Rapport de la Cour des comptes

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13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr QUATRIEME CHAMBRE -------- PREMIERE SECTION ------- Arrêt n° 71750 Audience publique du 16 octobre 2014 Lecture publique du 22 janvier 2015 GESTION DE FAIT DE DENIERS DE l’ETAT – DIRECTION DEPARTEMENTALE DE LA SECURITE PUBLIQUE DE LA REUNION Rapport n° 2014-552-0 République Française, Au nom du Peuple français, La Cour, Vu le réquisitoire n° 2009-16 RQ-GF du 16 février 2009 du Procureur général près la Cour des comptes notifié à M me X, ainsi qu’au trésorier-payeur général, au préfet et au directeur départemental de la sécurité publique de La Réunion et le réquisitoire supplétif n° 2010-19 RQ-GF du 22 mars 2010 notifié à M me X, au trésorier-payeur général, au préfet et au directeur départemental de la sécurité publique de La Réunion, au commissaire de police, chef de la circonscription de sécurité publique du Port, au directeur général de la police nationale et au directeur de l’évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières du ministère de l’intérieur ; Vu le code des juridictions financières ; Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ; Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ; Vu l’article R 49-3 du code de procédure pénale ; Vu le décret n° 92-681 du 20 juillet 1992 relatif aux régies de recettes et aux régies d’avances des organismes publics et l’arrêté du 29 juillet 1993 habilitant les préfets à instituer ou à modifier des régies d’avances et de recettes de l’Etat auprès des services

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Du 16 octobre 2014

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  • 13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr

    QUATRIEME CHAMBRE --------

    PREMIERE SECTION -------

    Arrt n 71750 Audience publique du 16 octobre 2014 Lecture publique du 22 janvier 2015

    GESTION DE FAIT DE DENIERS DE lETAT DIRECTION DEPARTEMENTALE DE LA SECURITE PUBLIQUE DE LA REUNION Rapport n 2014-552-0

    Rpublique Franaise,

    Au nom du Peuple franais,

    La Cour,

    Vu le rquisitoire n 2009-16 RQ-GF du 16 fvrier 2009 du Procureur gnral prs la Cour des comptes notifi Mme X, ainsi quau trsorier-payeur gnral, au prfet et au directeur dpartemental de la scurit publique de La Runion et le rquisitoire suppltif n 2010-19 RQ-GF du 22 mars 2010 notifi Mme X, au trsorier-payeur gnral, au prfet et au directeur dpartemental de la scurit publique de La Runion, au commissaire de police, chef de la circonscription de scurit publique du Port, au directeur gnral de la police nationale et au directeur de lvaluation de la performance et des affaires financires et immobilires du ministre de lintrieur ;

    Vu le code des juridictions financires ;

    Vu larticle 60 de la loi de finances n 63-156 du 23 fvrier 1963 modifie ;

    Vu le dcret n 62-1587 du 29 dcembre 1962 modifi portant rglement gnral sur la comptabilit publique, en vigueur au moment des faits ;

    Vu larticle R 49-3 du code de procdure pnale ;

    Vu le dcret n 92-681 du 20 juillet 1992 relatif aux rgies de recettes et aux rgies davances des organismes publics et larrt du 29 juillet 1993 habilitant les prfets instituer ou modifier des rgies davances et de recettes de lEtat auprs des services

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    rgionaux ou dpartementaux relevant du ministre de lintrieur et de lamnagement du territoire ;

    Vu la note circulaire de la direction centrale des polices urbaines n 3608 du 19 mars 1990 et celle de la direction centrale de la scurit publique n 127 du 19 juillet 2006 ;

    Vu les rapports n 2009-616-0 de M. Michel RITZ et n 2014-552-0 de M. Omar SENHAJI, conseillers matres et les pices recueillies au cours des instructions ;

    Vu les conclusions du Procureur gnral n 571 du 12 septembre 2014 ;

    Entendu, lors de laudience publique de ce jour, M. SENHAJI, en son rapport, M. Gilles MILLER, avocat gnral, en les conclusions du ministre public, Mme Y, reprsentant le directeur gnral de la Police nationale ;

    Aprs avoir entendu en dlibr M. Grard GANSER, prsident de section, en ses observations ;

    Sur la procdure

    Attendu que par un rquisitoire n 2009-16 RQ-GF du 16 fvrier 2009, le Procureur gnral a saisi la Cour de faits prsomptifs de la dtention ou du maniement sans titre de deniers de lEtat, par Mme X, adjointe administrative principale de 2me classe, adjointe au chef du bureau des contraventions de la circonscription de scurit publique du Port, qui aurait conserv dans son bureau, 485 chques mis, entre janvier 2003 et fvrier 2007 par des particuliers en rglement damendes sanctionnant des contraventions, au lieu de les remettre immdiatement une rgie de recettes ou la trsorerie gnrale ; que ce rquisitoire a t notifi Mme X, ainsi quau trsorier-payeur gnral, au prfet et au directeur dpartemental de la scurit publique de La Runion, en fonctions au moment des notifications ; qu la suite de lattribution de linstruction de cette affaire M. RITZ, conseiller matre, ce dernier a dpos un rapport examin lors de laudience publique du 5 novembre 2009 ; qu lissue de cette audience la Cour a dcid de surseoir statuer dans lattente dinvestigations complmentaires, rendues ncessaires par lapparition de faits nouveaux au cours de linstruction de M. RITZ ;

    Attendu que le Procureur gnral, suite ce sursis statuer, a pris le rquisitoire suppltif n 2010-19 RQ-GF du 22 mars 2010, qui a largi le primtre de linstance, aux maniements voire aux encaissements en numraire susceptibles davoir t effectus sur une plus longue priode, ainsi que la liste des personnes en cause, toute autre que Mme X, dont la participation active, de longue ou de brve main, la gestion occulte serait dmontre ( qui aurait connu ou tolr le dispositif irrgulier ou y aurait particip durant la priode allant du 6 janvier 1999 la date de saisine de la Cour ) ; que ce rquisitoire a t notifi comme le prcdent Mme X, au trsorier-payeur gnral, au prfet et au directeur dpartemental de la scurit publique de La Runion, en fonction au moment des notifications, ainsi quau commissaire de police, chef de la circonscription de scurit publique du Port, au directeur gnral de la police nationale et au directeur de lvaluation de la performance et des affaires financires et immobilires du ministre de lintrieur ;

    Attendu que le rapport de M. SENHAJI examine les lments soulevs par les rquisitoires prcits ; que les maniements ont t ceux de chques au sein du bureau des contraventions de la circonscription de scurit publique du Port, en dehors de la caisse

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    dun comptable public ou dun rgisseur ; que la priode prendre en compte pourrait aller du 6 janvier 1999, dbut de la priode non prescrite, jusquau 29 septembre 2009, date de la cration dune rgie de recettes et de la nomination dun rgisseur, la circonscription de scurit publique du Port ; que le rapporteur estime que les autres personnes mettre en cause, en raison de labsence de rgie de recettes, pourraient tre le prfet, le trsorier-payeur gnral ainsi que le directeur dpartemental de la scurit publique de La Runion et le chef de la circonscription de scurit publique du Port ;

    Attendu quil rsulte du dossier de linstance disciplinaire ayant statu sur la responsabilit de Mme X que cette dernire navait encaiss aucun numraire en paiement damendes ; que le rapporteur a constat que le commissariat du Port ne disposait dailleurs pas de formulaires permettant aux redevables de sacquitter de leurs amendes en numraire ;

    Attendu que, dans ses conclusions, le Procureur gnral carte expressment limplication, envisage par le rapporteur, des prfets et des directeurs dpartementaux successifs de la scurit publique de La Runion, nonobstant la note de service du 19 mars 1990 du directeur central des polices urbaines, rappele par note du directeur central de la scurit publique du 19 juillet 2006, leur enjoignant la cration de rgies pour encaisser le produit des amendes forfaitaires ; quil carte aussi celle des trsoriers payeurs gnraux successifs de La Runion, quand bien mme ils ont continument reus des bordereaux de chques destins au Trsor public signs dun commissaire de police et non dun rgisseur alors que, selon le II de larticle 60 de la loi n 63-156 du 23 fvrier 1963 modifie, leur responsabilit pcuniaire stend, dans la limite des contrles quils sont tenus dexercer, aux actes des comptables de fait, sils ont eu connaissance de ces actes et ne les ont pas signals leurs suprieurs hirarchiques ;

    Attendu que, dans ces mmes conclusions, le Procureur gnral ncarte pas en revanche la mise en cause du prdcesseur de Mme X, cest--dire Mme Z ou de son successeur, M. A, gardien de la paix, ni celle de leurs suprieurs hirarchiques immdiats, savoir, pour Mme X, le brigadier-chef B ; quau-del dans la hirarchie, seul le commissaire C, chef de la circonscription du Port jusquen aot 2006, pourrait tre mis en cause, la commissaire D qui lui a succd devant tre mise hors de cause parce quelle na pas tolr la situation, ds quelle la connue, et a uvr pour y mettre fin ;

    Attendu que Mme X est la seule personne nominativement mise en cause dans les rquisitoires prcits ;

    Sur les faits

    Attendu que le commissaire, chef de la circonscription de scurit publique du Port, a organis le bureau des contraventions de cette circonscription, par une note de service du 20 novembre 2002 ; que le chef de ce bureau tait alors un brigadier-chef ; que ce dernier avait notamment pour tches de superviser le travail dun agent administratif charg en particulier denregistrer les contraventions sous le logiciel WinAF et les contraventions rdiges par procs-verbal sur un registre spcialement ddi cet effet, deffectuer le suivi des contraventions impayes et les extractions pour expdition au secrtariat de lofficier du ministre public (OMP), la collecte des chques adresss par courrier par les contrevenants en paiement des amendes forfaitaires ; que cet agent administratif a t Mme X compter de mars 2004 ; que celle-ci, place en cong pour maladie en janvier 2008, a t ensuite remplace ;

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    Attendu que les bordereaux de remise de chques au trsorier-payeur gnral, prpars par Mme X, sous lautorit du chef de bureau quelle assistait, taient signs soit par le commissaire lui-mme soit par le commandant adjoint ;

    Attendu quaprs le dpart de Mme X, le dsordre administratif constat par son remplaant a conduit diligenter une enqute administrative ; que, selon les premiers rsultats de cette enqute, 484 chques, dun montant total de 27 373 , dont 341 au titre des annes 2006 et 2007, dun montant total de 18 662 , nauraient pas t remis au comptable public pour encaissement ;

    Attendu que selon les archives dsordonnes du commissariat du Port, 17 chques en paiement damendes en 2003, 42 en 2004 puis 75 en 2005, nauraient pas t remis au comptable public pour encaissement et auraient t ainsi atteints par la prescription ; que, le cas chant, les dysfonctionnements en matire de remise des chques au comptable public pour encaissement auraient t antrieurs la prise de fonctions de Mme X en mars 2004 ; que ces constats nont pas t confirms par les rsultats dfinitifs de lenqute administrative qui a port essentiellement sur les annes 2006 et 2007 ;

    Attendu quen 2006, sur un total de 299 chques reus en paiement damendes, 83 ont t remis au comptable public pour encaissement et 216 ne lont pas t ; quen 2007, sur un total de 268 chques reus en paiement damendes, 227 ont t remis lencaissement, dont la totalit de ceux reus entre mars et dcembre, et 41 ne lont pas t ;

    Attendu que lors de la remise en ordre du bureau des contraventions dbut 2008, les 216 chques mis en 2006 et les 41 chques mis en 2007 prcits taient prescrits ; que les autres chques mis en 2007, indment conservs au bureau des contraventions , mais qui ntaient pas encore prescrits, ont t remis au comptable public ;

    Attendu que ce nest que le 22 dcembre 2008 que le directeur dpartemental de la scurit publique de La Runion, visant la note de rappel du 19 juillet 2006 du directeur central de la scurit publique susvise, a annonc aux chefs des quatre circonscriptions de scurit publique du dpartement la cration de rgies de recettes pour encaisser le produit des amendes et les consignations ; que la rgie de recettes pour le commissariat du Port a t cre par arrt prfectoral du 29 septembre 2009 ;

    Sur la qualification juridique des faits

    Attendu que selon le XI de larticle 60 de la loi de 1963 susvise Toute personne qui, sans avoir la qualit de comptable public ou sans agir sous contrle et pour le compte dun comptable public, singre dans le recouvrement de recettes affectes ou destines un organisme public dot dun poste comptable ou dpendant dun tel poste doit, nonobstant les poursuites qui pourraient tre engages devant les juridictions rpressives, rendre compte au juge financier de lemploi des fonds ou valeurs quelle a irrgulirement dtenus ou manis ;

    Attendu quil est tabli que, comme son prdcesseur et comme son successeur, Mme X qui navait pas la qualit de comptable public et nagissait pas directement sous le contrle et pour le compte dun comptable public ou dun rgisseur, sest immisce, comme sa hirarchie le lui avait dailleurs demand, dans le recouvrement de recettes destines lEtat ; que selon les pratiques en vigueur au commissariat du Port, les chques en paiement damendes taient remis au comptable public pour encaissement dans un dlai denviron un

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    mois ; quen 2006 puis en 2007, Mme X a conserv par devers elle des moyens de paiement dont elle aurait d prparer la remise au comptable public par son suprieur hirarchique dans ce dlai ; quainsi elle a commis une faute professionnelle ;

    Attendu toutefois que ces moyens de paiement nont jamais t encaisss ; quils nont donc pas t employs ; quau demeurant, un an et huit jours aprs lmission des chques en cause, ils avaient perdu toute valeur, le recouvrement des amendes ainsi impayes devant alors emprunter dautres voies ;

    Attendu quil appartient principalement au juge des comptes, saisi par le ministre public en application du III de larticle L142-1 du code des juridictions financires, de sassurer que les personnes qui se sont immisces dans la dtention des deniers publics, sous quelque forme que ce soit, se sont vid les mains des sommes indment dtenues ou manies et de leur demander den rendre compte ;

    Attendu quau moment o la Cour a t saisie, par un premier rquisitoire, soit le 16 fvrier 2009, les chques que Mme X avait indment conservs trop longtemps, jusqu son dpart en cong de maladie en janvier 2008, taient prescrits ; que ds lors, elle navait plus en main que des chques sans valeur ; quelle ne dtenait plus aucune somme dont elle aurait pu se vider les mains ;

    Attendu que, comme susdit, les recettes dans le recouvrement desquelles Mme X sest immisce nont pas t employes ; quainsi son immixtion irrgulire dans le recouvrement de recettes publiques ne la pas conduite manier des deniers publics, mais seulement dtenir irrgulirement des moyens de paiement destins au Trsor public qui ont fini par perdre toute valeur ;

    Attendu quenfin la poursuite de Mme X devant les instances disciplinaires a conduit la sanctionner par une rtrogradation ;

    Attendu que, dans ces conditions, il ny a pas lieu de dclarer Mme X comptable de fait de deniers de lEtat ;

    Par ces motifs,

    DECIDE :

    Article unique - Il ny a pas lieu dclarer une gestion de fait de deniers de lEtat raison des faits concernant la circonscription de scurit publique du Port relevs dans les rquisitoires n 2009-16 RQ-GF du 16 fvrier 2009 et 2010-19 RQ-GF du 22 mars 2010 du Procureur gnral prs la Cour des comptes.

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    Fait et jug en la Cour des comptes, quatrime chambre, premire section. Prsents, MM. Jean-Philippe VACHIA, prsident, Grard GANSER, prsident de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, prsidente de chambre maintenue en activit, MM. Jean-Pierre

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    LAFAURE, Jean-Yves BERTUCCI, Roch-Olivier MAISTRE, Mme Hlne GADRIOT-RENARD, conseillers matres.

    En prsence de Mme Marie-Hlne PARIS-VARIN, greffire de sance.

    Sign : Jean-Philippe Vachia, prsident, et Marie-Hlne Paris-Varin, greffire de sance. Collationn, certifi conforme la minute tant au greffe de la Cour des comptes. Dlivr par moi, secrtaire gnral

    Pour le secrtaire gnral et par dlgation,

    le chef du greffe contentieux

    Daniel Frez

    Conformment aux dispositions de larticle R. 142-16 du code des juridictions financires, les arrts prononcs par la Cour des comptes peuvent faire lobjet dun pourvoi en cassation prsent, sous peine dirrecevabilit, par le ministre dun avocat au Conseil dEtat dans le dlai de deux mois compter de la notification de lacte. La rvision dun arrt ou dune ordonnance peut tre demande aprs expiration des dlais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prvues par larticle R. 142-15-I du mme code.

    Arrt n 71750Rapport n 2014-552-0