Rabelais Le Quart Livre

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French literature 16th century

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PQ1683P4"CRONTOLiBRARYDigitizedbythe InternetArchivein2009witiifundingfromUniversityofOttawalittp://www.arcliive.org/details/lequartlivredepaOOrabeO--LEQUARTLIVREDE PANTAGRUEL(DITION DITE PARTIELLE, LYON,1548)TEXTE CRITIQUEAVECUNEINTRODUCTION.y 4J^PUBLICATIONDELASOCITDESTUDESRABELAISIENNESLEQUARTLIVREDE PANTAGRUEL(DITION DITEPARTIELLE, LYON,1548)TEXTECRITIQUEAVECUNEINTRODUCTIONPARJean PLATTARDAGRG DE l'uNIVERSITDOCTEUR ES LETTRESPARISHONOR CHAMPIONLIBRAIRE DE LA SOCIETE DES TUDES RABELAISIENNES5,QUAI MAI.AQUAISI9IOpii-LE QUART LIVRE DE PANTAGRUEL(dition dite partielle, Lyon,1548)AVANT-PROPOSOndsigne sous le nomd'dition partielle du Qiiart Livre dePantagruel la premire rdaction decet ouvrage*;elle parutLyon,en1548 et elle ne comprend qu'unepartie du Q]iartLivre : onzechapitres etunPrologue.Nousconnaissonsde cette rdaction trois ditions. La pre-mire est actuellement reprsente pardeuxexemplairesdontI. La Bibliographie Rabelaisiennede y\. P.P. Plan mentionne unedition gothiquedu QuartLivre. Cf. p. iSg. Le Duchat rapporte(tomeIV, page 10, note ') que Rabelais fit paratre une premiredition in-i6,gothique,deson QuartLivre et s'appuie, pouravancerce fait sur le tmoignage de Mnagequi, au chapitre xxxviii de sesAmniie:^de droit, dclarait possderun exemplaire de cette ditiongothique. En ralit, au passage indiqu par M. Plan, voici ce quedit LeDuchat:L'auteur avait fait imprimersparmentce prologuein- 16 enlettregothique.Etil renvoie Mnage.Nousnoussommesreports au texte de Mnage. II cite parmi les batailles de geaisfameuses celle qui est raconte par Rabelais : Franciscus Rabela-sius in quadamPraefatione, quae desideratur in vulgatisejus Fabel-larum editionibus;scd quam separatim typis Gothicis, quos vocant,ediiam pnes me habeo... {^EgidiiMenagiiJuris civilis am-nitates... secunda editio, priori longe auctior et emendatior. Paris,GabrielMartin,177,in-i6;chap.'s.s.xwu.QuisintGraculi).Mnagenepossdait donc qu'un Prologue du Quart Livre, imprim, separa-tim, part, en lettres gothiques.On ne trouve nulle autrementiondecette dition gothique du Prologue de 1548.XAVANT-I'ROI'OSl'unest la BibliothqueJamesdeRothschild(n"1513).Letitreest : Le Q/iarfLivre desfaict{ et dict^ hroques dunoblePaiiiagrueLComposeparM. Franois Rabelais, Docteuren vicdicine, et Calloierdes Isles Hieres. ALyon, lan milcinq cens quarante et huict. C'estun in-16 allong de ^S IT. non chiffrs, le verso dupremier,blanc; 24lignes la page ;caractres ronds;signatures A. -F.par huit.Letitre de chaquechapitre est suivi d'unegravuresur bois; celui duPrologue estgalement suivi d'une vignettereprsentant un homme assis son pupitre et crivant.Lesautres bois nous montrent des scnes mythologiques, sansaucunrapportavecletextedeRabelais : on saitque lesimpri-meursdu xvi"sicle utilisaient les mmesboispourillustrer deslivres fort diffrents. Nous dsignerons cette dition par lalettre A.La secondedition porte le mme litre que la prcdente.C'estun in- 16 carrde^4ff. nonchiffrs, plusdeuxff. blancs;21 lignes la page;caractresronds. Letexte est celuideA;les variantes quenousyavonsreleves semblenttre de sim-plescoquilles d'imprimerie. Les bois sont les mmes,sauf auxchapitres iv, ix et xi, o noustrouvonsdenouvelles vignettesreprsentant des scnesmythologiques. Toutefois cesgravuressont moins nettes que dansA;et cette remarque permet deconjecturerque l'dition en48feuillets est antrieure celle-ci,que nousdsigneronspar la lettre B'.Latroisimedition : OjiarfLivredes faict^ et dict{HroquesdunoblePantagruel.ALyonparPierrede Tours (s. d.), appartientla premire dition collecti\'e des quatre premiers livres, parPierre deTours. C'est un in- 16 allong, de 100pageschiffres(la dernire est cote70par erreur), plusunfeuilletnon chiffrportantlaTable ducontenuauquatrimelivredePantagruel;caractres ronds. Le titre de chaque chapitre et celui du Pro-loguesontsuivis de vignettessur bois, identiques cellesdeB.Le texte est celui de A. l'exception de quelques coquilleset d'une variante typographique constante : les apostrophesI. Voir les fiic-simils des litres et des spcimens de cesdeux di-tionsdans Plan, Bibl.Rab.,n' yl'i,77.AVANT- PROPOSsontsupprimes.L'impression estmoinscorrecte quecelledeAet de B. Nousdsignons cetteditionpar la lettre C*.JVl. Emile Picot a le premiertabli le rapport entre ces troisditions- : la premire est celle quia lesbois lesplusnets, c'est--dire A.Ladernireest celle dontles feuilletssontchiffrs : C.Chacune d'elles a-t-elle t faite directementd'aprs le ma-nuscrit? C'est peu probable. En effet, Bet C corrigent biencertaines coquilles de A (cf. chap. ix. 41. A. confideor. B. C.confiteor) ;mais elles reproduisent fort exactementtoutes lescoquillesdulangagenautique (cf. chap. vni. 64. Prodenon,69.Landrinel, 70.agnevilloit;chap. ix.46,estauterot;chap. x.64.Obelischolischive)etdeuxcoquillesduPrologue(84.Tivel;199, scavoirmon)qu'un recoursau manuscritaurait fait dis-paratre.Onpeuten conclurequeB etCsuiventA.Apartquelquesvariantes detypographie, elles reprsententdoncun mmetexte,trs diffrentdu textedel'dition complteduQuartLivre, qui paruten1552, Paris chez Michel Fezandat.Or,depuis1 548,cetterdaction primitiveduOiiart Livre n'a jamaist rimprime. Le lecteur, qui ne peut recourirauxexemplai-res originaux, n'a pour la connatre que la liste des varian-tes de1548 , relevespar l'dition d'AnatoledeMontaiglonetL. Lacour (tomeIII) et par celle de Pierre jannet(tomeVI).Ces listesdevariantesont ledfaut de n'tre pointplacesenregarddutextede15=i2 ;il n'y a mmeaucunsignetypographi-quequinousavertisse despoints ocetexte diffre de celuide1548.Enoutre, les diffrences entre les deuxtextessont telles querestituer, l'aide desvariantes, le texte de1548,d'aprs celuide1552,est une opration laborieuse. En efet, Rabelais nes'est pas content d'ajouter ou de retrancher en1552, la r-I. Il existe unequatrime dition de ceQuartLivre. Elle portela datede 1548, mais elle est certainement de beaucouppostrieure.Elle fait partie d'une dition des uvres collectives de Rabelais,quiest unecontrefaon de l'dition collective de Claude La Ville 1547.VoirPlan. op. cit., n 85.(2)Catalogue de la Bibliothque James de Rothschild.Tome II,p. 190 (Paris,Morgand, 1884-1893, in-8}.AVANT- PROPOSdaction de 1548 : trs souvent, il a corrig en changeantl'or-dre des mots dans une numration, ou l'ordre des termesd'une proposition, dplaantici unadverbe, l, le verbeou leparticipe. Ces modifications sont bien signales par les di-teurs' : nanmoinsquand nous voulonslire le texte de1548,noussommesobligs detranscrire pournotrepropre compteletextede1552,enyintroduisant les corrections de dtail four-niesparles variantes.Enfin, une liste des variantes peut bien aider reconstituerle texte primitif, maispournousreprsenter la physionomiedecette rdaction de1548,il nousfaudraitdansle texte de1552dessignes ou artifices typographiquesnous indiquantle mot,la phrase, le paragraphe, le chapitre ou l'pisode ajout parcette dition dfinitive. C'est ce qu'on ne trouvedansaucunedition deRabelais.Aussiavons-nouscruqu'ilseraitutile derimprimerletextede1548.Onpourra dsormaisl'tudier part, sansavoiroprerpralablement le travail de confrontation et de transcriptiondontnousparlionstout l'heure; et pourquivoudracomparercette premire rdaction la rdaction dfinitive, il suffira demettrenotre texte en regard de l'dition de1552.Nous rimprimons le texte de A, d'aprs l'exemplairede laBibliothque], de Rothschild,queM.EmilePicot a eu l'obli-geancede mettrenotredisposition.Nousle prionsd'agrer icinotre respectueuse gratitude. Nous donnons en notes les va-riantes de B, collationnes sur l'exemplaire de la BibliothqueJ.de Rothschild (n" 1312)etsurcelui de la BibliothqueNatio-nale (Rs. Y-2160 et celles de C, d'aprs l'exemplaire de laBibliothque Nationale (Rs. Y^. 2141).Nous reproduisonsexactement la ponctuationet l'accentuation de A.Nousdistin-guons les ides/,lesvdesv.Nouscorrigeonslescoquillestoutesles fois que la comparaisondeA avec le textede1552permetI. PierreJannet ne les note pas toujours exactement. Ainsi, dansi'numration des reli,L;ieux salus par Panurge, chap. viii (xviii,i552) il ne signale pas le changement introduit par l'dition de 15.^2dans Tordre des noms. Cf.TomeVI, Variantes,p.23o.AVANT-PROPOSd'tablirla vraieleon.Dansla correction des coquilles du Pro-logue, nousdevonstre trs prudents: commeil adisparudansl'dition duQitartLivrede1552,nousignoronscequeRabelaisaurait corrigdans ce texte. Danstous les cas, nousdonneronsentre crochets, dans les notes, les coquilles que nous auronscorrigesdansle texte.Il restait tudier les problmes que soulve cette ditionpartielle : o et dans quelles conditionsa t crite cette pre-mire rdaction du OiiartLivre? pourquoi cet ouvrage est-ilplus court que chacun des livres publis antrieurement parRabelais?Nous ne nous flattons pasd'avoirdonn ces ques-tions une solution dfinitive : nousconnaissonsencore si malla vie de notre crivain l'poque oparut le QiiartLivre, quenousensommes rduits le plussouvent des hypothses. iVlaisl'tude de ces problmesnousa conduit l'examen desaddi-tions et correctionsque le texte de1552apporteceluide 1 548,puis uneenqute sur lessources de cette premire partie : ilen est rsult quelquesconstatations prcises sur le travail dustylechez Rabelaiset unecontribution au commentairede sonuvre.BIBLIOGRAPHIIIDITIONS.NousciteronsletextedeRabelaisd'aprsTditiondeCh. Marty-Laveaux,que nous dsigneronsparles deuxini-tialesM.L.Les jivresdeMaisireFranoisRabelaisaccompa-gnes d'une notice sursa vie et sesouvrages, d'unetudebibliogra-phique, de variantes,d'uncommentaire,d'unetabledenomspropreset d'un glossaire, par Ch. Marty-Laveaux. Paris, A. Lemerre,1869- 1903,6tomesin-S". Les deux dernierstomesont tpublis par MM. Petit deJuUevilIe et Ed. Huguet.BuRGAUDDESMaretsETRathhry.uvrcsdeRabelais, collation-nespourlapremire fois sur les ditions originales, accom-pagnes d'un commentaire nouveau, parMM.BurgauddesMarets etRathery. Paris,Firmin Didot, 2 vol. in-8", ditionde1873.H. Ci.ouzoT. Les amitisdeRabelaisen Orlanaiset la lettre dubaillides baillis. Rev. Et. Rab.,1905, p. 156.Le vritable nom du seigneur de Saint Ayl.Rev. Et. Rab.,1905, p.359.Nouveauxdocuments sur Saint Avl.Rev.Et. Rab.,1908,p. 150.Le Duchatet LaMonnoye. uvresde Matre FranoisRabelais.Amsterdam, 1711,5vol. petit in.8".ArthurHeulhard.Rabelais, sesvoyages en Italie, son exil Met{.Paris, librairie de l'Art, i89i,in-8'\BIBLIOGRAPHIEEdmondHuguet. Etudesurla syntaxedeRabelais. Paris,Hachette,1894,in-S'\Jal.Arehologie Navale. Paris, 1840,2 vol. in-8'^'. Tome II.IVlmoire n" 9.Sur les Navigations dePantagruel,un passagemaritime de la Complaintof Scotlandetmiechanson matelotean-glaise duxiv^ sicle.P.Jannet. uvresde Rabelais, seuledition conformeauxder-niers textes revuspar l'auteur, avec les variantesde toutesles ditions originales, des notes et un glossaire. Paris, P.Jannet,7vol. in-12.AbelLefranc. Les navigationsdePantagruel. Paris, H. Leclerc,1905,in-8.A. DE MoNTAiGLON ET Louis Lacour. Lcs quatre livres demaistrcFranois Rabelais, suivis du manuscrit du cinquime livre,publispar les soins de MM.AnatoledeMontaiglon et LouisLacour. Paris, Acadmiedes Bibliophiles, 1868-1873,3vol.in-8.Pierre-Paul Plan. Bibliographie Rabelaisienne. Les ditions deRabelaisde1532a 171 1. Catalogue raisonn, descriptifetfigur. Illustr de cent soixante-six fac-simils (titres, va-riantes, pages de texte, portraits). Paris, Imprimerie natio-nale,1904,gr. in-8'^. Pour la rectification d'assez nombreu-sesinadvertancesdecetouvrageparailleurs si utile, voir lesarticles de M.M.L.Polain.Rev.Et.Rab.,1905,p.93 ;J.Bou-\tv)g^\-, Revue critique1905,t. LXIX,p.307;SeymourdeRicci, Rev. Et. Rab.,1907, p.286.GoTTLOBRgis. MeisterFran^RabelaisderAr:(eneyDoctoren Gar-gantua und Pantagruelans dem Fran^sischen Verdcutscht, mitEinleitung und Anmerkungen, den Varianten des ZweitesBuchsvon1533,auch einemnoch unbekanntenGargantua,herausgegeben durch Gottlob Rgis. Leipzig, 1832- 1849.VerlagvonJohn.Amb.Barth,3vol. in-8'^.W.F. Smith. Rabelais, the fivebooksandminorwritingstoge-ther with letters and documents illustratine: his life. ABIBLIOGRAPHIEnewtranslation witli notesbyW. F.Smith. Londres,1893,2 vol. in-8".P. Stapfkr. Rabelais, sa personne, songnie, son uvre, 4" di-tion. Paris, Colin, 1906,in-i8.Louis Thuasne. tudessurRabelais. Paris, E. Bouillon (Biblio-thque littraire de la Renaissance, V),1904,in-S".Arthur Tillf.y. Franois Rabelais. Londres,J.-B.Lippincott,1907,in-i6.Rabelais and GeographicalDiscovery, dans Thk ModkrnLan-GUAGEReview, juillet1907etavril 1908.Pour les auteurs mis contribution par Rabelais : Fulgosc,RavisiusTextor, etc., voir le chapitrede l' Humanismedansnotreouvragesur l'Invention et lacomposition dans l'uvre de Rabelais.Paris, H. Champion,diteur,1909,in-8.INTRODUCTIONLapremire dition duQuartLivre du roman de Rabelaisparuth Lyon, l'an mil cinq cent quarante et huit , sous letitre suivant: LeQuart Livre des faictz et dictz Irleroiquesdunoble Pantagruel. ComposparM.Franois Rabelais, Docteufen Medicine, et Galloierdes Isles Hieres'.Cette dition prsente quelquescaractres tranges, dont iln'estpas facilede rendrecompte.1 Elle necomportepasde nomd'imprimeur. Une marquetypographique place au-dessousdu titre, la gravure sur boisentteduprologue,la typographie^permettentd'affirmer qu'elleestsortie des presses dePierredeTours. Celui-ci avaitsuccden 1542 a FranoisJustequi, en neufans, avait donn trois1. Il avait pris ces deuxtitres,deDocteurenmdecineetdeGalloierdes Isles Hires, pour la premire fois, dans la premiredition duTiers Livre, Paris, Christian Wechel, 1546. Cf. fac-simil du titredansPlan, Bibl.Rab. n 67. Il s'tait intitul Docteurenmdecine,ds i533, dans unAlmanach (Cf. Plan, Bibl. Rab. p. 229)bien quece grade ne dt lui tre confrqu'en \b3j,Montpellier. Galloieroucaloire, bonvieillard, beau pre, tait le nompar lequel on dsi-gnait les moinesdanstout l'Orient. Cf. note de M. A. Lefranc dansRev. Et. Rab., IQ06,p. 196, d'aprs un passagedes Observationsdeplusieurs singularits de diverspaysen Turquie, de P. Belon, i533.Henri Estienne rapproche ce terme grec vulgaire Kaloiro ouKaloero, de l'expression populaire franaise beau pre. Cetteappellation nous montreque [les moines] ont vcu de tout temps leur aise : car onappelleun beau vieillard qui endpitde la barbeblanche est encore frais et auquel la peine oule chagrin n'ont pointeffac les beauxtraitsduvisage. Apologie pourHrodote,ch. 21.2. Cf. Plan, Op. cit.,p. 140-141.IINTRODUCTIONditionsduPantagruel(i533, i534,1542)', une de la Panta-gntlinePronostication (i535) *, et cinq duGargantua(i534,i535, 1537,id., 1542)'. Lui-mme avait donn, en 1542, unedition du Gargantua et du Pantagruel portant sonnom, unedition du Tiers Livre en 1546 et une autre eni-Hj,cesdeuxdernires sans nomd'imprimeur*.2"Cette rdaction est beaucoup pluscourtequele Gargantuaet le Pantagruel. Elle a quarante-huit feuillets in- 16 et repr-senteenviron le tiersdulivre tel qu'il parutcomplet,en i352.Elle seterminebrusquement, l'pisode des Macrons,qui estle onzime chapitre dans ce texte, le vingt-cinquiine dansl'dition de i352, surune phrase inacheve: Tout le peupledu lieu apportait vivres en abondance. Les Pantagrulistesleuren donnaient d'advantaige. Vrayest que quia plus n'endict.Ona hsit sur le sens decette dernire phrase. P. Jannet,dans son dition (tome VI,p. 284)transcrit : Vrayest quequi a plus n'en dict, l'interprtant sansdoute : [celui] qui a[plus dire]plus n'endict[pourle moment].Maislaleonneseprte pas cette interprtation : onnepeut lire dans le textequequia enunseul mot^Voici commentnous proposons d'analyser et d'interprtercette phrase :Vrayest quesontles troispremiersmotsd'unephrase quiseraacheve dansl'ditionde i552 et qui complte le tableaudufestin des Pantagrulistes quel'auteur est en train de nousdcrire: x Vray est que leurs provisions toient aucunementendommagespar la tempte prcdente. Quia employ seul, est unterme d'argumentationlatineparlaquelle ons'avouait bout de ressources. Quare?Cur.i* Quia*. De l les expressions : tre quia, mettre quia,1. Cf.Plan, Op. cit., n'23,24, 89.2. Cf. Plan, Op. cit., n28.3. Cf. Plan,Op. cit., n 3i, 32, 33, 3^, 38.4.Cf. Plan, Op. cit., n44, 71, 72.5. Cf. le fac-simildans Plan, Op. cit., p. 140.6. FrreJean reproduit cetteformuled'argumentation,maisen fai-sant suivre le quiad'unerponse la question quare. Serais-je en(langer de noyer...? Non, non, quare? quia elle en sort bien, maispoint n'y entre . Garg.40. M. L. Il,p. i5o.INTRODUCTIONallerjusqu' quia,qui appartiennentla langueduxvrsicle*. Plusn'en dict (le dposant) est uneformulede la languejudiciairequiservait cloreuninterrogatoire. Janotusde Brag-mardol'emploie la fin de saharangue: Etplus n'endict ledposant. Gargantua,19.Ainsi Rabelais interrompt une phrase, laisse un rcit ina-chevpourclore cette premire rdaction desonQuartLivre,pardeuxformules quiindiquentla find'unediscussion et d'unedposition. Quesignifie cetexplicit?3 Cette rdactionde 1548 diffre pardeuxcaractresprinci-pauxde la rdactiondfinitive qui paratra quatreansplustardnonplus Lyon, mais Paris, chez Fzandat.Nonseulementcelle-ci auraune tendue deuxfoissuprieure celle-l;maiselle comporterades enrichissements et des correctionsdans letextemmede la premire. Deux pisodes importants serontinsrsdans le rcit primitif: la relche Mdamothi(chap. 11,III et iv) et l'anecdote des Chicanousdaubs parBasch (chap.XIII, XIV, XV).Enoutre, desincidents seront dvelopps, desempruntsnou-veaux seront faits aux ouvragesd'rudition ; des additionsdedtail, des correctionsde style, desremaniementsdans l'ordredes motsviendrontchanger considrablement la physionomiedu texte de 1 548.Qu'est-ce doncque cette ditionpartielle} Gomment expli-querles diffrences qu'elle prsente avec l'dition dfinitive.''N'est-elle qu'unebauchede celle-ci? ouun spcimen dunou-veau rcit, dont Rabelais considrait cette premire partiecomme acheve, etqu'il livrait l'imprimeur clandestinement,pour des raisons qui nouschappentencore? Telles sont lesquestions qui se posent au sujet de cette dition. Rappelonsd'abord dans quelles circonstances elle a t crite et publie.I. Cf. Marot. pitre au roipouravoir t drob. De trois jours l'un viennent tastermonpoulx,Pourmegarder d'aller jusqu' quia .INTRODUCTIONI. Circonstances de la rdaction et de i.a pubmcationCette premire rdactionduQuartLivre, date d'une poqueo Rabelais avait perdu la scurit que lui assurait depuisdouzeansla protectionde lafamilleduBellay.Apeine le TiersLivre avait-il paru, probablement dans les premiers jours de1 546 (n. s.), qu'iltaitcensur par laSorbonne'.Nousignoronsladateexactedecettecondamnation; maisnoussavons qu'elleeut lieu avant Pques. Or, le 28 mars 1546, Rabelais tait Metz,commenousl'apprendune lettre deJean Sturmau car-dinal du Bellay-;chass de France par le malheurdes temps,nousdit Sturm^.Cetteexpression, ladatedudpartde Rabe-lais, si prochedecelle desacondamnation,nousportentacroirequ'il fuyait Paris par mesurede scurit. Laprotectiondu car-dinal duBellay nesuffisait pas alors le mettre h l'abridesper-scutions.AMetz, son ami Etienne Lorens, seigneurdeSt-Aylposs-dait unemaison\Peut-treydonna-t-ill'hospitalitRabelais.En toutcas, il nemanquapasdelui assurersa protection.Quoiqu'ilensoit des premires diflicultes que Rabelais ren-contrapourassurer son existence Metz, il est certainque ds1546, il tait mdecin aux gagesde la ville , et qu'il occupacette situation jusqu' Pques,peut-tre mmejusqu' la Saint-Jean 1547.Undocument duxvii*sicle l'atteste; c'est unextraitdescomptesde la ville de Metz, fait par le pasteur PaulFerry,1. Le Privilge est du 19 septembre i545. LeCataloguedes livresexaminset censurs par la Facult de Thologie de l'Universit deParis, suivant l'dit du Roy, publi en la Courtde Parlement, le 3septembre 1 5bi, donnepour Pantagruel ladate de 1545 (a. s.) {Cf.Rcy.Et. Kab., 1905, note6, p. 268, dans l'article de J. Bdrai,L'influence deTiraqueausurRabelais).2. Cette lettre ne porte que la date du mois, non celledel'anne,M. Lefranca montr d'une faon irrfutable qu'elle tait de 1546.Cf. Rev. Et. Rab., igob, p. 6.3. Temporaetiain Rabelesumejecerunte Galliaft\jTiv j^pvwv.4.Cf. H. Clouzot, Nouveaux documents sur Saint-Ayl. Rev. Et.Rab.,1908, p.i5o.INTRODUCTIONcompilateurfort exact, danslequelfigure partrois fois la men-tionde Rabelais, auxgagesde 120livres, Tan1547'Quereprsenteraientaujourd'huices 120 livresdegages ? Onsaitcombiendetelles valuationssontincertaines-.Nanmoins,si nousadoptonsla valeurmoyenne dela livre vers 1540, c'est--dire4francs, et si, pour le pouvoir de l'argent, nous noustenonsgalementau chiffre de multiplication considrcommeleplusacceptable,soit 5, nousarrivonsuntotal de2.400francspar an(i2oX4 =4So>5X4^0=2.400).Rabelais disposaitdoncde200fr. par mois. II avait connuuneexistence pluslargeet plus facile. Aussine faut-il pastrop s'tonnerde le voir seplaindredesa dtresse dans une lettre qu'il adresse le 6fvrier1547^^ Cardinal du Bellay. L'objetdecette lettre,qui fut con-fie SaintAyl, rentrant Parispourrendrecomptedesamis-sionauprsdes princes protestantsAllemands, taitde solliciterune aumne . Pourmieuxfaireaccepter sa requte, Rabelaisexagresamisre. Djeni536, Rome,alorsqu'il tait lecom-mensalduCardinalduBellayetde I\I. deiMacon, commeil qu-mandaitquelqueargentMgr.d'Estissac,il faisait valoirla chertdesloyers, desvtements et mmedesfrais de bureau. AMetz, le louage des meubles de chambre^ negrevaitguresonbudget, puisqu'il tait sans doute chez le SeigneurdeSt-Ayl.Nanmoins, quelque frugale queft savie, il se trouvaitdans la ncessit et l'anxit et se demandaits'il n'allaitpas s'as-servir quelqu'undeparde, avecdommageet pertevidentede ses tudes .LeSeigneurdeSt-Ayl, sur quiRabelaiscomptaitpourexposerplusamplementson inscurit et sondnmentau CardinalduBellav,se contenta detransmettresa lettre, sansmmel'accom-pagnerd'unmot de recommandation, prfrant attirer l'atten-tiondu ministre surundesesagents en Alsace, dont la d-tresselui paraissait plus relle que celle dumdecinde la villede Metz^.1. Cf. Lefranc, Lesdates du Sjour de RabeUis Met:{. Rev. Et.Rab., 1905, p.!.2. Cf.tomeV,p. 266-267 de VHist.de Fr^j^cepubliesous la direc-tiondeM. Lavisse. Paris, Hachette, igoS. (.\rt. deM.Lemonnier).3. Cf. Lettre Mgr.de Maillerais, i5 fvrier i536. M. L., tomeIII, p.36i.4.Cf. Clouzot,Le VritablenomduSeigneurde St-Ayl. Rev. Et.Rab., igob, p. 35g.INTRODUCTIONRabelaiscontinuadoncde vivoter comme il le disait, ettouchaSCSgagesjusqu' la St-Jeande l'anne1547.Nousignoronsquelledate il quitta Metz. Il est possiblequ'la mort de Franois1er(3i mars1547),i^ ^'^ fonde quelqueespoirdescurit personnelle sur le nouveau rgime et qu'ilsoitrevenualorsauprsducardinal du Bellay.Onadmetgn-ralementqu'il tait Parisle 10 juillet1547,^^ jourdudueldeJarnacet de LaChastaigneraye. Onveut voir,eneffet,unsouvenirpersonneldans la phrasesuivante de la Sciomachie: Encoresveismes noussemblables [cas de transmission prodigieuse denouvelles] Lyonpourla journede Pavie, enla personne dufeu seigneurdeRochefort et rcentement Paris au jour quecombatirent les seigneurs de Jarnac et de Chastaigneraye .Maisc'est interprter bien strictement cette phrase : pourquoinepasconserveraupronom nous savaleurdepluriel ? Rabe-lais emploie le pronomsingulier je dansla Sciomachie par-tout o il parle enson nom'.S'il se sert ici dupronomnous,c'est noussemble-t-il,parcequ'il parleau nomd'unecollectivit;ce sont les liommesde sa gnration, opposs aux historiensanciens,dontil vient deparler, quipeuventattesterdescaspro-digieuxdetransmissiondenouvelles.Ainsionne peut tirer decette phraseunepreuvedesaprsence Paris le 10juillet1547.C'est peut-tre par ou-dire qu'il connat le cas merveilleuxauquel il fait allusion.Ds lors il ne nous reste aucun tmoignage sur sa vie, dePques1547^^ ^^ juin 1548. A cette date, il est Rome etsigneunequittancepour32 cus d'or, qui lui sont verss parBenvenutoOlivier et C'", banquiers Rome, en vertu d'unelettredechangetiredeParisle 18maiprcdent,l'instancedeArnauldCombraglia, payeur du cardinal du Bellay. Cettequit-tance a figur dans la collection de manuscrits de BenjaminFillon;elle est aujourd'huiperdue-.1. Cf. la plirase qui prcde immdiatement celle-ci:* qui estchose prodigieuse et admirable, non toutesfois en mon endroit, quipourrais alguer par les histoires grecques et romaines, etc..Ettoute la fin de la relation : Jene parleray point... Je noteray, etc.2. A.Heulhard, Rabelais en Italie et Met^, en donne un fac-simil,cf.p.257et sq. Ladcouverted'unfauxdanslacollection P'illon(cf. l'article de H. Clouzot dans la Rer. Et. Rab.,1907, p. 418 :Rabelais Fontenay-le-Comte) jettequelque suspicion surcettepice.MM. N. Charavav et H. Clouzot la tiennent pour authentique.INTRODUCTIONAinsi lecardinal,quitait Romedepuisla findejuillet 1547,amandprsde lui son mdecin ordinaire. Maisqu'avait faitRabelaisdepuissondpartdeMetzjusqu'ce moment?c'est cequenousignorons. Nousn'avonssur ses occupationsquedeuxdocuments : unAlmanachpour 154S et la premireditionduQuart Livre. Aquelledateexactementparutcelle-ci? Il est ques-tionau chap. vi desmonnaiesrcemmentfrappes l'effigie deHenri II. Or, c'est en vertu d'une ordonnance du 3i janvier1548 que furent frapps ces nouveaux Henricus quePanurgefait sonnerdans son escarcelle'.On peut donc direque le Quart Livre ne put pas paratre avant le mois defvrier 1548.Telssont, sur la dateet les circonstancesdecettepublication,tous les renseignementscertainsquenouspossdons.II. La prparation de la rdaction de 1548Ainsi la rdactiondu texte de l'ditionpartielle n'tait pasacheve enjanvier048et elle prend date entre 1546 et048,c'est--dire unepoque oi la viede Rabelais fut particulire-mentinquite et trouble.Elleconcide avecle dpart prcipitpourMetz, l'exil, ladtressemme, si l'on en croit MatreFranois.Riend'tonnantsi elleseprsentenouscommehtiveet inacheve. Laphrase finale : vray estque , brusquementinterrompueet complteeni552nedoitpasnousfaire illusion.Rabelaispouvaitbiendonneren1548la suitedecette phrase,lasuiteduchapitremme,mais nonla suitedu livre, telle qu'elleparut en i552. Bien plus, il considrait cette rdaction,mmedans lesparties qu'il livrait aupublic, commeimparfaite.Nous en trouvons une premire preuve dans le textemmede cette dition partielle. Sans doute, Rabelais avait en sonesprit l'ide gnrale, le plan de ce Quart Livre. Toute la findu Tiers Livre le prpare et l'annonce. Au chapitre47,Panta-gruel et Panurge dlibrent visiter l'oracle de la Dive Bou-teille. LesdernierschapitressontconsacrsauxprparatifsdeI. Cf. A. Heulhard, op. cit.,p. 246.INTRODUCTIONl'expdition maritime projete, qui doit naturellement fairel'objet du livre suivant, ce joyeuxquartde sentences Panta-gruliques )) annoncdansle prologuedu TiersLivre.Mais au momento Rabelais livre son manuscrit l'diteurlyonnais, il n'a pasencore eu le tempsdecoordonnerentre euxles divers pisodesde son ouvrage. Des raccords et des suturesmanquentpar endroits. C'estainsi quedansl'aperu gnraldelanavigationdePantagruel,esquiss la findu premier chapitre,Rabelaisometl'pisode, pourtant considrable, de la Tempte. Carsans naufrage, sans dangers, sans perte de leurs gens, engrande srnit firent le voyagedeIndie suprieure enmoins dequatremois:lequelapeinefcsaientlesPortugaloysentroisans.En i552, il s'aperoitquecette5ereM7en'apas tcontinue et ilouvreune parenthse (excepte:^ unjourprs l'le des Macrons),pourmentionnerpar cette allusion l'pisodede la Tempte,quioccupait untiers de sa premire publication. Ilya danscetteomission un indice certain quecette premirerdaction a thtive. Rabelaisavait sansdoute trait sparmentles pisodesdesonrcit : il n'apaseuletemps deles raccorderentre eux.Danslepremierchapitrede la rdactionde1548,toutentierhsonplai-doyerenfaveur de la route de l'Inde par le Nord-Ouest, il envante les avantagessurcelle des Portugais, sans songerqu'unepartie desonrcit viendra contredire ces logesde \dL n'a pas t dugot de frre Jean;aulieu de baiser lamain de sa mercy ou de saMajest , il nesongequ'1. LesNavigationsdePantagruel, p.ni.2. Arthur Tilley, RabelaisandGeograpliicalDiscovery, p. 214 duvol. III de ModemLanguageReview.32 INTRODUCTIONtransporter son humanit la cuisine.Epistmonremarquequecetaveu estd'un vrai moineet raconte cepropos l'anec-dote de Bernard Lardon, qui prfe'rait aux palais de Florenceles rtisseries d'Amiens. Ilya lieu deremarquerque la datedecette anecdote, ilya environ douzeans , concide avec lesecondvoyagedeRabelaisenItalie, 1536.Est-ceunsouvenirper-sonnelde l'auteurquenousraconte Epistmon.''Il estpossible.Entoutcas, Rabelaisne tient nullement lui conserverceca-ractredesouvenirpersonnel : dansl'dition de i552, le chan-gementde douze , en vingt ans, recule la datede cetteanecdote une poque oRabelais n'avait pas encore vuFlo-rence.Lesproposde BernardLardon amnent frre Jean recon-natre que les moinessont volontiers en cuisine. Il demandel'explication dece phnomne : onmetquelquethoriephilo-sophiquesur cegrave sujet et Pantagruel rappelle commentlepoteAntagoras fut trouv en cuisinepar le roi Antigonus.Cetteanecdotetire desApophtegmesdePlutarque est le seulemprunt que Rabelais ait fait dansce chapitre l'ruditionantique'.Ainsi le rcit dela descente Chli,inspir sansdoutepardesrminiscencesdesRelationsdeCartier n'atpourRabelais quel'occasiond'unecauserie sur unsujet qu'il connaissaitbien : lesmursdesmoines. Il l'a gayeparuneanecdote, qui estpeut-tre un souvenir de ses voyages en Italie et parunbonmotd'Antagoras Antigonus, tir de Plutarque, qui se rattacheaux menusdevis des Pantagrulistes, parce qu'il a eupourthtre la cuisine, domicile d'lection des moines.I. Elle se trouvegalementdans lesSymposiacadePlutarque,IV,4.Maiscomme Rabelais a recourud'autres fois pendant la rdaction decetteireditiondu QuartLivre aux Apoplitefrmcs,c'est ce recueilque nous rapportons l'emprunt de l'anecdote d'Antigonus et d'Anta-goras.INTRODUCTION 33Chapitre vi.Comment nous passasmes Procuration et deVestrangemaniredevivreentre lesChicanoux.Cetpisodenedoit rienauxsouvenirsdesRelationsdeCartieroud'autrenavigateurscontemporains.Procuration, l'ledes Chi-canoux a e't imaginepar Rabelais selon le procdde l'all-goriecomique, qu'il suivradenouveaudanssesdescriptionsdesPapefigues,des Papimaneset des Gastrolatres.Cegenredecra-tion,bienconnud'Aristophane,consiste abstraire de la socitunecatgorie d'individus, ayant pour traits communs soit lesmmesdformationsprofessionnelles, soit les mmes vices, soitles mmestravers. Rabelais isole du monde, pour en peuplerProcuration,tous les sergents etautresofficiers dejusticequelepopulaire dsignait sous le nom de Chicaneurs'. Pourdonner sa description unair caricatural, il a choisi, parmi les gestesquiles caractrisent, celui quise prte le plus volontiers labouffonnerie : il arrive que les Chicanoux sont exposs dansl'exercice deleurs fonctions tre battus;c'estmme un abusgnral. Rabelais en fait le trait essentiel de la profession.Chicanouxgagnentleurvie tre battus ; les coupssont leursvraies moissons. Rabelaissuivantson humour,fait exposerparle truchement de l'expdition, l'trange manirede vivreentre les Chicanoux. Puis un exemple vient illustrer cetteexposition : frre Jean fait l'essai du naturel desChicanouxen daubantRouge-Museau.Toutecette description est unecaricature plutt qu'une satire;Rabelais s'amuse, mais nes'indigne pas; il a del'humour,nonde l'ironie.Dansl'dition de i552, cet pisode sera accru de l'anecdotede Basch et du tour jou par Villon frre Tappecoue. En1548,ces bastonnades nerappellent Rabelaisqu'une anecdoteantique, celle de ce Neratiusqui au tmoignage d'Aulu-Gelle[Nuits attiquesXX, i.) s'amusait battre les genssursonche-minet les payer, auxtermesd'uneloidesDouzeTables^.1. Ontrouvece nomsouscette formedans les Cent nouvelles nou-velles. Nouvelle 36. Si le mandavers luyvenirpar une belle cita-tion, parun Chicaneur.2. Erasme, dans un de ses Apophtegmes, JII, 66, fait allusion cepersonnage...A.Gelliusnarrtdequodamquiprodelectamentohabe-34INTRODUCTIONCe souvenird'Aulu-Gelleetune expression d'origine antiquesot commeune rane gyrine' sont les seules contributionsdel'ruditionce chapitre, d'une saveur toute populaire. Larfrence Galien propos des elTetsde la flagellation est erro-ne : il n'est question nulle part dansles uvresde celui-ci deceremde l'impuissance.Chapitrevu. Comment Pantagruel passa les isles de TohuetBohuetdeVestrange mort de Bringuenarilles,avalleur demoulins vent.La composition de ce chapitreest analogue celle de l'pi-sode de Chli. Ladescription des les deTohu et Bohu et desparticularits qui les distinguentest brve ; elle serduit,quel-questraits fabuleuxet comiques. L'pisode est pour le conteuruneoccasiond'insrerdanslatramedeson rcit unelonguedi-gression.Il en prendla matire, non plus dans la ralit contem-poraine et danssonexprience personnelle, comme il l'avaitfaitdansses devis sur lagourmandisedesmoines,maisdansseslectures. Pourlapremire fois danscette premirerdaction duQuart Livre, l'rudition, cet lment qui avait tenu tant deplacedans le TiersLivrevaprendre uneimportance capitaledansundveloppement.Pantagruelpasse les deux les deTohu et Bohu, c'est--direen Hbreu l'le dserte et l'le inculte. Nos navigateurs n'ytrouvent quefrire , selonl'expression populaire*.Unjeudemotslmentaire suggreau conteur l'ide d'une pnurie detous les ustensilesdecuisinepropre frire : pales, pacllons,coquasses, lchefrites et marmites. C'est Bringuenarilles, le grandgant qui les a avals, par faute de moulins vent,dont il se paissaitordinairement .batmanu depahnarehomines, moxque e cruinenaquam in hoc cir.cumfercbat, jussit numerarimulctam. 1. Ranagyrina sapientior cit parmi les Adages d'Erasme.11,I, 34.2. L'expression n'est pas de Rabelais. Elle tait usuellealors. Cf.lesermondeMichel Menot,sur l'enfant prodigue : nihil amplius eratfricandum, il n'avaitplus quefrire. Fratris Michaelis Menotiser-mones quadragesimales, Paris, i522, pet. in-8 goth., f" 83(Bibl. Un.,Rs.XVI,1044).INTRODUCTION 35Cettrangepersonnage, quifigure ici pourla premire fois etqui reparatraauchapitre 44del'ditionde 155-2,at empruntparRabelais unopusculequi porte le titre de : Pamirge,dis-ciplede Pantagruelavec les prouesses du merveilleux Brin-guenarilles. De i538 1548,la BibliographiedeM. Planmen-tionne troisditions de cetouvrage'.Enoutre, il avait t im-primsous le titre de Navigations dePanurge, la suite desdeux premierslivres de Rabelaispar Et. Doleten 1542;par P.de Toursen 1548;sousletitrede Bringuenarilles cousin germaindeFesscpinte,h Rouen, chez Robert et Jehan Dugorten1544et i545; Rouenencore, en 1345, chez les mmes librairessous letitredeLaNavigationduCompaignon la Bouteille; Paris, chezDenysJanot, en i545, sous le titredeNavigationdePanurge; Paris,chezJean Bonfonsen 1546 sousletitre : Lesfaict:{ merveilleux du disciple de Pantagruel; Valence, chezClaude la Ville, en1547, ^ "^ suitedesdeuxpremierslivres^.Il taitdoncpopulairevers 1548.L'auteurinconnu^dece livretymet enscne Panurge lui-1. Bibliographie Rabelaisienne, n'"45,46,47.2. Cf. Plan. Bibl. Rab.,p. 111-117.3. Quelquesrudits ont estim qu'il n'tait autreque Rabelais lui-mme. C'est la thse que soutient Paul Lacroix (Bibliophile Jacob)dans la Notice bibliographique deson dition duDiscipledePanta-gruel.Paris,LibrairiedesBibliophiles,1875,pet. in-8.Il ne sefondegureque surun seul argument : le Disciple est annex plusieursditions duGargantua etduPantagruel, publiesduvivantdeRabe-lais. En fait, le Disciple ne se trouvequedans deuxditions col-lectives du temps deRabelais;celled'Et. Dolet,1542(Plan. Bibl.Rab.,n"41)et celle de Valence. ClaudeLa Ville,1547,qui reproduitl'di-tion de Dolet (Cf. Plan, op. cit., n84, p.i63). Or, Dolet, cettepoque,n'taitplusenrapportd'amitietd'ruditionavecRabelais.Il publiait le texte du Gargantua, sans tenir comptedes correctionsque Rabelaisvenait d'introduiredanssaderniredition(Juste,1542),pour mnagerla Sorbonne. Ilnedevaitpassefaire scrupulede publier lasuite des uvresde Rabelais,unopuscule dont MatreAlcofribasn'tait pas l'auteur. Pierre deTours,successeur deFranoj'sJuste,crut opportunde dnoncer l'indlicatesse de Dolet, dansun avis deVimprimeurau lecteur, plac entte d'unedition des deux premierslivresdeRabelais(1542,Cf. Plan, op. cit., n42).Sans lenommer, ille dsigneassez clairementensemoquantdeson cultepourCicron:ungtelhommequi se dict si savant et si parfaictCiceronian... tellescouleurs Rethoricquesqui ne sontpasCiceronianes. Il le traitedepla-36INTKODLCTIONmme, racontant sonodysse ; Je medeliberayung jourdevoyager par la mer, pour veoir, enqurir et perscruterlesgrandes merveilles quiysont, et la grandediversit des ysles,desmonstres et des bestessaulvaiges et marinsquel'on voit engiaire et lui reproche d'avoir drob l'exemplaire du livre que lui-mme mettait sous presse; il avertit les lecteurs que les derniresfeuilles deson uvreplagiaire ne sont correspondantes celles duvrayorigmal quenous avons de l'auteur. (Or les dernires feuillescontiennent les NavigationsdePanurge). Ces reproches taient com-munsdans lesquerelles entrediteurs,auxvi sicle. C'est sansdoutela ncessit de lutter contre la concurrence d'Et. Dolet qui poussaPierre deTours publier une dition des Navigations de Panurge,en I r>43 (Cf. Plan, op. cit., n49).Mais lorsqu'il donna sa premiredition collective des quatre livres de Rabelais, sans doute aprs1548 (cf. Plan, op. cit.,p. 86),il ne leurannexapoint les Navigations.Ainsi tombe l'unique argument sur lequel P. Lacroix se fondaitpourattribuer le Disciple Rabelais.Plusrcemment,M.Lefrancasoutenu, par denouveauxarguments,la mmethse. Dansunecommunication faite la Socit d'Histoiremoderne, le 27novembre 1901, sur le Disciple de Pantagruel etle mythe des Lanternes(Cf.BulletindelaSocitd'Histoiremoderne,dcembre 1901), il a montrtous les rapports duD/sc//7/eavec lequa-trime et le cinquime livres de Rabelais. Dans les Navigations dePantagruel(igoS), il admetqueRabelais n'est sans doute pas resttranger l'laboration du Disciple(p.3i). 11 remarque que lanavigation qui est raconte [dans le Disciple] a pour but fmal indela Majeure. Cette donne est absolumentconformel'annonce faiteaudernierchapitre du11"livre, en mmetempsqu' la position assi-gnel'oracledeBacbuc.Sur'cette question, nous nous sparons de notre matre estudes rabelaisiennes. Pournous en tenir auxarguments tirs de lagographie, nous n'en trouvons aucun qui permette d'attribuer leDisciple Rabelais. Tout d'abord, il est bien vrai qu'au chapitre m,Panurge et sanefsont transports par unegrandeet merveilleusebaleine es aultres pays d'Inde la majeur . Mais ce n'tait point llebutdeson voyage : il s'tait mis surmerpour veoir, enquriretperscruter les grandes merveilles quiysontet la grandediversitdesysles, desmonstresetdes bestessaulvaiges et marinsque l'onvoitenplusieurs pays et rgionsestranges (Chap. i"). Ainsi, il n'a ni itin-raire dtermin, ni but prcis. Inde la Majeurestmentionneau coursde ses prigrinations, parce qu'elletait alors le paysmerveilleuxquecherchaient tous les navigateurs, l'Eldorado qui enchantait toutes lesimaginations.11ya plus : l'absence presquecomplte de donnes gographiquesprcisesdans le Disciple, est une preuve qu'il n'est pas de Rabelais.INTRODUCTION87plusieurspays et rgions estranges. Leprodige le plus mons-trueux qu'il ait rencontre', c'estle gant Bringuenarilles,dont leportrait, les murset les aventures remplissentcinq chapitres.Chap.IV. CommentPanurge, estant sur la mer^apperceut itngnavireaussigrandouplusque la villedeParis. Cettenef porteBringuenarilles, qui se dirige sur mersans autres voiles ou ap-pareils que les pansde sa robe et les pavillonsde sesoreilles.Chap. V. Comment les poulies et poussinscroissoientau ventrede Bringuenarilles. Chap. vi. Comment Bringuenarillesfutassailly des Portugalois, et comment il avalla leur navire belles dent^. Chap. vu. Commentles coqs, chappons et poul-lailles chanioientdedans le ventredeBringuenarilles. Chap.VIII. Comment Bringuenarilles rencontra ung moulin vent, lequel il avalla tout entier, avec le meunieretson chien.Quand le meunier n'eutplus que mouldre, le feu se print esmeules etbruslaledist moulindedans le ventredudict Bringue-narilles; parquoy il tomba en fiebvre continue, tant causedufeuque duclaquetd'icelluymoulin. Danssa rdactionde 1548,Rabelais a doncemprunt ce li-vretunnom : celuidu gant, et l'idede l'engloutissementdesmoulins vent, qui deviennentchez lui la pture ordinaire deM.Lefranc remarque fort justement(p. 27)que mmedans le pro-gramme de navigation sommairement esquiss au dernier chapitrede Pantagruel, ilya des notions gographiques prcises. Vousverrez... comment Pantagruel... navigapar la meratlanlicque et deffitles Cannibales etconquesta les isles de Perlas... Lesluttes contre les Cannibales semblent avoir t, dans les tradi-tions populaires, desexploits rservs auxgants. Dans les GrandesCroiiiquesde i533, Gargantua promet Badebec,filedu roiMioland,dedlivrersonpaysdes Cannibalesetdes Tartarins.(Cf.Ed.MARTvLaveaux,IV, p. 55, note). L'auteur n'indique paso se trouvent cesCannibales et ces Tartarins. Pour Rabelais, les Cannibales ne sontpoint des sauvages imaginaires; il connat la situation de leur paysLes les des Cannibales et de Perlas dsignent dans la nomencla-ture descontemporains de Rabelais les petites Antilles mridionalesd'aujourd'hui. (A. Lefranc, op. cit.,p. 27.) Ds lors, comment ad-mettre que Rabelais, qui portait danssa tte la carte du monder-cemmentdcouvert parles navigateurs, quiavaitnumrauchapitrexxiude Pantagruel lonteslesescalesdeHonfleurCeyian,aitpucrireuneOdysseo nese rencontre qu'uneseulemention degographie :Inde la Majeure?38 INTRODUCTIONBringuenarilles. Il imaginede faire prir ce personnaged'unemortsingulire.Poles et coquassesayant t maldigres, Bringuenarilles ad recourir aux mdecins et il est mort d'une faon pluscurieuse qu'Eschyle, Anacron, Fabius, Lecanius Bassus,Spurius Saufeius, etc. Il mourut cstrangl, mangeant uncoing de beurre frais la gueule d'un four chaud, par l'or-donnance des mdecins. C'est sur cette factie populairequese clt l'pisode. Maispourmnagerson effet desurprise etprparerson attrape , Rabelais a fait prcder ce trait finalde sept morts singulires, dont cinq sont rapportes par desauteursanciens.Quelleest lasourcede cetteruditionqui tientplus deplacedans le chapitreque la description deTohu-Bohuet l'histoire de Bringuenarilles ?Remarquonsd'abordquece n'estpas lapremirenumrationdemortstrangesquenousoffre le romande Rabelais.Lecha-pitre X duGargantua contient une liste de treize personnagesmortsdejoie '. Danscette premirenumration, Pline pourraitrevendiquer cinq noms : Ghilon, Sophocle, Denys de Sicile, lamrequimourutde joieenretrouvantson fils aprs la bataillede Cannes, M.JuventiusTalva.Trois sont rapports parAulu-Gcllc: Polycrate, DiagorasRhodien,Philippides.ValreMaximeafourniPhilmon : il cite galementSophocle et M.JuvcntiusTalva. Philistion est cit parSuidas.Ainsipourconstituercettepremire liste, Rabelais n'aurait eu qu' runir ensemble lesexemplesfournisparquatreauteursanciens.Mais d'autrescompi-lateurs l'avaient fait avant lui et il lui a suffi de transcrire lesnomscitspar RavisiusTextor,auchapitredesonOfftcinainti-tul Mortuigaudio et risu*.Ilya trouv tous Ccs noms,ycompris Polycrate, qu'Aulu-Gelle nomm Polycrita, et nonPolycrata.C^nQaltrationdeformequivaut unindice d'ori-gine : elle dnonce la source de l'rudition de Rabelais auchap.XduGargantua. Est-ce dans le mmelivredes mortssin.gulires qu'il a pris l'numration du chapitre vu de l'ditionde 1548?Nousne le croyons pas.1. M.L. I.,pp.42-48.2. Joannis Ravisii Textoris Nivemensis offtcina,partim historiis,partim poeticis referta disciplinis, multo uunc quam pins auctior...Paris. Regnault Chaudire, i532 in-f. La prcmirc dition est dei52o; ilyen eut cinq jusqu'en i552.INTRODUCTION3gEn effet, noustrouvonsentre les deux textes unediffrencedans la dnomination de l'un des personnages cits. Saufius lequel mouruthumantunufmollet l'issue dubain portechezRabelaisle prnom deSpurius^tandis queRavius Textorl'ap-pelleAp[pius]Saufiusdansle chapitre qu'il consacreaux Mor-tiii mortesiibita. C'est le prnomquelui donnePline danssonHistoirenaturelle,Vll,53.Maisdj uncompilateurque Rabelaiscite la fin de son dveloppement sur les mortstranges,Baptiste Fulgose, le nomme dans ledouzimechapitrede sonlivre Deinusitatismortisgeneribus *, Sp. Saufius. Il estdoncprobable que c'est Fulgose qu'il doit cet exemple. Il a puemprunter au mme auteur l'anecdote de Fabius, prteurromain, quimourutautmoignagede Pline, VII,7, inlactishaustuuno pilo strangulatus.Quantauxautresexemples,il nelestrouvaitpasdans Fulgose.Mais celui d'Eschyle lui tait fourni la fois par Pline x, 3parValreMaxime, ix, 12. De mortibusnon vulgaribtis\ celuid'Anacron, trangl d'un ppinde raisin, lui tait aussi donnpar Pline, XII,7. ut Anacreonpoeta, acinouvaepassae -; etparValreMaxime, ix, 12, SicutAnacreonti quoque...quemuvaepassae succotenues et exiles virium reliquias foventem,unius grani pertinacior in aridis faucibus humor absum-psit. Il reste deuxexemplesquinesont ni dans les compilateursanciens, ni chez les modernes : cestuyhonteux qui mourutparretenir sonvent et celui qui en son pitaphe se com-plaint tremortpar tre mordsd'une chatte au petit doigt. Le premiera t tir par Rabelais lui-mmed'unelecture deSutone,quinousapprend danssa ViedeClaude,32, que cetempereurfit undit : " quoveniamdaret fiatum crepitumqueventris in convivio emittendi : cum periclitatum quemdamprae pudore ex continentia reperisset^. Le second est unsouvenirde sespromenades Rome : l'pitaphe dont il parle a1. BaptistaeFulgosi dedictisfactisqiie memorabilibuscoUectanea : aCamillo Gilino latinofacta.Milan iSog et Paris (Gailiot du Pr)i5i8, in-4''.2. Mais la mmoirede Rabelais n'estpasexacte : Sutonedit seule-mentque ce personnage courutun danger, periclitatum, et nonqu'ilmourut.40INTRODUCTIONt, aprs lui, transcrite parplusieurs voyageurs'.Elle se trou-vait dans l'glised'unclotre d'Augustinset sansdoutetait-ellefameuse l'poqueo Rabelais sjournaiten Italie.Tellessont les sourcesde cedveloppementrudit : Rabelaisatrouvcinq exemples dansdes compilations anciennes et mo-dernes; cette liste il enaadjoint deux. Ilya lieu deremar-querque, danscette premire rdaction, il vitedeciterparmiles morts tranges, celles qui figurent dans le Gargantua.chap. X. En i552, il allongera sa liste en numrant quelquesunesde celles quifigurent chez Textor, au chapitre desMortuigaudio et risu.Dansce dveloppement d'rudition s'insre une parenthse,d'originegalementrudite. L'anecdoted'Eschylequi,aumilieud'uneprairie,secroyait assurcontre toute ruine, moinsquele ciel ne tombt, rappelle Rabelais la fire rponse des gymnosophistcsd'Indie Alexandre leGrand. Interrogsquellechoseplus craignaienten ce monde,respondirent rienne craindre,sinonque le ciel tombast...Quelleest lasourcedecette anecdote? Il est difficile de ladcouvrir.NiQuinte-Curce,ni aucunhistorien ancien neprte cette rponse fameuse auxgymnosophistcs de l'Inde. Strabon, vu, Arrien, i,4,10-12,Quinte-Curce, i, 12, l'attribuent auxCeltes; et en i552, Rabe-lais remplacera les gymnosophistcs d'Indie par les Celtesvoisins du Rhin: ce sont les nobles, vaillants, chevalereux,belliqueux et triumphans Franois .Cettecorrection provientd'unrecours Strabon, qui Rabelaisemprunteen outre laphrase qui termine, dans l'dition dfinitive, cette courteanecdote: Nontoutefois faire refus d'entreren ligne, conf-dration et amiti avec un si preux et magnanime roy.(fiXav yt firiv v^pj Totofou Trcp'i Travrb TiSEoSat.) Il est pro-bablequ'en 1548,il cite de mmoire, sans se rfrer aucuntexte et la rminiscenceest errone.Lesgymnosophistcsd'Indiesont, sansdoute, pourlui, desphilosophes cyniques, la ma-nire de Diogne, chezqui unefire rponseauconqurantdel'Indeest vraisemblable. Il n'a pas letemps, ou ne prendpas lapeinedevrifier sa citation qui ne sera corrige qu'en i552.I. Cf. d. G. Rgis,tome II,p. 606 : Hospcs, disce novum mortis gcnus, improba felisDumtrahitur, digiluin mordet,et intereo*.INTRODUCTION41Ainsi la matirede cedveloppement d'rudition n'est pasemprunte uniquement aux compilateurs: Rabelaisya ajoutunecontributionpersonnelle dedeuxexemples. Mais il ne fautpas oublier que ces cas demorts tranges l'avaient dj int-ress lorsqu'il rdigeait le Gargantua. Il est possible que sonattention s'tant une fois orientesur ce genre de singularits,il sesoitamuscollectionnerlesmortsbizarres. Il n'auraitdoncpas eu besoin de recourir ses livres pourcrire ce chapitre.Entoutcas, l'anecdotedesGymnosophistesd'Indieest certaine-mentunerminiscencenoncontrle;et uneautre inexacti-tude desa mmoire lui a fait ranger parmiles mortuisingu-lariter d unpersonnage qui, audire de Sutone, ne fit quecourirunsranddanser.Chapitre viii. CommentPantagruel vadaunefortetempesteen mer.Chapitre ix.-Quellescontenances eurent Panurge et FrreJeandurant la tempeste.Chapitre x.Continuation de la tempeste et despropos deFrreJean et dePanurge.Cestrois chapitres, lespluslongsdulivredans cettepremirerdaction, sont remplis par le rcit de la Temptequ'essuie laflotte de Pantagruel prs de l'le des Macrons. A vrai dire,Rabelais, danscette description, sembleavoir oubli qu'il nousracontre les aventuresd'une flotte dedouze vaisseaux : il nenousparle quede la nauf qui porte Pantagruelet ses prin-cipaux officiers. Il nementionne nulle partles onze autres na-vires;il nenous laisse mmepasentrevoirque cettetempteapules disperser: auxchapitres suivants,la flotte des Pantagrue-listes rapparat rallie et au complet.La tempte tait unpisode traditionnel dans les rcits denavigationsimaginaires. Rabelaisen trouvait danspresquetousles romansitaliens auxquels se rattache son oeuvre : ilyen auneaudbut duMambriano, une dansVOrlandoInnamorato,iH,(3-4). UOrlandofuriosoen a deux: la premireauchant ii(28-3o) n'est qu'esquisse: mais la seconde, au chant xli (8-22)est longuementdcrite; l'auteura cherch rendre letumulte42INTRODUCTIONqu'elleprovoquesurle navire: l'agitation desmatelots,lescris,lessifflementsduventdanslescordages.Dans// Morgante Maggiore, Pulcinousmontreson gantopposantauxforcesdchanesde la merla forcedesonbras;le gouvernail bris, il soutient antenneset voiles et sauvetoutle monde.C'estunrle analogue que jouera Pantagruel dansle rcitde Rabelais: il tient l'arbre seurement desmainsetplus droit que ne feraient deux cents gumnes. Enfin dans Folengo, le premier tiers de la A'/7 Macaroneest rempli par la peinture d'une tempte. Rabelais pouvaitytrouver, outre les traits communsh toutesles descriptionsdecegenre,fureur des lmentset confusion bord dunavire,le doubletableau de l'activitdu hros, Balde,oppose l'inertieapeuredeCingar,selamentantet multipliantses vuxauxsaints etauxsanctuaires.Qu'il s'en soitsouvenuendcrivantles contenancesde frre Jean et celle de Panurgependant la tempte,des imi-tations partielles l'attestent. Maissinouscomparons la tempteduQuartLivrea toutescelles quenousavons numreset dontRabelais a pus'inspirer, nousconstatons qu'elle s'en distinguepartroislmentsprincipaux: il'usage duvocabulairenautique;2 l'importance donneau rlebouffon de Panurge;3 l'ru-dition antique.I. Le Vocabulaire nautique.Laprofusion destermesnautiques est le caractre qui frappele plus h lapremirelecture de cercit. FrreJeansemblecon-natre ausssi bienque le piloteetles nauchiers tousles nomsdes agrs et tous les commandements ncessaires leur ma-nuvre. Le lecteur a peine ii se reconnatre au milieu decettalagedevocablesspciauxet sedemandecommentRabelaisapu tre inititoutecette techniquenavale.11 importe de constaterd'abord que ni l'Arioste, ni aucunromand'aventures, niErasme, quiavait publidans ses Collo-quiaun Naufragium, ni Folengolui-mmene lui suggraientl'ide de cegenrededveloppement.Folengos'est bien avis des effets pittoresquesproduit par laconfusion qui rgne sur le navireau moment de la tempte,mais il s'est content de les esquisser grands traits. Ilmontrele pilote criant l'ordre decarguerla voile ; Ponite,clamabatINTRODUCTION48patronus, ponite vlum... l'quipage s'empressant d'obir : Cuiparentoranes facientes mille facendas,Hicmollat cordam, tirt ipse, revinculatalter... . Les poulies grincent, lescordagessifflent; lescris et les ordres se confondent. Pourtant,pourdpeindre ce dsordre etce tumulte, il n'y a pasuntermetechnique; pas uncridecommandement, pasunordre quisoitd'un marin. Etcentumvoceshominesfaciuntquejubentque.ChezRabelais, au contraire, tous les personnages,mmeceuxqui, par profession, sont compltementtrangers la marine.FrreJean et Panurge, parexemple,se trouventsoudaininitisauvocabulaire nautique.Jusqu'alors, l'auteur n'avaitfait preuve de connaissances na-valesqu'uneseule fois; aupremierchapitre lorsqu'il numreles diverses catgories des marins quicomposentl'quipage'.Ici, il prodigue les termesduvocabulairenautique,lesnomsdesvoiles etceux des agrs, les jurons, et les commandements, lesdsignationsdesdiversesparties dunavire et l'argotdesmatelots.Lesoucide dcrire dans le dtail le tumulteet la confusion,qui ne sont qu'indiqusen traits gnrauxchezses prdces-seurs, a t probablement le principe decet talagede connais-sancesnautiques. Puis, insensiblement, commeil est arriv fr-quemment Rabelais, il s'est tourdi et gris lui-mmedusondecestermesnouveaux: il les a recherchs,entasss, prodiguspour le plaisir de jouir en artiste des richesses de cet trangevocabulaire.Aussiles spcialistes n'ont-ilspaseu depeinedcouvrir danscette rudition navale d'assez graves erreurs. Jal, dans sonMynoire surles NavigationsdePantagruel,netrouvequeca-price et fantaisie dans l'emploi deces termes nautiques. Sansexaminer s'il n'exagre pas le nombredeserreurs delangage etdes fautes de manoeuvre commises par frre Jean et le Pilot(BurgauddesMaretsa disculpRabelaissur unpointaumoins-;,onpeut direqueses reprochessontmoinsgravesqu'ilnele croit.1. L'assemblede tous officiers, truchements, pilotz, capitaines,nauchiers, fadrins, hespaillicrs et matelots fut en la Thalamge. 2. Rabelais, Ed. Burgauddes Marets-Rathery, tomell, p. 101,1^7.Jal prtend qu'il est absurdede dmancher la barre du gouvernail,quand un navire est la cape. Gnralement, on l'attache. Maiscomme le gouvernail est alors sans action sur le navire, il n'y a,parat-il, aucuninconvnient dmancherla barre.44INTRODUCTIONAssurment l'exactitude technique n'tait pas indiffrente Rabelais. Pourtant il estvidentqu'elle luiimportaitmoinsdanscettedescriptionque l'effetartistiquedel'ensemble.Rendrecettescnede confusionavec ses couleurs relles, voil queltait sonbut. Or, dans la peinturedu dsarroi et dutumulte, la multipli-cit des cris, des commandements, des jurons et despropos,nots avec leur forme particulire, c'est--dire dans l'idiomedes marinscorrespondprcismentl'impression gnralequ'unpassager, tmoind'une scnede ce genre peut en garderdanssammoire. C'est selon des rgles d'art, nonselon la techniquenavale, qu'il faut jugerune description danslaquelle l'auteurn'acherchquedes effets artistiques.Il reste cherchero etcommentRabelaisa apprisces termesnautiques.videmmentil fautcarterl'hypothse d'unesourcelivresque.Nousne connaissons pas de livre de cette poque,encyclop-die, lexique outrait technique,parlequel il aurait t initi cette science navale. En outre, si Rabelais avait transcrit cesmotsd'unlivre, il aurait vit quelques-unes des erreurs quelui reproche l'auteurdu Glossaire nautique : nousnerencon-trerions pas chez lui de cesdsinences que Jal dclare inu-sitesenfranais,commeen italienetquisontprobablementdesvestigesdeprononciationdialectale'.Ces mots, Rabelais les a donc entendus. O? et dansquellescirconstances.'* Dansune note marginale deson opuscule surL'antiquitdela villeetcitd' Aleih(1G28)* le chanoineJacquesDoremetnousdit que : Rabelais vintapprendrede Cartier lestermes de la marineet du pilotage Saint-Malo pour encha-marrerses bouffonnesquesLucianismcsetimpiespicurismes.M. Lefranc'accordeungrand crdit cette assertion : ilyvoitl'cho d'une tradition qui devait tre encore vivante Saint-Malo la fin du xvi"sicle. CettenotedeDoremetlui sertmmed'argument principal dans l'identification qu'il propose duJamet Brahier, de Rabelais, avecJacquesCartier.1. Cf. maistralle, frontal, iiisail et cosses dans l'article de Jal citplus haut.2. Cf. Jacques Doremet : sa vie et ses ouvrages, avec de nouvellesrecherches sur lespremires impressionsmalouines, par F.JouondcsLongrais, Rennes. Plilion et Herv,1894,in-T2.3. LesNavigations dePantagruel,pp.60 et sq.INTRODUCTION ^\.SIl est certainquebeaucoupde passages duTierset du QuartLivre attestent que Rabelais connaissait la Bretagne : les men-tions deSammalo, deThalasse (le quartierduTalard, Saint-Malo), desles deHermet de Serq, que frre Jean dit avoirvues, nous inclinent croire qu'il avait visit la Bretagne.Ce voyagen'apu prendreplace qu'entre l'anne i543, date desonretour duPimont et i545, date de la compositionduTiersLivre, quicontient les premires mentions deSaint-Maloet deThalasse. Orc'est prcisment en1544queJacques Cartier, re-nonantsavied'aventures maritimes,seretiradanssonmanoirduLimolou, prs de Saint-Malo'.Il est donc possible queRabelais l'ait rencontr cette poque.Mais, d'autre part, si c'est lui qu'il doit cette initiation latechnique navale, il est trangequ'il n'ait pas reconnu plusg-nreusement cette obligation. Pourquoi n'a-t-il nomm nullepartle hardi navigateur, populaire Saint-Malo, glorieux enFrance, dont l'amiti nepouvait quel'honorer? Pourquoi, siJametBrahierestvritablementle pseudonymedeJacquesCar-tier, a-t-il attendu de donnerune dition dfinitive du QuartLivrepourlui faireuneplace? CarJametBrahiernefigure pasdanslapremirerdaction, qui contientcependant tous lester-mesnautiques que Rabelais aurait entendus de la bouche deJacques Cartier.Cette indiffrence n'est point dans les habi-tudesde Rabelais, qui jette en pleine fiction les noms de sesamis et protecteurs : Briand Valle -, Boyssonn 3, Char-mois'',Philibert de l'Orme^.L'assertionde Jacques Doremetnous parat donc sujette caution. Ilya plus: l'tude queJalafaite destermes nautiquesdelatempte nousferait rejeterl'hypothse d'une initiationdeRabelais latechnique navale par unmarin breton. Onestfrapp, eneffet, lorsqu'on lit cette tude, de voir que presquetous lestermesde marineemployspar Rabelais sont italiens:Orche,poge,fortunal, meiane, maistralle, sontdes termes ita-1. Cf. Charles de la Roncire, Histoire de la marinefranaise,tome III. Lesguerres d'Italie, Libertdes mers, Paris, Pion, 1906,in-8,p.3-29.2. Cf. M. L. II, p. 401.3. Cf. M.L. II,p. 145.4.Cf. M. L. II,p. 274.5. Cf. M.L. II, p. 486.46INTRODUCTIONliens dont il existaitdes quivalentsfranais. Taille vie, casseescoiite, mole sont des transcriptions de l'italien, taglia via(coupela voie),cassarla scotta (serre l'coute), ?o/are(mollir).D'autrestermes: comit, algou^^an, estanterol, escantoula, espa-liers, jalousie, chonne taient du vocabulaire des galres etn'taient point en usagesur les naufs que Rabelaisaseulespuconnatre Saint-Malo. Il est doncplus probable que c'estdansquelqueportde la Mditerrane, qu'il a entendu touscestermesd'origine italienne,connusdesmarinsou despopulationsmaritimes quiavaient des rapportsavec les flottes de galres.C'estpeut-tre lors de ses voyages en Italie, ou pendant le s-jourqu'il fit auxbordsdela Mditerrane, en i538, l'poquede l'entrevue d'Aigus- Mortes*qu'il apprit ces termes demarine. Il est possible d'ailleurs que cette initiation ait tincomplteet htive: son esprit apportait moins ducuriosit hconnatre le pilotageou la manuvre,que son oreille h jouirdecesvocables nautiques, trangeset sonores.2. Lesbouffonneriesde Panurge.L'lmentcomiquedecetpisodeest dansles contenancesde Panurgequi,lcheet inerte pendant la tempte, le dangerpass, oublie ses vuxauxsaints et auxsaintes et affecte dedployerune activit inutile etbrouillonne. Cette couardise, sifcondeen incidents amusants, est un aspect nouveau du per-sonnage. Jusqu'alors Panurge avaitbiensouventamuslesof-ficiersde Pantagruel, maisjamaispar le spectacledesalchet.Elle ne procde pas ncessairementdufond de son caractre:sans doute, il use volontiers d'adresse oude ruse o d'autres,plusgnreux,recourraient la lutte ouverte et franche.Pour-tant, mmedanssesstratagmes, dans la dconfituredescheva-liersau Ile livre, parexemple, il ne craint pasde s'exposer etfait preuve d'uncertain courage. AussiPantagruel l'appelle-t-ilh sonsecours, lorsqu'il sesentpress par Loupgarou etendan-!. Cf. Rev. Et. Rab., iqoS,p.333.m. Picot, RabelaisVentrevued'Aigues-Mortex.Autre souvenird'Aigues-Mortes : dans \aBriefvedclaration, de l'dition de i552, Rabelais, propos de la descriptiondeMdainothi, cite commetypes do phares ceux de La Rochelle etd'Aigues-Mortes.INTRODUCTION47ger de succomber'.AuQuart Livre, il apparat commeunpleutre,quiamuse,par l'excs mmedesa frayeuraumilieudesprils et parses vainesrodomontades, lorsqu'il se sent h l'abridudanger. Cetrait nouveau desoncaractre se manifeste pourla i)remire foisdans la tempte.L'ide en a tsuggre Rabelais parquelques dtails qu'ilrencontrait dans les descriptions detemptes de la littraturehro-comique. Folengo,dans la temptede la XleMacarone,prte Cingar,undes anctres de Panurge, quelques-unes descontenancesque Rabelaisnous dcrit chez ce dernier. Cingartrembledanssoncoin ; il faitdesvuxSaintJacquesdeCom-postelle, Notre-Dame de Lorette ; il confesse ses larcins etprometdese faire religieux. L'orage fini, il saute terre et ou-blie toussesvux.Cesdivers effets comiquesnesont que notsbrivementchezFolengo.Onsait commentRabelais lesadve-lopps. Lafrayeurarrache Panurgede piteuses exclamationsdont la forme rappelle d'abord les regrets des hros antiques,Ulysse ou Ene, menacs par la tempte :. Otrois et quatrefois heureuxsont ceux qui plantentchoux! ^.Puis c'estunekyrielle delamentations,de bredouillements, de supplications,de cris et d'onomatopes qui nous le peignenthbt de peuret tremblant lafivredeveau.Il neconfesse passes larcins, commeCingar; mais il renonceauxjurementset aux maudissons . Il plaint FrreJeanquiblasphme,sedonne audiable et se damnecrdit.Luiaucontrairese met sous la protectiondesSaints et des Saintes etleur fait desvux.Cesvux,Rabelaisen trouvaitl'ide,non seulementdansFo-lengo, maisdansundesCo//o^/a d'Erasme, le Naufragium.Erasmeyraillait l'usage, alors fort commun,des vuxsupers-titieux la Vierge,auxsanctuaires divers,h St-Christophe. Lesex-votosuspendusdans les glises et chapelles attestaient l'uni-versalitdecette pratiqueet il n'taitgure possible de songerunetempte sur mersans que ces vuxne se prsentassent l'esprit. Maisbeaucoup,parmiceuxqui faisaient desvux,1. Pantagruel,29,M. L. I,p. 36o Par ce moyen son mast luyrompit troys doigtzde la poigne. Dont il feut plus estonn qu'unfondeurde cloches et s'escria. Ha,Panurge,o es-tu ? 2.Virgile, Enide, I.94. Oterquequaterquebeati...48 INTRODUCTIONngligeaientde s'en acquitter : Erasme meten scne plusieurspassagers,insrantdansleursvceuxd'habilesrestrictionsmentalesqui les dlierontde l'excution de leurs promesses. C'est ainsiqueprocdePanurge : ds que le dangerest pass, il se hted'oublier sonvuet del'interprter par une factie'.3. L'Erudition Antique.A cotde cestraits pris dansla ralit contemporaine : vuxdes passagers, et vocabulaire nautique, cet pisode contient uneruditionantique assez riche. Elleest rpanduedanstoutlercitet revt desformes diverses : citations,commentairesdesenten-I. Je proteste devantlanoblecompaignie,quedelachappelievoueMonsieurS. NicolasentreQuande et Monsoreau,j'entends queseraunechappelle d'eau Rose [un chapiteau d'alambic] : en laquelle nepaistra vache ne veau. Carje la jetteray aufond de l'eau. Atouscesexemplesde vuxfaits surmer et viols,lorsque le dan-ger est pass, il fautjoindrecelui de Maistre Regnard . Lelivre demaistre Regnardet dedame Hersantsa femme, livre plaisant etfac-tieuxcontenant maintsproposetsubtils passagescouverset celle^ pourmonstrer les conditionset mursdeplusieurs tats et offices, commeseradclar ci-aprs. S. d. (probablement i52i) Bib. Nat. Y2 Rs.inv.747. u' partie. Chap. xxxv. Comment il leva sigranttempteen lamerque lesdeuxgallesfurent contrainctesde s'eslongner l'unede Vautre. Maistre Regnard cuydoit estre mort, sa nafve prie ettous ses gens pareillement. A donc dist maistre Regnard : Se Dieunous veult pugnir, il a bondroict;carje maineguerrecontre droictet contreraison.PuiscommenapromettreveuxetpromessesDieuque s'il pouvoit issir decelle temptequejamais ne mneroitguerrecontre sonsouverain seigneur... Chapitre xxxvi. Commentmaistre Regnardarriva PasseOrgueil.Le beautemps revenu, maistre Regnard dit qu'il grveroit [le lion]s'il pouvaitnonobstant les veulx et promessesdevantdictes.Rabelaisa-t-ilconnuMaistreRegnard?L'ouvragetait assezrpandu.Il figure dans l'Inventaire deJacques le Gros. i533. (Cf. MmoiresdelaSocitde Vhisioirede Paris et de l'Ile de France,t. XXIII,p. 296.Documentsparisiens de la bibliothque deBerne, publis parL. De-lisle).Brunet(IV, n" 1229) ensignale trois ditions de i52i i528. Entoutcas, Maistre Regnard ne donnait Rabelais aucun dtail in-tressant pourledveloppement de son sujet, et nousne le mention-nons quepourmontrercombiencethmedesvux faits surmertaitbanal.INTRODUCTION49ces de philosophes anciens, termes techniques, etc. On peutranger toute cette matire d'rudition sous trois chefs princi-paux :A. Elle comporte d'abord, desnoms : ceux des divinits quifigurentdans les descriptionsdetempteschez les anciens, lesdeux enfants bessons de Lda Castor et Pollux, Hlne,Mixarchagevas, le CastordesArgiens, suivant Plutarque.(Ques-tionsgrecques,23) ;les termes nautiques anciens: celeume,obliscolychnie;les termes techniques dontRabelaisse sert audbutduchapitre vin pourdcrire l'orage : catgides, thyelleslelapes, prestres, ... psoloentes, arges, licies,typhons. Ceux-cisont trs probablementemprunts h Aristoteau chapitre iv desonITeplxoanou,quenotreauteurpouvait lire dansune traduc-tion latine deson matre Bud. Eneffet, Aristote donne dansce chapitre la dfinitiondes motsdont sesert Rabelais; et il lesexpliquedans l'ordremmequeRabelaissuitdanssonnumra-tion : xaxaiylc, dveX'ka,x.r. l.U n'y a qu'une seule diffrenceentre les deuxtextes : les typhonsqui figurent chez Rabelaisaprsrnumrationdes jaculationsthres sont intercalsdansAristote entre les prestres et les psoloentes .B. Laliste descnotaphesque donne Panurgeau chapitrexcomporteneufexemples,donthuitsontempruntsdesauteursanciens. Didon, Ene et Andromaque lui ont t fournis parVirgile ; Aristote, Hermias et Eubulus,par Diogne Larce;Drusus,parSutone [Claude I.) AlexandreSvre par Lampri-dius,un desauteurs de l'HistoireAuguste ;Catulle, parl'pi-grammeCI de ce pote; Stace, parun pomedesSilves(V. 3),Est-ce Rabelais lui-mme qui a dress cette liste decnota-phes anciens ? oubien l'a-t-il emprunte quelque compila-teur?Il convient de noterd'abord qu'elle ne tientque parunlientrs lcheauxproposde Panurgeetd'Epistmon. Celui-ci vientde prouverqu'en cas de noyade de Panurge, son testamentprira avec lui. Panurgerpondqu'une bonnevague le porteraaurivageoquelque fille de roi l'ayant trouv lefera excuter; et... mefera rigerquelquemagnificquecnotaphe, commefitDido son marySiche, etc.. Oril n'a pas encore exprim ledsir d'avoiruncnotaphe et tous ses propos, sur ce sujet, sebornerontcettenumrationdespulchreshonoraires.Cetteliste est dans legot des rudits du xvisicle. Ellea bien l'aird'avoirtemprunte quelque compilateur, qui l'avaitconsti-45o INTRODUCTIONtuepour tabliruntrait demursantiques : l'usage descno-taphes'.Nousne l'avons retrouvechez aucun auteurancienoumo-derne; provisoirementnousdevonsdonccroire qu'elle est l'u-vre de Rabelais. Mais il est vident qu'il ne l'a pas dressespcialement pour en foire une des resvcries de Panurgependant la tempte : il l'a transcrite au momentde la rdactionduQuartLivredeses notesou de lamargedequelqu'undeseslivres.C. Lessentencesmorales abondentdans cet pisode, elles serattachent naturellementauxproposquesuggrentauxnaviga-teurs les difficultset les ncessits de leursituation. C'estainsiquel'on pourraiten extraire unesrie de dits et d'axiomespourillustrer le proverbevulgaire : aide-toi, le ciel t'aidera.Adeux reprises, Rabelaisyrevient. La sotte inertie de Panurgene songeant qu' faire sontestament, lui rappelle d'abord uneanecdote deCsar, qui nousmontre{DeBellogallico,LBq) lajeunesse dorede Rome, enrle dans sonarme,plus pressede se lamenteret detransmettre ses dernires volonts, quedersister Arioviste;puis, la fable sopique duCharretierem-bourb. Plusloin, Epistmoncitera hl'appuidummeprcepteun dit de C. Flaminius consul, h Trasimne,rapport parTite-Live(XXIL 5;*et unautrede M. Porcius Cato, rapportparSalluste {Catilina), lu,29)*.Plusnombreuxencoresont les dits et sentencessur les dan-gers de lanavigation.C'estd'abordle motde Pyrrhon(chap.vm)1. Lilius Gregorius Gyraldus avait criten i533untrait Desepul-chrisetvariasepeliendi ritti. (Cf.p.65odutome 1 desesuvres.Ble.ThomasGuarin, i5So, in-f). Je n'y trouve, parmi les spulchrescitspar Panurgeque celui deDrusus. Erat et earumgenus illud quamnostri inaginariamet inanem,graecicenotaphionvocant,cummortuojusta absente cadavere persolverentur. Cenotaphium TranquiliusSuetonius honorarium tumulum appelasse visus est, cum de Drusoagit.2. Necenim inde votisaut impioratione Deum, sed vi acvirtuteevadendum esse. Permdias acies ferre viam fieri : et quo timorisminus sit, eo minusferme periculi esse. 3. Nonvotis neque suppliciis muliebribus auxilia deorum paran-tur;vigilando,agundo, beneconsulundoprospraomniacedunt;ubisocordiae te atque ignaviae tradideris, nequicquam deos implores;irati infestique sunt. INTRODUCTION 5lenviant )e bonheurdupourceau qui prs le rivage mangeaitde l'orge espandu. L'originedecetteanecdote estdansles Apo-phtegmesde Plutarque,vu, i8. Mais Rabelais a cit librementet modifile texteancien : dans Plutarque le porcestsur le na-vire o il mangetranquillement, et le philosophe le donneenexempleausage,quidoit enimiter la srnit parmilesdangers.AuxmmesApophtegmes(chap. x.) estempruntelarponsed'Anacharsisqui interrog quelle navire lui semblaitla plusseure, respondit : celle qui serait enpon)y.Apophtegmes,IV,24.C'est lemmephilosophequiafourni Panurge sa rflexion proposdel'paisseurdesaisde lanauf : Elles sont (responditle Pilot) de deuxbonsdoigtsespesses, n'ayez paour. VertusDieuj dit Panurge, noussommesdonccontinuellement deuxdoigtz prsde lamort . Cf.Apophtegmes,VI. 23.Nous avonsvuquec'estaummerecueil d'ApophtegmesqueRabelais avait djempruntl'anecdoted'Antigonus et d'Anta-goras : c'estvidemment undes livres qu'il pratiquaitaumo-mento il rdigeait le QuartLivre. C'estlui quiafournitouteslessentences moralessur le propos desdangersdelanavigation.D. Cethmeavaitpour corollaire latristesse du sortdeceuxquiprissent en mer. Ces rflexionsvoquent chez Rabelais lesouvenirde la dispute deSocrate etdesAcadmiques sur lamort, dontlapremiredesTusculanesnousrapportel'argumen-tation;la sentenced'Homre,nonceparUlysse, Odysse,V,3i2 ; la traduction que Virgile donnede cette sentence dansl'exclamation d'Ene:Oterquequaterque beati. Enide, I,94 ;et unemaximedes Pythagorienssur l'essencedelame'.Ensomme,les sentences moralessurl'inutilit des vuxoula ncessit des'aider soi-mme pourobtenirpar surcroit l'aidedu ciel ne se rattachaient pas troitement et spcialement ausujetde cercit;maisc'est bien la temptequenous devonstoutes cessentencessur les prilsde la mer.Or, il est remarquer que cette ruditionde moraliste nousapparatcommeparfaitementfondue dans le texte et assimileparl'esprit del'auteur. Il ne la transcrit pas purementetsimple-ment du recueil des Apophtegmes, puisqu'il lui arrive tanttI. Toutes ces citationset rminiscences se trouvent dans les pro-pos de Pantagruel sur la peurdePanurge: >Vous donne^..., vousdites..,, vousadjuge^ ^).Ilyadanscette causerie des dveloppementsd'originepopu-laire et d'autres, plusnombreux, d'origine rudite.Parmilespremiers,ilfautranger ladescriptiondubrviaire,et uncertainnombre de facties (l'an de la bonnevine, cro-querpie, rabominable histoiredumdecind'eaudouce).L'histoire de la bataille despies et des geais est rapportecommeunconte populaire et elle ena tous lescaractres. Rabe-lais l'avait-il entenduraconterenBretagne? c'estpossible-. On1. Cf. DeThou. Histoire universelle depuis j543jusqu'en i6oy.Ed. de Londres, 1734.Livre 34. Tome IV,p. 507. Livre 55.TomeVI,p. 567.2. Ilya, en effet, dans ce passage des souvenirs personnelsde laBretagne En Angiers estoit pour lois un vieuxoncle^ seigneurdeSt-George, nommFrapin. On sait queRabelaisavoitAngers, unoncle qui tait seigneurdeSt-Georges et chanoined'Angers. Cf. Rev.Et.Rab. igo?.p. 4g.A. Lefranc.CoursprofessauCollgedeFrance. Les Bretons sont gens est sansdoute un proverbe alors popu-54INTRODUCTIONmentionnegncralementcommelasource livresquelaquelle ilaurait puise, le Pogge : Facctiac. Pus;na Picaruvi et Gracula-rum^.Nous pouvonsindiquerunautre ouvrage, cit parRabe-lais dans le Quart Livre'', qui rapporte une anecdote sem-blable : c'est Fulgose, danssa compilation, De dictis faclisqiiememorabilibus. DePrndigiis. IDeLeodensiumprodigio.Il raconte uncombat entre descorbeauxet des fauconsquitutlieuprsdeLige l'poqueduconciledeConstance.CommeR^ibelais cite et utilise Fulgose dans le chapitre vu(Bringuena-rilles)il est probablequec'est hlui qu'ildoitaussicette anecdotede la bataille des pies et des geais. Il reste que l'histoire du goitrou est probablementd'origine populaire.L'rudition est reprsente dansle Prologue par la sentenced"Horace : Principibusplaciiisse viris haitdultimalaus est, tra-duite ainsi par Rabelais Ce n'est, dit-il, louange populaireAuxprincesavoir pu complaire. parlasentence d'Hector profre par Nevius se rapportant laire en Bretagne. Onletrouve dans in sottie des MenusPropos. Cf.E. Picote. Recueil gnral dessoties. VII. p.loo. A Delleven bretons sontgens;Mais ilyen a dedoupre. 1. On trouve une allusion une bataillede geaisdans la SottiedesMenus Propos, compose vers 1495. Cf. m. Picot. Recueilgnraldessoties.TomeI, p. 76,v. 145.< Qui fut la bataille auxgays?Est-il personne qui le sache?Enquel lieu eten quelle placeEut faite la maiejourne?^^M. E. Picot rapproche dece texte la 240" Factie de Poggeet unementiond'une bataille dummegenre dans la Moralit desEnfantsdemaintenant : Lejour que les geays et les piesCombatoient en LombardieMarotte,pargrantgourmandieMengeabienquinzegastelets. *2. Chap. vu. Plus de nul aultre qu'on vous die, fcust Vcrrius,feust Pline, feust Valre, feust Baptiste Fulgose. INTRODUCTION55la mmeide, quec'est bellechosetre loude genslouables etextraite deCicron. Tusculanes. IV. 3i.Plutarque lui a fourni l'anecdote deTimonle Misanthropeinvitant les Athniens se pendre son figuier, qu'ilpouvaitconnatre par les Apophtegmes d'Erasme, ', et l'anecdote deGnathoetde Philoxenus, qui crachaient au bassin ^ Pline, par l'intermdiaire desAdagesd'Erasme lui a donnl'histoire dela Signora Leontium^ Enfin, son ruditionmdicalelui a suggr ledveloppementdanslequel il emprunte Hippocrate, commentparGalien, unportrait dumdecin idal, dont il tire sonapologie : si l'officedu mdecin est derjouirlesmalades, les livresjoyeux qu'iloff"re au publicl'acquitterontdece devoir. Cethme, quidevaitlui trefamilier,sera reprisen i552danslaDdicaceMgrOdet.Il le dvelopperaplusabondamment,citera Soranus EphsienOribasius,Cl.Galen,Hali Abbas,PetrusAlexandrinus, emprun-tera Galien l'anecdote d'Herophilus blm par Callianax celle de Quintus, puisera un bon motde Julie chez Macrobe,bref composeraunedissertationsurceprcepte : que le mdecindoit jouer unpersonnage comiquepour amuser son malade.Dansle Prologue de 1548, nous n'avonsque les premiers l-mentsde ce petit essai.Notre enqute sur l'invention et la composition dans cettepremirerdactiondu Quart Livre aboutit auxmmesconclu-sionsque notre examendescorrections et desadditions appor-tes par l'dition de i552. L'laboration deslments qui en-trent dans la narrationestincomplte,commel'est le travaildustyle. Nous pouvons interprtercommedessignes d'inachve-ment plusieurs citations errones : au chapitre vi, l'allgationde Galien propos des effets de la fiagellation est fausse; auchapitre vu, un exemplede mort trange, tir deSutone, estgalement faux;au chapitre viii, le mot de Pyrrhon sur lepourceau est altr;au chapitrevu, la fire rponse des Gym-i. Apophtegmes. V. 11.2. Cf. EtxcuAi,"af/)Tai xo ASejSiwaaj. I.3. Adages. I. 1021.Suspendio deligendaarbor.56INTRODUCTIONnosophistcs d'Indic Alexandre le Grandsera attribue avecraison, dansl'dition de i552, aux (Zeltes.Enoutre, l'talaged'rudition estsensiblement infrieurdanscetterdactionh celuique nousprsente le Tiers Livre.Sinousmettons part la liste des cnotaphesdu chapitre viii, tiresans doute dequelque compilation que nous n'avons pas puretrouver et la liste des mortssingulires du chapitre vu, queRabelaisemprunteen partie des auteurs qu'ilavait dj utili-sspour dresser le catalogue du chapitre x du Gargantua^ lebilan de l'rudition de ces onzechapitres est beaucoup plusfacile il tablir que celui des onze derniers chapitresdu TiersLivre. Leslmentspopulaires l'emportent debeaucoupsur leslmentssavants. Ledpart de la flotte, le dbatde Dindenautet dePanurge, la relche l'le desAUianciers,ladescentedansl'le de Chli, l'pisode desChicanous necomportentqu'unpetitnombred'empruntsl'rudition antique.Les livres qui ont fourniunecontribution notable l'inven-tion deces onze chapitres sont:loles Apophtegmata de Plu-tarque, traduits et augmentspar Erasme. Nous avonssignalsix empruntsh cerecueil. Eni552,Rabelaisentirera encoresixautres dits ouanecdotes. Cegotpourla lecture desApoph-tegmaLi n'est pas pour nous tonner: Rabelais l'a encommunavec tous ses contemporains. La vogue du recueil d'Erasmeatteste le succsdecessentences morales: la Bibliolheca Eras-viiana[\ome. I) comptevingtditionsdes.(4/'o/7/j/e^;?2e5, de i52i,date de l'ditionprinceps, jusqu'en1547 5^^^^^H? i552,huitnouvellesditions,auxquelles il convientd'ajouterla traductionfranaise qu'en avait donne Macault en 1545. Nous avonsdit ailleurs commentlescontemporainsde Rabelais recouraientdeprfrence ce genre d'ouvrages lorsqu'ils tudiaient l'anti-quit en moralistes.2 LesFastes d'Ovide ont galement fourni une importantecontribution cette premire rdaction. La division et le dve-loppementdu Prologuesontfonds sur les troismotsDo, Dico,Adidco, auxquelsOvide fait allusiondansles versfameux : Ille nefastus erit, perquemtria verba silentur.Fastus erit, perquemlege licebit agi. Au chapitre i, la date de l'appareillage de la flotte de i^anta-gruel : DumoysdeJuing.aujourdesfestes Vestales...amneINTRODUCTION Sjgalementdesdtails d'histoire et de mursromaines tirsdesFastes, v.442,25o,461,468.Auchapitredes AUianciers, l'anecdote des Fabiensest encoreunemprunt^mxFastes, II, 193-243.Il fautencorerappelerquele chapitrexlix duTiersLivrecon-tientgalementunedateromainequivient desFastes: quandpluye ne lui dfaut environ les fris despcheurs et solsticeestival. LesFrisdespcheurs tombent prcismentle7juin.Pouravoir cette date^ Rabelaisn'avaitmmepas besoinde lirelesFastes : il lui suffisait deconsulterdansl'ditiondesFastesdeSimonde ColinesletableaudesRot)ia)writmmensesexOvidiiFastis, plac la fin duvolume'.Il pouvaitylireauVils jouravant les Ides; Arctophylaxoccidit Pi5cafor, et engnral contre tousles calomniateurs de Rabelais, qui dprcientses crits afin d'endgoter le publicpourtre seuls les lire:maisils'abstientdelesdsigneravecassezdeprcisionpourqu'ilspuissent se reconnatre, et pourle reste de son livre, ce nesontque folastries joyeuses. Aussi lorsqu'en i552, dansYE-pitreMgr.Odel il prsente son apologie, il ne fait d'allusionqu'auxreproches faits au Tiers Livre ^, personne, sans doute,n'ayant rien eu incriminerdans la premire dition du QuartLivre.Cettepublicationavaitdoncprobablement pourobjetd'attester1. M. L. II, p. 25o.2. PrivilgeduRoy(i55o) M.L. 11.p.3.3. M. L. II.n.p.255 Et avois eu en horreurquelquemangeur deserpens, qui fondoitmortelle haeresiesurun N.mispour un M. parla faute et ngligence des imprimeurs. Allusion deux phrases duTiersLivre.Chap. xxii : Sonasne(deRaminagrobis)s'en va trentemillecliarrettesdeDiables.Chap. xxii : . au moinss'ilperdlecorpset la vie, qu'il nedamne son asne. 60INTRODUCTIONle caractre purement plaisant et nullement satirique de sesuvres. Elle paraissaitaumomentole cardinaldu Bellaycom-menait rentrer enfaveur auprs du roi. Ellefut bienttsuiviedel'octroi d'un nouveau privilge pour l'impression de la suitedePantagruel. Rabelaispouvait secroiredsormaisassurcon-tre toute perscution. Il n'en fut rien. Le mardi i*"" mars i55i(n. st. i552), la requteduprocureurdu roi,attendula cen-sure faite parla Facultdethologie , leConseildu Parlementde Paris dfendait de vendre et exposerdedansquinzaine lequatrime livre de Pantagruel. Lestempstaient durs : l'ditde Chateaubriant (3 septembre i55i) venait desoumettretoutel'imprimerie et le commercede la librairie la surveillance dela Facultde thologie; le Parlementdevait, dans la poursuitedes livres suspects, donnerl'exemple du zle aux nombreux ofticiers dont l'dit blmait la ngligence. Parmi les douzejugesqui sigeaientauConseilduParlementlejouro leQuartLivre fut prohib, se trouvaitunamide Rabelais, celui qu'ilappelledans le NouveauProloi:^uc le lion, le docte, le saige,le tant humain,tant dbonnaireetquitableAnd.Tiraqueau'.I. Cf. le texte de l'Arrt du ParlementdansM. L. III,p. 420-421,et sur la prsence de Tiraqueau cette sance un article que j'aipublicen 1906 dansla Rev. t.Rab.Tiraqueauet Rabelais.LEQVARTLIVRE DES FAICTZEt dictz Heroiques dunoble Panta-gruel.I r"ComposeparM. Franois Ra-belais, Doeuren Mdia-ne, &Calloier desIsles Hieres.ALYON.Lan mil cinq cens quarante&huia.PROLOGUEduQuartLivrePantagruelBeuveurs tresillustres, et vous goutteurs trs prcieux,5 jay veu, receu, ouy et entendu l'Ambassadeur que la sei-gneuriedevozseigneurieshatransmispardeversmapater-nit;et m'asemblbien bon et facond orateur. Le som-maire desaIproposition,je rduisen trois motz, lesquels 2 v"sont de tant grande importance, quejadis, entre les Ro-10 mains, par ces trois motz le Prteur respondoit toutesrequestesexposesenjugement:par ces trois motz,decidoittoutes controversies,touscomplainctz,procs,et diffrents,et estoient les jours dictzmalheureux et nfastes, esquelzle Prteur n'usoit de ces trois motz, fastes et heureux,1 5 esquelzd'iceulxusersouloit: Vousdonnez, vousdictes,vousadjugez.Ogens de bien, je nepeulx vous voir! La dignevertu de Dieuvoussoit, et non moins moy, ternelle-mentenaide. Or a depar Dieu, jamais rien ne faisons,quesontressacrnomne soit premirementlou.20 Vous me donnez. Q.uoy? un beau et ample brviaire.Vraybis, je vous en remercie : Ce sera le moins de monplus. Quel brviaire fust, certes ne pensois, voyant les12. C.compleinctz.14. C. nusoit.64 LE QUART LIVRE bE PANTAGRUELreigletz,la rose,|lesfermailz,la relieure, etla couverture : 3 r.enlaquelle je n'ayomis considrer les Crocs et les Pies,25peinctesau dessus, et semes enmoult belleordonnance.Par lesquelles comme si fussent lettres hieroglyphicquesvousdictesfacilement qu'il n'est ouvraigequedemaistres,etcouraigequedecrocqueursdepies. Crocquerpie signifiecertaine joyeuset par mtaphoreextraicte du prodige qui3oadvintenBretaigne, peu de tempsavant la bataille donneprs SainctAubin du Cormier.Nozpres le nous ont ex-pos c'est raison que noz successeurs ne l'ignorent. Cefut l'an de la bonne vine : on donnoit la quarte de bonvin et friandpourune aiguillette borgne.35 Des contres de levant advola grand nombre deGaysd'un coust, grandnombre dePiesde l'aultre,tirans tousvers le Ponant. Etse coustoyoient en tel ordre,que sus lesoirIles Gaysfaisoient leur retraicte gauche(entendez 3 v"icy l'heurde l'augure) et les pies dextre : assez prs les40uns des autres. Parquelque rgion qu'ilz passassent, nedemeuroitPie, qui ne se raliast aux Pies : neGayqui nese joignistauxcampdesGays.Tantallrent, tantvolrent,qu'ilz passrent sus Angiers ville de fiance, limitrophe deBretaigne, en nombretant multipli, quepar leur vol, ilz45tollissoient la clart du soleil aux terres subjacentes. EnAngiers estoitpourlorsunvieuxoncle, Seigneur de SainctGeorge,nommFrapin : c'est celuy qui a faict et composles beaux etjoyeux Nolzen langage Poictevin. Il avoitun Gay en dlices cause de son babil parlequel tous les5o survenans invitoit boire : jamaisnechantoitquedeboire :et le nommoit son Goitrou. Le Gay en furie Martialerompitsa caige,et sejoignit aux Gays passans : un barbiervoisin,InommBehuart,avoit unePieprivebiengallante.4125. B. peintes. 26. B. (comme hieroglyphicques).36. B.l'aultre: tirans. 39. B. Pies.42.C. joingnist. 48. C. langaige.PROLOGUE65Elle de sa personne augmenta le nombredes Pies, et les55suivit au combat. Voicy choses grandes et paradoxes,vrayestoutesfois,veues,etavres. Notezbien tout. Qu'enadvint-il ? Quelle fut la fin ? Qu'il en advint bonnesgens! Cas merveilleux ! Prs la croixde Malchara fut labataille tantfurieusequec'est horreur seulementypenser:60la fin fut queles Pies perdirentla bataille, et sus lecampcamp furent felonnement occises, jusques au nombre de2589362109sans les femmes et petis enfants: c'est dire, sans les femelles et petitz piaux,vousentendez cela :LesGaysrestrentvictorieux : nontoutesfois sanspertede65 plusieursdeleursbonsSouldards: Dontfutdommaigebiengrand en tout le pays. Les Bretons sont gens, vous lesavez. Mais s'ilz eussent entendu le prodige, facilementleussentcongnuque le malheurseroit de leur coust. Car4vles queues des Pies sonten forme de leurshermines, les70Gays ont en leurs pennaiges quelques pourtraictz desarmesde France. Apropos, le Goitrou trois jours aprsretourna tout hallebren,etfaschde cesguerres, ayant unil poch. Toutesfois peu d'heures aprs qu'il eutrepeuen son ordinaire, il se remist en bon sens. Les Gorgias,75Peuple, et Escolliers d'Angiers par tourbes accouroientvoir Goitrou le borgne ainsi accoustr. Goitrou les invi-toit boirecommede coutume, adjoutant la fin d'unchascun invitatoire,Crocquez pie.Jeprsuppose que telestoit le motduguetau jourde labataille,tousenfaisoient80leurdebvoir. Lapie de Behuartneretournoit poinct, elleavoit t crocque : de ce fut dict enproverbe commun.Boired'autant et grands traitz estrepourvray crociquer 5 rla pie. Detelles figures mmoireperptuelle feistFrapinpeindre sonTinel et salle basse. Vous la pourrez voir en85 Angiers sus le lartre sainct Laurent : Geste figure, sus84. A. B. C. [Tivel].66 LE QUART LIVRE DK l'ANTAGRUELvotre brviaire pose, me feist penser qu'ilyavoit jene say quoy plus que brviaire. Aussi bien quelpropos me feriez vous prsent d'un brviaire ? J'en ay(Dieumercy et vous) des vieulx jusques aux nouveaux.90 Sus ce double ouvrant Icdict brviaire, j'apperceu quec'cstoit un brviaire, faict par invention mirificque, etles reigletz touts propos, avec inscriptions opportunes.Doncques vous voulez qu' prime je boive vin blanc : tierce, sexte,et nonne,pareillement : vespresetcompiles,95 vinclairet.Celavousappeliezcroquerpie : vrayementvousne fustes onques de mauvaise pie couvez.Je ydonnerairequeste.Vous dictes. Quoy? Q.a'en rien[ne vousay fasch par 5 vtous meslivres cydevantimprimez. Si ce proposje vous100allgue la sentence d'un ancien Pantagrueliste: encoresmoins vousfascheray.Cen'est (Jict-il) louangepopulaireAuxprinces avoirpeucomplaire.Plus dictesquele vindutiers livre ha est vostregoust,io3 etqu'il est bon.Vray est, qu'ilyenavoit peu, et ne vousplaist ce, que Ion ditcommunment,Unpeu et du bon:plus vous plaist ce, que disoit le bon EvispandeVerron,Beaucoup et dubon. D'abondant m'invitez lacontinua-tion de l'histoire Panlagrueline, allegans les utilitez etiiofruictz parceus en la lecture d'icelle, entre tous gens debien. Vous excusans de ce, que n'avezobtempr maprire, contenantqu'eussiezvousreserver rire auseptantehuictiesme livre.Jele vouspardonnedebienboncur.Jenesuis tant farouche ne implaca|ble que vous penseriez.G r"ii5 Mais ce que vous endisoys n'estoit pour vostre mal. Et93. C. boyve. 1 10. C. parceuz.PROLOGUE 67VOUS dypour response, comme est la sentence d'Hectorprofre par Nevius, que c'est belle chose estre lou degens louables. Par reciprocque dclaration je dis etmain-tiens jusquesaufeu exclusivement (entendezetpourcause)1^0que vous estesgrandzgensde bien, tous extraictzdebonsPres et bonnesmres, Vous promettant, foy de Piton,que, si jamais vous rencontre en Msopotamie, je feraytant avec le petit conte George de la basse Egypte, qu'cliascundevons il fera prsentd'unbeauCrocodilleduNil,125etd'un Cauquemarred'Euphrates.Vous adjugez. Q.uoy ? Aqui? Tous les vieux quartiersdeluneauxCaphards, Cagotz, Matagotz, Botineurs,Pape-lards, Burgotz, Patespelues,PorteursdeRogatons, Chatte-|mittes. Ce sont noms horrificquesseulement oyant leur G\'ijo son. A la prononciation desquelz j'ay veu les cheveulxdresser en teste de vostre noble ambassadeur.Jen'y ayentenduque le haultAllemant, et ne sayquelle sorte debestes comprenez en ces dnominations. Ayant faict dili-gente recherche par diversescontres, n'aytrouvhommei35 quiles advouast,qui ainsitolerastestrenommou design.Jeprsuppose que c'estoit quelque espce monstrueuse deanimaulx Barbares,ou temps deshaultz bonnetz;mainte-nantest deperieennature,commetouteschoses sublunairesontleur fin et priode, etnesavonsquelle en soit la dif-140 finition : commevous savezque subjectpery, facilementprit sa dnomination.Si par ces termes entendez les calumniateurs de mesescripts, plus aptement les pourrez vous nommerDiables.Car, en Greccalum^nie est|dicte diabole. Voyezcombien7i'145 dtestableest devantDieu et lesAngesce vice dict, Calum-nie (c'estquandon impugnele bien faict, quand on mes-dit des chosesbonnes) quepar iceluy non par autre, quoy123. C. Egipte. 141.G. denumination.68 LE QUART I.IVRK 1)K PANTAGRLEI.que plusieurs sembleroient plusnormes, sont lesDiablesd'enfer nommez et appeliez, ceulx cynesont (proprementi5oparlant) diablesd'enfer.Hz ensontappariteursetministres.Jelesnommediables noirs, blancs, diables privez, Diablesdomesticques. Et ce que ont faict envers mes livres, ilzferont(sion leslaissefaire),enverstous aultres.Maiscen'estdeleur invention.Jeledy,finquetant dsormaisneseglo-i55 rifient au surnomdu vieux Caton le censorin. Avez vousjamaisentenduquesignifie, cracheraubassin?Jadislespr-dcesseurs de ces diables privez architectes de volupt,everseurs d'honnestet, comme un Philoxenus,un Gnatho,etaultres depareille farine, quand,parles cabaretzet tavernes7\'160 esquelzlieuxtenoientordinairementleursescoles,voyoientles hostes estre de quelques bonnes viandes et morceauxfrian