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Zeitschri des Max-Planck-Instituts für europäische Rechtsgeschichte Rechts R g geschichte Rechtsgeschichte www.rg.mpg.de http://www.rg-rechtsgeschichte.de/rg13 Zitiervorschlag: Rechtsgeschichte Rg 13 (2008) http://dx.doi.org/10.12946/rg13/133-153 Rg 13 2008 133 – 153 Patrick Gilli Imperium et Italie au XVe si ècle: juristes et humanistes face à la déromanisation de l'empire Dieser Beitrag steht unter einer Creative Commons cc-by-nc-nd 3.0

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Zeitschri des Max-Planck-Instituts für europäische Rechtsgeschichte Rechts Rggeschichte

Rechtsgeschichte

www.rg.mpg.de

http://www.rg-rechtsgeschichte.de/rg13

Zitiervorschlag: Rechtsgeschichte Rg 13 (2008)

http://dx.doi.org/10.12946/rg13/133-153

Rg132008 133 – 153

Patrick Gilli

Imperium et Italie au XVe siècle: juristes et humanistes face à la déromanisation de l'empire

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Abstract

The nature of the Empire was the object of constant discussion on the part of the jurists. In the 15th century, the Italian intellectuals paid more particular attention to the nationality of the Em-peror and confirmed its inevitable non-Romaniza-tion and its subsequent Germanization. The pre-sent paper examines the sources, both legal and humanistic, of this important debate. One of the turning points in the discussion was the creation of the duchy of Milan in 1395. Baldo degli Ubaldi was one of the legal experts to make his contribu-tion, explaining that the creation of duchy was like a revival of the Empire in Lombardy. At the end of the century, the discussion between Italians and Germans became more virulent. At stake was the legitimate nationality of the emperor. The ques-tion is not neutral because it reveals the capacity of the intellectuals to use the most diversified sources to answer the fundamental question of the legiti-macy of states, in particular Italian territorial states. It is moreover striking that humanists and Italian jurists, so oen in opposition between themselves, have had convergent points of view on this issue, even when the theoretical base of their reflection was not the same. The Empire had stopped being Roman and had been reduced to its Germanic di-mension. The German intellectuals naturally tried to benefit from it.

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Imperium et Italie au XVe siècle:juristes et humanistes face à ladé-romanisation de l’empire

Durant les XIIIe et XIVe siècles, la problématique dominantedes juristes au regard de l’empire s’était orientée dans les voies queles vastes affrontements idéologiques entre l’empire et la papautéou entre la royauté française et la papauté avaient ouvertes. Ils’agissait alors de déterminer les limites respectives de ces entités àprétentions universalistes. Inutile de revenir ici sur ces questionslargement débattues et connues.1 On a coutume de dire qu’aprèscet âge d’or de la science juridique, le Quattrocento aurait large-ment répété les acquis théoriques des canonistes comme descivilistes, d’autant plus facilement que la conjoncture politiquetendait à un refroidissement des grands conflits théocratiques ouphilo-impériaux, singulièrement en Italie.2 La question impérialeaurait alors eu une valeur purement scolastique ou pédagogique,avec pour enjeu la seule formation intellectuelle des futurs juristes.Pourtant la réflexion impériale continue d’avoir une efficacité et unintérêt; certes cet intérêt, à dire vrai, se déplace de la question del’universalité de l’imperium à celle de la nationalité de l’empereur etplus encore à celle des pouvoirs que ce dernier est en mesure deconcéder aux gouvernants italiens, dans la mesure même où unegrande partie de la péninsule relève des terrae imperii. En outre, lesujet trouve son intérêt accru par l’immixtion dans ce champintellectuel d’une autre catégorie de penseurs politiques, qui vontà leur tour se trouver confrontés à la présence de l’empire en Italie,à savoir les humanistes. C’est à la confrontation de ces points devue autant qu’à l’examen des évolutions du concept d’empire quela présente contribution est consacrée.

En 1395, par décret impérial de Venceslas, alors roi desRomains, Jean Galéas Visconti obtenait le titre ducal tant attendu,qui allait lui conférer ce surcroît de légitimité sur ses possessionslombardes, quinze ans après avoir reçu le vicariat impérial.L’affaire intéressa les juristes prompts à réagir à ces mutationsd’assiette institutionnelle. Le plus important d’entre eux, Baldodegli Ubaldi, à la demande vraisemblablement de Jean Galéaslui-même (il est alors professeur au studium de Pavie),3 livre ainsi

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1 Burns, Histoire, 120–154.2 Maffei, La donazione di Costan-

tino, 194; plus récemment Cor-tese, Il tramonto del mito.

3 Sur la biographie de Balde, l’en-semble de contributions qui luisont consacrées dans la revue Iuscommune, 1998, et VI Centena-rio … 2005; sur ces consilia deBalde, Pennington, Was Baldusan Absolutist?, 305–320, et Gilli,Les consilia de Baldo, 257–279.

une réflexion extrêmement riche sur le sujet, au travers de plu-sieurs consilia ad hoc, mais aussi par le biais des commentairessavants aux libri legales qu’il devait analyser dans le cadre de sonenseignement. Cette élévation ducale posait en effet plusieursdifficultés: d’abord, elle émanait de Venceslas qui n’était alorsque Rex Romanorum et non imperator coronatus. Les deuxdignités emportent-elles les mêmes prérogatives? Ensuite, le titreducal risquait de léser les vassaux d’empire déjà présents enLombardie. Quel allait être le statut des vassaux d’empire face aunouveau duc? La réflexion du grand juriste ne naît pas sur une terraincognita. Déjà au début du XIVe siècle, un juriste gibelin, Cino daPistoia, avait posé la question »nunquid imperator, ante corona-tionem suam, possit legitimare et privilegia concedere?« Il y avaitrépondu d’une façon très originale: d’abord négativement, sur labase d’une étonnante reconstruction analogique: comme l’êtrehumain repose sur trois étapes – la génération, la formation, lanaissance –, l’état impérial repose sur trois moments: l’élection quis’assimile à la génération/conception; la confirmation qui s’assimileà la formation; enfin le couronnement comparable à la naissance.Tant que le cycle des transformations n’est pas achevé, le roi noncouronné ne peut être dit empereur et jouir des prérogativesafférentes à son titre:4 en bonne méthode dialectique, Cino déploiepar le suite les arguments nombreux en faveur de la légitimitéplénière de l’empereur non couronné, option qui est de touteévidence celle de son cœur. Cependant les arguments du juristede Pistoia ne sont pas les mêmes que ceux de Balde, et pour toutdire, apparaissent finalement moins convaincants et moins origi-naux que les raisons avancées précédemment pour dénier la légi-timité de l’empereur non couronné. On mesure mieux a contrariola créativité argumentaire de Balde en la mettant ainsi en parallèleavec la production-clé du juriste italien le plus philo-impérial duXIVe siècle.

Les questions qu’affrontait Balde n’étaient pas de pure formeet lui permettaient de donner une réflexion particulière sur l’em-pire. Les réponses données s’insèrent dans une perspective poli-tique qui n’est pas toujours objectivée mais qu’il nous faut tou-jours garder à l’arrière-plan. Balde s’évertue d’abord à légitimerl’acte de Venceslas, au terme d’une argumentation philosophiquedont il est coutumier, reprise dans deux consilia.5 Quoique le roides Romains ne soit pas imperator formatus, il possède la potestas

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4 Cino da Pistoia, Commentaria,446: »Ita rex antequam coroneturper papam, nihil ex his quae adprincipem mundi spectant, agit.«Le commentaire au Code de Cinofut rédigé vers 1312–1314, alorsque les rêves de restauration im-périale sur l’Italie avec la descented’Henri VII venaient de se briser(voir Monti, 85).

5 Horn, Philosophie in der Juris-prudenz der Kommentatoren.

administrandi. Le couronnement n’ajoute rien à l’autorité nisicorruscationem. Il est, en réalité, imperator causatus, comme sil’élection suffisait à donner une réalité aux exigences providentielleset historiques qui justifient l’avènement d’un nouveau César; lacausalité qui génère l’empereur se trouve en quelque sorte déployéepar l’élection:

»Et dico quod rex Romanorum, licet non sit imperator formatus, tameneadem potestatem habet ac si esset formatus per impositionem coronaesecundum opinionem communem legistarum: quia corona nihil addit Impe-ratori nisi corruscationem.«6

De plus la dignité de roi n’est pas inférieure à celle d’empereur.Jésus Christ lui-même est appelé Roi, mais jamais empereur car laroyauté est un titre de dignité et d’équité:

»[Rex Romanorum] est imperator causatus, licet non sit formatus innomine. Porro rex est nomen dignitatis et aequitatis, unde noster dominusIesus Christus appellatur rex, et nunquam invenitur quod ipse sit vocatusimperator.«7

Toutefois, Balde n’est pas toujours conséquent avec lui-même:lorsqu’il examine les rapports entre empire et papauté, il affirme, àl’occasion, que le rex Romanorum n’a pas la suprema potestas tantqu’il n’est pas confirmé par le pape. Il polémique même ouverte-ment contre Iacopo d’Arena qui avait affirmé la plénitude despouvoirs du roi avant son couronnement:

»Ante coronationem non habet plenitudinem potestatis, licet habeatgeneralem administrationem. Ista quaestio disputatur hic per Jacobum deArena, sed ipse non distinguit inter plenitudinem et generalem administratio-nem, sicut ego facio!«8

Cependant, dans les consilia examinés, il reste ferme sur l’au-torité du roi des Romains. Les raisons politiques, le contexte mila-nais expliquent certainement sa plus grande constance.

L’idée de la pleine autorité juridictionnelle du roi des Romainsest un des thèmes centraux des juristes philo-impériaux; elles’oppose à l’idée défendue par les tenants de la théocratie pontificalepour lesquels le roi des Romains n’est pas pleinement empereuravant son couronnement par le pape.9 Parmi les canonistes duTrecento, il n’y avait pas de communis opinio. Le spectre despositions allait de l’intransigeance la plus manifeste représentéepar Oldrado de Ponte pour qui le rex Romanorum n’a même pas lapotestas administrandi10 à des jugements plus nuancés, qui sauve-

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6 Baldus, Consilia, I (cons. 327).Voir Kantorowicz, Les deuxcorps du roi, 237, qui juge queBalde ne tranche pas vraiment surle fond et reprend de vieilles dis-tinctions remontant au XIIe s. et àRufin. Mais, à bien relire les tex-tes, il s’agit moins pour le juriste debiaiser ou de tourner autour dupot que de trouver la formulationla plus adéquate à la complexitéinstitutionnelle et historique née

de ce petit »interregnum« queconstitue le temps entre élection etcouronnement.

7 Baldus, Consilia, I (cons. 327).8 Additio au commentaire du Co-

dex, C. VII, 33, 3; sur ce point,voir Canning, 1987, 36–37, quise fonde sur le commentaire dujuriste au Code.

9 Sur tous ces arguments, voir Ca-vina, Inquietudini filoimperiali,passim.

10 Oldrado de Ponte, Consilia,cons. 180, n. 12: »praeceps est ni-mium et immatura ingestio eius,qui ante efficacem commissionemgladii utitur gladio […] et anteadministrationis decretum admi-nistrationi impudenter se immis-cet«.

gardaient toutefois les prérogatives pontificales: ainsi Jean d’André,dans sa glose ordinaire (c. 1322) sur un chapitre d’une Clémentine,évoque l’hypothèse suivante, prise selon lui par Innocent III:

»quod inconcussa consuetudo imperii … hoc habet, quod duobus electis indiscordia, uterque administrat ut rex et omnem imperii iurisdictionem exercet:quod, declarat ibi Papa, locum habere donec per Papam alterius electio fueritapprobata; aut reprobata.«11

Il faut dire que la question même de l’autorité de l’empereur etdu roi des Romains sur l’empire a une très longue histoire et qu’ellefut très contrastée.12 Dans son Commentaire au Code (C. VII, 37,3), le juriste reconnaissait déjà une origine divine à l’autorité im-périale, contre la tradition augustinienne qui assignait au péchéoriginel la naissance du pouvoir politique:

»Innocentius [IV] dicit quod nescit unde imperium habuit originem. Potesdicere quod habuit initium ab ense permissu divinu.«13

Quoi qu’il en soit, Balde, sur la base d’arguments qui ne sontpas absolument originaux sur le fond,14 semble avoir réglé laquestion de la légitimité de la concession ducale. Mais il ne s’entient pas là: le juriste pavesan affirme que l’acte de Venceslas vabeaucoup plus loin: il constitue une renaissance de l’empire enItalie. Loin d’être une amputation du dominium impérial (thèse,soit dit en passant, qu’avançaient les grands vassaux allemands del’empire hostiles à l’élévation ducale – et qui ne sera pas pour riendans la déchéance de Venceslas),15 il inaugure la résurrection del’empire romain sur le sol italien: »il est re-né des morts«, nous ditle juriste.16 Etonnante construction qui vise à faire croire que ladignité ducale arrime de nouveau, en quelque sorte, l’héritage duregnum Lombardiae à l’empire. Il s’ensuit nécessairement que nonseulement l’acte est légitime et que tous doivent y souscrire, maisqu’il n’est nullement éversif. Au contraire, il crée une autoritécésarienne dans cette partie du monde:17

»In imperatore enim omnis potestas corruscat, nam providentiam Deisalutem reipublicae tueri nulli magis credidit convenire, nec alium rei sufficerequam caesarem, ut ff. de offic. Praef. Vigilum [D. 1, 15, 3]. Ista translatio factaper imperatorem plenissima est: licet radices Imperii non evellat iuxta illud, ergoet nihil abest ff. de ius et iu. […] Unde imperator est dominus naturalis quia deiure divino orientis et occidentis, meridiei et septentrionis, ut in Auth. De mand.Princ; […] Ex his sequntur duae conclusiones: una quod gloriosus nosterdominus post principem habet omnem potestatem, quam imperator. Nambeneficium principis debet esse ab omni diminutione extraneum, quia non

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11 Johannes Andreae, Clementisquinti Constitutiones, glose àClem., II, 9 v. reges.

12 Schneider, Der Rex Romano-rum, 296–317.

13 Baldus, Lyon 1576 (C. VII, 3, 33).14 Marco Cavina, Imperator Ro-

manorum, 48–52.15 Voir Wefers, Das politische Sys-

tem Kaiser Sigmunds.16 Baldus, Consilia, I, cons. 327:

»Nam nunc Romanum imperium

surrexit a mortuis, si bene con-sideretur, quando dictam magni-ficam, illustrem et gloriosamgratiam fecit domino nostro duciMediolani, comiti Papiae et virtu-tum«.

17 Baldus, Consilia, III (cons. 359).

solum est quid favorabile sed summe favorabile, ut in § illud Authe. Constitutioquae de dignitatibus [Nov. 16] … Secunda conclusio est quod propter con-iunctionem utriusque potestatis s. concedentis et concessae influentis et influxaeeodem privilegio habet concessio magnifici, quam caesaris concessio: ita quodlex omnes et lex bene a Zenone de quadrien. Praescript [C. 7, 37, 3].«

Ce point est essentiel: en reconnaissant l’autorité du concé-dant, Balde visait surtout à accroître le pouvoir du bénéficiaire de laconcession, car le but de Jean Galéas qui recherchait depuis long-temps cette légitimation impériale était de renforcer son autoritésur les territoires épars de son dominium.18 Il importait donc quejuridiquement cette concession fût incontestable et qu’en outre lesjuristes pussent établir avec certitude l’ampleur des pouvoirsqu’une telle délégation d’autorité entraînait; c’est précisément ceque ne manque pas de faire Balde lorsqu’il écrit que le duc estinvesti de la même capacité juridictionnelle sur ses terres quel’empereur lui-même:

»Quemadmodum imperator habet totalem plenitudinem potestatis inomni terra quae sub imperio est, ita gloriosus et illustrissimus princeps habetde illa plenitudine in nonnullis civitatibus et provinciis, illud, quod imperialisSerenitas eidem non solum commissit sed vere ac plene concessit, quinimmotranstulit, ut ff. de origine iuris l.2 § novissime [D. 1, 2, 2, 11].«19

Il s’agit moins d’une concession que d’un transfert, ajoute-t-il.C’est donc une extension horizontale de l’empire plus qu’unedélégation verticale de l’autorité. A l’égard des vassaux, le discoursest cohérent: il revient à ces derniers de prêter un nouveau sermentde fidélité au duc comme ils le feraient à un nouvel empereur.20

Si ce dernier créait Jean Galéas roi d’Arles, chose possible, ditBalde, puisque le titre est vacant, personne ne douterait que leserment serait nécessaire; c’est la même chose avec ce titre ducal:

»Nam si imperator crearet dominum Regem Arelatensem, nonne omnescomites et barones obedirent sibi? Nemo unquam dubitavit, nisi insanus, desipitenim qui sic sapit et valde errat.«21

Faut-il voir dans cette comparaison avec une élévation royale»arlésienne« une simple allusion dépourvue d’actualité? En réalité,l’objectif ultime des Visconti (comme plus tard des Sforza) demeu-rait la création d’un royaume de Lombardie, tout aussi possiblejuridiquement que celui d’Arles. L’équiparation du titre ducal àcelui de roi d’Arles ouvrait la voie à cette promotion royale duVisconti.22

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18 Sur ces problèmes de constructionterritoriale de l’état viscontien,voir désormais Gamberini, Lostato visconteo, 153–202.

19 Baldus, III, cons. 359.20 Le texte de l’investiture prévoit

explicitement cette prestation deserment: voir l’édition du docu-ment chez Lünig, 1725, col. 429.

21 Baldus, I, 333. Pennington,Allegationes, Solutiones and Du-bitationes, a attiré l’attention sur

la composition de ce consilium etles différentes strates de son éla-boration; cependant, l’édition fi-nale qu’il en donne ne modifie pas,du point de vue du contenu, lesconclusions qui se peuvent tirer del’édition vénitienne ici utilisée; voirGilli, Les consilia de Baldo.

22 Sur cette visée constante des sei-gneurs de Milan, voir Fubini, Ita-lia quattrocentesca, 201, 332,341; et Fubini 2001, 114–115.

Qu’indique donc toute cette argumentation? La premièrechose, c’est que l’empire revêt en Italie désormais un caractèreinstrumental. Les grandes querelles étant passées, l’empire n’étantque l’ombre de son ombre, Balde lui-même fait part de son scep-ticisme à l’égard de la situation présente, lorsque dans un consiliumparticulièrement construit, il évoque la mutatio temporis et le déclindes grands empires:23

»Nunc autem dispositiones mundi mutatae sunt, ut in Aristo[teles], Decoelo et mundi [I, lect. 23] non utique mundus generabitur et corrumpetur, seddispositiones ipsius et nihil perpetuum sub sole. Corruptionis enim causa esttempus [Aristote, Physique, IV, 12, 221b]. Licet imperium semper sit in Authen.Quomodo oportet episcopos § si tamen [Nov. 6, épil.], non in eodem statupermanet quia in continuo motu et perplexa tribulatione insistit. Et hoc apparetin mutatione quatuor principalium regnorum, inter quae duo praeclarioraconstituta sunt, Assyriorum primum, Romanorum postremum, ut ait Augusti-nus lib 10 c. 8 de civit. Dei.«

Désormais, la référence à la potestas imperialis sert essentielle-ment à désigner l’autorité dont peuvent se prévaloir les récents étatsrégionaux. Balde explicite dès lors l’étendue des prérogativesconcédées: tous les feudataires devront leurs fiefs au duc et à sessuccesseurs d’autant que le titre ducal est de droit irrévocable etperpétuel:24

»Creata itaque dicta illustrissima dignitate de eodem, et his omnibus ple-nissime providit, intitulavit et concessit in feudum nobilissimi et illustrissimiducatus tenentem et possidentem dominum dominum Ioannem Galeaz non-nullas ex his civitatibus et diocesibus tenentem et possidentem a Sacro imperioRomani recognoscentem et quantum pertinet ad supremam iurisdictionem SacriRomani Imperii mandans ut omnes et singuli marchiones et barones, comites etalii universi tenentes aliqua feuda, marchionatus, comitatus, concessiones,iurisdictiones, iura et regalia quaeviscumque in ducatinus e diocesibus supra-dictis, eas deinceps recipiant et cognoscant ab illo illustri domino Ioanne Galeazet successoribus suis, adiecta finali clausa, non obstantibus quibuscunquelegibus, infeudationibus, concessionibus, iuribus, constitutionibus.«25

De fait, Balde assortit sa réflexion sur les relations entre duchéet empire de considérations importantes sur la nature de la con-cession. Aussi importante que soit la puissance impériale, elle nepeut rien contre le droit féodal et la création de ce duché car le droitféodal relève du jus naturale et à ce titre prévaut sur le droit positif,les leges impériales. Le droit féodal a sa source dans la nature: »leprince est soumis aux coutumes féodales comme si le droit naturelétait d’une création postérieure à celles-ci, parce que le droit naturel

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23 Baldus., I, 328. Voir aussi Kan-torowicz, Les deux corps du roi,217.

24 Balde a longuement insisté sur cepoint, notamment dans son com-mentaire aux Libri feudorum; voirBaldus, In usus feudorum com-mentaria, ad verbum »Naturafeudi«: »Pone quod imperator velrex Franciae creat aliquem ducemet investit eum de ducatu … nun-quid potest pro libito disvestire

eum. Respondeo quod non, seddemum propter convictam culpamvel feloniam.«

25 Ibid., I, cons. 326: Voir aussiBlack, Natura foedi haec est,1156 sq. Pour une approche desrelations entre le duc, ses vassauxet les cités, voir les articles désor-mais réunis de Chittolini, Città,comunità e feudi.

naît jour après jour.«26 Le droit féodal, ou pour le dire commeBalde, les coutumes féodales constitue(nt) une sorte de bour-geonnement presque spontané du droit naturel. Il ne nous appar-tient pas ici de développer les conséquences de ces principes,notamment dans la gestion politique des relations du duc et deses vassaux.27 Ce qui nous intéresse en revanche, c’est la place del’empire dans cette construction juridique autour du droit féodal.Rappelons que Balde avait commencé à lire les Libri feudorumà partir de 1393.28 Au vrai, l’empereur Sigismond a égalementautorisé un juriste, Antonio Minucci da Pratovecchio, à réordon-nancer les Libri feudorum sur la base de manuscrits anciens afind’y reporter les textes impériaux. Parvenu à terme, le projet futcautionné par le nouvel empereur Frédéric III et, commissiond’experts à l’appui, le nouveau texte fut envoyé à Bologne et dansd’autres universités … sans succès toutefois.29 Dans le cas de Balde,la situation demeure ambiguë car si le juriste a pris soin d’évoquerla potestas administrandi de l’empereur en matière de fiefs (ou duroi des Romains), c’est pour mieux lui arracher le pouvoir réel et leconférer au nouveau duc. Cette interprétation prévaut désormaislargement dans le cercle des juristes milanais pendant le XVe siècle,comme l’atteste le principal épigone de Balde, Paolo di Castro dansun consilium rédigé vers 1420:

»et sic factus est in dictis terris princeps perpetuus non temporalis, censeturin ipsum translata in consequentiam omnis potestas imperialis in terris prae-fatis, ut in ea possit uti vici imperii, cum imperator ibi nullam iurisdictionemexerceat per alium quam per ipsum Dominum ducem.«30

Plus encore que les déchirements doctrinaux sur la supério-rité de l’empire ou de la papauté, il apparaît qu’en ce début duQuattrocento, l’autorité impériale sert de marchepied aux ambi-tions régionales italiennes, lombardes en l’espèce. C’est du reste unmouvement qui, d’une certaine façon, avait mûri dès les années devicariat impérial des Visconti: un juriste, Signorolo degli Omodei,véritable précepteur des études juridiques dans le Studium dePavie31 [refondé – rappelons-le – par les seigneurs de Milan], avait,dans un de ses consilia, bien indiqué qu’un vicaire impérialpossédait le droit de déclarer la guerre à quiconque tenterait delui soustraire la domination d’une de ses cités; il ajoutait cependantque le vicaire était un peu moins que l’empereur: le vicaire est inimagine imperatoris, alors que l’empereur est l’imago elle-même.32

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26 Baldus, In usus feudorum com-mentaria, 2.7: »Nam princeps estsubiectus consuetudinibus feudo-rum tanquam sit ius naturale istiusposterioris inventionis, quia jusnaturale nascitur quotidie.« Citépar Cannings, 82. D’autres textesdu juriste viendraient aisémentconfirmer cet exemple; voircons. 327 ou le commentaire àl’Auhenticum »omnes peregrini«(ad C. 6.59.10).

27 Sur ce point, Chittolini, La for-mazione, 71 sq. insiste sur la façondont les Visconti ont su faire co-opérer à leur œuvre de dominationterritoriale la noblesse tradition-nelle: l’introduction des relationsféodales étant la meilleure garantied’intégration des familles nobiliai-res dans le système du pouvoir desVisconti, comme plus tard desSforza. On remarquera cependantque cette même noblesse impériale

lombarde a vainement cherché às’intégrer dans le jeu institutionnelallemand, en tentant d’obtenir, en1504 à la Diète de Lindau, uneparité avec les princes et citésd’empire (voir von Aretin, L’or-dinamento feudale in Italia, 58).

28 Danusso, Baldo e i libri feudo-rum, 69–88. Balde fut le premier àremettre au goût du jour les courssur les Libri feudorum, quelquepeu tombés en désuétude dans lesuniversités italiennes.

29 Maccioni, Osservazioni e disser-tazioni varie; et Ascheri, Dirittomedioevale e moderno, 126. Lesempereurs se révélaient ainsi trèssoucieux de la qualité du texte desLibri Feudorum, dans lesquels ilstrouvaient aussi matière à justifi-cation de leur autorité.

30 Voir Paulo di Castro, Consilia,Venise, 1580, II, 34: Ajoutons ce-pendant que la communis opiniodes docteurs sur ce sujet trouve àl’occasion quelques contradicteursavisés. C’est Martino Garati deLodi qui, vers 1440, fait remar-quer que si le duc est investi detoutes les prérogatives impériales,il n’a pour autant que des pouvoirslimités … en vertu même du faitque depuis la Paix de Constance(1183), les pouvoirs impériauxétaient bridés par les communau-tés urbaines qui s’étaient vu re-connaître des regalia! (voir Black,The Limits of Ducal Authority,149–160).

31 Belloni, Professori e giuristi, 29–39.

32 Signorolus de Homodeis,Consilia ac quaestiones, cons. 60:»Minus est in vicario imperatorisquam in imperatore cum sit minusin imagine quam in eo quod estymago.« A ce propos, voir Cavi-na, Inquietudini filoimperiali, 89–101.

Le statut de vicaire s’assimile à celui de roi, tous deux étant en sous-ordre de l’empereur. La position de Balde amplifie donc un courantà l’œuvre précédemment dans les milieux pro-Visconti. En tout étatde cause, il semble que Balde accorde à l’élévation ducale une im-portance juridictionnelle de grande portée, alors même que quel-ques années auparavant vers 1365, »lisant« à Pérouse le Code, ilavait rédigé un commentaire dans lequel il se montrait finalementréservé à l’égard des prérogatives que s’arrogeaient les cités italien-nes, comme Gênes et Venise qui élisaient leur propre doge sans enréférer à l’empereur. Pour le juriste, ces derniers n’avaient pas unvéritable dominium:

»sed nunquid populus propter absentiam imperatoris potest eligere sibiducem, sicut faciunt Veneti et Ianuenses? Respondeo quod non de jure, quianon est confirmatus a superiore ut [Nov. 15, 1], sed de consuetudine, ex quoimperator scit et tolerat propter bonum regimen eorum, dico quod ipsi iustedominantur […] Item quia illi duces non sunt precise domini, sed habentconsilia populi vel maiorum, unde habent potius quadam preeminentiamdignitatis quam dominium, et ita servitur. […] Adde tamen unum, de quoBartolus non facit mentionem, quod multum facit contra dictos duces, videlicet,quod quicumque sub juramento fidelitatis est de jurisdictione alicuius, nonpotest prorogare iurisdictionem in alterum iudicem vel dominium vel populum,nisi dominio suo consentiente, ut [in Libris feudorum, 55] que glossa est valdenotabilis. Sed populi Lombardi sunt huiusmodi per pacem Constantie.«33

On peut se demander si l’évolution de la pensée du juristeprocède du respect dû au titre ducal ou de sa dépendance effective àl’égard des Visconti qui contrôlaient les nominations au Studiumpavesan. Quoi qu’il en soit, dans le milieu juridique lombard, lesidées politiques viennent largement se conformer aux évolutionsinstitutionnelles. A dire vrai, la situation milanaise (et sa lecture»pavesane«) n’était pas seule à affaiblir la doctrine impériale enItalie. Depuis le début du XIVe siècle, il se trouvait des canonistespour s’interroger sur les limites de l’autorité impériale. Jean André(Giovanni Andrea) grand canoniste bolonais du début du siècle,commentant un passage des Clémentines, remarquait que l’empirene gouvernait plus l’ensemble du monde, malgré ses prétentions;mais que l’empereur avait créé un jus commune pour qu’il s’ap-pliquât à l’ensemble de l’univers, solution ingénieuse qui débarras-sait l’Italie (et la papauté) de la présence impériale pour ne garderque l’héritage juridique aisément transposable dans l’orbe de lachrétienté.34 Ce faisant, Jean d’André révélait implicitement cequ’était devenu l’empire pour les juristes italiens: une structure

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33 Baldus, Commentaria in Codi-cem, Lyon, 1576, f. 45. VoirQuaglioni, Regimen ad popu-lum, 79.

34 Johannes de Andrea, Clementisquinti Constitutiones, c. Pastora-lis: »per hanc litteram et sequentespatet quod imperator non distrin-guit totum orbem, licet dicaturdominus mundi. Facit tamen proipso jus comune, quo fundat in-tentionem suam in orbe, sicut

episcopi in diocesi«: voir sur cepoint Santini, Il jus comune, 310.

anhistorique servant essentiellement à légitimer l’existence d’un juscommune! On comprend que les empereurs n’aient pu se satisfaired’une telle réduction à une valeur virtuelle. Durant tout le XVe

siècle, les canonistes continuent à mordre à pleines dents dans cequi lui reste de prestige et d’autorité, en rappelant à satiété qu’iln’est d’empereur que couronné à Rome par le pape, au point mêmequ’Agostino Patrizi, rédacteur du nouveau Pontifical romain, cemanuel des cérémonies religieuses de l’Eglise de Rome et de sonévêque, en 1488, s’insurge contre la manie absurde de couronnertrois fois le candidat à l’empire: la seule couronne digne de conférerla titulature impériale, c’est la couronne d’or remise à Rome.35

Reprendre la litanie de l’argumentaire des canonistes pour illustrerla faiblesse et la subordination impériales serait fastidieux. Il estplus tentant de regarder quelques excerpta de cette productionmagmatique sur le sujet. Parmi les personnages les plus singuliersdu paysage juridique italien du temps, il y a Raffaello Fulgosio.Avocat du concile de Constance, professeur à l’université dePadoue dès 1417, l’illustre juriste adopte en bien des domainesun point de vue sereinement anticonformiste. A propos de l’empire,il s’était déjà singularisé par une réflexion peu classique à l’égard dela Donation de Constantin, lieu cardinal du débat entre hiérocratieet théorie philo-impériale;36 dans ce cadre, il poursuit l’œuvre dedésacralisation de l’empire. Alors que toute la tradition juridiqueeuropéenne tenait pour établi l’adage »imperium semper est«, quecet empire ait fusionné avec l’Eglise militante comme le disaitBartole au milieu du XIVe siècle37 ou qu’il s’agisse d’une éternitépropre à toute universitas, l’empire romain apparaissait, selon latradition du commentaire de saint Jérôme à Daniel, éternel: qua-trième et dernier empire appelé à durer jusqu’à la fin des temps. Or,avec un scepticisme teinté d’ironie, Raffaelle Fulgosio proposel’hypothèse d’une mort possible de l’empire: après tout, écrit-il,la translatio imperii n’illustre-t-elle pas le caractère périssable desempires. Pourquoi celui de Rome devrait-il bénéficier d’une pré-somption d’éternité?

»unde et imperium fuit in Babilonia, et in Carthaginenses, et in Mace-donia, et Alexandrum, sed deinde fuit translatum in istas partes: sicut et indominio dicitur. […] et si vultis quod sit annichilatio, tamen non video unde nonpotest dici quod possit annichilari. Nam habuit initium, ut dicit imperator; namvocamur Enea, eneide. Et sicut videtis ante Romanum imperium cetera imperiaannichilata fuisse, ut in Carthaginensiis et aliis: cur non sic et in Romano? Quid

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35 Sur tous ces aspects, voir l’ouvragefondamental de Cavina, Impera-tor Romanorum, 48–151. Pour lescritiques contenues dans le Ponti-fical, voir l’édition de Dykmans,L’œuvre de Patrizi Piccolomini, I,116–117.

36 Voir désormais Conetti,L’origine del potere legittimo.

37 Bartole, sur Ad reprimenda (éditde l’empereur Henri VII annexéaux Libri feudorum), n. 8, v. totius

orbis: »Ultimo veniente Christoistud Romanorum imperium ince-pit esse Christi imperium, et ideoapud Christi vicarium est uterquegladius.« Voir Kantorowicz, Lesdeux corps du roi, 214.

enim dicetis si princeps cum tota civitate Romana capiatur ab hostibus: nonnedicitur imperium annichilatum?«38

Il ne semble pas qu’une telle approche aussi subversive ait euun grand écho chez les successeurs de Fulgosio.39 Mais, en elle-même, elle indique assez clairement les changements de perspectivechez les juristes italiens: contrairement à Balde qui postulait unerenaissance impériale en Lombardie pour mieux affaiblir l’uni-versalité de cet imperium et tendait à soumettre le droit césarien audroit féodal en vertu du caractère naturel de ce dernier, Fulgosio,quelques années après, n’hésitait pas à envisager la mort de l’em-pire. Mais, paradoxalement, les différences sont-elles si grandesentre les deux auteurs? Ne traduisent-ils pas, l’un et l’autre, lamême conscience d’un dépassement possible des structures impé-riales? Bien rares sont au XVe siècle les juristes italiens, y compriscivilistes, pour prendre la défense de l’autorité impériale. Un desrares qui se puissent trouver est Antonio Roselli d’Arezzo (1386–1466), auteur philo-impérial, qui entend rejeter l’idée de Bartoleselon laquelle le Christ aurait possédé tous les pouvoirs césariensqu’il aurait ensuite attribués aux papes, ses successeurs. En réalité,le christ a abdiqué tous les pouvoirs et par conséquent l’empire nedépend pas de la volonté pontificale, de laquelle il est totalementindépendant:

»Sed quod Christus dominium hoc potestatem a se abdicaverit nec habue-rit, ostenditur dum inquit: ›Regnum meum non est de hoc mundo; si ex hocmundo esset regnum meum, ministri mei utique decertarent ut non tradereriudaeis‹ (Jean, 18; et transumptive 23, q.3 in summa). In quibus verbis Christusinsinuat quod eius non est civile et seculare regnum, a quibus secularibusregibus, Deo ministrante, et eorum legibus civilia Dominia et seculares potes-tates processerunt, ut inquit Aug. Super Ioh. et habetur 8 di. Quo jure. Divinumautem habuit dominium sed divinum dominium nihil habet proprii, sed omniasunt communia, nec ibi est dare meum, nec tecum.«40

Ce louable et modeste effort ne masque pas la rareté dessources convergentes, en Italie s’entend.41 Même son fidèle élève,Mariano Sozzini, se démarque de lui en évoquant les ambiguïtés dela tradition sur le sujet.42

A dire vrai, la pensée impériale subissait l’assaut conjugué desjuristes, de plus en plus sensibles à l’évolution institutionnelle etpolitique de la péninsule, et des humanistes qui, à leur tour, allaientse lancer dans la réflexion polémique sur l’empire. Plus encore queles juristes, ils allaient apporter leur contribution à la désacralisa-

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38 Raffaelis Fulgosii, In primam,Proemium, nu. 15, fol. 3. VoirMaffei, La donazione di Costan-tino, 273, et Cortese, 226 sq., quirapporte un autre point de vuetout aussi tranché de ce juriste:comment entendre la formule le-gibus solutus? La plupart des ju-ristes, Balde en tête, limitaient cetabsolutisme au droit romain, àl’exclusion du jus gentium et dujus divinum, l’un et l’autre im-muables. Or, pour Fulgosio, legi-bus solutus doit s’entendre libre detous les droits, y compris les plussacrés.

39 En général sur ce personnage,Belloni, Professori e giuristi,306–309; Necchi, Le iscrizioni.

40 Antonio de Roselli, Monarchiasive tractatus, 264 (§ XXI): Surl’auteur, voir Maffei, La dona-zione di Costantino. 304–310, etPiano-Mortari, Il potere sovra-no, 11–12.

41 Ainsi, à propos de la thématiquedu couronnement impérial, Cavi-na, Imperator Romanorum, 135,conclut que les canonistes du XVe

siècle n’ont fait que reproduire lesdoctrines élaborées au temps deSinibaldo dei Fieschi et de PaoloLiazari (première moitié du XIVe

siècle).42 M. Socini, 1575, c. Firmissime,

De hereticis (X, 5, 7, 3), f. 224:»Item secundum Bart. Dicitur he-

reticus qui dicit imperatorem nonhabere mundi monarchiam … Bar.Tamen loquitur sub dubio forte etprudenter, quoniam in hoc estmaxima altercatio et variae opi-niones de monarchia, de quibusfecit tractatus D. Antonius Ros-sellus D.m. in legibus.« Sur cejuriste, voir Nardi, Giureconsultosenese.

tion impériale en Italie. Comme il se doit l’examen de la questionimpériale procède chez eux d’une source philologique pour débou-cher sur une perspective politique. Particulièrement sensibles audécalage entre la titulature ancienne et celle de l’empire romainmédiéval, ils s’engageaient dans la voie de la critique de sa barbariegermanique et, corollairement, dans l’évocation de sa nécessaire»re-romanisation«.43 Les éléments de cette critique se trouventdans de nombreux textes, en particulier florentins.44 L’un des plusintéressants est, sans conteste, la description du couronnement deSigismond à Rome en mai 1433 par Poggio Bracciolini conservéedans une lettre à Niccolo Niccoli. La première chose qui le choque,c’est précisément cet usage de l’appellation de Roi des romainsdistincte de celle d’empereur. Il n’est bien sûr aucune trace antiquede cette dualité de termes. Une seule explication donc sur l’appa-rition de ce néologisme calamiteux: à l’époque des barbares, quandtous vivaient désormais sous le régime monarchique, il a dû semblerplus glorieux d’utiliser le terme d’empereur qui était alors tombé endésuétude et semblait d’autant plus prestigieux qu’il était rare:

»A quo autem primo haec nova tum regis tum imperatoris nominandiconsuetudo defluxerit, ignoro. Existimo autem hoc a barbaris derivatum, quipriscas historias ignorarunt, neque verborum vim tenuerunt. Cun esset fre-quentius apud eos regis nomen, utpote sub regibus viventes, imperatorem verounum et raro viderent, id excellentius arbitrati sunt quod rarius atque insuetiusconspiciebant.«45

Quelques années plus tard, rédigeant son Histoire du Peupleflorentin, il revient sur la cérémonie du couronnement pour s’enindigner une nouvelle fois, en étant plus explicite dans sa critique.C’est un abus de langage qui s’est fait jour par lequel on distingueempereur des Romains et empereur comme si le roi des Romainsétait inférieur en dignité à l’empereur. Seule une incroyable perver-sité barbare a pu détourner les mots de leur sens premier.46 Le nomde roi est très ancien; celui d’empereur, en revanche, désignait unchef de guerre respectable dans une cité libre. Et, ajoute-t-il, je n’aiécrit cela que pour montrer quelle distance sépare l’antique cou-tume de la ridicule cérémonie du couronnement:

»Quae summa et barbara perversitas dicenda est: nam regium antiquis-simum nomen est […] Imperatorium vero in libera civitate consuetum etlaudabile. […] haec scripsi, ut plane constet quantum distet haec fucata nullamob rem praeclare gestam coronatio ab illa vera, quae alicuius singularis in bellovirtutis gratia concedebatur.«47

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43 Yates, L’Astrée, 25–54.44 Rubinstein, The place of Empire,

125–135.45 Poggio Bracciolini, Lettere,

119–125.46 Canfora, La controversia, a re-

tracé l’histoire d’une polémiquevoisine: celle sur la supériorité deScipion ou de César. Evidemment,les deux polémiques ne sont passans lien l’une avec l’autre,

d’autant que le Pogge y joue cha-que fois un rôle de protagoniste.

47 Poggio Bracciolini, Historiaefiorentini, col. 380–381.

Il en vient à assigner une origine à cette pratique: c’est àl’époque de Grégoire V, pape germanique qu’est apparu cet usageaberrant du couronnement romain d’un empereur germanique.48

Il ne perdure qu’en raison de la lâcheté ou de la paresse des Ita-liens.49 Invention allemande et barbare, elle ne correspond à au-cune nécessité. A suivre le Pogge, la double notion de rex Roma-norum et d’empereur n’a aucun sens, ni historique ni philologique:d’abord, car chez les Romains, le titre royal emportait tradition-nellement plus de dignité que celui d’empereur;50 ensuite parcequ’un empereur allemand est une contradiction in adjecto. Noussommes loin d’un Bartole qui justifiait, au milieu du XIVe siècle,dans son traité sur la tyrannie la parfaite légitimité des empereursallemands, issus de la translatio imperii, en évoquant la fraternitéde tous les hommes sous un régime juste:

»Ex eo vero quod dicit ›de numero tuorum fratrum‹ [Deut. 17, 14], notaquod periculosum est habere regem alteris nationis. Sed dices ergo: quomodoper Ecclesiam translatum est imperium Romanorum in Germanos, id estTheutonicos, ut Extra de Electione, cap. Venerabilem? [X, I, 6, c. 34]. Respon-deo: omnes Christiani dicuntur fratres nostri et sic non est ventum contradictam authoritatem … Vel expone illa verba secundum Augustinum, ut ibidemdicit glo. ›non poteris, id est non debebis‹ per regem cum alterius gentis regnumnon ita fideliter conservatur.«51

Le même Bartole assignait aussi à l’empire la mission deredresser les régimes corrompus;52 nous sommes loin aussi del’opinion de son contemporain Giovanni Villani qui retraçait danssa Nouvelle chronique la glorieuse fusion conquérante des Alle-mands et des Italiens, sous des Césars germaniques couronnés àRome,53 voire de celle de Cino da Pistoia, juriste (longtemps)gibelin qui, à l’instar des légistes bolonais interrogés par Frédé-ric Ier, admet que l’empire revienne à un Imperator Alammanie,mais qui demande cependant que le prince soit élu des Romains,assure la gloire de l’Italie par delà celle des autres nations, et yréside.54

Ce sentiment de déréliction qui aboutit à détacher finalementles peuples de leur légitime seigneur est une sorte de leitmotiv de lapensée juridique italienne du Trecento. Même le grand feudisteAndrea d’Isernia, professeur au Studium de Naples dans les pre-mières décennies du XIVe siècle, remarquait les premiers effetsd’une dé-romanisation de l’empire et s’en affligeait.55 On mesurele parcours accompli dans la »dénaturation« de l’empire romain,

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48 Le Pogge fait allusion au couron-nement prévu d’Otton III par soncousin le jeune pape Grégoire V;Otton ayant restauré dans sa di-gnité pontificale son cousin chassépar les Crescenzi et l’antipape JeanXVI, décida de faire de Rome lacapitale de l’empire et d’œuvrer àla Renovatio imperii; comme on lesait, Grégoire décédé brusquementne put couronner Otton: ce futl’œuvre de son successeur Sylves-tre II (voir Vauchez, 1993, 787–788).

49 Poggio Bracciolini, Historiaefiorentini, col. 381: »Nam eligendiimperatoris nova extat inventio, eta Gregorio quinto ex Germaniaoriundo pontifice […] adinventa:quae consuetudo Italorum ignaviaad hanc diem perseverat.«

50 Depuis Pétrarque, on n’ignore plusen Italie le sens historique du motimperator: voir Burke, The Re-naissance.

51 Bartole, Tractatus, ff. 184–185:A dire vrai, l’opinion de Bartoledemeure ambiguë; il est difficile depréciser s’il tient pour la premièreou la seconde des hypothèses qu’ilévoque. Il n’y a d’ailleurs chez lejuriste aucune »propagande pourl’idée d’un empire italien« (voirBaskiewicz, La conception, 22).

52 Bartole, n. 31, f. 119r. VoirQuaglioni, Regimen ad popu-lum, 201–228. Pour une approcheplus générale de la fonction impé-riale chez Bartole, voir les remar-ques de Costa, Jurisdictio, 160–167.

53 Giovanni Villani, 1990, lib. 9,cap. 9: »A modo ch’anticamente sicoronavano d’alloro i cesari negliloro triunfi e vittorie: e d’acciao sifa a figura e similitudine, che comel’acciaio e l’ferro doma ogni atrometallo, cosi i cesari triunfanticolla forza de ›Romani e Italiani‹,che tutti erano chiamati Romani,domarono e sottomisero all’impe-ro di Roma tutte le nazion delmondo.«

54 Cino da Pistoia, Commentaria,ad l. Bene a Zenone (Cod. 7.37).

55 Andrea de Isernia, In usibusfeudorum, ›Quae sunt regalia‹,rub. 64: »Non curant Theutonicielecti ad imperium de jurisdictioneItaliae, ut videmus diebus nostris,curaverunt de Alemania: curaredebent non minus de Italia«, citépar Ullmann, The Development,22.

et sa critique tant par les humanistes que par certains juristesdésabusés à son égard.

Ce thème de l’aberration historique que représente ce régimeparcourt désormais une grande partie de l’humanisme italien dutemps.56 A une époque voisine de la lettre du Pogge eut lieu, eneffet, un échange épistolaire entre Cyriaque d’Ancône et un hu-maniste sur l’identité duquel pèse toujours une certaine incertitude,soit (hypothèse vraisemblable) Leonardo Bruni, chancelier de Flo-rence, soit le patricien de Venise, Leonardo Giustinian.57 Cyriaqued’Ancône, marqué par les cérémonies de couronnement de Sigis-mond, demande à son interlocuteur les raisons de l’actuelle déva-luation du titre royal et de la supériorité du titre impérial

»Cum his diebus ad Urbem […] litteras quasdam Sigismundo cuidamcardinali missas e Senis legerem, in iis romanum se regem imperatorem in-scribere animadverti, ut forte maiorem imperatoris titulus capessere videretur.Ego sed enimvero maius longe ambitiosiusve nomen regium videbar, quamimperatorium, caesarumve aut augustale.«58

Dans sa réponse (il est vrai, plutôt dilatoire), le correspondantexplique que la hiérarchie dans l’Antiquité classique était lasuivante: roi, dictateur, empereur. Des trois dignités, la moinséminente était la dernière. Bruni précise alors que l’assassinat deCésar ne fut pas dû à son titre de dictator, mais à sa tentative detransformation de la dictature en royauté. L’imperium antique étaitune legitima potestas, un mandat donné par le peuple et le Sénat, etnon un dominium. La création d’un imperator n’altérait pas lasouveraineté du peuple. Inversement, la royauté suppose la dis-parition du peuple comme acteur politique.59 Le titre royal jadis siprégnant a été dégradé par la barbarie; Bruni (ou Giustinian)complète ensuite sa réponse; il fait remarquer à Cyriaque quenon seulement de nos jours, il est question de l’inversion desvaleurs entre roi et empereur, mais que d’autres dégradationsbarbares sont à l’œuvre, la moindre n’étant pas la cérémonie decouronnement elle-même dont aucune source antique ne faitmention. Les vrais césars, détenteurs d’un pouvoir absolu sur lamoitié du monde, se désintéressaient totalement de ces colifichets:

»Quis imperatorem Romanum antiquis illis temporibus coronatum fuisseunquam audivit aut legit? […] An ergo quod illi tantam imperii magnitudinemhabentes non faciebant, hi quattuor iugerum possessores coronabuntur? Curergo post coronationem imperatores scribunt, non reges?«60

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56 Il serait, bien sûr, erroné d’imagi-ner que l’entière production hu-maniste se soit rangée sous la»pensée unique« de la critiqueimpériale. Perdure un courantphilo-impérial qu’il ne nous ap-partenait pas de présenter ici, maisdont la figure la plus représenta-tive est Flavio Biondo (voir lesextraits recueillis par D’Elia, Ilbasso impero, 29–47).

57 Pour la paternité brunienne de lalettre, voir Luiso, Studi sull’epis-tolario, 121; pour une attributionà Giustinian, voir Caccia, Giusti-niano, 404.

58 La lettre de Cyriaque est publiéepar Luiso, Studi sull’epistolario,177–178.

59 On remarquera que ces thèmesétaient en circulation chez les in-tellectuels florentins, dès la fin duTrecento. Le chancelier Salutati,

dans son De tyranno, se demandes’il y a eu une respublica sous lerégime de César: »Nullusne est reipublicae status in monarchia?Nullamne Roma rem publicamhabuit, donec sub regibus fuit?«(Collucio Salutati, Tractatus,cap. IV, § 14).

60 Leonardus Brunus, Epistolarumlibri, 2, 61. Bruni fait aussi re-marquer que lorsque le Sénatvoulut accroître l’autorité d’Octa-vien, il lui proposa de le promou-voir d’empereur à dictateur.

Inversement, de nos jours, des empereurs à peine détenteurs dequelques arpents de terre leur accordent une importance considé-rable. Une fois encore est pointée l’ignorance coupable des con-temporains qui se laissent abuser par des traditions fallacieuses.61

Derrière l’argument d’autorité, celui des sources à relire, se profileune vision humaniste très désacralisante de l’empire, dont le pointculminant est sans contredit le De falso et ementita Constantinidonatione de Lorenzo Valla (c.1440). Sans entrer dans le détail decette œuvre centrale, il importait, dans notre perspective, derappeler le point suivant: on a vu, à juste titre, ce pamphlet commele plus décisif ouvrage portant atteinte aux justifications histori-ques de la création d’un état pontifical – c’est d’ailleurs ce point quia valu à la Declamatio ses plus fortes critiques;62 ce qui est moinsconnu, ce sont les arguments contre l’empire lui-même. Partant ducouronnement de Sigismond, Valla s’indigne à son tour de cettecérémonie, dans des termes apparemment différents de ceux pré-cédemment cités: »il n’y a personne, à mon avis – écrit-il – qui sepuisse dire empereur des Romains, ni auguste, ni césar, si l’empirene possède pas Rome; et s’il ne donne pas totalement à cette tâchede récupérer la Ville, il est véritablement parjure.«63 Pire encore,niant la translatio imperii, Valla affirme que le seul vrai empereurserait celui de Constantinople, le soi-disant imperator Romanorumn’étant qu’une créature pontificale. Si on compare le point de vuede Bruni à celui de Valla, on retrouve finalement plus d’analogiesque de différences; en effet, dans les deux cas, à partir d’objectifsinitiaux différents, s’impose l’idée d’une vanité de cet empire: soitqu’il s’agisse d’une institutionnalisation d’une erreur historique quela faiblesse italienne empêche de renverser hic et nunc, soit qu’ils’agisse d’un appel à un recentrage de l’empire sur Rome et la ro-manité, nos deux auteurs convergent vers cette idée d’une illégi-timité de l’empire germanique et de ses usages rituels.64 Dans lefond, les intellectuels italiens postulaient qu’il n’était de légitimitépolitique que romaine et conférée par le populus romanus. C’estdésormais autour de cette nationalité de l’empereur que se nouentles débats sur l’empire en Italie et en Allemagne. Précisément à lacharnière de ces deux mondes, l’un des auteurs les plus intéressantspour notre propos se trouve être Enea Silvio Piccolomini, l’hu-maniste siennois entré d’abord au service de l’empereur Sigismond,puis de son successeur Frédéric III, qui semble paradoxalementnourrir sa réflexion sur la base de ces idées qui circulaient chez ses

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61 Ibid.: »Qua re hanc barbariemquaeso cum sua ignorantia valeresineamus, et nos antiquis doctissi-morum scriptis, quod unicum estrefugium, oblectemur non curiosi,quid agant isti, aut quemadmo-dum loquantur.«

62 Sur la réception de la Declamatio,outre Maffei, 1971, voir Anto-nazzi, Lorenzo Valla, et surtout

Conetti, L’origine del potere le-gittimo.

63 Laurentius Valla, Seltz, Defalso credita, 158: »Quare scit,quisquis est, qui dicitur imperatorRomanorum me iudice se non essenec Augustum, nec caesarem, necimperatorem, nisi Rome teneat, et,nisi operam det, ut urbem Romamrecuperet, plane esse periurium.«

64 Valla a d’ailleurs confirmé sonmépris pour la pratique de la pres-

tation de serment impérial lors ducouronnement: »Nam caesares illipriores, quorum fuit primus Con-stantinus, non adigebantur ius-iurandum interponere, quo nuncCesares obstringuntur: se, quan-tum humana ope prestari posset,nihil imminituros de amplitudineimperii romani eamque seduloadaucturos«, ibid., 159. Cavina,Imperator Romanorum, 157.

amis lettrés. Durant son séjour viennois, il s’était transformé enpropagandiste des thèses impérialistes à travers deux ouvrages, lePentalogus écrit en 1443 et le De ortu et auctoritate romani imperiien 1446, dont on a dit qu’ils n’étaient pas très novateurs mais qu’ilsrecalquaient les théories impériales classiques. C’est probablementvrai pour ce qui concerne les aspects liés à l’origine du pouvoir etson caractère illimité. Pourtant le point original de cet engagementde l’humaniste tient précisément au double ancrage territorial,l’ancrage italien et germanique, que Piccolomini cherche à assignerau souverain. En effet, le secrétaire impérial pousse Frédéric III à»réclamer son Italie«;65 de plus, l’empire est un droit de la nationgermanique. Piccolomini propose même qu’il y ait un amalgamepermanent entre la Maison des Habsbourg et l’empire.66 L’exi-gence de reconquête italienne comme préalable à une authentiquerestauration impériale anime tout ces textes, ce qui ne signifie pasque l’humaniste soit dupe des possibilités réelles de parvenir à sesfins, ainsi que l’attestera ultérieurement son Histoire de Frédé-ric III,67 dans laquelle affleure un pessimisme teinté d’ironie sur lessymboles d’Etat reçus à l’occasion du couronnement de Frédéric IIIen 1452. D’ailleurs, il n’hésite pas à affirmer qu’en l’état actuel letitre de roi des Allemands serait mieux approprié.68

Que ce soit pour déplorer la trop grande germanisation del’institution impériale qui a perdu son substrat italien ou pourinciter les contemporains à se débarrasser de ces traditions sansfondement, la pensée savante italienne s’articule désormais surcette nationalisation de l’empire. Il n’est donc pas surprenant queles juristes allemands, sensibles aux polémiques ou aux formes dedérision venues d’Italie aient réagi à ces thèmes, précisément eninversant la charge critique.

Ni les propos de Bruni, ni ceux du Pogge ou de Piccolominin’ont laissé indifférents les juristes germaniques. Le plus intéressantd’entre eux, Peter von Andlau, formé à Pavie, a rédigé peu après lecouronnement romain de Frédéric III (par parenthèse, le dernierempereur couronné à Rome) un important traité, le Libellus decesarea monarchia, dans lequel, d’une certaine façon, il reprend lesarguments des Italiens pour les mettre au service de l’empereurallemand. Tout en refaisant l’histoire de l’institution, il s’évertueà »germaniser« les antiques Césars. Bien sûr, recyclant un thèmeclassique depuis le Moyen Age central, particulièrement dévelop-pé depuis Lupold de Bebenburg (milieu XIVe siècle), il affirme le

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65 Aeneas Sylvius Piccolomini,Pentalogus, III, 639: »… peten-dam suam Italiam«.

66 Aeneas Sylvius Piccolomini,Pentalogus, III, 719: »… ut honorigermanico consulerem, ne me re-cusante nationem Germanicamexiret imperium«; et 737: »Hocmaximum decus est domus tuaeAustralis, ut imperium orbis sibivaleat vendicare apud se stabilire«.Voir Toews, Dreams and Reality.

67 Voir notamment le passage oùFrédéric III décide pour donnerplus de magnificence à son cou-ronnement de porter les emblèmesde Charlemagne; mais l’œil avisédu secrétaire remarque sur l’épéeles traces du lion de Bohème, cequi atteste que ces enseignes nedataient que de Charles IV: Pic-colomini, Historia rerum Fride-rici III Imperatori, II, 292, cité par

Toews, Dreams and Reality, 83.Sur le Romfarth de Frédéric III,Reiner, L’Imperatore Federico III.

68 Toews, Dreams and Reality, 80.

caractère germanique de Charlemagne, mais plus encore, il expli-que pourquoi l’empire est resté allemand jusqu’à nos jours: c’estgrâce à Grégoire V, cousin d’Otton et créateur du collège des septprinces électeurs.69 L’insistance sur la mutation institutionnellealors opérée illustre la conception de plus en plus nationale del’empire chez les juristes allemands, symétrique exact de ce quedénonçaient les humanistes italiens. Dans son traité sur l’empire, lejuriste italien Andrea Alciato, au début du XVIe siècle, entérinecette conception, en revenant sur l’événement de 997: »Cette loi aété donnée par le pape (Grégoire V) [aux électeurs allemands] pourque ce droit d’élection ne puisse plus jamais revenir au peupleromain.«70 D’une formule lapidaire, le grand juriste explicitait ceque ses prédécesseurs subodoraient, à savoir la dé-romanisation del’empire, entendu désormais comme véritable projet politique de lapart des princes électeurs.

Là ne s’arrête pas le dialogue ou plutôt la controverse entreItaliens et Allemands; car, si parmi ces derniers, les plus avisés, telsPeter von Andlau, se lançaient dans la revendication d’un TeutschesRecht finalement décomplexé face à l’ironie ou aux prétentionspéninsulaires,71 l’écho de la critique brunienne se faisait entendreencore au début du XVIe siècle, à deux reprises. En 1501, un certainJacobus de Middelburg, vicaire général de l’évêque de Cambrai,professor iuris pontifici rédige un traité contre Bruni et les calom-niateurs de l’empire, dans lequel il conteste la triple hiérarchieexplicitée par Leonardo Bruni: roi, dictateur, empereur.72 Mais letexte ne présente pas d’aspects vraiment remarquables pour notresujet, il ne fait que réitérer les canons ordinaires de la penséeimpériale.73 Nettement plus proche de notre interrogation, le projetde Heinrich Bebel, poète et humaniste allemand,74 rédigé enplusieurs étapes entre 1503 et 1508, toujours contre les accusationsitaliennes (cette fois attribuées à Leonardo Giustinian). Son intérêtprincipal tient dans son effort pour non seulement légitimer le titreimpérial sévèrement déclassé par les accusations humanistes, maisaussi insister sur son caractère substantiellement germanique. Dansle premier de ses traités conçu comme une réponse à LeonardoGiustinian, il reprend un à un les arguments de la critique pour lesinvalider, en insistant à la fois sur les évolutions linguistiques quis’ajustent aux évolutions institutionnelles et sur l’antiquité ducaractère impérial du peuple germanique: si l’on méprise le titreimpérial aujourd’hui au motif qu’il n’aurait pas été usité en ce sens

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69 Peter aus Andlau, Libellus.70 Andrea Alciato, De formula,

160: »Lex a pontifice imperato-rum comitiis lata, ne jus eligendipenes populum romanum in pos-terum esset.«

71 Faut-il préciser combien l’histo-riographie allemande a labouré ce

domaine historiographique de lanaissance d’un droit romano-im-périal: renvoyons, pour exemple, àl’étude de Isenmann, Kaiser, Reichund deutsche Nation, 145–246.Ce droit prend appui aussi sur unemutation de la conscience natio-nale allemande qui transforme les»theutonicae nationes« des sour-ces du XIIe s. (Bavière, Saxe, Lo-tharingie) en »Germanica natio«au XVe s. (sur cet argument,

Schnell, Deutsche Literatur,250).

72 Le titre complet en est De origineet amplitudine potestatis impera-torie de quod gradibus reliquarumdignitatum civilium Apologeticoncontra Aretinum quendam et aliosimperatorie appellationis et coro-nationis calumpniatores.

73 Leupen, The Emperor’s Preceden-ce, 227–242.

74 Mertens, Bebelius.

durant l’Antiquité, que dire alors des titres de papes, d’évêques oude cardinaux qui sont des inventions tardives … et que dire desVénitiens dont le magistrat suprême est le doge, titre qui n’apparaîtjamais dans les sources antiques:

»Postremo si nolueris admittere nova magistratuum vocabula, etiam latinaet graeca, non dices papa, ac ita locutus est Hieronimus et alii ecclesiastici. Nondices episcopus, non cardinalis, non patriarcha, non acoluthus […] Tolles itaqueomnino fidei christianae magistratus et dignitates atque omnino ad gentiles nosrevocabis. […] Unde si Germanos vocaveris barbaros, pro eo quod imperatorapud eos non sit supremae potestatis in temporalibus, ut dicitur, facies totamitaliam barbaram et ipsam denique fidem christianam. At cur non Venetos tuosrides? et barbaries incusabis? qui suum magistratum supremum et principemvocant ducem? cuius quae fuerit apud maiores, nec ita vetustos, dignitas, tumihi referas, ego enim nondum legi.«75

Mais c’est surtout le second traité qui nous retiendra, car c’estcelui qui insiste le plus sur la nécessaire germanisation de l’empire,en reconstruisant totalement le passé impérial depuis les temps lesplus reculés: les conquêtes les plus notables de l’empire romain sefirent avec l’appui des Germains: Romains et Germains ont travailléensemble à contenir la poussée gauloise;76 même la victoire d’Alésiaest à imputer à l’action militaire des Germains. Il n’y a donc aucuneincongruité à ce qu’aujourd’hui les Allemands exercent seulsl’empire en vertu de leur supériorité militaire. On devine combienle droit public allemand, alors sur le point d’inventer la notion dejus romano-germanicum,77 avait été sensible à la critique philolo-gico-politique des humanistes; en réaction, le mouvement doctrinalallemand allait dans le sens d’une revendication de cette germanitéentendue comme consubstantielle à l’empire. Pourtant, les juristesallemands ne pouvaient facilement se résigner à ce que les Italiensles privent idéologiquement de leur revendication sur Rome. Unépisode singulier survenu en 1502 éclaire cette ambiguïté. Le jeunejuriste Thomas Wolff, docteur de l’université de Bologne rentré aupays, a présenté à un conseiller de la cour un commentaire de l’Âned’or de l’humaniste bolonais Beroaldo l’Ancien. Or, dans ce com-mentaire, Beroaldo qualifie Maximilien d’empereur des Allemandset non d’empereur des Romains. Le conseiller impérial demandealors à Thomas Wolff de s’enquérir des raisons de cette appellation:

»Vidi tua in Apuleium commentaria habent in se altam eruditionem […]Nam hoc libro favorem magnum mihi conciliabo apud quendam qui in curiaCaesaris primi est nominis: hoc dicto mox paginas evoluere coepit modo haec

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75 Heinrich Bebel, Apologia Hen-rici Bebelii, 589.

76 Heinrich Bebel, De laude, anti-quitate, imperio, victoriis, rebus-que gestis veterum Germanorumtractatus de Henrici Bebelii, 553:»Rhenum semper fuit terminusimperii romani et Romani contentifuerunt Rheno tenus Germanosprohibere, ne in Galliam trans-irent.«

77 Hammerstein, Quomodo impe-rium Romanum, 275.

modo illa legens et forte fortuna in eum locum incidit ubi diserto ac elegantistilo ea complexus es quae nostris temporibus contigerunt ubi tu collectisnon tam vetustis quam recentioribus exemplis fortunam exoculatam et ipsalevitate leviorem comprobas Miror inquit quod Beroaldus qui omnes omniumdoctrinarum libros et pontificeas et caesareas leges vidit adhuc ignorat autcerte se ignorare simulat maximilianum non Germanorum sed Romanorumimperatorem nuncupare ab eruditis. An pudet facere Beroaldum quod nonpudet pontificem maximum ac omnes totius christiani reipublicae principesac reges a quibus semper Romanorum non autem Germanorum imperatorvocatur […].«78

Beroaldo répondit, non sans ironie, qu’il avait adapté latitulature à l’état de fait réel, et que dans le fond, au regard de lasituation pitoyable dans laquelle se trouvait la ville éternelle,l’appellation rendait hommage aux Allemands plus qu’elle ne lesdéshonorait. Il se dit persuadé que l’empereur Maximilien préfèrecertainement être dit empereur en s’appuyant sur une réalité solideque de se prévaloir d’une vaine gloriole et d’un titre sans substance:

»Quidem amicus tuus stomachari visus est propterea quod imperatoremdixi Germanorum non Romanorum: nihil est quod ob id stomachetur cum egoin scribendo secutus sum rem non verba. Immo ut noris apertius mentem meamego censeo honorificentius esse imperatorem Germanorum dici quam Roma-norum cum hoc seculo nobilitas romana decoxerit fece et quisquiliis super-stitibus. Germania vero sit viris opibus magnitudine florentissima. Pretereavocare regem Romanorum qui Germanis imperet credidi conveniret ambitiosisnon simplicibus scriptoribus. Habeo persuasissimum sacratissimum Maximi-lianum non minus libenter audire ut dicatur et sit imperator germanorum quamrex Romanorum cum alterum nomen re ipsa fulciatur, alterum titulo tenusblandiatur.«79

L’échange épistolaire atteste ainsi tout à la fois l’évolution desintellectuels italiens qui poussent jusqu’au bout le constat desmutations opérées, et les réticences compréhensibles des juristesallemands devant ce qui s’annonce comme un redimensionnementde la majesté impériale. Au demeurant, devant le défi lancé àl’empire universel, légistes et intellectuels allemands allaient, auxXVe et XIVe siècles, procéder eux-mêmes à la »germanisation« del’empire, entendue non plus comme un manque à gagner par rap-port à la tradition antique et médiévale, mais comme l’expressionlégitime d’un héritage historique.80

Côté italien en revanche, depuis Balde qui exaltait l’autoritécésarienne pour mieux justifier la création d’un duché milanaisqu’il définissait comme éternellement irrévocable (par conséquentsoustrait ipso facto à l’empire) jusqu’à Beroaldo qui se résignait à

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78 Beroaldi, Vuolphii, Juniorisdisceptatio de nomine imperato-rio, non paginé.

79 Ibid.80 L’effort va très loin puisque au

XVIe s., le copiste du ChroniconColmariense (c.1300) transformele »rex Romanorum« du manus-crit original en »rex Theutoniae«(Schnell, Deutsche Literatur,288). Un autre chroniqueur duXVe s., Hermann Korner (c.1435),

recherche le moment où l’on peutparler véritablement d’un empe-reur allemand; il le trouve en lapersonne d’Othon le Grand:»Otto magnus primus imperatorTheutonicorum […] quia est pri-mus de lingua theutonica, quiuniversaliter imperavit, ideo pri-mus Theutonicorum dicitur impe-rator« (cité par Schnell, Deut-sche Literatur, 291).

opérer une très humaniste adequatio rei et verbi, en débaptisant leroi des Romains en roi des Allemands, nous tenons les deux termesde l’attitude des lettrés italiens durant ce XVe siècle: d’une ap-proche quelque peu instrumentale à une résignation désenchantée.Entre-temps, les humanistes avaient eux aussi apporté leur con-cours à cette désacralisation du pouvoir, mais dans un contextedans lequel ils pouvaient encore espérer en une réaction des gou-vernants italiens. Le déclenchement des guerres d’Italie, la confron-tation entre Impériaux et Français sur le sol péninsulaire à la findu XVe siècle leur laissaient le spectacle d’un empire certes privé dela légitimité romaine, mais pas pour autant dépourvu d’ambitionsitaliennes. Contrairement aux canonistes du Quattrocento pourqui, obstinément, l’authenticité de l’empereur passait par soncouronnement à Rome des mains du pape, indépendamment desautres couronnes qu’il était censé recevoir à Aix-la-Chapelle et àMilan (ou Pavie), Beroaldo et d’autres civilistes à sa suite sem-blaient entériner, peut-être à regret, cette irrévocable dé-romanisa-tion de l’empire.

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