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Rapport d’observations définitives Etablissement public de santé mentale (EPSM) de Caen (Calvados) Exercices 2010 et suivants Observations délibérées le 27 mai 2016

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Rapport d’observations définitives

Etablissement public de santé mentale (EPSM) de Caen

(Calvados)

Exercices 2010 et suivants

Observations délibérées le 27 mai 2016

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SOMMAIRE

SYNTHÈSE ........................................................................................................................... 1

OBLIGATIONS DE FAIRE .............................. ...................................................................... 2

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS ....................... ......................................................... 2

I - RAPPEL DE LA PROCÉDURE ............................ .......................................................... 2

II - PRÉSENTATION DE L’ÉTABLISSEMENT ................... ................................................. 3

III - DIAGNOSTIC COMPTABLE ET FINANCIER ................. ............................................... 4

A - Une fiabilité des comptes en progrès .............. ....................................................................... 4

1 - Les principes de sincérité et de régularité .............................................................................................. 4

2 - Principe de prudence et constitution des provisions ............................................................................... 5

3 - La sincérité et la fiabilité des prévisions budgétaires .............................................................................. 7

B - Une situation financière délicate ................. ............................................................................ 7

1 - Une situation financière qui se dégrade.................................................................................................. 8

2 - Les éléments bilanciels confirment la disparition des marges de manœuvre ....................................... 10

IV - LES MARGES D’EFFICIENCE ........................... ..........................................................14

A - Un plan de modernisation en devenir ............... .................................................................... 14

1 - Contexte et contenu du plan ................................................................................................................. 14

2 - Points de vigilance ................................................................................................................................ 15

B - Un redressement possible par l’amélioration de la g ouvernance et du système d’information ..................................... ...................................................................................... 16

1 - Un redressement possible .................................................................................................................... 16

2 - Du dialogue social au dialogue de gestion ........................................................................................... 18

3 - Le système d’information ...................................................................................................................... 19

V - LES ACTES DE GESTION .............................. .............................................................21

A - Une réponse partielle aux besoins de la population ........................................................... 21

1 - Un projet médical qui se fait attendre ................................................................................................... 21

2 - Un découpage des secteurs adultes peu lisible et obsolète ................................................................. 23

3 - Un virage ambulatoire partiel ................................................................................................................ 24

4 - Une gestion du patrimoine immobilier non corrélée à une évolution des prises en charge .................. 26

5 - Une nouvelle opportunité autour du projet d’établissement et du groupement hospitalier de territoire 27

B - Les autres actes de gestion examinés .............. .................................................................... 28

1 - Quelques réussites ............................................................................................................................... 28

2 - Une gestion associative à encadrer ...................................................................................................... 30

ANNEXES ............................................................................................................................33

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Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Normandie sur la gestion de l’établissement public de santé mentale (EPSM) de Caen

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SYNTHÈSE

La communauté du Bon sauveur a été fondée en 1723 par une caennaise, Anne

Le Roy. Les patients souffrant de maladie mentale y sont accueillis depuis 1737. En 1975, la congrégation a cédé au département la gestion de l’établissement qui devient un établissement public départemental. Aujourd’hui, organisé en 12 pôles et huit secteurs, il prend en charge près de 12 000 patients sur son site principal de 13 hectares, situé au centre de Caen, et dans les 55 sites1 qui couvrent une grande partie du département du Calvados. D’une capacité de 356 lits et 193 places, il emploie 55 médecins en équivalent temps plein et 1 157 agents non médicaux.

La situation financière atypique constituée par une trésorerie pléthorique, une

absence de politique d’investissement et des capitaux permanents très élevés, constatée par un rapport de la chambre en 1997, a perduré jusqu’en 2010. Les investissements réalisés à partir de 2005 et, surtout, la construction de l’Odyssée, achevée en 2012, ont d’autant plus dégradé structurellement la situation financière qu’ils n’ont pas été accompagnés par une maîtrise des dépenses de personnel. Après avoir atteint 3 % des produits en 2013, ce déficit structurel a été légèrement réduit à hauteur de 2,7 % des recettes en 2014. La trésorerie de l’établissement est très tendue.

Pour financer ses investissements, l’EPSM de Caen a opéré d’importants

prélèvements sur le fonds de roulement depuis 2010, tout en doublant le volume de sa dette : il n’a plus aujourd’hui de marges de manœuvre financières comme le confirment la faiblesse de sa capacité d’autofinancement et le rejet de son plan global de financement pluriannuel par l’Agence régionale de santé. Un retour à une trajectoire financière crédible s’impose.

Le plan de modernisation, négocié en 2014, pourrait répondre à la demande de

l’Agence régionale de santé de rééquilibrer les comptes d’ici 2017, tout en redonnant une marge de manœuvre financière afin d’investir dans un patrimoine immobilier, en partie obsolète. La réussite de ce plan suppose toutefois sa mise en œuvre opérationnelle : à ce jour, peu de mesures sont en place.

En l’absence de projet médical depuis plus de dix ans, l’EPSM de Caen ne répond

que partiellement aux besoins de la population qu’il dessert. Réduction du capacitaire, redécoupage des secteurs et virage ambulatoire avec un redéploiement de moyens vers l’extrahospitalier et les projets intersectoriels sont des préalables à la mise en œuvre du schéma directeur immobilier.

L’EPSM de Caen sait pourtant se montrer exemplaire chaque fois qu’il sort de ses

murs et qu’il dépasse l’organisation en secteur, comme l’ont illustré la création de la « banque des patients », les partenariats autour de la maison des adolescents et la coopération avec le juge des libertés dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011 tout comme la création d’un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) qui a permis le transfert de 20 patients hospitalisés au long court.

En préconisant l’élaboration de projets territoriaux de santé mentale et la

constitution de groupements hospitaliers de territoire, la loi de modernisation du système de santé, publiée au journal officiel le 27 janvier 2016, devrait permettre à l’EPSM de s’inscrire dans l’offre régionale de santé et de sortir du modèle de l’hôpital psychiatrique départemental.

1 Ces données sont issues du dernier rapport d’activité transmis à la chambre, le rapport d’activité 2013.

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OBLIGATIONS DE FAIRE

1. Appliquer les règles de facturation du ticket modérateur et du supplément chambre particulière.

2. Appliquer les règles de décompte du temps de travail (suppression de la journée de congé supplémentaire non prévue par la réglementation et du décompte du temps de repas comme temps de travail, pour les agents n’ayant pas l’obligation d’être joint à tout moment) et les règles en matière d’avancement (suppression de la durée intermédiaire).

3. Mettre en œuvre la procédure prévue par l’article L. 6143-7-52 du code de la santé publique (CSP) afin de reconstituer un Directoire.

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

4. Elaborer un plan pluriannuel d’entretien à partir d’un audit technique des installations et adapter le montant de la provision au compte 157 en conséquence.

5. Redéfinir le découpage des pôles cliniques à partir du projet médical et sur la base d’une taille critique, permettant une délégation de gestion opérationnelle.

6. Adopter, au plus tard en juillet 2016, un projet médical opérationnel et suivre le calendrier de la mise en œuvre du plan d’actions associé.

7. Valoriser précisément tous les moyens mis à disposition des associations et publier la liste des subventions versées aux associations.

8. Réexaminer les conventions passées avec ces associations afin de respecter la démarche thérapeutique prévue à l’article L. 3221-2 du CSP et de prévenir les risques juridiques, financiers et de responsabilité des acteurs.

I - RAPPEL DE LA PROCÉDURE

La chambre a inscrit à son programme l'examen de la gestion de l’établissement public de santé mentale (EPSM) de Caen, à partir de l'année 2010. Par lettres en date du 13 mai 2015 et du 9 novembre 2015, le président de la chambre en a informé M. Blandel, directeur, ainsi que M. Perrier, ordonnateur du 13 février au 17 septembre 2012. Les entretiens de fin de contrôle ont eu lieu les 13 octobre et 18 novembre 2015 entre M. Blandel d'une part, et M. Perrier, d'autre part, et le rapporteur.

Lors de sa séance du 15 janvier 2016, la chambre a arrêté ses observations

provisoires portant sur les années 2010 et suivantes. Celles-ci ont été transmises dans leur intégralité à l’ordonnateur, à l’ancien ordonnateur, à la présidente du conseil de surveillance et à la directrice générale de l’agence régionale de santé (ARS) de Normandie, le 16 février 2016. Des extraits de ce rapport ont été transmis aux tiers susceptibles d’être mis en cause.

Dans un courrier daté du 25 mars 2016, enregistré au greffe le 1er avril 2016, l’ordonnateur a transmis sa réponse. L’ancien ordonnateur a fait savoir, par un courrier enregistré au greffe le 7 avril 2016, que ce rapport n’appelait pas de réponse de sa part. Dans un courrier daté du 11 avril 2016, reçu le 27 avril 2016, la directrice générale de l’ARS de Normandie a fait part de ses observations. Pour leur part, les tiers susceptibles d’être mis en cause n’ont pas répondu.

2 Article L. 6143-7-5 du CSP, article D. 6143-35-1 à D. 6143-35-4 du CSP - Instruction n° DHOS/E1/2010/ 75 du 25 février 2010 relative à la mise en place des directoires des établissements publics de santé.

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Après avoir entendu le rapporteur et pris connaissance des conclusions du

procureur financier, la chambre a arrêté, le 27 mai 2016, le présent rapport d'observations définitives.

Le rapport a été communiqué au directeur en fonctions et à son prédécesseur le 8

juillet 2016. Ce rapport, auquel sont jointes les réponses de M. Jean-Yves Blandel et de M. Michel Perrier, enregistrées au greffe de la chambre respectivement les 19 juillet et 4 août 2016, qui engage leur seule responsabilité, devra être communiqué par le directeur en fonctions à son assemblée délibérante lors de la plus proche réunion suivant sa réception. Il fera l'objet d'une inscription à l'ordre du jour, sera joint à la convocation adressée à chacun de ses membres et donnera lieu à un débat.

De plus, l’article R.241-18 du code des juridictions financières dispose qu’ « à

réception du rapport d’observations définitives, la collectivité ou l’établissement public concerné fait connaître à la chambre régionale des comptes la date de la plus proche réunion de l’assemblée délibérante ou de l’organe collégial de décision et communique, en temps utile, copie de son ordre du jour. »

Ce rapport sera communicable dans les conditions prévues au livre III du code des

relations entre le public et l’administration.

II - PRÉSENTATION DE L’ÉTABLISSEMENT

La communauté du Bon sauveur a été fondée en 1723 par une caennaise, Anne Le Roy. Les religieuses y prenaient en charge les malades indigents. Les patients souffrant de maladie mentale y sont accueillis depuis 1737. Dès 1805, la communauté s’est installée sur le site actuel de l’EPSM. En 1975, la congrégation a cédé au département la gestion de l’établissement qui devient un établissement public départemental. En 2012, le centre hospitalier spécialisé (CHS) de Caen devient l’établissement public de santé mentale (EPSM). Aujourd’hui, il prend en charge près de 12 000 patients par an.

L’EPSM est organisé autour de douze pôles d’activité3 : six pôles de psychiatrie générale (Caen Est, Caen Sud, Caen Ouest, Lisieux, Côte Fleurie, Caen Plaine), un pôle psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent qui comprend deux secteurs (Caen Falaise et Lisieux Pays d’Auge), un pôle de psychiatrie pénitentiaire et d’addictologie, un pôle médicotechnique (pharmacie-médecine-biologie-odontologie), un pôle de l’information médicale, un pôle prestations et un pôle gestion.

Le site principal est situé en centre de Caen, quartier Saint-Ouen, et est organisé

en structures pavillonnaires de 15 bâtiments, répartis sur 13 hectares. Au 1er janvier 2013, l’établissement gérait 55 sites répartis sur le département du Calvados. Il développait l’ensemble des prises en charge psychiatriques : hospitalisation complète, hospitalisation à temps partiel (hospitalisation de jour avec 12 places et hospitalisation de nuit), activité de consultation et diagnostic (23 centres médico-psychologiques), activité de centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (20 centres d’accueil thérapeutique à temps partiel). Globalement, cela représentait une capacité de 356 lits et 193 places installées.

En 2015, le compte financier présente un budget principal et cinq budgets annexes : un institut de formation d’aides-soignantes (IFAS), une maison d’accueil spécialisée (MAS), un centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) et un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (CAARUD).

3 Cf. délibération du conseil d’administration n° 05 /07 du 4 mai 2007 et n° 02/08 du 7 mars 2008 relati ves à l’organisation en pôles d’activité de l’établissement.

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III - DIAGNOSTIC COMPTABLE ET FINANCIER

A - Une fiabilité des comptes en progrès

La qualité et la fiabilité des comptes, comme l’amélioration des processus de

contrôle interne, sont essentielles pour pouvoir s’assurer des perspectives financières des établissements publics de santé, à un moment où leur gestion est plus contrainte.

Bien que non soumis à l’obligation de certification des comptes prévue par l’article L. 6145-16 du code de la santé publique (CSP), l’EPSM de Caen a mené, sur la période de contrôle, des opérations de fiabilisation des comptes en lien avec le comptable public, notamment sur les provisions et les amortissements.

Le rattachement des charges à payer, le rattachement des produits à l’exercice et les recettes à classer ou à régulariser n’appellent pas d’observations. Le niveau élevé des reports de charges sur l’exercice 2013 a pu être justifié par l’ordonnateur dans le cadre de la gestion des crédits et des moyens destinés à la maison des adolescents.

A contrario, le contrôle a identifié des marges de progrès sur l’inventaire et la comptabilisation des stocks, le provisionnement des créances à risque, le provisionnement des immobilisations et sur les prévisions budgétaires.

1 - Les principes de sincérité et de régularité

a - L’inventaire et sa concordance avec l’état de l’actif

Un inventaire sur les biens immobiliers a été réalisé. La correspondance entre les biens physiques et les actifs constatés en comptabilité a été étudiée sur l’exercice 2013. L’inventaire sur les terrains reste à venir. Deux fiches d’immobilisations ont été régularisées sur cet exercice. Un ajustement régulier des biens a été mis en place entre le service informatique et le service financier afin d’ajuster l’état comptable à l’inventaire physique.

Malgré ces démarches, il demeure à l’inventaire des biens inscrits au bilan, alors qu’ils sont totalement amortis et hors service. La fiabilisation des comptes implique de sortir de l’inventaire les biens non utilisés qui pèsent sur le taux de vétusté, évalué à 87,5 %. Ce taux est très proche du décile le plus élevé du tableau de bord financier des centres hospitaliers spécialisés en psychiatrie.

*

En conclusion, la chambre invite l’EPSM à poursuivre ses travaux de fiabilisation de l’état de l’actif.

b - Une erreur d’écriture corrigée sur la comptabilisation des stocks en 2012

A la suite d’une valorisation erronée des sorties de stocks en 2012, le montant arrêté au 31 décembre 2012 dans le compte financier est surévalué de 423 976 euros (€). Afin de corriger cet écart et d’assurer une image fidèle des comptes, une provision pour charge d’un même montant a été constituée. Cette provision a été reprise en 2013 pour contrebalancer la variation induite par la régularisation du stock au cours de cet exercice.

Bien que conformes au principe d’image fidèle, ces écritures doivent être retraitées dans le cadre de l’analyse de la formation du résultat sur la période.

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c - Des changements opportuns sur les durées d’amortissement des bâtiments

L’instruction comptable M21 prévoit que les durées d’amortissement sont fixées par l’ordonnateur en fonction du rythme de consommation du potentiel de service de l’actif. Pour les bâtiments, il est prévu une fourchette de durée d’amortissement comprise entre 20 et 30 ans, dans la version 2014 de la M21.

En 2011, sur la base d’une décision du directeur, datée du 28 juin 2011, et d’une ancienne version de la M21, la durée d’amortissement des bâtiments a été fixée à 50 ans à compter du 1er juillet 2011. En conséquence, le principal investissement sur la période de contrôle, le bâtiment de l’Odyssée, d’un coût de 11 millions d’euros (M€), est amorti sur 50 ans.

Une nouvelle décision du directeur est entrée en vigueur le 7 janvier 2014 afin de fixer à 30 ans la durée d’amortissement des bâtiments.

Cette variabilité dans le temps des durées d’amortissement, pour des biens ayant

le même usage, pose un problème de cohérence eu égard au principe de permanence des méthodes, même si cette décision n’a pas eu d’effet réel à ce jour.

2 - Principe de prudence et constitution des provisions

Dans le cadre de la fiabilisation des comptes, l’établissement a procédé, dès 2013, à une régularisation de ses provisions, portée par la décision n° 10/2014 du directeur. L’ajustement s’est poursuivi en 2014, notamment sur la provision pour les comptes épargne temps.

a - Les provisions réglementées

Selon l’instruction comptable M21, qui reprend la définition du plan comptable général (PCG), « les provisions réglementées sont des provisions qui ne correspondent pas à l’objet normal d’une provision. Elles sont comptabilisées en application des dispositions législatives et réglementaires. Elles peuvent, par dérogation aux règles du plan comptable général, avoir le caractère de réserves budgétaires. »

Les provisions pour propre assureur (compte 144) visent uniquement à couvrir des risques liés à l’activité hospitalière pour lesquels les établissements souhaitent en assurer directement la charge. Le compte de provision réglementée pour propre assureur est donc réservé uniquement à la comptabilisation des sommes provisionnées par un établissement disposant d’une dérogation à l’obligation d’assurance, ce qui n’est pas le cas de l’EPSM. Ce compte a cessé d’être alimenté depuis l’exercice 2013 et a fait l’objet d’une reprise de 243 392 €, conformément à la règlementation en vigueur.

De la même manière, et conformément à l’avenant n° 1 au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) signé le 27 juin 2006, l’EPSM a provisionné une aide en fonctionnement de 384 362 €, pour une durée maximale de 20 ans, destinée à couvrir 45 % des surcoûts de l’opération de construction de trois unités de 30 lits, dénommée Odyssée. Cette convention ne définit pas les modalités de reprise de cette provision. L’EPSM a fourni un tableau reproduit en annexe 1, détaillant l’échelonnement de cette reprise sur provisions sur les exercices 2010 à 2014, en fonction de la montée en charge des surcoûts financiers liés à cette opération.

Si cette méthode de reprise est conforme à la convention de 2006, elle revient à concentrer, sur les exercices 2012 et 2013, une bonne partie de cette aide, alors que les surcoûts de l’opération sont échelonnés sur 15 ans. Cette méthode a eu pour effet d’améliorer la présentation financière du résultat sur les exercices 2012 et 2013.

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b - Les provisions pour risques et charges

Les établissements doivent constituer des provisions suffisantes pour couvrir les

charges afférentes aux jours épargnés sur les comptes épargne temps (CET) par l’ensemble des personnels. Seuls les jours maintenus sur le CET à la clôture de l’exercice donnent lieu à la constitution d’une provision4.

Cette provision était sous-évaluée : la provision d’un montant de 1 038 481 €, réalisée sur l’exercice 2014, à partir des compteurs des agents arrêtés au 15 janvier 2015, est supérieure aux droits créés en 2014. Cette mise à jour des CET a pesé à hauteur de 619 000 € sur le résultat de l’exercice 20145.

La provision pour charges à répartir sur plusieurs exercices (compte 157) est destinée à enregistrer des dépenses de gros entretien, c’est-à-dire à couvrir des charges d’exploitation importantes ayant pour seul objet de vérifier le bon état de fonctionnement des installations et d’y apporter un entretien, sans prolonger leur durée de vie au-delà de celle prévue initialement. Elle doit être justifiée par un plan pluriannuel d’entretien. Si aucune provision n’a été constatée, les dépenses d’entretien doivent être comptabilisées, dès l’origine, comme un composant distinct de l’immobilisation.

Le précédent contrôle de la chambre, daté de 1997, avait estimé que la provision présente sur ce compte était anormalement élevée. En 2013, dans le cadre de la fiabilisation des comptes, l’EPSM a corrigé le compte 157 en reprenant 578 167,99 €. Si, formellement, cette reprise est parfaitement justifiée, puisque l’EPSM n’a pas de plan pluriannuel d’entretien, la chambre constate toutefois que l’établissement a dû récemment effectuer un prélèvement sur fonds de roulement pour réaliser en urgence des travaux destinés à maintenir le réseau d’eau en état de fonctionnement. Ce prélèvement n’a été possible que grâce au versement anticipé, par l’ARS, de crédits destinés aux travaux de sécurité incendie du bâtiment Jamet.

*

La chambre recommande à l’EPSM d’élaborer un plan pluriannuel d’entretien à partir d’un audit technique de ses installations et d’adapter le montant de la provision du compte 157 en conséquence. Le recrutement récent d’un ingénieur travaux aurait permis à l’EPSM de s’engager dans cette voie comme le précise l’ordonnateur.

c - Les provisions pour dépréciation

La provision pour dépréciation des comptes de tiers (compte 491) est ajustée sur la base du niveau des restes à recouvrer au 31 décembre N-1, constatés au 31 décembre de l’année N, depuis l’exercice 2014. Le niveau de provision, arrêté au 31 décembre 2013, correspondait au niveau des restes à recouvrer fin 2011, constatés au 31 décembre 2012.

L’amélioration du recouvrement sur la période a permis une baisse de cette provision :

Cette méthode d’évaluation de la dépréciation des comptes de tiers respecte le principe de prudence. Elle n’est pas exclusive d’une véritable analyse du risque de non recouvrement des créances.

4 Cf. décret n° 2012-1366 du 6 décembre 2012 et arrê té du 17 avril 2014. 5 Cf. charge au chapitre 68.

2010 2011 2012 2013 2014

491 dépréciation 457 981,77 € 457 981,77 € 435 385,28 € 343 770,36 € 249 136,51 €

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3 - La sincérité et la fiabilité des prévisions budgétaires

a - Les dépenses de fonctionnement

Sur la période, de très faibles écarts entre les prévisions de l’état prévisionnel des

recettes et des dépenses (EPRD) et les réalisations sont constatés, lors de l’élaboration du compte financier, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

Source : rapport de gestion 2010 à 2014 b - Le plan global de financement pluriannuel (PGFP)

Le PGFP6, présenté en 2011 par l’EPSM de Caen, avait fait l’objet d’une réserve

de l’agence régionale de santé (ARS), en raison de la sous-évaluation des dépenses de personnel. L’analyse rétrospective des PGFP 2011 et 2012 montre une sous-évaluation des dépenses de personnel et des charges financières. Les PGFP initiaux de 2013 et de 2014 ont été rejetés par l’ARS en raison de la faiblesse de la capacité d’autofinancement, des projets d’investissement nécessitant des études complémentaires et d’un plan de financement ne reposant pas sur l’endettement dans un contexte d’accès restreint des établissements de santé au crédit bancaire.

Le plan de financement pluriannuel 2015-2020 a été rejeté par l’ARS qui conteste les hypothèses7 du plan de financement du plan pluriannuel d’investissement d’un montant de 32 M€. Bien que moins ambitieux, le PGFP, déposé le 13 octobre 2015, a également été rejeté : l’ARS n’a pas souhaité approuver ce deuxième plan, faute d’une vision exhaustive des investissements nécessaires à l’établissement et d’une articulation entre les investissements, le schéma directeur immobilier et le projet médical.

Les hypothèses formulées par l’ordonnateur pour réaliser ces PGFP 2015 sont fragiles. Elles supposent un effet plein et immédiat des mesures d’économie prévues par le plan de modernisation, alors que peu de mesures de ce plan ont été mises en œuvre en 2015. Les cessions d’actifs et la possibilité de recourir à l’endettement sont théoriques. Seules les dépenses d’investissement pourraient s’avérer rapidement certaines.

*

En synthèse, il apparaît que la fiabilité des comptes a progressé sur la période de contrôle, même si l’inventaire, le provisionnement des charges à répartir sur plusieurs exercices et la sincérité des hypothèses du plan global de financement pluriannuel peuvent être améliorés.

B - Une situation financière délicate

Le précédent rapport d’observations définitives de la chambre a été notifié à l’ordonnateur le 26 mars 1997. Il avait relevé une situation financière atypique constituée par une trésorerie pléthorique, une absence de politique d’investissement et des capitaux permanents extrêmement élevés, ainsi que des provisions pour risques et charges considérables. Le rapport de gestion du comptable sur l’exercice 2010 montrait que cette situation financière très confortable était encore observable jusqu’à l’exercice 2006 et qu’elle demeurait favorable jusqu’à l’exercice 2010.

6 D’après l’article R. 6145-65 du CSP, le PGFP de l’établissement, fixé par le directeur, définit les orientations pluriannuelles des finances de l’établissement, à partir des opérations mentionnées au programme d’investissement. 7 Ce PGFP prévoit un retour à l’équilibre dès 2017, avec un excédent en 2018, 8 M€ de ventes d’actifs et des emprunts à hauteur de 23 M€.

2010 2011 2012 2013 2014

charges -0,26% 1,09% 1,22% 0,90% 0,41%

recettes 0,84% 1,13% 0,88% 0,34% 0,34%

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1 - Une situation financière qui se dégrade

a - Un déficit structurel croissant de 2010 à 2014

Sur la période examinée, il est constaté une dégradation de la situation financière

de l’EPSM. L’écart entre les charges et les produits se creuse, comme le montre le tableau suivant :

Source : rapports de gestion 2010 -2014 – tous budgets confondus

Ce déficit structurel trouve son origine dans l’accroissement des charges liées aux

investissements. Les charges financières ont doublé depuis 2010. Les dotations aux immobilisations corporelles ont augmenté de 432 488 € sur la période :

Sur la période de contrôle, les dépenses de personnel augmentent de 5 %, avec une forte progression en 2012 et 2013, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

Source : données issues des comptes financiers 2010 à 2014

La construction de l’Odyssée s’est traduite par un surcoût structurel de

400 000 € par an, à la charge de l’EPSM, sur une période de 15 ans, comme l’illustre le tableau de l’annexe 1. Cet investissement n’a pas été accompagné des réorganisations qui auraient permis de mieux maîtriser les dépenses de personnel en compensant les surcoûts induits par ce bâtiment. D’ailleurs, la convention avec l’ARS, datée du 27 juin 2006, ne prévoyait pas d’économies et ne finançait que la moitié des surcoûts.

Le tableau ci-dessous montre une augmentation du nombre de personnels

titulaires en 2012 et des contrats à durée déterminée en 2013. En définitive, 21,7 équivalents temps plein (ETP) ont été créés. Les postes de titulaires ont augmenté de 23,6 ETP :

La chambre constate un déficit structurel croissant de 2010 à 2014, sur le budget principal, en grande partie lié à des investissements et à une absence de maîtrise des dépenses de personnel jusqu’à l’exercice 2014. D’après l’ordonnateur, le déficit de l’exercice 2015, tel qu’il ressort du résultat infra-annuel n° 3, diminuerait.

b - Une amplification de ce déficit du fait de la stagnation des recettes.

Les recettes ne compensent pas cette augmentation. L’EPSM est financé par une dotation annuelle de financement (DAF), dont la progression est fixée par l’autorité de tutelle, sur la base d’un taux directeur et de la prise en compte de mesures nouvelles. Sur la période, le taux d’évolution de la DAF est en baisse, en raison des politiques nationale et régionale de maîtrise des dépenses de santé.

2010 2011 2012 2013 2014tx évolution

2010/2014

charges 68 232 178 € 69 141 699 € 70 339 711 € 73 124 373 € 72 479 366 € 6,22%

produits 68 122 893 € 69 166 449 € 70 086 143 € 71 163 778 € 70 445 211 € 3,41%

Résultat 109 285 €- 24 750 € 253 568 €- 1 960 596 €- 2 034 155 €-

2010 2011 2012 2013 2014 2010 -2014compte 661 1 Intérêts et dette 314 315 € 565 387 € 718 868 € 683 228 € 634 010 € 319 695 € 68112 immobilisations corporelles 1 685 235 € 1 758 662 € 1 821 889 € 2 073 627 € 2 117 723 € 432 488 €

personnels non médicaux en ETPR 2011 2012 2013 2014 écart

en CDI 18,95 18,23 18,50 15,53 3,42 -

en CDD 111,31 96,76 111,22 112,80 1,49

les titulaires 1 026,54 1 048,89 1 053,94 1 050,23 23,69

TOTAL 1 156,80 1 163,88 1 183,66 1 178,56 21,76

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9

Globalement, sur la période 2010-2014, malgré une relative progression des recettes, les charges progressent plus rapidement créant un « effet ciseau ».

Source : comptes de gestion 2010 à 2014, données financières toutes activités confondues.

Ce constat, lié à la stagnation des recettes, dans le cadre de la politique nationale

et régionale de maîtrise des dépenses de santé, a amplifié le déficit structurel de l’établissement. Ce contexte national, cumulé aux causes structurelles du déficit de l’EPSM de Caen, rend nécessaire l’adoption d’un plan d’économies.

c - La dégradation des résultats des budgets annexes a amplifié ce déficit

La dégradation, essentiellement imputable au budget principal, a été accentuée, depuis 2012, par des déficits croissants des budgets annexes :

Source : CG 2010 à 2014

Cette détérioration des budgets annexes impose une réflexion : ils doivent être

votés à l’équilibre et ne peuvent pas être structurellement déséquilibrés.

d - Des mesures conjoncturelles ont retardé la prise de conscience du déficit structurel

La lecture des résultats du compte financier donne l’impression que la dégradation

financière porte sur l’exercice 2012 et, surtout, 2013, avant une stabilisation en 2014 :

2010 2011 % 2012 % 2013 % 2014 %Produits de l'activité 63 824 716 € 64 628 678 € 1,3% 65 118 186 € 0,8% 65 607 900 € 0,8% 66 085 704 € 0,7%

Toutes activités confondues, comptes financiers 2010 à 2014.

2010 2011 2012 2013 2014

C école IFAS 60 696 € 6 829 € -28 674 € -12 868 € -6 186 €

P1 MAS boulon 876 € -7 578 € 22 374 € -6 865 € -198 677 €

P3 CSAPA 107 € -13 641 € 95 153 € 19 798 € 40 755 €

P4 SAMSAH 7 074 € 49 974 € 12 177 € -89 710 € -57 149 €

P5 CAARUD -41 511 € 10 993 €

CF 2010 CF 2011 CF 2012 CF 2013 CF 2014

résultats CF -178 037,00 € -10 834,00 € -354 598,00 € -1 829 439,00 € -1 823 891,00 €

Evolution en valeur 167 204,00 € -343 765,00 € -1 474 841,00 € 5 548,00 €

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Afin d’analyser précisément les facteurs d’évolution sur la période 2010-2014, la

chambre a demandé à l’ordonnateur :

- de corriger le compte financier de N-1 des crédits accordés en N, déductions faites des crédits non reconductibles N-1, afin de neutraliser les effets non pérennes ;

- de neutraliser les opérations exceptionnelles liées aux cessions d’immobilisation, au mandatement en 2010 et à l’annulation en 2012 de l’assurance dommage ouvrage et aux erreurs d’écriture sur les sorties de stocks.

En utilisant cette méthodologie, détaillée en annexe 2.1, la dégradation du résultat

du compte financier est étalée sur l’ensemble de la période :

Ces retraitements permettent d’analyser l’évolution des charges et produits par titre, à partir du tableau de synthèse présenté en annexe 2.2. Ce tableau confirme que la dégradation financière est essentiellement due aux fortes progressions des charges de personnel en 2012 et 2013, et à l’augmentation structurelle des charges financières, avec un effet plein en 2014, en raison de l’épuisement de la provision de l’Odyssée. Ce document met en évidence de fortes variations annuelles des charges hôtelières liées aux variations des coûts de l’énergie et à l’incidence, limitée dans le temps, des mesures de contrôle budgétaire sur les dépenses d’entretien et de réparation. Il confirme un « effet ciseau » entre les charges et les produits, en 2012 et en 2013. A l’inverse, il montre une meilleure maîtrise des dépenses de personnel en 2014.

*

La chambre constate que la hausse structurelle des charges financières et la non maîtrise des dépenses de personnel jusqu’à la fin 2013 ont créé un déficit structurel, prévisible dès 2010. Pour autant, les premières mesures de maîtrise des dépenses ne sont intervenues qu’en 2013, après le changement d’ordonnateur.

2 - Les éléments bilanciels confirment la disparition des marges de manœuvre

a - Un fonds de roulement et une trésorerie qui ont disparu Sur la période, la chambre constate que le fonds de roulement d’investissement

est négatif, dès 2012. Le fonds de roulement d’exploitation reste positif mais subit une baisse très significative dès 2013. En conséquence, le fonds de roulement net global reste positif mais passe de presque 8 M€ à 1,4 M€ en 2014.

Le fonds de roulement net global a fortement chuté sur la période de contrôle. En

2014, le fonds de roulement net global n’est supérieur au besoin en fonds de roulement que de 364 557 €, ce qui se traduit par une très faible trésorerie :

CF 2010 CF 2011 CF 2012 CF 2013 CF 2014

résultats CF -89 061,00 € -110 169,00 € -802 400,00 € -1 931 970,00 € -1 826 186,00 €

Evolution en valeur -21 108,00 € -692 231,00 € -1 129 570,00 € 105 784,00 €

2010 2011 2012 2013 2014FRI 1 522 488 € 3 093 194 € -1 038 660 € -1 410 086 € - 61 858 €

FRE 6 410 650 € 6 533 176 € 6 236 499 € 3 047 744 € 1 462 546 €

FRNG 7 933 137 € 9 626 371 € 5 197 839 € 1 637 659 € 1 400 687 €

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En avril 2014, l’EPSM a souscrit une ligne de trésorerie auprès du Crédit Agricole, d’un montant d’1 M€, pour une durée d’un an (date de début de contrat : 7 mai 2014). En 2015, il a sollicité l’établissement bancaire pour le renouvellement de la ligne de trésorerie, qui a été refusé. Des démarches ont été entreprises auprès d’autres banques qui n’ont pas donné de suite favorable. La ligne de trésorerie n’a cependant pas été utilisée par l’établissement. D’une part, un travail a été effectué avec la trésorerie afin d’étaler les décaissements liés à la paie (paiement des cotisations URSSAF8, CNRACL9 et taxe sur les salaires réglées aux échéances maximales réglementaires). D’autre part, la subvention d’1 M€ attribuée par l’ARS en décembre 2014, pour la mise en conformité du bâtiment Jamet, a permis de faire face aux décaissements liés à la prime de service.

*

La situation financière, confortable jusqu’en 2010, a laissé place à une situation financière structurellement dégradée, marquée par des difficultés récurrentes de trésorerie. Cette situation appelle des mesures immédiates.

b - La hausse des charges financières et des dépenses de personnel absorbe

la valeur ajoutée

Le tableau ci-dessous illustre la dégradation structurelle de la situation financière de l’EPSM, à partir de l’évolution du taux de consommation de la valeur ajoutée10 :

Source : extrait du rapport du compte financier 2014

8 Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. 9 Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. 10 La valeur ajoutée est un solde intermédiaire de gestion issu de la comptabilité générale des entreprises. Elle représente ce que l’établissement produit, minoré de ce qu’il consomme en provenance de l’extérieur. Elle traduit la création de richesse dans l’établissement.

2010 2011 2012 2013 2014FRNG 7 933 137 € 9 626 371 € 5 197 839 € 1 637 659 € 1 400 687 € BFR 2 088 011 € 1 341 367 € 1 196 963 € 563 176 € 1 036 130 €

trésorerie 5 845 126 € 8 285 003 € 4 000 876 € 1 074 483 € 364 558 €

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La valeur ajoutée, qui régresse en 2013, ne finance plus l’intégralité des dotations

aux comptes d’amortissement et de provisions dès 2012, et des charges de personnel en 2013. Seules les opérations exceptionnelles permettent de limiter le déficit sur les quatre derniers exercices.

c - Une capacité d’autofinancement insuffisante

La capacité d’autofinancement (CAF) est en constant recul depuis 2010, avec un effondrement en 2013 :

Ainsi, la capacité d’autofinancement ne joue plus son rôle et ne permet plus d’assurer le remboursement de l’annuité en capital, depuis 2012, comme l’indique la capacité d’autofinancement nette :

L’inflexion du niveau de la capacité d’autofinancement, à compter de l’exercice 2011, s’explique, notamment, par l’emprunt qui a été mobilisé en trois phases, à hauteur de 15 M€, pour le financement de la construction du bâtiment Odyssée (coût des travaux : 13,5 M€ au 31 décembre 2011) : 5 M€ le 12 juin 2010, 3 M€ le 2 février 2011 et 7 M€ le 2 mai 2011.

*

Aujourd’hui, le cycle d’exploitation n’est plus financé. La chambre constate ainsi l’incapacité de l’EPSM à rembourser sa dette et à payer ses fournisseurs, s’il ne rétablit pas ses équilibres financiers rapidement.

d - Des investissements qui ne peuvent plus être financés

Le fonds de roulement est prélevé chaque année, depuis 2012 :

Il est à noter que la moindre ampleur du prélèvement, opéré en 2014, n’est que la conséquence du versement, par anticipation, de la subvention d’un montant d’1 M€, attribuée par l’ARS, pour financer les travaux de mise aux normes de sécurité du bâtiment Jamet. En l’absence de cet apport exceptionnel, l’établissement se serait retrouvé en rupture de paiement.

La dette double entre 2010 et 2011 du fait de l’opération immobilière du bâtiment l’Odyssée, puis se maintient à un niveau élevé. En examinant l’extinction de la dette, un pic de celle-ci est constaté en 2012, puis décroît très lentement. Sous la réserve de l’impact de nouveaux emprunts qui seraient contractés, une marge nette ne se dégagerait qu’à compter de l’exercice 2026 (cf. annexe 3).

2010 2011 2012 2013 2014CAF 2 245 326 € 1 714 637 € 1 531 853 € -1 234 493 € 547 224 €

2010 2011 2012 2013 2014CAF 2 245 326 € 1 714 637 € 1 531 853 € -1 234 493 € 547 224 €

Remboursement de la dette en capital 395 657 € 932 773 € 1 159 194 € 1 179 194 € 1 200 245 €

CAF nette 1 849 669 € 781 864 € 372 659 € 2 413 687 €- 653 021 €-

2011 2012 2013 2014Variation du fonds de

roulement1 693 233 € -4 428 532 € -3 560 180 € - 236 972 €

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Le service de la dette pèse de plus en plus sur le budget de l’établissement :

Source : données issues du compte financier et du rapport financier 2014

Le décret du 14 décembre 201111 fixe des conditions pour le recours à l’emprunt

des établissements publics de santé dont la situation financière est dégradée. Pour l’EPSM, la durée apparente de la dette excède les dix ans, même si l’indépendance financière reste en deçà des 50 % :

Source : données retraitées issues des comptes financiers 2010 à 2014

*

Eu égard au niveau de sa capacité d’autofinancement et à l’importance de son déficit, l’EPSM de Caen n’est plus en mesure de financer ses investissements, après avoir fortement prélevé son fonds de roulement et avoir doublé son endettement.

e - Le positionnement financier de l’EPSM dans un échantillon national

Le tableau de bord financier des établissements spécialisés en santé mentale présente les ratios suivants :

EPSM CAEN Médiane nationale

2010 2011 2012 2013 2014 2012 2013 Fonds de roulement net global en nombre de journées de charges courantes 44.79 53.21 28.50 8.58 7.4 44.18 45.08

Besoin en fonds de roulement en nombre de journées de charges courantes 11.78 7.41 6.56 2.94 5.5 6.68 9.8

Trésorerie en nombre de journées de charges courantes 33 45.8 21.94 5.63 1.9 34.42 32.5

Durée apparente de la dette en mois 57.47 138.72 146.19 -169.95 357.7 55.29 60.1 Indépendance financière 26.4 39.79 38.61 39.68 38.44 30.66 33.2 Taux de renouvellement des immobilisations

17.37 14.73 7.26 2.1 0.9 6.47 4.4

Taux de vétusté des équipements 84.23 85.04 83.52 84.57 87.5 79.90 80.5 Taux de capacité d’autofinancement 3.39 2.55 2.26 -1.81 0.8 4.70 4.4 Taux de marge brute 3.71 3.56 3.07 -0.77 1.5 5.40 5.2 Source : données nationales extraites du tableau de bord financier des CHS en psychiatrie

Globalement, il est constaté une dégradation des ratios de l’EPSM sur la période.

Les résultats obtenus sont tous nettement inférieurs à la médiane nationale, signe que l’EPSM est en grande difficulté. Ceci confirme l’absence de marge de manœuvre financière.

*

En conclusion, il apparaît que la situation financière atypique constituée par une trésorerie pléthorique, une politique d’investissement limitée et des capitaux permanents très élevés, constatée par le rapport de la chambre de 1997, a perduré jusqu’en 2010. 11 Article D. 6145-70 : « − Le recours à l’emprunt des établissements publics de santé dont la situation financière présente au moins deux des trois caractéristiques suivantes est subordonné à l’autorisation préalable du directeur général de l’agence régionale de la santé : – le ratio d’indépendance financière, qui résulte du rapport entre l’encours de la dette à long terme et les capitaux permanents, excède 50 % ; – la durée apparente de la dette excède dix ans ; – l’encours de la dette, rapporté au total de ses produits toutes activités confondues, est supérieur à 30 %. »

2010 2011 2012 2013 2014

intérêts 314 000,00 € 605 000,00 € 729 000,00 € 685 000,00 € 645 000,00 €

remboursement de la dette en Kl 396 657,00 € 932 773,00 € 1 159 194,00 € 1 179 194,00 € 1 200 245,00 €

produits ttes a confondues 63 824 716,00 € 64 628 678,00 € 65 118 186,00 € 65 607 900,00 € 66 085 704,00 €

poids de l'annuité dans les produits 1,11% 2,38% 2,90% 2,84% 2,79%

données issues CF et rapport financier 2014

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Les travaux de fiabilisation des comptes menés par l’ordonnateur, en liaison avec le comptable, ont permis de clarifier la situation financière, même si des progrès peuvent être réalisés en terminant la fiabilisation de l’inventaire et en mettant en place un plan pluriannuel d’entretien.

Les investissements réalisés à partir de 2005 et, surtout, la construction de l’Odyssée achevée en 2012, ont d’autant plus dégradé structurellement la situation financière qu’ils n’ont pas été accompagnés d’une maîtrise des dépenses de personnel. Cette détérioration du résultat a été renforcée par une évolution divergente des recettes et des dépenses, liée à la maîtrise des dépenses de santé en psychiatrie au niveau national et régional. Après avoir atteint 3 % des produits en 2013, ce déficit structurel a été légèrement réduit à hauteur de 2,7 % des recettes en 2014.

Pour financer ses investissements, l’EPSM de Caen a opéré, depuis 2010, d’importants prélèvements sur le fonds de roulement, tout en doublant le volume de sa dette. Il n’a plus aujourd’hui de marges de manœuvre financières, comme le confirment la faiblesse de sa capacité d’autofinancement et le rejet de son plan global de financement pluriannuel par l’agence régionale de santé. L’établissement doit donc prioriser ses investissements et mettre en œuvre de véritables mesures d’économie afin de dégager des marges financières qui permettront au cycle d’exploitation de générer des ressources.

Un retour à une trajectoire financière crédible s’impose.

IV - LES MARGES D’EFFICIENCE

A - Un plan de modernisation en devenir

1 - Contexte et contenu du plan a - Une demande de l’agence régionale de santé dans un climat social tendu

La dégradation de la situation financière, constatée lors de la présentation de l’état

prévisionnel des dépenses et des recettes (EPRD) 2013, a justifié l’élaboration d’une série de mesures visant à réduire le déficit. Ce projet a été retiré en juin 2013, à la suite d’un mouvement social.

Par un courrier daté du 2 juillet 2013, le directeur de l’ARS a demandé à l’établissement, conformément aux dispositions du code de la santé publique12, « d’aboutir à la formalisation d’un plan de redressement d’ici le 30 décembre 2013 », visant à atteindre un retour à l’équilibre d’ici 2017. Ce plan a fait l’objet d’une large concertation avec les organisations syndicales et la communauté médicale. Le blocage des instances du mois de décembre 2013 par une partie du personnel n’a pas permis l’expression des instances sur ce projet.

Sous la forme d’un plan de modernisation, ce projet a été renégocié, en 2014, avec le seul syndicat qui en acceptait les principales mesures. A nouveau, malgré une décision de justice13, l’expression des instances a été partielle même si le CHSCT et le CTE se sont formellement prononcés.

En 2015, plusieurs mesures ont été reprises dans le cadre des négociations budgétaires avec l’ARS et de la feuille de route liée au plan national d’efficience. 12 Article L. 6143-3 du CSP : « Le directeur général de l'agence régionale de santé demande à un établissement public de santé de présenter un plan de redressement (…) lorsqu'il estime que la situation financière de l'établissement l'exige ou lorsque l'établissement présente une situation de déséquilibre financier répondant à des critères définis par décret. » 13 Tribunal administratif de Caen, 30 avril 2014.

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b - Contenu

Le plan de décembre 2013 prévoyait sept mesures d’économie portant sur une

baisse des dépenses à hauteur de 1,3 M€ à horizon 2017, cinq mesures d’augmentation des recettes à hauteur de 1,07 M€ et 1,2 M€ de cessions d’actifs. Les deux tiers des gains devaient intervenir en 2014 ou en 2015. Le plan de modernisation de 2014 chiffrait 21 mesures, devant générer 1,05 M€ de recettes supplémentaires, 3,3 M€ d’économies et 2 M€ de ventes d’actifs.

Le contexte social n’a permis de mettre en œuvre que quelques mesures, essentiellement centrées sur le personnel et la cession d’actifs, portées par l’EPRD 2015 et dont les impacts financiers sont estimés à 665 000 €14. La majorité des mesures envisagées en 2014 sont reportées dans le temps15. La mise en œuvre effective de 8 des 21 mesures du plan de modernisation ne permettra donc pas de rétablir la trajectoire financière.

2 - Points de vigilance a - La conformité du plan de modernisation à la circulaire du 23 septembre 2009

La circulaire n° DHOS/F2/CNAMTS/2009/295 du 23 sept embre 2009 relative à

l’équilibre financier des établissements de santé définit les principes directeurs des plans de redressement16. Le plan de modernisation de l’EPSM est conforme à cette circulaire sur plusieurs points : l’effort porte principalement sur les dépenses, notamment les dépenses de personnel. Il ne s’appuie pas sur des crédits non pérennes.

Même s’il prévoit des mesures au titre de la reconfiguration de l’offre de soins, il ne positionne pas clairement l’EPSM dans son territoire, faute de projet médical. Les mesures incluses dans le plan présenté ne concernent que la partie budget principal et non toutes les activités de l’établissement, comme le prévoit la circulaire. De plus, ce plan de modernisation n’a pas fait l’objet de contractualisation avec l’ARS.

Il convient de noter que le troisième résultat infra annuel, à fin 2015, produit par l’ordonnateur en réponse, prévoit un déficit de 871 740 M€ pour l’exercice 2015, alors que l’EPRD 2015 prévoyait un déficit de 382 000 €. Cet écart est essentiellement dû à la non-réalisation de cessions.

*

Bien que partiellement conforme à la circulaire du 23 septembre 2009, ce plan ne s’appuie pas sur un projet médical approuvé et n’a pas fait l’objet d’une contractualisation avec l’ARS. Les résultats provisoires de 2015 montrent qu’il ne suffit pas à rétablir l’équilibre des comptes.

14 Passage à la journée de travail à 7h30 et diminution de cinq jours des RTT pour les personnels non soignants, à compter du 1er janvier 2015 (gain estimé en 2015 : 250 000 € pour atteindre 640 000 € dès 2016), réorganisation du laboratoire (gain estimé en 2015 : 37 000 € pour atteindre 200 000 € dès 2017), adaptation des qualifications (gain estimé en 2015 : 25 000 € pour atteindre 225 000 € à compter de 2018), optimisation des achats (gain estimé en 2015 : 228 000 € pour atteindre 400 000 € à compter de 2018), gestions spécifiques et baisse des provisions CET (gain estimé en 2015 : 125 000 € pour atteindre 570 000 € à compter de 2018). 15 Facturation des chambres individuelles et des consultations externes (gain estimé 250 000 € en 2017 et 500 000 € en 2018), recomposition de l’offre ambulatoire (gain estimé en 2016 : 40 000 €, pour atteindre 240 000 € en 2018), réduction du nombre de directeurs (gain estimé en 2016 : 60 000 €, pour atteindre 120 000 € en 2017), revoir les régimes indemnitaires (gain estimé en 2016 : 38 000 € et 50 000 € à compter de 2017), programmation des congés (gain estimé à partir de 2016 : 30 000 € par an), optimisation des astreintes (gardes de nuit) (gain estimé à partir de 2016 : 30 000 € par an), ressources médicales mieux maîtrisées (gain estimé en 2016 : 40 000 €, pour atteindre 80 000 € en 2018), réduire la pénalité du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHPP). 16 Le plan de redressement nécessite de positionner précisément l’établissement par rapport au schéma régional d’organisation sanitaire et aux autres établissements de son territoire de santé. Il doit être global et concerner toutes les activités de l’établissement. Il doit viser à atteindre l’équilibre financier structurel et suppose donc de retraiter les crédits de tensions budgétaires et les comptes qui ne seraient pas sincères. Les efforts doivent viser prioritairement la maîtrise des charges et agir sur les principaux postes, notamment les dépenses de personnel. Le plan de redressement ne doit pas comporter de rééquilibrage par les recettes, sauf situation dûment argumentée et justifiée.

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b - Les mesures abandonnées malgré des obligations réglementaires

Par rapport au plan de décembre 2013, le plan de modernisation de 2014 a

abandonné plusieurs mesures, pourtant fondées sur des obligations réglementaires.

L’article L. 162-26 du code de la sécurité sociale précise que, pour les activités de soins en psychiatrie, la part prise en charge par l’assurance maladie des consultations et actes est incluse dans la dotation annuelle de financement. L’EPSM est donc fondé à facturer au patient la part non prise en charge par l’assurance maladie : le ticket modérateur qui est laissé à la charge du patient est généralement pris en charge par la mutuelle.

En cas d’hospitalisation avec hébergement, l’article R. 162-32-2 du code de la sécurité sociale précise que l'installation dans une chambre particulière, en l'absence de prescription médicale imposant l'isolement, donne lieu à facturation sans prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale.

De même, le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 rela tif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, définit la notion de travail effectif. Ainsi, si l'agent a l'obligation d'être joint à tout moment, par tout moyen approprié, pendant le temps de restauration, ce temps est qualifié de temps effectif de travail. A contrario, le temps de repas n’est pas comptabilisé dans le temps de travail. A l’EPSM, le temps de repas de tous les agents est comptabilisé dans le temps de travail, même si l’obligation d’être joint n’est pas remplie. Les négociations, début 2014, avec une organisation représentative du personnel ont abouti au maintien d’un jour de congé supplémentaire non prévu par la réglementation, dite journée du Directeur.

Enfin, l’article 67 de la loi du 9 janvier 1986 ne prévoit qu’un avancement à l’ancienneté maximale ou à l’ancienneté réduite. L’avancement à durée intermédiaire n’est pas prévu par la réglementation. Cette pratique n’a donc pas de fondement légal.

*

La chambre rappelle à l’ordonnateur qu’il a l’obligation de mettre en œuvre ces mesures portant sur les facturations du ticket modérateur et du supplément pour chambre particulière sur le décompte du temps de travail et sur la suppression de l’avancement intermédiaire.

B - Un redressement possible par l’amélioration de la gouvernance et du système d’information

1 - Un redressement possible

a - Le poids de la modulation

Afin de corriger les inégalités inter-régionales, le ministère de la santé a introduit,

lors de la campagne budgétaire 2014, une modulation reposant sur la démographie. Cette mesure semblait pénalisante pour les établissements bas-normands, en raison de la non-prise en compte des dépenses de psychiatrie en ville et en clinique dans ce ratio.

En 2015, l’ARS a pris en compte deux critères pour moduler les dotations : le développement de l’hospitalisation à temps partiel, en substitution de l’hospitalisation à temps plein, et la réduction des séjours longs de plus de 292 jours. L’EPSM de Caen aurait intérêt à prendre en compte ces critères dans le cadre de l’élaboration de son projet médical s’il veut bénéficier de cette pondération.

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b - Les facteurs de l’équilibre des comptes en psychiatrie

Une étude menée par la fédération hospitalière de France sur la situation

financière des centres hospitaliers spécialisés en psychiatrie met en évidence qu’un établissement sur deux était excédentaire en 2014.

A l’inverse, l’EPSM de Caen apparaît comme l’une des quatre situations nationales les plus dégradées, avec un déficit supérieur à 2 % des charges. Les facteurs de déficit sont le poids des dépenses de personnel, supérieur à la moyenne nationale (83,6 % contre 79,9 %), et la faible progression des produits versés par l’assurance maladie (+ 0,3 % contre + 1 % pour la moyenne nationale).

Une réflexion devra donc être engagée par l'établissement sur les organisations en place, à l'origine de ces écarts sur le poids des dépenses de personnel. L’engagement de l’établissement dans la première enquête nationale sur les coûts en psychiatrie mise en œuvre par l’agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) devrait lui permettre de mieux connaître ses atypies et de reconfigurer l’offre comme l’a prévu le plan de modernisation.

c - L’équilibre des budgets annexes

Depuis 2011, bien que présentés à l’équilibre, les budgets annexes connaissent des déficits qui s’aggravent en 2013 et 2014. Ainsi, en 2014, le déficit des budgets annexes constitue près de 13 % du déficit global.

Pour le service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH), l’EPSM connait des difficultés depuis que le conseil départemental du Calvados a baissé le coût de revient de 588,72 € en 2012 à 299,31 € pour 2013. Depuis, l’EPSM demande une révision du niveau de l’allocation de ressources pour cette activité. Une comparaison des prix de journées avec d’autres SAMSAH n’a cependant pas été réalisée.

Même s’il apparaît à l’équilibre, le budget du centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) contribue au déficit structurel de l’établissement. Depuis 2010, une partie des crédits17 liée à l’ancienne unité spécialisée de soins pour toxicomanes est restée comptabilisée sur le budget principal de l’hôpital et n’a pas été transférée dans l’enveloppe médico-sociale. Cette intégration des crédits fait l’objet de demandes réitérées par l’EPSM auprès de l’ARS. Le financement, en partie, du centre d’accueil et d’accompagnement de la réduction des risques pour usagers de drogue (CAARUD) par des crédits non pérennes, versés en fin d’exercice, rend tout aussi incertain l’équilibre de ce budget.

Le rapport financier 2014 explique le déficit de la maison d’accueil spécialisée (MAS) par le coût élevé des remplacements de personnel et par une baisse des recettes liées à la facturation. Le nombre de places actuel ne semble pas être suffisant pour assurer le niveau de recettes prévu au budget. Selon l’ordonnateur, la mise en place tardive de l’équipe pluridisciplinaire et l’éclatement sur trois pavillons des 48 lits contribueraient également à ce déficit. 17 Les dépenses de l’ancien centre spécialisé de soins pour toxicomanes (CSST) émargent toujours sur le budget principal hôpital pour 7,45 ETP.

2010 2011 2012 2013 2014

C école IFAS 60 696 € 6 829 € -28 674 € -12 868 € -6 186 €

P1 MAS boulon 876 € -7 578 € 22 374 € -6 865 € -198 677 €

P3 CSAPA 107 € -13 641 € 95 153 € 19 798 € 40 755 €

P4 SAMSAH 7 074 € 49 974 € 12 177 € -89 710 € -57 149 €

P5 CAARUD -41 511 € 10 993 €

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*

La chambre constate que les déséquilibres des budgets annexes sont structurels

et invite l’ordonnateur à prendre des mesures pour aligner les coûts sur les financements.

2 - Du dialogue social au dialogue de gestion

a - Un dialogue institutionnel à relancer

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 intitulée Hôp ital, Patients, Santé, Territoires, a renforcé le rôle de l’ordonnateur qui détient la compétence générale18, tout en créant un mécanisme de concertation19 avec une instance à majorité médicale, le directoire, dont le vice-président est le président de la communauté médicale d’établissement (CME).

En raison d’un conflit social, les instances n’ont pas pu se réunir à plusieurs reprises en 2013 et en 2014. Saisi par l’ordonnateur, le tribunal administratif de Caen a demandé une levée du blocage des instances par une ordonnance datée du 30 avril 2014. En septembre 2014, les médecins membres du directoire ont démissionné.

Le blocage régulier des instances, malgré une décision de justice, et l’absence de directoire empêchent l’émergence d’un dialogue institutionnel indispensable au bon fonctionnement de cet établissement public. La chambre rappelle à l’ordonnateur et au président de la CME leur obligation de mettre en œuvre la procédure prévue par l’article L. 6143-7-520 du CSP afin de reconstituer un Directoire.

b - Une gouvernance à rénover

Mise en place par l’ordonnance du 2 mai 2005, la nouvelle gouvernance avait pour objectif de décloisonner l’hôpital en regroupant les services dans des pôles d’activité et de déconcentrer la gestion avec la mise en place d’une délégation de gestion au profit des responsables de pôle. La loi Hôpital, patients, santé, territoires du 21 juillet 2009 a amplifié cette démarche en responsabilisant davantage les chefs de pôle, notamment au travers d’une délégation de signature et de contrats de pôle.

Les délibérations du conseil d’administration de l’EPSM de Caen n° 05/07 du 4 mai 2007 et n° 02/08 du 7 mars 2008 ont posé les bases de l’organisation de l’établissement en pôles d’activité. Le principe arrêté est qu’un pôle couvre un secteur de soins, sauf pour le pôle pédopsychiatrie qui compte deux secteurs. Chaque chef de secteur devient, de facto, responsable de pôle.

Le 7 mai 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé a confié aux conférences hospitalières une mission d’évaluation du fonctionnement des pôles dans les établissements publics de santé. L’objectif de cette mission était de dresser le bilan de ces organisations, six ans après leur généralisation dans l’ensemble des hôpitaux publics, afin d’identifier leurs apports aux structures hospitalières mais également les points pouvant être modifiés pour améliorer le fonctionnement des établissements dans ce cadre. Dans son rapport, la mission recommande de découper les pôles sur une masse critique et pertinente de 100 à 300 agents. En psychiatrie, elle fait le constat que les pôles regroupent souvent un ou deux secteurs, avec un dispositif intersectoriel afin de mutualiser des moyens.

18 L’article L. 6143-7 du CSP dispose que « Le directeur, président du Directoire, conduit la politique générale de l'établissement. » 19 Après concertation avec le Directoire, le directeur conclut le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), détermine le programme d’investissement (après avis de la CME pour les équipements médicaux), fixe l’EPRD, le PGFP, les propositions de tarif des prestations, arrête le compte financier et le soumet à l’approbation du conseil de surveillance, arrête l’organisation interne de l’établissement et signe les contrats de pôle d’activité. 20 Article L. 6143-7-5 du CSP – Article D. 6143-35-1 à article D. 6143-35-4 du CSP Instruction n° DHOS/E 1/2010/75 du 25 février 2010 relative à la mise en place des Directoires des établissements publics de santé.

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Or, le découpage mis en place en 2008 à l’EPSM n’a pas permis de mutualiser les

moyens des secteurs et intègre peu de dispositifs intersectoriels. Ses pôles cliniques sont compris entre 50 et 120 agents, ce qui est insuffisant pour permettre une délégation de gestion opérationnelle. Les contrats de pôle signés en 2009 n’ont pas atteint l’objectif fixé à leur article 1, selon lequel le contrat de pôle contribue à la pérennité de l’équilibre budgétaire de l’établissement et à l’optimisation de ses moyens, notamment en personnel. Les tableaux de bord et le dialogue de gestion mis en place en 2010 ont été abandonnés en 2013. Le plan de modernisation de 2014 estime que la mise en place de nouveaux contrats de pôle et d’une délégation de gestion peut générer 140 000 € d’économies annuelles.

La chambre recommande donc à l’EPSM de redéfinir le découpage des pôles cliniques à partir du projet médical de l’établissement, sur la base d’une taille critique permettant une délégation de gestion opérationnelle.

3 - Le système d’information

a - La contribution du système d’information au pilotage de l’établissement

L’EPSM a élaboré un schéma directeur informatique qui devait se terminer en

2011. Tous les objectifs n’ayant pas été atteints, notamment la mise en place du dossier patient informatisé (DPI), le schéma a été prorogé dans l’attente du projet médical et du projet d’établissement.

Le médecin DIM21 est arrivé en 2007. L’établissement s’est engagé dans le programme de médicalisation du système d’information (PMSI) psychiatrie avec un investissement de longue date des praticiens et des soignants. Suite à une mission MeaH22, achevée en 2010, des tableaux de bord quadrimestriels de suivi de l’activité et des ressources avaient été mis en place mais ils ne sont plus alimentés depuis 2013, les contrats et tableaux de bord étant appelés à être réactualisés dans le cadre du nouveau projet médical.

L’hôpital s’est doté de logiciels lui permettant d’élaborer et d’alimenter des tableaux de bord à partir de ses données d’activité et de ses données de gestion. Il participe à des études nationales et régionales qui devraient lui permettre, à terme, de disposer de données comparatives sur les activités produites et les moyens engagés. Pour autant, à ce jour, il ne dispose ni de tableaux de bord permettant de retracer l’activité et les ressources de chaque pôle, ni d’études comparant régulièrement ses données avec celles d’autres établissements de santé mentale. Récemment, l’ordonnateur a initié un groupe de travail régional sur les coûts en psychiatrie dans le cadre de l’étude de l’ATIH.

Le domaine fonctionnel de pilotage médico-économique ayant été retenu dans le cadre du programme « Hôpital numérique », l’EPSM pourrait bénéficier d’un financement à hauteur de 250 000 € s’il parvient à justifier de l’usage de ces outils de pilotage.

La chambre invite l’EPSM à inscrire le développement d’un contrôle de gestion médicalisé dans les priorités de son schéma directeur du système d’information.

21 Le département d’information médicale (DIM) est chargé de recueillir, traiter et analyser les informations relatives aux prises en charge issues des différentes données médicales produites par les services hospitaliers et extrahospitaliers. Ces informations sont collectées sous forme de résumé d’information médicale (RIM-P) pour le PMSI psychiatrie. Il est associé à la définition du schéma directeur des systèmes d’information, ainsi qu’à sa mise en place. 22 La mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers (MeaH) a été créée en mai 2003 dans le cadre du plan « Hôpital 2007 ». Elle est une des trois missions du plan « Hôpital 2007 » créée par la loi de financement de la sécurité sociale de 2003. Rattachée au Ministère de la santé (DGOS), elle aide les établissements de santé publics et privés à améliorer leur organisation. Elle est financée par le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP).

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b - Vers la mutualisation de la fonction système d’information ?

Rattachée à la direction de l’activité, des finances et du système d’information,

l’équipe informatique est composée d’un ingénieur et de quatre techniciens, représentant 4,8 ETP. Déployant des logiciels issus principalement d’une filière publique, cette équipe doit assurer la mise à niveau des logiciels et des matériels, tout en assurant l’assistance des utilisateurs avec une qualité de service croissante, notamment liée à l’informatisation du dossier patient. Le rapport d’activité 2014 met en évidence des difficultés à répondre aux besoins des utilisateurs.

De son côté, l’action du médecin DIM est limitée, dans la mesure où le parangonnage national sur la psychiatrie est à ce jour limité à des données anciennes. La mise en commun de la fonction de médecin DIM avec le CHU, sur un périmètre d’intervention élargi, a été formalisée par une convention signée le 22 juin 2015 avec le soutien de l’ARS.

La loi de modernisation du système de santé, publiée le 27 janvier 2016, prévoit la participation obligatoire à un groupement hospitalier de territoire (GHT) pour chaque établissement public de santé. Parmi les compétences obligatoires exercées par l’établissement support du groupement, au titre de ce groupement, figurent la gestion commune d’un système d’information hospitalier (SIH) convergent et la création d’un département de l’information médicale de territoire.

La chambre invite donc l’EPSM à lancer une réflexion sur le futur groupement hospitalier de territoire, avec des objectifs de mutualisation portant sur le DIM et les ressources informatiques.

c - Une informatisation du dossier patient sur quinze ans

L’établissement a installé une première version d’un progiciel de gestion de dossier patient en 2000 afin d’informatiser la bureautique médicale, le PMSI et la gestion de rendez-vous. Son déploiement a été très lent et incomplet. Seul le recrutement d’un nouveau médecin DIM, en 2007, a permis l’utilisation d’une partie des fonctionnalités du logiciel.

En 2010, suite à une consultation, il a été décidé de déployer, en site pilote, une version web de ce logiciel afin d’informatiser le circuit du médicament. Outre la sécurisation du circuit du médicament, notamment grâce au couplage avec un dictionnaire des médicaments de référence et à la mise en œuvre d’une procédure dégradée, le déploiement de cet outil sur l’ensemble des services, y compris en extrahospitalier, a permis de relancer l’informatisation du dossier patient avec la participation des psychiatres. Le déploiement du dossier patient informatisé s’est récemment accéléré avec un transfert progressif du dossier papier vers un format numérique.

Le coût d’achat de l’informatisation du circuit du médicament représente un investissement de 65 160 € et une maintenance annuelle de 17 499 €. Le coût complet (achat matériel et logiciel, prestations et formation) de l’informatisation du dossier patient est évalué à 486 944 € sur quinze ans.

d - La contribution du SIH à l’efficience de l’établissement

Le plan d’investissement informatique 2014 prévoyait de déployer un accès internet sécurisé pour les patients et les associations. Ces projets sont peu coûteux, tout en contribuant à améliorer l’efficience de l’établissement par une meilleure réponse aux besoins des patients. Ils n’ont pu voir le jour, faute de disponibilité de l’équipe informatique.

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L’informatisation du circuit patient, des prescriptions jusqu’à l’alimentation du plan

de soins, représente des gains d’efficience importants, notamment par le développement de la juste prescription. Cet outil pourrait aussi permettre de développer la conciliation de sortie afin de garantir la continuité de la prise en charge médicamenteuse du patient de l’hôpital à la ville. Après avoir obtenu un financement de 57 000 €, dans le cadre du CPOM, pour développer la conciliation médicamenteuse, l’EPSM pourrait obtenir, en 2016, un financement dans le cadre du plan « Hôpital numérique » sur le domaine fonctionnel « Prescription électronique alimentant le plan de soins ».

Après une consultation, l’externalisation du laboratoire serait opérationnelle depuis février 2016. Elle pourrait générer des gains d’efficience si elle est accompagnée d’un outil informatique garantissant aux cliniciens une information biologique de qualité dans des délais adaptés à la prise en charge des patients.

L’informatisation des plannings médicaux et non médicaux est aussi un enjeu majeur afin de réaliser les économies prévues dans le plan de modernisation. Il s’agit, notamment, de veiller à ce que le passage à des plannings de 37h30 ne se traduise pas par une hausse des heures supplémentaires et des temps de récupération.

Ces différents projets sont porteurs des gains d’efficience que pourrait réaliser l’établissement en poursuivant la modernisation de son système d’information.

*

En conclusion de cette partie consacrée aux marges d’efficience, il apparaît que le plan de modernisation de 2014 pourrait contribuer à la demande de l’ARS de rééquilibrer les comptes d’ici 2017, tout en redonnant une marge de manœuvre financière permettant d’investir dans le patrimoine immobilier.

La réussite de ce plan suppose sa mise en œuvre opérationnelle. A ce jour, peu de mesures sont en place, en raison d’un conflit social et d’une panne de la gouvernance médico-administrative.

La mise en place d’un directoire opérationnel constitue un préalable au redressement financier. Ce dernier implique une évolution des organisations, une modulation des critères budgétaires afin de développer les recettes, le développement des contrats de pôle et de la délégation de gestion, un rééquilibrage des budgets annexes et la poursuite de la modernisation du système d’information.

V - LES ACTES DE GESTION

A - Une réponse partielle aux besoins de la popula tion

1 - Un projet médical qui se fait attendre

a - De nombreux projets médicaux abandonnés

Depuis une quinzaine d’années, l’EPSM a bénéficié de l’aide extérieure de plusieurs consultants afin d’élaborer un projet médical. L’organisation actuelle des soins psychiatriques découle, en partie, du projet médical de 2002. Il était inclus dans le projet d’établissement qui a été approuvé le 19 avril 2002, après une longue période de négociation et le refus par l’agence régionale de l’hospitalisation d’un premier projet. Il se base sur des constats (cf. annexe 4).

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En 2003, la mission nationale d’appui en santé mentale est intervenue à l’EPSM

pour créer une nouvelle dynamique face aux difficultés croissantes de la politique de santé dans le Calvados. Il était invoqué des blocages institutionnels, un déficit de psychiatres et une pression de la demande en soins. Les trois axes prioritaires dégagés étaient la création d’un pôle complet de prise en charge psychiatrique à Lisieux, le renforcement des compétences et l’adaptation des prises en charge à des profils spécifiques par l’intersectorialité et une réponse aux nouveaux enjeux de santé publique (les jeunes et les personnes âgées). Seule la réponse aux jeunes a été mise en œuvre, les autres projets se heurtant aux blocages de la communauté médicale.

En 2011, dans le cadre de l’élaboration du plan régional de santé par l’ARS, la direction a mandaté un cabinet d’audit pour mener une étude intitulée « accompagnement à l’élaboration du schéma d’orientations stratégiques 2011-2015 ». Le comité de pilotage a arrêté un schéma d’orientations stratégiques autour de six axes23. Malgré la proposition de certains praticiens hospitaliers de refondre les pôles avec la mise en place de pôles intersectoriels, constitués chacun de trois secteurs adultes et d’un secteur enfant/adolescent, ce projet se heurte à la vision « secteur-centrée » des pôles adultes.

Faute de mise en œuvre de ces différents projets médicaux, l’offre de soins n’a pas été adaptée jusqu’à présent aux besoins de la population depuis plus de dix ans. Selon l’ordonnateur, des réflexions sont en cours sur ce sujet.

b - Une mise en place qui ne saurait attendre

En 2014, des consultants ont été mandatés par la direction pour une « assistance à la rédaction du projet médical et du plan directeur immobilier. » Cinq axes sont retenus pour le projet médical : augmenter la prise en charge ambulatoire, fluidifier les parcours patient, développer la psychiatrie spécialisée non sectorisée, contribuer à la structuration de l’offre de santé mentale sur le territoire et renforcer l’organisation des équipes de professionnels.

De l’ensemble des travaux et études réalisés depuis 2002, il ressort un certain nombre de questions récurrentes jamais résolues : la place du centre médico-psychologique (CMP) dans le dispositif, la réponse à l’urgence, la place du médico-social, les réponses spécifiques (détenus, patients difficiles, personnes âgées), l’intersectorialité, la réduction du capacitaire de l’hospitalisation complète au profit du renforcement de l’ambulatoire, etc. L’ordonnateur, tout comme la tutelle, reconnait la nécessité d’un projet médical opérationnel permettant de faire évoluer le capacitaire et de mieux répondre aux besoins de la population. La communauté médicale n’est pas parvenue, jusqu’à présent, à définir un projet médical prenant en comptes les besoins de la population, précisés par le PRS et compatibles avec les ressources dont dispose l’établissement. Cette absence de projet médical est préjudiciable à une évolution de l’établissement qui se trouve aujourd’hui confronté à des difficultés financières et organisationnelles majeures.

L’article D. 6143-37-1 du CSP dispose que : « le président de la commission médicale d’établissement, vice-président du directoire, élabore avec le directeur et en conformité avec le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, le projet médical de l’établissement. Il en assure le suivi de la mise en œuvre et en dresse le bilan annuel. »

*

23 Il s’agit du déploiement d’activités transversales, de la prise en charge des pathologies aigües et des situations de crise, des coopérations dans le champ médico-social, de l’élargissement de l’offre de soins (consultations spécialisées multidisciplinaires), de l’hospitalisation des adolescents et la prise en charge des grands déficitaires.

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La chambre recommande à l’EPSM d’adopter, au plus tard en juillet 2016, un projet

médical opérationnel, élaboré par le président de la commission d’établissement avec l’ordonnateur, et de suivre sa mise en œuvre.

2 - Un découpage des secteurs adultes peu lisible et obsolète

a - Un découpage des secteurs adultes peu lisible

L’article L. 3221-4 du CSP précise que : « chaque établissement autorisé en psychiatrie et participant à la lutte contre les maladies mentales, est responsable de celle-ci dans les secteurs psychiatriques qui lui sont rattachés. Il met à la disposition de la population, dans ces secteurs, des services et des équipements de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale. Ces services exercent leurs activités non seulement à l’intérieur de l’établissement mais aussi en dehors de celui-ci. »

Au regard de l’organisation des soins en psychiatrie générale, il apparaît que

l’agglomération caennaise est morcelée en petites zones qui sont rattachées à quatre secteurs de psychiatrie générale de l’EPSM et à un secteur géographique dépendant du CHU de Caen. Ce découpage met en évidence des ruptures de continuité dans la répartition géographique, ce qui ne facilite pas l’appréhension du dispositif par la population et les partenaires.

Cette situation non satisfaisante est décrite par plusieurs acteurs extérieurs à l’EPSM :

- en 2014, la fédération hospitalière de France a produit une étude sur l’organisation sanitaire du territoire bas-normand. Elle y indique que le secteur doit évoluer. Il est précisé que l’attachement au secteur dans la région est fort mais que des articulations nouvelles sont à nouer ;

- l’audit sur le projet médical indique que le découpage des secteurs sur l’agglomération caennaise est illisible et provoque des ruptures dans les prises en charge ;

- l’ARS précise que le découpage des secteurs intra caennais est considéré comme complexe et peu lisible, et pourrait évoluer.

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Le représentant des usagers au conseil de surveillance a indiqué que le

découpage actuel des secteurs caennais est incompréhensible pour les patients et leurs familles et provoque des ruptures dans les prises en charge.

b - Un découpage des secteurs obsolète

Ce constat est accentué par le fait que l’agglomération caennaise a vu sa

population s’accroître de près de 10 % en 16 ans24. Face à cette évolution, aucune adaptation concomitante du dispositif de l’organisation des soins en psychiatrie générale au sein de l’agglomération n’a été initiée. Cette progression démographique n’étant pas, par ailleurs, identique pour chaque secteur, il paraît nécessaire que l’EPSM procède également à un rééquilibrage des moyens (matériels, humains et financiers) entre les différents secteurs afin d’être en capacité de répondre aux besoins des caennais. Le développement des conseils locaux de santé mentale devrait être un outil privilégié pour mener cette réflexion sur l’organisation idoine.

*

En conclusion, la chambre invite l’EPSM à contribuer à la réflexion sur le

découpage des secteurs afin de prendre en compte l’évolution démographique et d’améliorer la lisibilité de l’offre de soins pour les partenaires de l’établissement, les patients et leurs familles. Selon l’ordonnateur, cette orientation figurera dans le projet médical, même si l’évolution du découpage dépend de l’ARS. Il a aussi décidé de mobiliser un mi-temps de cadre socio-éducatif pour participer à l’élaboration du contrat local de santé mentale.

3 - Un virage ambulatoire partiel

a - Un retard ancien

La psychiatrie de secteur a été créée par une circulaire ministérielle du 15 mars 1960 qui fonde le secteur psychiatrique. Ce dispositif a été généralisé par la loi du 31 décembre 1985. Depuis les années 80, les capacités d’hospitalisation psychiatrique ont globalement diminué de moitié. Depuis un arrêté de 1991, les alternatives à l’hospitalisation complète se développent. Les préconisations nationales25 successives visent à accentuer ce mouvement de développement des activités de soins, en dehors des murs de l’hôpital psychiatrique.

A l’EPSM, la sectorisation a été mise en place tardivement. Les premiers secteurs à être mis en place sont les secteurs de Caen Est, Caen Ouest, Caen Sud, Lisieux, ainsi qu'un secteur infanto-juvénile. Les secteurs de Bayeux et Vire quittent le giron du Bon Sauveur pour être gérés par les centres hospitaliers de ces villes, tout comme Caen Nord qui est géré par le CHU et entraînera la création d'Esquirol. Les derniers secteurs mis en œuvre sont ceux de la Côte Fleurie et de Caen Plaine dans les années 1980.

b - Des structures extrahospitalières inadaptées

L’EPSM développe son activité extra hospitalière au sein de très nombreuses

structures. Cependant, certaines difficultés persistent, notamment en matière d’accessibilité de ces structures, en ce qui concerne la part des patients pris en charge en extra et le redéploiement des moyens humains des activités intra hospitalières vers les activités extra hospitalières.

24 218 658 habitants en 1999 et 242 182 en 2015. 25 Les différents plans de santé mentale 2005-2008 dont l’objectif est de poursuivre l’adaptation de l’hospitalisation complète en psychiatrie et d’assurer une meilleure adéquation aux besoins de la population. L’objectif pour le plan 2011-2015 est le développement des alternatives à l’hospitalisation. Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2011 (p 41-42) pointe l’insuffisance des alternatives à l’hospitalisation complète.

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L’audit sur le projet médical précise que certaines de ces structures ont une taille

parfois très limitée. Il est également indiqué qu’elles sont confrontées à des difficultés d’accessibilité et d’amplitude horaire de consultation. Les centres médico-psychologiques (CMP) proposent des durées d’ouverture très variables (en général sur cinq jours mais pas toujours) avec parfois des amplitudes courtes (10h-16h), ce qui ne permet pas, notamment aux usagers qui travaillent, de pouvoir avoir accès à ces services.

Le dispositif extrahospitalier est actuellement très éclaté et les professionnels de l’établissement partagent la nécessité de le faire évoluer. De plus, les associations d’usagers relèvent que les plages horaires d’ouverture des CMP ne permettent pas un accès facile.

c - Des moyens principalement en intra

Parmi les constats dressés par la fédération hospitalière de France dans son

diagnostic et préconisations sur l’organisation de l’offre de santé hospitalière publique sur le territoire bas-normand, publié en avril 2015, on relève les points suivants : la prise en charge de la psychiatrie est particulière puisque, pour l’essentiel, elle repose sur les établissements participant au service public. Aucune clinique à caractère lucratif n’est présente dans la région. Le nombre de psychiatres libéraux installés est faible. Le nombre de lits d’hospitalisation classique est important. Il traduit la place plus faible consacrée aux prises en charge ambulatoires. L’attachement au secteur est fort dans la région et ne favorise pas la fluidité du parcours des patients.

L’audit sur le projet médical de l’EPSM met en évidence que ce dernier présente

un nombre de patients pris en charge en ambulatoire inférieur de 6 % à la moyenne régionale. A l’inverse, la part des patients hospitalisés à temps plein est, elle, supérieure de 6 % à celle du territoire bas-normand.

Actuellement, l’EPSM dispose de 356 lits d’hospitalisation complète. Le rapport de la mission nationale d'appui en santé mentale (MNASM) en 2004 prévoyait une cible de réduction des capacités d’hospitalisation à 294 lits. L’audit sur le projet médical aboutit à une hypothèse volontariste sur la base de 291 lits, ce qui est conforme aux constats précédents et permettrait d’accentuer, de fait, la part des prises en charge en ambulatoire.

Ce mouvement de réduction capacitaire devrait s’accompagner d’un basculement des moyens de l’intra hospitalier vers l’extra hospitalier, notamment sur les moyens humains. A l’EPSM, chacun des six pôles de psychiatrie générale dispose d’environ 100 ETP. A l’examen de la répartition des effectifs dans chaque pôle, on constate que moins d’un tiers des personnels est affecté aux missions réalisées dans des structures extra hospitalières, c’est-à-dire en dehors des murs de l’hôpital, à l’exception de la pédopsychiatrie.

d - Un virage ambulatoire à poursuivre

L’audit du projet médical précise que 78 % des patients sont suivis exclusivement

en ambulatoire, ce qui est la part la plus faible de la région. Ainsi, si l’on excepte la psychiatrie infanto-juvénile, on constate que ces patients sont pris en charge par seulement 25 % des personnels de l’EPSM, ce qui paraît peu important.

*

En conclusion, la chambre invite l’EPSM à mettre en œuvre les plans d’action figurant dans l’audit du projet médical pour développer la prise en charge en ambulatoire.

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4 - Une gestion du patrimoine immobilier non corrélée à une évolution des prises en charge

a - Un capacitaire excédentaire de longue date

Déjà en 1982, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS)

identifiait la nécessité de réduire le capacitaire et d’orienter l’établissement vers l’ambulatoire. En 1988, le préfet du Calvados écrivait : « la diminution du nombre de lits occupés doit donc être au centre d’une réflexion prospective visant à déterminer ce que pourrait être, à moyen terme, la configuration des locaux nécessaires, leur situation, les travaux à réaliser, les financements, ainsi que la mise en place d’un échéancier. L’ensemble de cette réflexion doit déboucher sur la définition d’un programme d’établissement et sur un plan directeur. »

La révision du capacitaire était d’autant plus indispensable que l’hôpital n’était propriétaire que d’une partie des terrains et des bâtiments qu’il occupait depuis 1975, suite au transfert de l’activité psychiatrique de la congrégation à l’hôpital départemental. Dans son plan directeur de 1998, il est précisé « qu’il est clair qu’en fonction de la baisse constante de l’hospitalisation complète au profit d’autres modes de prise en charge, le programme capacitaire subira inéluctablement, dans les années qui viennent, des modifications, réduisant d’autant les capacités hospitalières intra-muros. » En 1997, l’annexe au projet de schéma régional de psychiatrie prévoyait, à l’horizon 2003, un capacitaire attendu à 300 lits.

Malgré ces différentes études, l’EPSM n’a pas saisi l’opportunité de réinterroger son projet d’établissement et son projet médical à l’occasion des opérations de construction liées à la nécessité de rendre à la congrégation une bonne partie des terrains et bâtiments. Les choix de construire des bâtiments neufs pour l’administration et le laboratoire s’avèrent coûteux, alors que l’administration aurait pu s’installer dans un bâtiment ancien et que l’externalisation du laboratoire est en cours. Les constructions suivantes, celles de l’Odyssée (2011) et de Bonnafé, n’ont pas davantage été intégrées dans un schéma directeur immobilier prospectif lié à un projet médical faisant évoluer les organisations de travail et le capacitaire.

L’absence de projet médical n’a pas permis d’élaborer un schéma directeur immobilier pensé à partir d’une évolution des organisations et du capacitaire. Les investissements réalisés se sont donc traduits par des surcoûts.

b - La gestion des risques

L’établissement doit faire face à une situation patrimoniale critique, mise en exergue en 2014 dans le rapport d’un consultant : 70 % des bâtiments présentent des difficultés fonctionnelles. Le parc immobilier est très endommagé, seuls les bâtiments récents (Odyssée, Bonnafé et l’administration) sont techniquement satisfaisants. Trois bâtiments sont sous le coup d’un avis défavorable de la commission de sécurité incendie. Les conditions d’hébergement sont peu satisfaisantes (très faible pourcentage de chambres à un lit, chambres sans bloc douche, chambres de petite taille). Les bâtiments les plus anciens de la partie nord présentent des organisations en petites unités qui génèrent des difficultés de gestion et de travail. Le centre du site est sous exploité en termes de potentiel bâti (seulement 10 % des mètres carrés autorisés) et est occupé par des fonctions logistiques. Depuis 1996, la ville de Caen envisage de réviser le plan d’occupation des sols et de réaliser une voierie urbaine qui traverserait l’EPSM d’ouest en est.

Faute de projet médical et de schéma directeur immobilier, cette situation critique

génère des coûts de fonctionnement supplémentaires importants, notamment le financement des agents de service de sécurité incendie et d’assistance à la personne (SSIAP) pour mettre en sécurité minimale les bâtiments concernés par un avis défavorable de la commission de sécurité, à hauteur de 400 000 € par an.

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Afin de limiter les coûts, l’établissement envisage de réaliser des travaux en site

occupé pour être conforme à la réglementation en matière de sécurité incendie. Cette mise aux normes permettrait d’économiser le coût des agents SSIAP. Cette proposition de travaux en site occupé ne recueille ni l’adhésion de la communauté médicale, ni des soignants. Elle génère une forte opposition syndicale. L’ordonnateur précise, en réponse, qu’il a lancé fin 2015 un travail pour élaborer un programme de travaux en site inoccupé.

Seule une analyse des risques pourra permettre à l’EPSM de prioriser son schéma directeur immobilier, dès lors qu’un projet médical aura été validé.

5 - Une nouvelle opportunité autour du projet d’établissement et du groupement hospitalier de territoire

a - Le projet d’établissement

L’EPSM est dépourvu d’un projet d’établissement26 du fait de l’absence d’un projet médical. Il en résulte de nombreuses difficultés, notamment dans le cadre de la certification de l’établissement par la Haute autorité de santé. A ce jour, l’établissement est en sursis de certification, en raison de l’avis défavorable à l’exploitation des locaux relatif à la non-réalisation complète des travaux de mise en sécurité. Il devra soumettre un rapport ciblé sur ce point et sur la réserve portant sur la qualité de vie au travail en janvier 2016. Il aura aussi à intégrer dans son projet d’établissement les plans d’action lui permettant de lever les 18 recommandations de la Haute autorité de santé.

Ce projet d’établissement devrait également permettre de répondre aux observations du contrôleur des lieux de privation de libertés concernant la prise en charge des détenus. Les modalités d’hospitalisation des mineurs devront aussi être revues dans le cadre de ce projet.

b - L’opportunité du groupement hospitalier de territoire

En juillet 2013, l’ARS et l’EPSM ont signé un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) pour la période 2013-2018. Il y est notamment stipulé que l’EPSM doit s’inscrire dans une organisation des soins territorialisée et mutualisée avec les autres établissements de santé. Cependant, en l’absence de projet médical, les objectifs opérationnels fixés, à ce titre, à l’établissement sont limités au développement d'une filière de géronto-psychiatrie et au renforcement de la coopération avec les établissements médico-sociaux pour personnes âgées, personnes handicapées adultes et enfants.

La loi de modernisation de notre système de santé, publiée le 27 janvier 2016, préconise l’élaboration d’un projet territorial de santé mentale. Il est défini sur la base d’un diagnostic territorial partagé en santé mentale. Le diagnostic territorial partagé et ce projet territorial de santé mentale sont arrêtés par le directeur général de l’ARS et font l’objet d’une contractualisation avec les acteurs du territoire participant à la mise en œuvre de ces actions, après avis des conseils locaux de santé mentale et des conseils territoriaux de santé.

Au regard de la place et du rôle qu’occupe l’EPSM dans la santé mentale en région et dans le département, l’ARS constate que sa communauté médicale n’alimente pas suffisamment la réflexion départementale sur la santé mentale. Elle n’est pas motrice dans la promotion de nouvelles formes d’organisation.

26 L’article L. 6143-2 du CSP dispose que le projet d’établissement définit, notamment, sur la base du projet médical, la politique générale de l'établissement. Il comporte un projet de prise en charge des patients en cohérence avec le projet médical et le projet de soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques, ainsi qu'un projet social. Le projet d'établissement, qui doit être compatible avec les objectifs du schéma d'organisation des soins, définit, dans le cadre des territoires de santé, la politique de l'établissement en matière de participation aux réseaux de santé mentionnés à l'article L. 6321-1 et d'actions de coopération mentionnées au titre III du présent livre. Il prévoit les moyens d'hospitalisation, de personnel et d'équipement de toute nature dont l'établissement doit disposer pour réaliser ses objectifs.

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Dans ce contexte, une opportunité peut se présenter : le groupement hospitalier

de territoire (GHT). La loi de modernisation du système de santé précise que ce groupement a pour objet de permettre à ses membres la mise en œuvre d'une stratégie commune. Il assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d'activités entre établissements. Chaque groupement élabore un projet médical commun à l'ensemble de ses membres.

L’ARS envisage les GHT comme des outils de coopération qui doivent aider les acteurs à réfléchir, travailler et construire ensemble des parcours pour les usagers-patients, dans la complémentarité, sur un territoire. Cependant, l’hypothèse de la participation de l’EPSM à un groupement hospitalier de territoire ne rencontre pas l’adhésion de la plupart des chefs de pôle et des syndicats qui proposent de regrouper tous les secteurs du département au sein de l’EPSM.

*

La chambre invite l’EPSM à saisir l’opportunité de la création d’un groupement hospitalier de territoire pour coordonner son offre de soins avec les autres établissements du département et de la région, à partir des parcours patients.

B - Les autres actes de gestion examinés

1 - Quelques réussites

a - La « banque des patients »

La « banque des patients » a été créée en 1999 sous la forme d’une régie. Elle est

située dans le bâtiment réservé à l’administration, près de l’entrée du site principal. A compter de cette date, la gestion de l’argent des patients ne se fait plus dans les services. Cette régie comprend une salle d’attente et une pièce dans laquelle s’effectue la distribution de l’argent, au comptoir, sur présentation d’une pièce d’identité, selon des horaires à la semaine (9h-12h et 13h-16h, sauf les jours fériés). Lors de l’admission et du séjour, les effets personnels de valeur des patients peuvent être déposés dans un coffre.

Ce service enregistre environ 300 passages par semaine. Aucun conflit n’est relevé lors des retraits, les patients respectent les horaires et le règlement. Des mandataires sont présents au sein des services afin de faciliter les éventuels retraits, lors des weekends et jours fériés. Selon l’établissement, depuis la mise en place de ce service, il a été constaté une baisse significative de la violence dans les services, ainsi que des vols. Les soignants constatent que la gestion de l’argent personnel des patients et de leurs biens de valeur ne pose quasiment plus de difficulté dans les services.

b - La maison des adolescents

Cette structure est issue des créations successives de structures dédiées aux adolescents par différents acteurs du champ : l’EPSM, le CHU de Caen, l’association calvadosienne pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (ACSEA), depuis le début des années 2000. L’association pour la création de la maison des adolescents du Calvados, dite Passado 14, a fait l’objet d’une déclaration27 en préfecture du Calvados. Son objet est la constitution, la gestion et le développement de la maison des adolescents du Calvados. Elle prévoit des actions en direction des adolescents : l’écoute, l’évaluation, l’information, le suivi éducatif et des consultations. Elle se fixe également pour objectif l’accompagnement des parents, ainsi que la formation et le soutien des professionnels intervenant en direction d’adolescents.

27 Déclaration en préfecture du 19 septembre 2006, convention du 2 octobre 2006.

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Elle a été autorisée par arrêté du 11 mai 2007 pour une durée de cinq ans

renouvelable. Ayant un statut expérimental, elle relève des dispositions de l’article L. 313-7 du code de l’action sociale et des familles28. La partie sociale et médico-sociale est portée par l’ACSEA. La partie sanitaire est portée par l’EPSM. Il s’agit d’un montage juridique et financier complexe qui traduit la volonté de travailler de manière transversale sur les champs social, médico-social et sanitaire.

Avant le renouvellement de l’autorisation, l’ARS a procédé, en février 2012, à une évaluation de la structure. Elle conclut que la maison des adolescents du Calvados répond pleinement au cahier des charges national et qu’elle va même au-delà des recommandations. Dans ce contexte, l’autorisation a été renouvelée pour une nouvelle période de cinq années. En 2015, l’ARS a considéré que le dispositif devait perdurer mais qu’il était nécessaire de sortir du modèle expérimental. En septembre 2015, elle a initié une étude juridique afin d’imaginer une solution juridique au-delà de 2017.

*

La chambre invite l’EPSM à étudier, en accord avec ses différents partenaires, le passage du statut associatif à une autre forme juridique, telle que le groupement de coopération sanitaire, afin d’éviter tout problème juridique pour l’avenir.

c - La coopération avec le tribunal

La loi du 5 juillet 201129 a modifié de manière substantielle le régime des soins

psychiatriques sans consentement, en diversifiant les modes de prise en charge et en élargissant certains cas d’admission en soin. L’extension du contrôle juridictionnel par le juge des libertés et de la détention constitue un apport majeur de la loi. Elle apporte également des précisions sur le déroulement des débats. Ceux-ci peuvent avoir lieu au tribunal ou par audience foraine dans les locaux de l’établissement de soins, voire, sous certaines conditions, par visioconférence. Le patient doit être assisté par un avocat et doit être entendu par le juge, sauf si les médecins considèrent que des motifs médicaux font obstacle à son audition, auquel cas il doit être représenté par un avocat.

La loi du 27 septembre 201330, qui modifie celle du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement, a établi le principe du déplacement du juge des libertés et de la détention dans les établissements de santé, avec l'installation de salles d'audience, en précisant qu'une mutualisation entre plusieurs hôpitaux était possible. La visioconférence est désormais interdite.

Au sein de l’EPSM, une salle mutualisée a été installée pour accueillir les patients de l’établissement, ainsi que ceux du centre hospitalier de Vire (Calvados), du centre hospitalier de Bayeux et du CHU de Caen. Un magistrat est dédié à cette mission. Les audiences ont lieu deux fois par semaine. Chaque séance comprend entre six et huit patients. Un agent de l’équipe sécurité soins est systématiquement présent. Une connexion informatique directe a été mise en place et la gestionnaire des audiences envoie les fichiers concernant les patients de l’EPSM par messagerie sécurisée. Le calendrier est partagé avec la greffière du tribunal. Des réunions régulières sont organisées avec le magistrat et les bâtonniers pour échanger sur les différentes problématiques rencontrées.

28 « Les autorisations des établissements et services à caractère expérimental mentionnés au 12° du I de l’ article L. 312-1sont accordées pour une durée déterminée, qui ne peut être supérieure à cinq ans. Elles sont renouvelables une fois au vu des résultats positifs d’une évaluation. Au terme de la période ouverte par le renouvellement et au vu d’une nouvelle évaluation positive, l’établissement ou le service relève alors de l’autorisation à durée indéterminée mentionnée à l’article L.313-1. » 29 Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux dro its et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. 30 Loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant cer taines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, notamment son article 6.

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L’ensemble des partenaires, la justice, les avocats, les patients et les familles

semblent satisfaits de cette organisation qui est plus sécurisante pour les patients. L’EPSM a su se positionner comme établissement unique sur le département pour organiser et assurer l’organisation matérielle de ces audiences.

2 - Une gestion associative à encadrer

a - Un phénomène important, partiellement valorisé

L’EPSM prend part à la vie de plusieurs associations : une association par pôle de soins pour les adultes31 et des associations sur le pôle infanto-juvénile32, ainsi qu’une association liée à la maison d’accueil spécialisée, intitulée « Le soleil levant ».

En 2014, l’établissement a versé des subventions à hauteur de 167 937 €, sans comptabiliser la subvention versée à la maison des adolescents. Les coûts liés aux charges de personnel, l’achat des véhicules, les locaux et les énergies ne sont pas remboursés à l’EPSM par les associations, ni évalués, ni valorisés comptablement.

Le décret n° 2006-887 du 17 juillet 2006 relatif à la publication par voie électronique des subventions versées aux associations de droit français prévoit que toutes les personnes morales de droit public qui distribuent des subventions aux associations doivent publier, par voie électronique, la liste de ces subventions. Ce texte s’applique à l’EPSM qui ne le met pas en œuvre.

*

La chambre recommande à l’EPSM de valoriser précisément tous les moyens mis

à disposition des associations et de publier la liste des subventions versées aux associations.

b - Le respect de l’article L. 3221-2 du code de la santé publique (CSP)

L’EPSM a diligenté une consultation juridique auprès d’un avocat spécialisé en 2010. Les conclusions ont été adressées à l’EPSM fin d’année 2010. Il est mentionné que : « l’analyse conduite dans le cadre de la présente consultation met indéniablement en exergue de multiples irrégularités liées à l’existence d’associations n’ayant aucune autonomie par rapport à l’établissement… il est nécessaire de repenser les activités de ces associations et de se diriger vers une autonomie financière de plus en plus accrue. » Interrogée sur les suites données à cette consultation, la direction de l’EPSM précise qu’aucune action n’a été mise en œuvre en vue de pallier les irrégularités relevées.

31 Il s’agit des associations « Caen Centre 14 G 09 », « Entr’aide Caen Est 14 G 02 », « Caen Ouest 14 G 04 », « Caen Sud 14 G 03 », « Arc-en-Ciel 14 G 07 », « L’espoir 14 G 08 », « Indigo SMPR », la cafétéria « Méli-Mélo ». 32 Il s’agit des associations « La clé des champs 14 I 02 », « La passerelle 145 I 03 » et une association sous statut particulier, « La maison des adolescents ».

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L’ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 a intr oduit la possibilité de

création d’associations à vocation particulière dans le domaine de la psychiatrie. L’article L. 3221-2 du CSP dispose que : « Afin de mettre en œuvre une démarche thérapeutique préalablement définie dans le cadre du secteur ou d’un établissement, une association de soins, de prévention, de réadaptation et de réhabilitation des patients, régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, peut être constituée, regroupant, notamment, des patients, des personnels hospitaliers et des tiers, personnes physiques ou morales. Le médecin responsable de la démarche thérapeutique est le garant de la bonne exécution de celle-ci au sein de l’association. Une convention est signée entre l’établissement et l’association. Elle précise les modalités de mise à disposition par l’établissement d’équipements, de moyens matériels et financiers et les conditions de leur utilisation par l’association. Elle indique les conditions dans lesquelles le personnel hospitalier peut contribuer au fonctionnement et aux activités de l’association. L’association rend annuellement compte, par écrit à l’établissement, de sa gestion et de l’utilisation des moyens mis à sa disposition. »

Si les associations intervenant à l’EPSM s’inscrivent dans les règles de la loi du 1er juillet 1901, elles rentrent également dans le cadre de l’article L. 3221-2 du CSP. Elles ont signé des conventions avec l’EPSM. Elles lui rendent annuellement des comptes. Elles sont dirigées par des agents de l’hôpital ne faisant pas partie de l’équipe de direction. Un médecin porte le projet thérapeutique de ces associations.

Pour autant, la participation de patients et de tiers au fonctionnement de ces associations ne ressort pas des documents communiqués33. Les modalités de mise à disposition par l’établissement d’équipements, de moyens matériels et financiers et les conditions de leur utilisation par l’association ne sont que partiellement précisées par les conventions. Les conditions dans lesquelles le personnel hospitalier contribue au fonctionnement et aux activités de l’association ne sont pas indiquées.

L’article L. 3221-2 du CSP limite les partenariats avec ces associations aux activités qui associent les personnels de l’EPSM aux patients et à des tiers autour d’un projet thérapeutique porté par un médecin. A l’exception de l’association « Méli-Mélo », le projet thérapeutique porté par les cafétérias gérées par chaque association de secteur ne ressort pas clairement. Ces cafétérias servent manifestement à générer des recettes au profit des associations de secteur, en utilisant les moyens de l’hôpital. Le représentant des usagers au conseil de surveillance souligne le fait que, malgré la présence d’une cafétéria par secteur, les usagers et leurs familles ne peuvent pas accéder à ces services le week-end.

*

La chambre recommande à l’EPSM de modifier les conventions passées avec ces associations afin de respecter la démarche thérapeutique prévue à l’article L. 3221-2 du code de la santé publique.

c - Une association qui ne remplit pas les conditions de l’article L. 3221-2 du code de la santé publique (CSP)

L’association « Le soleil levant » n’entre pas dans le champ de l’article

L. 3221-2 du CSP. Cette association de la maison d’accueil spécialisée (MAS) de Boulon intervient dans une structure médico-sociale. Elle n’est ni un établissement, car elle ne dispose pas de l’autonomie financière et juridique, ni un secteur de l’EPSM. Elle intervient dans un champ non couvert par le code de santé publique mais par celui de l’action sociale et des familles. Elle ne peut donc pas être constituée dans ce cadre.

33 L’examen des statuts des différentes associations met en exergue le fait que les membres se restreignent, pour la plupart, aux personnels de l’EPSM affectés au secteur dont dépend l’association. Parfois, il est précisé que seuls ces membres sont dits « actifs » et qu’ils peuvent, seuls, être élus au sein du conseil d’administration de l’association. Les articles 5-1 des conventions précisent, par ailleurs, que toute intervention d’une personne étrangère à l’établissement nécessite un accord écrit de la direction. Certaines conventions indiquent que la qualité de membre se perd par la sortie du pôle concerné.

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Une association loi 1901 pourrait participer à la création et à l’animation d’ateliers

ou d’activités réalisés avec les résidents de la MAS et des tiers. Elle pourrait bénéficier d’une subvention mais pas, tel qu’aujourd’hui, du personnel et des moyens de l’EPSM. D’après l’ordonnateur, la dissolution de cette association serait en cours, ses activités étant réintégrées au sein de la MAS, en utilisant le support d’une régie d’avance et de recettes.

d - Prévenir les risques juridiques et financiers liés au fonctionnement de ces associations

Le fonctionnement actuel des associations est marqué par l’absence de distinction

claire des structures de l’EPSM et du périmètre des associations. A titre d’exemple, les statuts de l’une de ces associations, datés de 2013, précisent dans leur deuxième article : « cette association est gestionnaire d’une unité fonctionnelle de l’EPSM de Caen (pôle Sud) : la cafétéria ... »

Les conventions avec les associations de secteur prévoient, pour la plupart, l’organisation de séjours thérapeutiques financés en très grande partie par l’EPSM et mobilisant les personnels et les assurances de l’établissement. Ces activités ont vocation à être réalisées dans le cadre de la commande publique en utilisant les dispositifs, comme la carte achat ou les régies.

De plus, des agents de l’EPSM sont affectés à ces associations, en général à temps plein. Cette mise à disposition ne respecte pas le formalisme statutaire. La gratuité prévue par les conventions ne respecte pas l’article 15 de la loi du 2 février 2007 qui prévoit le remboursement, par les associations, des fonctionnaires mis à la disposition.

La chambre recommande donc à l’EPSM de revisiter l’ensemble des conventions

passées avec ces associations de secteur afin de prévenir les risques juridiques, financiers et de responsabilité des acteurs.

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En conclusion de cette partie consacrée aux actes de gestion, il ressort qu’en l’absence de projet médical depuis plus de dix ans, l’EPSM de Caen ne répond que partiellement aux besoins de la population qu’il dessert. Réduction du capacitaire, redécoupage des secteurs et virage ambulatoire avec un redéploiement de moyens vers l’ambulatoire, et les projets intersectoriels sont des préalables à la mise en œuvre d’un schéma directeur immobilier dont les priorités ne peuvent être arrêtées qu’à partir d’une gestion des risques.

L’EPSM de Caen sait se montrer exemplaire chaque fois qu’il sort de ses murs et qu’il dépasse l’organisation en secteurs, comme l’ont illustré la création de la « banque des patients », les partenariats autour de la maison des adolescents et la coopération avec le juge des libertés.

En préconisant l’élaboration d’un projet territorial de santé mentale et la constitution de groupement hospitalier de territoire, la loi de modernisation du système de santé, adoptée le 17 décembre 2015, devrait permettre à l’EPSM de s’inscrire dans l’offre régionale de santé et de sortir du modèle de l’hôpital psychiatrique départemental.

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ANNEXES

Annexe 1

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Annexe 2.1

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Annexe 2.2

Evolution des charges et des produits après correction

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Annexe 3

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Annexe 4