RAPPORT SUR L'EBQUETE

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RAPPORT SUR L'EBQUETE EBTOXOLOGIQUE et EPIDEKIOLOGIQUE sur l'EPIDEXIE de FIEVRE JAUNE du KALI. 4 au 14 octobre 1987. Roger CORDELLIER Dr, es-Sclences C'jnsu Han tOMS. \:! ae Recherche de l 'GRSiGM, Chef du LaboratOIre d'EntomologIe médlcale i 1 InstItut Pllt.ur d' Cote d IVOIre, 01, BP, V-51, ABIDJAN 01, RépublIque de Côte d'Ivoire, st tuel l»: C.E,l'\,V" o BP 2.597 SOUAKE 01, R.C.l.

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RAPPORT SUR L'EBQUETE

EBTOXOLOGIQUE et EPIDEKIOLOGIQUE

sur l'EPIDEXIE de FIEVRE JAUNE du KALI.

4 au 14 octobre 1987.

Roger CORDELLIER

Dr, es-Sclences

C'jnsu Han tOMS.

\:! ~l~ecteur ae Recherche de l 'GRSiGM, Chef du LaboratOIre d'EntomologIe médlcale i1 InstItut Pllt.ur d' Cote d IVOIre, 01, BP, V-51, ABIDJAN 01, RépublIque de Côte d'Ivoire,Mr~S5~ st tuel l»: C.E,l'\,V" o BP 2.597 SOUAKE 01, R.C.l.

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La mission effectuée du 4 au 14 octobre 1987, à la demande

du Directeur du Bureau de la Sous-Région n °1 de l'Organisation

Mondiale de la Santé à Bamako, avait pour objets:

- d'établir le mode de transmission du virus amaril afin de

déterminer le type de l'épidémie,

de donner les indications relatives à l'évolution

potentielle de l'épidémie,

- de faire, en consequence, les recommandations techniques

appropriées.

Le 14 octobre, les derniers re su l tats de l'enquête étant

acquis, je pouvais remettre au Dr. D. BARAKAMFITIYE, Directeur du

Bureau de la Sous-Région O. M. S.. un résumé du Rapport défini tif

ainsi que les recommandations en decoulant.

Cette mission a e t e menee a bien grâce à JOt les Docteurs

Issa DEGOGA et Philippe DEMBELE qui ont r éa i i ee une partie des

enquêtes sur le terrain.

Les travaux au Laboratoire n'ont éte possible que grâce au

concours de tous les responsables de l'OCP / VCU de Bamako qui ont

mis a ma disposition local et équipement.

1. INFORMATIONS RELATIVES A L'EPIDEKIE.

Lorsque l'enquête a débuté, nous avions déjà la certitude d'être en

présence d'une épidemie de Îiévre jaune; en effet, le Laboratoire des

Arbovirus de l'Institut Pasteur de Côte d'Ivoire, grâce à la technique

d'identification rapide des IgM antiamariles en Chrom-Elisa, avait pu

annoncer dès le 1er octobre que, sur les 7 sérums parvenus à l'I.P.C. I. le

29 septembre, 5 s'étaient révélés positifs <dont 4 fortement>.

2-

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Le lundi 5 octobre, le Dr. L. BARRY, Directrice de Cabinet du

Ministre de la Santé Publique et des Affaires Soclales de la Republique du

KALI, me donnait toutes les informations alors en sa possession.

1: en ressortai t Que: - les premiers cas ave i eat eté signalés le 21

septembre par un infirmier en poste à Neguela, al' ouest de Kati. Cinq

personnes seraient décedées entre le 13 et le 20 septembre, à la sui te

d'ictères fébriles, dans le village de Guintako (ou Guendako i , où deux

malades auraient également eté atteints sans issue fatale,

- le 23 septembre, le Medecin Chef de Kita, à

environ 150 Km à l'ouest de Kati, signalait trois cas mortels "d'une

maladie mystérieuse" survenus à Badenko,

- le 29 septembre, les Medecins Chefs de Kati

et de Kita, ainsi que le Dr. Dramane SAIGARE, Directeur de la Division de

l'Epidémiologie et de la Prévention (D.E.P.), envisageaient très

sérieusement l'hypothèse d'une épidémie de fièvre jaune; la veille 7 serums

étaient expédiés à Abidjan (I.P.C. I.),

- le 29 septembre, également, la décision de

vacciner, sans attendre les confirmations biologiques, était prise et

opérationnelle des le lendemain dans le Cercle de Kati.

A la veille de cette enquête, an dénombrait 69 cas dont 37 décès,

depuis le 21 septembre, survenus en 14 jours.

Il est important. de rappeler que la der m ere épidemie de fièvre

jaune declarèe par le Mali avait justement affecte la reglorl s i t uee d­

l'Ouest de Kati, en 1969. Quelques cas isolés duraient également étés

rapportes de cette même zone en 1974 (sans trace dans les Relevés

Epidémiologiques Hebdomadaires de l'O.M.S.).

2. DONNEES SUR LA ZONE EPIDEKIQUE.

2.1. Localisation.

L'épidémie semble s'être déclarée simultanement sur le terri taire

des Cercles de Kati et de Kita, appartenant respectivement aux Régions de

Koulikoro et de Kayes.

La zone touchée se situe à l'ouest de Bamako, sur un front

d'environ 180 Km dont le point le plus proche de Bamako se trouve à mains

3-

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de 30 Km de ses 900000 habitants. La Zone Epidémique prend place entre 8'04

et 9·40 de longitude Ouest, et entre 12·35 et 13·30 de latitude nord.

2.2. Peuplement.

Toute cette région est peuplée essentiellement par deux éthnies du

groupe Xanding, Bambara à l'ouest et au nord du Cercle de Kati, Xalinké

pour le reste de la zone concernée par l'épidémie.

Steppes Sahélo-Saharienne

o

Domaine Saharien

12 °m

Sahel

Echtllt: 1:10 000 000

Fig. 1 - Le Mali. Zones de végétation et situation des villes citées.ag.: aandiagara (Pays Dogon.Mosalque FIS. : Mosalque forlt - savanes.

4-

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Les densités de population sont relativement faibles, de 7 H/Km2 pour les

arrondissements ruraux, à 25 H/KnQ pour les arrondissements de Kati et de

Kita. Hors de ces deux agglomérations, la population qui est groupée en de

tre~ nombreux villages petits ou moyens, se disperse en période de culture

en une multitude de campements saisonniers installés à proximité immédiate

des terres en culture, parfois fort éloignés du village d'origine.

2.3. Caractéristiques physiques.

La majeure partie de la zone se trouve sur le Plateau Xanding dont

l'altitude est comprise entre 350 et 750 m. A l'ouest de Kita, la vallée du

Bakoye, ainsi que celle du Bafing, se situe autour de 250 m d'altitude. Il

s'agit essentiellement d'un plateau de grès dur du Précambrien supérieur.

La végétation correspond au domaine soudanien méridional i savanes

arborées ou arbustives, avec des galeries forestières souvent largement

interrompues bilatéralement. Le domai ne soudano-guinéen, ou savanes semi­

humides sub-soudaniennes, ne se trouve pas à plus de 30/40 Km au sud de la

zone épidémique.

Le cl i mat est de type tropical, caractér isé par une saison des

pluies de 6 mois, débutant fin avril et se terminant fin octobre, avec son

acmé en août, et un volume moyen de précipitations compris entre 1200 et

1000 mm par an. Sans être globalement excédentaire, l a saison des pluies

:987 s'est trouvée decalee vers l'arriere saison, l'aCIDe se situant au mois

de septembre.

Les variations saisonnières de l' hygrométrie sont importantes. L' humidi té

relative en janvier peut se situer autour de 20%, et être en moyenne de 75

à 80% en août/septembre. L'harmattan, vent sec soufflant du nord- est, peut

commencer à se faire sentir dés la fin du mois d' octobre, et se manifester

jusqu'à la fin du mois de mars.

2.4. Communications.

Cette zone est traversée d'Est en Ouest par la ligne de Chemin de

Fer Bamako - Dakar. Cet axe est la seule voie de circulation réellement

permanente dans cette partie du Kali. Le réseau routier, difficile à

parcourir en saison sèche, est dans une large mesure impraticable en saison

des pluies. On note cependant que Kati est relié à Ba.Jmko par une route

bitumée.

5-

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~ Chemin de fer___ Pistes

~ Routes revétues

Légende

IS0N.-.-._ Savanes Sub-Sahéliennes ._.-.-.-'-'- ~.-·~I~._._.-.~~-'~·~·

Savanes Soudaniennes

Aire d'origine des casdéclarés a Faladjié .

Savanes Soudaniennes

Savanes Soudaniennes

Mosaïque Forêt - Savanes

.Fig. 2 - Zone épidémique

_.-.._ ....... - . .............. -. ...... ~ ....._~.. --._. ..... -.. ....... '-._. -._ Siby

go tœ .-._.~.

6-

Page 7: RAPPORT SUR L'EBQUETE

3. EBQUETES.

3.1. Observations.

Compte teüu des difficu~~es de circulation, de l'étendue et de la

di ver s i t e des secteurs où une enquête me semblait absolument nécessaire,

<Zones rurales de Kati et de Kita, et agglomération de Bamako), je n'aurais

pas ete en mesure de mener cette enquête à bien sans le précieux concours

de lOt les Docteurs Philippe DEIBELE et Issa DEGOGA, formés récemment à

l'Entomologie médicale au C.E.M.V .• de BDUAKE. Envoyés sur le terrain dès

le 1er octobre par la D.E.P., ils avaient pu, avant mon arrivée à

Bamako,proceder à la récolte de matériel entomologique dont l'examen nous a

été fort utile, en dépit de l'absence de normalisation de leur technique

d'échantillonnage.

Grâce aux moyens mis à ma disposition par le Dr. Dramane SAIGARE,

Directeur de la D,E.P., j'ai pu me rendre personnellement dans la région de

Kati, notamment à Faladjé et dans les villages et campements des environs.

Avec le Dr. Dégoga, nous avons pu proceder à un échanti llonnage

dans differents quartiers de la capitale, cependant que le Dr. Dembélé se

rendait dans le Cercle de lita pour effectuer, selon la méthodologie

appropr iee, une enquête entomo-èpidémi ologique prolongeant le travai l déj a

réalisé dans le Cercle de Kati.

3.2. Xéthodologie.

3.2.1. Principe et Difficultés.

Dan::; son principe la méthodologie de ce type d'enquête est simple

et immuable; il convient:

- 1. de savoir s'il existe un "elevage" d'A. aegypti dans les villages ou

les villes, et si oui de le quantifier,

- 2. de connai tre les espèces de moust iques qui piquent l' homme, entre 16

et 20 heures, dans les villages, à l'extérieur comme dans les habitations,

-3. de rechercher les moustiques au repos dans les habitations .

• Centre Unlversltalre de Formation en EntomologIe Médicale et ~étérinalre,

01 BP 2597, BOUAKE 01, République de COte d'Ivoire,

7-

Page 8: RAPPORT SUR L'EBQUETE

L'experience a montré que, en matière de prospection des gi tes

prèimaginaux en milieu rural ou urbain, l'évaluation du risque amaril se

heur t a i t immanquablement au problème de l'appréciation de la notion de

"maison", concept dif f icile à normal iser en Afrique en raison de l'extrême

diversite de l'habitat et de la notion de "foyer".

En outre, les Indices traditionnels, même lorsqu'ils sont relativement

indépendants de la notion de maison, ne rendent pas compte de la notion de

productivité et restent difficilement interprétables au niveau des "seuils"

à partir desquels une épidémie pourrait ou ne pourrait pas se développer.

Les "seuils", pour l'Indice de Breteau, varient selon les auteurs.

Pour remédier à ces inconvénients, et tenter d'obtenir une image

plus proche de la réalité, nous préconisons le décompte séparé des

di f f e r ent e types de gi tes rencontrés (domestiques intérieurs, domestiques

extérieurs, péri-domestiques, et para-domestiques),l'emploi des Indices

nymphaux préconisés d' HERVY, ainsi que la prise en compte du nombre de

pièces et du nombre d'habitants dans les concessions prospectées.

3.2.1. Recherche des gites préi.aginaux

et des moustiques au repos dans les habitations.

On réalise un inventaire aussi exhaustif que possible de toutes les

pe t Ltes collections d'eau existant dans un secteur détermine des vi llages

ou villes choisies.

Toutes les informations relatives à ces gites potentiels sont notées <type,

usa8~. si"tuatlon, etc ... >, e"t des prelevements de larves et de nymphes sont

effectués, pour identification ulterieure, chaque fois qu'il s'en présente.

On releve également les caractéristiques de l'habitat <nombre et usage des

pieces, type de construvtion, etc ... ), et le nombre des occupants de chaque

"maison".

On s'informe également du comportement et des coutûmes en matière de

ge:~: ion . '.ne .1. eau.

Compte tenu des difficultés de circulation et de la nécessité de

diversifier les informations dans un court laps de temps, nous avons limité

nos investigations à 10 concessions par village (ou par quartier à Bamako).

La recolte des adultes de moustiques au repos jans les habitations

est effectuée dans le périmètre d'investigation préimaginale, de manière à

comparer les résultats de ces deux méthodes d'évaluation des populations de

moustiques.

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Page 9: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Lors de cette enquête, les premiers résultats obtenus ont permis de

réduire ces récoltes d'adultes au strict minimum.

3.2.2. Captures crépusculaires.

Classiquement les captures de moustiques sont effectuées dans les

villages, à l'intérieur comme à l'extérieur des habitations, entre 16 et 20

heures; ce sont des captures dites "crépusculaires", avec l'homme agissant

à la fois comme appât et comme captureur.

Pour cette enquête, après l'examen des premières récoltes effectuées avant

mon arrivée par MM. Dégoga et Dembélé, nous avons décidé d'étendre le champ

d'action de ces captures aux environs des villages ou des campements, et

notamment prés des points d'approvisionnement en eau.

Le choix des villages prospectés a été essentiellement dicté par le

fait que des cas de fièvre jaune y avaient été signalés, et les captures de

moustiques ont été effectuees de préférence dans des maisons ayant hébergé

des malades, même si, comme c'était le cas pour cette épidémie, ce facteur

devait se révéler sans aucune importance.

A BaDlflko, nous avons effectué un échantillonnage dans six

quartiers, en tenant compte de leur fonction socio-économique (résidentiel,

commercial, industriel, etc ... ), de leur degré d'urbanisation, et de

l'origine èthnique de leurs habitants.

4. RESULTATS.

4.1. Enquêtes préimaginales.

4.1.1. Dans les villages de la Zone épidémique.

Cinq villages ou campements ont été prospectés du 7 au 11 octobre,

trois dans le Cercle de Kati, autour de Faladjé <Koumala, lIalIaribougou,

Sana nko >, et deux dans le Cercle de lita, <Bendougouba, Traorela>.

Les résultats de ces prospections figurent dans le Tableau 1.

Pour les 5 villages concernés, soit 50 concessions, nous avons

recherché les gîtes potentiels d'A.aegypti dans 360 pièces et leur

environnement.

9-

Page 10: RAPPORT SUR L'EBQUETE

iableau l, Prospectlon prélMaglnale dans lesCe rcles de Ka t i (A, B, C) et de Ki ta (D, E),

IKoumala ISananKo1

1

iMaman­1 o'Jugou

iBen­Idougouba1

ITraorela 1 TOTAUX1

1

Nb, de Concesslon 10 10 10 10 10 50

Nb, de Gîtes en eau 53 48 83 77 60 321InUrieurt:

- Canaris 23 30 39 39 8 139- Pots à médicaments 3 9 14 26- Divers 4 6 10

Extérieurs:- Canaris 20 7 27 47 102- Fûts l 1 2

Péri-dolestiques:- Abreuvoirs à poulets 2 2 7 5 2 18- Débns, déchets 6 10 6 2 24---------------------------------------------------------------------------------------------------------

iNb, de gîtes avec larves 3 6 4 1 9 6 28

,1

Gîtes avec A,a~gyptJ 0 0 0 1 01

Nb, de plèces

Nb, d'habitants

Nb, de cas de F,Jaune *Nb, de décès *

55

165

21

4

60

132

i6

54

152

8

o

114

2.04

73

184

21

o

i 360

897

67

6

*Sous toutes réserves, Renselgnements fournis par les vlliageois,

- 10-

Page 11: RAPPORT SUR L'EBQUETE

321 gîtes potentiels (récipients contenant

6 récipients par concession (maximum 8,3;

Les renseignements obtenus des villageois permettent d'estimer à 900 le

nombre de personnes vivant dans ces 50 concessions, à 67 le nombre de cas

sans issue fatale, et à 6 le nombre de décès.

On a recensé au total,

de l'eau), soit en moyenne

mi ni mu m 4, 8) .

Pour 79%, il s'agit de récipients de stockage d'eau à usage

domestique, les plus fréquents <95%) étant des "canaris" d'une contenance

maximum d'environ 50 litres. Ces canaris sont des poteries cuites, ici de

forme sphérique dans la plupart des cas. On trouve ce type de récipients en

majorité à l'intérieur des habitations dans le Cercle de Kati <Ethnie

Bambara), et à l'extérieur dans le Cercle de Kita <Ethnie Kalinké).

- Les "pots à médicament" représentent 8% des gîtes potentiels

d'A.aegypti. Ce type de gîte n'a pas été trouvé en pays Kalinké.

- Les 13% restants sont des gî tes du type péri -domestiques, soit

des abreuvoirs à poulet, soit des débris ou des récipients abandonnés

autour des habitations.

Parmi les 321 gîtes potentiels, on n'a pu trouver que 28 récipients

(9%1 hébergeant des stades préimaginaux de Culicidés.

Lorsqu'on a procédé à l'identification des larves, il s'est avéré qu'un

seul récipient, un abreuvoir à poulet, hébergeait quelques larves

d'A. aegypti. On n'a pas trouvé de nymphes de cette espéce dans ce gi te ni

dans aucun autre.

L'Indice de Breteau, globalement établi pour ces 5 villages, est

donc egal à 2. Il est nul pour 4 villages sur 5.

L'Indice récipient est globalement égal à 0,3.

Il est clair que, aussi bien en pays Malinké qu'en pays Bambara, le

stockage de l'eau est aussi systématique que traditionnel, mais il ne

s'accompagne pas d'un élevage intensif d'A.aegypti. Ces observations sont

en parfaite conformite avec celles que rapporte PICHOI et coll.

L'absence d'A.aegypti, notamment dans les canaris, s'explique aisément

lorsqu'on sait que l'eau y est souvent renouvelée, et qu'avant le

remplissage les femmes procèdent, le plus souvent, à un nettoyage du

récipient.

- 11-

Page 12: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Les gi tes péri -domestiques, sur lesquels l' homme n'exerce aucun contrôle,

ne se sont pas révélés positifs. Ceci n'est pas surprenant, en l'absence

de souches domestiques locales du vecteur susceptibles de les coloniser. La

relative rareté de ces gîtes ainsi que la brièveté de la saison des pluies

jouent, en outre, en faveur de l'absence quasi totale d'A.aegypti en leur

sein.

C'est cependant dans un gite péri-domestique que l'unique

prelèvement positif a été effectué. On peut se demander, compte tenu de la

situation du gite, seul positif parmi 76 autres dont 66 canaris en principe

plus favorables à la présence d'A.aegypti, si ces quelques larves ne

pr ove na t en t pas d' une ponte de femelle sel vatique "égarée".

4.1.2. A Bamako.

Les prospections ont été effectuées dans 5 quartiers: Bankonl,

Laflabougou, Djikoroni <secteur non loti, habitat traditionnel>, Bazola, et

Ouolofobougou.

<Voir plan succinct de Bamako>.

Dans les 50 concessions et leur environnement, on n'a trouvé qu'un

nombre très restreint de gites préimaginaux hébergeant A.aegypti.

- A Bankoni, aucun gîte n'a pu être mis en évidence.

- Ouolofobougou semble être le quartier le plus "dangereux" avec 8

gîi;es positifs.

D'une maniere génerale, comme il fallait s'y attendre, ce sont les

gites péri-domestiques qui dominent (65%), mais les bonnes habitudes

relatives au nettoyage des récipients utilisés pour le stockage de l'eau

semblent se perdre dans le milieu urbain, 3 gîtes positifs sur 14 étant des

canaris.

Dans la très grande maj ori té des cas, chaque concession dispose

d'un puits, ce qui n'empêche pas le stockage de l'eau dans des canaris. Le

rafraichissement de l'eau est invoqué par les habitants pour expliquer la

persistance de ce comportement.

Il faut noter que la population installée à Djlkoronl, dans le

secteur non loti, vivant par conséquent sur le mode traditionnel, pratique

le stockage de l'eau sans élevage d'A.aegypti, et ne laisse pas s'accumuler

les "déchets" de civilisation, comme dans les quartiers urbanisés depuis

plus longtemps, surtout lorsqu'ils ont une activité industrielle ou com­

merciale.

- 12-

Page 13: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Fig. 3 - Plan Succinct de Bamako.

Bankoni80z01aOjikoronila fi ahougOU

Duo10fobougou

Zone Industrielle

Sikasso

- 13-

Page 14: RAPPORT SUR L'EBQUETE

4.2. Captures crépusculaires.

4.2.1. Dans les villages de la Zone épidémique.

Deux séries de captures crépusculaires, la première conduite avant

mon arrivée par Ph. Dembélé et 1. Dégoga dans le Cercle de Kati, et la

seconde à partir du 7.10.87 ,selon la procédure normalisée, ont été

conduites dans les villages des Cercles de Kati et de lita. Au cours de

cette seconde période, des sondages ont également été effectués dans divers

quartiers de Bamako, en tenant compte de leur structure socio-économique et

de leur degré d'urbanisation.

Pour l'ensemble de ces captures, il a eté récolté 501 femelles de

moustiques, parmi lesquelles on compte 335 femelles de vecteurs potentiels

de fièvre jaune, soit 67% des récoltes. <Voir Tableau Il.)

Six espèces de vecteurs de fièvre j aune ont été capturées; il

s'agit de: - Aedes (Stegomyia) aegypti

- A. (St ,» opok

- A. (St.) luteocephalus

- A. (St.) metal1icus

- A. (AediJ11Orphus) vittatus

- A. (Dl ceromyi si furcifer

A.furcifer est, de très loin, l'espèce la plus abondante avec 92%

du total des vecteurs de fièvre jaune, alors qu'A.aegypti représente moins

de 2% de cet ensemble.

L'agressivité moyenne/homme/soirée d'A.furcifer est de 6,7 piqûres,

alors que celle d'A.aegypti n'est que de 0,13.

En ce qui concerne la première serie de captures, effectuée dans

les villages de la région de Kati, hors des habitations, on note une agres­

sivité moyenne d'A.furcifer égale à 6 piqûres/homme/soirée. Le maximum est

enregistre a BankOUDa, avec 10,5 piqûres/homme/soirée.

Pour les captures effectuées dans le Cercle de Kati au titre de la

2éme série, on ne peut malheureusement pas tenir compte des résul tats

obtenus à KouJlala en raison d'une forte plu ie survenue au moment de la

période critique de capture. A Sananko la série de captures effectuée dans

le village, à l'intérieur et à l'extérieur des habitations, ainsi que sur

le site du point d'approvisionnement en eau proche, lIIOntre qu'A. furclfer

pénètre dans le village jusqu'à l'intérieur des habitations.

- 14-

Page 15: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Tableau II, Captures crépusculaires dans les villagesde la Zone Epidémlque (Cercles de Kati et de Kita),

1 1 1 3 1 4 1 S 1 6 1 16 1 VPF J 1 D1V 1 T,G,

1ère série,Kati,

Koumala 33 36 22 58

Djibouroula 5 11 16 2 18

Ntéguédo 19 21 19 40

Bankouilla 21 21 21 42

6uendako 10 Il

2è1le séne,

Kati,

Kou~ala - Int,lalson

- Ext,uison

- POint d'eau

Sananko - Int,.alson

- Ext,llalSOn

- POint d'eau

Ki ta,

Bendougouba - Int,~alson

- Ext, luison

- POlnt d'eau

Traoreia - Int,~alson

- Ext,lIIison

- POint d'eau

2

55

37

4

9

18

6

26

24

2 1

56

41

4S

4

11

, '.. 1

9

26

24

2

3

2

4

2

3

6

14

23

13

28

27

TOTAUX 6 6 4 1 10 1 308 335 1 166 1 501

l:IJ,d~grpti; 3:IJ,opok; 4:IJ,JlJt~oc~phd1lJl; 5:IJ,lIitt4tlll; 6:1J,lIltd1JiclJl; 16:1J,flJrcif«,V,P,F,J, :Vecteurs Potentiels de Fi.vre Jaune; Div, :Autres esp.ces; T.6. :Total capturé.

- 15-

Page 16: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Le nombre de piqûres/homme/soirée atteint 22 au point d'eau. Il est de 18,5

dans le village à l'extérieur, et encore très élevédans les maisons, avec

une valeur de 13,8.

BieD que très atténue, probablement eD raison d'une moins grande abondance

de l'espèce, ce fait a également pu être observé dans le Cercle de Kita.

Les valeurs de l' agressi vité re levées au poi nt d'eau, dans le vi llage à

l'extérieur, et dans les naisons, pour les deux villages prospectés, sont

respectivement egaIes à 10,5; 8,75; et 1,25.

Les vecteurs de fièvre jaune selvatiques autres qu'A. furcifer ne

pOSSèdent pas ses facultés de sortie massive du biotope naturel. Leur

discréte présence dans les captures réalisées dans les villages ne peut

donc nous surprendre. On pouvait par contre s'attendre à récolter

d'importantes quantités d'A.luteocephalus sur les sites d'approvisionnement

en eau, ce qui n'a pas été le cas.

4.2.2. A BaJllalro.

Les captures crépusculaires ont été effectuées dans les 5 quartiers

ayant fait l'objet d'une recherche des gîtes préimaginaux, auxquels on a pu

ajouter la Zone Industrielle, au sud-est de la ville.

Les résultats sont consignés dans le Tableau III.

On a a i nsf pu capturer 388 femelles et 84 mâles de moustiques,

entre 16 et 20 heures, les 10, 11 et 12 octobre.

Les femelles d'A.aegypti sont au nombre de 214 (551. du t otal i , le

reste étant presque totalement des Culex (Culex) quinquefasciatus.

l' agressi vi té moyenne/homme/soirée <16-20h), est de 32,3 femelles

pour la totalite des especes, et de 17,8 pour A.aegypti.

Cette évaluation globale recouvre une réalité très hétérogène.

- Deux quartiers; <Djikoroni et Bozola) n'ont permis la capture d'aucun

A. aegypti.

Trois étaient infestés par cette espèce en moyenne à raison de

12,5piqûres/homme/soirée.

- La (Zone industrielle) pouvait être classé comme zone à haut risque de

contamination amarile, avec 69 piqûres/homme/soirée.

- 16-

Page 17: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Tableau III, - Captures crépusculaire,dans six quartiers de la ville de Bamako

Fellelles102 1 Div, 1 Total

l'lales1 102

1 T,G,1 Total 1

Bankoni 27 28 55 12 13 68

Zone Industrlelle 138 3 14 i 22 22 163

DJikoroni 82 82 9 9 91

La f iaboul~ou 25 10 35 3 3 38

Bozola 38 38 16 16 54

Quolofobougou 24 13 37 12 9 21 58

TOTAUX 214 171 3 388 38 46 84 1 472

1:t1,tlegyptJ; 102: C,qlJinqlJeftlscitltlJs; Div, :Autres espèces

Ces résultats appellent deux remarques:

- Le risque journalier de piqûre est probablement supérieur au nombre moyen

de femelles d'A. aegypti capturées entre 16 h et 20 h, car le rythme

journalier d' agressi vi te. surtout dans les quartiers à très forte densité

stégomyienne, n'est pas limitée à la période de référence choisie. Cette

sous-évaluation est sans conséquence sur l'appréciation du risque.

- Le fait de n'avoir capturé que 3 femelles d'Anopheles est uniquement dû a

l'horaire choisi pour les captures. La période choisie correspond au

maximum d'agressivité d'A.aegypti; il est très vraissemblable que le nombre

de femelles de C. quinquefasciatus capturées s'en soit également trouvé

diminué.

4.3. Récoltes de moustiques dans les habitations.

Compte tenu des résultats préliminaires obtenus avant IOCln arrivée

au :lali, il ne m'a pas semblé utile de pratiquer ce type d'investigations

de manière intensive dans les villages de la Zone épidémique.

- 17-

Page 18: RAPPORT SUR L'EBQUETE

A BaDako, c'est le temps et le personnel qui nous ont manqué pour

effectuer ces investigations, toujours plus délicates en milieu urbain,

compte tenu de la méfiance, bien naturelle, des occupants à l'égard des

enquêteurs ..

Les deux vi llages prospectés avant le 6 octobre, <Itéguédo, le

3.10, et Guendako, le 5.10) ont permis de récol ter 46 femelles et 6 mAles

appartenant tous au genre Anopheles.

Une prospection effectuée, pour confirmation, le 7 octobre A Koumala n'a

fourni que 2 femelles de Culex et 2 femelles d'Anopheles.

Comme on peut le constater, aucun A. aegypti, mâle ou femelle, n'a

pu ë t r e mis en évidence dans les habitations des vi llages de la Zone

épidémique.

4.4. Exploitation virologique du matériel récolté.

Les moustiques adultes récoltés au cours de cette enquête ont été,

pour la plus grande part des femelles et pour les mAles de certaines

espèces, groupés en lots et placés en azote liquide pour une exploitation

ulterieure au Laboratoire des Arbovirus de l'Institut Pasteur de Côte

d'Ivoire.

Il a été constitué:

• 88 lots groupant 910 femelles, répartis de la manière suivante:

- A. aegypti, 5 lots, 6 femelles Zone épidémique

.. 12 .. 214 .. Bamako

- A. furcifer, 26 .. 308 .. Zone épidémique

- Autres VPFJ, 15 .. 21 .. Zone épidémique

- Aedes divers, 11 .. 128 .. Zone épidémique

- Culex, 8 " 171 .. Bamako

- Anophèles, 10 " 61 " Zone épidémique

" 1 .. 1 .. Bamako

• 10 lots groupant 90 mâles, repartis comme suit:

4 lots, 38 mâles- A. aegypti,

- Culex,

- Anopheles,

4

2

..

..46

6

Il

Bamako

Bamako

Zone épidémique

- 18-

Page 19: RAPPORT SUR L'EBQUETE

La recherche de souches virales sur ce matériel a été effectué à la

fois par inoculation des broyats de lots de moustiques sur souriceaux

nouveau-nés, et sur cul tures cellulaires (C6/36).

A ce jour, 9 souches de virus amaril ont pu être isolées à partir

des cultures cellulaires (identification en immuno-fluorescence),

Huit de ces souches proviennent de lots de femelles d'A. furei fer (Zone

épidémique), la neuvième est issue d'un lot de femelles d'A.aegypti

capturées dans la Zone Industrielle de BaBako (Sud-Est de la ville).

Les isolements tentés par inoculation des broyats de moustiques aux

souriceaux nouveau-nés sont en cours. Cette technique est plus longue à

donner ses résultats, mais elle a l'avantage de ne pas être sélective et

orientée vers le seul virus amaril, permettant ainsi l'isolement et

l'identification de virus autres que celui de la fièvre jaune.

5. DISCUSSIOJr ET COJOŒJrTAIRES.

Les données entomologiques recueillies au cours de cette enqête,

bien que constituant la clé du puzzle épidémiologique, doivent être

confrontées aux informations relatives à l'évolution journalière de

l'épidémie et à la distri bution des cas (fournies par la D. E. P. ) 1 aux

résultats des analyses virologiques, et aux données d'archives, pour

conduire à une analyse correcte de la situation permettant de dégager les

solutions les plus appropriées pour:

- l, juguler l'épidémie,

- 2, prévenir toute résurgence ultérieure sur place,

- 3, éviter de nouvelles flambée9 épidémiques ailleurs

dans ce pays.

5.1. L'homme,l'eau, et A.aegypti.

Le nombre extrèmement réduit de gîtes préimaginaux trouvés dans les

villages, que ce soit en pays Malinké ou Bambara, les rares femelles

capturées dans les maisons ou à proximité immédiate, et l'absence d'adultes

au repos dans les habitations, font que de toute évidence, A. aegypti,

vecteur domestique assurant la transmission inter-humaine de la fièvre

jaune de type urbain, ne peut être incriminé dans cet épisode.

- 19-

Page 20: RAPPORT SUR L'EBQUETE

On peut même penser à une origine selvatique des specimens

récoltés, même si leur développement s'est occasionnellement effectué dans

le village, compte tenu du fait que les gîtes utilisés pour le stockage de

l'eau à usage domestique sont très fréquemment vidés et souvent nettoyés,

et que les villages relativement bien entretenus ne recèlent que peu de

gî tes péri-domestiques saisonniers. L'entretien de colonies de la forme

domestique d'A.aegypti semble, dans ces conditions, bien aléatoire.

La situation à Bamako est extrêmement différente.

D'une manière générale, le risque de transmission inter-humaine du virus

amaril par A.aegypti est élevé si l'on se réfère au nombre moyen de piqûres

07,8) qu'un homme peut recevoir au cours d'une soirée. Dans un quartier,

la Zone Industrielle, où le nombre de gî tes péri -domestiques est

particulièrement important, nous avons relevé près de 70 piqûres

d'A.aegypti/homme/soirée. Il existe des quartiers où ce risque était nul au

moment de l'enquête. Ceci ne signifie pas qu'il en aille toujours ainsi,

notamment au début et au coeur de la saison des pluies.

Le nombre de gîtes potentiels relevé au cours des enquêtes a

toujours été faible, même dans le quartier de Ouolofobougou, et sans

commune mesure avec le nombre de piqûres/homme/soirée.

Cette absence de cohérence entre la production d'adultes et l'agressivité,

telles que nous avons pu les observer, provient probablement d'une

détection incomplète des gîtes potentiels d'A. aegypti. On peut admettre,

compte tenu des difficultés de la prospection en milieu urbain, que

quelques gîtes domestiques ou péri-domestiques aient pu échapper à

l'attention des enquêteurs, mais l'essentiel de cette distorsion est sans

doute le résultat de l'absence d'investigations dans les gîtes para­

domestiques, en d'autres termes les gî tes naturels en situation urbaine

tels que les creux d'arbres, les aisselles de feuilles engainantes, et les

creux de rocher. Les arbres sont, heureusement, très abondants à Bamako

mais, dans lors d' une enquête d'urgence, il est impossible d'inventorier

les gîtes qu'ils recèlent, faute de temps et des moyens techniques d'accès

necessaires. Comme il ne saurait être question de supprimer les arbres, il

convient de vérifier cette hypothèse, et d'intégrer ce paramètre dans la

mise au point d'un protocole de campagne de lutte anti-moustique.

5.2. Les vecteurs selvatiques.

Les captures crépusculaires ont montré que plus de 98% des vecteurs

potentiels de fièvre jaune piquant l'homme dans la Zone Epidémique avaient

- 20-

Page 21: RAPPORT SUR L'EBQUETE

une origine selvatique, et qu'A. Iurc i t er était la plus abondante d'entre

elles (93, 6~).

On note que, conformement à ce que l'on sait de son comportement,

A.furcifer pe nè tr-e , et pique l'homme, non seulement dans l'espace

villageois, mais également dans les habi taUons. Ce phénomène peut

atteindre une intensité très forte puisqu'à Sananko on a relevé près de 14

piqûres/homme/soirée à l'intérieur des maisons, contre 18,5 à l'extérieur,

et 22 dans le biotope d'origine (point d'eau sous formation boisée). Des

variations importantes du degré de pénétration dans les maisons peuvent

être observées; la densité de population de l'espèce et la situation de la

maison (en periphérie ou au coeur du village) sont les plus importantes et

les mieux connues, mais les caracteristiques de l' habi tat et du compor­

tement humain doivent certainement jouer un rôle non négligeable.

On a relevé une agressivité moyenne d'A.furcifer égale à 5,4 dans

les maisons, et à 12 à l'extérieur, entre 16 et 20 heures.

Lors de l'épidémie du type urbain survenue en Côte d'Ivoire, dans

la région de X'Bahiakro, en 1982, l'agressivité d'A.aegypti n'à pas dépassé

6 piqûres/homme/soirée. C'est dire qu'A. t urci i er est ici largement assez

abondant pour assurer une transmission efficace du virus amaril à l'homme.

C'est donc cette espèce que nous avons mise en cause 1 en toute priori té,

comme vecteur majeur, sans exclure pour autant l'intervention possible des

autres espèces selvatiques.

Les premiers résultats fournis par le Laboratoire des Arbovirus de

l'I.P.C. I. ,- 8 souches de virus amaril isolées à partir de lots de femelles

d'A.furcifer, montrent le bien-fondé de cette estimation.

5.3. Les caractéristiques de l'épidémie.

Voir le Tableau IV.

Les cas mortels sont relevés, à quelques rares exceptions près,

dans la population jeune ( tranches des moins de 16 ans).

Rappelons que dans la région de Kati, une épidémie de fièvre jaune survenue

à la fin de 1969 avait entraîné en 1970 la vaccination de la population.

On a déja noté que les premiers cas ont été signalés, sensiblement

au même moment dans le Cercle de Kati et dans celui de I.1Ul, de villages

distants de plus de 100 Km.

- 21-

Page 22: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Pour diverses raisons et notamment:

- la situ~tion par rapport à BaDako,

- les plus grandes difficultés d'accès sur le terrain dans

la région de Kita,

- et la disparité des informations reçues,

l'évolution de la situation dans ces deux Cercles ne peut être, dans un

premier temps, analysée globalement.

Tableau IV, Evolution hebdomadaire du nOlbre de caset de décès dans les Cercles de Kati, Kita, et Kolokani

21,09 1 22127,09 , 28,09/4,10 1 5113,10

CAS hebdomadaires:

KATI

KITA

KOLOKANI

Totaux,

~:

KATI

KITA

KOLOKANI

Totaux,

i1

1 71

1

1

1

1

1 7I-I1

1 7,

1

1

1

1

1 7

5

5

5

5

1

1

1 71

1 61

1

1

1 131- -1

1

1 141

1 61

1

1

1 20

4

4

8

4

13

1

/

1 35 1511 14 91

1

1

1 49 241- - - - - -1

1

1 49 241

1 20 131

1

1

1 69 37

25 12

3 2

121 45

142 55

45 2,5

3 2

190 82

Dans chaque colonne, le preMier chlffre se rapporte au nombre de cas,et le second au nOMbre de lorts,En caractère gras, cas initiaux,*y comprls les deux malaces évacués sur Bamako, décédés au Pt Get au Lazaret,

Pour le Cercle de Kati, le taux de létalité pour la déclaration des

cas initiaux était de 71~, Les taux hebdomadaires tombent ensuite à 57%

pour la période du 22 au 27 septembre, puis à 43% pour la semaine du 28

septembre au 4 octobre, et enfin à 33% pour la période du 5 au Il octobre ..

- 22-

Page 23: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Pour le Cercle de lita, après un taux initial de 67%, on observe

également une décroissance, mais moins marquée, et du 5 au 10 octobre, il

est encore de 48%.

Le taux initial pour le Cercle de lolokani, touché par l'Epidémie à

partir du 12 octobre, est égal à 67%.

Les taux initiaux se situent toujours autour de 70%.

On observe que, parallèlement à la baisse des taux de létalité, le

nombre de cas déclarés augmente. Cette augmentation est forte pour le

Cercle de Kati et correspond à une chute importante du taux de létalité.

Plus faible dans le Cercle de lita, elle correspond à une moins forte

baisse du taux de létalité.

Ceci signif ie, très probablement, que l'épidémie ne croi t

pas, au cours de ces trois semaines, au rythme de l'augmentation du

nombre de cas déclarés, (le nombre réel de cas étant comme toujours

très supérieur au nombre de cas déclarés). Cette augmentation

reflète en grande partie une plus grande sensibilisation aux mani­

festations amariles, non seulement des médecins et infirmiers, mais

également de la population.

De la même manière, les différences observées entre Kati et lita ne

peuvent être entièrement imputées à l'importance de la

transmission. Ici, c'est la facilité d'accès à un Centre de Santé

qui joue un rôle important.

La d i s t r i out rcn de= cas déclarés se révèle également t r e s

instructive,

Dans le Cercle de lita, 54 cas ont été déclarés en provenance de 21

villages, soit en moyenne 2,6 cas par localité.

Dans le Cercle de Kati, 142 cas proviennent de 16 localités, soit

B,9 cas par village.

Les 3 cas signalés le 12 octobre du Cercle de lolokani proviennent

de 3 villages.

Il y a donc, en première analyse, une différence de distribution

entre lita et lolokani d'une part, et Kati d'autre part. En réalité, il

n'en est rien. On note en effet que 92 cas sur 142 ont été signalés sous la

rubrique -Faladjé-, Dans cette localité, que nous avons visitée au cours de

l'enquête, existe un dispensaire très actif où se rendent les malades de

tous les villages sitUés dans un rayon de 25 à 30 Km. Ce dispensaire avait

déja déclaré 70 cas <dont 20 cas IOOrtels) le 7 octobre, et nous avons

appris sur place que ces cas provenaient de 21 villages ou campements

différents,

- 23-

Page 24: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Les cas mentionnés sous la rubrique ·Siby"' proviendraient d'au moins 3

localités différentes situées dans une zone d'accès difficile sur le

Plateau Kandi ng,

C'est donc de 37 localités, au moins, que proviennent les 142 cas du Cercle

de Kati, soit en moyenne 3,8 cas par village.

D'une manière générale, la dispersion et le nombre élevé de

locali tés touchées par l'épidémie, ainsi que le faible nombre de

cas dans chacune d'elles, sont des caractéristiques d'une

épidemisation excluant les vecteurs domestiques, comme les enquêtes

l'ont montré.

La différence entre le nombre moyen de cas observés a Kati <3,8) et

Kita <2,6) est suffisament importante pour que l'on puisse dire que

l'intensité de la transmission a été plus forte dans la région de

Kati. Le nombre plus élevé de cas déclarés dans ce Cercle, ne peut

que confirmer cette assertion. Cette transmission de moindre

intensité peut être attribuée à une densité vectorielle plus

faible, comme en témoigne le petit nombre <par rapport aux

observations faites à Kati) de femelles d'A. furcifer piquant dans

les villages autour de Kita.

L'extension de l'épidemie dans le sud du Cercle de Kolokani, sitUé

au nord du Cercle de Kati, ne s'est manifestée que le 12 octobre, avec une

faible intensité.

Les cas signales a Siby, du 9 au Il octobre, dans le sud du Cercle

de Kati, dans une zone physiquement "isolée", peuvent être également

considèrés comme une extension de l'aire épidémique initiale.

Ceci signifie que les populations de vecteurs de cette région se

sont trouvées au contact du virus amaril quinze à vingt jours plus

tôt, compte tenu de la duree du cycle d'amplification virale qui

intervient chez le moustique.

On voit que l'extension de l'aire épidémique se produit en taches

proches de l'aire initiale

5.4. Origine de l'épidémie.

Si l'on se réfère au schéma épidémiologique de la fièvre jaune en

Afrique de l'Ouest, on constate que les cas humains sont apparus à

l'extrème nord de l'aire d' endémici té, où le virus amaril ne circule que

- 24-

Page 25: RAPPORT SUR L'EBQUETE

1o:-sq ue les c o nc ; t ions ecoiogiques lui sont e xc e pt i crine l Le merrt f avor a ol e s .

:..~ foyer na t ure l pe:":r.anellt du virus amar i l (epizootique ou e nz.oot i que ,

selon Les au t e urs : r e su Lte n t du pas'sage de slnge a singe, se situe dans

.les zones forestieres, la Ou les populations de moustiques peuvent assurer

.: anr.ee . ,,'etend vers Le nord

donnant l'image d'une

au cours de la saison des piuies, cette transmission selvatique est source

d'un nombre croissant de contaminations humaines. Ceci est dû, à la fois

a un accroissement du contact homme - vecteurs selvatiques, et a une baisse

du taux d'immunité naturelle chez l'homme. Cette zone d'extension du foyer

naturel a ete qualifiée de "Zone d'émergence".

En 1987,la zone d'émergence s'est étendue jusqu'à atteindre une

région Où se développent massivement des populations d'A. furcifer, une

espece de moustique par t i cu l ièrement eff iciente en mat ière de passage du

virus amaril de La circulation selvatique à l' homme. Les cas "d'émergence"

se sont alors produits en très grand nombre,

epi démie.

i l est probable que les conditions climatiques (abondance des precipi-

tations avec decalage vers l'arrière saison), qui ont permis au virus

amaril d'at:eindre une aire aussi septentrionale, ont egalement favorise la

pullulation d'A.furcifer.

On voit donc que cette "épidémie" repose sur l'existence, locale et

s.ai s.onru e r e , d' L::J.e t r e nsmi se i on i nte r r s i mie nne dont l'origine se

situe incontestablement dans les regions forestières ou pré­

forestières, en Guinée.

5.5. Risques d'extension.

Le problème pose est d'une extrême importance puisque, en

effet, de cette évaluation découle l'etendue de la zone à protéger.

=r,~epeniaJ::l:!ent du tauzi' immunisation I,nature.lle ou vacc i na ï e : de

la population humaine, et du taux de sensibilite des populations de singes,

deux éléments sont a considérer:

Le virus amaril peut être transporté par ses trois hôtes

possibles; le moustique, le singe, l'homme.

- 25-

Page 26: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Les déplacements dûs aux moustiques sont faibles; par contre ils peuvent

atteindre 50 Km avec les singes de savane, et beaucoup plus avec l'homme.

- La dissemination du virus n'aura aucune suite épidémique dans la

zone d'arrivée si aucun vecteur, domestique ou selvatique, n'est en mesure

d'y assurer une transmission inter-humaine.

-- Bamako constitue la première aire d'extension possible.

L'homme est en effet en mesure d'y introduire le virus amaril avec d'autant

plus de facilité que la capitale, très proche de la zone épidémique,

constitue toujours un important pôle d'attraction, et que les axes de

communications (rail et route) y convergent. D'autre part, les populations

d'A.aegypti y sont largement suffisantes pour assurer la transmission

inter-humaine.

Compte tenu du comportement des divers groupes éthniques du Mali en

matière de stockage de l'eau, une épidémisation de type urbain, par

A.aegypti, n'est envisageable que dans les villages Dogon. Il convient en

outre de surve iller les centres urbai ns importants où les gi tes péri­

domestiques peuvent éventuellement devenir assez nombreux pour qu'une telle

transmission soit possible.

Dans ces deux cas, le risque est considérablement attenué par l'éloignement

et les difficultés de communication.

-- L'extension peut également se produire dans les zones

limitrophes (d'extension variable) de la zone épidémique, sous réserve que

des vecteurs selvatiques y soient présents, et "efficaces".

Deux situations peuvent se présenter:

- 1. Les singes assurent la disséaination.

Tous les vecteurs selvatiques présents auront la possibilité de

s'infecter. Cette possibilité sera d'autant plus grande que le nombre de

singes virémiques sera plus élevé.

L'amplification virale sera importante, mais le risque d'epidemisation

dépendra essentiellement de la présence et de l'importance des populations

d'A.furcifer, seules capables d'aller piquer en assez grand nombre dans les

villages.

L'extension ne peut dépasser, au grand maximum, 50 Km en un seul mouvement,

compte tenu des dimensions du territoire d'une bande de Patas.

- 2. L'hOmE est responsable de la dissémination.

Seul, ou presque, A.furcifer aura la possibilité de piquer cet individu

virémique.

,.., ,-- L,O-

Page 27: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Le nombre de mousti ques suscepti bles de s' i nfecter sera re lati vement pl us

faible que dans le cas précédent, mais l'aire d'extension sera en théorie

sans limite.

Dans ces deux cas, il s'écoulera obligatoirement 15 à 20

jours \selon la température reoyenne) entre la contamination des moustiques

et la survenue de nouveaux cas humains.

On peut noter, à ce propos, que les cas signalés dans la zone de Siby et

dans le Cercle de Kolokani, l'ont été respectivement 18 et 21 jours après

la déclaration des cas initiaux, à moins de 50 Km des 1imi tes de l'aire

épidémique initiale.

La dynamique des populations de vecteurs sauvages, contrairement à

celle d'A. aegypt i , est sous l' é t r o i te dépendance des variations saison

nières de la pluviométrie. On sai t, d'une manière générale, qu'un mois

environ après l'acmé de la saison des pluies, ces populations sont à leur

maximum; elles décroissent ensuite rapidement pour s'éteindre vers la fin

du premier mois de la saison sèche. On sait également que plus on va vers

le nord, plus la saison des pluies est brève et se termine tôt. On sait

enfin que les différents vecteurs selvatiques de fièvre jaune ont une aire

de distribution en étroite relation avec les facteurs phyto-climatiques.

Les premiers cas ont été signales le

hauteur du 13éme degré (± 15 minutes) de latitude nord,

soudaniennes méridionales, la saison des pluies étant

s'achever.

21 septembre, à

dans les savanes

sur le point de

à plus forte raison à cette période de

de vecteurs selvatiques pour assurer la

On peut estimer que le 15 novembre, soit 8 semaines plus tard, le

maximum d'extension possible, notamment vers le nord, résultant du

déplacement de singes virémiques, pourrait atteindre 14·30 de latitude

nord.

Dans cette region, et

l'année, on ne trouvera plus

t raneniss i on du virus amaril.

L'introduction du virus par l'homme, au nord de cette latitude,

n'offrirait, en l'absence de populations domestiques d'A.aegyptl, qu'une

très infime possibilité de voir se développer un cycle épidémique. En

effet, A.furcifer n'y est, normalement, plus assez abondant pour assurer

une transmission inter-humaine, même à l'acmé de son développement.

On revient au cas de l'introduction par des singes virémiques si

l'on envisage une introduction plus précoce par l'homme dans la zone située

au sud des 14·30.

- 27-

Page 28: RAPPORT SUR L'EBQUETE

On peut esti:Er avec une bonne -.rge de sécurité, en fonction des

contraintes écologiques évoquées, que l'extension naturelle de

l'aire épidéllique ne dépassera pas, vers le nord, le 15èDe degré

de latitude.

Les possibilités d'extension naturelle vers l'Est et l'Ouest

doivent également être examinées.

Le déplacement des bandes de singes se faisant de manière erratique

sans axe préférentiel, il n' est pas a priori impossible d'observer ce type

d t extens i on . La limitation de la circulation virale ne peut donc résulter

que ':'e celle qui affecte les mouvements des singes et des vecteurs. Il

semble, d'après les observations faites depuis dix ans en Côte d'Ivoire,

qu'un cours d'eau important constitue une barrière suffisante pour les uns

comme pour les autres.

On peut dire que: - le Iiger à l'Est, - et le Bafiog à l'Ouest,

vont constituer les liDites géographiques naturelles de l'épizootie

et donc de l'aire où se E.nifestent les cas hum.ins de fièvre jaune

du présent épisode.

Vers le sud, on ne peut véritablement pas parler Il d'extension".

Si la circulation virale inter-simienne n' y a pas été à l'origine d'une

manifestation de type épidémique, c'est très probablement que la densité de

population d'A.furcifer y est plus faible.

- Il n'est pas exclu que des cas humains isolés s'y soient produits sans

avoir été déclarés; on sait que la fièvre jaune, dont la symptomatologie

est souvent atypique, n'attire l'attention que lorsqu'elle se généralise.

- Compte tenu des modalités de déplacement du virus et du relatif isolement

géographique de certains secteurs du plateau Kanding, on peut également

s'attendre a voir apparaître plus ou moins tardivement des micro-foyers,

comme ce fût le cas autour de Siby, mais il est bien évident que, vers le

sud, il n'y a plus de risque majeur.

5.6. L'avenir de la Fièvre jaune au Aali.

Dix huit années se sont écoulées depuis la dernière épidémie sur­

venue au Kali, justement dans la région de Kati, en 1969.

Peut-on alors dire que le même risque ne se reproduira pas avant

l'an 2005 ? ou qu'avant cette date aucune épidémie ne surviendra dans une

autre région?

- 28-

Page 29: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Malgré les progrès réalisés dans la connaissance de l'épidémiologie

de la fièvre j aune, il est encore bien difficile de faire des prévisions

rigoureuses en cette matière.

On peut toutefois tenter de cerner le risque dans le temps et dans

l'espace.

Dans cette région.

En 1959, on ne connaissait pas encore le rôle majeur que pouvait

jouer A.furcifer, mais il ne fait aucun doute qu'il ait été, comme en 1987,

le vecteur majeur de l'épidémisation.

Aucune population domestique d'A.aegypti n'ayant été mise en évidence, en

1987 comme en 1969, c'est bien le contact homme - vecteurs selvatiques qui

déterminera le risque d'apparition d'une nouvelle épidémie.

En l'absence d'une protection vaccinale régulièrement poursuivie,

on peut affirmer que d'autres épidémies du même type éclateront dans cette

région, lorsque les conditions écologiques favorables seront à nouveau

réunies.

La proximité d'une telle éventualité dépend: de l'existence, dans la

région, d'un nombre suffisant de singes sensibles capables d'amplifier la

circulation virale, et par conséquent de la densité simienne locale, - d'un

développement particulièrement massif des populations d'A. furclfer, lequel

dépend de la distribution et de l'abondance des précipitations, - aussi et

surtout de la circulation du virus "en aval", dans ce cas en Guinée, qui

est fonction de ces mêmes facteurs écologiques

CL 3dmet qu'une période de 5 ans (en moyenne> pourrait permettre la

reconsti tut 10n d'un stocit de singes sensi bles suf f isant pour assurer une

nouvelle circulation virale. Si une pluviométrie favorable (régulièrement

croissante et décalée vers l'arrière saison) survient alors, il conviendra

d'être particulièrement vigilant.

Si les singes sont très abondants, un risque supplémentaire et

illllllédiat existe, dû à l'existence d'une transmission verticale du virus

chez le moustique par la voie transovarienne. Ce mode de transmission a

pour effet de remettre du virus en circulation dès le début de la saison

des pluies, sur les lieux même où s'est éteinte l'épizootie, faute de

vecteurs. Le risque de voir se développer sur place un nouvel épisode aussi

meurtrier est faible, mais la progression précoce de l'épizootie vers les

zones périphériques, particulièrement vers le nord, est à redouter, pour

autant que les "bons" vecteurs y soient présents en quanti té suffisante.

En 1988, c'est donc surtout le pourtour de l'aire épidémique actuelle qu'il

conviendra de surveiller, et cela dès le mois de juillet.

- 29-

Page 30: RAPPORT SUR L'EBQUETE

Dans les autres régions

Le fait que, dans le passé, aucune épidémie de fièvre jaune n'ait

été signalée dans d'autres régions du Kali, constitue un élément rassurant.

Le Pays Dogon, seule région présentant véritablement un risque

d'épidémisation du type urbain, est très éloigné de la zone d'émergence, et

d'un accès relativement difficile. Les moyens modernes de déplacement sont

toutefois un facteur d'aggravation du risque; il convient donc pour ne pas

le négliger, de procéder à une enquête de prévalence d'A.aegypti dans les

villages.

Les agglomérations importantes, notamment Sikasso ou Kayes, doivent

également faire l'objet d'une évaluation de ce type. L'urbanisation,

souvent incontrôlée, conduit souvent à l'oubli des "bonnes manières" en

matière de stockage de l'eau, et favorise la pullulation des gîtes péri­

domestiques.

Il n'est pas interdit de penser que des épidémies ayant le

caractère de celles qui se sont développées dans la région de lati, en 1969

et 1987, surviennent dans le sud du Pays, au nord de la Côte d'Ivoire.

Pourtant ce rique semble faible, comme en témoigne l'absence d'épidémies

dans le passé, sans doute en raison de l'absence d'importantes populations

d'A. furcifer, et probablement aussi à cause d'une absence notable

d' importantes circulations sel vatiques de virus amaril dans l'Ouest de la

Côte d'Ivoire.

6. CONCLUSIONS.

Les observations que nous avons pu faire au cours de cette

enqête ont confirmé l'absence d'A. aegypti dans les villages de la zone

épidemique,à peuplement Bambara et Malinké.

La transmission du virus amaril ne pouvait alors être assurée que

par des vecteurs selvatiques et parmi ceux-ci, en priorité par A.furcifer.

Cette espèce, très anthropophile, peut franchir les espaces découverts qui

séparent les villages des faciès boisés où elle se développe naturellement.

Parvenues dans les village, les femelles piquent jusque à l'intérieur des

habitations. Toutes les tranches d'âge de la population sont exposées à ces

piqûres, notamment les plus jeunes, ce qui n'est pas le cas lorsque les

vecteurs sauvages piquent l'homme dans leur biotope.

- 30-

Page 31: RAPPORT SUR L'EBQUETE

On a relevé de très forts taux d'agressivité d'A.furcifer, surtout

dans les villages du Cercle de Kati, et 8 souches de virus amaril ont été

isolées de lots de cette espèce provenant des Cercles de Kati et de Kita.

Chaque femelle, après avoir piqué, retourne dans son biotope selvatique

d'origine. Etant primatophile, donc apte à se nourrir aussi bien sur singe

que sur homme, elle ne reviendra pas nécessairement piquer dans un village

lors de ses repas suivants. Il en résulte que la transmission du virus A

l'homme ne s'effectue pas strictement sur un mode inter-humain.

Le terme d'-EpidéDie intermédiaire- est actuellement préconisé pour

de:oigner ce type de tra.nsmission; je lui préfère peraonne Li eme rrt celui de

-pseudo-épidémie-, cer il s'agit en réalité d'une série lIassive d'émer­

gences. On a vu, d'ailleurs, que la zone concernée était située aux confins

septentrionaux de l'aire d'endéDdcité telle que la définit GerDBin.

Ces émergences se produisent à partir d'une circulation virale inter­

simienne, et sont en conséquence caractérisées, comme nous avons pu

l'observer, - par une forte dispersion des villages atteints,

- par un nombre relativement faible de cas dans chacun d'eux,

- et par des déplacements constants et de faible amplitude des

lieux d'émergence.

Le nombre de cas signalés à l'ouest de la zone touchée <Kita) est

nettement plus faible qu'à l'Est <Kati), or nous avons observé des densités

de population d'A. furcifer beaucoup plus faibles et mo i r.s infectees à

l'uuest qu'a l'Est. Ces observations sont a rapprocher du fait qu'en 1969,

l'épidémie n'avait touché que la région de Kati.

Pratiquement, aucune intervention anti-vectorielle ne peut

être entreprise contres des moustiques selvatiques. La vaccination

est la seule arme efficace. Elle doit concerner l'ensemble de la

population de la zone épidémique et y être réalisée rapidement,

puis être étendue à la périphérie de cette zone, surtout vers le

nord, sans qu'il soit nécessaire de dépasser les liIites précisées

dans le § 1. 1 des -Reco..ndat Iona"

La situation de Bamako, à proximité de la zone épidémique,

et point de convergence des axes de communication la parcourant, imposait

qu'on y évalue les densités de population d'A.ae8J'ptl. Cette enquête a

montré que le risque d'épidéDde urbaine était élevé, bien qu'inégal pour

les différents quartiers de la ville.

- 31-

Page 32: RAPPORT SUR L'EBQUETE

L'isolement, par le Laboratoire des Arbovirus de l'I.P.C.I., d'une souche

de virus amaril à partir d'un lot de femelles d'A.aegypti provenant de la

Zone Industrielle (69 piqûres/homme/soirée) est venu confirmer la réalité

de ce risque.

Théoriquement, on devrait donc procéder à une campagne de

démoustication dans la ville de Bamako et dans ses quartiers

périphériques. En pratique, l'urgence de la situation ne permettant

pas de rassembler tous les éléments d'information nécessaires à la

réussite d'une opération très onéreuse et toujours délicate à

:"'1..:331l eè', milieu urbain, il pe r a i t pr e r e r e oI.e de conce nt r e r les

moyens disponibles pour vacciner immédiatement la totalité des

habitants de l'agglOmération.

De l'examen des risques futurs, il ressort trois éléments:

1. Bon nombre d'informations nécessaires à une évaluation rigoureuse de ces

risques doivent être recherchées. Il s'agit au Xau, d'une part d'inven­

torier, en saison sèche et en saison des pluies, les villes susceptibles

d'être le siège d'une épidéJlie urbaine, et d'autre part de réaliser, au

cours de la saison des pluies, des enquêtes visant à déterminer la nature

et l'importance des vecteurs potentiels sel vatiques de fièvre jaune dans

les régions méridionales du pays.

2. La connaissance des éléments du cycle épidémiologiques qui précèdent la

sur',crllJe de-::; e p i de mies est egalement ind::'spensable si l'on veut parvenir a

cette évaluation avec de faibles marges d'erreur. C'est donc en Guinée et

dans le Nord-Est de la Côte d'Ivoire qu'il faut aller chercher ces

informations.

3. Sans attendre ces renseignements, on peut considérer que l'introduction

et le maintien régulier de la vaccination amarile dans le Programme Elargi

de Vaccination (P.E.V), sur l'ensemble du territoire, et en priorité dans

les villes, le Pays Dogon et les régions méridionales du Kali, permettrait

de contrôler le risque amaril.

Le 15 novembre 1987

- 32-

Page 33: RAPPORT SUR L'EBQUETE

RECOJOlAIIDATIOIlS.

Les Recommandations résultant des travaux effectués au

cours de cette mission ont été remises au Directeur de la

Sous-Région l de l'Organisation Mondiale de la Santé, avant

mon départ de Bamako, dès le mercredi 14 octobre 1987.

1. Dans l'immédiat.

1. 1. Vacciner l'ensemble de la population sous menace amarile, à savoir:

- la région actuellement touchée, dans les Cercles de Kati et de

Kita,

- toute la périphérie de cette région, depuis la frontière avec la

République de Guinée, au Sud, jusqu'au quinzième parallèle, au

Nord, et du liger à l'Est, jusqu'au Bafing et une ligne joignant

Bafoulabé à Sandaré à l'Ouest.

- la ville de Bamako, sur les deux ri 'les du liger, et pour une

sécurité maximale. la zone de 50 Km de rayon centrée sur Bamako, à

l'Est et au Sud-Est.

1.2. Opérer id demoust ication systématique de toutes les formations

sani taires sous menace amarile 1 y compris et surtout celles de

Bamako.

1. 3. Mettre à la disposition de ces formations sanitaires un nombre

suffisant de moustiquaires pour y placer tous les malades suspects.

1. 4. Sensibiliser et Informer tous les personnels de ces formations

sanitaires en ce qui concerne la symptomatologie, souvent atypique,

de la fièvre jaune.

1. 5. Recommander que, sous aucun prétexte, il ne soit procédé à

l'évacuation sanitaire des suspects, et de tout ictère fébrile en

général i ceci devant être particulièrement strict pour les

évacuations à destination de Bamako.

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Page 34: RAPPORT SUR L'EBQUETE

1.6. Eviter de procéder à la lutte anti-vectorielle (hors des formations

sani taires), aussi bien dans la zone épidémique, où elle serait

inadéquate, que dans la ville de Bamako, où eile serait inefficace

faute de pouvoir être exécutée sur des bases s~ffisantes de

connaissances des peuplements culicidiens et de leur sensibilité

aux insecticides.

2. A terme.

2.1. Introduire la vaccination contre la fièvre jaune dans le Programme

Elargi de Vaccination, en priori té absolue dans les régions

frontalières, au sud du 14ème parallèle, - et dans la mesure des

moyens disponibles, sur toute l'étendue du territoire.

2.2. Surveiller attentivement la Zone Epidémique, du Sénégal jusqu'au

Burkina Faso, dès le début de la saison des pluies 1988, afin de

détecter très précocément d'éventuels cas isolés de fièvre jaune.

2.3. Constituer, et diffuser auprès de taus les médecins et infirmiers,

sur toute l'étendue du territoire, un dossier simple mais complet

relatif à tous les aspects de la fièvre jaune, en insistant sur la

var i ab i l i t é de :3. symptomatologie de cette ma:a-iie, et en y

incluant les données épidémiologiques modernes notamment en ce qui

concerne les zones et les périodes à risque.

2.4. S'informer auprès des spécialistes de l'Institut Pasteur de Dakar,

par le canal de la Représentation de l'O. X. S. au Sénégal, sur

l'existence d'une quelconque activité amarile en 1987 dans la

région de Kédougou, au Sénégal Oriental.

2.5. Informer les Autorités Guinéennes du risque amaril potentiel

existant sur leur frontière Nord avec le Kali. Ce risque pourait se

manifester ou s'être déja concrétisé par un certain nombre de cas

isolés et dispersés.

2.6. Conseiller à ces mêmes Autorités la vaccination de la zone lord du

Pays, au moins pour la tranche de population à haut risque (moins

de 20 ans).

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Page 35: RAPPORT SUR L'EBQUETE

2.7. Réal iser en République de Guinée une Etude Epidémiologique

approfondie.

A cet effet, l'O.K.S. pourrait proposer le déplacement d'un

Consultant pour: - 1. Discuter avec les Responsables Guinéens de la

Santé des modalités d'action pouvant éclairer puis résoudre le

problème de la fièvre jaune en Guinée, compte tenu de ses

implications probables sur la situation amarile des Etats situés au

nord,

- 2. Effectuer, lors du début de la prochaine

saison des pluies, une enquête entomo-épidémiologique et

virologique, selon un transect allant de la zone pré-forestière

jusqu'à la frontière avec le Kali, en tenant compte de la

composante "montagnarde" susceptible de modifier l'écologie des

vecteurs potentiels de fièvre jaune dans cette région.

Roger CORDELLIER

le 14 octobre 1987.

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