Rapport du CEPRI-renouvellement urbain et inondations

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Les collectivités en Europe pour la prévention du risque d’inondation Communities and local authorities in Europe preventing flood risk Comment saisir les opérations de renouvellement urbain pour réduire la vulnérabilité des territoires inondables face au risque d’inondation ? - Principes techniques d’aménagement - Février 2015 RAPPORT

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Comment saisir les opérations de renouvellement urbain pour réduire la vulnérabilité des territoires inondablesface au risque d’inondation ?Principes techniques d’aménagement

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  • Les collectivits en Europe pour la prvention du risque dinondationCommunities and local authorities in Europe preventing flood risk

    Comment saisir les oprations de renouvellement urbain pour rduire la vulnrabilit des territoires inondables

    face au risque dinondation ?

    - Principes techniques damnagement -

    Fvrier 2015

    RappoRt

  • RappoRt pRincipes damnagement / 3

    sommaiReLe mot de la prsidente p. 4Le projet du CEPRI p. 6

    Le renouveLLement urbain, une opportunit pour btir des territoires mieux adapts aux risques dinondation p. 7

    i. Les principes techniques damnagement p. 15Principe 1 : inclure un systme de protection dans lamnagement urbain p. 18Principe 2 : donner ou redonner plus de place leau p. 37Principe 3 : localiser les activits et les infrastructures urbaines p. 52Principe 4 : concevoir des btiments adapts linondation p. 65Principe 5 : assurer le maintien du fonctionnement des rseaux techniques p. 82Principe 6 : crer des espaces intelligents pour la gestion de crise et la reconstruction p. 95

    ii. vers une stratgie pour Lamnagement durabLe des territoires exposs p. 109

    Quelle adaptabilit des principes ? p. 1101. Ladaptation tous les territoires p. 1102. Ladaptation au changement climatique p. 111

    Comment mettre en uvre ces principes ? p. 1121. La recherche dune combinaison entre les principes p. 1122. Les piliers qui fondent la mise en uvre des principes p. 115

    Rsum des principes p. 121Pour conclure p. 122Sources p. 124

    remerciementsLe CEPRI remercie lensemble des personnes et des structures ayant contribu faire merger sa rflexion

    sur le sujet depuis le dbut de ses travaux en 2008, et en particulier lors de la rdaction de ce rapport : Barker Robert et Dron Amy (architectes urbanistes, Royaume-Uni), Barrier Jean-Yves (architecte, France),

    Barrire Hlne (ville de Toulouse), Bichat Jean-Marc (architecte, France), Billard Marien et Lamouroux Elodie (tablissement public damnagement Orly Rungis Seine Amont, EPA-ORSA), Boer Florian (architecte urba-niste, Pays-Bas), Calas Ccile, Kengne-Deffo Cline et Delaloy Catherine (Communaut urbaine de Bordeaux), le CETE Sud-Ouest, Daniel-Lacombe ric (architecte, France), Chorin Gwenaelle (architecte, France), Chenesseau Marielle (Communaut dagglomration Orlans Val de Loire), De Graaf-van Dinther Rutger (consultant, Pays-Bas), Gelet Stphane et Durant Robin (ville dOrlans), Gersonius Berry (ville de Dordrecht, Pays-Bas), Grether Paul-Armand (architecte, France), Hub Dominique et Truffer Julie (Agglopolys, Communaut dagglomra-tion de Blois), Lecroart Paul et Faytre Ludovic (Institut damnagement et durbanisme dIle-de-France), van Leeuwen Joep (ville de Rotterdam, Pays-Bas), Mitroff Ann-Marie (GroundworkUSA & Groundwork Hudson Valley, tats-Unis), Nijssen Pim (consultant, Pays-Bas), ONEMA, Plotka Emilia (Royal Institute of British Archi-tects, Royaume-Uni), Rau Philippe (Communaut dagglomration Le Grand Prigueux), Rivire Barbara (ville de Saint-Pierre-des-Corps), Ouahsine Samy (ministre de lcologie, du Dveloppement durable et de lnergie, France), Salagnac Jean-Luc (Centre scientifique et technique du btiment), Valette Jean-Pierre (architecte, France), les services dconcentrs de ltat de la rgion Centre (DREAL), du Loiret (DDT 45) et du Loir-et-Cher (DDT 41), Stam Ankie (architecte, Pays-Bas), Webler Heinrich (consultant, Allemagne), Zarate Paola (architecte, France).

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    Le mot de La pRsidenteLa terminologie durbanisme rsilient est souvent utilise par facilit, par commodit

    pour dsigner un mode damnagement de la ville qui serait globalement compatible avec le risque dinondation, sans en saisir prcisment les contours. Elle sappuie sur un cer-tain nombre dexemples de villes europennes (Hambourg, Mayence, Rotterdam, Francfort, Nimgue) ou franaises (Rennes, Strasbourg, Vitry-sur-Seine) qui semblent indiquer que le respect de certains principes damnagement en zone inondable peut conduire rendre les quartiers nouveaux ou rnovs plus adapts au risque. Les aspects techniques, conomiques, rglementaires de ces exprimentations sont ainsi en cours de dfrichage. Mais le constat est clair : les tentatives de rflexion densemble sur la mise en uvre dune urbanisation tenant compte efficacement du risque dinondation peinent merger.

    Reconstruire ou renouveler la ville en zone inondable est un sujet dlicat, sur lequel les divergences de points de vue des acteurs sont nombreuses et sexpriment avec force. Le dbat, toujours le mme depuis des annes, sappuie sur des postures morales qui semblent irrconciliables : les uns portent avec vigueur la protection des personnes et des biens, bran-dissant la ncessit dviter les constructions en zone inondable, les autres soutiennent la cause de lexistence mme des territoires exposs qui, pour vivre et rpondre aux attentes de leur population, ont besoin de faire voluer les zones inondables. Du dbat moral au dbat caricatural et la crispation, il ny a bien souvent quun pas. Les oppositions tat/collecti-vits en la matire, souvent mises en avant, sont probablement trop simplistes. Ltat, dune part, et les collectivits, dautre part, ne forment pas deux blocs homognes. En outre, au-del de ltat et des collectivits, les assureurs et les acteurs privs de lamnagement jouent galement leur partition propre. De cette multiplicit dintrts rsulte un paysage complexe dans lequel domine, bien souvent, labsence de consensus.

    Pourtant, nous navons gure dautre choix que de btir ce consensus sur la manire de renouveler les villes en zone inondable. Dabord, parce que notre hritage est lourd. 17 millions dhabitants vivent aujourdhui dans des territoires inondables vulnrables, plus ou moins bien protgs par des ouvrages hydrauliques dont ltat dentretien nest pas toujours suffisant. Ensuite, parce que le renouvellement urbain en zone inondable est lgal sur de nombreux territoires, et parce que les lois Grenelle y encouragent implicitement un mouve-ment de densification.

    Le dfi est grand et les obstacles redoutables. Dans un contexte min par les incertitudes pesant sur lavenir des collectivits territoriales et de leurs comptences, par les restrictions budgtaires et les urgences conomiques et sociales, la problmatique de la prise en compte du risque dinondation dans le renouvellement urbain peut sembler floue, lointaine et en tout tat de cause non prioritaire. Les dispositifs publics susceptibles de prendre le relais dune volont politique locale parfois insuffisante napportent pas aujourdhui les rponses escomptes. Loutil Plan de prvention des risques (PPR), en particulier, demeure sectoriel, partiel, agissant sur la base dun zonage une chelle parcellaire qui ne permet pas dap-proche cohrente lchelle dun projet urbain, laissant ainsi les villes sexposer davantage sans sadapter rellement au risque. Sy ajoutent deux difficults techniques non ngligea-bles : le cloisonnement des comptences techniques en matire durbanisme, damnagement du territoire et dhydraulique, dune part, et labsence de standards, de rfrentiel concer-

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    nant la manire la plus efficace de prendre en compte le risque dinondation dans lamna-gement du territoire, dautre part.

    Btir un consensus dans ce contexte difficile est un chemin de longue haleine que nous devons emprunter malgr tout rsolument. Car ladaptation des territoires au risque dinondation ne saurait merger naturellement sans une implication pousse des autorits publiques, concentrant leurs efforts sur des espaces dj en cours de recomposition. Notre objectif commun devrait tre de saisir lopportunit de grandes oprations de renouvelle-ment urbain pour proposer des projets de territoire mieux adapts au risque. Ceci suppose de linnovation dans les dmarches durbanisme et une transformation du regard des dci-deurs sur lopportunit et non uniquement la contrainte que reprsente la prise en compte du risque dans lamnagement du territoire.

    Malgr les difficults, des oprations pilotes tendent voir le jour. Pilot par la Direction gnrale de lamnagement du logement et de la nature (DGALN) et la Direction gnrale de la prvention des risques (DGPR) du ministre de lcologie, du Dveloppement durable et de lnergie (MEDDE), lAtelier national Territoires en mutation exposs au risque en est lillustration la plus rcente et lune des plus prometteuse. Mais il faut aujourdhui aller plus loin, plus vite, saisir les occasions qui nous sont offertes, travailler ensemble, dcloisonner, construire les bases de ce qui fonderait un territoire moins vulnrable et ne pas laisser se drouler un processus damnagement qui rend nos territoires toujours plus vulnrables. Nous devons accompagner, rapprocher, apaiser et rconcilier les diffrentes approches en apportant de nouvelles faons de renouveler les villes.

    Ce rapport a vocation constituer lune des pierres de ce vaste difice encore construire. Il sinscrit dans la logique de la mise en uvre de la directive inondation et de la Stratgie nationale de gestion des risques dinondation (SNGRI) qui mettent au cur de la prvention du risque la question de lamnagement du territoire.

    Avec ce rapport, nous avons conscience davancer sur un fil. Les cueils sont immenses si nous nous cartons de cette voie mdiane qui vise offrir un avenir aux territoires inon-dables, moins vulnrables face au risque. Nous devons donc tenir ce cap et mobiliser toutes les nergies possibles autour de celui-ci. Cest cet objectif que le CEPRI sattachera dans les temps qui viennent.

    Marie-France Beaufils,Prsidente du CEPRI

    Snatrice dIndre-et-Loire,maire de Saint-Pierre-des-Corps

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    Le pRojet du cepRiComment intgrer le risque dinondation dans lamnagement de zones en renouvelle-

    ment urbain au sein de nos villes actuelles ? Cest cette question que le CEPRI propose de rpondre travers un travail de deux annes et demie.

    Celui-ci sappuie sur lanalyse dune bibliographie internationale riche, de projets oprationnels raliss ou en cours de rflexion, au sein de villes franaises et internatio-nales comme Bordeaux, Mayence, Hambourg, Saint-Pierre-des-Corps, Rotterdam, Romoran-tin-Lanthenay, Francfort, Angers, Vitry-sur-Seine, Dordrecht, Soul, Prigueux, Nimgue, Andernach, Rennes, Amsterdam, Yonkers, Blois, Hackbridge, Tokyo, Toulouse...

    Il se fonde galement sur des changes et rencontres avec des professionnels de lurba-nisme et de la construction, des chercheurs europens impliqus dans la rflexion sur la question de la ville rsiliente linondation et des collectivits engages dans des opra-tions damnagement sur leur territoire.

    partir de ces nombreux exemples et entretiens, le CEPRI a extrait des principes damnagement permettant de guider les professionnels de lurbanisme et de la construc-tion dans leur conception de quartiers en renouvellement urbain situs en zone inondable. Lobjectif est de construire des ponts entre les acteurs de leau et ceux de lamnagement du territoire, afin de favoriser un rapprochement entre ces deux mondes souvent cloisonns. Il na pas vocation donner une combinaison gagnante de plusieurs principes, reproduc-tible sur tous les territoires.

    Cette matire relativement thorique vise ouvrir des perspectives nouvelles, faire rflchir, innover, crer. Elle tend proposer des alternatives crdibles aux collectivi-ts et leurs partenaires sur les diffrents principes existant et participant la construction dune ville adapte au risque dinondation. Le choix de la combinaison entre ces principes qui dfinit une stratgie damnagement, reste du ressort des dcideurs locaux et/ou natio-naux en fonction du contexte particulier du territoire.

    Quelques prcisions sur les types dinondation considrs dans ce rapport

    Bien souvent, les professionnels de la construction et de lurbanisme prennent en compte le risque dinondation travers des amnagements permettant de limiter et rduire le ruissellement pluvial. Il sagit dun type dinondation spcifique, linondation par ruissellement pluvial, qui peut survenir en milieu urbain (d aux nombreuses surfaces impermabilises) ou rural (absence de haies, topogra-phie, etc.). Divers amnagements, bien connus des architectes et urbanistes, existent pour rduire le risque au niveau de la parcelle (toitures vgtalises, etc.) ou lchelle dun quartier (noues, bas-sins de rtention, etc.) afin de limiter ce risque. Une bibliographie trs riche existe dj sur le sujet. A contrario, concernant les autres types de risque dinondation, par dbordements de cours deau ou submersion marine notamment, les solutions constructives ou amnagements adapts ces types dinondations sont plus rares et moins bien identifies par les acteurs de lamnagement. Cest pour cette raison que les amnagements permettant de limiter le risque de ruissellement pluvial ne sont pas abords dans ce rapport, afin de concentrer la rflexion sur des solutions nouvelles et complmentaires aux pratiques familires des professionnels de lamnagement en matire de ruissellement.

    Pour plus dinformations, se rfrer au guide du CEPRI, Grer les inondations par ruisselle-ment pluvial - Guide de sensibilisation (octobre 2014).

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    Le renouveLLement urbain, une opportunit

    pour btir des territoires mieux adapts aux risques

    dinondation

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    1 - Caisse des dpts et consignations (CDC), Fdration nationale des agences durbanisme (FNAU), Russir le renouvellement urbain, 15 maillons clefs pour la chane de mise en uvre des projets, novembre 2001.2 - Henri Jacquot, Origines, enjeux et encadrement juridique des politiques de renouvellement urbain, Droit et politiques de renouvellement urbain, Cahier du Gridauh n 10, 2004.3 - CDC, FNAU, (2001).4 - Idem.5 - 122 TRI ont t identifis en France, sur la base de lvaluation prliminaire des risques ninondation (EPRI), mentionne dans la Loi n 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour lenvironnement (LENE dite loi Grenelle II), transposant la directive 2007/60/CE du 23 octobre 2007, relative lvaluation et la gestion des risques dinondation.

    Le renouveLLement urbain dans Le cadre LgisLatif franais

    Une ville qui ne change pas et qui se fige devient une ville morte1. Le renouvellement urbain caractrise lvolution dune ville et apporte une rponse la limitation de ltale-ment urbain en visant reconstruire la ville sur la ville ; [...] il nest pas scandaleux de vou-loir utiliser les possibilits de dveloppement urbain qui existent lintrieur des espaces dj urbaniss avant de chercher les tendre, mme si cest plus difficile. Ceci conduit une utilisation optimale de lespace conforme au principe du dveloppement durable et le cot global terme pour la collectivit nest pas ncessairement plus lev2. La loi Solidarit et Renouvellement urbain (SRU) du 13 dcembre 2000 a introduit ce concept dans les pratiques urbaines. Le but tait de donner un cadre juridique un projet politique de revalorisation de secteurs dgrads ou vtustes dans les villes, en mettant en uvre plusieurs principes (mixit sociale, diversification des fonctions urbaines, matrise des dplacements, utilisa-tion optimale de lespace...). Pour financer ces programmes de restructuration de quartiers en difficult, un tablissement public industriel et commercial spcifique, lANRU (Agence nationale pour la rnovation urbaine), a t cr en 2004.

    Les projets de renouvellement urbain sattachent trouver une solution pour les quar-tiers ou secteurs de villes laisss labandon ou parfois mal rnovs. Dans ces secteurs, on constate gnralement un cercle vicieux de dgradation de ltat des btiments, de son climat social, de son tissu conomique (dpart des petits commerces par exemple). Outre le renou-vellement des btiments eux-mmes, cette mutation du quartier saccompagne bien souvent dun renouvellement social, conomique, voire culturel qui permet la ville dvoluer dans son ensemble3.

    Mais parler de renouvellement urbain ne se limite pas considrer uniquement les nou-veaux projets de reconstruction de btiments et peuvent toucher dautres types dinfras-tructures et de composantes urbaines (les transports et autres rseaux, le dveloppement conomique et social, etc.). Une opration de renouvellement urbain relve donc dun vri-table projet urbain. Il ne sagit pas de remplacer lidentique une partie de la ville, un quartier ou un btiment. Bien au contraire, il sagit de rnover en transformant pour faire face de nouveaux enjeux4. On peut compter parmi ceux-ci la prise en compte du chan-gement climatique. Celle des risques dinondation nest pas nouvelle, mais apparat clai-rement comme une priorit sur certains territoires urbaniss, classs Territoires risques importants dinondation (TRI)5 depuis fin 2012. Les TRI correspondent aux zones urbaines, concentrant un nombre dhabitants et dactivits conomiques important exposs au risque. Sur ces territoires jugs prioritaires pour effectuer des actions de prvention, les oprations de renouvellement urbain ne pourront sexonrer de la prise en compte du risque dinonda-tion, si ce ntait toutefois pas encore le cas. Par ailleurs, sur les territoires non dsigns TRI, limportance de considrer les risques dinondation au sein des oprations de renouvelle-ment urbain nen est pas moins grande. Linondation a des impacts sur lensemble des dyna-miques urbaines (habitats, rseaux, environnement, patrimoines, activits conomiques, etc.) qui doivent ncessairement tre apprhends lors de la conception dun projet de renouvel-lement urbain qui inclut toutes ces composantes.

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    Pourquoi aborder La question de Lurbanisation en zone inondabLe, en ParticuLier dans Les zones de renou-veLLement urbain ?

    La gestion des risques dinondation vise ne pas soumettre des populations un risque important, afin de prserver les vies humaines. En France, la Stratgie nationale de gestion des risques dinondation (SNGRI), prsente officiellement le 10 juillet 2014 par la ministre de lcologie, du Dveloppement durable et de lnergie, rappelle cet objectif prioritaire pour les autorits publiques : La priorit nationale est de limiter au maximum le risque de pertes de vies humaines en dveloppant la prvision, lalerte, la mise en scurit et la formation aux comportements qui sauvent. La prvention la plus efficace pour limiter les dommages lis aux inondations reste, bien videmment, dviter lurbanisation en zone inondable. Pour autant, au sein des curs de ville, des zones aujourdhui inondables voient leur urbanisation crotre, en raison notamment de lobjectif de densification impos par les lois Grenelle. Si elle reprsente une alternative une politique parfois systmatique de protection par des digues, ladaptation de lurbanisation dans les zones urbaines ncessite cependant dtre intgre ds la conception des projets.

    1. Parce quil existe dj des logements, des quartiers, voire des villes entirement construits dans des zones inondables et quil sen construit encore aujourdhui en toute lgalit.

    Cest un tat de fait, li lhistoire de nos villes. Celles-ci se sont majoritairement dve-loppes le long des littoraux et des cours deau, pour des raisons conomiques, de transport fluvial et maritime, ainsi que dattractivit de ces territoires (dveloppement du tourisme balnaire partir du milieu du XIXe sicle notamment). Aujourdhui, les bords des cours deau et de la mer sont non seulement gages dun cadre de vie agrable, mais galement synonymes de plaines alluvionnaires fertiles et cultivables, de dveloppement industriel, de transport fluvial, qui se traduit par un prix parfois trs lev du foncier sur ces zones. En raison de leur proximit avec leau, le risque dinondation nest cependant pas exclure.

    Paris (France). Crdit : ville de Paris.

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    6 - Loi n 85-30 du 9 janvier 1985 relative au dveloppement et la protection de la montagne. 7 - Loi n 86-2 du 3 janvier 1986 relative lamnagement, la protection et la mise en valeur du littoral.8 - Loi n 95-101 du 2 fvrier 1995 relative au renforcement de la protection de lenvironnement. 9 - Service de lobservation et des statistiques (SOeS), Croissance du nombre de logements en zones inondables, Le point sur n 6, fvrier 2009. 10 - Jacquot H. (2004). Il dfinit les friches urbaines comme des territoires en mutation qui sont en attente dune nouvelle affectation.11 - Dans des secteurs situs proximit des transports collectifs, existants ou programms, [Le rglement peut, en matire de caractristiques architecturale, urbaine et cologique] imposer dans des secteurs quil dlimite une densit minimale de constructions (article L.123-1-5-III-3 du Code de lurbanisme).

    Compte tenu de ces enjeux fonciers importants, la construction sur ces zones a t per-mise et encadre par le lgislateur (loi montagne6, loi littoral7, loi Barnier8,...). On dnombre plus de 100 000 logements ayant t construits en zone inondable (par dbordement de cours deau) de 1999 2006, dans les communes de plus de 10 000 habitants, cest--dire sur 424 communes9. La construction dans certaines zones inondables est donc autorise sous rserve du respect de certaines conditions, ce qui explique linstallation de milliers de loge-ments, dactivits conomiques et dquipements publics chaque anne dans des zones inon-dables.

    Nanmoins, les prescriptions actuelles permettant dencadrer ces dveloppements urbains dans des zones soumises au risque dinondation savrent insuffisantes au regard des vnements rcents qui ont marqu le territoire franais (tempte Xynthia et inondations dans le Var en 2010 notamment). Les Plans de prvention des risques naturels (PPR), notam-ment, sont souvent prsents comme des outils damnagement part entire, alors quils ne sont que des servitudes dutilit publique. Ils agissent de manire sectorielle et partielle, sur la base dun zonage une chelle parcellaire qui ne permet pas dapproche cohrente lchelle dun projet urbain. Ils ont principalement pour objet le contrle de lextension urbaine, pas celui de la restructuration urbaine. Les prescriptions quils imposent aux pro-jets durbanisme autoriss en zone inondable ne sont souvent pas de nature produire des propositions damnagement adaptes au risque dinondation. Pourtant, ce sont avec ces outils que de nombreuses villes renouvellent aujourdhui certains de leurs quartiers situs en zone inondable.

    2. Parce quaujourdhui la densification en zone inondable est implicite-ment encourage.

    Lobjectif de densification des lois Grenelle pose le problme de lavenir des villes, qui doivent limiter leur talement. Or, bien souvent, les terrains qui restent encore urbaniser au sein des villes sont inondables. Dans les centres urbains denses, le renouvellement urbain apparat comme une solution privilgie pour redynamiser des secteurs anciens ou dgra-ds. Mais que faire de ces zones lorsquil sagit de zones inondables ? Quen faire lorsquil sagit de friches urbaines en mutation, avec parfois un pass industriel impliquant des op-rations coteuses de dpollution10 ? Ce sont galement bien souvent des terrains ayant une valeur foncire importante et trs attractifs car situs en bord de mer ou de cours deau. Ils sinscrivent dans un tissu urbain parfois dj dense o peuvent cohabiter quipements publics, entreprises, logements, etc. Dans ces zones inondables disponibles pour des op-rations de renouvellement urbain, le choix de construire soulve diverses questions : quels types de constructions, pour quels cots et quelle acceptabilit sociale ?

    Par ailleurs, lobjectif de densification pousse les villes urbaniser les secteurs les mieux desservis en rseaux. Afin de garantir une utilisation conome de lespace et dviter ltale-ment urbain, la Loi portant engagement national pour lenvironnement (LENE) a adapt les rgles durbanisme concernant le Plan local durbanisme (PLU), en lui permettant dinscrire lobligation de densifier dans son rglement11. Lurbanisation de ces secteurs est donc encou-rage, bien quils soient parfois situs en zone inondable.

    3. Parce que le tout-protection na pas fait ses preuves jusqu prsent.Fonde sur lide premire quil est souhaitable et possible dempcher leau des fleuves

    et des mers de pntrer sur des territoires exploitables et valorisables, la protection sest dveloppe et largement rpandue depuis plusieurs sicles en Europe et dans le monde

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    12 - OCDE, tude de lOCDE sur la gestion des risques dinondation La Seine en Ile-de-France, 2014.13 - Ministre de lcologie, du Dveloppement durable et de lnergie, Bilan de lactivit de la CMi et des instances locales - Juillet 2011 mai 2013, 2013.14 - CEPRI, Un logement zro dommage face au risque dinondation est-il possible ?, novembre 2009.

    (digues, barrages, ouvrages divers de rtention des eaux). Aprs avoir vcu lune des plus graves inondations de leur histoire en fvrier 1953 avec prs de 1 830 personnes dcdes, les Pays-Bas dcident la mise en place du premier Plan Delta. Ce dernier organise le renfor-cement du systme de protection du pays travers un vaste programme de travaux tal sur plus de 25 ans. Dautres villes comme Francfort, Londres, Oslo, Cologne, Vienne ou Paris, possdent chacune des dispositifs leur permettant de se soustraire aux pisodes dinonda-tion, ayant des probabilits de survenance allant de 1/100 par an 1/10 000 par an12. Forte dun patrimoine important avec prs de 9 000 kilomtres de digues, la France compte ainsi parmi les pays europens les plus endigus et consacre encore aujourdhui lessentiel de ses budgets ddis la gestion des inondations, la construction, au renforcement et au rehaussement de digues (70 %)13.

    Cette stratgie historique de gestion du risque, fortement ancre dans les territoires, le paysage et les politiques de gestion europens, est loin dtre anodine, car elle entretient une utopie : celle de se croire prserv, davoir mis fin aux alas naturels et de ne pas tre tenu de se prparer au pire. Or, la tempte de 1953 aux Pays-Bas, louragan Katrina aux USA en 2005 ou encore la tempte Xynthia de 2010 en France brchent cette croyance du tout-pro-tection comme une solution durable pour limiter les consquences des inondations sur nos territoires.

    La situation franaise ne serait pas si proccupante si le territoire franais tait protg dans des conditions comparables certains de nos voisins europens. Or, nous sommes bien loin des objectifs du Plan Delta aux Pays-Bas, qui visent un renforcement des digues pouvant aller jusqu protger certains secteurs spcifiques contre un vnement ayant une probabilit de 1/100 000 de se produire chaque anne. La directive europenne (2007) pose cependant le constat suivant : un vnement centennal doit dsormais tre considr comme moyen et non pas rare, alors quil constitue bien souvent un objectif idal atteindre pour les ouvrages de protection franais. La solution parat donc davantage devoir tre recherche dans ladaptation du territoire linondation plutt que dans la politique du tout-protec-tion qui a largement montr ses failles.

    4. Parce que mal amnager en zone inondable a quelque chose dirrversible.

    Le renouvellement urbain en zone inondable pose aujourdhui question, parce quil pr-sente une opportunit douvrir la rflexion sur lamnagement en zone inondable au sein des villes. Lhistoire rcente de La Nouvelle-Orlans (USA) est celle dune cit considrablement expose, au sein de laquelle loubli des vnements du pass et la confiance excessive dans un systme de protection, par ailleurs relativement dlaiss, ont conduit concevoir un dveloppement urbain dune extrme vulnrabilit. Cet pisode a galement conduit de nouvelles certitudes dans le monde de la gestion des risques dinondation. Ainsi, une ville qui serait construite sans tenir compte du risque dinondation auquel elle est expose, quel que soit le systme technique charg de la protger, ne saurait tre qualifie de durable.

    Par ailleurs, plusieurs tudes montrent quil est extrmement difficile de tenter dadap-ter les maisons existantes au risque potentiel dinondation14. Des freins dordre financier, politique, social et mme psychologique traduisent une ralit encore difficilement parta-ge : un amnagement du territoire hasardeux du point de vue du risque dinondation a quelque chose dirrversible, et ce dautant plus que le territoire est fortement protg par des ouvrages de protection contre les inondations. Il est donc vital pour les villes dau-jourdhui et de demain de ne pas refaire les mmes erreurs et de sinterroger sur les possibi-lits durbanisations innovantes dans les zones inondables en renouvellement urbain.

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    15 - IPCC, Climate Change 2014, Mitigation of Climate Change (5e rapport du GIEC sur les changements climatiques et leurs volutions futures), 2014.

    5. Parce que le changement climatique amne nos villes sinterroger sur leur capacit faire face des vnements extrmes susceptibles de se multiplier.

    Face aux volutions actuelles et futures, les villes doivent interroger les formes urbaines quelles souhaitent dvelopper. Le changement climatique reprsente un facteur important qui peut servir de catalyseur pour inciter les villes sadapter aux modifications de leur environnement. Cela est vrai pour le littoral, particulirement menac par la monte du niveau de la mer. Le 5e rapport du GIEC sur les changements climatiques et leurs volutions futures prvoit une hausse du niveau des mers, tous scnarios confondus, situe entre 29 et 82 centimtres dici la fin du XXIe sicle (2081-2100), ce qui reviendrait impacter direc-tement une personne sur 10 dans le monde15.

    Mais cela lest galement, avec davantage dincertitudes, pour les autres territoires soumis au risque dinondation. Les chercheurs estiment que les prcipitations augmente-ront dici la fin du XXIe sicle, provoquant des vnements mtorologiques extrmes plus intenses, telles que des pluies diluviennes et probablement des ouragans plus frquents.

    Les volutions lies au changement climatique peuvent se traduire de diffrentes manires dans lamnagement des territoires urbains. La question de la localisation de cer-taines constructions, tout comme celle des usages, se pose notamment aux amnageurs. quels usages pourront servir les amnagements futurs ? Ces usages sont-ils susceptibles dvoluer ? Dans ce cas, la construction sera-t-elle adapte cette volution ? Lexemple de la dlocalisation de quelques activits le long de certains littoraux constitue lune des rponses apportes face au phnomne drosion des ctes et la monte du niveau des ocans.

    La notion dadaptabilit des amnagements est primordiale dans ce contexte : les projets situs dans des zones en renouvellement urbain doivent pouvoir sadapter aux volutions dun territoire impact par le changement climatique.

    comment y rPondre ? queLLe mthode retenir ?

    1. Sortir de lchelle de la parcelle pour raisonner lchelle de la ville Si des outils existent pour tenter de prvenir le risque dinondation lchelle de la

    parcelle et du btiment, cette approche ne tient pas compte des interactions multiples qui existent au sein dune ville et qui se trouvent impactes au moment dune inondation, ren-dant la gestion de crise et la post-crise complexes. Un btiment, quil sagisse dun loge-ment, dun tablissement recevant du public ou dune entreprise, bnficie de nombreux rseaux (eau potable, assainissement, lectricit, tlcommunications, voies daccs...) et ne peut donc fonctionner sans interactions avec son environnement urbain. une autre chelle, celle du quartier, le raisonnement est similaire : le quartier est interconnect avec les autres quartiers, les services publics, les routes et les multiples rseaux assurant le fonctionnement du systme urbain. Le fonctionnement dune ville sapparente celui dun vaste cosystme dans lequel tout sinterpntre : individus, btiments, rseaux de communication, de trans-port et dnergie. Une inondation nimpactera pas uniquement le btiment ou le quartier, mais peut galement avoir des consquences directes et indirectes sur lensemble de la ville, voire au-del. Lchelle de la ville dans son ensemble parat donc pertinente pour rflchir un renouvellement urbain intelligent dans les zones inondables. Cela nempche toutefois pas la ralisation simultane de projets intgrant le risque dinondation diffrentes chelles (btiment, quartier, ensemble de quartiers, ville, conurbation).

  • RappoRt pRincipes damnagement / 13

    La planification urbaine, qui in fine conduit dfinir le droit des sols (dont la comp-tence revient aux lus), organise les choix et la localisation du dveloppement, le fonctionne-ment des quartiers entre eux. Mais lamnagement senvisage bien au-del de la seule zone inondable, cest la raison pour laquelle la concertation avec lensemble des acteurs doit ga-lement soprer des chelles gographiques diffrentes et que lchelle du bassin versant semble aussi opportune pour amorcer certaines rflexions.

    Sans dmarche une chelle large, laddition dactions, aussi utiles soient-elles, ne produit pas deffets suffisants. Les dispositions durbanisme, en tant que cadre daction en amont de mesures locales, est un pralable ncessaire pour donner de la cohrence aux diverses actions locales publiques ou prives.

    2. Intgrer des principes au sein de la rflexionCette prise en compte de linondation au sein de zones urbanises peut sappuyer sur

    des techniques damnagement diverses. travers ltude damnagements (partiellement) raliss tels que le quartier Matra Romorantin-Lanthenay, les quais Bordeaux, le site Job Toulouse ou bien en cours de conception comme le quartier Stadswerven Dordrecht (Pays-Bas), le quartier Felnex Hackbridge (banlieue de Londres) ou celui de laroport de Rotterdam (Pays-Bas), des principes ont ainsi pu tre identifis. Il sagit dintgrer linonda-tion en tant que composante dun projet au sein dune stratgie damnagement dfinie par les acteurs du projet : du matre douvrage au concepteur, jusquau constructeur et au bn-ficiaire de cet amnagement. Ces principes ne sauraient tre exhaustifs et peuvent concerner lintgration dun systme de protection dans lamnagement urbain, le fait de redonner davantage de place leau ou localiser les activits urbaines en fonction de leur vulnrabilit par exemple.

    3. Multiplier les comptencesLa prise en compte du risque dinondation dans une rflexion globale damnage-

    ment, ncessite de sappuyer sur lensemble des comptences disponibles pour apporter une rponse adapte la ralit du risque sur le secteur concern. Cela concerne la fois les acteurs de lamnagement, mais galement les acteurs de leau, de la prvention des risques, afin de considrer linondation de faon complte. Il ne sagit pas seulement davoir une connaissance fine de lala, du phnomne dinondation sur la zone, mais galement de connatre la stratgie de gestion de crise prvue pour ce secteur, en lien ou non avec les autres secteurs de la ville. La phase de laprs-inondation (post-crise, retour un fonctionne-ment normal du territoire) doit galement tre intgre ds la phase de conception du projet, afin danticiper les ventuels axes de dplacement prioritaires par exemple.

    Lenjeu est de runir ces diffrents acteurs autour dun projet commun et de faire uvre de pdagogie pour que chacun puisse sapproprier les questions lies la prise en compte du risque et apporter des solutions propres son domaine de comptence.

    Lurbanisation adaPte au risque : une soLution miracLe ?

    Certaines zones inondables sont aujourdhui geles, tandis que dautres voient leur urbanisation crotre sans prcaution particulire, la plupart du temps en dpit de la connais-sance existante sur le risque dinondation. Il nest pas raisonnable de continuer renouveler le tissu urbain dans des zones inondables aujourdhui sans prendre en compte le risque

  • RappoRt pRincipes damnagement / 14

    dinondation de manire significative. Ce territoire sera un jour en crise et devra faire face pour faciliter un retour la normale le plus rapide possible.

    Entre loption du gel et celle du laisser-faire, une troisime voie se dgage, en ten-tant dintroduire lide que lamnagement dans des zones inondables peut sappuyer sur des faons diffrentes dapprhender le risque dans les projets de renouvellement urbain, dans une logique dadaptation de la ville son environnement, et non linverse.

    Cette notion dadaptation sinscrit de plus en plus au cur de lvolution de nos villes pour rpondre la problmatique du changement climatique et celle dun dveloppement durable. Cest dailleurs le sens de lvolution de nos socits introduit aux niveaux interna-tional et europen, travers le cadre daction de Hyogo (2005) et de la directive inondation (2007). Cette dernire rserve une place de choix ladaptation du territoire, en insistant sur la ncessit de rduire les consquences ngatives des inondations sur la sant humaine, lconomie, lenvironnement et le patrimoine culturel. Certains pays ont progressivement rpondu cet objectif par une forme de gestion du risque davantage base sur ladaptation des territoires (Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne, France). Malgr lengouement suscit par lide de passer dune politique de lutter contre une approche du vivre avec les inondations, ladaptation des territoires au risque demeure encore un dfi considrable.

    Si elle est encore loin de reprsenter une solution miracle, ladaptation au risque dinon-dation est assurment gage de progrs. Les grandes oprations de renouvellement urbain reprsentent des opportunits saisir pour proposer des projets de territoire adapts au risque. Ceci suppose de linnovation dans les dmarches durbanisme et une transformation du regard des dcideurs sur lopportunit que reprsente la prise en compte du risque dans lamnagement dune ville, et non la seule contrainte.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 15

    i. Les principes techniques

    damnagement

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    partir de ltude de projets raliss ou en cours de conception, diffrents principes ont t identifis pour guider la rflexion des collectivits et des professionnels de lamnage-ment lors de projets de renouvellement urbain en zones inondables.

    Ces principes proposent des solutions techniques ou organisationnelles. Ils ont vocation rpondre aux grands objectifs de la prvention des inondations, dfinis notamment dans la stratgie nationale de gestion des risques dinondation : augmenter la scurit des popula-tions exposes ; stabiliser court terme et rduire, moyen terme, le cot des dommages lis linondation ; raccourcir fortement le dlai de retour la normale des territoires sinistrs. Pour atteindre ces grands objectifs, la stratgie nationale vise lappropriation du risque inondation par tous les acteurs afin de conjuguer tous les leviers daction de la gestion des inondations et ainsi limiter au maximum les dommages.

    Un autre objectif auquel ces principes tentent de rpondre concerne le rapprochement entre la ville et le risque, cest--dire le fait daccepter la prsence du risque dinondation au sein des villes, de vivre avec linondation, qui sinscrit dans le mouvement dun retour de la nature en ville au sein de nombreux projets durbanisme actuels.

    Six grands principes damnagement ont pu tre identifis, sans pour autant prtendre lexhaustivit.

    Principe 1 : inclure un systme de protection dans lamna-gement urbain. Il vise prsenter un certain nombre damnage-ments conciliant ouvrages de protection (digues) et densification de lespace urbain travers des dispositifs innovants tels que les super-digues par exemple.

    Principe 2 : donner ou redonner plus de place leau. Il sat-tache rduire lala inondation au sein des villes, ou du moins ne pas laggraver, en proposant un panel dexemples donnant ou redonnant sa place leau dans les centres urbains denses.

    Principe 3 : localiser les activits et les infrastructures urbaines. Il propose de rflchir limplantation dactivits et infrastructures faisant partie du systme urbain, en tenant compte de leur caractre vulnrable par rapport au risque dinondation.

    Principe 4 : concevoir des btiments adapts linondation. Il consiste imaginer des procds constructifs permettant dadapter un btiment (logement, btiment public, locaux dentreprise, etc.), voire une infrastructure, la prsence du risque dinondation dans une zone en renouvellement urbain.

    viter Rsister Cder

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    Principe 5 : assurer le maintien du fonctionnement des rseaux techniques. Il considre la question des interdpendances au sein dune ville. Pour fonctionner, une ville a des besoins qui se matria-lisent par la prsence dun certain nombre de rseaux (besoin dtre alimente en nergie, de permettre la circulation de la population qui y vit ou qui y travaille, etc.).

    Principe 6 : crer des espaces intelligents pour la gestion de crise et la reconstruction. Il sappuie sur le concept de multifonc-tionnalit pour concevoir des lieux ayant un usage en priode nor-male et pouvant basculer vers un autre usage en cas dinondation. La particularit de ce principe est denvisager ces multiples usages avant la conception du btiment ou de linfrastructure afin dadap-ter ces derniers la prsence du risque dinondation.

    Dans leur mise en uvre, ces principes peuvent prsenter un certain nombre davan-tages ou dinconvnients sur le plan technique, conomique, social, politique, juridique et paysager. Ces derniers ne sont pas prsents de manire exhaustive, mais permettent dap-porter un clairage sur la traduction concrte de ces principes au niveau oprationnel.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 18

    16 - Loi n 2014-58 du 27 janvier 2014 (art. 56 59) de modernisation de laction publique territoriale et daffirmation des mtropoles (dite Loi mtropole).

    1. incLure un systme de Protection dans Lamnagement urbain : PrinciPe 1

    Source : CEPRI.

    1. ObjectifsProtger un quartier contre les inondations peut tre une action permanente ou tempo-

    raire. Parmi les systmes permanents, les digues, quelles soient maritimes ou fluviales, sont les dispositifs les plus frquemment construits.

    Elles sont dfinies comme des ouvrages construits ou amnags en vue de prvenir les inondations et les submersions (art. L. 566-12-1 du Code de lenvironnement16). Tout ouvrage entrant dans ce champ est dfini par deux lments : la zone quil protge des risques dinondation et de submersion et le niveau de protection apport (art. L. 562-8-1 du Code de lenvironnement). Une digue est destine empcher leau de venir, pas la stoc-ker. Elle cre temporairement une diffrence de niveau deau entre deux parties dune mme zone inondable. Cette diffrence cre une charge hydraulique qui soumet louvrage des forces contre lesquelles il doit tre correctement dimensionn pour rsister.

    Certains ouvrages peuvent parfois faire obstacle et retenir linondation. Ils jouent donc le rle dune digue, sans en avoir le nom, ni avoir t conus et dimensionns pour rsister correctement la pousse de leau et donc remplir concrtement ce rle de protection des personnes et des biens. Par exemple, des protections routires (en terre, en maonnerie ou autre), des protections acoustiques en bordure dune route ou autoroute qui couronnent le sommet dun remblai faisant office de digue ou traversant une valle inondable, des para-pets routiers, des produits de curage, des produits dextraction disposs autour des carrires dextraction de granulat ou autour de sites industriels en zone inondable...

    Malgr lexistence dobligations rglementaires accrues depuis 2007 en France, on constate que les digues napportent pas toujours les garanties de scurit attendues. Divers vnements rcents ayant provoqu des ruptures de digues dmontrent que ces ouvrages sont fragiles, a fortiori lorsquils ne font pas lobjet dun entretien ni dune surveillance rigoureux.

    Par ailleurs, ces ouvrages ncessitent une emprise foncire importante, dautant plus coteuse dans les zones urbaines denses o ces terrains reprsentent une perte despace pour lamnagement de la ville (pouvant toutefois tre compens par la ralisation despaces verts en crte de digue, piste cyclable, etc.).

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    Enfin, un autre lment non ngligeable est limpact paysager de ces ouvrages, qui peuvent cacher la vue sur leau (rivire, fleuve ou mer) aux habitants dun quartier endigu. Un autre impact par ricochet pourrait tre labsence de culture du risque dinondation cau-se par labsence de vue sur leau.

    Pour pallier ces inconvnients, des solutions damnagement peuvent tre proposes pour les zones de renouvellement urbain protges par des digues :

    - le concept de super-digue ;- la notion de digue multifonctionnelle ;- les dispositifs mobiles de protection.

    2. Types damnagements possiblesa) Le concept de super-digue : une rponse la fragilit des digues ?

    Bien qutant peu expriment pour le moment, ce concept vise apporter une rponse la problmatique des ruptures de digues. Il consiste relever le niveau du sol derrire une digue jusqu atteindre la crte de cette dernire, sur une distance suffisante pour que la pente du nouveau terrain amnag soit faible (3 % par exemple).

    Concrtement, cela signifie que, sur une surface dfinie larrire de la digue (quelques centaines de mtres par exemple), les anciennes constructions sont dtruites ; de la terre en quantit suffisante est ajoute le long de la digue existante pour former le nouveau terrain en pente douce ; puis de nouvelles constructions sont ralises sur ce terrain lgrement pentu. Ce dernier peut tre amnag sous forme de terrasses pour viter que la pente ne soit compense sur tous les btiments.

    Dun point de vue technique, la super-leve vite la rupture potentielle de la digue sur le tronon concern. La digue est renforce, voire transforme, et cela reprsente une garantie de scurit au regard du risque de rupture. Par contre, ce procd nempche pas la zone urbanise derrire dtre inonde en cas de surverse de la digue.

    Ce genre dopration allie la fois gestion du risque dinondation, en conservant lou-vrage de protection, et amnagement du territoire. Il implique, pour la ville qui dcide de le mettre en uvre, une rflexion relle sur les formes urbaines qui seront implantes sur ce nouveau terrain. Cela reprsente donc une occasion de repenser lurbanisation dans des zones soumises au risque dinondation, notamment lintgration despaces rcratifs plus vastes et plus nombreux, les types de btiments, les services ou activits...

    Schma dune super digue. Source : CEPRI.

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    Exemple de projet durbanisation ralis larrire dune digue en zone urbaine : le site Job dans le quartier des Sept Deniers Toulouse (France)

    Le site doit son nom lancienne usine de papier cigarette Job, installe sur une surface denvi-ron 5 ha, devenu une friche industrielle la liquidation judiciaire de lusine en 2001. Aprs la dmo-lition de lusine en 2003, la ville de Toulouse a tabli un schma damnagement pour la reconversion du site. Un promoteur immobilier a achet les terrains afin de raliser la construction de btiments rsidentiels. Seule une partie de lancienne usine, le btiment lAmiral, a t rachete par la ville afin de conserver, pour mmoire, un lment du patrimoine industriel du site (devenu un quipement public rpondant aux prescriptions du PPRI, llEspace Garonne, en 2011).

    Au regard du risque dinondation, la ville de Toulouse a 15 % de son territoire soumis aux dbor-dements de la Garonne, dont les crues sont rapides. La dernire crue importante date de fvrier 2000, mais la crue historique dune ampleur exceptionnelle remonte 1875, avec des consquences dsas-treuses (plus de 200 morts, 1 140 maisons dtruites entre autres). Les digues qui ont t construites afin de protger la ville dans les annes 1950, appartenant aujourdhui en majeure partie ltat, font lobjet dun programme de travaux dentretien et de confortement travers un Plan submersion rapide (PSR). Le quartier des Sept Deniers est galement protg par deux types de digue (un mur poids en bton et une digue en terre revtue de parements en bton) dune hauteur de 6 11 m.

    Lors de la rflexion sur le projet damnagement du site Job au dbut des annes 2000, le PPR tait en cours dlaboration (prescrit en 2002 et approuv en 2011). Le site tait qualifi de trs vul-nrable par rapport au risque de rupture de digues : ala trs fort avec 3,5 m de hauteur deau et une vitesse de 4 m/s en cas de rupture de digue. Il a t dclar zone enjeux stratgiques et a fait lobjet dune rflexion intressante entre la ville de Toulouse, ltat et le GIE priv (Groupement dintrt conomique rassemblant lamnageur et les promoteurs pendant la dure de lopration). Lobjectif des zones stratgiques est de permettre le renouvellement urbain dans des secteurs fortement exposs au risque dinondation, condition de rduire le risque par renforcement de la digue et de mettre en uvre de mesures de prvention adaptes.

    Conformment au rglement spcifique du PPRi (approuv en dcembre 2011), les principes constructifs suivants ont t imposs sur le site :

    - diminuer le risque de rupture de la digue des Sept Deniers par un renforcement de celle-ci ;- dfinir les alas rsiduels lis dventuelles ruptures de digues proximit du site ;- construire des btiments adapts au risque dinondation. Des tudes ont montr quil tait possible de construire des btiments surlevs ayant un pre-

    mier niveau habitable au-dessus des plus hautes eaux connues (PHEC), tout en remblayant lespace laiss entre ces btiments et la digue. Ce remblai accol la digue sur une longueur de 260 m descend ensuite en pente douce pour rejoindre le niveau du terrain naturel en arrire de la digue. Il sapparente au concept de super-digue, car il a pour finalit de diminuer le risque de rupture. Il a t financ par le GIE pour un montant de 600 000 euros HT.

    Ce type damnagement ncessite nanmoins un foncier relativement important dans des zones urbaines parfois trs denses, ce qui reprsente une premire difficult sa mise en uvre. Par ailleurs, modifier fondamentalement le terrain derrire un ouvrage de protec-tion a des consquences non ngligeables pour les habitants vivant proximit (relogement temporaire pendant lamnagement du terrain ainsi que la construction des nouveaux loge-ments, voire expropriation).

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    Les btiments ont un premier niveau habitable situ au-dessus de la cote atteinte en 1875 + 50 cm. Ils ont t construits en bton arm et les divers ouvrages enterrs ont t conus pour prendre en compte la saturation en eau du remblai en cas de crue de la Garonne. Leurs rez-de-chausse sont des parkings inondables, lgrement enterrs par rapport la voirie.

    lissue de lopration dam-nagement, 642 logements ayant une vue sur le fleuve ont t raliss (dont 25 % de logements sociaux, 50 % en accession la proprit, 25 % de loca-tion), faisant ainsi passer la popula-

    tion du quartier des Sept Deniers de 5 000 plus de 7 000 habitants. Le remblaiement a permis de crer des logements de grand standing ayant un accs direct des espaces rcratifs amnags sur le sommet de la digue (pistes cyclables, chemins de promenade...), rendant le site trs attractif.

    Source : ville de Toulouse et CETE Sud-Ouest.

    Quartier des Sept Deniers Toulouse. Crdit : ville de Toulouse

  • RappoRt pRincipes damnagement / 22

    17 - Stalenberg Bianca, Design of floodproof urban riverfronts, Delft University of Technology, 2010.

    Exemple de la super-digue le long de la rivire Arakawa Tokyo (Japon)

    Envisage depuis 1987, la construction dune super-digue le long de la rivire Arakawa (environ 58 km) a t autorise en 2001 avant dtre abandonne en 2010 (cots trop importants). Le ministre du Territoire, des Infrastructures et des Transports a compltement revu sa politique en aot 2011. Les super-digues ne seront ralises que dans les zones situes en dessous du niveau de la mer ou les zones densment peuples au sein de grandes agglomrations, dans lesquelles les dommages pour les personnes et les biens seraient consquents en cas dinondation.

    Le procd consiste rehausser le niveau du terrain naturel larrire des digues actuelles, sur une longueur de 300 mtres environ, les digues ayant en moyenne une hauteur de 10 mtres. Cela revient crer une sorte de quai en pente douce (3 %). Ce procd permettrait de rduire trs forte-ment le risque de rupture de la digue en cas dinondations brutales et violentes (li aux typhons lors de la saison des pluies), lors dinondations lentes par submersion de la digue ou encore en cas de sismes.

    Cette technique vise permettre une urbanisation plus scurise sur la digue et dont lenvi-ronnement (cadre de vie) est plus agrable. Les espaces entre le sommet de la digue et les premires constructions seront probablement destins un usage rcratif : promenade, dtente, etc. Dun point de vue paysager, les habitants verront la rivire Arakawa depuis leur logement, ce qui ntait pas le cas avant la construction de la super-digue. Ce type damnagement rapproche donc les habitants de la rivire et peut contribuer renforcer la culture du risque au sein de la population.

    Dun point de vue oprationnel, lexpropriation des habitants propritaires de maisons indivi-duelles nest pas envisage. Les gens seront relogs pendant la dure des travaux et conserveront leur(s) titre(s) de proprit. Leur hbergement temporaire sera financ par les autorits publiques (dont le ministre du Territoire, des Infrastructures et des Transports japonais). Cest en partie pour cette raison que le projet ambitieux de 1987 a t revu en 2011, aucune analyse cots/bnfices nayant t ralise lpoque.

    Pour le moment, les autorits sinterrogent notamment sur la possibilit de concevoir ces super-digues comme des lieux privilgis en cas de crise pour lvacuation des populations riveraines.

    Source:SuperLeveesGuidebook,Arakawa-KaryuRiverOffice, Ministry of Land, Infrastructure and Transport, Tokyo, Japan, 2007.

    b) Le concept de digue multifonctionnelle : une rponse au manque despace disponible et au cot dentretien des ouvrages traditionnels ?

    Ce concept vise rpondre la problmatique du foncier disponible dans les zones de renouvellement urbain, en particulier dans les cas de zones urbaines densment peuples.

    Il ne sagit pas dun concept nouveau : dans la pratique, on observe dj de nombreux cas de digues multifonctionnelles parfois anciennes (routes, voies pitonnes, chemins, voies de chemin de fer, habitations faisant office de digues...). Ces ouvrages sont des digues dont la structure est utilise pour une autre fonction, ce qui peut permettre de gagner de lespace dans les villes. Plusieurs types de digues multifonctionnelles existent ou peuvent tre envi-sags.

    - La conception de digues multifonctionnelles partir de murs de protection Les murs de protection sont des dispositifs permanents et leur hauteur est variable en

    fonction de la crue de rfrence. Ils peuvent tre diffrencis par rapport leur structure de soutnement : mur de soutnement lanc, mur poids, mur en forme de L ou avec talon et fortification17.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 23

    Mur de protection contre les crues du Rhin, Leutesdorf (Allemagne). Crdit : CEPRI.

    partir de cet ouvrage conu pour remplir une fonction de protection contre les inon-dations, on peut envisager dautres usages dans le corps de louvrage lui-mme (voiries, rseaux) et lextrieur de louvrage (espaces publics, jardins rcratifs, etc.).

    Exemples de projets de digues multifonctionnelles de la socit Delta Design, Rotter-dam et Shangai, intituls Live Love Levee un projet de planification pour une scurit face au risque dinondation grce un dveloppement de la ville durable (Pays-Bas, Chine)

    Lide matresse du projet est damnager des digues aujourdhui existantes au sein des villes de Rotterdam et Shangai, densment peuples et en manque de foncier disponible. Ces villes situes dans des zones de delta sont protges par des digues, qui seront renforces et surleves dans le cadre du projet pour un vnement de frquence 1/10 000 ans. Dans les zones dpourvues de digues, de nou-veaux ouvrages multifonctionnels seront envisags. Il sagira de digues btiments, comportant des voiries souterraines, des parkings ainsi que des rseaux enterrs.

    Pour la ville de Rotterdam, amnager des digues fonctionnelles est clairement une rponse au manque despace disponible pour continuer attirer les habitants au sud de la ville et renforcer la protection des quartiers nord. Des maisons flottantes sont galement prvues devant la digue multi-fonctionnelle.

    Dans le cas de Shangai, la ville a la possibilit de stendre sur locan sous la forme dun polder. Les digues actuelles seront redimensionnes pour augmenter la scurit de la ville. Toutefois, en raison de lamplitude de la mare, le projet de Shanghai ne propose pas de maisons flottantes.

    Source : Van der Meer B., Van Emmerik T.H.M., Dalebout T.H., Man W.Y., Mi Z., TienS.,LiveLoveLevee,Projectplanforfloodsafetywithsustainabledeltacitydevelop-ment, Delta Design, disponible sur : http://www.engineersonline.nl/download/Poster%20Live%20Love%20Levee.pdf

  • RappoRt pRincipes damnagement / 24

    Exemple du projet Boompjes City Balcony Rotterdam, De Urbanisten (Pays-Bas)

    Le projet Boompjes City Balcony dvelopp par le bureau darchitectes urbanistes De Urbanis-ten en 2009-2010 est conu pour augmenter le niveau de protection existant de la ville de Rotterdam, notamment cause des effets du changement climatique. La conception dune digue multifonction-nelle le long de la Meuse rpond la proccupation de la ville pour laugmentation du niveau de la mer, Rotterdam tant situe dans une zone estuarienne.

    Lamnagement dans le corps de la digue intgre un tunnel pour les voitures et lextrieur un grand espace public terrass permettant une reconnexion entre la ville et la Meuse.

    Proposition de digue multifonctionnelle. Crdit : De Urbanisten.

    Sur cette vue en 3D, on peut voir que la digue a t intgre dans le paysage urbain. Nest visible que le quai amnag sous la forme dun espace public (parc) en pente douce. lintrieur de la digue, un tunnel est construit pour permettre le passage des vhicules. Une plate-forme flottante est aussi propose comme une sorte dexpansion du quai vers le fleuve.

    Source : www.urbanisten.nl

    - La conception de digues multifonctionnelles partir de btiments ayant dautres fonctions

    Ce sont des ouvrages qui ont la fonction de protger une zone urbaine donne, parce quils ont la rsistance et la robustesse dune digue. Comme le mur de protection en L, ils ont des fonctions diffrentes lextrieur et lintrieur du btiment. Lavantage de ce dispositif est sa capacit dvolution verticale dans le temps, ce qui reprsente une piste intressante pour ladaptation au changement climatique notamment.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 25

    Exemple de digue multifonctionnelle. Source : CEPRI.

    La capacit dvolution du dispositif permet non seulement de renouveler les relations entre les habitants et leau mais aussi de crer diffrentes dynamiques temporelles en fonc-tion de lusage du btiment.

    Grce son adaptabilit, ce dispositif na pas besoin dtre remplac par une autre struc-ture car ses fondations ont t surdimensionnes et ses premiers tages sont hermtiques. Cette base structurelle est capable de rsister des forces horizontales importantes (pres-sions hydrostatique et hydrodynamique), ainsi quaux forces verticales lies lextension du btiment. Louvrage doit tre en bon tat pour pouvoir assumer les diffrentes fonctions pour lesquelles il a t conu, ce qui suppose un entretien et une surveillance prennes.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 26

    Exemple du centre-ville ancien de la ville de Dordrecht (Pays-Bas)

    La Voorstraat dike Dordrecht. Crdit : ville de Dordrecht.

    Dordrecht est lune des villes les plus anciennes des Pays-Bas. Une des caractristiques de son centre historique est dtre protg par une digue, la Voorstraat dike, recouverte de constructions imposantes. Cette digue a t renforce grce la mise en place de dispositifs mobiles de protection entre les btiments. Des pieux implants devant les btiments constitutifs de la digue jouent le rle de sentinelles en cas dinondation.

    Les sentinelles de linondation le long de la Voorstraat dike. Crdit : ville de Dordrecht.

    Source : Gersonius B., Flood risk management strategy Dordrecht, prsentation Rotterdam en mars 2014, dans le cadre du Programme europen de la plate-forme dobserva-tion des projets et stratgies urbaines (POPSU), PUCA, DGALN, MEDDE.

    Voorstraat dike

  • RappoRt pRincipes damnagement / 27

    - La conception de digues multifonctionnelles partir dun remodelage du terrainCette technique peut tre utilise dans le cadre dune stratgie damnagement tenant

    compte de digues existantes. Lide est daugmenter la hauteur de la digue et dassurer sa robustesse face des charges horizontales travers des lments verticaux. Il est possible de compenser les cots de lamnagement de ces dispositifs et leur entretien grce limplan-tation despaces publics, de voiries, de btiments comprenant des logements et diverses activits.

    Exemple du projet de digue terrasse multifonctionnelle, The Hilledijk, Rotterdam, 2014 (Pays-Bas)

    Ce dispositif est conu comme une superposition de diffrentes terrasses. Des feuilles mtal-liques (sortes de palplanches) sont enfonces dans le sol pour former des plans verticaux. Ces plaques verticales servent amliorer la stabilit de la digue et augmenter la dure dinfiltration. Lespace entre les plaques est stabilis pour crer une terrasse, la digue est ainsi compose de plusieurs terrasses des niveaux diffrents.

    Sur ces diffrents niveaux peuvent tre implants des routes, des btiments, des espaces verts, des parkings, des bassins pour le stockage de leau par exemple. Comme la digue terrasse na pas de pente, la totalit de sa surface peut tre utilise pour en tirer pleinement parti. Le principe de la leve terrasse semble relativement transposable au cas de digues existantes ou nouvelles.

    Coupe schmatique de la digue terrasse The Hilledijk Rotterdam.

    Source: www.rotterdamclimateinitiative.nl

  • RappoRt pRincipes damnagement / 28

    18 - Ashley R., Garvin S., Pasche E., Vassilopoulos A., Zevenbergen C., Advances in urban flood management, Hardback, February 2007.19 - SMARTeST (SMArt Resilient Technologies, Systems and Tools), www.floodresilience.eu

    c) Les dispositifs mobiles de protection : le maintien dun lien entre le territoire et leau ?

    La construction dune digue nest pas envisageable dans toutes les situations et a un impact paysager certain, ce qui dnature parfois lidentit dun quartier, voire dune ville.

    Pour rpondre cette problmatique, les systmes de protection mobiles peuvent tre intressants. Ils remplissent la mme fonction quune digue permanente et peuvent tre de plusieurs types diffrents : structures verticales, barrires flexibles, structures en forme de didres, barrages poids, sacs absorbants18. Mais ces diffrents systmes ne sont utiles que si lon a le temps de les installer et si linondation ne dure pas trop longtemps. Autrement dit, dans les secteurs o la monte des eaux est rapide et le dlai dalerte court, ainsi que dans les cas o la dure de linondation est longue (des dfauts dtanchit peuvent apparatre), ces dispositifs sont moins pertinents. Disposs pour permettre de lutter contre un dborde-ment ou une submersion, ils peuvent galement se rvler inefficaces en cas de remontes de nappe ou de refoulement des rseaux gnrant une inondation.

    - Les structures verticales (murs)

    Source : Salagnac J.-L. (coord.), Marchand D., Florence C., Delpech P., Axes J.-M. CSTB - Impacts des inondations sur le cadre bti et ses usagers, rapport final, juillet 2014, 46 p.

    Il existe diffrentes structures : portes, barrires et murs temporaires, etc. Les barrires peuvent tre situes lentre des lotissements ou lentre des quartiers directement sur les rues, les murs temporaires sont situs le long du cours deau ou du littoral pour assurer la protection des quais.

    On emploie le terme de batardeaux pour dsigner des structures combines qui asso-cient des structures temporaires amovibles (planches hermtiques) et des structures perma-nentes (structures dappui pour les planches).

    noter : les lments ci-dessous nont pas fait lobjet dune analyse de fiabilit de la part du CEPRI. Ils sont destins prsenter des pistes pour les collectivits et leurs partenaires, qui peuvent se rfrer au projet SMARTeST qui a effectu cette analyse19.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 29

    Exemple du dispositif de protection mixte de la ville dAndernach (Allemagne)

    Andernach est lune des villes les plus anciennes dAllemagne, situe au cur de la valle du Rhin, o vivent environ 30 000 habitants. La ville est rgulirement soumise aux crues du Rhin, dont la plus dvastatrice date de 1995.

    Aprs avoir fait une analyse cots/bnfices, il est apparu plus intressant pour la commune de construire un systme de protection contre les crues du Rhin, tout en sauvegardant le paysage urbain et la vue sur le Rhin depuis la ville. En effet, situe sur la route de la valle du Rhin extrmement frquente tout au long de lanne par de nombreux touristes, la ville ne souhaitait pas cacher la vue sur le Rhin ou dnaturer le centre-ville historique en construisant un mur permanent de plusieurs mtres de hauteur. Elle ne voulait pas non plus abandonner ses espaces verts en bordure du fleuve au profit dune digue.

    Le systme de protection mis en place par la ville dAndernach est donc constitu de deux par-ties sur une longueur de 700 m : lune est permanente et constitue dun muret dont les fondations font 6 m de profondeur, lautre est mobile sous la forme de batardeaux. Le systme, mont en 8 h en cas dalerte, est test une fois par an, mais na jamais t prouv en conditions relles. Le matriel est stock dans un local tanche situ proximit du muret de protection o se trouve galement la station de pompage en cas dinondation de la ville. Les travaux ont commenc en 2004 et ont cot 1,75 million deuros, dont 90 % ont t financs par le Land de Rhnanie-Palatinat.

    Systme de protection Andernach (Allemagne). Crdit : CEPRI.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 30

    De tels systmes de protection temporaires sancrent sur des lments permanents rela-tivement discrets permettant leur fixation au moment adquat.

    Pour tre efficaces, ces systmes doivent tre utiliss rgulirement, entretenus et stocks dans des conditions permettant leur bonne conservation et leur utilisation rapide. Ltan-chit des batardeaux tant la plupart du temps assure par des joints en caoutchouc, leur tat doit tre frquemment vrifi (viter la rouille et la moisissure des joints).

    Laspect oprationnel est galement important : le personnel charg de monter ces dispo-sitifs doit tre form et avoir pratiqu le montage et dmontage des batardeaux pour limiter le temps dinstallation. Il faut galement sassurer que le personnel connaissant ces proc-dures soit prsent et disponible le jour o linstallation du dispositif se prsentera.

    Exemple des structures pliantes

    Ces dispositifs sont ancrs dans le sol de manire permanente et sont dplis en cas dinondation pour protger une zone. Leur intrt est dtre parfaitement intgr au paysage urbain hors priode dinondation et davoir besoin de trs peu de matriel pour tre installs, contrairement aux batardeaux. Par contre, ils doivent servir rgulirement pour vrifier lefficacit du mcanisme.

    Source : Salagnac J.-L. (coord.), Marchand D., Florence C., Delpech P., Axes J.-M. CSTB (2014).

    - Les structures en forme de didres (non verticales)Ces systmes de protection sont constitus de

    didres assembls (formes gomtriques issues de la rencontre entre deux plans). Une partie du mca-nisme est en contact avec le sol, lautre partie, qui sera en contact avec leau, vient sappuyer dessus (cf. schma ci-contre). La pression de leau pousse la structure sur le sol, ce qui suppose que ces systmes soient installs sur des sols lisses.

    Lavantage de ce systme est quil ne ncessite pas une fixation permanente, ce qui permet de le dmonter une fois linondation termine. Ses perfor-mances sont cependant plus modestes quun systme de mur vertical car sa hauteur dpasse rarement 1 m.

    Source : Salagnac J.-L. (coord.), Marchand D., Florence C., Delpech P., Axes J.-M. CSTB (2014).

  • RappoRt pRincipes damnagement / 31

    - Les barrires flexibles (sous pression de leau)Le principe de ces barrires est leur mise en place

    grce la force de leau, comme un parachute. Elles ne souvrent qu partir du moment o leau arrive. Plus la hauteur de leau augmente, plus la barrire souvre. Il est important davoir un systme de poids permettant la membrane en contact avec le sol dadhrer correctement afin de garantir ltanchit et la stabilit du systme. Les barrires peuvent tre relies entre elles afin dobtenir la longueur souhai-te. La hauteur peut aller jusqu 2 m.Source : Salagnac J.-L. (coord.), Marchand D., Florence C., Delpech P., Axes J.-M. CSTB (2014).

    Exemple de barrire flexible

    Les hauteurs deau peuvent tre limites, mais lintrt de ce dispositif est de favoriser le passage de vhicules pour la gestion de crise, par exemple, une fois install. De mme que les probabilits de vol du matriel sont limites puisque le dispositif est install au dernier moment et fait lobjet dune surveillance pendant la dure de linondation.

    - Les barrages poidsLe principe consiste remplir des volumes

    (tubes, rservoirs) de sable ou deau afin de raliser une digue temporaire grce au poids de ces volumes lests. Ces volumes peuvent tre ajouts les uns aux autres afin dobtenir la longueur adquate. La hauteur deau maximum est de 1 m et dpend du frottement sur le sol de ces volumes remplis.

    Lorsquil sagit de structures en forme de tube, gnralement remplies deau, deux tubes adjacents peuvent tre connects pour viter lensemble de la digue ainsi constitue de rouler sur le sol.

    Concernant les rservoirs, ceux-ci sont consti-tus dune structure mtallique et dune enveloppe gotextile. Ils peuvent tre remplis deau ou de sable

    (2 m). Cest le poids de lensemble qui assure la rsistance mcanique la pression de leau.

    Source : Salagnac J.-L. (coord.), Marchand D., Florence C., Delpech P., Axes J.-M. CSTB (2014).

    Exemple des rservoirs deau

    Il sagit de caissons gnralement en bois, acier ou aluminium revtus dune toile en textile. Une fois leur installation effectue, ils sont remplis de sable ou deau afin de constituer une digue tanche en cas dinondation.

    Ce sont des systmes utiles pour des hauteurs deau allant jusqu un mtre uniquement. Leur utilisation nest donc pas possible dans nimporte quels secteurs, ni pour nimporte quels alas.

    Par ailleurs, ils ncessitent une machinerie lourde pour leur enlvement une fois linondation termine. De plus, la toile utilise pour le revtement des caissons nest pas biodgradable, ce qui reprsente un cot environnemental supplmentaire lorsquil sagit de la changer (elle nest pas ru-tilisable).

    Remplissage eau

  • RappoRt pRincipes damnagement / 32

    20 - Ashley R., Garvin S., Pasche E., Vassilopoulos A., Zevenbergen C.(2007).

    Exemple des barrages anti-inondation (gonflables)

    Ce sont des lments de protection temporaires mis en place au moment de la crise. Ces disposi-tifs sont modulables et polyvalents, utilisables pour des niveaux deau ne dpassant pas 2 m sur une longueur limite. La mise en uvre se fait par un gonflage pralable lair laide dun gonfleur thermique, en fonction des modles.

    Exemple des sacs de sable

    Les sacs de sable sont des dispositifs temporaires tra-ditionnels qui, une fois empils, permettent dempcher leau de scouler dans la zone que lon souhaite protger. Les sacs de sable, autrefois constitus de toile de jute, sont aujourdhui principalement fabriqus en matire synth-tique et peuvent contenir un volume moyen de 0,5 m. Le matriau de remplissage le plus commun est le sable, mais en gnral, tous les matriaux peuvent tre utiliss. Si les sacs de sable ne peuvent cependant garantir ltanchit, ils reprsentent une solution durgence pour pallier larri-ve de leau et doivent tre coupls avec linstallation de pompes en arrire du mur de sacs pour viter les fuites trop importantes.

    Ils ne peuvent cependant pas contenir une hauteur deau importante. Ils doivent tre installs avec un certain savoir-faire pour tre efficaces, ce qui nest pas toujours le cas lorsque lon fait appel des bnvoles. Par ailleurs, leur dplacement aprs une inondation ncessite une logistique lourde et coteuse.

    Source : Salagnac J.-L. (coord.), Marchand D., Flo-rence C., Delpech P., Axes J.-M. CSTB (2014).

    - Les sacs absorbants la diffrence des sacs de sable, les sacs absorbants nont pas besoin dtre remplis avec

    du sable. Il sagit de sacs en gotextile qui contiennent des polymres (macromolcules) ayant une trs grande capacit dabsorption de leau. Ils peuvent tre empils afin de former une digue.

    Ils peuvent nanmoins prsenter certains inconvnients. Ils ne peuvent tre utiliss que pour des inondations avec de faibles hauteurs deau et ne peuvent servir quune fois. Ils deviennent donc des dchets dont le recyclage nest pas toujours possible en fonction des matriaux employs pour leur fabrication20.

    3. La mise en uvre du principe

    Sur le plan techniqueLes diffrents concepts visant inclure un systme de protection dans lamnagement

    urbain prsentent des avantages techniques. La super-digue apporte une meilleure rsis-tance de la digue, elle vite le phnomne de rupture brutale de celle-ci et ses impacts poten-tiellement dramatiques et dvastateurs pour les secteurs situs larrire de louvrage. Cela ne signifie pas pour autant que la zone situe larrire de la digue ne sera pas inonde. La digue peut toujours tre surverse si la crue dpasse celle pour laquelle la digue a t dimensionne. Par ailleurs, linnovation rside moins dans le procd technique (remblayer une zone situe larrire dune digue) que dans le dveloppement dune synergie entre diffrentes fonctions (protection, habitation, emploi, services et espaces publics,...) et le fait

    Remplissage sable

  • RappoRt pRincipes damnagement / 33

    davoir un espace dune certaine qualit au regard des cots de construction et de gestion de la super-digue. Cela peut reprsenter un dfi pour certaines villes.

    Un autre dfi concerne les surfaces foncires importantes ncessaires (plusieurs cen-taines de mtres larrire de la digue) et les volumes de terre consquents pour rehausser le niveau du sol.

    Enfin, une des difficults majeures de ce type damnagement est la continuit de la super-digue. Il peut savrer extrmement coteux pour une ville dune superficie impor-tante de raliser une super-digue tout le long du cours deau qui la traverse, ou le long du littoral. La ville de Tokyo a notamment t contrainte dabandonner son projet initial de super-digues sur 58 km au regard des cots trop importants gnrs par le projet. Par contre, ne construire des super-digues que sur certains secteurs urbains pose la question du risque rpercut ou non sur les quartiers voisins, ou situs en aval, et de son aggravation potentielle. Si la rupture de la digue peut tre vite sur les secteurs o une super-digue a t ralise, elle existe potentiellement toujours pour les secteurs non amnags en super-digue qui se trouvent proximit et pour les secteurs situs laval (le long dun cours deau notamment). Cet amnagement ncessite donc des tudes hydrauliques prcises pour va-luer limpact dune super-digue sur les autres quartiers soumis au risque dinondation.

    Concernant la digue multifonctionnelle, en termes de rduction de lala, tout dpend si la digue est neuve ou si lamnagement est ralis partir dune digue existante. Si la digue existe dj, cela naura pas dimpact sur lala, contrairement la construction dun nouvel ouvrage. Ce type damnagement nest pas nouveau et a dj fait ses preuves dans de nombreux secteurs, notamment les zones destuaires et de deltas. Les maisons digues, les routes digue, les voies ferres faisant parfois office de digues sont des ouvrages multi-fonctionnels. Ce procd permet dutiliser les espaces fonciers rares dans les grands centres urbains denses pour concilier la fois densification urbaine et protection face au risque dinondation. Les intrts multiples gnrs par les diffrents usages de louvrage peuvent contribuer renforcer lattention porte au bon entretien de la digue et donc sa prennit. Cela ncessite cependant davoir une dfinition prcise des niveaux pour lesquels la digue peut rsister, tre surverse ou rompre, ainsi quune bonne connaissance de lala inonda-tion sur le secteur concern. Ce sont des procds intgrs dans des projets essentiellement dvelopps aux Pays-Bas aujourdhui.

    Les difficults techniques peuvent rsider dans les types dinfrastructures que lon sou-haite intgrer dans louvrage de protection, ainsi que la nature de celui-ci. Par exemple, certains projets envisagent de construire des tunnels dans le corps de la digue pour abriter des voies de circulation pour les vhicules, des espaces verts tant amnags sur la crte de la digue afin de valoriser louvrage dun point de vue paysager. La capacit de rsistance dun tel ouvrage doit cependant tre prcisment value.

    Enfin, les dispositifs mobiles de protection prsentent un certain nombre dinconv-nients techniques. Leur installation peut prendre un certain temps, le dlai dalerte doit donc tre suffisant pour pouvoir mettre en place les installations ncessaires. Ils sont prvus pour rsister des hauteurs deau spcifiques, gnralement peu leves au-del desquelles ils ne servent plus rien. Certains dispositifs ne sont donc pas adapts pour des hauteurs deau importantes (sacs de sables, rservoirs deau/sable). Ils ne sont pas pertinents en cas de crue rapide et ne sont efficaces que pour des crues monte lente. Paradoxalement, bien que ces systmes empchent leau de rentrer au sein dun secteur urbain, leur tanchit peut se rvler insuffisante dans certaines situations (exemple des inondations de longue dure o leau reste longtemps avant de se retirer). Il faut parfois prvoir des systmes de

  • RappoRt pRincipes damnagement / 34

    pompage autonomes pour vidanger leau qui aura tout de mme pntr lintrieur du secteur protg.

    Comme pour les digues non mobiles, des dfaillances sont possibles et reprsentent un danger potentiel en cas de rupture brutale du dispositif. En outre, leur mise en place ncessite des moyens humains et matriels parfois consquents. Par exemple, lenlvement des sacs de sable, des rservoirs ou des sacs absorbants une fois immergs ncessite une machinerie lourde. Leur installation requiert un certain savoir-faire qui peut vite se perdre lorsque le matriel nest pas rgulirement test ou utilis en conditions relles. Sa mise en uvre suppose par ailleurs que le personnel form et charg de cette mission soit disponible temps en cas dalerte, ce qui nest pas toujours le cas. Le stockage du matriel peut gale-ment poser problme sil nest pas connu du personnel charg dinstaller les dispositifs et sil ne se trouve pas proximit du lieu dinstallation afin dviter la perte de temps lie au transport au moment de la mise en place.

    Pour assurer leur mise en place effective, ces protections mobiles doivent tre intgres dans une organisation spcifique au moment de la gestion de crise. Ce qui suppose davoir test ces dispositifs au pralable au cours dexercices par exemple.

    Sur le plan conomiqueLa super-digue constitue un type damnagement trs coteux par rapport une digue

    traditionnelle : dmolition de btiments existants, acquisition ventuelle de terrains, trans-port de nombreux volumes de terres, constructions potentiellement adaptes au risque dinondation (en cas de surverse de la digue). Cependant, le renforcement de la scurit de louvrage, grce son amnagement en super-digue, peut favoriser la conception dune ville dense sur la super-digue et amortir les cots. De mme que les cots dentretien de la digue peuvent tre compenss par les constructions ralises sur la super-digue, et les activits quelle peut accueillir. Une analyse cots/bnfices semble nanmoins indispensable pour valuer ces amortissements supposs.

    Comme dans le cas de la super-digue, la digue multifonctionnelle doit faire lobjet dune analyse cots/bnfices au cas par cas. La multifonctionnalit reprsente un avantage conomique en tant que tel. Mais dans le cas dun ouvrage de protection qui contiendrait plusieurs usages, il est ncessaire dvaluer les cots que reprsentent laddition de fonc-tions (habitations, voiries enterres par exemple) au moment de la construction de la digue multifonctionnelle ou en termes de renforcement et dentretien permanent de louvrage pour abriter ces fonctions.

    Quant aux dispositifs mobiles de protection, les cots de maintenance et de remplace-ment du matriel abm ou dfectueux peuvent tre non ngligeables. Ces dispositifs doivent servir rgulirement pour que linvestissement soit rentable pour la collectivit. Les mat-riaux sont susceptibles de saltrer au cours du temps sils ne sont pas utiliss. Ils semblent cependant moins onreux que les dispositifs permanents de protection (cots dentretien, de travaux si besoin, de surveillance permanente de louvrage, etc.). Une autre contrainte pour les dispositifs temporaires dont une partie peut demeurer de faon permanente est le vol des matriaux lors du stockage ou de linstallation (par exemple, les vis en inox protgeant des trous dans lesquels viennent se fixer les poteaux supportant les batardeaux en aluminium, voire les batardeaux eux-mmes lorsquils sont installs quelques jours avant la crue).

    Sur le plan social Les dispositifs mobiles de protection reprsentent une solution instinctive de gestion

    de linondation, perue par la population comme une action permettant de faire face au

  • RappoRt pRincipes damnagement / 35

    21 - Devenues Aires de mise en valeur de larchitecture et du patrimoine (AVAP) depuis lentre en vigueur de la LENE du 12 juillet 2010.

    risque. Elle est donc perue positivement au moment de la crise par la population. Toutefois, il sagit dun sentiment de protection et de scurit limit la capacit de rsistance de ces dispositifs. La mise en place de mesures structurelles saccompagne de mesures organisa-tionnelles. La population doit en tre informe.

    A contrario, un amnagement rcratif sur une digue multifonctionnelle rend louvrage moins visible aux yeux de la population. La fonction de protection de la digue semble efface aux yeux des habitants. Or, cet ouvrage remplit bien une fonction de protection parmi les autres usages qui lui sont associs. Il parat donc important de sensibiliser la population la prsence dune digue multifonctionnelle en ville, car cela participe au dveloppement dune culture du risque sur un territoire.

    Sur le plan juridique Quil sagisse de super-digue ou de digue multifonctionnelle, les difficults souleves

    rsident la fois dans la multiplicit des acteurs susceptibles dintervenir (propritaire de la digue, gestionnaire, promoteur, etc.), qui peut tre rgle par la signature de conventions clairement tablies entre les protagonistes, et la fois dans la mise en uvre de la rglemen-tation actuelle relative la gestion des digues. Il est parfois dlicat didentifier un respon-sable du bon entretien et de la surveillance de certains ouvrages. Une rpartition claire des comptences entre les diffrents protagonistes intervenant sur la digue est donc ncessaire.

    On peut galement se poser la question des procdures administratives relativement com-plexes en cas dacquisition amiable ou dexpropriation des habitations ou locaux construits derrire une digue, dans le but damnager celle-ci en super-digue. La ville de Tokyo avait envisag, dans le cadre de son projet de super-digue, de reloger les habitants propritaires dhabitations individuelles pendant la dure des travaux. Ils conservaient leur(s) titre(s) de proprit et leur hbergement temporaire tait financ par les autorits publiques (mais le cot tait trop important sur un linaire de 58 km et le projet a d tre rduit).

    Dans le cas des dispositifs mobiles de protection, ceux-ci permettent dapporter une rponse la question de la protection du patrimoine urbain vis--vis du risque dinondation. Ils reprsentent une alternative intressante la digue traditionnelle afin de prserver de linondation certains sites au patrimoine remarquable dans les villes, sans pour autant dnaturer le paysage urbain existant (prsence de la mer ou dun cours deau proximit) et entrer en contradiction avec la lgislation les protgeant. Cest le cas notamment des Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP21), des immeubles inscrits ou classs au titre des monuments historiques, des secteurs sauvegards.

    Sur le plan paysagerLa ralisation de super-digues le long dun cours deau ou du littoral peut permettre de

    crer des espaces publics ayant une grande valeur paysagre. Surlevs par rapport leau, ils offrent un point de vue sur le cours deau ou la mer qui peut tre mis en valeur dans le cadre de la trame verte et bleue par exemple (dveloppement despaces verts rcratifs, voies vertes, etc.). Cela rend notamment ces espaces trs attractifs et constituent un atout dun point de vue paysager.

    Les digues multifonctionnelles permettent galement denvisager une urbanisation spcifique au site choisi : amnagements rcratifs ou avec un paysage urbain nouveau (nou-veaux types de constructions de part et dautre de la digue), transformation de la ville en lien avec le fleuve ou la mer par exemple.

    Les dispositifs mobiles de protection reprsentent une alternative adapte dans les zones urbaines ayant un patrimoine historique important. Cela peut mme tre un choix

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    plbiscit par la population pour conserver une vue sur le cours deau ou la mer en priode normale, contrairement une digue permanente qui les priverait dun tel paysage. Ander-nach (Allemagne) par exemple, cest ce qui a conditionn le choix dun dispositif de protec-tion mixte : un muret permanent sur lequel peuvent tre monts des batardeaux en priode de crue du Rhin. Les habitants ne voulaient pas dune digue de plusieurs mtres de hauteur qui dnaturerait le paysage, en particulier pour les nombreux touristes sjournant dans la valle du Rhin durant la priode estivale.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 37

    2. donner ou redonner PLus de PLace Leau : PrinciPe 2

    1. ObjectifsLorsquune rivire est en crue, elle se rpand naturellement sur des espaces plus vastes

    que ceux quelle occupe ordinairement. Ces espaces inondables permettent un coulement et un stockage temporaire de leau qui assure un crtement de la crue, cest--dire une attnuation du phnomne. Ces espaces sont en rgle gnrale dautant plus efficaces sur la rduction de lala quils ne comportent pas dobstacles lcoulement de leau.

    Lurbanisation en bord de cours deau ou le long des littoraux a souvent empit sur des zones dexpansion naturelle de leau. Le plus souvent, les amnagements raliss nont pas tenu compte du fait quils se trouvaient dans le lit majeur dun cours deau ou dans une zone potentiellement inonde par la mer. Certains amnagements font obstacle au passage de leau, aggravant ainsi le phnomne et donc les consquences de linondation. Le premier objectif du principe damnagement donner ou redonner plus de place leau consiste a minima prserver les coulements naturels de leau sur le secteur. Le but est de concilier la prsence naturelle de leau dans ces secteurs avec les amnagements futurs.

    Par ailleurs, les lits des cours deau et les littoraux ont souvent fait lobjet de travaux de recalibrage (canalisation), de redimensionnement ou de lutte contre la submersion (digues et barrages), limitant et modifiant ainsi la capacit dexpansion de leau. La cou-verture des rivires en milieu urbain par des voiries ou la canalisation des cours deau en ville, par exemple, constituent galement des obstacles lcoulement naturel de leau. Le deuxime objectif de ce principe consiste faciliter, parfois artificiellement, lcoulement de leau afin de rduire lala, en redonnant plus despace leau. Il sagit de modifier les ouvrages, voire de les dmolir dans certains cas, afin de rduire les paramtres de linonda-tion (hauteurs deau, vitesse dcoulement notamment) sur un secteur concern par un projet damnagement.

    Source : CEPRI.

  • RappoRt pRincipes damnagement / 38

    22 - Ministre de lAmnagement du territoire et de lEnvironnement, ministre de lquipement, des Transports et du Logement, Guide mthodologique des Plans de prvention des risques naturels (PPRN), Risques dinondation, Paris, 1999.

    2. Types damnagements possiblesa) Les amnagements permettant de prserver les coulements de

    leau, sans aggraver ni rduire lala La prservation des coulements naturels de leau en zone de renouvell