.Mêmes’ilssontpudiquementtus,lesmots«mère-absolument-indigne-tortionnaire-d’enfant»flottentdansl’air.Jemeretiensdepoufferdevantsaminetragique.Roman,impitoyableetrésoluànepasselaisserémouvoir,nimanipulerpourinfléchirladécisionmaternelle,luidit:

–Tun’asaucunsensdelanégociationnidel’à-propos,Cameron.Tuasfêtétonanniversaireilyamoinsdetroissemaines;pourquoinepasavoirprofitédel’occasionpourréclamertonchat,s’iltetenaittantàcœur?Pasàtamère,quiauraitrefusé,maisàmoi,parexemple?Devantlefaitaccompli,elleauraitétéobligéed’accepter.

– J’y ai pensé, répond Cameron, maussade. Mais maman m’a dit que ce serait déloyal, qu’enagissantainsijelamanipulerais,queceseraitunetactiquedemafieux.

Cameron1-Roman0.

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–Demafieux,carrément?s’offusquecomiquementRoman,quinedoitpasêtrehabituéàcequ’onqualifieainsisesméthodesdenégociations.

–Demafieux,parfaitement,appuieCameron,sentantqu’iltientlebonbout.Alorsjepréfèrefaireleschosesbien.

–Parcequemeharcelerpourquejenégocieàtaplace,c’esthonorable?

Cameron1-Roman1.

Etcaetera.Ladiscussions’éternise.Onremarquetoutdesuitequecesdeux-làsontdumêmesangetqu’aucunn’estdisposéàlâcher.Celaauraitprobablementpuseprolongerjusqu’àNoëlsiCameronn’avait pas joué son va-tout : une larme, une seule et unique larme, venue perler à sa paupièretremblotante.

CameronvainqueurparK.-O.!Sousvosapplaudissements,messieursdames...!

– Beau combat, glissé-je à Roman en me retenant de rire alors qu’il compose le numéro deSydney.

– Le dernier coup était un coup bas, marmonne-t-il en jetant un regard noir à Cameron quil’observe,unsourirejusqu’auxoreilles.Etdirequejevoulaisaumoinscinqousixenfants...jevaisrevoirmesprétentionsàlabaisse.

Cetteréflexionmerendtoutechose.

Avoirdes enfants avecRoman... je n’yavais pas encore songé.Enfin... pas sérieusement, pas endétail...Mêmes’ilfautbienavouerquel’idéem’adéjàeffleurée,deloin...Toutcommecelledevivreaveclui...etpeut-être,denousmarier...Houlà,terrainglissant,marchearrière,vite!Voilàcommentenpartantd’uneboutadeonseretrouveàtirerdesplanssurlacomète!Tssstsss...

Quand je retrouve le filde ladiscussionentreRomanetSydney, il s’avèreque lesnégociationsaveclamèreparaissentpresqueaussiéprouvantesquecellesaveclefils.Sydney,dontlesalairedeserveuse suffit à peine à les faire vivre, elle et son fils, doit compter lemoindre dollar, réfléchirchaque dépense, et n’a pas les moyens d’assumer un animal avec tous les frais annexes que celaimplique.Deplus,elleesttropfièrepourréclamerunepensionalimentaireàJack,quineluienvoieun chèque pour l’éducation de Cameron qu’une ou deux fois par an, quand il se souvientmiraculeusementqu’il aunsecond fils.Évidemment, elle refuseégalement touteaidede lapartdeRomanquecettesituationchagrineetexaspère.Néanmoins,ilrespectelapugnacitédeSydney;elleareprisdesétudesqu’ellemèneenparallèledesonboulot,etRomannedoutepasuneseulesecondequ’ellevas’entirer.

–Bon,voilàledeal,nousbriefe-t-ilaprèsavoireu(laborieusement)gaindecause.Primo:Amy,puisquetuasclairementprislepartideCameron...

–Holà,holà!protesté-je.Commentçaj’aiprissonparti??–Tun’as,entoutcas,pasprislemien.Tut’engagesdonc,pourlapeine,àaccompagnerCameron

choisirsonchatonorphelinaurefuge.Attention:quoiqu’iladvienne,l’arrangementnevautquepourunchat,etenunseulexemplaire,c’est-à-direquatrepattesetunetêtequifaitmiaou.

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Devantmonairinterloqué,Romanprécise:

–Oui,bon,netelaissepasattendriretnerevienspasavecdessiamois,uneportéededouze,unchien,uneperrucheouunponey,c’estcequejevoulaisdire...Deuxio:jemesuisengagéàparrainercechat,doncjeprendsenchargetoutl’aspectfinancier,jesubventionnelesfraisd’adoptiondufauve,les croquettes, les accessoires, les frais vétérinaires. Tertio : Cameron, tu t’engages moralementenverscetanimal,tuenprendssoin,tuenesresponsable.Tulenourris,tulebrosses,tuluichangessalitière,tuluimetsduproduitcontrelespuces,tul’emmèneschezlevétérinairepoursesvaccins,tului trouves une garderie si tu dois partir en vacances.C’est un animal qui a une espérance de vied’environquinzeans,cequisignifie,commetel’adéjàplusieursfoisexpliquétamère,quetudevrast’enoccuperjusqu’àtes25ans,peut-êtreplusencore.Est-cequetuesprêtàassumertoutça?

Cameron, qui a écouté toute la tirade avec un sérieux et une attention irréprochables, hochegravementlatête.

–Parfait,conclutRoman.Lerefugeleplusprochefermedanstroisheures,çamelaisseletempsderédigerlecontratquiscelleranotreaccordpendantquevousallezchercherlabête.

Lorsque Cameron et moi revenons à la Red Tower, deux heures plus tard, le contrat est prêt.Romanamêmeprisletempsd’alleracheterdesgamellesetuncoussin.

–Chaussette?s’étonne-t-ilquandCameronluiprésentesonchaton,unpetitrouquintigréàl’airfaméliqueavecunepatteetuneoreilletoutesblanches.C’estunnomdefille.Etpuisc’estfrançais.Etpuistul’aschoisibienroux,pourquelqu’unquivoulaitunchatnoir.

– C’est un hommage à Amy et à son pays, rétorque Cameron, sérieux comme un pape. Et aulieutenantDunbar,dansDanseaveclesloups.

–Ok...Dumomentquetumesignesça,cow-boy,onaundeal,capituleRomanenlui tendant lefameuxcontratqueCameronlitavecattentionavantdeleparapher.

– J’ai bien cru que tu allais aussi faire signerChaussette,murmuré-je àRoman, amusée par lecérémonialdontilaentourél’adoption.

Lafindejournéesedéroulepaisiblement.Cameronjouesurla terrasseavecChaussette,RomanestenvisioconférenceavecMalikpourunproblèmeàlacliniquedeBuffalo.Quantàmoi,j’envoieunmailàCharlieetSibylle,toutesdeuxsansemploi,pourlesinformerquelerefugerechercheuneassistante trente heures par semaine, pas de qualifications requises, il faut seulement aimer lesanimauxetnepasavoirpeurdesesalir.J’aieul’infoparEmily, l’assistanteenposte,quivientdedonner sa démission pour s’installer à son compte en tant que toiletteuse. Charlie, chez qui lacompagniedeGoliathaéveillélafibreanimalière,meremerciemillefoisetcomptetéléphonersur-le-champ.Sibyllemerépondd’unlaconique:«J’aidécrochéunjobchezundentistesupersympa,merci,bisous.»

QuandRomanterminesavisio,jeluitendslespapiersd’identificationdeChaussette:

–Entantquepropriétaireofficiel,c’està toidegérer lapaperasseetd’apposer tasignature, luidis-je.Ilauraitfallulefaireaurefuge,maisj’aiexpliquélasituationauvétodegarde,quiaacceptéquejeluiramènelesdocumentssignésdemainmatin,àlapremièreheure.Actuellement,Chaussette

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estdonctotalementhors-la-loi.Ettoiaussiparlamêmeoccasion.–Ok, régularisons, alors, dit Roman en s’emparant d’un stylo et en commençant à remplir les

cases.

Intriguée par le regard qu’il me lance, et par sa seconde d’hésitation quand il renseigne sescoordonnées,jemepenchepar-dessuslatableetfrôlelasyncopeendéchiffrant:

Propriétaire(s):Mr&MrsRoman&AmandinePARKER

–Qu’en penses-tu ?me demande-t-il. Amy Parker, ça sonne bien, non ? Et puisqu’on en est àrégulariser...

Laterres’ouvrantsousmespiedsnem’auraitpasfaitplusd’effet!Jeresteunmomentsansrienpouvoirdire,l’espritendéroute,lecœurquicognetellementfortquejen’entendsplusriend’autre.Lemonde autour demoi s’est évanoui, il ne reste plus queRoman, son sourire interrogateur, sesyeuxnoirsquimesondent,sonbeauvisageaux traitssidurs,sacicatricesur lapommette,quimerappelle chaque jour notre merveilleuse rencontre. Roman, l’homme que j’aime passionnément.Roman,quimedemanded’êtresafemme.J’aienviededanser,sauter,tourbillonnerdejoie,maismesjambesnesemblentpasvraimentenétatdemepermettredetellesfantaisies.Jesuismontéesurdeuxéchassesenguimauve,quechacundemesbattementsdecœurébranleunpeuplus.

–Iln’yapasàdire,réponds-jeenvacillantjusqu’aucanapé,oùjemelaissetomber.Tuaslesensde la formule, et une manière bien à toi de faire des déclarations d’amour ou des demandes enmariage...

–Çaveutdirenon?s’inquièteRoman,pendantquej’essaiedemeconvaincrequejenesuispasentrainderêveralorsque,clairement,jeplaneàdixmillepiedsetquematêtes’estenvoléetrèshaut,trèsloin,surunpetitnuage.

–Quoi?sursauté-je.Non,maistuplaisantes!–C’estpastrèsclair...dit-ilencore,enesquissantunsourireincertain.–Viensparici,jevaistefaireundessin...

***

Aumatin, aprèsunenuitpasséeà lui fairedesdessins,pleindedessinsdans tous les sens,danstoutes les positions, je me réveille aux côtés d’un Roman maussade qui pianote sur son iPad enmarmonnant.

–Pourquoicetteminesinistre?letaquiné-je.Turegrettesdéjàtademandederégularisation?– Jamais de la vie ! répond-il en souriant.Mais je doisme rendre à Buffalo et je ne rentrerai

probablementquedemainenfindejournée.–Toujourscesouciàlaclinique?demandé-jeenessayantdecachermadéception,d’autantplus

vivequ’ildevaitm’accompagneràlasoiréedecharitédonnéeparBaldwin.–Oui,Malikestsurplacedepuishier,maisilyaunvraiproblèmeaveclenouveaubâtiment.Il

fautvraimentquejelerejoigne.– Tu transmettras le bonjour de ma part au père d’Edith. Il paraît qu’il se rétablit de façon

spectaculaire.

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–Entendu.Jepassetecherchercheztoià19heures?–Mais...tuviensdemedirequetuallaisàBuffalo!–Oui,maisjepartiraiaprèslasoirée.J’avaispromisdet’accompagner,etçafaitdessemainesque

tu as confirmé notre présence àBaldwin. Je ne vais pas te faire faux bond à la dernière seconde.Simplement,jeneresteraipastroptard.

Jel’embrasseparcequejenetrouverienàrépondre,heureusequ’ilsesoitsouvenu,qu’ilnesedéfilepasmêmesijesaisquel’idéedecettesortie,dubaindefoule,desjournalistes,nel’enchantepas.Jel’embrasseparcequejemedemandesicethommeestréel,sijenevaispasmeréveillerpourm’apercevoir que tout n’était qu’un rêve vaporeux et sensuel. Je l’embrasse aussi parce qu’il estirrésistibleetquej’enmeursd’enviechaquefoisquejeposelesyeuxsurlui.Pendantqu’ils’habille,jesavourel’idéed’êtrelafuturemadameRomanParker.Jem’imagineàsescôtés,pourlavie,etmoiquin’aijamaisétépro-mariage,jetrouvel’idéeformidableetgrisante.RomanParkerestformidableetgrisant.

***

MajournéeàUndertakepasseviteetjeterminetard;j’aiàpeineletempsdesauterdansladouchepuisd’enfilerunerobeavantl’arrivéedeRoman.Enpantalonetmanteaunoirs,gantsdecuir,écharperougesangsurchemiseblanccassé,ilestsuperclasse,commetoujours.Maisilparvientàêtreclassemêmedansunsurvêtementouunvieux jean.Quelquechosedanssonmaintien, jesuppose,etdansson allure. Sans jamais paraître suffisant, Roman a toujours naturellement l’air de dominer, demaîtrisertoutcequil’entoure.

Ce soir-là, je ne suis pas la seule à le trouver beau à tomber. Il y a foule à la fête, qui est uneréussite.Baldwinn’apasconviélapresse,etl’ambianceestagréable,bonenfant.Ilyadurireetduchampagne. Les œillades féminines fusent de toutes parts pour se focaliser sur Roman, dont onmurmurelenom.Certaines,particulièrementlascives,enprovenanced’unegrandebrunefiliforme,finissentparm’exaspérer.Jem’apprêteàallerluiarracherlesyeuxquandelles’approchedenous,tout sourire.Croiseruneexde l’hommedevotrevien’est jamaisunepartiedeplaisir,maisalorsquandl’exenquestionestd’unebeautétellementéblouissantequevouscommencezàcherchervoslunettes de soleil, c’est franchement une torture. Roman, quand elle arrive à notre hauteur, serapproche demoi et passe son bras autour dema taille. Ce geste possessif et l’indifférence aveclaquelle il l’accueillememettentdubaumeaucœur.Amber,puisquec’est sonnom,doitavoirunetrentained’années,elleestavocate,trèstrèscélibataireetregrettevisiblementl’époqueoùelleavaitles faveurs de Roman. Faveurs pas si lointaines, d’après ses insinuations, et dont elle garde unsouvenir impérissable. Rien qu’à les imaginer ensemble, je me sens malade. Roman échangecourtoisementquelquesbanalitésd’usageavecelleavantdem’entraîneràl’autreboutdelasalle.

–Désolé,medit-il.–Dequoi?D’avoireuunevieavantmoi?Den’avoirpasvécucestrentedernièresannéesdansun

monastèretibétain?

Jefaismabrave,maisenvéritéjen’enmènepaslarge.J’aibeausavoirqu’ellen’estqu’uneex,qu’ellen’afaitqu’unpassageéclairdanssavie,commetouteslesautresfilles,jen’enaipasmoinsle

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cœurlourd.C’estidiot,jesais,maisçanesecommandepas.

– Désolé, répète Roman en m’embrassant, et sa bouche chaude et ses lèvres douces relèguentAmberaudernierrangdemespensées.

Trenteminutesplustard,alorsquelafêtebatsonplein,ilestl’heurepourluidepartir.J’aidumalàlelaissers’enaller; jemedemandesi,avecletemps,ons’habitueauxséparations.Ilmesembleque,moi,jeneparviendraijamaisàm’yaccoutumer,quechaquedépartdeRomanseratoujoursunedéchirure,etmelaisseraunvidevertigineuxdanslapoitrine.

Nous avions convenu que Joshua, son chauffeur, me raccompagnerait chez moi, mais JohnBaldwin s’est gentiment proposé en apprenant que Roman ne pourrait pas s’attarder. Je n’avaisaucuneenvied’obligercepauvreJoshuaàm’attendrejusqu'àpasd’heure,alorsj’aiaccepté.J’aisentiRomansecrisperàmescôtés,mais,mêmes’iln’apprécieguèreBaldwin,pourtantcharmant,ils’estabstenud’intervenir.

Àminuitquarante-deux,cettenuit-là,jeprendsconscienceque,d’unepartjenesuisvraimentpasphysionomiste,etd’autrepartjesuisnullepourjaugerlesgens.QuandlechauffeurdeBaldwinmetient laportière, sousuneaverse torrentielle, etque jem’engouffredans la luxueuseberline, jenepeuxpasm’empêcher,stupidement,depenseràunescènedePiègeenhautemer,lapluie,lesvagues,les mecs pleins de muscles tout mouillés, tout ça... Le temps que Baldwin me rejoigne en riant,trempé,etquesonchauffeurs’installederrièrelevolant,ledéclicsefait.Cefameuxdéclicquis’étaitdéjàfaitentendrequandNilsm’avaitprésentélaphotodeFlemingaveclebaraqué.StevenSeagal.LechauffeurdeBaldwin.Mêmecarruremonumentale,mêmecoudetaureau,mêmeairinexpressif.Pasdedoutepossible.J’essaiedegardermoncalme,deréfléchir,vite,vite,vite!Nepasmontrerquejepanique.Sortird’ici.Trouveruneexcuse.N’importequoi,improviser.Mesauver.PrévenirRoman,Nils.

–Oh,John,c’estidiot,dis-jeavecmonplusbeausourire.Jecroisbienquej’aioubliémoniPhoneàl’intérieur.J’enaipouruneseconde,jereviens!

Baldwincessederire.Lapoignéedelaportière,sousmamain,nebougepasd’unpoucemalgrémoninsistancedésespérée.Baldwinmesouritbizarrement,latêtepenchéedecôté:

–Nevousinquiétezpas,Amy,répond-il,doucereuxenouvrantsamain,danslaquellereposemoniPhone.Ilavaitsimplementglissédevotresac.Jevaisvouslegarder,pourplusdesûreté...

D’incoerciblestremblementsdeterreurmesecouent.Jeviensdemejeterdanslagueuleduloup,billeentête.Personnenesedemanderaoùjesuispasséeavantdemain;RomanetNilsnesedoutentderien.Etleloupadegrandesdents...

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

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Egalementdisponible:

Donne-moitonâme

GloriaRobin,jeunemusiciennerockpleinedetalent,estcontactéeparBenjaminMarlow,unmythiqueproducteurnew-yorkais.Benjaminl'introduitdansungroupeafinqu'elleensoitlachanteuse.Toutsepassebien,legroupeestsympathique,Gloriasesentbienaccueillie,etBenjaminauncharmefou.Toutestparfait?Tropparfait!CarBenjaminestunvampireâgéde239ans,toutcommeJoan,Kim,AlexetWilliam,lesmembresdugroupe.EtGlorial'ignore...Est-elletombéedansunpiège?Pourra-t-elles'ensortir?Etlevoudra-t-elleseulement?CarBenjaminMarlown'estpasseulementunproducteurdegénie,c'estavanttoutunvampireàl'apparenced'unhommede29ans,àlabeautéépoustouflanteetaumagnétismeirrésistible

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.