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BadGames

ÀpeinearrivéesurlecampusdeStanfordenCalifornie,CarrierencontreOrionetJosh,deuxbadboysaméricainsaucharmeravageur.VoilàunséjourauxÉtats-UnisquicommencebienpourlajeuneFrançaise!Seuleombreautableau:elledoitassisteraumariagedesamère…quil’apourtantdélaisséependanttoutesonenfance.Carrieestbiendécidéeàprofiterdelavieet,laveilledumariagetantredouté,ellesuccombeaucharmedeJosh,letatouéausourirefoudroyant.Pasdepromesse,pasd’engagement,seulementunmomentmagiqueavecunamantincroyable!Saufquesanslesavoir,Carrieapassélanuitavecson…futurgrandfrèreparalliance!Lemariagedesamèrepourraitbiensetransformerenunvéritablecauchemar…Entrepassion,sentimentsetsecrets,lesdeuxamantsdevrontlutterpourdéfendreleurbonheur!

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ImpossibleLove–Retrouve-moi

EmilyGreenfaitlarencontredeMaxWithman.Entreeux,c’estlecoupdefoudre,ilssontfaitsl’unpourl’autre!TouslesdeuxcréadanslapubsurMadisonAvenue,touslesdeuxpassionnésparleurtravailetàlapointedel’innovation.Emilyestdrôleetintelligente,Maxestbeauàtomberetdévorelavie.Leproblème?Elleviten2015,luien1963…ParquelmiracleEmilys’est-elleretrouvéepropulséedanslepassé?CommentavouerlavéritéàMaxsanspasserpourunefolle?ExcitéeparladécouverteduNewYorkdesannées1960etaniméed’unepassiondévorantepourMax,Emilyal’impressiondevivreunrêveéveillé.Maislerêvepourraitbiensetransformerencauchemarcaronnevoyagepasdansletempssanscréerd’irréversiblesdégâts…EmilyetMaxsont-ilscondamnésàvivreà52ansl’undel’autre?Sensualité,suspense,unehistoired’amourquidéfieletemps!

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Fallaitpasmechercher!

J’ai24ans,unpèretyranniqueetunempirebabylonienàgérer.MafortunecolossaleetmonjoliculfontdemoilemeilleurpartideLosAngeles.Jesouris,onsepâme.J’ordonne,onm’obéit.J’auraispum’appelerMike,JohnouWilliam,maismeschromosomesenontdécidéautrement.Jem’appelledoncValentineLaine,jesuisunefemmequidoits’imposerdansunmondederequins,etriennipersonnenemerésiste.

Aumoinsjusqu’àl’arrivéefracassantedeNilsEriksen,quim’asauvélavietoutenymettantunsoukimprobable.Sanscesse,nosdestinss’entrechoquent,s’entremêlent,s’entrelacent,etnoscorpsnedemandentqu’àlesimiter…

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BadLove–Captivemaisinsoumise

Unmatin,Elsaseretrouveprisedansunefusilladedevantlesécuriesoùelletravaille.L’inconnuquiétaitvisél’entraînedanssafuitepourlaprotégerdestueursdontelleavulevisage.RetenuedanssonharasduKentucky,elleserebellecontrecettecaptivité,maisnepeuts’empêcherdetombersouslecharmedubelOscar,aussisexyquemystérieux…Entredangeretséduction,lavied’Elsaseretrouvecomplètementbouleversée!

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AddictiveLove

EntreTomKelley,lequarterbackdesGiants,etMayaLeblanc,lajeunephotographe,rienn’auraitdûarriver!Tomvitdansunmondefaitdevictoiresetdepaillettes,dedollarsetdebimbos.Maya,elle,essaietantbienquemaldebouclersesfinsdemois.AlorsquandTomessaiedelaséduire,l’instinctdeMayaluiditdefuir…Nerisque-t-ellepasdesebrûlerlesailesàcôtoyercemondesidifférentdusien?D’autantquecetuniversauxapparencessuperficiellesdanslequelvitTomestmoinsinnocentqu’iln’yparaît…

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ChloeWilkox

LUNEDESANGLAMEUTEDERIVERSIDECREEK

Volume2

ZLOU_002

1.Portédisparu

Nikkie

OK,jesaisbienquej’ailourdementinsistépourquenotrenuitdesexeàTyeeetmoiresteunonenightstand,etjesaiségalementqu’encasdecoupd’unsoirilfautparfoisposerdeslimitesclairespour qu’aucune des deux parties ne se fasse de fausses idées... Mais là, je trouve que Darkridgemontreunpeutropdezèleàvouloirseteniràdistance!C’étaitdéjàbienassezqu’ilquittesapropremaisonavantmonréveil,dimanche;cen’étaitpasnonpluslapeinedes’évanouirdelasurfacedelaterre.Ilyadesfaçonsplussimplesdefairecomprendreàunefillequ’onn’estpasintéressé!

Pourtant, Tyee a bel et bien disparu. Lundi matin, quand je me suis pointée à la fac pour sonséminaire, j’ai appris que ses cours avaient été annulés jusqu’à nouvel ordre. La secrétaire dudépartement,àquij’aibienentenduessayédetirerlesversdunez,arefusédemedirepourquoi.Leplusmystérieuxdanscetteaffaire,c’estquelundiestaussi lejouroùj’aiapprisparvoiedepressequ’un campeur avait été tuédans lanuit de samedi àdimanche, déchiquetéparun animal sauvage.Alors,coïncidence?Difficileàcroi…

–MademoiselleMalone,vousêtesavecnous?–Pardon,professeurHunter,meressaisis-je.Vousdisiez?–Jereprendsdoncpourlarêveuseaupremierrang,plaisante-t-ilenfaisantaupassageglousser

l’assemblée entière. Je vous rappelle qu’il reste encore des sujets d’exposés qui n’ont pas étéattribués.Pourmémoire,l’exposésemestrielcompterapourunquartdevoscréditsterminaux,nelenégligez pas, précise-t-il alors que la cloche sonne 18 heures. Sur ce, passez un bonweek-end.Etn’oubliezpas:inutilederevenirdanscettesallevendrediprochainsivousn’avezpasluleschapitres5et6!

Tous mes camarades de TD de théorie du signal ignorent superbement l’avertissement du Pr.Hunteretseprécipitenthorsdelasalle.Unvendredisoirà18heures,ilssonttousattendusquelquepart.

Toussaufmoi.

Maussade, je reste à la traîne en rangeant avec une lenteur d’escargotmonmanuel,mes stylos,monclasseuretmondictaphonedansmontotebag.

–Bonweek-end,professeur,lancé-jeenquittantlasalledecours.–Bonweek-end,mademoiselleMalone!merépondl’enjouéquinquagénaire

Mêmelui,iln’attendqu’unechose:foutrelecampdececampuspourcommencerleweek-end.

L’idéequelePr.Hunter,derrièreseslunettesécaillesetsescostumesentweed,acertainementunevieprivéeplusdébridéequelamiennemecollelecafard.Meconcernant,leprogrammeduweek-end

esttouttrouvé:jetravailletouslesjourschezSally.Lerestedutemps,j’hésiteencore.Avalermonpropre poids en glace en regardantMr.Robot ?Boire une demi-bouteille de chardonnay avant dedécidersubitementdemecouperunefrange?Merepasserpourlaénièmefoislefilmdecettenuitincroyablementhot avecTyeeDarkridge ?Élaborer toutes sortes de théories folles et inquiétantesexpliquantqu’iln’aitpasmislespiedsàlafacdepuis?

Ouprendreletaureauparlescornesetpasserlevoirpourm’assurerquetoutvabien?

Non,jenepeuxpasfaireça.D’une,ilvameprendrepouruneglu.Dedeux,sijamaisjelevoisenchairetenos,avecsescheveuxchâtainsenbataille,sabouchesensuelle,sesépaulescarréesetsonaurasimasculine, jevaisavoirenviede lui.Or,nonseulementsonsilence radion’envoiepasdessignauxtrèsencourageants,maisdois-jeenplusrappelerqueTyeeestunloup-garou?Etque,parconséquent,nousnesommespasdelamêmeespèce?OK,j’aipul’oublierletempsd’unenuitoùjeme suis laissée subjuguerpar sabeauté renversante, par sonmagnétismeanimal, par ses coupsdereinsfoudroyants,maisc’étaituncoupdefolie,c’estcertain.Toutcequej’aiapprissamedidernier–quelesloups-garousontunmétabolismedifférent,qu’ilsvieillissentpluslentementetcicatrisentplusviteque leshumains,qu’ilsnepeuventdévelopperaucunemaladie,qu’ilsnepeuventsereproduirequ’entreeux,queleurmorsureestsouventmortellepourl’homme–mesembletropétrange,jenepourraijamaism’yfaire!

Tout de même : un jeune homme est mort, et si Darkridge a prouvé qu’il se contrôlait en setransformantdevantmoi,çanenousdittoujourspasquiouquoituedepuisquinzejoursdanslesboisenvironnants.Etça,c’estuneraisonsuffisantepourquejefasseuncrochetparchezluiavantd’allerprendremonservice,pasvrai?

N’écoutantquemamauvaisefoi,jegrimpedansmonbreakpourrietmemetsenrouteverssondomicile, à quelques minutes seulement de la fac. En chemin, je me répète toutes les excellentesraisonspourlesquellesjenedoispasrecoucheraveccethomme,jamais,quoiqu’ilarrive.

1/C’estunanimal.

Samedidernier,j’étaisloindem’enplaindre.

2/C’estmonprof.

C’estvraiquecen’estpasDUTOUTexcitant,lescénarioprofesseur/élève.

3/Jenedoispasmelaisserdétournerdemonobjectifparunhomme.

Mêmes’iladesfessesàcroquer.

4/Sijemelaisseatteindre,toucherparceténigmatiqueindividu,etquepourXraisonjedoisdenouveaudisparaître…

…jemebriserai.Commeduverre.

J’ai trop souffert ces derniers mois pour supporter de perdre encore quelqu’un. Même si

Darkridge n’est bien entendu ni ma mère, ni mon père, ni Faye, ma meilleure amie, qui croitaujourd’hui que je suis unemeurtrière en cavale, il est la première personne avec qui j’ai pumemontrermoi-mêmedepuiscettenuitépouvantablequiachangémavie.C’estidiotmaisçacompteàmesyeux.

EnarrivantdevantlavilladeDarkridge,jeremarquetoutdesuitequequelquechosecloche.Ilnerépond pas à l’interphone et les stores sont baissés alors qu’il fait encore grand jour. Une damed’environ75anspasseavecsonchien–sansdouteunevoisine.

–Excusez-moi?Vousconnaissezl’hommequihabiteici?luidemandé-je.–Cecharmantjeuneprofesseurquivienttoutjusted’emménager?merépondlamamieenprenant

danssesbrassonchihuahuatremblotantpourluigratterlatête.

Voilàquirépondàmaquestion…

–Vousl’avezvu,récemment?–Vousêtesuneamie?medemandelapetitedameperoxydéed’unairsuspicieux.

J’imaginequemonphysiquedeLatina,monlookrocketmavoitureenruinenedoiventpasêtredumeilleureffetdanscevoisinagetrèsBCBG.

– Je suis la femme deménage, réponds-je d’un air humble, en espérant quemon interlocutricegobe lemensonge. Je devais passer aujourd’huimaismonsieur n’est pas là, et comme je n’ai pasencorelesclés…

–Oh ! Bien sûr, je comprends ; c’est embêtant.Mais je pense que votre employeur a dû vousoublier:çafaitdepuisdimanchesoirquelamaisonestfermée.Iladûpartirenvacances.

Partir?Envacances?Aprèsuntroisièmemeurtre,çaressembleraitplutôtàunefuite.

–Mercimadame,réponds-jeenessayantdemasquermontrouble.

Le souffle court, je trotte jusqu’àmonbreak,monte envoiture, claque laportière.Mespenséesvont à cent à l’heure, entre déception, colère, incrédulité. Quelle conne ! Baisser ma garde étaitstupide. Je sais pourtant que je ne peux faire confiance à personne dans ce monde occulte etsouterrain.J’étaisdéjàrecherchéeparleFBI,voilàquej’aienpluscouchéavecunmeurtrier!

JedémarreetprendsladirectiondeRiversideCreekenmeraisonnant:jesuispeut-êtreentraindetirer des conclusions hâtives. Après tout, Tyee Darkridge a passé une partie de la nuit avec moi,samedi.Nousn’avonscessénosacrobatiesquevers2heures.OK,ilavaitfiléavantmonréveil,maisqu’est-cequimeprouvequ’ilestallésefaireungueuletondanslesboispendantquej’étaischezlui?Pourquoiprendreuntelrisqueaprèss’êtredonnétantdemalpoursedisculperàmesyeux?Ceseraitstupide!

Siseulementj’avaislerapportd’autopsieindiquantl’heuredelamortdececampeur!Çapourraitpeut-êtredisculperdéfinitivementDarkridge.

Oui,maisjenel’aipas.Alorsjevaisdevoirruser.Trouverunindice,quelquechosem’indiquant

lesraisonsdecedépartprécipité.Etpourça,iln’yaqu’unesolution…

C’estdécidé:cesoir,aprèsmonservice,jeretournechezluietcettefois,j’entre.

***

1h10,devantlamaisonéteintedeTyeeDarkridge.Çafaitquinzeminutesquejesuisembusquéeetjesuisformelle:iln’yaaucunsignedeviederrièrelesstoresmétalliquesbaissés.

Allez,unpeudecourage!J’yvais.

JesorsdemaBuickettraverselaruedésertedecequartierrésidentiel,commesiderienn’était.Unefoisdevant l’entrée, je jetteuncoupd’œilàdroitepuisàgauche.Personneenvue :OK,c’estbon,j’escaladelagrille.Jegalèreunpeu,repenseàceshumiliantesséancesdegymaulycéeoùlaprofnousforçaitàgrimperàlacorde.Jem’érafleungenou,pestecontremonmanquedebicepspuisc’estbon, je suisde l’autrecôté. Jeme faufiledans le jardin jusqu’à laported’entrée. Jeposemamain sur la poignée etm’apprête àmurmurer«aperit » pour que le verrou saute, quand la portes’entrebâilleetqu’unemainpuissantem’attrapeparl’avant-braspourm’attireràl’intérieur.

–Onpeut savoirceque tu fous? tonneunevoix furieuseetensommeilléemais indéniablementsexy.

L’énigmatiqueloup-garouallumelalumièredel’entréeensefrottantlespaupières.

Arrêteztout,onaretrouvénotresupposéfugitif.

Bon,j’imaginequejemesuisplantéeetlavoisineaussi:Tyeeestbeletbienlà.Ilestànoterqu’ilneporteriend’autrequ’unbasdepyjama,cequiconstitueuneincitationàmatersontorsesculptéetpuissant.Toutlaisseàpenserquejeletiredulit.Or,quandonenvientàTyeeDarkridge,«lit»estunmotdangereux.

Etdangereusementtentant.

–Tuasvul’heurequ’ilest?continue-t-il.–Tudormais?luidemandé-jetoutencherchantcommentjustifiermonintrusion.–Biensûrquejedormais!Qu’est-cequetucrois?Ilestplusd’uneheuredumatin!Jesuisun

loup-garou,pasunputaindevampire.Lanuit,jedors,commetoutlemonde!

OK, jecommenceàpenserquec’estmieuxqu’onnesesoitpascroisédimanche.Monsieurn’estvisiblementpasdetrèsbonnehumeurauréveil.

–Pardon,grommelé-je.Jen’imaginaispasquej’allaisteréveiller.Jepensaisquelamaisonétaitvide.

–Vide?Ettucomptaisfairequoi?Entrerchezmoipareffraction?–Hey!protesté-je.Jetesignalequesitun’avaispasdisparudepuiscinqjours,jenemeseraispas

faitunsangd’encreetnousneserionspasentraind’avoircetteconversation!

LeregardsatisfaitdeTyeemefaitinstantanémentregrettermonchoixdemots.

–Tut’esfaitdusoucipourmoi…relève-t-il.Intéressant.

Ilabeauêtredanslevrai,saremarquem’énerve.D’autantquel’assuranceluivabien–tropbien.Çamedéstabilisedelesentirsisûrdelui.

–Jemesuisplutôtfaitdusoucipourlecampeurmort,répliqué-jed’untonquiseveutincisifafindemasquermontrouble.Tusais,celuiquiaétéretrouvédansleboisdanslanuitoùtuasdisparu…

–Jen’aipasdisparu,merépond-ilavecdésinvolture.–Ahnon?–Non.Tuvoisbien,jesuislà.–Oui,maiscettesemaine,oùtuétais?–Ah!sourit-ilavecunairdetriomphe.Enfintuposeslesbonnesquestions!

Ilmetourneledos.Jeluiemboîtelepas,intriguée,etprofiteaupassageduspectacleinimitabledesesépaulescarrées,desestrapèzesmusclés,desataillefine,etsurtoutdesontatouagebadass–cettebalanceàplateaudontlefléauestuneépée.Avecnonchalance,ilselaissetombersursoncanapé.Jechoisisunfauteuil,àbonnedistancedelui.

«Tut’esfaitdusoucipourmoi…»

Nonmaisjerêve!

–Alors,lepressé-je,oùtuétaisquandcecampeuraététué?–Ici,avectoi.–Ahbon?Tuescertain?Parcequej’aitrouvélelitbienvideenmelevant,ironisé-je.– J’ai passé la fin de la nuit à tes côtés, sans réussir à dormir.Aux aurores, j’ai dûpartir faire

quelquechose.–…Etcettechoset’aprisprèsd’unesemaine…–Non,deuxheuresseulement,mecorrige-t-ilenfaisantminedenepassaisirlesarcasme.Ensuite,

jesuispartienvoyage.Etpuisquecequejefaisquandtun’espaslàt’intéressetant,sachequejesuisrentréce soirvers20heures. Jemesuismisau lit à23h20, j’ai luenvirondixminutesavantdesombrerdanslesommeil,quiétaitexcellentjusqu’àcequ’unbruitmeréveille.J’aiouvertlesyeuxetc’est là que j’ai senti ton odeur – j’ai l’odorat plutôt fin, comme tu le sais. D’ailleurs, tu devraisarrêterleparfum:l’odeurdetapeauestmeilleure,sourit-ilavecinsolence.Sansparlerdel’odeurdeton…

–Çava,j’aicomprislemessage,lecoupé-jeenvirantécarlate.

Je ne veux pas penser au fait queDarkridge pense à l’odeur demon«…» .Ni qu’il appréciel’odeurdemon«…».Parcequesimonespritvagabondedececôté-là,jevaismemettreàpenseràson«…»àlui.Son«…»large,gonflé,excitant,quim’adonnéquatreorgasmesincroyables…

–Revenonsànosmoutons,tuveuxbien?demandé-jeenmeressaisissant.–Tuasraison.J’aidoncenfiléunpantalon,reprend-il,parcequejesuisunepersonnepudique,et

jesuisvenut’accueillir,parcequejesuiségalementbienélevé.D’ailleurs,çatombebienquetusois

là:j’avaisprévudepassertevoirdemainàlapremièreheure.–Vraiment?Tuasfaitunpetitvoyageettucomptaismerendrevisiteenrentrant?–Vraiment.–Commec’estcommode!–C’estlavérité,merépond-ilavecuncalmeindifférent,commesimeconvaincreétaitlecadetde

sessoucis.–Lavérité?Etjesuiscenséetecroirecommeça,surparole?–Jevaistedire,Nikkie:jen’enaiabsolumentrienàfoutrequetumecroiesounon,lâche-t-ilen

plongeantdanslesmienssesyeuxvertspiquésd’ambre.

Sarépliquecinglantemelaissesansvoix.

Quelquechosemeditquec’étaitsansdoutelebutrecherché.

–Bien,ponctueTyeeenserenfonçantdans lecanapé.Puisquetu te taisenfin, jevaispouvoir teracontermonpetitpériple.Est-cequetusaisoùj’étais,cescinqderniers jours?Non?Allez, je tedonne un indice, concède-t-il face à mon silence. C’est un peu plus au nord et les hivers y sontredoutables.Toujourspas,mademoiselleMalone?Oudevrais-jediremademoiselle«O’Neil»?

Putaindebordeldemerde.

J’ouvrelabouchecommesijemanquaisd’air,lareferme,clignedesyeux.Jesuisstupéfaite,maisaussiterrasséeparcequecenomfaitremontercommesouvenirs,bonsetmauvais.«MademoiselleO’Neil»…Jepensaisqueplusjamaisquelqu’unnem’appelleraitcommeça.

Tyeeadoncdécouvertmavéritableidentité.

Çadevraitme fairepaniquer,maismêmepas.Entendrecenom, lemien,me fait justevenir leslarmesauxyeux.Jelesessuied’ungestevif,lementontremblant.Jetentedecombattrel’émotionquimesubmerge. Jemesensmiseànue. Incapabledecontinuerplus longtempsà jouer lacomédie,àprétendreque jesuisforte.J’ai justeenviedemelaisseralleràcessanglotsque jeréprimedepuisdix-huitmois,quines’échappentquelanuitquandjedorsetquejefaisdesrêveshorriblescontrelesquels je ne peux pas lutter. Mais je ne peux pas me le permettre, je dois rester pragmatique.Combattre les souvenirs traumatiques qui remontent,mêlés aux souvenirs d’un bonheur simple etpaisibleperduàtoutjamais.Trouvercommentmesortirdecemauvaispas,commentsurvivre–unefoisdeplus.

DequellefaçonTyeea-t-ildécouvertlavérité?A-t-ilenquêté,aprèsquejeluiaiditquejevenaisduMinnesota?Est-celà-basqu’ilétaitdepuisdimanche?Sioui,àquia-t-ilparlé?Àmesvoisins,àFaye ? Leur a-t-il dit où je me trouvais ? Sûrement pas. Si Tyee avait avoué que je me cache àRiversideCreek, jeseraisderrière lesbarreauxà l’heurequ’ilest. Ilyamoinsdedeuxminutes, ildisaitavoirprévudepasserchezmoidemainàlapremièreheure.Peut-êtrequ’ilcomptaitentendremaversiondesfaitsavantd’agir?

–Tune dis rien,Nikkie ?C’est fini, l’interrogatoire ?Dans ce cas, déclare-t-il en se levant, jepensequec’estàmontourdeteposerdeuxoutroisquestions.D’abord,pourquoiest-cequetuastué

l’hommequit’aélevée?– Tu parles de mon père ? Tu crois vraiment que c’est moi qui l’ai tué ? m'emporté-je en

bondissanthorsdemonfauteuil.–Entoutcas,leFBIsembleenvisagercettepossibilité.–Tyee,jet’assureque…–Quequoi,Nikkie?Qu’est-cequetuvasinventer,encore?–Rien,Tyee!explosé-je.Jen’airienbesoind’inventer,merde!J’aimaismonpèreetilm’aimait

aussi,alorsneparlepasdecequetuneconnaispas,OK?–Tun’asrienbesoind’inventer?crie-t-ilenretour,cequimefaitavoirunmouvementderecul.

Tum’aspourtantditquedesrêvest’avaientconduiteici.Des…desvisions.Tut’esbienfoutudemagueule!SituesvenueàRiversideCreek,c’estparcequetonpèreadoptifavécuici.Tonpèreadoptifmort. Assassiné avec trois inconnus dans sa propremaison.Un carnage auquel seule toi – uniquetémoinetsuspectedanscetteaffaire–asurvécu!

Enentendantcesmots,jen’enaisoudainplusrienàfairedesaccusationsdeTyeequi,ilyauneseconde,mefaisaientbondir.Uneseulechosem’intéresse,c’estqueTomabienvécuici,àRiversideCreek,lavilleoùjesavaisdéjàquemesancêtresavaientcommencéàtenirleurLivre.

–Tuconnaissaismonpère?demandé-jeenretenantmonsouffle.–Jetel’aidit,Nikkie:j’étaisl’Alphadelameute.Biensûrquej’aiconnuTom!

J’avaisraison!Nonseulement lesréponsesquejecherchedepuisdix-huitmoissontàRiversideCreek,maisenplusilestprobablequeceluiquimefaitfacelesdétienne.

Àmes yeux, rien d’autre n’a d’importance que d’en apprendre plus.Mais j’ai beau avoirmillequestionsàposeràTyee,moninstinctmeditquelemomentestmalchoisipourça.Jedoisd’abordregagnersaconfianceetleconvaincrequejen’airienàvoiraveclamortdeTom.

–Tyee,commencé-jeàluiexpliquerententantdemaîtriserletremblementdemavoix,jetejurequejenet’aipasmenti.J’aibienfaitcesrêveset,jusqu’àilyauneseconde,jenesavaispasquemonpère–Tom–avaitvécuiciouquetul’avaisconnu.

–Commentveux-tuquejetecroie,Nikkie?medemande-t-ilavecungested’impuissance.Depuisledébut,tunefaisquemementir.

–Non,protesté-jed’unevoixsuppliante,écoute-moi.Jenet’aipasmenti,justecachécertainsfaits.Jenet’aipasparlédeTom,nonpasparcequejesavaisqueturisquaisdeleconnaître,maisparcequele FBI me recherche pour m’interroger à propos de sa mort. Or, je n’ai aucun moyen de leurexpliquer ce qui s’est passé ! Si je leur dis la vérité, ils vont me prendre pour une cinglée etm’interneràvie. Je saisdequoiçaa l’air, insisté-je faceà saminesceptique,mais je t’assurequejamaisjen’auraisfaitdemalàmonpèreetquesijet’aidissimulécertainesinformations,cen’étaitpasdanslebutdetemanipuler.

–OK,finit-ilparlâcher.Rassieds-toietraconte-moitout.

J’obéissansmefaireprier,conscientedel’immensecadeauquemefaitTyeeenbaissantsagardeetenacceptantdem’écouter.

– Il y adix-huitmois, le soir demonanniversaire,monpèrem’a annoncéquenous étionsdes

sorciers, lui et moi. Il m’a remis un journal – ce qu’il appelait un Livre – en me disant qu’ilappartenaitàmesancêtresbiologiquesetquededanssetrouvaitl’histoiredemanaissance.Puisilaprononcéuneformulepourmerestituermespouvoirs.Bienentendu,sur lemoment, jene l’aipascru. Pour tout dire, j’ai même pensé qu’il devenait fou. Je me suis enfermée dans ma chambre,paniquée. C’est là que trois hommes ont fait irruption chez nous. C’étaient des Chasseurs. Ils envoulaientmanifestement à lamagiequemonpèrem’avait transférée. Ils l’ontpoignardé sousmesyeux et m’auraient fait connaître le même sort si papa ne m’avait pas dit, avant de s’éteindre,commentutilisermespouvoirscontreeux.Lesouci,continué-je,c’estqu’enlançantlesortquilesaéliminés,j’aiaussidétruitleLivre.Audébut,çanem’apaspréoccupéeplusqueça:j’étaisbientrophantéeparlamortdemonpèreetparlecarnagequemamagieavaitdéclenché.Cen’estqu’auboutd’uncertaintempsquejesuisdevenueobsédéeparcequemonpèreavaitvoulumedireetquej’avaisrefuséd’écoutercesoir-là.Auprintempsdernier, j’aicommencéàfairecesrêves,dontjet’aidéjàparlé.C’estlàquejemesuisditquejedevaismerendreàRiversideCreek,quej’ytrouveraispeut-êtrecertainesréponses.

–OK,admettonsquejetecroie,déclare-t-ild’untonabrupt.Qu’enest-ildureste?–Lereste?Quelreste?–Toutcequetum’asditdetoi.Parexemple,lediplômedeBerkeley?–Ilestauthentique.J’aibienvalidématroisièmeannéelà-bas.QuantaudiplômedeChicago,c’est

unfaux.Parcontre,j’aibienétémajordepromodeleurdépartementdephysiquecesdeuxannées-là.Jenet’aimentiquelorsquec’étaitnécessairepourmapropresécurité,plaidé-je,jetel’assure.C’estmêmedingue,nepuis-jem’empêcherd’ajouteravecunpetitrireamer,àquelpointj’aidumalàtecacherlavéritédepuisnotrerencontre…

Lapreuve:unefoisdeplus,j’endistrop.

Tyeemejaugeduregard,lesbrascroisés.Ilnesemblepasconvaincu.

–Tyee,jet’enprie,insisté-je.Sérieusement,tum’imaginesenparricidesociopathe?– Je n’en sais rien,Nikkie ! s’énerve-t-il.Non, bien sûr, je ne t’imaginepas du tout en train de

commettreunquadruplemeurtre.Maislaviem’aapprisqu’ilnefautpassefierauxapparences.J’aiconnu certaines créatures qui semblaient parfaitement innocentes et qui avaient commis les piresatrocités!

–Jesais,Tyee,j’aimoiaussicommismonlotd’atrocités.Monpèreestmortparcequej’airefusédeluifaireconfiance,c’estdemafautes’ilaétéassassiné.C’estloind’êtretout:j’aipristroisvies;j’aidisparusansriendireàquiconque,mêmeauxgensquim’aimaientetquiontdûavoir lecœurbriséendécouvrantcedontonm’accusait.Cesdix-huitderniersmois,j’aimentiàquasimenttoutesles personnesqui ont eu le tort de s’intéresser àmoi.Dèsquequelqu’un s’approchedemoi, je lerepousse,ledéçoisouletrahis.Jen’essayepasdetefairecroirequejesuisunange,loindelà.Maiscedonttumecroiscoupable,jenel’aipasfait.Jenesuispascettefille-là!

–Quies-tualors?

Bonnequestion.

Quisuis-je?Pasunange–jeviensdeledire.Est-cequeçafaitdemoiunmonstre?

L’odeurdechairbrûlée,cejour-làdanslamaisondemesparents,merevientenmémoire,ainsi

quelescrisdedouleurdestroisChasseurs.Lamortn’estpascommeàlatéléoudansleslivres.Ellen’estpassilencieuse,paisible,discrète.Lamortpue,lamortfaitmal,lamortestterrifiante.C’estcequej’aiapprisentuant.Parcequej’aiinfligécettepeur-là,etcettedouleursipuissantequ’iln’existeaucunmotpourladécrire.

–Toutcequejesais,c’estquej’ail’impressionqueNikkieO’Neiln’ajamaisexisté,réponds-jeenfin.QuantàNikkieMalone,j’ignorequielleest–etjenesuispascertainedevouloirledécouvrir.Quoi,tupensesquej’exagère?insisté-jeenayantl’impressionqu’unefoisdeplusilnemecroitpas.Jen’en rajoutepas,Tyee.Tu ignores ceque c’est quede tout perdre, jusqu’à ses certitudes et sonidentité.Tuignorescequec’estquededécouvrirunbeaujourquetoutetavie,toutecetteexistencequetuaimaistantn’étaitqu’unefoutueillusion!

–Tutetrompes,m’interrompt-ild’unevoixferme.Jesaistrèsbiencequeçafait.

Jesursaute:jem’attendaisàpeuprèsàn’importequelleréactionsaufcelle-là.Lesyeuxd’ambredeTyeesontbraquéssurmoietluisentd’unéclatétrange,quimêleàlafoisfranchiseetdouleur.Jeprendsconsciencequejenesaisriendesonpassé–rien,àpartcequ’ilabienvoulum’endire.Jenesais qu’une chose, c’est que lesmasques sont enfin tombés. On ne joue plus. Il comprend ce quej’éprouve,marépugnanceàêtremoi,parcequepouruneraisonquej’ignore–etquin’aàvraidireaucuneimportanceàcemoment–,ilsesentluiaussicoupable.Etcetteréalité-là,celledenosdeuxculpabilités capables de dialoguer ensemble, abolit durant une fraction de seconde toutes mesbarrières.Alors,sansréfléchir,jemelèvedemonfauteuil,m’avanceversluietl’embrasse.C’estunbaiser spontané, fougueux,unpeumaladroit audébut,mais celanedurepas longtemps : trèsvite,embrasser TyeeDarkridge redevient la chose la plus naturelle qui soit. Il se laisse faire, d’abordsurpris,puisréceptif.Sesbrasm’attirentcontresontorse,serefermentsurmoi.Jeposemesmainssursesépaulesnuesetmusclées.Jeneréfléchisplus:jesavoure.Songoût,sachaleur,sonodeur,legrainde sapeau…Tout chez luim’enivre.On se cherche, on s’empoigne, on semordille ; on serepousseetons’attireenmêmetemps,jusqu’àcequ’ilsedétachedemoi.

–Attends,medemande-t-ilhorsd’haleine.Onnedevraitpas…–Quoi?luisusurré-je.C’estparcequetun’aspasconfianceenmoi?Jeterassure:jenesuispas

certained’avoirnonplusconfianceentoi.

Jelui tendsmeslèvres,qu’ilévite.Ilm’attrapeparlementonetredressemonvisagetoutenmegratifiantd’unsouriretriste.

–Tuesvraimentunedrôledefille.Etnon,ajoute-t-ild’untonsérieux,jen’aipasconfianceentoi–maisça,c’estmonproblème,pas le tien.Jesuisunêtrebrisé,Nikkie,et jenepeuxaccordermaconfianceàpersonne.Peut-êtrequ’unjour,quandtumeconnaîtrasmieux,tucomprendraspourquoi.Cequiestclairen toutcas,c’estque tuas toiaussibeaucoupsouffert,et jenepensepasêtreceluiqu’iltefaut.

–C’estlàquetutetrompes.Tuesexactementceluiqu’ilmefaut.–Pourquoiest-cequetudisça?medemande-t-ilensecouantlatêtel’airnavré.Alorsquejene

peuxrientedonner,pasmêmemaconfiance?

Parcequemaintenanttueslaseulepersonnequimeconnaisseréellement.Parcequetuesbeauàencrever.Parcequejen’enpeuxplusd’êtreseule.

–Parcequejeneveuxrienobtenirdetoi,rétorqué-jeàlaplaceenplantantunregardrésoludanslesien.Et,demoncôté,jenepeuxrienpromettre.Jeneveuxrienpromettre,Tyee,parcequechacunedemespromessess’estjusqu’icitransforméeenmensonge.

–Tuespèresmefairecroire,dit-ilenrepoussantmescheveuxenarrièrepourmeregarderdanslesyeux,quetun’attendsriendemoi?

Jenesaispas.Peut-êtrequesi,qu’aufonddemoijerêved’unegrandeetbellehistoired’amour.D’unehistoiresimple,àlafoisnormaleetbouleversante,commedanslesfilmsdontonsaitd’entréedejeuqu’ilssefinirontparunmariage,unbébé,unhappilyeverafter.Saufquecettevie-là, jen’yauraijamaisdroit.Alorsautantmecontenterdecequejepeuxavoir.

–J’attendsça,dis-jeenm’emparantdesapaumevirilepourenembrasserl’intérieur.Etça,ajouté-jeenposantmeslèvressursonmentondécidé.Etça,continué-jeenmehissantsurlapointedespiedspoureffleurersabouchesensuelle.C’esttoutcequejeveux.Dusexe.Del’oubli.

Laseulechaleurquejepuisseobtenird’unautreêtrehumain.

–Lavraiequestionest:est-cequec’estcequetuveuxaussi?

Pour toute réponse, Tyee Darkridge m’ouvre ses bras. Il accueille mes lèvres alanguies, mondésespoirtenaceetmondésirbrûlant.

Jel’aidéjàdit:l’embrasserestlachoselaplusnaturellequisoit.Etc’estpourçaquec’estaussilaplusdéroutante.Aumomentoùnoslèvressejoignent,lanouvelleNikkiequ’ilafaitnaîtreilyaunesemaineréapparaît.UneNikkieplusfemme,plussensuelle,certainedecequ’elleveut.

Etcequejeveux,aveclui,estdéfinitivementclasséX.

C’est bien simple : le contact de ses lèvres souples, charnues, suffit à me donner toutes sortesd’enviesinnommables.Lefaitqu’ilaitlaplusbellebouchedumonde,irrésistiblejusquedanscettepetite cicatrise qui casse délicieusement la symétrie de son visage, ne gâche rien.D’ailleurs, je nepeuxm'empêcherdeparcourircettemarquediscrètequilerenduniqueaveclapointedemalanguemaisilm’interromptbienviteetreprendmeslèvresavecautorité.Salanguesejointfurieusementàlamienne.Sesdentsmordillentma lèvre inférieure, tirentdessus,occasionnantune légèredouleurplusqu’enivrante.

Oui,s’ilteplaît:fais-moisentirmoncorps.Fais-moisentirquej’existe.

Comme pour répondre à mon vœu secret, il tire de plus belle, jusqu’à ce que je gémisse dedouleuretdeplaisirmêlés.Alorsseulement,sabouchem’abandonne,haletante,pourallerexplorerlelobedemonoreille,moncou,maclavicule.Matêtebasculeenarrière.Jememetsàsoupireralorsquesesmainscommencentàparcourirmoncorpsavecimpatience–mesreins,mondosetenfinmapoitrine,qu’ilempoigneetpresse,déclenchantaucreuxdemescuissesunfeuardent.

Fais-moimesentirvivante.

Colléecontrelui,jesenssonsexedurcir,formerunebosseimpressionnantesousletissudeson

bas de pyjama. Sa verge dressée semble une réponse àmes tétons érigés, qu’il pince à travers ladentelledemonsoutien-gorgeetlecotondemonpolo.Àlahâte,ilsoulèvecedernier.Presséedeneplus rienavoirquimeséparedesapeau, j’accompagnesongeste.Bienvite, lepolose retrouveàl’autreboutdu salonalorsqueTyeemesoulèvedu sol commesi jenepesais rien. J’enroulemesjambesautourdesataille.Ilmemaintientcontresontorsepuissantenplaçantsesdeuxmainssousmescuissesnues.Nosbouchessecherchentdenouveau.Sanseffort,ilcommenceàgravirl’escalierdesavilla.

–Tuvasmeteniréveilléetoutelanuit,susurré-jeenembrassantseslèvres,sansmêmeypenser.–C’estunerequêteoubienunordre?–Cequetupréféreras.C’esttoiquidécides,luidis-jealorsquenousarrivonsaupremierpalier.–Encecas,jechoisislarequête,lâche-t-ilenmeplaquantcontrelemur.

Mesbras,quientouraientsoncou,sedétachent.Mesmainsseposentsursesépaulesdenageur.

–Tapeauestbrûlante,remarqué-je.–Latienneaussi.

Ilreprendsonascension.Nousatteignonsl’étagemais,aulieudemeporterjusqu’àlachambre,ilprendladirectiondelasalledebains.

– J’ai compris, murmuré-je en enfouissant mon nez dans ses cheveux châtains en bataille. Tupensesqu’unedouchefroidesuffiraàmecalmer.

– Je n’ai pas cette naïveté, non. C’est d’ailleurs l’une des innombrables raisons qui te rendentincroyablementexcitante.

Àl’aveugle,sansinterrompresacourse, ilouvrelaportedelasalled'eauetcontinued’avancerjusquesousladoucheitalienne.Sansmereposer,samainchercheàtâtonslethermostatetlerègle.Avantquej’aieeuletempsdecomprendrecequisepassait,uneeaudélicieusementfraîchesemetàpleuvoirsurnous.

–C’estmieuxcommeça,dit-il,sonvisageenfouidansmoncou.

Ilparcourtmaclaviculeavecsalanguepuismeposeparterre.Sesmainsdescendentlelongdematailleetl’enserrent.D’ungesteassuré,ilmefaitpivoterpourquejemeretrouvedosàlui.Ilrepoussemescheveuxdéjàmouilléssurmonépauleetembrassemanuque.Instinctivement, jemecambreetplaquemesfessescontresonbassin.Jesenssousletissudétrempésonsexetendu.Sondésirdécuplele mien. J’étais déjà excitée ; à présent, je suis affamée. Sa verge est tellement large, tellementimpressionnante!Jecrèvedel’avoirenmoi.Aucreuxdemescuisses,lefeuardents’estmuéenunvidebrûlant.Etl’eauquiruissellesurnoscorpsincandescents,bienloind’éteindrecetincendie,nefaitquel’attiser.

–J’aimequandtutefrottesàmoicommeça,grogneTyee.C’estcommesitumesuppliaismaissansparole.

–Jepeuxaussitesupplieràvoixhaute,situveux.–Vas-y,m’encourage-t-il.

–Baise-moi,réponds-je.Baise-moimaintenant.–Cen’estpasunesupplique,ça,c’estunordre.–Etalors?–Alorsjenerépondspasauxordres.–Fiertémalplacée,leprovoqué-je.–Tucrois?Jepensequetudisçaparcequetuesfrustrée.Maisonpeutremédieràça,dit-ilen

plongeantsamaindansmonshort.

Jememordslalèvreetondulepuisdéfaisleboutondemonshortpourluifaciliterlepassage.

–C’estgentilàtoidem’aider,sourit-il.

Sapaumeseposesurmonsexe,m’arrachantungémissement.Instinctivement,jemepressecontresamain.

–Doucement,dit-ilenécartantl’élastiquedemaculottepours'immiscer.Onn’estpaspressés.–Parlepourtoi,répliqué-jeenécartantlégèrementlesjambes.

Sesdentsseplantentdansmonépaulealorsque,dedeuxdoigtshabiles,ilouvremeslèvresavantdeposersonindexsurmonclitoris.Jesoupireet,entendantmamainenarrière,empoignesanuque.

–Tuescomplètementmouillée,soupire-t-il.–Toiaussi.C’estnormal,onestsousunedouche.–Jeneparlaispasdeça,dit-ileneffectuantunpetitmouvementcirculairedel’index.

Leplaisirexplosedanstoutmoncorps.C’estfini,jenerépondsplusderien.Songesteabalayémonsensdelarepartie.

–Continue,s’ilteplaît,gémis-jeenmecabrant.–Ah,tuvois?Là,tucommencesàsupplier.

Lesalaud.

Je souris de son irrésistible confiance en lui et m’ouvre un peu plus ; j’alterne halètementssaccadésetsoupirsdecontentement.Toutenmefaisantentendresonsouffleexcité,Tyeejoueavecmonsexe.L’autremainmalaxemonseindurci.Plusleplaisirmonteenmoi,plusjepenseàsavergeenérection.Jel’imagineentraindemepénétrer,j’imaginelasensationhallucinantedesoulagementquecelameprocurerait…

Jen’enpeuxplus,ilmelefaut.

Mapaumelacherche, la trouve, lapalpe.Jesens lesouffledeTyeesesuspendre.Mesdoigtsserefermentsursalargeuràtraversletissu.Tyeenebougeplus,terrassé.Victorieuse,jemeretourneetcommenceàtirersurl’élastiquedupantalondepyjama.

Quiaenviedesupplierl’autre,àprésent?

Pendant que j’achève de le déshabiller, Tyee prend appui contre le mur de ses deux mains etbascule la têteenarrière.L’eaude ladouchedéferlesursonvisageetsursoncorpssplendides.Jesuis transportéeparcettevision incroyablementérotiquedececolossequimesurplombedansuneposture d’abandon total. Je me mets à genoux et libère enfin sa virilité, admirant au passage sesdimensionsahurissantes.Jemerelève,entourantdemamaincettevergeàlapeausoyeuse.LesbrasdeTyeeserefermentsurmoi,sesdoigtsagilesdéfontsansunehésitationl’agrafedemonsoutien-gorge. Il fait glisser les bretelles le long de mes bras, balance en dehors de la douche les deuxtrianglesdedentellerosepoudré,puisattrapemonshortnoirqu’ilcommenceàbaisser.Demoncôté,jemetortillepourm’enextraire.Çayest,jesuisenculottefaceàcettestatuegrecquequimeregardeavecdesyeuxétincelants.Sonregardtransisuspendletemps;uneéternitépassedanssesprunelles,durant laquelle ilnechercheplusàmedéshabiller,àmedonnerduplaisirouàenprendre,maisàsimplementmecontempler.

– Tu es tellement belle, putain, lâche-t-il d’une voix rauque qui me rend dingue tout enm’intimidant.

–Tais-toi,réponds-jeenrougissantetencachantmonvisageentremesmains.–Non,Nikkie,dit-ilens’emparantdemespoignetsetenplaquantmesmainsau-dessusdematête,

contrelamosaïquedesadoucheitalienne.Laisse-moitedireça,aumoins.Etlaisse-moiteregarder.

Jefermelesyeux,relèvelementonetretiensmonsouffle.C’estdifficilemaisjen’aipaslechoix:parcequ’illeveutetparcequejenepeuxrienluirefuser,jem’offreàsonregardbienquej’aiepeurqu’il remarque le catalogue demes imperfections –mon visage trop rond,mon front trop grand,monnezasymétrique,j’enpasse.Sesmainsrelâchentmespoignets,descendentlelongdemesbras,caressentmesjoues,moncou,mesépaules,tracentlescontoursdemonbuste,suiventlecreuxdemataille,lacourburedemahanche.Jerouvrelesyeuxaumomentoù,àsontour,ils’agenouillefaceàmoi.Jeplongemesmainsdanssescheveuxmouillésalorsqu’ilfaitdescendrelentementmaculottelelongdemesjambestoutenembrassantmonventre.Salanguetracelecontourdemonnombril,seslèvresdescendentjusqu’àlanaissancedemonsexe.Ilhumemonodeur,fermelesyeuxdansunaird’extasepuispassesonbrassousmacuissedefaçonàcequecettedernièrereposesursonépaule.

Ilcommenceàmelécheralorsquemesdoigtssefermentsursacrinièred’unedouceurinsolente.L’eaucontinuedemefouetter,toujoursfraîche,bienvitetransforméeenunevapeurtièdeaucontactde nos peaux échauffées par la température extérieure et par le désir. La bouche charnue de Tyeeenglobemes lèvres, lesaspire, lesmordille très légèrement ; sa langue trouvesonchemin jusqu’àmonpointleplussensible.Jemecrispepuismerelâchedansunsoupir.Meshanchesbasculentversluietjenepenseplusàrien.Jenesuisd’ailleursplusqu’uneondedeplaisir,unechairquifrémit,uncorpsqui remue.Tyeemegoûteavec tantd’appétitque j’enoublie touscesdéfautsqui, ilyauneminuteencore,mefaisaientrougir.J’ail’impressiond’êtreunedéesse.Meshanchesaccompagnentlemouvementdéterminédesalangue.Monventres’embrase,moncorpshurlededésir.Jeleveuxenmoi,toutdesuite,àn’importequelprix.

–Parpitié,supplié-je,prends-moi.

Ilserelève,attrapemescuissesparendessouset,unenouvellefois,mesoulève.Ilsetientdresséentremesjambesécartées.Songlandgonfléappuieàl’entréedemonintimité.

–C’estçaquetuveux?demande-t-ilens’enfonçantd’uncentimètre.

Jepousseungémissementdéchirant,animal,etempoignesanuque.Mafrustrationestaumoinsaussiintensequemonplaisir.

–C’estça?répète-t-ilenpoussantcettefoistoutsonsexeenmoi.

Alorsquesavirilitémeremplit,lafrustrations’efface.Nerestequeleplaisir.Sespectorauxquiappuientcontremapoitrine,sapeaucontrelamiennemefontgrimperencored’uncran.Jecrieetmeresserreautourdesavergeensavourantlegrognementqu’ilpousseaucreuxdemonoreille.D’unmouvementimpitoyable,Tyeemedonneenfincedontj’aitellementbesoin:unva-et-vientdéterminé.Bienentendu,jesuistellementexcitéequeleplaisirmontetoutdesuiteenflèche.Jesensl’orgasmevenir en seulement quelques secondes. Aux gémissements qui s’échappent dema gorge, Tyeemedevineprêteàdécoller.

–Tuvasjouirpourmoi.Tuvasjouirenrépétantmonnom.

Ilnem’enfautpasplus.Soncôtédominantmefaitperdrelatête.Monsexe,monventre,mesreinsse contractent avec une violence inouïe. Tout entière, je suis prise de spasmes de jouissance.L’orgasmequimeterrassemefaittremblerdanslesbrasdeceluidontjecrielenom,lemenantàsontourauplaisir.Noscorpsruisselantsglissentuneultimefoisl’uncontrel’autreavantqueTyeesoitprisdecesoubresautquisignaleladélivrance.Ils’enfonceenmoienpoussantunrâlesauvage.Monorgasme semble continuer indéfiniment, commeun prolongement du sien.Mes doigts s’enfoncentdanssondos.Jen’enfinisplusdegémir, j’ai la têtequitourne.Jelesensauplusprofonddemoi,c’estsibon…

–Nikkie…Nikkie,putain…

Noustremblons.Bienquenousayonstouslesdeuxjoui,ilneseretirepas,nemereposepasausol.Ilrespirepaisiblementenrépétantdoucementmonprénom,levisageenfouidansmoncou.L’eaucontinuededéferlersurnouscommeunedélicieusecaresse. Je regardedroitdevantmoi, lesyeuxbrillants et humides. Je me sens perdue, chamboulée, effrayée, mais avant tout vivante pour lapremièrefoisdepuisdix-huitlongsmois.

2.Lescréaturessauvages

Tyee

Enapprenantilyaunesemainesavéritableidentité,j’aicruqueçamevaccineraitcontrel’enviede recoucheravecelle. Jemesuis trompé.Dèsque je l’ai sentiearriver, j’ai euenvied’elled’unefaçonsiviolentequejen’aipaspumeraisonner.Etcettefois-ci,iln’apasétéquestionqu’elleparteaubeaumilieudelanuitouquejedisparaisseavantl’aube:nousnoussommesendormisensemble,dansmonlit,sansmêmenousenrendrecomptetellementnousétionsépuisés.

Lerestedelanuitaétéhachuré.Dèsqu’onsefrôlaitsouslesdraps, l’excitationrevenaitenuneseconde. Je n’avais jamais connu ça : c’était comme une drogue, une sorte de délire capiteux.Pourtant,derrièrecetteintimitéphysique,Nikkieetmoinenousconnaissonspas.Oh,biensûr,jesaisqu’ellen’estpour riendans les troismeurtresquiont récemmentagitéRiversideCreek : elle étaitchez moi au moment où le campeur a été tué – c’est-à-dire entre 23 heures et minuit d’après lerapport d’autopsie que Johnm’amontré. Je sais également que l’histoire qu’ellem’a racontée surTom,sur la façondont il luia restituésespouvoirsavantd’êtreassassinésoussesyeux,estvraie.Pendantqu’elleparlait, j’ai étéattentif à ses signauxcorporels– rythmecardiaque, températureducorps, dilatation des pupilles, ocytocine. Elle ne ment pas. Je l’ai poussée à bout, pour être biencertain.Maisçarendencoreplusénigmatiquecettetachedenaissancequ’elleaenbasdesreins,enformedecroissantdelunesurmontéed’uneétoile,identiqueautatouageques’étaitfaitfaireCara.Cegenredemystèreestrarementannonciateurdequelquechosedepositif.

Jepensequ’ellenesaitrienàcesujet.Commentpourrait-elleconnaîtreCaraalorsqu'elleignoraitqueTomavaitvécuici?Maissitoutmepousseàlacroire,unepartdemoinepeuts’empêcherdeseméfier.Aprèscequej’aivécu,c’estplusfortquemoi.

–Café ? lui proposé-je d’un ton bourru alors qu’elle descend les escaliers, les cheveux encoremouillésparladouchequ’ellevientdeprendre.

Elle accepte la tasseque je lui tends avecune reconnaissanceunpeuempruntée.Lavoirdanserd’unpiedsur l’autre,gênée,m’arrachemalgrémoiunsourire.Onapassé lanuitnus,emboîtés,àgoûter nos peaux, à se faire jouir, et voilà qu’au réveil on se comporte comme deux adosmal àl’aise!

Pasunpourrattraperl’autre.

N’empêche,Nikkien’enrajoutaitpasquandelledisaitnerienpouvoirpromettre.Elleal’airaussiabîméquemoi–j’avouequeçametrouble.Aveclesfemmes,j’aiétéhabituéàdevoirmanifestermaréserve,àmemontrerdistantpourdeux.Ladernièrefilleavecquij’aieuuneaventure,Victoria,unecommerciale qui travaillait dans lemême complexe de recherche quemoi à Sunnyvale, a fini parm’offrir l’un de ces panneaux qu’on accroche sur les poignées de chambre d’hôtel – ceuxmunisd’unefaceinvitantàfaireleménageetl’autreindiquant«Nepasdéranger».

–C’estpourmesouvenirquedanstonesprit jesuis toujoursdetropetque,mêmesiunjourtum’invitaisàyentrer,ceneseraitquepourquejeconstatel’effroyablebordelquiyrègne.

Au lieud’êtreblessé, j’avais ri,cequiavaitpermisàVictoriadese forger lacertitudequepar-dessus lemarché j’étaiscruel.Peut-êtreavait-elleraison ; lacruautéest indéniablement lemeilleurmoyenquejeconnaissepourtenirlesgenséloignésdemoi.Lesouci,c’estquejen’aiaucuneenvied’êtrecruelavecNikkie,nideluifairesubirmonbordel.Aprèscequ’elleaenduré,ellemériteunpeud’apaisementetpasdepassersesnuitsavecuntypecabossé,aucœuràdemimort,obligédeluicacherlavérité.

Aumoins,surcedernierpoint,jepeuxfairequelquechose.

Je dois parler à Declan, et d’urgence. En tant qu’Alpha, lui seul peut m’autoriser à raconter àNikkie ce qu’il s’est passé il y a vingt-deux ans. Il peut également choisir de la maintenir dansl’ignorance.C’estunrisqueàcourir–mêmesicettedernièreoption,jel’avoue,merépugne.JemesensresponsabledecequiarriveàNikkie.Aprèstout,cequiestarrivéaumomentdesanaissanceestdemafaute–ouplutôt,delafautedessentimentsqueCaraéprouvaitpourmoietquejen’aipassuenrayer.

DèsqueNikkieserapartie,jepasseraiàlaMaisondelacascadediscuteravecDee.

Commepourfaireéchoàmespensées,ellem’interpelle.

–Tyee, jedois filer, jebossedansuneheure…Est-ceque jepourrais repasser tevoirdurant leweek-end?Paspourjouerlespotsdecolle,précise-t-ellesurladéfensive,maispourparlerdemonpère.

–Qu’est-cequetuveuxsavoir?demandé-jeenmeraidissantimperceptiblement.–Jenesaispas.Commentilétaitquandilétaitjeune,parexemple.Quiétaientsesamis.Pourquoi

il a quitté la ville, selon toi.Ce qui l’a poussé à seméfier autant de la sorcellerie.Tout ce que tupourrasm’apprendre,enréalité.

Parexemple,quiétaittamèrebiologique?QuellerelationTomentretenaitavecelle?Dansquellescirconstancestragiquestuesvenueaumonde?

–Jen’aipasgrand-choseàt’apprendre,Nikkie.

Dumoins,tantquejen’aipasl’accorddelameute.

–Pasgrand-chose,c’estmieuxquerien,réplique-t-elleenhaussantlesépaules.

Je consens à prendre sonnuméro– en espérant queDee serad’accordpourque jem’en serve.J’aimerais de mon côté m’assurer que la prochaine fois que je la verrai, je ne me laisserai pasdéborderparcequ’elleprovoqueenmoi.Maisça,çamesembleencoreplusdifficileàenvisageraprès cette nuit.Maintenant, ce qui se joue entre nous est plus qu’une simple question d’attirancephysique : hier, elle s’estouverte àmoi,quoiqu’elle endise, et je l’ai laissée faire, quoique j’enpense.Jenepeuxpasjouerl’autruche:oncommenceàserapprocheret,vucequejesais,cen’estclairementpasunebonneidée.

C’estàmoidem’éloignertantqu’ilestencoretemps.

Jeferaismieuxderessortirdemescartonsencorenondéballésl'affichetteofferteparVictoria.EtdefairelegrandménagedansmatêtepourenchasserNikkieO’Neil.

Commençonsdéjàparchassertoutetracedesaprésencechezmoi.

Étape 1 : brûler les draps dans lesquels nous avons dormi. Ils sont bien trop imprégnés de samerveilleuseodeur.

***

–Tupensesquoidesonhistoire?medemandeDeclan,enfoncédansunfauteuilChesterfield.–Jepensequ’elleestcrédible,dis-jeenallongeantnosscotchsàl’alkaseltzer–aprèstout,iln’est

que16heures.J’aiétéattentifàtouslessignes.Sicettefillem’amenti,c’estunepro.Encecas,ellen’aurait rien à craindre duFBI : elle pourraitmettre en déroute leurs détecteurs demensonges endeuxtempstroismouvements.

–C’estdonccettetachedenaissancequiposeproblème,réfléchitDeclanenattrapantleverrequejeluitends.

–Ça,etlefaitqu’onnesaittoujourspascequituedanslesbois.–As-tuavouélavéritéàNikkie?medemande-t-ild’unairinquisiteur.–Évidemmentnon.Jevoulaisd’abordt’avertiretavoirtapermission.Malgrécequetusembles

penser,jerespectetapositiond’Alphaetnecomptepastedéfier.–Quitteàmentiràlafilleavecquitucouches?Alorsquoi?Cen’estpassérieuxentrevous?Si

c’est le cas,n’hésitepasàme le faire savoir, jepourraispeut-être tentermachance,meprovoqueDecland’untonsifflant.Aprèstout,ellenemanquepasd’attrait.Etpuisceneseraitpasfabuleux?Toietmoi,partageantlamêmefemme,commeaubonvieuxtemps…

–Declan,grondé-jemalgrémoi, je t’aimecommeunfrère,maisne jouepasàça,c’est injuste.Nikkien’estpasCara.

–Dois-je endéduire,mecoupe-t-il, que contrairement àCara tu refuseraisde l’éliminer si elles’avéraitmalfaisante?

Jerested’abordinterditparsaquestionetcherchequoiluirépondremaisjen’aipasletempsdetrouver :Shannonfait irruptiondans lapièce.Après tantd’années,çamefaitunchocde la revoir.Elleagardéseslongscheveuxnoirsetsastatureimpressionnante.Pourlereste,elleachangé.Sonvisage est moins avenant qu’avant, sa bouche généreuse est désormais figée dans une expressionamère.Ses immensesyeuxd’Indienneetsapeaucaféau laitnebrillentplusdumêmeéclat.Sinon,c’estbienelle:lafemmequiafaillidevenirmonépouse,notreAlpha,bienquej’enaimaisuneautre.Elleporteàl’épauleunsacdevoyage,qu’ellelaissetomberdanslastupeur.

–Fionam’aavertiequetuétaisrevenu,lâche-t-elled’unevoixblanche,maisjenepouvaispasycroire.Etpourtant,tueslà…aprèsvingt-deuxans…

Elleavanceversmoid’unpasdécidé.Sansquej’aieeuletempsdelavoirvenir,samains’abatsurmajoue.

–Salaud!hurle-t-elleàmonvisage.Tuasunsacréculotdereveniriciaprèscequetum’asfait!–Shannon,jesuis…–Non,jeneveuxrienentendre.Tum’ashumiliée!Tum’as…–Shannon, l’interromptDeclan, je te conseille de changer de ton.Dois-je te rappeler que c’est

Tyeequiasauvélameutecettenuit-là?Quit’asauvée,toi?–Ilm’asauvée?Ilm’aabandonnée,oui!Alorsquenousdevionsnousmarier,ilestpartisansme

direunmot.Lepire,c’estque tu ledéfendsencorealorsque tusais trèsbienpourquoi ilapris lafuite. Dis-lui, espèce d’hypocrite, m’intime Shannon. Dis-lui que tu aimais cette sorcière, cettecinglée,cettesalo…

–Assez!rugitDeclan,nesupportantpasdel’entendreparlerdeCaraencestermes.

Shannonsefige.Aprèstout,DeclanestsonAlpha.Ellesemblenéanmoinssurprisedesaréaction.

J’imaginequ’aprèstoutcequ’elleluiafaitsubir,ons’attendraitàcequeDeclandétesteCara.

Or,cen’estpaslecas.Ceneserajamaislecas.C’estpourçaquejen’aipasvoulum’interposerentreeux:jamaisjen’auraispuaimerCaracommeDeclanl’aimait.Shannonmejetteunregardnoiravantdefoncerverslasortie.Elleramasseaupassagesonsacdevoyageetsortenclaquantlaporte.

– Shannon était en vacances, m’explique Declan. Fiona a dû l’appeler pour la prévenir de tonretour.Après tout, j’imaginequ’ellesesentencoreconcernéepar tonsort.Elleétaitdinguede toi,mêmesipourtoiilnes’agissaitqued’unmariagederaison.

–Qu’est-ceque j’étaiscensé faire?soupiré-jeenmepassant lamainsur levisageavantdemelaissertomberdansl’undesChesterfield.L’emmeneravecmoiàStanford,l’épouserquandmême?Cesfiançailles,j’yaiconsentiuniquementpourlebiendelameute.UnAlphadoitchoisirlafemellequi deviendra son épouse dans l’année qui suit sa désignation. Shannon aurait fait une excellenteAlphamaisjenel’aijamaisaimée,tulesaisbien.

–Oui,jelesais.Shannonaraison,toncœurétaitprisailleurs,répondamèrementDeclanavantdemedemander àbrûle-pourpoint : Il y aune choseque j’ai toujoursvoulu savoir. Je sais queCarat’aimait. Qu’elle a voulu détruire la meute, quitte à tous nous tuer, pour que tu sois libéré de tesresponsabilitésd’Alphaetquetunesoispasobligéd’épouserShannon.Maistoi,danslefond,qu’est-cequetuéprouvaispourelle?Tul’aimaisaussi?

Jeregardemonancienami,démuni.Est-cequej’aimaisCara?Voilàlaquestionquejemeposedepuis mes 16 ans. Oui, je l’aimais. Mais pas assez pour la choisir elle plutôt que mon devoird’Alpha.Etsurtout,pasassezpourtrahirDeclan.

–C’était…C’étaitCara,Declan,finis-jeparrépondre.Tusaisaussibienquemoiàquelpoint ilétaitimpossibledenepasl’aimer.

Après tout, nous avions grandi ensemble, toujours fourrés tous les trois, après que lameute arecueilliCara.Dessentimentssontnés,c’estcertain.MaisquandCaram’aavouésonamour,lesoirdemes 18 ans, quand elle a voulu se donner àmoi, j’ai refusé, parce que je savais l’importancequ’elleavaitauxyeuxdeDeclan.

–Vouscouchiezensemble?medemandecedernierenresserrantlesdoigtssursonverrevide.

–Jenel’aimêmejamaisembrassée,Declan.Jen’auraispasputefaireça.Notreamitiéatoujoursétécequicomptaitleplusàmesyeux.Tuescommeunfrèrepourmoi.

Declan ne répond rien.Malgré son silence, je ressens son soulagement. Il a dû s’en poser, desquestions,toutescesannées–commemoi.

Nous n’avions pas évoqué Cara depuis cette terrible nuit. Sans doute étions-nous trop à vif.Immédiatement aprèsque j’aimorduCara, la condamnant àunemort certaine etdouloureuse,unebagarreaéclatéentreDeclanetmoiet,pournepasrajouterl’humiliationàladouleur,jel’ailaisségagner–de toute façon, à cemoment-là, jenevoulaisplusêtre l'Alpha. Je lui ai ensuitedemandél’autorisationdepartir,qu’ilm’aaccordée,nepouvantplussupporterdemeregarderenface.Nousnenoussommespasparléjusqu’àmonretour.Vingt-deuxannéesoù,detoutefaçon,messentimentsétaient tropconfuspourque jesachequoiendire.Àprésentque jesuisrevenu, touts’éclairedansmonesprit.CequejeressentaispourCaraétaitunetendressepuissantemaisenfantine,unamourplusfraternelquecharnel.

Lorsqu’elleestvenuevivreauseindelameute, j’avais8ansetelle6.Samère,Lena, tenaituneboutiquedematérielésotériquedanslecentre-ville.ElleétaitveuveetCaradéjàenpartieorpheline.Un jour, Lena est allée cueillir de la sauge au-delà des limites protégées par les loups et elle esttombéesouslejougd’unincube,quiaabuséd’elle.Ellenes’enestjamaisremise.Peuàpeu,sasantémentales’estdétériorée.Elledevenaitviolente,avaitdescrisesdenerfsincontrôlables.Horrifiéedesevoirchanger,elleaconfiésonenfantaupèredeDeclanetadisparu.Nousn’avonsapprissamortquedesannéesaprès.Quantàmoi,deuxansaprèsqueCarasoitvenuevivreauseindelameute,çaaété àmon tourdeperdremesparents.Ces épreuvesnousont rapprochés,Cara etmoi.C’était unefillettefragile,touchante,enmanqued’amour.Jamaisjen’auraispenséqueletempscreuseraitenelleunefaillesiprofondequ’ellebasculeraitdanslapsychose.

–Declan, jesuisdésolé.J’ai l’impressionquemonretourfoutpluslamerdequ’iln’arrangeleschoses.

– Non, me rassure-t-il. Ce que tu as découvert sur Nikkie est important. Jamais je n’auraissoupçonné son lienavecCara sans tonaide.Etpuis, ajoute-t-il, je suis contentde tevoir.Tum’asmanqué.

Pendantunefractiondeseconde,jemesensprochedeluicommeavant.Avantquel’ongrandisse,queCaram’avouesessentiments.Avantqu’ellenesorteavecDeclanquedansl’espoirdem’oublier,sansyparvenir.Avantquesonchagrinsetransformeendépitetsondépitenfolie.AvantqueDeclanetmoinousaffrontionspourlaplaced’Alphaetquejelesoumettedevantsonproprepère.Avantquelafemmequ’ilaimaittentedel’éliminer,ainsiquelameuteentière,enpensantqueçaluipermettraitd’êtreavecmoi.

–Tum’asmanquéaussi,dis-jeavantqu’unlongsilences’installe.–Nikkie,finit-ilpardéclarer.J’aimeraisqueRufuslavoie,qu’ill’interroge.Aprèstout,ilestle

plusâgéde lameuteet il connaîtbien lamagie. Je crois égalementqu’il seraplusobjectif. Il fautquelqu’unquiait l’espritclairpourpercer lemystèredecette tachedenaissance.Àl’heureoùunevaguedemeurtressimilairesàceuxcommisparCaraéclate, je trouvecepointcommunentreelleplusqu’inquiétant.

–Oui,moiaussi.

Sauf quemoi, je nem’inquiète pas seulement pour lameutemais aussi pourNikkie. Je prendsdonc congé en promettant à Declan de revenir le plus vite possible avec elle. Au moment où jem’apprêteàquitterlepetitsalon,ilmerappelle.

–Tyee,tunem’aspasrépondutoutàl’heure.Àquelpointtiens-tuàcettefille?– Je ne vais pas te mentir, Declan. Elle… Elle me touche. Mais ça ne change rien : si elle

représentaitundangerpourlameute,jetelaisseraisfairetondevoir.Jet’enfaisleserment.

3.Del’artdeséparersexeetsentiments

Nikkie

Alors que je me penche pour essorer la serpillière, Laura aperçoit le bas de mon dos. Bienentendu,lesuperbehématomequejemesuisfaitcettenuitn’échappepasàsavigilance.

–Bonsang,Nikkie,tut’esfaitpasserdessusparuntrainouquoi?

Pasparuntrain,non.

–J’aiunepeauquimarquefacilement,réponds-jeenrougissantetentirantsurmonpolo.–Sansdéc’?Ettufaisdelaboxe,aussi,àtesheuresperdues?

Non.J’aifaitdusexevraimentacrobatiqueetvraimentpornoavecunloup-garouultra-hotquiavisiblement des infos surmon père adoptifmort. Et je culpabilise déjà assez comme ça alors n’enrajoutepas!

JedoisêtrepivoinecarLauracomprendsoudaincommentjemesuisretrouvéeaveccejolibleujusteau-dessusdesfesses.

–Han !Tu t’es fait çaaucoursd’une séancedegalipettes !T’asunamoureux,chantonne-t-ellecommeunegamine.

–Pasunamoureux,lacorrigé-je.Unsexfriend,toutauplus.

Etencore !Àvoir la réactiondeTyeecematinquand je luiaidemandésionpouvaitparlerdeTom,jedoutequ’ilaittrèsenviedemerevoir…Jepréféreraismoiaussilelaissertranquille,nepasavoir à essuyer sa froideur ou son indifférence – c’est toujours un peu blessant pour l’ego.Simplement,jen’aipaslechoix:jedoisbientrouverdesréponses!Uneheuredesontemps,c’esttoutcequejedemande.Cen’estquandmêmepaslamèreàboire!Ensuite,jemetiendraiàdistance.Detoutefaçon,çavautmieuxpourmoi.Ceque j’aiéprouvéaucoursdecettedeuxièmenuit,cettejoiededésirer,d’êtredésirée,desentirmoncorps,depouvoirêtremoi-même…Çaressemblaitfortàunembryond’attachement.Bref,toutcequedèslepremierregardj’avaiscraint–etdécidéd’éviter.

–Loin demoi l’idée de te juger, commenteLaura avec unpetit air que je trouvepourtant bienmoralisateur,maistudevraisfairegaffe.

–Àcausedeça?Cen’estqu’unbleu,probablementdûàunepoignéedeportemalplacéeouàunrobinetmalencontreux!

–«Robinet»?medemande-t-elleintriguée.–Oubliecettehistoirederobinet,bafouillé-je.Cequejevoulaisdire,c’estquetun’aspasàt’en

faire. De toute façon, je ne suis même pas certaine de le revoir, ce type. Je t’assure que ce n’estvraiment pas comme si j’avais signé un pacte avec Christian Grey pour me retrouver dans sachambrerougedeladouleur!

–Tuaslucebouquin?medemandeLauraétonnée,lesyeuxbrillantsd’excitation.Jenepensaispasquec’étaittongenredetrucs,vuquetuvasàlafacettout.

–J’aiaussiunevieprivée,faitedenuitssolitairesettout,rétorqué-jeavecunclind’œil.–Plusmaintenant,visiblement.

Nouspouffonsenchœur,çamefaitdubien.

–Detoutefaçon,reprend-elle,quandjedisaisquetujouaisàunjeudangereux,jeneparlaispasdeton bleu – tu auras peut-être dumal à le croire mais moi aussi, parfois, je me réveille avec descourbaturesetdescontusions.

–Laura!ris-je,choquée.– Je parlais, continue-t-elle, imperturbable, du risque qu’on encourt à vouloir dissocier sexe et

sentiments.Cen’estjamaisunebonneidée,mapetite.

Àcemoment, commepour appuyer lesproposdeLaura etmenarguer,monportable semet àvibrerdansl’unedespochesdemonmini-tablier.Numéroinconnu:moncœurrateunbattement.

C’estlui.

–Allô ? dis-je en essayant de ne pas laisser transparaîtremonmélanged’excitation et de…Dequoiexactement?D’appréhension?

–Jet’avaisditquejet’appellerais.

Jeretiensmonsouffle.Savoixgrave,profonde,quiprononcedesparolesnonchalantes,mecolledesfrissonsbienmalgrémoi.

–Mauvaiseidée,articuleLaurasansémettreunson,ayantcertainementdevinéàmonairextatiquequec’estmonsexfriendauboutdufil.

Jeluifaissignedemelaissertranquillepuisvaismeplanquerenréserveafind’avoirlapaix.

–Dis-moi,est-cequetuauraisunpeudetempsdemain?–Ehbien…Jefaislamatinéeetleservicedemidimaisjedevraisêtredispoà15h30.–Trèsbien.Tuseraisd’accordpourqu’onpassechezDeclanet lameute?C’est légèrementen

dehorsdelaville.–Euh…Trèsbien,réponds-jedéstabilisée,necomprenantpastoutdesuiteoùilveutenvenir.–C’estsimplement,dit-ilenpercevantmonhésitation,quejecroisquetupeuxobtenirlaplupart

desréponsesquetucherchesenpassantlà-bas.Tuesd’accord?–Oui,pasdesouci.Jeveuxdire:merci,mereprends-je.C’estcooldetapart.« Cool de ta part » ? Alors que j’étais persuadée il y a encore cinq minutes que jamais il

n’appellerait?Queça faitdix-huitmoisque j’avancedans lenoiretqu’enfinmonenquêteprometd’avancer?Jemefoutraisdesbaffes.

–«Cool»:c’esttouttoi,ça,rétorque-t-il–etjepeuxpresquedevinerledemi-sourirecraquant,légèrementmoqueurqu’ilesquisseenprononçantcesquelquesmots.

Bon,jel’amuse.J’imaginequec’estdéjàça.

Moi,toutçanem’amusepasdutout.Jesensmonpetitpalpitants’affoleretça,cen’étaitpasprévuau programme, surtout pour un type qui, je cite, est « un être brisé », qui « ne peut accorder saconfianceàpersonne»etnepensepasêtre«celuiqu’ilmefaut».

Cequ’aditLauraestvrai:c’estdifficiledeséparersexeetsentiments.

***

Lelendemain,leroadsterdeTyeeDarkridgesegaredevantChezSallyàtrèsexactement15h28.Avantqu’ilarrive,jen’aipaspum’empêcherd’allermemaquillerenréserveetdemechangerpourmeglisserdansmamini-jupeencuirfétiche.Commeladernièredesmidinettes.

Jemehais.

–Ciao, Kat ! crié-je à une autre serveuse en attrapantmon sac et enme ruant vers la porte.Àmardi!

–Àmardi!merépondmacollègueavantd’ajouter:Hey!C’estpourtoi,labagnolederêveetlemecàtomberquiattendentdevant?

Jememordslalèvre,netrouvepasquoirépondre.Moi-même,jenesaispasexactementcequeDarkridge fait là – juste qu’elle a raison, il est à tomber.Négligemment appuyé contre la portièreconducteurdesaMercedes,ilmeregardeavancer,brascroisés.Avecsestraitsfins,sonvisageviril,sacarrured’athlète,ilestindécemmentbeau.ImpossibledevoirsesyeuxderrièresesRay-Banmaisgrâceàlafossettedesajoue,jepeuxdevinerunsourireretenu.

–Salut!luidis-jeenluifaisantunerapidebise.

Bonsang,ceparfum.Ilmerenddingue.

Est-ce que tous les loups-garous ont cette odeur ? Celle de l’herbe fraîchement coupée et desgrandsespaces?Etest-cequecetteodeurfaitréagirtouteslesfillesaussiviolemmentquemoi?

– Salut, me répond-il avec un sourire indéchiffrable avant de faire le tour de la voiture pourm’ouvrirlaportière.

Évidemment, je ne peux pasm’empêcher de trouver le geste classe ou d’admirer sa démarcheféline…Pfff,çanevadécidémentpasêtrefaciledemettredecôtémonattirancepourlui.

Quand je pense que j’espérais, la première nuit, que coucher avec lui ferait redescendre lapression…

Onpeutdirequejemesuisplantéeenbeauté!Maintenantquej’aigoûtéàsapeau,àseslèvres,quej’aicaressésoncorpsparfait,c’estencorepire.

Tom.JesuislàpourTom.

Découvrircequevoulaitmediremonpère,c’estmonseulobjectif.

Siseulementc’étaitvrai…

–J’aimebiencettejupe, lâche-t-ildesavoixrauquealorsquejemefaufileprèsdeluipourmeglisserdanslaMercedes.Tulaportaisquand…

Il s’interrompt mais c’est trop tard : cette mention à notre première nuit ensemble suffit à memettredanstousmesétats.Jeréfrènelaboufféededésirquimesubmergeetgrimpesurlefauteuilencuird’agneau.

–Bon,alors,exigé-jepourpenseràautrechosealorsqu’ilrefermelaportièrederrièremoi,dis-moitout:qu’est-cequejevaistrouverlà-bas?

Ilnerépondpasréellementmaismebriefeenrevanchesurtoutcequejedoissavoiràproposdesloups, de leur organisation, de leurs coutumes. Je découvre par exemple que les transformationscommencentàlapuberté–c’estàcemoment-làquelemétabolismedesloupschange.Ouqueleurrenouvellementcellulaires’accélèrepouratteindresavitessedecroisièreàl’âgeadulte,expliquantlalenteurdeleurvieillissementetleurvitessedecicatrisationencasdeblessure.Quantàl’Alpha,ilestchoisiaumomentoùsonprédécesseurnesesentplusenmesured’assureraumieuxlaprotectiondelameute.Tous les jeunesmâlessontdonc invitésà l’affronter.Celuiqui réussità lesoumettre– iln’enexistequ’unpargénération–devientAlphaàsontour.

Lorsquenousarrivonsaupieddelamaisondelameute,jenepeuxretenirunjuron.

–Bordeldemerde.

Jem’attendais…Jenesaispas…Àunesortedevillagemédiévalavecdeshuttesenpaille!Voilàquejemeretrouveaupieddelademeurelaplusimpressionnantequej’aiejamaisvue.Construiteàflanc de cascade, tout en pierres grises et baies vitrées, c’est un véritable bijou d’architecture,constituédeseptétagesquis’intègrentparfaitementaudécor.Protégéepar lesarbresdesbois,elledominelarivière.Unefoisàl’intérieur,cettemaisonmesembleencoreplusdingue.Lesespacessontimmenses,lemobilierépuré,ladécosoignée.Aumilieudelapiècecentralesetrouveunescalierenbétonquipermetd’accéderauxétages.

–Combiendemètrescarrés?m’enquiers-je,abasourdie.–500m2parétage, soit3500m2 en tout, clame lavoixchaleureusedeDeclanquidescend les

escaliersànotrerencontre.Commetumel’assouventfaitremarquer,noussommesunefamilletrèsnombreuse.

Je ris à l’évocation de toutes les fois où je lui ai fait des allusions sur ses « cousins ».Çamepermetdemasquermagêne : jene l’avaispas revudepuisnotre« rendez-vousgalant»où je l’aiplantépourfilerDarkridge…etatterrirdanssonlit.

Sait-ilcequisepasseentresonamid’enfanceetmoi?

Rectificatif:cequis’estpasséentresonamid’enfanceetmoi–lepassésembleêtreletempsleplusadéquatpourévoquercesdeuxcoupsdefoliesuccessifs.Tyees’estrepris.Depuishiermatin,ilsemontredistant.Amical,maisdistant.

Et,àmongranddésarroi,jedécouvreàmesuredessecondesquejepréféraisquandilétaitagressifmaisqu’ilnepouvaitpass’empêcherdeposersesmainssurmoi…

Je ne peuxm’empêcher de gamberger alors queDeclanme fait faire le tour du propriétaire –enfin, de ce qu’il peut me montrer, puisque derrière la plupart des portes closes se trouvent lesappartements privatifs de chaquemembre de lameute. Il y a également trois cuisines, une grandepièceàvivre,quatrepetitssalonsetsurtoutunimmensetoitterrasseoùl’onfinitpars’installer.

–C’estvraimentlaplusgrandecolocationdumonde,glissé-jeàl’oreilledeTyee.– Oui, je ne te raconte pas la galère pour avoir de l’eau chaude le matin… Tu comprends,

maintenant,pourquoijesuisparti?

Jeplaquemamainsurmabouchepourétouffermonrire.Declan,l’airagacé,nousinterromptenseraclantlagorge.IlnousavertitqueRufusnevapastarderàsejoindreànous.J’imaginequec’estcedernierquialesinfossurmonpère.Aprèstout,Rufusestdanslesparagesdepuis123ans.

Jen’auraisvraimentpaspudevinersonâgelapremièrefoisquejel’aivu.

JemesouvienssoudainqueTyeenonplusnefaitpassonâge,qu’ilestnéen1971,etd’uncoupçamefaitbizarre.AlorsqueDeclanmeracontel’histoiredelamaisonettentedem’impressionner,jechercheTyeeduregardetconstatequ’ilmefixe,l’airtendu,impatient.Jereconnaissonregard:c’estceluiqu’ilavaitlejouroùilm’acroiséàlafêteforaine.

Serait-iljaloux?

J’aimerais bienmais jeme fais des idées. Comme je le disais, depuis hiermatin, il est distant.Declan,parcontre,avecsonnumérodepetitcoq…Nuldoutequ’ilessayederéglersescomptesetdes’imposer face àTyee. J’ai toujours bien aiméDee,mais là, çamemetmal à l’aise. Je décide dem’esquiver,letempsqueRufusarrive.

–Declan,oùsontlestoilettes?–Ilyaunesalled’eaucommuneàl’étagedudessous.Troisièmeporteàdroiteaufondducouloir.–Super,merci.

Pourpasserletemps,jetrituremescheveuxdevantlaglaceetvérifiel’étatdemonmaquillage.Auboutdedixminutes,jedécidequec’estbon,jepeuxremontersurlerooftop.Jeressorsdelasalledebainsetconstatequ’unemétisseaucorpsderêveetàl’expressionsardoniquem’attend,appuyéeauchambranle.

–Alorsc’esttoi,lenouvelobjetdediscorde?melance-t-elle.

Jetique.«Objetdediscorde»,j’avaiscrucomprendre.Mais«nouvel»?Jedétaillelafilled’unairinterrogatif.Unvisageallongé,uneboucheàfaireragerAngelinaJolie,d’immensesyeuxnoirsenamandesurmontésdedeuxsourcilsbiendessinés.Elleesttrèsgrande–elledoitbienmedépasserd’unetête–etenprofitepourmetoiserd’unairsupérieur.

–Shannon,seprésente-t-elle.J’imaginequeTyeet’aparlédemoi.

–Nikkie,rétorqué-jeenpréférantignorersaquestion,quicertesnemeplaîtguèremaisdontelledétesteraitlaréponse.

Jeluitendslamain,qu’ellerefusedeprendre.Ellesecontentedemefaireunlargesourirequin’ariend’aimable.Elleesttellementhostilequejenepeuxm’empêcherdemedemandersic’estelle,lafemmequeTyeeaévoquéelorsdenotrepremièrenuitensemble,cellequiluiabrisélecœur.

–Jenesuispasvenuepoursympathiser,sorcière.Jenesuispasicienamie.–Pardon,j’avaismalcompris.Àmadécharge,dansmaculture,quandunefilletientlaportedes

toilettesàuneautrefille,c’estunefaçondeluisignifiersonrespectetsasoumission,répliqué-jeavecunsourirequej’espèretrès,maisalorstrèsagaçant.

En toutcas, il fait soneffetauprèsdeShannon,quimecoincecontre laporte.Audébut, je suisassez fière de l’avoir fait si facilement sortir de ses gonds, mais à son grondement rauque, à sarespiration qui s’intensifie, à lamanière dont ses iris noirs s’agrandissent, au tremblement qui lasaisitalorsqu’ellereculedetroispas,jecomprendscequisepasse.

–SHANNON,NON!hurlé-je.

Troptard:cen’estplusShannonquimefaitface,c’estunelouveébèneetpuissantequimetoiseenbloquant lecouloir, campée sur sesquatrepattes,prêteàbondir.Mamain tremblantechercheàtâtonslapoignéedelasalled’eauderrièremoi.Enmêmetemps,jeréfléchisàuneformule,quelquechosepourmetirerdecemauvaispas,maisriennemevient.Lapeur,commeunvenin,aparalysémoncerveau.C’estalorsque je levois,majestueux, soupleet immaculé,dévaler lesescaliers touscrocsdehors.

Tyee!

Transforméenloup,ilsautesurShannon.Jepousseuncrienreculantetmeratatinedansuncoinalorsqu’ilsaisitlalouveàlagorge.Cettedernièresecabre,ruepourqu’illalâche,glapit.Ilfinitpars’interposer entre nous mais Shannon cherche un angle pour reprendre le combat. À cet instant,Declansurgitdesescaliersenfrappantdanssesmains.

–Shannon,suffit!

Instantanément,lalouvereprendformehumaine.Tyee,dosàmoi,l’imite.Ilnemevoitpas:illuifaitface,haletantetnu.Jedevraisn’avoird’yeuxquepoursesfessesbombées,parfaites,etsondospuissantmais,sansquejepuissem’enempêcher,monregardvaàShannon,àsoncorpsexposé,àsapeausoyeuseetbrune.Ellehalèteelleaussiaprèsl’effortetjaugesonadversaire.Ilsressemblentplusencetinstantàuncoupleaprèsl’amourqu’àdeuxennemisquiviennentdeselivrerbataille.Lagêneetlajalousiemesubmergent.Jenepensaispasquejepourraiséprouveruntelsentiment,pasaprèsdeuxnuitssanspromesse.Etpourtant,ceque jeressensestprimitif,violent : jenesupportepasdevoirleurscorpsetcetteintimitéqueleurdonnelecombatoulesimplefaitd’êtredelamêmeespèce.

–Venez,Nikkie.

C’estRufusquimeditça,enmeprenantparlebras.Jenel’avaispasvuarriver.Ilm’aideàme

redresser.Pendantcetemps,DeclanseplantefaceàTyee.

–Tyee,qu’est-cequit’apris?Tuesvraimenthorsdecontrôle…– Tyee n’est pour rien dans cette histoire, protesté-je auprès de Rufus alors que ce dernier

m’entraîneversl’extérieurdelamaison.C’estShannonquim’aattaquée!–J’imaginequeTyeevousaexpliquéquenouscontrôlonsnostransformations.Pourtant,dèsqu’il

vousasentieendanger,ils’esttransformésousnosyeux,avecunetellerapiditéquejedoutequ’ill’aitchoisi,m’informeRufus,cequiapoureffetimmédiatdefairebondirmoncœurdansmacagethoracique.

Qu’est-cequecelasignifie?

Jen’osepas ledemanderàRufusmais jenepeuxm’empêcherde repenseràcequem’avaitditTyee,lorsdenotrepremièrenuit.«Jenesaispascommentréfrénerlaviolencedecequejeressensquand je suis près de vous… » Se pourrait-il que ce soit à cause de ce sentiment qu’il se tient àdistance?Suis-jecingléed’espérerça?Ousuis-jesimplemententraindecraquerpourTyeemalgrétouslesinterditsquejemesuisfixés?Enpensantàça,jesuisRufus.Luietmoilongeonslarivièreensilence.J’essaye,enleregardant,demefaireàl’idéequ’ila123ans.Avecsescheveuxargentés,sonlargesourire,sestraitsfins,sapeauhâlée,ilressembleplusàunsexagénaireséduisant.

–VousetTyeeêtesdevenusprochesentrèspeudetemps,déclare-t-ilenfin.–Pasvraiment,réponds-jeenrougissant.–Cen’étaitpasunequestion,Nikkie.

Unefoisdeplus,moncœurseserreetbonditenmêmetemps,commesij’étaissurungrandhuit.Nousreprenonsnotremarche.Rufusmeposedesquestionssurlanuitoùmonpèrem’arestituémespouvoirs,maiségalementsurmonenfance,surquiétaitmamère,surcommentelleestmorte…Jemedemandeoù ilveut envenir, tout enmesouvenantqueTyeem’apromisdes réponses.QuiestmieuxplacéqueledoyendelameutedeRiversideCreekpourmelesapporter?Aussi,jemeplieaujeu,enattendantlemomentoùceseramontourdel’interroger.

–Ah,nousvoilàarrivés!s’exclameRufusalorsquenousdébouchonssuruneclairière.

Auloin,danslesbois,j’entendslesbrindillescraquersouslessabotsdeschevreuils,lesbranchesdesarbresquelesécureuilsfontbouger,lesoiseauxquisifflent.

–TyeevousaditqueRiversideCreekétaitunezonemystique.Savez-vouscequeçasignifie?medemandeRufus.

–Non,réponds-jeensecouantlatête.–Laréponse,lavoici.Observezbien.

Alorsqu’il prononce cesmots, des centaines–non, desmilliers –depetites lumières s’élèventd’entreleshautesherbes.Jepensed’abordàuneenvoléedelucioles–maislesluciolesnevolentpasenpleinjour,si?

Alorsc’estquoi?Desfées,peut-être?

Franchement,çanemesurprendraitmêmepas.

–CesontlesRustles,m’expliqueRufusenchuchotant,lesespritsdelaforêt.Ilssonttrèsanciens,plusanciensqueleshommes,lesloups,lesvampiresoulesgoules.Ilssontlaformelapluspureetlaplusprimitivedemagieencemonde.

Jesuisémerveilléeparcespetitespoussièresd’orquicontinuentdes’élever,nuéedelumièrequimaintenantm’arriveà la taille.Quelspectaclemagnifique!Passeulementpourlesyeuxmaispourl’âme.Jeressensleurmagiepuissante,archaïque,leurchaleurbienfaisante.Jevoudraislestoucher.

–C’estpourêtreprèsd’eux,continuedem’expliquerRufus,queplusieurssorciersontfondélaville ilya143ans.Etc’estàcaused’euxqueRiversideCreekattire tantdecréaturesouquenousparlons de zonemystique – c’est-à-dire un lieu recelant une concentration anormalement forte demagie.

–ToutesleszonesmystiquessonthabitéespardesRustles?–Non,mais ellesont chacuneune sourced’énergiepropre. Ilpeut s’agird’unchampde force,

d’ondesélectromagnétiques,d’unecertainerochedanslesol…N’importequoiquipermetteàceuxquiveulentpratiquerlamagied’obtenirunplusgrandpouvoir.LesRustles,eux,sontuniquesenleurgenre;c’estpourquoinotremeutes’efforcedelespréserver.

–S’ilssontàcepointpuissants,commentsefait-ilqu’ilsnepuissentpassedéfendreeux-mêmes?m’étonné-jeentendantmamainverseux.

– Ils sont une source de pouvoir immensemais ils sont hélas bien fragiles. Des individusmalintentionnésontsouventététentésd’exploitercettepuissancedansleurintérêtetcertains,parlepassé,ysontparvenus.Nousessayonsd’empêcherça,désormais.Iln’estpasbonqu’untelpouvoirtombeendemauvaisesmains.

Unàun,lesRustlescommencentàseposersurmoi.

–Restezcalme,merecommandeRufus.Vousnecourezaucunrisque.–Vousenêtessûr?demandé-jeunpeuméfiante.–Oui.SilesRustlesviennentàvous,c’estquevotremagielesattire.Laissez-lesfaire,ilsnevous

veulentaucunmal.

Peu à peu, ces petits esprits commencent à me recouvrir. D’abord les bras, puis le torse. Ilsformentunearmured’énergie.Jenebougepas,jenem’inquiètepas,maisjeris–unrirevenudetrèsloin,del’enfance,del’époqueoùtoutétaitencoresi innocent.Cerireestaussiclair,aussipurquel’eaudelarivière,quelamagiedecesmilliersdeminusculescréatures.Maissoudain,ceriresemueenhoquet.Enmoi,quelquechose sedéchire. Ilmesembleque tout s’assombrit,que lanuit tombebrutalementsur laclairière.J’aifroid, j’aipeur, toutçaressembleaudébutd’unmauvaisrêve.LesRustlesautourdemois’agitent,s’affolent;ilssemettentàbourdonner,àdanserautourdematête.

–Rufus,qu’est-cequisepasse?demandé-jeavecangoisse.

Commeilnerépondpas,jel’appelle,cettefoisencriant.

–Rufus?

Àcetinstant,lesRustless’évanouissent.

–MonDieu!Qu’est-cequis’estpassé?Est-cequejelesai…?–Toutvabien,Nikkie;ilsontsimplementchoisideretournerdansleurcachette.Quelquechose

lesaeffrayés.–Oui,jel’aisentimoiaussi.C’étaitnoir,malfaisant,trèssombre.C’était…

C’étaitenmoi.

Non,impossible!Etpourtant,c’estlavérité:cetteombreestpartiedestréfondsdemonêtrepourenvahirpeuàpeulaclairière.

–Rufus,luidemandé-jeententantdegardermoncalme,ques’est-ilpassé?–Vousêtesquelqu’undebien,Nikkie,merassureRufus,sinonlesRustlesneseraientpasvenusà

vouscommeilsl’ontfait.Maisvousavezaussiunepartd’ombreenvous.Àunmomentdonné,elleacommencéàvoussubmerger,cequilesafaitfuir.Vousdevezrestervigilantesivousnevoulezpasbasculer.

–Attendez!m’emporté-je.Sijecomprendsbien,c’étaitunesortedetest?C’estpourçaquevousm’avezamenéeici?

– Nem’en veuillez pas, je devais être certain que vous ne représentiez pas un danger pour lameute,lavilleouvous-même.Maintenant,aumoins,Tyeepourrarépondreàvosquestions.

–C’estTyeequivousademandédem’amenerici,alors?déduis-jeenmesentantcettefoistrahie.–C’estDeclan.TyeevoulaitpouvoirvousparlerdeTometdebiend’autreschosesmaisildevait

pourçaavoirl’accorddesonAlpha.AveccequenousontapprislesRustles,Declann’aplusaucuneraisondenepasleluidonner.

Jemeradoucis–mêmesij’aidumalàsaisirlanaturedulienquiunitTyeeàdesgensqu’iln’apasvuspendantvingtansousonsentimentd’inféodationàDeclan.

–Pourtant,vousmemettiezengardecontre le faitde…de«basculer».Vousvouliezparlerdemagienoire?

–Aucunemagien’estnoireensoi.Lasorcellerien’estqu’unmoyen,pasunefin.Le toutestdel’utiliseràbonescient:uneamiesorcièrem’aapprisçailyalongtemps.

–Uneamiesorcière?Jecroyaisquelessorcièresn’étaientpastrèspopulaires,danslecoin.– Ça n’a pas toujours été le cas. Malheureusement, les temps changent ; les communautés se

replientsurelles-mêmes.Onseméfiedecequiestdifférent,étranger.–Vousvoulezdirequelasorcellerienevouseffrayepas?–Après ce qui s’est passé il y a deux décennies, si, bien sûr.Mais je sais aussi que je doisme

méfierdemapeur.TouteslessorcièresnesontpascommeCara.

Cara?J’aidéjàentenducenom.Oùça,déjà?Lesouvenirmerevient.TyeeétaitsurleparkingdeChezSallyetilessayaitdeconvaincreDeclandequelquechose.

«–Jel’aivue,Dee.Icimême,àRiversideCreek.J’aivuCara!

–Ty,tuperdslaboule!Caraestmorte,tuesmieuxplacéquequiconquepourlesavoir.»

–Rufus?demandé-jeenposantmamainsursonbras.QuiestCara?–C’estl’unedesnombreusesquestionsauxquellesTyeepourramaintenantvousrépondre,Nikkie.

Pourmapart,monrôles’arrêtelà.Venez,mepropose-t-il.Rentrons.

4.Révélations

Tyee

Une fois de retour, Rufus nous informe Declan et moi de ce qui s’est passé avec les Rustles.J’éprouveunvéritablesoulagement,renforcéparlefaitqueDeclanm’autoriseàraconteràNikkiecequejesaissurlanuitdesanaissance–mêmes’illefaitdemauvaisegrâce.Aumomentoùnousnousapprêtonsànousenaller,elleetmoi,Rufusmeprendàpart.

–Jen’aipasmonmotàdireconcernantcequeturessens,m’avertit-il.Simplement,mêmesilesRustlesontconfirméqu’onpeutfaireconfianceàNikkie,tunedoispassous-estimerl’ombrequ’elleporteenelle.

Saremarquem’énerve.Dequeldroitsemêle-t-ildemavieprivée?Etpourquimeprend-il?Jenesuisplusungaminde16ansimpulsif,jesaisbientoutça!

–Tutefaisdesidées,Rufus,jesaisoùjemetslespieds,l’envoyé-jepaître.–C’est toiqui te faisdes idéessi tucroispouvoir ignorer lapuissancedecequisepasseentre

vous.–Attention,grondé-jeencollantmonvisageausien.Tuvastroploin.

J’aiconsciencedememontrerinutilementmenaçantmaisj’ailesnerfsàvif.J’aidéjàdûsupporterle petit numéro d’Alpha de Declan tout à l’heure, sa visite guidée, puis son sermon après m'êtretransformépourprotégerNikkiecontreShannon–çava,j’enaimaclaque.Jetournelestalonset,enchemin,agrippelebrasdeNikkiepourlatirerverslasortie.

–Oùest-cequ’onva?medemande-t-elleentrottantderrièremoi.–Underniertrucàréglerpuisjerépondraiàtoutestesquestions,marmonné-je.C’estbienceque

tuvoulais?Desréponses?

J’ai conscience d’être injuste en cet instant. Je ne peux m’empêcher de penser avec une joiemauvaisequefinalementjepeuxêtreautantunconnardavecellequ’avectouteslesautres.

Tuvois?Tutetrompes,Rufus;ellen’ariendespécial.

Detoutefaçon,unefoisqu’elleaurasessatanéesréponses,elles’enira.Nonseulementellen’auraplusrienàfaireicimaisenplusellemehaïra.

***

Je l’avais avertie : unedernière chose à faire avantde laisser éclater lavérité.En l’occurrence,faireensortequeleFBIarrêtedelachercher.Mamanièreàmoi,bieninsuffisante,demeracheterpour mes terribles erreurs.Mais lorsque nous arrivons au bureau du shérif, Nikkie commence à

paniquer.Elle essayed’ouvrir laportièreduroadster etde s’enfuir encourant. Je la retienspar lepoignet.

–Fais-moiconfiance,luidemandé-jeenprenantsonvisageentremesmainsetenplongeantmesyeuxdanslessiens.Jet’assurequejeneveuxriend’autrequet’aider.

–Pourquoiest-cequejeteferaisconfiance?merétorque-t-elleenmejetantunregardfarouche.Alorsquetudistoi-mêmeêtreincapabled’avoirfoienquelqu’und’autre?

J’aiunsouriredouloureux.Jesaisqu’ellearaison.Jesaiségalementqu’elleattenddesréponsesquejenefaisquedifférer.

Commesiunepartiedemoiavaitpeurdesconséquencesinévitablesdemesrévélations.

–Teste-moi,proposé-jeenmeradoucissant.Demande-moicequetuveux.MaintenantqueDeclanadonnésonaccord,jenecompteplusrientecacher.

–Trèsbien,medéfie-t-elle.QuiestCara?C’estquoi, lepassifavecShannon?Qu’est-cequ’onfoutici?

–Jeterépondsdansquelordre?–L’ordrequetuveux,explose-t-elle.J’enaijustemarre!Jeveuxcomprendrecequisepasse!–Trèsbien,réponds-jesansluilaisserletempsd’enplacerune.Shannonestlafemmequej’étais

censéépouserilyavingt-deuxans,Caraestcellequej’aidûtuer,etsionestici,c’estpourfourniràJohntesempreintesetunéchantillonde tonADN.Commeça, laprochainefoisqu’uncadavrenonidentifiédefemmeferasonapparition,onpourratefairepasserpourmorte!Alors,ajouté-jeavecunepointedeprovocation,tuveuxquejedéveloppeoujetesauved’abordlamise?

J’ysuissansdoutealléunpeufortaujeudelavéritécarc’estblêmeetavecunedocilitéquineluiressemblepasqu’elleoptepourladeuxièmeoption.Onentredanslecommissariat,etJohn,commeconvenuautéléphone,luifaitsaprisedesang.

–Jepensequejedevraisbientôtêtreenmesured’émettreuncertificatdedécès,larassure-t-ilense méprenant sur les raisons de sa pâleur. On a souvent des Jane Doe correspondant à votredescriptiondanslecoin.Des…esclavesdescartels.

–Pourquoiest-cequevousteneztantàm’aider?demande-t-elled’unepetitevoixaltérée.Vousmeconnaissezàpeine…

–Oui,maisjeconnaisTyeedepuistoujours.C’estàluiquejedoismavocationdeshérif.S’ilditquevousêtesinnocente,jelecroissurparole.Etpuis,cen’estpastout,ajoute-t-il.Votreprésenceicinousmettousendanger.SileFBIdébarqueàRiversideCreeketdécouvrelapuissancedenosterres,quisaitcequipourraitsepasser?Chaquefoisqu’unezonemystiqueaétédécouverte,desinnocentsontétémassacrés.PensezàSalem,àMolsheim,àFinspång…

–Tousceslieuxétaientdeszonesmystiques?– Ces villes avaient été fondées par des sorciers sur des lieux de haute énergie, oui. Et leurs

populationsontfiniassassinées.Jenepeuxpaslaisserçaarriveràmaville.

Elleacquiesce,appuiesurlepansementaucreuxdesoncoude.Unefoissortiedubureaudushérif,Nikkiemedemandedansunsouffle:

–Tyee,àprésent,est-ceque…?

Maisellen’apasletempsdemeposersaquestion:enuninstant,ellevacillepuisselaissetomber,lesyeuxrévulsés.J’aijusteletempsdelarattraperavantqu’elleheurtelesol.

–Nikkie?Nikkie,çava?demandé-jemaladed’angoisseenm’accroupissantetenposantsatêtesurmesgenoux.

C’estdemafaute,putain!Qu’est-cequim’aprisdeluibalancertoutçadebutenblancilyadixminutes?Qu’est-cequej’espéraiscommeréactionexactement?

– Oui, ce n’est rien, s’excuse-t-elle. Juste un vertige. Ce doit être cette chaleur… Les filles duMinnesotanesontpaséquipéespourcegenredetempératures…

Etelletrouvelemoyendeplaisanter!

Jenepeuxm’empêcherdesourire,soulagé.C’estuneguerrière.Jemerelèveenlaportantdansmesbras.

–Qu’est-cequetufais?–Jet’emmèneàlavoiture,l’informé-je.Jepensequ’entretesémotionsetlaprisedesang,tufais

unecrised’hypoglycémie.Ilfautquetumanges.– C’est ta manière à toi de m’inviter à dîner ? me taquine-t-elle en retrouvant légèrement ses

couleurs.–Peut-êtrebien,rétorqué-jesurunmodeléger.

Lepluspathétiqueétantquepeut-êtrebien,eneffet.

***

Vingtminutesplustard,noussommesaccueillisparlemaîtred’hôtelduParmaBistro.LeParma,quiestlerestaurantdemonclubdegolf,acommeavantaged’êtreconstituédeplusieurssalons,decinqterrassesetd’unpatio;j’aidoncappeléenroutepourprivatiserunedesterrassesafinquenoussoyonstranquilles.Lesexplicationsquej’aiàfournirsontcomplexesetpasfacilesàentendre,mieuxvautquenoussoyonsseuls.Lemaîtred’hôtelnousconduitànotre table. Jecommandedeux thonsahis mi-cuits avec une bouteille de reuilly 2010 rouge – si j’étais à la place de Nikkie et que jem’apprêtais àdécouvrir ceque jevais lui apprendre, jevoudrais avoirunverreàportéedemain.Lorsqueleserveurnousapportenosplats,jedemandequenousnesoyonsplusdérangés.Ilacquiesceet se retire en refermant la porte-fenêtre qui donne sur la salle. Le brouhaha des autres clientss’atténue.PendantqueNikkiemange,jecommenceàparler.

– Je veux que tu saches que mes fiançailles avec Shannon ne sont pas ce que tu t’imagines,commencé-jeenévitant son regard.C’était censéêtreunmariagede raison.UnAlphadoit choisirunedesfemellesdelameutedansl’annéequisuitsadésignation.Shannonétaitlaplusforte;ellem’aparuunchoixlogique.

–Cen’étaitdoncpaselle,lafemmequetuasaiméeetdonttum’asparlélapremièrefoisquenous

avons…toietmoi…?–Non,cen’étaitpasShannon,souris-jetristementensecouantlatête.

Commeçaauraitétéfacilesimoncœuravaitétéravagéparunsimplechagrinamoureux!

–Tantmieux,déclare-t-ellesoulagée.Jenel’aimepas.–Ellen’apasl’airdebeaucoupt’appréciernonplus…

Ilyadansmontonplusdedouceuretdecomplicitéquejenelevoudrais.Jen’arrivepasàmemontreraussifroidquetoutàl’heure.Quandelles’estévanouie,dansmesbras,j’aieulesentimentque…Jenesaispas.J’aieupeur,jecrois.Affreusement,anormalementpeur.

Jenecomprendspascequim’arrive,jenemereconnaispas.

–SiunAlphadoitimpérativementchoisirsonépousedanssapremièreannée,pourquoiest-cequeDeclan n’est pasmarié ?me demandeNikkie – ce qui a pour effet d’instantanément effacermonsourire.

– Il l’a été, durant quelques mois. Iris, sa femme, a été retrouvée morte en dehors de notreterritoire.

–MonDieu,maisc’estterrible!Ques’est-ilpassé?–Personnenelesait.Elleaétépoignardée.

Nikkieregardesespieds.Elleal’aird’avoirbeaucoupdepeinepourDeclanet,unenouvellefois,uneboufféedejalousiemesubmerge.Pourquoifaut-ilqu’elleaittantd’affectionpourlui?Pourquoijustementlui?

–TuvoulaissavoirquiétaitCara…reprends-jeenessayantdemettredecôtémessentiments.–Non, Tyee, proteste-t-elle enme faisant signe qu’elle ne veut pas en entendre plus. C’est ton

histoire,tonpassé;jen’auraispasdûteforceràm’enparler…–Nikkie, continué-je par-dessus ses récriminations, si j’ai tuéCara il y a vingt-deux ans, c’est

parcequ’elle-mêmeavaitassassinétamèrebiologiquealorsqu’elleétaitenceintedetoi.

Unsilencestupéfait,durantlequelNikkielaissetombersafourchette.Ilmesemblequeletintementducouvertenargentfrappantlegrèsdusolprovoqueunbruitassourdissant.

–Comment?Qu’est-cequeturacontes?–Jet’aidéjàdit,reprends-jeenluiprenantlamainpourl’apaiser,qu’unesorcièreavaitcommis

unmeurtreilyavingt-deuxans.Cettesorcières’appelaitCaraHeathgrove.Enréalité,elleatuédeuxpersonnes. D’abord un bûcheron, qui se nommait Lester Boyd et qu’on a retrouvé un matindéchiquetédanslesbois,surnotreterritoire–commececampeur,Charly,etcesdeuxfilles,AnnieetRonda.Caras’estdébrouilléepourdirigerlessoupçonsverslameuteafinqu’uneguerreéclateentreleshabitantsdeRiversideCreeketlesloups.

–Maispourquoi?–Ellevoulaitquelameutesoitexterminée,réponds-jedemanièreévasive.

J’aifugitivementconsciencedepassersoussilenceuneinformationimportante–lanaturedulienquim’unissaitàCaraetlesmotivationsdecettedernière.Jerepoussel’idéed’enparlerpourl’instant.

Cen’estpasl’essentieletNikkieadéjàsuffisammentàintégrer.

–Elleyestpresqueparvenue,continué-je,puisqueleshabitantsl’ontcrue.IlssesonttournésversleConseildesfondateurs,oùsiégeaientlesdescendantsdessorciersquiontbâtiRiversideCreek.Ilcomportait commemembres Frank Cooper, Theodore et Diane Browning, TomO’Neil ainsi queBarbaraSawyer,tamèrebiologique.

–BarbaraSawyer…reprend-elleenfaisantrouleravecdélicatesselenomdanssabouche,commesiellesouhaitaitenévaluerlamusicalité.Tuconnaissaisdoncmamèrebiologique?Etmonpère?ajoute-t-elleprécipitamment.IlfaisaitaussipartiedeceConseil?

Jesensque lesquestionssebousculentdanssa tête,qu’ellen’apas le tempsd’enposerunequel’autresurgitdéjà.

–Jenepensepas, réponds-jehonnêtement.Jenesaispasqui ilétait, jeconnaissaismal tamèremaiselleavaitquittélavilledurantplusieursannéesetn’estrevenuequ’unefoisenceintedetoi.

Nikkieal’airdéçuquejenepuissepasluienapprendreplussurceluiàquielledoitlavie,maiselleencaisselecoupetserecentresurmonrécit.

–Qu’ontdécidélesmembresduConseil?–Ilssesontlaissésconvaincrequec’étaitàeuxdereprendreenmainlaprotectiondelaville.Ils

ont accepté de constituer avecCara un coven et de créer un cerclemagique qui augmenterait leurpuissanceàtous.MaiscequeCaran’avaitpasprévu,c’estqu’ensuitececovenrefuseraitdeseservirdesespouvoirspourmassacrer les loups.Sesmembresontdécidéà laplacedecréerundômedeprotectionquichasseraittouslesnon-humainsdeRiversideCreek.C’estsansdoutelàqueCaras’estmiseà fomenterencachette sonplanB :obtenirdesRustlesqu’ilsdémultiplient sespouvoirsafinqu’ellepuisseexterminerlameutesanslamagiedesautres.Bienentendu,ellesedoutaitquejamaisles esprits n’exauceraient sa prière, qu’ils sentiraient la noirceur en elle, alors elle a décidé de seservird’unêtreinnocent,àlamagiepure,dontlesRustlesamplifieraientunpouvoirqu’ellen’auraitensuiteaucunmalàdérober…Cetêtre,c’étaittoiNikkie.

Ellemeregardeébahie,ensecouantlatête.Jedevinequetoutçaesttroppourelle.

–Mais…Maiscomment?Puisquejen’étaismêmepasnée?–LagrossessedeBarbaraétaitpresquearrivéeàterme.Caraluiaouvertleventrepourtedérober

àelleetpourseservirdetoi.Unefoisqu’elleauraitobtenucequ’ellevoulait,ellet’auraittuéeaussi,sans l’ombre d’une hésitation. Heureusement, ta mère a trouvé le moyen d’entrer en contacttélépathique avec sonmeilleur ami,Tom, avant de quitter définitivement cette terre.Elle lui a toutraconté,l’asuppliédetesauveretdeprendresoindetoi.Ilestimmédiatementvenumetrouver.Lasuite,tut’endoutes.J’aicombattuCaraavantqu’elleaiteuletempsd’allerauboutdesonprojetfou.Elleestmorteettoi,tuasétésauvée.J’aiensuiteprisladécisiondedissoudrelecoven.Seulement,j’ai découvert que c’était impossible : une fois un cercle formé, onnepeut pas le briser.La seulesolutionpour le rendre inactifestdepriversesmembresde leurspouvoirs.Tométaitceluienquij’avais le plus confiance : je lui ai demandé de convaincre Frank, Diane et Ted de renoncer à lamagie. Ilsontaccepté sanshésiter,horrifiésparcequiétait arrivéà l’unedes leurspar leur faute.

Tom a servi de réceptacle à leur puissance puis il a quitté la ville avec toi. Suite à cette nuitcauchemardesque, lamagie est devenue taboue dans notre ville. Plus personne ne la pratique, pluspersonnen’enparle,etseulelameuteprotègelaville.Voilà,tusaistout.

–Pourquoiavoirattendutoutcetempspourmeraconterça,Tyee?medemandeNikkiehorrifiéeaprèsunlongsilence.

–Jetel’aidéjàdit,jedevaisavoirleconsentementdelameute.Ilfallaitqu’onsoitbiencertainsque…

–Quequoi?mecoupe-t-elle.Quejenechercheraispasàpoursuivrel’œuvrefolledecellequiaassassinémamèrebiologiqueetquiavoulumetuer?Quejenem’enprendraispasàtaprécieusemeute ? Pourquoi est-ce que tu n’as pas confiance enmoi ?me demande-t-elle les yeux pleins delarmes.Parcequejesuislafilled’unesorcière?Tudétesteslesmiensàcepoint?

–Non,luiréponds-jed’unevoixgrave,tufaisfausseroute.Je…Jeveuxavoirconfianceentoi,Nikkie.Simplement,çam’estdifficile…pourtoutuntasderaisons.

Jemetais,letempsdecherchermesmots.

–Mesrêves,reprends-jeenfin,ceuxquim’ontpousséàrevenir:c’étaientdesvisionsdeCara.Jelavoyaisàlafac,dansmasalledeclasse,chezSallyentraindetravailler.Jelavoyaisvivretavie,Nikkie.Etcen’estpastout:tamarquedenaissance–uneétoileavecuncroissantdelune.Caraavaituntatouagecommecelui-ci.

–Qu’est-cequeturacontes?medemande-t-elled’unevoixblanche.–Jepensequ’ilexisteunlienentreCaraettoi.J’ignoreencorelequelmais…–Non!crie-t-elle.Tumens,c’estimpossible!–Nikkie, je suis désolé d’être celui qui doit t’apprendre ça,m’excusé-je en attrapant unemain

qu’ellemeretireaussitôtenseredressant.–Tais-toi!Pourquoiest-cequetuinventesunehistoirepareille?Qu’est-cequejet’aifait?

Sansmelaisserletempsderépondre,elleseprécipiteversl’intérieurdurestaurantettraverselepremier saloncommeune flèche. Je restequelques instantsdésemparé,ne sachantpas si jedois lalaisser seule ou non, puisme décide àme lancer à sa poursuite. Je fonce derrière elle, non sansdégainerdeuxbilletsde500dollarsquej’enfoncedanslamainduserveurlorsquejelecroise.Unefoisdehors,jelavoistraverserlegolfàtouteallure.Jelaprendsenchasseetlarattrapeenquelquessecondesseulement.Jelaforceàseretourner,àmefairefacebienqu’ellesedébatte.

–Nikkie,bordel,qu’est-cequetufais?Oùest-cequetucomptesaller,commeça?Tucomptescourirjusqu’àRiversideCreek?

–Lâche-moi!mecrie-t-elle.Lâche-moiimmédiatement!–OK,maisd’abordtutecalmes!luiintimé-je.–Tun’aspasàmedonnerd’ordre!Jenetedoisrien!Tucroisque…quejesuismaudite?Queje

suismauvaise?Quec’estçaquecettetachedenaissanceveutdire,c’estça?Tutetrompes!crie-t-elleàmonvisage.

–Non,c’esttoiquitetrompes!réponds-jesurlemêmemodeenlasaisissantparlesépaules.Tuteplantesmêmecomplètement!Depuisledébut,malgrétoutesmesraisonsdedouteretmalgrécequej’affirme, j’ai confiance en toi – c’est comme ça, je ne peux pasm’en empêcher.Mais c’estmondevoirdemettredecôtécequejeressenspourlebiendelameute,tucomprends?Iln’yapasuneoncedemonêtrequipensequetusoismauditeoumauvaise,Nikkie,pasuneonce!

Elles’arrêteetmecontemple,nonplusavecadversitémaisavecdétresse.Soudain,ellesebriseetcommenceàsanglotercommeuneenfant.Àboutdeforce,elleposesatêtecontremontorse.

– Oh ! Tyee… Si jamais c’était vrai, pourtant ? me demande-t-elle complètement démunie. Sijamaisjel’étais?J’aidéjàfaittantdemal,insiste-t-ellealorsqueseslarmesredoublent,jenepourraipassupporterdefairesouffrirunepersonnedeplus.Jeveuxquetoutças’arrête.Jeferaismieuxdemefoutreenl’air…

–Jetedéfendsdedireça, l’engueulé-je.Tum’entends?Écoute, jesaisqu’onseconnaîtàpeinemais j’ai grandidans lamêmevillequeCara et je t’assureque jamais ellene s’estun seul instantsouciéedumalqu’elleinfligeaitauxautres.Alors,quoiqueveuilledirecettetachedenaissance,tupeuxterassurer:vousêtesaussidifférentesquelejouretlanuit.

–Oui,mais…–Pasde«mais»,lacoupé-je.Jeteledis,moi:tun’espasmalfaisante.–Commenttupeuxenêtreaussicertain?medemande-t-elleenplantantdansmesyeuxlessiens

quimesubjuguent.– Parce que même si les Rustles ont senti une part d’ombre en toi, ils ont été attirés par ta

lumière…Toutcommemoi,avoué-jedansunsoufflerauque.

Cettefois,jenepeuxplusmentir.Niàelle,niàRufus…niàmoi-même.

–Jel’aisentiedèsquejet’aivue:tuessolaire,Nikkie.Compliquée,torturée,àvif–maisavanttoutgénéreuse,déterminée,bienveillanteetextrêmementsolide.Alorsjemefousdecettemarquequetu portes ou de ce qu’elle signifie.Moi, je décide de croire en toi. Est-ce que tu veux bien fairepareil?Croireunpeuentoi?

Ellesemblehésiter,sècheseslarmes–c’estdéjàça.

–Non,jenepeuxpas,tranche-t-elleaprèsuntempsderéflexion.S’ilyaquelquechosequimelieà lafemmequiaassassinémamè…Barbara,secorrige-t-elleenrefusantde trahir lamémoiredeson autremère, celle qui l’a élevée, je dois découvrir quoi. Sinon, je ne serai jamais en paix, tucomprends?

Larevoilà.Maguerrière.

Unblocderésolutionetdecouragequifaitquejen’aipasàdouterdelapuretédesesintentions.

– Oui, je comprends. On va trouver le fin mot de cette histoire, Nikkie, je te le jure. Je vaist’aider…

–Tyee,jenecomprendspas,m’interrompt-elle.Pourquoiest-cequetufaistoutçapourmoi?

Parcequemoinonplus,jenepourraipasêtreenpaixtantquejeneseraipascertaindecequitelieàCara.Parcequejeveuxteprotégerautantquejeveuxprotégerlameute.Parcequej’aiunedetteenverstoi.Parcequemêmesijesuisconvaincuquetuneveuxpasfairelemal,tuviensdeprouverquetupouvaisavoirdesréactionsextrêmes.Etaussi…

–Parceque tu réveillesquelquechoseenmoique jen’avaispas ressentidepuis très longtemps.

Tellementlongtempsquejenesuispasprêtàyrenoncersansmebattre.

Moncœurcognedansmapoitrine.Endisantcesmots,jeprendsconscienced’àquelpointilssontvrais.Jesaisquejen’aipasencoreététoutàfaithonnêteavecelle.Etjesaisaussiqu’ilfautquejeluiparledessentimentsquej’aiéprouvéspourCara.Maisencetinstant,jerefused’ypenser.Jeneveuxqu’unechose:embrassercettefille,sentirseslèvresbrûlantes,avecl’espoirquepeut-être,pendantuninstant,ellesmeferontoubliercemondefroiddanslequeljevisdepuisvingt-deuxannées.

5.Lecercle

Nikkie

Ilest4h45quandjemeréveilleentrelesdrapsensatindeTyee.Aprèsmascèneaurestaurant,ilm’aramenéeicietm’adonnéunsomnifère,maisilfautcroirequecederniernefaitpluseffet.Mesyeux sont grands ouverts. Ils embrassent d’un même mouvement l’obscurité qui règne dans lachambre et dans ma tête. Mes pensées vont à mille à l’heure. Ce que Tyee m’a appris est aussiincompréhensiblequeterrifiant.

Je le regarde d’ailleurs, qui dort dans un fauteuil à quelques centimètres demoi. Ses paupièrescloses,finescommedupapierdesoie,sestraitsd’uneremarquablefinesse,soncorpspuissant.Mêmesijen’airienpuluirépondredansmonétatdedétresse,j’éprouvemoiaussiquelquechosepourlui,c’estindéniable.Maisjesaiségalementquesijeveuxunjouravoirunechancedemereconstruire,jedoisen finirunebonne foispour toutesavec lepassé.Ceque j’aidans lapoitrine,cen’estpasuncœur,c’estunchampderuines.Ilmefautdesréponses.

Etcesréponses,jesaisenfincommentlesobtenir.

J’aiappristrèstôt,dansmonapprentissageauprèsd’Alice,queçaneservaitàriendecontacterlesmorts.Laporteentreleurmondeetceluidesvivantsesthermétiquementcloseetseulsquelquesraressorcierssontparvenusparfoisàl’entrouvrir.Malgrécetavertissement,j’aiessayé,butéeetrageuse,d’entrerencontactavecmonpère,sanssuccès.Pourmeprouverquemeseffortsétaientvains,Alicem’a même prêté main-forte à plusieurs reprises afin que je constate que mon père restait horsd’atteinte.Mais hier soir, sans que je percute immédiatement, Tyeem’a donné la clé pour que jedeviennebienpluspuissante–sansdoutemêmeassezpourouvrirenfintemporairementcetteportequinoussépare,Tometmoi.Uncercle rendplus fort ;celuidemesparents,dont j’aihérité,étaitassezpuissantpourcréerundômecapabledeprotégerunevilleentière.Cetteénergieapourl’instantétémiseensommeilmais,sijeréactivelamagieducercle,alorselleseréveillera.Ilmesuffitpourça d’accepter la requête de Naomi. Leur restituer leurs pouvoirs, aux jumeaux et à elle, et fairerenaîtrelecoven.

Après tout, elle avait raison de souligner que c’est leur droit. Si ça ne l’était pas, jamais papan’auraitprisladécisiondemerendremespouvoirs.

Monpère…Jen’aijamaisétéaussiprochedetrouverunmoyendeluiparler!D’entendrecequ’ilvoulaitmedirecettetragiquenuit,etqui,j’ensuisdeplusenpluscertaine,concernelapartd’ombreenmoietcelienquim’unitàCaraHeathgrove.Oui,jedoisàtoutprixalleraubout…mêmesicelasignifiedéfierlameutedeRiversideCreek.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

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Rêvesetdésirs

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Juin2016

ISBN9791025731543