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RECOURS CIVILS EN MATIÈRE DE DROITS D'AUTEUR OU «LA FRUSTRATION D'ÊTRE CRÉATEUR» Jacques A. Léger, c.r. Laurent Carrière * LEGER ROBIC RICHARD, avocats ROBIC, agents de brevets et de marques de commerce Centre CDP Capital 1001 Square-Victoria – Bloc E - 8 e étage Montréal (Québec) H2Z 2B7 Tél: 514-987-6242 - Fax: 514-845-7874 [email protected] – www.robic.ca I. INTRODUCTION L'ouverture de recours civils à un créateur, dans le cas d'un ou de plusieurs droits d'auteur dont il est titulaire ou bénéficiaire dans une oeuvre protégeable, est prévue à l'article 20(1) 1 de la Loi sur le droit d'auteur (S.R.C. 1970 c. C-30) 2 : © Laurent Carrière,1983 * Avocat et agent de marques de commerce, Laurent Carrière est l'un des associés principaux cabinet d'avocats LEGER ROBIC RICHARD, s.e.n.c. et du cabinet d'agents de brevets et de marques ROBIC, s.e.n.c.; Avocat et agent de marques de commerce, Jacques A. Léger est l'un des associés principaux cabinet d'avocats LEGER ROBIC RICHARD, s.e.n.c. et du cabinet d'agents de brevets et de marques ROBIC, s.e.n.c. Ce document a été initialement préparé pour fins d'information générale et de discussion dans le cadre d'une Journée d'étude organisée en 1983 par ALAI-Canada sur le thème général des recours en matière de violations de droits d'auteur. Ce document ne prétend donc pas exposer l'état complet du droit sur la question. Publié à [1983] LA REVUE CANADIENNE DU DROIT D'AUTEUR 35-47. Publication 14. 1 Maintenant le paragraphe 34(2). 2 Maintenant L.R.C. 1985, c. C-42.

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RECOURS CIVILS EN MATIÈRE DE DROITS D'AUTEUR OU

«LA FRUSTRATION D'ÊTRE CRÉATEUR»

Jacques A. Léger, c.r.

Laurent Carrière* LEGER ROBIC RICHARD, avocats

ROBIC, agents de brevets et de marques de commerce Centre CDP Capital

1001 Square-Victoria – Bloc E - 8e étage Montréal (Québec) H2Z 2B7

Tél: 514-987-6242 - Fax: 514-845-7874 [email protected] – www.robic.ca

I. INTRODUCTION L'ouverture de recours civils à un créateur, dans le cas d'un ou de plusieurs droits d'auteur dont il est titulaire ou bénéficiaire dans une oeuvre protégeable, est prévue à l'article 20(1)1 de la Loi sur le droit d'auteur (S.R.C. 1970 c. C-30)2:

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© Laurent Carrière,1983

* Avocat et agent de marques de commerce, Laurent Carrière est l'un des associés principaux cabinet d'avocats LEGER ROBIC RICHARD, s.e.n.c. et du cabinet d'agents de brevets et de marques ROBIC, s.e.n.c.; Avocat et agent de marques de commerce, Jacques A. Léger est l'un des associés principaux cabinet d'avocats LEGER ROBIC RICHARD, s.e.n.c. et du cabinet d'agents de brevets et de marques ROBIC, s.e.n.c. Ce document a été initialement préparé pour fins d'information générale et de discussion dans le cadre d'une Journée d'étude organisée en 1983 par ALAI-Canada sur le thème général des recours en matière de violations de droits d'auteur. Ce document ne prétend donc pas exposer l'état complet du droit sur la question. Publié à [1983] LA REVUE CANADIENNE DU DROIT D'AUTEUR 35-47. Publication 14. 1 Maintenant le paragraphe 34(2). 2 Maintenant L.R.C. 1985, c. C-42.

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CIVIL REMEDIES

20.(1) Where copyright in any work has been infringed, the owner of the copyright is, except as otherwise provided by this Act, entitled to all such remedies by way of injunction, damages, accounts, and otherwise, as are or may be conferred by law for the infringement of a right.

RECOURS CIVILS

20.(1) Lorsque le droit d'auteur sur une oeuvre a été violé, le titulaire du droit est admis, sauf disposition contraire de la présente loi, à exercer tous les recours, par voie d'injonction, dommages-intérêts, reddition de compte ou autrement que la loi accorde ou peut accorder pour la violation d'un droit.

En vue de l'analyse, je propose de répartir, sommairement, sous 4 chefs, les recours civils que permettent les articles 20 à 243 de la Loi sur le droit d'auteur. A. L'injonction: a) interlocutoire, b) permanente. B. Les dommages: a) réels (nominaux), b) punitifs ou exemplaires, c) reddition de compte. C. Le recouvrement de possession: a) «detinue», b) «conversion», c) «delivery up for destruction». D. Les frais. Toutefois, au préalable, il est important de rappeler que d'autres recours, ancillaires ou complémentaires, existent, mais je ne m'y attarderai pas aujourd'hui. Il serait sans doute intéressant d'y revenir un jour. Également, mes remarques se restreindront à la seule violation de droits d'auteur et non à celle des droits connexes, nécessitant parfois un traitement différent, comme par exemple, les cas de délits de concurrence déloyale et parasitaire, le délit de substitution, celui d'appropriation d'image ou de personnalité, la violation de droits voisins ou dérivés, la violation de dispositions contractuelles ou syndicales, ou encore la violation du droit moral et du droit de paternité, ainsi que l'abus de confiance.

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3 Maintenant les article 34 à 41.

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Enfin, il sera également utile de noter que, quoique les droits d'auteur, de par l'article 91(23) que la Loi constitutionnelle de 1867 relèvent de l'autorité législative du Parlement du Canada, l'article 20(6)4 de la Loi sur le droit d'auteur énonce le principe de la juridiction concurrente de la Cour Fédérale du Canada et des cours provinciales pour son application et exécution. C'est donc dire que chacune des procédures introduites obéira à ses règles propres, selon le forum choisi. Ainsi, au Québec, suivant les conclusions recherchées, la Cour Fédérale du Canada, la Cour Supérieure ou la Cour Provinciale auront juridiction concurrente ce qui peut, en certains cas, avoir des avantages techniques ou stratégiques indéniables. Pour ce qui est du fond du recours, il m'apparaît important d'attirer l'attention a) sur l'article 455 de la Loi du droit d'auteur: 45. No person is entitled to copyright or any similar right in any literary, dramatic, musical or artistic work otherwise than under and in accordance with this Act, or of any other statutory enactment for the time being in force, but nothing in this section shall be construed as abrogating any right or jurisdiction to restrain a breach of trust or confidence.

45. Personne ne peut revendiquer un droit d'auteur ou un droit similaire quelcon-que sur une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artis-tique, autrement qu'en vertu et en conformité de la présente loi ou de tout autre statut en vigueur à l'époque; mais le présent article ne doit nullement être interprété comme abrogeant un droit ou une juridiction quelconque permettant d'interdire un abus de confiance.

b) sur l'interprétation qu'en a récemment donné, en «obiter dictum», le juge Etsey, de la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Compo Company Limited c. Blue Crest Music Inc. [1980] 1 R.C.S. 357, aux pages 372-373:

Répondant à une question de la Cour, Me Hugnes, l'avocat de l'intimée, a très bien exposé la situation en disant que le droit d'auteur n'est pas régi par les principes de la responsabilité délictuelle ni par le droit de propriété mais par un texte législatif. Il ne va pas à l'encontre des droits existants en matière de propriété et de conduite et il ne

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4 Maintenant l'article 37. 5Maintenant l'article 89.

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relève pas des droits et obligations existant autrement en common law. La loi concernant le droit d'auteur crée simplement des droits et obligations selon certaines conditions et circons-tances établies dans le texte législatif. En droit anglais, il en est ainsi depuis la reine Anne, sous laquelle fut promulguée la première loi relative au droit d'auteur. Il n'est pas utile, aux fins de l'interpré-tation législative, d'introduire les principes de la responsabilité délictuelle. La loi parle d'elle-même et c'est en fonction de ses dispositions que doivent être analysés les actes de l'appelante.

II. ANALYSE A. L'injonction Comme premier redressement, lorsqu'un titulaire de droits d'auteur aura établi que son oeuvre est une oeuvre protégée au sens de la Loi sur le droit d'auteur et que ses droits, dans telle oeuvre, ont été usurpés ou autrement violés, il y aura alors lieu d'émettre une injonction permanente (ou finale) et ce, indépendamment de l'ordonnance d'injonction interlocutoire qui aurait pu ou non être antérieurement obtenue. L'injonction est une ordonnance de la Cour ou de l'un de ses Juges enjoignant à une personne de ne pas faire ou de cesser de faire un acte ou une opération déterminée. Dans les cas qui le permettent, il peut être aussi enjoint d'accomplir quelque chose (c'est alors l'injonction mandatoire) et ce, indépendamment de toute réclamation pour dommages. Indépendamment, bien sûr, mais non exclusivement. Dans la mesure où les droits d'un demandeur ont été réellement usurpés et où ils sont susceptibles de l'être encore, une Cour pourra, sur demande, émettre une injonction permanente et ce, même si cette partie demanderesse ne peut prouver ou actualiser des dommages réels. En effet, un des grands principes régissant le droit de la propriété intellectuelle et industrielle, c'est que: «where there is infringement, damages are presumed at law». Malheureusement, lors de l'évaluation du quantum des dommages, ce principe généreux de droit ne reste souvent qu'un voeu pieux. Pour qu'une injonction émane, la violation reprochée devra cependant être une violation substantielle de l'oeuvre protégée et ce, suivant à la fois le dicton «de minimis non curat lex» et également le texte de l'article 3 de la Loi où il est dit que «pour les fins de la présente loi, le droit d'auteur désigne le droit exclusif de produire ou de reproduire une oeuvre, ou une partie

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importante de celle-ci, sous une forme matérielle quelconque, de l'exécuter ou de la représenter Pour qu'une injonction émane, il faut également, en principe, que l'acte reproché soit susceptible de se reproduire. Ce n'est donc pas automatiquement, parce qu'il y a eu des violations passées, que la Cour émettra une telle ordonnance. Tel sera le cas d'une violation survenue dans le cadre d'un événement, comme une exposition temporaire, non susceptible de se reproduire. L'appréhension de nouvelles violations est souvent difficile à prouver mais on peut dire, d'expérience, que les attitudes et agissements passés d'un défendeur sont des gages pour l'avenir qui justifieront dans certains cas qu'un juge émette une telle injonction permanente. Ce principe a conduit nos tribunaux à accepter de rendre une injonction «quia timet» (parce qu'il craint). Enfin, il importe encore de rappeler ici que, en vertu de notre système de droit, c'est au demandeur, à titre de créancier d'une obligation, de prouver les circonstances justifiant l'émission d'une ordonnance d'injonction. Voir, par exemple, l'article 1203 du Code Civil6: The party who claims the performance of an obligation must prove it. On the other hand he who alleges facts in avoidance or extinction of the obligation must prove them; subject nevertheless to the special rules declared in this chapter.

Celui qui réclame l'exécution d'une obligation, doit la prouver. Réciproquement, celui qui en oppose la nullité ou l'extinc-tion doit justifier les faits sur lesquels est fondée sa contestation; sauf les règles spéciales établies au présent chapitre.

L'ordonnance requise ne devrait viser que la partie contrefaite d'une oeuvre contrefactrice et non son ensemble. Toutefois, si, dans l'oeuvre contrefactrice, on ne peut séparer la partie contrefaite et l'apport original du contrefacteur, l'ordonnance pourra alors viser l'ensemble de l'oeuvre. En ce qui a trait à la durée de l'injonction, il est intéressant de noter que, de façon générale, les injonctions «permanentes» qu'é-mettent nos tribunaux sont perpétuelles, alors que les oeuvres qu'elles visent, elles, ont une vie (ou une protection) limitée habituellement à 50 ans à compter de la mort de l'auteur7. Sans doute faudrait-il envisager de préciser, dans le libellé des

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6Maintenant l'article 2803 du Code civil du Québec 7 Maintenant 50 ans à compter de la fin de l'année civile du décès de l'auteur

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conclusions recherchées, que l'injonction subsiste «pour toute la durée du ou des droits d'auteur». La sanction du non-respect d'une injonction est, on le sait, l'outrage au tribunal et les peines, amende, emprisonnement ou parfois les deux, qui y sont attachées. Il faut toutefois noter que, même si l'imposition de peines à l'enjoint qui ne respecte pas l'ordonnance émise se fait sans préjudice aux droits de la partie demanderesse de recouvrer les dommages lui résultant de la violation ultérieure de cette injonction, les peines «pécuniaires» habituellement imposées sont versées au fonds consolidé de la province ou du Canada et non à la partie demanderesse, requérante sur une requête pour outrage, alors que c'est elle qui doit assumer à la fois les risques et les coûts inhérents à une requête pour outrage au tribunal et ce, sans remboursement aucun ni compensation financière pour la continuation du délit reproché. Voir C.T.C.U.M. c. P.G. du Québec, (1983), J.E. 83-556 (C.S.Q.)8, un jugement rendu le 21 avril 1983 par l'Honorable Alice Desjardins, J.C.S.:

PROCÉDURE CIVILE - outrage au tribunal - la deman-deresse, invoquant l'art. 12 de la Loi sur les actions pénales, (L.R.Q., c. A-5), réclame 57 875$ du défendeur, soit la moitié des amendes payées au ministère de la Justice à la suite des déclarations de culpabilité d'outrage au tribunal prononcées en vertu de l'art. 761 C.P. pour violation d'une injonction - action rejetée. L'amende imposée lors d'un outrage au tribunal est réglée par l'art. 5 de la Loi sur le paiement des amendes, (L.R.Q., c. P-2), et non par l'art. 12 de la Loi sur les actions pénales. Cette dernière loi vise vraisemblable-ment les lois qui autorisent expressément une personne à poursuivre le recouvrement d'une amende ou d'une pénalité, telle la Loi sur les architectes, (L.R.Q., c. A-21), à l'art. 19. Par la requête pour outrage au tribunal, la partie privée, qui prend le plus souvent l'initiative de la procédure, ne recherche pas le recou-vrement d'une amende, mais dénonce l'outrage commis. Elle n'est pas une personne «autorisée à poursuivre... le recouvrement d'une amende ou d'une pénalité...» au sens de l'art. 8 de la Loi sur les actions pénales. La partie privée n'a qu'un contrôle relatif sur la conduite de la cause, le Tribunal ayant toute discrétion pour imposer la punition. Le fait que le jugement emportant condamnation soit exécutoire comme un jugement rendu en matière pénale (art. 54 C.P.) n'en fait pas une action pénale au sens de l'art. 8 précité. Si cet article couvre l'action qui tam, il ne couvre pas l'outrage au tribunal. Cette loi doit s'interpréter restrictivement.

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8Appel rejeté (1987), D.T.E. 88T153 (C.A.Q.)

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Certains apprécieront également que les coûts encourus pour faire cette preuve d'ordre pénal (hors de tout doute raisonnable) qu'exige la requête pour outrage au tribunal sont habituellement plus élevés pour la partie demanderesse, partie privée qui se porte plaignante, que pour l'enjoint condamné. C'est ici pour une bonne part que l'on constate la frustration économique de nombreux créateurs. Sur le plan du droit au principe, ils auront gagné en arrêtant le plagiat; mais, en pratique, leurs efforts déployés pour faire reconnaître leur droit et sa sanction par un tribunal sont très rarement compensés en argent. Au contraire, le coût inhérent des frais de procès en aura découragé plusieurs. Il importe enfin de noter que l'émission d'une ordonnance d'injonction permanente se fait toujours sous réserve des droits de la partie demanderesse de recouvrer les dommages lui résultant de la violation antérieure de ses droits par la partie défenderesse enjointe, et c'est ce qui nous amène, d'ailleurs, au second volet de ce bref exposé. En pratique, pour tenter de permettre au demandeur de recevoir quelques avantages financiers en forçant l'exécution d'un jugement d'injonction non suivi, certains ont envisagé d'ajouter dans les conclusions recherchées une mention disant que «tout défaut d'obtempérer entraînera le paiement d'une somme de «X» dollars par jour, à titre de dommages liquidés, en faveur du demandeur, en plus des autres peines imposables». C'est là l'astreinte, définie par Le Petit Robert 1 comme «une mesure coercitive par laquelle un Tribunal peut astreindre (c'est-à-dire obliger strictement) un débiteur récalcitrant à payer une certaine somme pour chaque jour de retard dans l'exécution de son obligation». La légalité et la recevabilité en droit québécois d'une telle mesure comminatoire devront toutefois être judiciairement décidées. B. Les dommages a) Les dommages réels (ou nominaux) On a vu que l'article 20(1) donne ouverture au recours civil; c'est l'alinéa (4) de l'article 20 de la loi qui prévoit et permet l'octroi de dommages au titulaire du droit d'auteur violé. L'article 20(4)9 se lit comme suit:

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9Maintenant l'article 35.

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(4) Where any person infringes the copyright in any work that is protected under this Act, such person is liable to pay such damages to the owner of the right infringed as he may have suffered due to the infringement and in addition thereto such part of the profits that the infringer has made from such infringement as the court may decide to be just and proper; and in proving profits the plaintiff shall be required to prove only receipts or revenues derived from the publication, sale or other disposition of an infringing work, or from any unauthorized performance of the work in which copyright subsists; and the defendant shall be required to prove every element of cost that he claims.

(4) Quiconque viole le droit d'auteur sur une oeuvre protégée en vertu de la présente loi est passible de payer, au titulaire du droit d'auteur qui a été violé, les dommages-intérêts que ce titu-laire a subis du fait de cette violation, et, en sus, telle proportion, que le tribunal peut juger équitable, des profits que le contrefacteur a réalisés en commettant cette violation du droit d'auteur. Dans la détermination des profits, le demandeur n'est tenu d'établir que les recettes ou les produits provenant de la publication, vente ou autre utilisation illicite de l'oeuvre, ou d'une représen-tation, exécution ou audition non autorisée de l'oeuvre restée protégée; et le défendeur doit prouver chaque élément du coût qu'il allègue.

Le principe général sous-jacent à l'octroi de dommages, tant en droit de la responsabilité civile extra-contractuelle que dans le «torts at Common Law», est celui de la «restitutio in integrum» ou de l'exécution par équivalence. C'est-à-dire le paiement d'une somme d'argent représentant la transposition pécuniaire du préju-dice subi, afin de replacer le titulaire du droit d'auteur dans la situation où il aurait été, n'eût été la violation de ses droits d'auteur. Sous réserve de l'article 45 de la Loi, référence pour ce principe pourrait être faite aux articles 1070 à 107810 du Code Civil du Bas-Canada (1865, 23 Vict. c. 41), et plus particulièrement à l'article 107311: The damages due to the creditor are in general the amount of the loss that he has sustained and of the profit of which he has been deprived; subject to the exceptions and modifications contained in the following articles of this section.

Les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, le montant de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé; sauf les exceptions et modifications contenues dans les articles de cette section qui suivent.

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10Maintenant les aryticle 1611 à 1621 C.c.Q. 11Maintenant l'article 1611 C.c.Q.

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Ou encore: «As to damages in general, there is no question but that the respondents are entitled to adjust some by way of indemnity to represent their loss by reason of the wrong done to them.» (Caxton Publishing Company Limited c. Sutherland Publishing Company [1939] A.C. 178 (H.L.), Lord Roche, à la page 191.) Il faut retenir qu'en droit civil, comme en Common Law, ces dommages «réels» doivent avoir un caractère direct et certain. C'est sans doute pour cela que nos tribunaux civils ont été et sont toujours réticents à accepter que «Copyright is a property that is a wasting asset. It is subject to depletion. Every time an infringement takes place so much of the Plaintiff's property has been taken and consumed, never to be recovered. Copyright is not an inexhaustible store that can be drawn on at will without detraction.»: National Film Board c. Bier, (1970), 63 C.P.R. 164 (C. d'É.), le Juge Walsh à la page 179.) Cet énoncé généreux devrait pourtant permettre au créateur d'espérer recevoir des considérations spéciales pour l'évaluation de ses dommages-intérêts. Il serait d'ailleurs grand temps, à mon avis, que nos tribunaux québécois transposent en ces matières le principe de «l'enrichissement sans cause», sous réserve, bien sûr, des limites que pourrait imposer l'article 45 de la Loi et son interprétation jurisprudentielle. Je me permets de vous référer, encore une fois, à l'affaire Compo, précitée, quant à l'exhaustivité de la Loi sur le droit d'auteur, de même qu'à l'affaire Cie Immobilière Viger Ltée c. Lauréat Giguère Inc. [1977] 2 R.C.S. 67), quant à la recevabilité en droit québécois de la doctrine de l'enrichissement injustifié. En droit civil, comme en Common Law, ces dommages «réels» doivent avoir un caractère direct et certain dont la preuve incombe -doit-on le rappeler- à la partie demanderesse. Trop souvent des procureurs vont s'acharner à prouver la violation du ou des droits d'auteur de leur client dans une oeuvre, en oubliant ou en négligeant d'étayer une preuve convaincante de dommages. C'est sans doute là un des éléments qui peut expliquer la modicité, voire le ridicule, des montants souvent accordés à titre de dommages. Il faut par contre compter sur la grande difficulté qu'il peut y avoir, pour le titulaire d'un droit d'auteur, à prouver ces dommages. À cet égard toutefois, même s'ils sont difficiles à évaluer, un tribunal doit se prononcer sur les dommages réclamés, souvent par ce que la jurisprudence reconnaît comme le «rusticum judicium» ou «the exercise of a sound imagination and the

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practice of the broad axe»: Watson, Laidlaw & Co. Ltd. c. Prott (1914), 31 R.P.C. 104 (H.L.), Lord Shaw à la page 118.) Il n'est pas rare, lorsque ces dommages ne peuvent être évalués, de voir un tribunal octroyer des dommages nominaux qui, malgré des efforts en ce sens, s'apparentent, diront certains, à des efforts minimaux. On devrait garder en mémoire ce dictum du Juge Kearney dans l'affaire Bouchet c. Kyriacopoulos (1964), 27 Fox Pat. C. 91 (C. d'É.), à la page 104: «Even if a claimant fails to prove that he has suffered any damages as a direct result of infringement, the party infringed is nevertheless entitled to nominal damages which are not necessary small.» b) Les dommages punitifs ou exemplaires En sus des dommages «réels» (ou nominaux, selon le cas), on a vu la jurisprudence octroyer parfois des dommages dits punitifs ou exemplaires, qu'il ne faudrait d'ailleurs pas confondre avec le dommage moral. Leur recevabilité a été traitée par Gordon J. Zimmerman, d'une façon intéressante, dans son article Exemplary Damages and Copyright in Canada (1981), 57 C.P.R. (2d) 65, et je ne crois pas utile d'y revenir. Le praticien aurait cependant intérêt à s'y référer. L'intérêt principal de cet article vient du survol qui y est fait en la matière. Il faut toutefois faire remarquer que la situation pourrait être différente devant les tribunaux québécois de juridiction civile et il y a lieu, fort malheureu-sement d'ailleurs, d'exprimer certaines réserves quant à la juridiction qu'auraient la Cour Supérieure ou la Cour Provinciale du Québec, siégeant en matière civile, d'octroyer des dommages exemplaires ou punitifs. Voir Chaput c. Romain [1955] R.C.S. 849 et Chamberland c. Gagnon ( [1970] C.A. 845. Bien qu'on trouve, tant devant les cours de Common Law que devant la Cour fédérale, ou devant les cours québécoises (provinciale et supérieure), plusieurs causes où de semblables dommages dits «exemplaires» ont été octroyés, il semble bien que, dans beaucoup de ces cas au Québec, on a ainsi peut-être improprement nommé ce qu'il y aurait sans doute eu lieu d'appeler dommages nominaux ou dommages moraux, car ils s'y apparentent. La question reste posée, même s'il reste de pratique de demander tels dommages punitifs ou exemplaires dans les procédures. Il faut constater que, si tel était le cas (savoir le défaut de juridiction), nous nous trouverions devant une situation où une loi fédérale d'application pancanadienne aurait des conséquences différentes suivant le forum où elle est mise en opération. À cet effet, relativement à la spécificité du droit québécois, je me permets une référence à l'opinion du juge Mayrand dans

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une affaire de brevets, Marchand c. Peloquin [1978] C.A. 266, où, à la page 273, il s'exprime ainsi:

Le droit américain semble avoir suivi la même voie. Si ces décisions étaient celles de notre Cour suprême, je trouverais opportun de les suivre sans discussion; si elles émanaient d'une Cour d'Appel canadienne, j'éprou-verais un certain scrupule à ne pas les suivre et à rendre une décision contraire susceptible de rendre le droit incertain. Mais l'autorité de ces décisions anglaises, si respectables soient-elles malgré leur ancienneté, ne nous lie pas. La loi canadienne ne se prononce pas sur le droit de chacun des brevetés d'accorder une licence sans l'assentiment des cobrevetés ou sur son droit d'exploiter le brevet à son seul profit. Pour déterminer les droits du cobreveté, nos Tribunaux ont la liberté de recourir à leurs propres normes d'interprétation et les décisions judiciaires étrangères relatives à des lois semblables ou similaires ne peuvent avoir pour eux qu'une autorité de raison.

De plus, de par la formulation même de l'article 20(4) de la Loi, qui emploie les termes «en sus» et «in addition thereto», outre les dommages réels lui résultant de la violation de ses droits, le titulaire du droit d'auteur violé peut également réclamer une partie des profits que le contrefacteur a réalisés de par ses agissements délictueux. Il est intéressant de noter que c'est là un redressement cumulatif et non alternatif, propre au droit canadien. À cet égard, il y a donc lieu de se méfier des décisions britanniques fondées sur l'article 6 de la Loi de 1911 ou sur l'article 17 de celle de 1956, puisque, dans ces dernières, le redressement est alternatif. Un bon exemple de la mise en application de ce droit du titulaire aux profits illégitimes dérivant au contrefacteur de sa contre-façon peut être trouvé dans la décision rendue par le juge Labrosse dans l'affaire du poster de Farah Fawcett où, outre des «damages for infringement» de 174 380,10$, le Juge a également ordonné le paiement, à titre de «profits made by the Defendant», d'une somme supplémentaire de 63 031,07 $. Quant à l'arithmétique qui permet de déterminer ces profits, elle est clairement exprimée à l'article 20(4) «in fine» et clairement exposée dans la décision du juge Labrosse. Il est à noter toutefois qu'il s'agit là d'un pouvoir discrétionnaire du juge saisi de la demande de redressement:Pro Art Inc. c. Campus Crafts Holdings Ltd. (1981), 50 C.P.R. (2d) 230 (O.H.C.J.), j. Labrosse. c) La reddition de compte Alternativement aux dommages, il est loisible à une partie demanderesse de réclamer une reddition de compte. Toutefois, eu égard aux dispositions

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supplémentaires de l'article 20(4), on pourrait chercher l'intérêt qu'il y aurait pour le titulaire du droit d'auteur violé d'opter pour une reddition de compte alors qu'en réclamant des dommages il pourrait également avoir droit, en sus, aux profits illégitimes du contrefacteur. J'attire également votre attention sur la Règle 500(1) des Règles de la Cour fédérale (C.R.C. 1978, c. 663): Rule 500. (1) The Court may, for the purpose of taking accounts or making inquiries, or for the determination of any question or issue of fact, refer any matter to a judge nominated by the Associate Chief Justice, a prothonotary, or any other person deemed by the Courtto be qualified for the purpose, for inquiry and report.

Règle 500. (1) La Cour pourra, aux fins d'établir des comptes ou de faire des enquêtes, ou pour statuer sur un point ou une question de fait en litige, renvoyer toute matière devant un juge désigné par le juge en chef adjoint, ou devant un protonotaire ou toute autre personne que la Cour estime compétente en l'occurrence, pour enquête et rapport.

Il s'agit là d'une particularité que le droit québécois aurait sûrement avantage à adopter et adapter. Elle permettrait alors, dans un premier temps, de vider la question de la violation et, celle-ci étant décidée, dans un deuxième temps, d'évaluer les dommages. Le coût des procès pourrait ainsi en être d'autant diminué, du moins dans un premier temps. C. Le recouvrement de possession Une des particularités de la Loi sur le droit d'auteur est l'enchâssement, dans son article 2112, des recours en «detinue» et en «conversion» que connaît la Common Law et ce, par la création, en faveur du titulaire du droit d'auteur violé, d'un droit de propriété dans les objets et moyens de la contrefaçon.

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12Maintenant l'article 38.

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21. All infringing copies of any work in which copyright subsists, or of any substan-tial part thereof, and all plates used or intended to be used for the production of such infringing copies, shall be deemed to be the property of the owner of the copyright, who accordingly may take proceed-ings for the recovery of the possession thereof or in respect of the conversion thereof.

21. Tous les exemplaires contrefaits d'une oeuvre protégée, ou d'une partie importante de celle-ci, de même que toutes les planches qui ont servi ou sont destinées à servir à la confection d'exemplaires contrefaits, sont considérés comme étant la propriété du titulaire du droit d'auteur; en conséquence, celui-ci peut engager toute procédure en recouvrement de possession ou concernant l'usurpation du droit de propriété.

Ce recours, que la House of Lords aussi bien que la Cour Suprême du Canada ont jugé cumulatif (et non alternatif) à l'octroi de dommages, ne doit cependant pas être considéré comme un recours en dommages, mais plutôt comme un recours fondé sur la détention illégitime qu'à un tiers (en l'occurrence, le contrefacteur) d'un bien dont la Loi, par la «fiction» de l'article 21, attribue la propriété au titulaire du droit d'auteur objet de la contrefaçon. C'est d'ailleurs cette fiction qui permet de recourir à la saisie avant jugement sous l'article 734(1) du Code de procédure civile (L.R.Q., c. 25), recours interlocutoire dont il a été question dans un précédent exposé. Sans entrer dans la question constitutionnelle d'empiètement possible de la législation fédérale sur les pouvoirs dévolus aux législatures provinciales, relativement à la propriété et aux droits civils, de par les articles 92(13) et 92(16) de la Loi constitutionnelle de 1867, analysons maintenant brièvement le fonctionnement du recours que prévoit l'article 21 de la Loi. a) Le recouvrement de possession ou «detinue» Dans le cas du recouvrement de possession, le titulaire du droit d'auteur pourra, sans indemnité aucune, en sus des dommages et profits qui auraient pu lui être autrement octroyés, réclamer la possession physique, à titre de propriétaire, et des exemplaires contrefacteurs et des planches ayant servi ou étant destinées à servir à la confection desdits exemplaires contrefacteurs. Comme il s'agit là d'une mesure confiscatoire, la jurisprudence a donné une interprétation restrictive à l'application de cet article. Ne seront donc visées, par exemple, que les planches («plates») et non les autres moyens de reproduction que connaît maintenant la technique moderne. Voir Canusa Records Inc. c. Blue Crest Music Inc. (1977), 30 C.P.R. (2d) 11 (F.C.A.).

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Il est également intéressant de noter, éventuellement, aux fins d'argumentation, la différence de libellé entre le texte français, qui fait allusion à des «exemplaires contrefaits», et le texte anglais qui utilise les mots «infringing copies». Ce qui pourrait être visé par le texte anglais apparaît donc beaucoup plus étendu que ce que vise le texte français, puisque toute contrefaçon est nécessairement une violation, mais non l'inverse. Un autre point intéressant pourrait concerner ce à quoi le titulaire du droit d'auteur a droit dans le cas où ce qui fait l'objet de la contrefaçon est partie indissociable de la totalité de l'oeuvre contrefactrice. En effet, il semble bien en ce cas que, sur la base sans doute du principe «nemo turpidudinem suam allegans», le titulaire aurait droit alors à toute l'oeuvre contrefactrice, à titre de propriétaire. (C'est d'ailleurs le cas en matière d'injonction permanente). Afin de recouvrer la possession de ces biens dont il est réputé propriétaire, le titulaire pourra prendre toutes mesures utiles, notamment la saisie avant jugement, l'injonction mandatoire de délivrance ou l'ordonnance de destruction. b) Le paiement de la valeur ou «conversion» Alternativement au recours en recouvrement de possession, le titulaire du droit d'auteur violé peut aussi engager ce que le législateur a bizarrement qualifié de «procédures concernant l'usurpation du droit de propriété», procédures que j'appellerai ci-après procédures en conversion. Essentiellement, ce recours permet au titulaire d'exiger du contrefacteur, en sus des dommages et profits qui auraient pu lui être autrement octroyés, le paiement de la valeur des objets de la contrefaçon au moment où celle-ci a eu lieu ou, comme l'a dit Lord Wright dans l'affaire Ash c. Dickie [1936] 1 Ch.D. 655 (C.A.), à la page 667:

As I have already said, the damages in the case of conversion under s. 7, as in every other case of conversion, are the value of the chattel at the time of the converstion; and in case of this sort the best evidence of that value may well be what the wrongdoer obtained by disposing of the chattel.

Il semble bien que la date à laquelle il faille se référer soit non pas celle du jugement confirmant le droit de propriété, mais plutôt celle où l'objet de la contrefaçon est né et ce, puisque c'est dès le moment où la contrefaçon a lieu que le titulaire du droit d'auteur violé est réputé propriétaire de par l'article 21 et que, conséquemment, c'est donc à compter de ce moment que le contrefac-teur a possession illégitime de ce dont le titulaire est établi propriétaire de par cette fiction (ou création) juridique.

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Par exemple, dans le cas d'un livre, ce serait sans doute au moment de la reliure, le livre étant complet à compter de ce moment seulement. La différence entre, d'une part, le calcul des dommages pour violation en vertu de l'article 20(4) de la Loi et, d'autre part, le calcul de la valeur de ce qui fait l'objet de la conversion en vertu de l'article 21 de la Loi est ainsi exprimé par Lord Wright, aux pages 181 et 182 de la décision de la Cour d'Appel dans Sutherland Publishing Company Limited c. Caxton Publishing Company Limited [1936] 1 All E.R. 177 (C.A.):

"As an example of what I mean by overlapping let me take the following case. The owner of a copyright in a book proves that, whereas if it had not been for the infringement he could have sold 1,000 copies, he has only been able to sell 500, the infringer having printed and sold 500 copies. It is obvious that as the possible market for the book is limited to 1,000 copies, if the damages for infringement under section 6 are fixed on the basis that the copyright owner would have sold 1,000 copies but for the infringement, and at the same time the value of the 500 copies sold by the infringer is fixed for the purposes of section 7 at the amount for which they were sold, the result will be that the copyright owner will have recovered damages on the footing that there was an available market for 1,000 copies only. If he had sold 1,000 copies there would have been no market for the 500 copies made by the infringer, which would accordingly have had no value. Conversely, if the 500 copies sold by the infringer were worth what they were sold for, this could only be so on the basis that the copyright owner was only going to sell 500. In such a case it appears to me that to award to the copyright owner damages for infringement based on his inability to sell 500 copies and at the same time to award him damages based on the sale price of the 500 copies sold by the infringer would not be permissible."

Si les recours, sous l'article 20(4), sont cumulatifs, il s'agit donc, on le voit, d'un cumul que mitigent les tribunaux. Il peut également être utile de rappeler que, en l'absence de pr.cisions ou de limitations législatives à cet effet, la valeur du bien faisant l'objet de la contrefaçon sera celle de cet objet, au moment de la réalisation de l'objet contrefacteur ou de sa vente, si le cas échet, et ce, sans faire de déductions pour les coûts encourus par le contrefacteur pour améliorer ou autrement modifier le produit. C'est d'ailleurs ce qu'a récemment décidé la House of Lords dans l'affaire Infabrics Ltd. c. Jaytex Ltd. (1981), 2 W.L.R. 646 (H.L.) où, en conclusion, Lord Scarman émet l'opinion suivante, à la page 660:

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A more troublesome point on section 18 is the measure of damages. In cases, like the present, on industrial design, damages for infringement under section 17 are often small. Limited (in the absence of special circumstances) to the depreciation in value of the copyright, they can be minimal. In the present case infabrics paid only a few pounds for the design. But damages for conversion can be very great. If the industrial application of the infringing copy is a success, damages are recoverable as if the infringing copy be engraved upon a silver chalice or a gold medallion? The language of the subsection is, I think, clear: it bestows upon the owner of the copyright the rights and remedies to which at common law an owner of goods is entitled for their conversion. It treats the owner of the copyright as if be were the owner of the infringing copies. Since at common law the damages for conversion are ordinarily measured by reference to the value of the goods converted. I would not think it legitimate to construe the subsection otherwise, through the result will be injustice in some cases. If the possibility of excessive damages is to be eliminated, legislation will be needed: for the language of the subsection permits of no other construction.

Il y a toutefois lieu de rappeler que les recours en «detinue» et en «conversion» sont entre eux alternatifs. Rien cependant n'interdirait de demander le recouvrement de possession pour une partie des exemplaires contrefacteurs et le paiement de leur valeur pour l'autre partie de ceux-ci. Il pourrait ainsi, en certains cas, s'avérer avantageux de demander le recouvrement de possession de ceux des ouvrages contrefacteurs qui sont d'une récente édition (ou de bonne facture), afin de les revendre soi-même, et le paiement de la valeur des ouvrages contre-facteurs d'éditions antérieures ou des exemplaires défraîchis, invendables sinon en solde. c) La destruction ou «delivery up» Un dernier mot pour préciser que la demande d'injonction visant la délivrance pour destruction («delivery up for destruction») des objets contrefacteurs ne doit pas être confondue avec le recours en «detinue». Dans le cas du recours en «detinue», il va sans dire que le titulaire qui recouvre la possession, à titre de proprié-taire, des objets contrefacteurs, a droit d'en disposer comme bon lui semble et, bien sûr, de les remettre, à son profit, dans le commerce. Dans le cas de «conversion», on peut cependant également demander la délivrance pour destruction des objets contrefacteurs, non comme propriété, mais comme un moyen ancillaire à l'injonction.

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Dans l'exemple ci-dessus, rien ne semblerait empêcher de demander le paiement de la valeur des exemplaires dont le titulaire ne réclame pas la possession et la destruction parallèle d'iceux. La modicité des sommes octroyées dans les recours civils sous la Loi sur le droit d'auteur, surtout devant la Cour Supérieure du Québec, est quasi légendaire. Les tribunaux des provinces de Common Law et, jusqu'à un certain point, la Cour Fédérale, ont maintenant dépassé cette tradition. Pour ce qui est du praticien québécois, il a à lutter contre un courant jurisprudentiel. Toutefois, il y aurait avantage à ne pas oublier de réclamer des dommages, à la fois sous l'article 20(4), et sous l'article 21. La dynamique du droit devrait faire le reste. D. Les frais Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour savoir que le recours à la justice (et surtout, dira-t-on, aux avocats) coûte cher et que le résultat obtenu au chapitre des dommages est souvent sans rapport aucun avec l'énergie et l'argent investis. Il faut se rappeler la distinction qui existe entre les honoraires judiciaires et les honoraires extra-judiciaires. Les honoraires judiciaires sont ceux, prévus au Tarif des différentes cours et édictés en vertu des loi et règlements du Barreau, que paie la partie qui succombe à l'avocat de la partie qui gagne: il s'agit évidemment de montants tout à fait inadéquats, sans rapport réel avec les efforts déployés et, à tout événement, insuffisants pour permettre à un avocat d'exercer sa profession et ce, même si ces honoraires peuvent parfois être majorés de façon assez "intérersante" (quoique toujours insuffisante) dans les causes de plus grande importance. Il y a donc également les honoraires extra-judiciaires, c'est-à-dire ce que paie une partie (sur la base d'un taux horaire, d'un pourcentage ou autrement) à son avocat, quelle que soit l'issue de la cause. Il serait sans doute avantageux pour le praticien de recourir plus souvent aux honoraires spéciaux que prévoit la Règle 15 du Tarif relative aux causes de grande importance ou encore, devant le forum de la Cour Fédérale, de demander la taxation sur une base «client-avocat» ("Solicitor-Client"). Dans les cas fructueux, cela pourra permettre à l'avocat d'en faire profiter son client et ainsi réduire, pour ce dernier, les frais de recours à la Justice: 15. La Cour peut, sur demande ou d'office, accorder un

honoraire spécial, en plus de tous autres honoraires, dans une cause importante.

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Au même effet, il y aurait lieu d'invoquer plus souvent les dispositions de l'article 20(2)13 de la Loi: (2) The costs of all parties in any proceedings in respect of the infringement of copyright shall be in the absolute dis-cretion of the court.

(2) Les frais de toutes les parties à des procédures relatives à la violation du droit d'auteur sont à la discrétion absolue de la cour.

Il serait alors possible au Juge saisi du procès de fixer un montant forfaitaire à titre de dépens liquidés. Cela pourrait, suivant l'entente entre l'avocat et le client, avoir une incidence sur leurs relations professionnelles et diminuer d'autant la note pour le justificiable. L'octroi de dépens, faut-il le préciser, fait l'objet d'une grande discrétion pour le juge saisi du litige et pourra dépendre, outre du succès de la cause, de l'attitude des parties et de leurs procureurs, autant avant l'institution des procédures que pendant le procès, et la nature des actes reprochés. Je rappelle d'ailleurs ici que, contrairement aux critères régis-sant l'émission de l'injonction interlocutoire, l'émission d'une injonction permanente ne doit plus tenir compte de la "balance des inconvénients". Toutefois, un retard injustifié ou injustifiable à recourir aux tribunaux aura une incidence certaine, non pas sur l'émission d'une injonction permanente, mais sur l'octroi de dommages et le montant de ceux-ci. En certains cas, les tribunaux ont même refusé de sanctionner une absence de diligence du titulaire qu'ils ont alors assimilée soit à un consentement (ou licence) implicite, soit à un piège, situation qu'ils ont refusé d'entériner par une injonction dont il serait résulté une injonction ou une disproportion. Voir aussi l'article 2314, relatif aux oeuvres architecturales. L'avocat a toujours avantage à recourir aux services d'experts pour faciliter la présentation technique de la preuve lors du procès; de plus, il ne faut jamais hésiter à demander des expertises. Dans tous les cas, des frais d'experts et d'expertises devraient être requis dans les conclusions écrites et réitérés lors du plaidoyer et ce, même si la Règle 12 du Tarif prévoit ceci: 12. Le coût des pièces littérales, des copies de plans, des actes

ou des autres documents, ainsi que le coût des expertises

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13Maintenant le paragraphe 34(3) 14Maintenant l'article 40.

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produites sont inclus dans le mémoire de frais, à moins que le juge n'en ordonne autrement.

III. CONCLUSION Comme on aura pu le constater, le créateur ou titulaire d'un droit d'auteur doit faire face à de nombreux écueils s'il veut protéger ses droits. Dans plusieurs cas, le praticien du droit aura constaté «que le délit de violation des droits d'auteur paie», c'est-à-dire que l'usurpateur aura eu le temps de s'enrichir avec le fruit de son délit, et que la condamnation éventuelle est loin d'avoir un effet dissuasif. Cette situation doit changer si l'on veut que la société dans son ensemble continue de bénéficier des impacts économiques de ses créateurs. C'est d'abord pour eux qu'existe la Loi du droit d'auteur, elle vise tous les paliers d'activités économiques et non, comme plusieurs le croiraient, les seuls «artistes». La création sous toutes ses formes est essentielle au maintien de la dynamique de nos sociétés. Pour que cesse cette frustration, trop souvent éprouvée par la victime d'un plagiat (sous toutes ses formes), il faut effectuer un changement jurisprudentiel sinon législatif. Il n'est pas nécessaire d'attendre un changement à la Loi du droit d'auteur, dont l'esprit est suffisamment répressif. Le jugement dans l'affaire Farah Fawcett constitue un pas dans la bonne direction, et nous souhaitons qu'elle sera suivie. C'est la notion de «TRESPASS» qui l'a manifestement emporté. Au Québec, pour y parvenir, il faut que les tribunaux cessent d'assimiler le délit de violation de droit d'auteur à une faute ordinaire, sous l'article 105315, puisque, dans ce cas, preuve formelle d'un dommage est essentielle pour entraîner une condamnation. Cette assimilation apparaîtrait d'ailleurs à certains comme contraire à l'article 45 de la Loi. Tel ne doit pas être le cas en matière du crime économique que constitue la violation de droit d'auteur. Qu'il suffise de rappeler les paroles du Juge Walsh dans l'affaire National Film Board c. Bier 1970 63 C.P.R. 164 (C. d'É.), à la page 179: "Copyright is a property that is a wasting asset. It is subject to

depletion. Every time an infringement takes place so much of

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15Maintenant l'article 1457 C.c.Q.

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the Plaintiff's property has been taken and consumed, never to be recovered. Copyright is not an inexhaustible store that can be drawn on at will without detraction."

Rappelons enfin ce principe du «TRESPASS» que reconnaît la Common Law, mais non le droit civil: «Where there is infringement damages are presumed at law.» Ce qu'il faut maintenant, c'est que ces dommages aient un véritable effect dissuasif pour le plagiaire. C'est seulement alors que l'on aura plus à mettre en garde son client contre la malheureuse réalité: «Qui gagne (en droit) perd (en argent).» Actuellement, en raison de l'état du droit, le praticien doit toujours préalablement déterminer avec le client si celui-ci fait de la violation de ses droits d'auteur une question de principe (auquel cas les frais à encourir sont d'importance secondaire) ou s'il en fait une décision économique (auquel cas il faut mesurer ce qu'il en coûtera pour poursuivre par rapport au résultat escompté). Pour faciliter ce virage jurisprudentiel, rappelons succintement ce que peuvent être, par exemple, une fois l'action accueillie, les conclusions d'une demande de «redressement» (pour employer l'expression de l'article 2116 de

la Loi sur la Cour fédérale (S.R.C. 1970 (2e suppl.), c. 10)17 pour violation de droit d'auteur: a) l'émission d'une déclaration entre les parties à l'effet que l'oeuvre est une oeuvre artistique (littéraire, cinématographique ou autre) protégée, dont la partie demanderesse est la seule propriétaire, que l'enregistrement (le cas échéant) y relatif est valide et que les droits de la partie demanderesse en l'oeuvre ont été violés par la partie défenderesse; b) l'émission d'une ordonnance d'injonction permanente enjoignant à la partie défenderesse, ainsi qu'à tous ses employés et préposés, agents, courtiers et mandataires, officiers et administrateurs, ainsi qu'à toute autre personne sur laquelle la partie défende-resse exerce un contrôle: de ne plus enfreindre les droits de la partie défenderesse dans l'oeuvre,

tant que celle-ci sera protégée (ou est protégeable),

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16Maintenant l'article 20 de la Loi sur la Cour fédérale. 17 Maintenant L.R.C. 1985, c. F-7.

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de ne plus produire, reproduire, adapter ou autrement utiliser l'oeuvre, de quelque façon (voir les éléments mentionnés aux articles 17 et 3 de la Loi),

le tout, sous toutes peines que de droit et, au cas de violation, à peine d'une astreinte non comminatoire, en faveur de la partie demanderesse, de «X» dollars par exemplaire contrefacteur de l'oeuvre; c) l'émission d'une ordonnande condamnant la défenderesse à payer à la demanderesse: la somme de «X» dollars à titre de dommages, la somme de «X» dollars à titre de profits illégalement obtenus par la

défenderesse, la somme de «X» dollars à titre de dommages moraux (punitifs ou

exemplaires), avec, sur telles sommes, depuis l'assignation, l'intérêt légal, de même que l'indemnité prévue par l'article 105618 du Code civil, les intérêts échus des capitaux produisant eux-mêmes des intérêts conformément à l'article 1078(2)19 du Code civil; d) l'émission d'une ordonnance déclarant la partie demanderesse propriétaire du «tiers indiqué» des exemplaires contrefacteurs de l'oeuvre, de même que des planches ayant servi ou étant destinées à la confection d'exemplaires contrefaits de l'oeuvre et enjoignant à la partie défenderesse de remettre, à ses frais, à la partie demanderesse, ce tiers et ces planches; e) l'émission d'une ordonnance condamnant la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de «X» dollars pour valeur des «deux tiers indiqués» des exemplaires contrefaits de l'oeuvre et enjoignant à la partie défenderesse de remettre, à ses frais, sous son serment, à la partie demanderesse, ces exemplaires pour que la partie demanderesse les détruise; f) l'émission d'une ordonnance condamnant la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse, avec distraction en faveur des procureurs de la partie demanderesse, la somme de «X» dollars à titre de dépens liquidés, plus les frais d'experts et d'expertises;

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18Maintenant l'article 1619 C.c.Q. 19Maintenant l'article 1620 C.c.Q.

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g) l'émission d'une ordonnance réservant à la partie demanderesse tous ses autres droits et recours; h) l'émission de toute autre ordonnance qu'il pourra paraître juste ou opportun d'accorder à la partie demanderesse, eu égard aux circonstances de l'instance. Les tribunaux feront, je l'espère, l'étape suivante. Ou, peut-être, le législateur, ce dont nous entretiendra sans doute notre prochain conférencier. Le tout, respectueusement soumis.

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ROBIC, un groupe d'avocats et d'agents de brevets et de marques de commerce voué depuis 1892 à la protection et à la valorisation de la propriété intellectuelle dans tous les domaines: brevets, dessins industriels et modèles utilitaires; marques de commerce, marques de certification et appellations d'origine; droits d'auteur, propriété littéraire et artistique, droits voisins et de l'artiste interprète; informatique, logiciels et circuits intégrés; biotechnologies, pharmaceutiques et obtentions végétales; secrets de commerce, know-how et concurrence; licences, franchises et transferts de technologies; commerce électronique, distribution et droit des affaires; marquage, publicité et étiquetage; poursuite, litige et arbitrage; vérification diligente et audit; et ce, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. La maîtrise des intangibles. ROBIC, a group of lawyers and of patent and trademark agents dedicated since 1892 to the protection and the valorization of all fields of intellectual property: patents, industrial designs and utility patents; trademarks, certification marks and indications of origin; copyright and entertainment law, artists and performers, neighbouring rights; computer, software and integrated circuits; biotechnologies, pharmaceuticals and plant breeders; trade secrets, know-how, competition and anti-trust; licensing, franchising and technology transfers; e-commerce, distribution and business law; marketing, publicity and labelling; prosecution litigation and arbitration; due diligence; in Canada and throughout the world. Ideas live here. COPYRIGHTER IDEAS LIVE HERE IL A TOUT DE MÊME FALLU L'INVENTER! LA MAÎTRISE DES INTANGIBLES LEGER ROBIC RICHARD NOS FENÊTRES GRANDES OUVERTES SUR LE MONDE DES AFFAIRES PATENTER R ROBIC ROBIC + DROIT +AFFAIRES +SCIENCES +ARTS ROBIC ++++ ROBIC +LAW +BUSINESS +SCIENCE +ART THE TRADEMARKER GROUP TRADEMARKER VOS IDÉES À LA PORTÉE DU MONDE , DES AFFAIRES À LA GRANDEUR DE LA PLANÈTE YOUR BUSINESS IS THE WORLD OF IDEAS; OUR BUSINESS BRINGS YOUR IDEAS TO THE WORLD