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DROIT JUDICIAIRE PRIVE QUESTIONS SPECIALES DE DROIT JUDICIAIRE PRIVE TOME II Hakim BOULARBAH Avec la collaboration de Marc BAETENS-SPETSCHINSKY 1 ère MA Droit 2010-2011

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DROIT JUDICIAIRE PRIVE

QUESTIONS SPECIALES DE DROIT JUDICIAIRE PRIVE

TOME II

Hakim BOULARBAH

Avec la collaboration de Marc BAETENS-SPETSCHINSKY

1ère MA Droit

2010-2011

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DROIT JUDICIAIRE PRIVE

TOME II - PROCEDURE CIVILE

Hakim BOULARBAH

(Édition à jour au 1er janvier 2011)1

1ère

MA Droit

1 Avertissement : L’attention des étudiants est spécialement attirée sur le fait que tant le maniement

du Code judiciaire que les précisions données lors du cours oral et des exercices pratiques constituent des compléments indispensables à la compréhension et à l’étude de la matière. Les références faites à des articles de lois, sans autre spécification, renvoient aux dispositions du Code judiciaire.

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OUVRAGES ET ETUDES CITES SOUS LE SEUL NOM DE LEUR(S) AUTEUR(S)

K. BROECKX, Het recht op hoger beroep en het beginsel van de

dubbele aanleg in het civiele geding, Anvers, Maklu, 1995, citée comme K. BROECKX,

Hoger beroep.

A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, 2ème édition, Fac. Dr. Liège,

1987, cité comme A. FETTWEIS, Manuel.

E. GUTT et A.-M. STRANART-THILLY, “Examen de jurisprudence (1965 à

1970) - Droit judiciaire privé”, R.C.J.B., 1973, pp. 91-229 et R.C.J.B., 1974, pp. 91-

186, cités comme E. GUTT et A.-M. STRANART-THILLY, “Examen”.

E. GUTT et J. LINSMEAU, “Examen de jurisprudence (1971 à 1978) -

Droit judiciaire privé”, R.C.J.B., 1980, pp. 417 et s.; R.C.J.B., 1982, pp. 219 et s. et

R.C.J.B., 1983, pp. 63 et s., cités comme E. GUTT et J. LINSMEAU, “Examen”.

A. LE PAIGE, Précis de droit judiciaire, Tome IV - Les voies de recours,

Bruxelles, Larcier, 1973, cité comme A. LE PAIGE, Les voies de recours.

J. VAN COMPERNOLLE, “Examen de jurisprudence (1971 à 1985) - Droit

judiciaire privé - Les voies de recours”, R.C.J.B., 1987, pp. 115-212, cité comme J.

VAN COMPERNOLLE, “Examen 1987 (I)”.

J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, “Examen de

jurisprudence (1985 à 1996) - Droit judiciaire privé”, R.C.J.B., 1997, pp. 495-625 et

R.C.J.B., 1999, pp. 59-186, cités comme J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-

MARCHAL, “Examen”.

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QUATRIEME PARTIE – LA PROCEDURE CIVILE

TITRE I. L’INSTANCE

1. Le Code judiciaire, sous réserve de quelques exceptions, prévoit une même

manière de procéder devant le juge de paix, les quatre tribunaux, la cour d'appel et

la cour du travail.

Ce sont ces règles que nous examinerons maintenant.

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CHAPITRE I - L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE

(la phase préliminaire à l'instance et l'audience d'introduction)

Section I - PRINCIPE : INTRODUCTION PAR CITATION

2. A peine de nullité, la juridiction compétente pour connaître d'un litige est saisie

par la signification d'un exploit d'huissier donnant citation à comparaître (article 700

du Code judiciaire).

Sous-section I - Nature et sanction

3. Depuis la loi du 26 avril 2007, il s’agit d’une exception de nullité et le non

respect de cette disposition est, partant, susceptible de couverture ou de réparation

en application des articles 860 à 867 du Code judiciaire (infra, n°167 et s.).

Sous-section II - Citation et signification

4. La signification consiste en une remise de la copie de l'exploit de citation,

l'original restant entre les mains de l'huissier qui, dans le cas de la citation, ira le

déposer au greffe de la juridiction saisie, où il constituera la première pièce du

dossier de la procédure.

5. La citation en justice qui constitue un exploit d’huissier doit, à peine de nullité,

être rédigée en respectant les exigences combinées des articles 43 et 702 du Code

judiciaire.

Elle doit notamment contenir l’indication :

1 de la date et du lieu de la signification, la mention en est essentielle pour

calculer les délais. L'indication du lieu de la signification permet de vérifier la

compétence territoriale de l'huissier.

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2 des nom, prénom, profession, domicile et le cas échéant, qualité et inscription

à la Banque Carrefour des Entreprises ou B.C.E. du demandeur (aujourd’hui).

Lorsqu’il y a plusieurs demandeurs, il faut indiquer nommément chacun d’eux.

3 du nom, prénom, domicile ou, à défaut de domicile, résidence du cité et, le cas

échéant, de la qualité du destinataire de l'exploit. Le Code judiciaire n'impose

pas d'indiquer la profession du défendeur.

4 du libellé de la demande, c’est-à-dire les faits invoqués par le demandeur, ses

prétentions et l’exposé sommaire des moyens sur lesquels il fonde son action.

Il suffit que la citation contienne de manière claire l’objet de l’action et les faits

invoqués, mais non la qualification juridique de la demande2.

Si le défendeur ne peut préparer utilement sa défense en lisant l’exploit de

citation, il pourra invoquer la nullité de la citation (exception dite « obscuri

libelli »), à la condition de démontrer que le manque de clarté de l’acte lui

cause un grief et l’empêche concrètement d’exercer ses droits de la défense

(sur la notion de grief au sens de l’article 861 du Code judiciaire, voy. infra,

n°168).

5 des nom, prénom et, le cas échéant, qualité de la personne à qui la copie de

l’exploit a été remise ou du dépôt de la copie dans le cas prévu à l’article 38,

§1er, ou du dépôt de l’exploit à la poste, dans les cas prévus à l’article 40.

6 de l’identité du juge saisi de la demande, du lieu et de l’heure de l’audience.

Ces renseignements s’obtiennent soit en s’adressant au greffe de la juridiction

qu’on veut saisir, soit par la consultation de “l’annuaire administratif”.

2 Cass., 24 novembre 1978, Pas., 1979, I, 352.

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7 des nom, prénom et adresse de l'étude de l'huissier de justice.

8 du coût détaillé de l’acte.

Cette mention permet de vérifier le respect du tarif des actes accomplis par les

huissiers et de procéder à la liquidation des dépens du procès. Son omission

n'entraîne pas la nullité de l'acte s'il n'est pas établi que l'irrégularité a nui aux

intérêts de la partie citée.

9 de la signature de l'huissier de justice, tant sur l'original que sur la copie.

En effet, l'exploit est un acte authentique qui fait foi jusqu'à inscription de faux

de tout ce que son rédacteur atteste avoir vérifié ou fait (domicile des parties,

démarches accomplies, etc...).

10 du visa de l'original par la personne à laquelle la copie est remise. Cette

formalité n'est pas prescrite à peine de nullité : il s'agit de la relation faite que

la personne qui a reçu la copie de l'exploit a ou n'a pas signé l'original pour

accusé de réception.

Sous-section III - Le délai de citation ou de comparution

6. A peine de nullité, il doit s'écouler un délai de huit jours entre la signification de

la citation et l'audience d'introduction.

Ce délai, prévu par l'article 707 du Code judiciaire, constitue un délai d'attente.

La Cour de cassation a décidé que le délai de huit jours était de huit jours entiers ou

francs, de sorte que la comparution ne peut avoir lieu que le neuvième jour qui suit

celui de la signification3.

3 Cass., 3 décembre 1979, Pas., 1980, I, 408.

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Lorsque la citation est signifiée à l'étranger, le délai de huitaine est augmenté ainsi

qu'il est dit à l'article 55 du Code judiciaire, au texte duquel il est renvoyé (article 709

du Code judiciaire).

7. En matière de référé, ou devant le juge des saisies, le délai de citation est de

deux jours (articles 1035, alinéa 2, et 1395, alinéa 2, du Code judiciaire).

8. Lorsque le jugement de la cause requiert une urgence particulière qui est

démontrée, le demandeur peut adresser une requête unilatérale en abréviation du

délai de citer au juge de paix ou au président du tribunal devant lequel l'affaire doit

être portée, pour solliciter l'abréviation des délais prévus par les articles 55, 707 et

1035 du Code judiciaire.

En cas d'extrême urgence, la citation peut être autorisée "dans le jour et à l'heure

indiquée" (articles 708 et 1036 du Code judiciaire).

L'ordonnance abrégeant le délai de citation est prononcée sur requête unilatérale

(articles 1025 et suivants du Code judiciaire), adressée au magistrat avant la

signification de l'exploit introductif d'instance. Elle doit être signifiée au défendeur en

même temps que la citation.

Section II - AUTRES MODES D’INTRODUCTION DE L’INSTANCE

9. Il s'agit ici des modes d'introduction de l’'instance autres que la citation :

- la comparution volontaire;

- la requête introductive d'instance bilatérale (ou contradictoire);

- la requête introductive d'instance unilatérale (voy. infra, Chapitre IV);

Ces modes ne peuvent être utilisés que lorsque la loi le prévoit expressément.

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Sous-section I - La comparution volontaire

10. De commun accord, les parties peuvent se présenter volontairement devant le

juge compétent au premier degré de juridiction pour lui demander de statuer sur les

différends qui les opposent (article 706 du Code judiciaire).

Ce mode de saisine est admis en toutes matières contentieuses à la condition que le

juge soit appelé à statuer au premier degré de juridiction (il ne peut donc être utilisé

en degré d’appel).

Cette manière de procéder permet de réduire les frais, car seul le droit au rôle est dû,

et de gagner du temps.

11. Concrètement, le magistrat dresse procès-verbal de la déclaration des parties

et acte les termes précis de la demande introduite. Eventuellement, il actera de

même les prétentions reconventionnelles du défendeur.

Ce document est signé par les parties. Pour le reste, les règles de la procédure de

droit commun sont poursuivies.

Il faut insister sur ce que la comparution volontaire n'est qu'un mode simplifié

d'introduction de la procédure : son utilisation n'implique aucune reconnaissance ou

renonciation.

A partir de la date qui sera fixée par le Roi et au plus tard le 1er janvier 2013, la

comparution volontaire sera remplacée par une requête conjointe des parties, signée

et datée par elles à peine de nullité. La requête sera déposée ou adressée au greffe

par lettre recommandée.

12. En vue d'inciter les parties à recourir à la comparution volontaire, la loi permet

aux parties, si elles le désirent, de déposer immédiatement, lors de leur comparution,

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leurs pièces et conclusions. Dans ce cas, la cause sera immédiatement prise en

délibéré conformément aux règles régissant la procédure écrite (article 755 du Code

judiciaire) ou après de brèves plaidoiries selon la procédure des débats succincts

(article 735 du Code judiciaire).

Cette faculté offerte aux parties implique qu'elles aient mis la cause en état avant

même leur comparution volontaire.

Sous-section II - La requête introductive d’une instance contradictoire

13. Il faut attirer d’emblée l'attention sur le caractère trompeur du terme requête

contradictoire" couramment utilisé en pratique: la requête est, en elle-même, un acte

unilatéral. En réalité, elle est rédigée par l'une des parties, qui la dépose au greffe

par les soins duquel elle est ensuite notifiée à l'adversaire.

Il s'agit donc d'une requête introduisant une procédure contradictoire. Il serait inexact

d'en déduire qu'elle est rédigée par les deux parties ensemble à l’instar du procès-

verbal de comparution volontaire, où les parties exposent leur thèse, l'une à la suite

de l'autre (notons toutefois que dans le cadre de procédures particulières,

dérogatoires au droit commun - divorce par consentement mutuel -, la requête doit

être co-signée par les deux parties).

14. La "requête contradictoire" - dite encore "bilatérale" - rend la procédure moins

onéreuse puisqu'elle épargne le coût de l'exploit d'huissier : seul le droit de rôle est

dû.

Pour le surplus, la procédure est suivie de manière classique. De nombreuses

dispositions prévoient que la procédure sera introduite par une telle requête,

notamment devant les juridictions du travail, en matière de contentieux familial ou

encore dans le contentieux locatif.

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15. Il n'est pas interdit dans ces cas de procéder par citation4, mais le coût

supplémentaire de l'acte par rapport à celui de la requête peut être mis à la charge de

la partie qui en a pris l'initiative5. Il n'est par contre pas permis d'introduire une

procédure par requête lorsque la loi ne l'autorise pas, sous peine de violer l’article

700 du Code judiciaire. Toutefois le non respect de cette règle n’entraîne qu’une

nullité de la requête, régie par les articles 860 et s. du Code judiciaire.

16. De manière générale, la "requête contradictoire" produit les mêmes effets

qu'une citation : elle saisit le juge et interrompt la prescription.

La date de l'introduction de la procédure est celle de la réception de l'acte au greffe,

constatée par une mention apposée sur le document par le greffier. A défaut de cette

mention, c'est la date de l'inscription au rôle qui est retenue.

17. Le Code judiciaire prévoit aux articles 1034bis et s. le " droit commun" de la

requête introductive d'une instance contradictoire.

18. Comme le précise expressément l'article 1034bis du Code judiciaire, ces

dispositions ne dérogent pas aux formalités et mentions régies par des dispositions

légales particulières non expressément abrogées.

Ceci signifie que les formalités de droit commun de la requête s'appliquent

conjointement aux formalités prévues par les législations particulières qui autorisent

ou prescrivent le recours à ce mode d'introduction de l'instance. En cas

d'incompatibilité entre les règles de droit commun et celles prescrites par les lois

particulières, ce seront ces dernières qui primeront. Par exemple, en matière

4 Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, 102.

5 P. MOREAU, “Le choix de la voie la plus onéreuse sanctionné par la condamnation aux

dépens”, note sous J.P. Wervik, 9 juin 1998, J.J.P., 1999, pp. 345-348.

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de protection de la jeunesse, la requête doit être signée par l’avocat du requérant

alors que suivant le droit commun de l’article 1034ter, 6°, du Code judiciaire, elle peut

être signée par le requérant ou son avocat6.

Il faut dès lors être particulièrement attentif aux formalités à accomplir en cas de

recours à la requête "contradictoire", en comparant les exigences du droit commun à

celles éventuellement précisées par les dispositions particulières propres à l'action

que l'on se propose d'intenter, afin d'en faire une application cumulative.

Section III - LA CONCILIATION

19. Précédant parfois l’introduction de l’instance, la conciliation est toujours

autorisée. Elle est quelques fois obligatoire.

Sous-section I - La tentative de conciliation facultative

20. Les articles 731 et suivants du Code judiciaire autorisent, dès avant

l'introduction de la procédure au premier degré de juridiction, une tentative de

conciliation pour autant que les parties soient capables de transiger et que les objets

en litige soient susceptibles d'être réglés par transaction.

A l'initiative de l'une d'elles, les parties sont alors convoquées par simple lettre du

greffier à comparaître devant le juge qui serait compétent pour connaître du litige au

premier degré de juridiction. Si un accord intervient, il en est dressé procès-verbal

dont l'expédition est revêtue de la formule exécutoire (article 733 du Code judiciaire).

Le juge ne condamne pas : il acte simplement l'accord des parties, de sorte qu’il ne

s'agit pas d'un acte juridictionnel7.

6 Voy. V. D’HUART, obs. sous Civ. Verviers, 6 janvier 1999, J.L.M.B., 1999, p. 1448.

7 La question de savoir si l’article 1043, alinéa 2, du Code judiciaire qui concerne le jugement

d’accord est applicable au procès-verbal de conciliation dressé par le juge en application de l’article 733 du même Code est controversée. P. ROUARD (“Le préliminaire de conciliation dans le Code

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En cas d'échec, la procédure peut être poursuivie selon les règles de droit commun,

le juge étant saisi soit par comparution volontaire, soit par citation.

On constate donc que la conciliation n'est pas un acte introductif d'instance puisque

pour qu'une procédure contentieuse soit introduite il est nécessaire de recourir à un

autre acte introductif (comparution volontaire, citation, etc). C’est la raison pour

laquelle on propose régulièrement d’instaurer une « passerelle » vers la procédure

judiciaire en cas d’échec de la conciliation sans qu’il soit nécessaire d’introduire une

nouvelle procédure. Un tel mécanisme supposerait toutefois de renforcer le

formalisme de la conciliation afin de réduire ultérieurement les formalités de

convocation du défendeur.

Sous-section II - La tentative de conciliation obligatoire

21. Dans certains cas, la tentative de conciliation est obligatoire.

C'est le cas notamment :

a) en matière de contentieux du travail salarié, devant le tribunal du travail où,

paradoxalement, elle doit avoir lieu après citation ou comparution volontaire;

b) devant le juge de paix, en matière de bail à ferme (article 1345 du Code

judiciaire);

judiciaire”, J.T., 1970, pp. 725-726) et, de façon plus nuancée, A. LE PAIGE (Les voies de recours, p.

10, n 15bis) soutiennent que tel est le cas. En revanche, pour A. FETTWEIS, il est certain que le procès-verbal de conciliation ne peut être assimilé à un jugement d’accord en ce qui concerne l’exercice des voies de recours : le procès-verbal de conciliation est comme un acte notarié

susceptible d’être attaqué par la voie d’une action en nullité (Manuel, p. 472, n 696).

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c) devant le juge des saisies, en cas d’exécution ou de saisie basée sur un

jugement ou un acte authentique concernant un crédit hypothécaire (art. 59 de

la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire).

22. Sanction et régularisation

La sanction applicable en cas de non respect de la conciliation obligatoire ainsi que la

possibilité de régulariser la procédure en réalisant une conciliation en cours

d’instance varient suivant les cas prévus par la loi.

Ainsi, en matière de bail à ferme, le non respect de la tentative de conciliation

préalable entraîne l’irrecevabilité de l’action8, sans possibilité de régulariser la

procédure en faisant procéder à un nouvel appel en conciliation. Il s’agit toutefois

d’une exception qui doit être soulevée in limine litis par le défendeur9 et qui, étant

étrangère à l’ordre public, ne peut être soulevée d’office par le juge.

Section IV - LA MISE AU ROLE ET LE DOSSIER DE LA PROCEDURE

Sous-section I - Le rôle général

A.- Notions

23. Il est tenu au greffe de chaque juridiction un registre où toutes les causes sont

répertoriées sous un numéro d'ordre. L'inscription de la cause à ce rôle général doit

avoir lieu au plus tard la veille du jour de l'audience pour laquelle la citation a été

donnée (article 716 du Code judiciaire).

Lorsque la cause est introduite par requête, la mise au rôle se fait au moment où le

greffe reçoit la requête, moyennant le paiement préalable des droits de rôle.

8 Cass., 19 septembre 1991, Pas,, 1992, I, 61.

9 Cass., 9 mars 1984, Pas., I, 806.

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Lorsque la cause est introduite par comparution volontaire, la mise au rôle se fait dès

que le juge a acté la comparution des parties.

24. Le rôle général est un document authentique, qui est coté et paraphé par un

magistrat.

L'inscription au rôle général, qui suppose le paiement d'un droit (qui constitue un

impôt indirect), parfait la saisine du tribunal : la citation non inscrite dans le délai légal

est de nul effet (article 717 du Code judiciaire). La Cour de cassation a confirmé

dans un arrêt du 1er octobre 1990 que "le juge est saisi de la cause à partir de la

signification de la citation pour autant qu'elle ait été inscrite au rôle général pour

l'audience indiquée dans la citation"10. Cela signifie donc que la prescription est

interrompue à compter de la signification de la citation à la condition que celle-ci ait

été inscrite au rôle général dans le délai légal.

Selon les cas, l'inscription est requise soit par l'huissier instrumentant, soit par la

partie elle-même, soit par son avocat, soit par un mandataire. La demande peut

même émaner de la partie adverse (article 716 du Code judiciaire).

La cause reçoit un numéro d'ordre, qui lui servira de référence. A côté du rôle

général, propre à chaque juridiction, chaque chambre du tribunal possède son rôle

d'audience (rôle particulier), qui est en quelque sorte l'agenda où sont inscrites en

précisant le jour, l'heure et la durée probable du débat, les affaires en état d'être

plaidées et dont la fixation a été demandée.

B.- Radiation du rôle

25. L’article 730, §1er, du Code judiciaire prévoit la radiation du rôle, qui éteint

l'instance et ne peut avoir lieu que de l'accord des parties. Toute cause rayée du rôle

10 Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, 102.

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général ne peut y être ramenée que par une citation nouvelle, sauf le droit des parties

de comparaître volontairement.

La radiation du rôle a des effets moins étendus que le désistement d'instance. Elle

éteint l’instance (article 730, §3, du Code judiciaire) mais, par exemple, elle n'affecte

pas l'interruption de la prescription qui a eu lieu à la suite de la citation.

C.- Omission du rôle général et du rôle d’audience

26. L’article 730, §2, du Code judiciaire prévoit l'omission d'office du rôle général

pour toutes les causes qui y sont inscrites "depuis plus de trois ans et dont les débats

n'ont pas été ouverts ou n'ont pas été continués depuis plus de trois ans", et dont le

maintien au rôle n'est pas sollicité à une audience particulière où ces causes seront

appelées, une fois par an. Dans ce cas, l'instance subsiste et la cause peut être

réinscrite par simple demande de fixation mais moyennant un nouveau paiement des

droits de rôle.

27. L'omission du rôle des audiences peut quant à elle être décidée d'office par le

juge "si l'instruction de l'affaire révèle un retard anormal" (article 730, alinéa 4, du

Code judiciaire).

L'affaire omise du rôle d'audience peut y être ramenée sans autre formalité qu'une

nouvelle demande de fixation adressée au président de la chambre, sans paiement

de nouveaux droits de mise au rôle.

Sous-section II - Le dossier de la procédure

28. Dès l'inscription au rôle d'une nouvelle cause, le greffier ouvre un dossier "de

la procédure" (article 720 du Code judiciaire).

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Ce dossier permettra de retracer l'historique de la procédure depuis l'introduction de

l'affaire devant le tribunal jusqu'à la décision qui dessaisit le juge.

Il permet aux magistrats du siège et du Parquet de prendre connaissance avant

l'audience des éléments des causes qui sont fixées.

Le dossier contient notamment l'acte introductif d'instance, les notifications,

conclusions, procès-verbaux d'audience, et tous les actes établis par le juge, ainsi

que les rapports d'expertise, l'avis du Ministère public, la copie certifiée conforme des

décisions rendues, etc...

Le dossier de la procédure suit l'affaire devant le juge qui en est saisi et, en cas de

recours, est transmis dans les 5 jours au greffe de la juridiction supérieure. Le délai

de 5 jours n'est toutefois pas prévu à peine de déchéance.

Section V - LA COMPARUTION ET LA REPRESENTATION DES

PARTIES

Sous-section I - Principes

29. Selon l'article 728 du Code judiciaire, les parties comparaissent en personne

ou par avocat.

Sous réserve des exceptions ci-après examinées (infra sub B), les avocats ont seuls

le droit de plaider, de présenter en justice la défense d'une partie, et celui de la

représenter (article 440 du Code judiciaire). Il faut également ajouter que, en matière

fiscale, l’Etat belge peut être représenté par un fonctionnaire spécialement désigné à

cet effet.

Sous réserve de quelques cas exceptionnels, les avocats ont le monopole de la

signature des requêtes unilatérales (article 1026, 5 du Code judiciaire).

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En justice, les personnes morales comparaissent en personne par leur organe légal

et, sauf controverse, par leur organe statutaire (article 703 du Code judiciaire). Il s'agit

notamment du conseil d'administration de la société anonyme, ou du gérant de la

SPRL.

Sous-section II - Juridictions d'exception

30. Devant ces juridictions, les parties peuvent être représentées par leur conjoint

ou par un parent ou allié, porteur d'une procuration écrite et agréée spécialement par

le juge (article 728, alinéa 2, du Code judiciaire).

Sous-section III - Juridictions du travail

31. Devant les juridictions du travail, le délégué d'une organisation représentative

d'ouvriers ou d'employés, porteur d'une procuration écrite peut représenter l'ouvrier

ou l'employé, plaider et recevoir toutes communications relatives à l'instruction et au

jugement du litige.

Sous-section IV - Exception

32. Le juge peut interdire à la partie de présenter elle-même ses conclusions et

défenses si la passion ou l'inexpérience l'empêche de s'exprimer avec la décence

convenable ou la clarté nécessaire (article 758 du Code judiciaire).

Section VI - L’AUDIENCE D’INTRODUCTION

33. En principe, en première instance, toutes les affaires sont introduites "à jour

fixe".

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Ainsi, selon l'article 727 du Code judiciaire, "au jour fixé par la citation, le greffier fait,

à l'ouverture de l'audience, l'appel des causes dans l'ordre de leur inscription au rôle

général".

34. En application de l'article 735 du Code judiciaire, dès l'audience d'introduction,

les procédures sont réparties en deux catégories :

1 les causes qui n'appellent que des débats succincts et qui sont en état d'être

jugées sont retenues à l'audience d'introduction même pour qu'il soit statué

après leur appel ou bien sont immédiatement remises à l'une des prochaines

audiences de cette même chambre d'introduction.

Pour l'examen de ces demandes, la procédure est simplifiée et il peut être

statué sans dépôt de conclusions. Les pièces et les éventuelles conclusions

peuvent être communiquées jusqu'à la clôture des débats.

En vertu de l'article 741, aucune des règles concernant la mise en état de la

cause dans la procédure dite longue ne sont applicables.

Il est ainsi possible d'obtenir dès la première audience :

- de plaider, si l'affaire est simple et que l'adversaire est présent;

- de prendre jugement par défaut si l'adversaire est absent;

- d'obtenir une remise "à date fixe", qui permettra éventuellement de

prendre défaut ultérieurement (voy. infra, les développements

consacrés à l'article 803 du Code judiciaire).

Pour pouvoir bénéficier de la procédure simplifiée "en débats succincts", il faut

en faire la demande de façon motivée : par le demandeur dans l'acte

introductif d'instance; par le défendeur à l'audience d'introduction (art. 735,

§1er).

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En cas d'accord des parties, la procédure simplifiée doit, en principe, être

admise (art. 735, §2). Dans ce cas toutefois le juge fixe la durée des débats.

S'il s'avère que, nonobstant l'accord des parties, les débats ne sont pas

succincts, il appartient au juge de renvoyer l'affaire au rôle général.

Depuis le 1er septembre 2007, la procédure simplifiée est également

d’application à 5 cas prévus par l’article 735, §2, alinéa 2, du Code judiciaire :

- le recouvrement des créances incontestées;

- les demandes visées à l'article 19, alinéa 2;

- les changements de langue régis par l'article 4 de la loi du 15 juin 1935;

- le règlement des conflits sur la compétence;

- les demandes de délais de grâce.

Dans ces hypothèses, l’affaire doit, en théorie, être obligatoirement instruite et

jugée suivant la procédure des débats succincts, même si elle appelle de plus

longs débats.

2 les affaires plus complexes font l’objet d’une mise en état conformément aux

articles 747 et s. du Code judiciaire.

Lors de l’audience d’introduction, ces causes font, sauf accord conjoint des

parties en vue d’un renvoi au rôle, l’objet d’une mise en état judiciaire amiable

ou judiciaire (art. 747 C. jud). Plus précisément, soit le juge acte l’accord

conclu entre les parties au sujet du calendrier d’échange de conclusions et fixe

une date pour les plaidoiries (art. 747, §1er, C. jud.), soit, à défaut d’accord, le

juge fixe d’autorité, après avoir recueilli les observations des parties, les dates

pour les conclusions et pour l’audience des plaidoiries (art. 747, §2, C. jud.).

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35. Remarque

Dans le but d'éviter aux avocats des déplacements inutiles, l'article 729 du Code

judiciaire dispose que "lorsque la cause n'est pas de nature à être plaidée lors de son

introduction, les avocats des parties peuvent, de commun accord, remplacer la

comparution à l’audience prévue à l’article 728 par une déclaration écrite de

postulation, en explicitant, dans la mesure du possible, leur position en ce qui

concerne la mise en état judiciaire. Cette déclaration est adressée au préalable au

greffier. Il en est fait mention à la feuille d'audience".

CHAPITRE II - L'INSTRUCTION CONTRADICTOIRE

(la mise en état de la cause selon la procédure de droit

commun dite "procédure longue")

36. Les articles 731 à 801 du Code judiciaire déterminent les règles de l'instance

lorsque la procédure est contradictoire. Sauf dérogation expresse, ces mêmes règles

sont applicables en degré d'appel (article 1042 du Code judiciaire).

Section I - LA COMMUNICATION DES PIECES

Sous-section I - Principe

37. En application du principe contradictoire, chacun des plaideurs est tenu de

communiquer à l'autre toutes et chacune des pièces qu'il entend utiliser au cours de

l'instance (article 736 du Code judiciaire).

Cette règle s'étend aux pièces qui sont utilisées au cours des opérations d'expertise

et aux notes et mémoires déposés à la suite des plaidoiries.

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Les pièces communiquées deviennent communes aux parties, chacune d'elles

pouvant les invoquer au mieux de ses intérêts.

Il ne peut être fait état des pièces non valablement communiquées.

Sous-section II - Délais

38. Les délais impartis pour la communication des pièces sont les suivants :

- pour le demandeur : dans les 8 jours de l'introduction de la cause (article 736

du Code judiciaire).

Ce délai n'est assorti d'aucune sanction. Il est purement formel.

- pour le défendeur, la communication des pièces a lieu en même temps que

celle de ses conclusions.

- en toute hypothèse, en vertu de l’article 740 du Code judiciaire, les pièces

communiquées après la communication des conclusions sont, sous réserve

d'application de l'article 748 du Code judiciaire (voir infra), d'office écartées des

débats.

Sous-section III - Formes et preuve de la communication

39. Les parties peuvent se communiquer les pièces de deux façons :

- par dépôt au greffe, où les pièces doivent être consultées sur place (article

737, alinéa 1er, du Code judiciaire);

- à l'amiable (article 737, alinéa 2, du Code judiciaire), ce qui est l'usage normal

entre avocats.

Le délai de communication des pièces étant sévèrement sanctionné, il est important

de se réserver la preuve de l'envoi des pièces.

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En vertu de l'article 743, alinéa 2, du Code judiciaire, l'inventaire des pièces

communiquées doit être joint aux conclusions. La partie qui reçoit cet inventaire se

doit d'examiner sa conformité avec les pièces reçues et de réagir sans délai s'il

apparaît que les pièces reçues ne correspondent pas à celles mentionnées dans

l'inventaire.

D.- Sanction de la non communication

40. Les pièces communiquées tardivement sont d'office écartées des débats (article

740 du Code judiciaire). Le juge ne peut y avoir égard, sauf accord des parties.

Section II - LES CONCLUSIONS

Sous-section I - Notions

41. En vertu de l'article 741 du Code judiciaire, dans les causes qui ne sont pas

retenues à l'audience d'introduction, les parties doivent conclure selon les règles

énoncées par les articles 742 à 748 du Code judiciaire.

42. Les conclusions sont des écrits sous seing privé, signés soit par la partie soit

par son conseil, soumis au juge au cours des débats et dans lesquels les parties

exposent leurs prétentions ainsi que les moyens de droit et de fait qu'elles invoquent à

l'appui de celles-ci11.

Les conclusions reprennent en les précisant les faits invoqués et l'objet de la

demande.

Les conclusions comprennent en général quatre parties :

1 l'identification précise des parties (article 744 du Code judiciaire) ainsi que la

11 Comp. avec Cass., 20 décembre 1983, Pas., 1984, I, 448.

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cause (numéro de rôle général et indication de la chambre saisie - article 743

du Code judiciaire);

2 l'exposé des faits;

3 les prétentions et les moyens de fait et de droit (article 744 du Code judiciaire);

4 le dispositif, qui est le résumé des prétentions de la partie qui les a rédigées.

Le dispositif reprend précisément ce qui est demandé au juge.

Sous-section II - L’échange des conclusions

43. L'original signé des conclusions est déposé au greffe pour être joint au dossier

de la procédure (article 742 du Code judiciaire). Le dépôt des conclusions au greffe

vaut signification (article 746 du Code judiciaire).

Seul le dépôt des conclusions au greffe produit les effets de la signification. Si l'on

introduit une demande reconventionnelle, il faut veiller à interrompre une éventuelle

prescription en déposant ses conclusions à temps.

44. Les conclusions doivent en outre être adressées en copie à la partie adverse ou

à son avocat (article 745 du Code judiciaire).

Entre parties, aucune règle ne régit le mode de communication ou d’envoi des

conclusions. La communication se fait généralement par la poste.

Le Code judiciaire prévoyant dans certains cas, comme nous allons le voir, une

sanction en cas de non respect des délais de conclusions, la preuve de cet envoi dans

le délai est très importante. Il appartient dès lors à l'expéditeur de prouver la date

d'envoi ou de produire un accusé de réception.

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Sous-section III - Les délais

A.- En cas de mise en état amiable (article 747, §1er)

45. Les délais de conclusion peuvent être fixés d’un commun accord par les parties,

soit à l’audience d’introduction, soit lors d’une audience ultérieure.

Le juge informe les parties qui souhaitent convenir de délais pour conclure de la date

la plus proche à laquelle une audience pourrait être fixée.

Le juge prend acte des délais pour conclure, les confirme et fixe la date de l'audience.

La question de savoir si les délais convenus entre parties sont ou non contraignants

est controversée puisque l’article 747, §1er, ne renvoie pas expressément à l’article

747, §2, alinéa 6.

B.- La mise en état “judiciaire” dès l’audience d’introduction (article 747, § 2)

46. En l’absence d’accord entre les parties, le juge fixe, dans les six semaines de

l’audience d’introduction, le calendrier de conclusions ainsi que la date des plaidoiries

(qui doit intervenir au plus tard dans les trois mois de la date prévue pour les dernières

conclusions). A cette fin, les parties peuvent lui adresser leurs observations dans le

mois de l’audience d’introduction.

Les délais fixés par le juge pour l'échange des conclusions sont contraignants. Les

conclusions déposées et envoyées après l'échéance fixée sont d'office écartées des

débats, sous réserve de l'application de l'article 748 du Code judiciaire (article 747, §2,

alinéa 6, du Code judiciaire).

C.- La mise en état consensuelle et la mise en état “judiciaire” en cours de

procédure (articles 747, §2 et 750)

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47. D’un commun accord, les parties peuvent déroger à la mise en état

automatique de la cause et solliciter conjointement lors de l’audience d’introduction le

« renvoi au rôle » de l’affaire (c’est-à-dire sa remise à une date indéterminée). Après

que la cause ait été renvoyée au rôle, l’échange des conclusions et des pièces se fait

de manière consensuelle, entre les avocats ou les parties. Lorsque les parties

estiment que le dossier est en état d’être jugé, elles adressent ensemble à la juridiction

saisie une demande pour obtenir la fixation d’une date d’audience lors de laquelle

l’affaire pourra être plaidée (art. 750 C. jud.).

A tout moment, la partie, confrontée à la mauvaise volonté ou au silence de son

adversaire, peut demander au juge de fixer des délais pour les conclusions et une date

d’audience (art. 747, §2, alinéa 5). On bascule alors dans une mise en état judiciaire

contraignante.

D.- L'article 748 du Code judiciaire

48. Les trois modes de mise en état d'une cause présentent une caractéristique

commune. Quelle que soit la procédure choisie, il se présentera une période plus ou

moins longue pendant laquelle les parties ne pourront plus conclure alors qu'elles

n'auront pas encore plaidé.

L'article 748 du Code judiciaire tempère l'interdiction de conclure pendant cette

période.

1 L'article 748, § 1er, du Code judiciaire

49. L’article 748, § 1er, du Code judiciaire prévoit deux exceptions à l’interdiction de

conclure après l’expiration des délais ou la fixation de la cause.

1 Des conclusions se limitant à introduire une demande additionnelle12 sur la

base de l'article 808 du Code judiciaire sont toujours possibles.

12 Sur la notion de “demande additionnelle”, voy. le Tome I.

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2 De commun accord les parties peuvent toujours déroger à l'interdiction de

conclure13.

2 L'article 748, § 2, du Code judiciaire ou la réouverture du droit de conclure

en cas de découverte d'une pièce ou d'un fait "nouveau et pertinent"

50. Lorsqu'une partie découvre, au cours de la période séparant la fin du droit de

conclure et l'audience de plaidoiries, un fait "nouveau et pertinent", elle peut, au plus

tard trente jours avant l’audience fixée pour les plaidoiries, demander au juge auquel la

cause a été distribuée qu'il accorde un nouveau délai aux parties pour conclure sur

cette pièce ou ce fait nouveau.

La demande se fait par requête notifiée aux parties qui ont quinze jours pour faire leurs

observations. Le juge statue toujours sur pièces. Il ne peut pas convoquer les parties.

S'il estime que le fait ou la pièce est réellement nouveau et pertinent, le juge fixe les

délais pour conclure et fixe le cas échéant une nouvelle date de plaidoiries.

Les travaux parlementaires précisent que par "pertinent", il faut entendre "qui se

rapporte à la cause". Peut constituer un fait nouveau et pertinent, l’ouverture d’une

information pénale, un rapport d’expertise, ... mais pas la découverte d’une pièce déjà

en possession de l’une des parties ou encore le changement de conseil par l’une des

parties.

13 Voy. not. sur ce point, J. LINSMEAU, “L’article 747 et le consensualisme”, J.T., 1995, p. 528. Par

un arrêt du 6 avril 2001, la Cour de cassation a rappelé que les conclusions déposées avec l’accord des parties, après la fixation de la cause sur pied de l’article 750 du Code judiciaire, ne pouvaient être écartées des débats (Cass., 6 avril 2001, C.98.0358.N).

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E.- Conclusions contestant l’application des articles 747, 748, et 750 du Code

judiciaire

51. En vertu du principe général du respect des droits de la défense, les

conclusions, même envoyées ou déposées tardivement, ne peuvent être écartées des

débats dans la mesure où elles contestent l’application des articles 74714, 748 et 750

du Code judiciaire.

Sous-section IV - Le juge et les conclusions

52. Le juge est tenu de motiver ses décisions et, pour cela, il doit répondre aux

moyens de fait et de droit (et non à chacun des arguments) qui sont développés par

les parties dans les conclusions : il doit dire pourquoi il se prononce dans tel sens et

justifier la décision qu'il prend en regard de chacun des moyens qui sont évoqués

devant lui.

Le défaut de réponse aux conclusions est un moyen de cassation classique (violation

de l’article 149 de la Constitution).

En matière civile, le juge ne peut élever une contestation dont les conclusions des

parties excluent l'existence.

Les conclusions doivent être considérées comme un commencement de preuve par

écrit contre le concluant, puisqu'elles sont signées soit par la partie soit par son avocat

qui, comme mandataire, aura normalement dû les faire ratifier par son client, le

mandant.

Si l'avocat dépasse les limites du mandat "ad litem", ses dires et conclusions ne lient

pas son client, qui pourra le désavouer.

14 Cass., 27 janvier 2000, J.T., 2000, p. 826 avec la note.

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Section III - LA PROCEDURE ECRITE

53. Il est possible de s'en tenir à une procédure écrite, sans plaidoirie, lorsque les

parties ou leurs avocats le décident conjointement, conformément à l'article 755 du

Code judiciaire.

La procédure écrite est très bien accueillie par certaines juridictions du royaume, et

franchement découragée dans d'autres.

Section IV - L’AUDIENCE DE PLAIDOIRIES

54. Lors l’audience fixée pour les plaidoiries, les parties exposent verbalement leurs

moyens de fait et de droit développés en termes de conclusions et présentent leurs

dossiers de pièces. Il est évidemment interdit aux parties de développer oralement de

nouveaux arguments sous peine de violer le principe du contradictoire.

La partie qui n’a pas conclu dans les délais prévus par les articles 747 et s. du Code

judiciaire peut plaider mais ses plaidoiries ne valent pas conclusions et l’autre partie

peut, à la suite de cette plaidoirie, déposer des conclusions en réponse (art. 756bis C.

jud.)

De l’accord des parties, le juge peut décider de remplacer les plaidoiries par un débat

interactif lors duquel il pose des questions aux parties ou à leurs conseils (art. 756ter

C. jud.). En toute hypothèse, le juge peut également décider de tenir un tel débat

après les plaidoiries.

La police de l'audience appartient au magistrat qui préside le siège (articles 759 et s.

du Code judiciaire).

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55. Lorsque les parties ont été entendues, le juge prononce la clôture des débats et

prend la cause en délibéré (article 769 du Code judiciaire). La cause est en état d'être

jugée.

Dès que le délibéré a commencé, il est interdit de déposer de nouvelles conclusions15

ou de procéder à des devoirs d'instruction (article 771 du Code judiciaire).

En principe, le jugement doit être rendu dans le mois de la mise en délibéré. Ce délai

n’est pas prescrit à peine de nullité. Si la cause est communiquée au ministère public,

le délai de prononciation prend cours à la date où celui-ci a donné son avis ou, le cas

échéant, à l’expiration du délai dont disposent les parties pour déposer leurs

conclusions concernant ledit avis (article 770 du Code judiciaire).

Section V - REOUVERTURE DES DEBATS

56. Le juge peut, s'il l'estime nécessaire, ordonner la réouverture des débats, soit

d'office soit à la demande des parties ou de l'une d'elles.

Dans certains cas, le juge doit ordonner d'office la réouverture des débats.

Sous-section I - La réouverture des débats facultative

1 A la demande d'une partie

57. Pour que la réouverture des débats ait lieu à la demande d'une partie, il faut

que celle-ci ait comparu - donc qu'elle n'ait pas été défaillante - et que soit découvert

une pièce ou un fait nouveau et capital susceptible d'influencer la décision (articles 772

à 776 du Code judiciaire).

15 Sous réserve des conclusions portant sur le contenu de l’avis du ministère public, voy. infra.

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Ni la découverte tardive d'un document, ni la consultation d'un nouveau conseil ne

constituent des motifs suffisants pour solliciter la réouverture des débats.

La demande de réouverture des débats est formée par requête déposée au greffe et

contenant sans autre développement l'indication précise de la pièce ou du fait nouveau

qui la justifie.

Si le juge rejette la requête, il peut motiver cette décision en constatant simplement

que la circonstance invoquée ne constitue pas un fait nouveau et capital16. Cette

décision n’est pas susceptible d’appel17.

2 Ordonnée d'office par le juge

58. Le juge peut, en cours de délibéré, estimer n'être pas assez informé sur la

cause et dans ce cas rouvrir les débats en sollicitant des parties qu'elles s'expliquent

plus avant sur tel ou tel autre point qu'il précise dans le jugement de réouverture des

débats.

Ce type de réouverture des débats peut être évité lorsque l'affaire a été correctement

et complètement instruite et que l'audience de plaidoiries a été bien menée.

Cette décision d’ordonner la réouverture des débats est susceptible d’appel18.

Sous-section II - La réouverture des débats obligatoire

59. La réouverture des débats est obligatoire lorsque le juge, en cours de délibéré,

envisage le rejet total ou même partiel de la demande sur une exception qui n'avait

pas été proposée par une des parties.

16 Cass., 22 mars 1993, Pas., I, 308 et les conclusions de l’avocat général LECLERCQ.

17

Cass., 29 octobre 1984, Pas., 1985, I, 289.

18

Cass., 29 octobre 1984, Pas., 1985, I, 289.

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L'article 774 du Code judiciaire vise les exceptions de nullité, d'incompétence, de

forclusion ou d'irrecevabilité mais non les moyens relatifs aux circonstances de fait.

Il s'agit en général d'exceptions ou de fins de non recevoir touchant à l'ordre public car

sinon, en l'absence de contestation élevée par les parties, le juge ne serait pas

autorisé à s'en saisir.

La réouverture des débats ordonnée dans ces circonstances est obligatoire même

lorsqu'une partie défaillante, dûment avertie, ne comparaît pas.

Elle ne l'est pas lorsque le juge a invité les parties à s'expliquer sur l'exception au

cours des débats.

Cette réouverture obligatoire se justifie par le respect du principe contradictoire.

Sous-section III - Remarques

60. Après la réouverture des débats, le cas échéant, le ministère public donnera à

nouveau son avis. L'affaire sera ensuite à nouveau mise en délibéré.

Les nouveaux débats sont toutefois strictement limités à la question faisant l’objet de

la réouverture des débats19.

Lors de la réouverture, le siège doit être composé par les juges qui ont assisté aux

audiences antérieures. A défaut, les plaidoiries doivent être complètement reprises20.

19 Cass., 29 juin 1995, Pas., I, 713.

20

Cass., 22 février 1979, Pas., I, 756.

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Section VI - COMMUNICATION AU MINISTERE PUBLIC

Sous-section I - Notions

61. En matière civile, le ministère public a toujours la faculté d'examiner le dossier

d'une affaire et d'émettre son avis à l'audience.

Dans certains cas, la communication de la cause doit obligatoirement lui être faite. La

loi a toutefois restreint les cas de communication obligatoire.

Le ministère public n'est pas partie au procès : il intervient pour assister le juge, lui

faire connaître son avis, qui toutefois ne lie pas ce dernier.

Sous-section II - Les causes communicables

62. De nombreuses dispositions légales imposent la communication de certaines

causes au parquet.

On se réfère spécialement à l'article 764 du Code judiciaire, au texte duquel il est

renvoyé.

L'article 765, amendé par la loi du 4 mai 1984, impose l'avis du parquet lorsque le

tribunal de la jeunesse et la chambre de la jeunesse de la cour d'appel statuent en

matière civile.

63. Aux termes du dernier alinéa de l'article 764, le ministère public a en outre le

droit de demander la communication de tout dossier qui, à son estime, est susceptible

d'intéresser son office et de justifier un avis. Il permet au magistrat du parquet d'être

entendu "lorsqu'il le juge convenable".

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Réciproquement, les quatre tribunaux et les juridictions d'appel sont autorisés à

ordonner d'office la communication d'une cause au ministère public. Il s'agit-là d'un

pouvoir discrétionnaire, dont l'usage ne doit pas être motivé et qui n'est pas

susceptible d'appel. Cette décision est obligatoire pour le parquet qui doit examiner le

dossier puis se présenter à l'audience pour donner un avis de la portée duquel il reste

maître. Il peut se borner à se référer à la sagesse du tribunal.

Sous-section III - Procédure

64. Au moment où il prononce la clôture des débats, le juge communique la cause

au ministère public. Il en est fait mention à la feuille d’audience et le juge fixe le délai

dans lequel l’avis du ministère public sera donné et dont les parties disposeront pour

déposer au greffe des conclusions portant sur le contenu de cet avis (article 766,

alinéa 1er, du Code judiciaire).

L’avis du ministère public est donné par écrit, à moins qu’en raison des circonstances

de la cause il ne soit émis oralement sur le champ à l’audience ou, à la demande du

ministère public, à une audience ultérieure fixée à cette fin (article 766, alinéa 2, du

Code judiciaire).

65. Lorsque l'avis est obligatoire et qu'il n'est pas donné, la décision est nulle et

comme toute nullité, celle-ci ne peut être obtenue que par l'exercice de la voie de

recours appropriée.

D.- Possibilité de réplique des parties à l’avis du ministère public

66. L'avis du ministère public est donné après la clôture des débats mais ne

pouvait, en principe, justifier la réouverture de ceux-ci21.

21 Cass., 22 mars 1993, Pas., I, 308 et les conclusions de l’avocat général LECLERCQ.

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Si le ministère public soulève une exception d'ordre public qui n'a été soulevée ni par

un plaideur ni par le siège, il y avait bien entendu lieu à réouverture de débats d'office

par le juge pour permettre aux parties de faire valoir leur point de vue.

Dans les autres cas, les parties ne pouvaient légalement y répliquer ni même

présenter les observations que l'avis pourrait susciter chez elles.

67. Dans son arrêt “Vermeulen” du 20 février 199622, la Cour européenne des droits

de l’homme a cependant consacré, sur la base du droit à un procès équitable garanti

par l’article 6, §1er, de la Convention, la possibilité pour les parties à une procédure

civile de répondre aux conclusions prises par le magistrat du ministère public, avant la

clôture de l’audience, au cours de l’instance en cassation.

On en a dès lors déduit que, devant le juge du fond, toute partie devait désormais

avoir la faculté de prendre connaissance de l’avis du ministère public et d’en débattre

préalablement au jugement23. Cette dernière solution a été, dans une certaine mesure,

consacrée par la Cour de cassation24.

68. La loi du 14 novembre 2000 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne

l’intervention du ministère public, en matière civile, devant les juges du fond25 a adapté

le Code judiciaire à ces récents développements.

22 C.E.D.H., 20 février 1996, J.L.M.B., 1996, 904.

23

Voy. dans ce sens, Liège, 25 septembre 1996, J.L.M.B., 1996, 1653, obs. G. DE LEVAL; T.T. Bruxelles, 5 juin 1997, A.J.T., 1997-98, 129, note E. D’ERBRÉE.

24

Cass., 13 septembre 1999, R.C.J.B., 2000, pp. 748 et s. avec la note de S. VAN

DROOGHENBROECK, “La réplique à l’avis du Ministère public: quousque tandem?”.

25

M.B., 19 décembre 2000, p. 42.218. Voy. H. BOULARBAH, “Chronique de législation - Droit privé belge (30 juin 2000 - 31 décembre 2000) - IX. Droit judiciaire privé”, J.T., 2001, pp. 329 et s.

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36

Le nouvel article 767 du Code judiciaire prévoit désormais la possibilité pour les

parties de répliquer oralement ou par écrit aux conclusions orales ou écrites du

ministère public.

L’article 767, §3, dernier alinéa, du Code judiciaire prévoit que les conclusions écrites

en réplique à l’avis du ministère public « sont uniquement prises en considération pour

autant qu’elles répondent à l’avis du ministère public ». En d’autres termes, ces

conclusions ne peuvent avoir pour seul objet que de répondre à l’avis du ministère

public. Il est exclu à l’occasion de cette réplique de recommencer un nouveau débat

entre parties ou d’introduire de nouvelles demandes, moyens, exceptions, …

69. Remarque

A peine de nullité du jugement, l'article 768 du Code judiciaire interdit au ministère

public d'assister au délibéré : il s'agit-là d'assurer l'indépendance des juges.

CHAPITRE III - L'INSTRUCTION ET LE JUGEMENT PAR DÉFAUT

Section I - INTRODUCTION GENERALE

Sous-section I - Notion de défaut

70. Le jugement contradictoire est celui qui est rendu après que les parties aient fait

valoir leurs moyens en déposant leurs conclusions, en comparaissant et en plaidant.

Le jugement par défaut est donc celui qui est rendu alors qu'une partie n'a pas

comparu, pas conclu, ou pas plaidé, sauf, dans ce dernier cas, si elle a comparu et

déposé des conclusions (article 804, alinéa 2, du Code judiciaire).

71. Les lois des 3 août 1992 et 26 avril 2007 ont réduit les cas de procédure par

défaut.

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37

La procédure est à présent considérée comme étant contradictoire à l'égard d'une

partie dès qu'elle a comparu au moins à une audience et a conclu (article 804, alinéa

2, du Code judiciaire). Le défaut de comparaître à l'audience de plaidoiries

n'empêchera donc plus l'autre partie d'obtenir un jugement contradictoire.

Par ailleurs, dans tous les cas où il aura été recouru à une mise en état amiable

(article 747, §1er) ou judiciaire (article 747, §2 ou 748, §2), ce qui est aujourd’hui en

principe la règle, la procédure sera contradictoire, même si une des parties ne conclut

pas et ne comparaît pas.

72. Le défaut peut se produire dans le chef du demandeur et dans celui du

défendeur.

La nature du jugement se détermine par la nature de la procédure ainsi que par les

caractères fixés par la loi et non par la qualification qu’il lui est donné par le juge ou

par les parties. Il en résulte que le juge qui qualifie sa décision de jugement ou arrêt

contradictoire, réputé contradictoire ou par défaut n’en modifie pas la véritable

nature26.

Sous-section II - Rôle et importance du défaut

73. En droit belge, le défaut n'est pas considéré comme une attitude pouvant être

sanctionnée, bien que l'on estime que bon nombre de défauts traduisent en réalité une

manœuvre dilatoire.

Dans la conception actuellement majoritaire, le défaut reste l'exercice normal d'un

droit, ce qui explique d'ailleurs que l'opposition est une voie de recours ordinaire.

26 Cass., 19 janvier 1999, Van Vaerenbergh, P. 96.1516.N, inédit; Cass., 5 novembre 1993,

Pas., I, 932 ; Cass., 17 février 1978, Pas., I, 702.

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38

En aucun cas, il ne peut se déduire du défaut d'une des parties qu'elle acquiesce à la

prétention de l'autre : c'est la raison pour laquelle la partie défaillante qui fait opposition

ne doit nullement expliquer les raisons de son absence à l'audience, mais bien faire

valoir dans son acte les motifs de fond qu'elle invoque27.

Traditionnellement, le défaut est considéré comme une contestation de la recevabilité

et du fondement de la demande. C'est ce qui explique, comme nous le verrons, que le

juge doit d'office suppléer tous les moyens que la partie défaillante aurait pu proposer.

Selon certains, cette vérification doit même s'étendre aux moyens étrangers à l'ordre

public, le juge statuant par défaut devant se montrer plus circonspect qu'en cas de

débat contradictoire.

Section II - LA PROCEDURE PAR DEFAUT

Sous-section I - Le défaut à l’audience d’introduction

74. En vertu de l’article 802 du Code judiciaire, “si une partie ne comparaît pas à

l’audience d’introduction, il peut être pris défaut contre elle”.

La possibilité existe sans formalité particulière tant pour les affaires qui n’appellent que

des débats succincts au sens de l’article 735 du Code judiciaire et peuvent être

retenues à l’audience d’introduction que pour les autres affaires.

Le défaut doit être demandé par une des parties, il ne peut être prononcé d’office ou

lorsqu’aucune des parties n’a comparu et requis le défaut sous peine de violer le

principe dispositif.

Une déclaration écrite de postulation unilatérale (article 729 du Code judiciaire) ne

peut faire entrave à une demande de défaut à l’audience d’introduction.

27 Cass., 19 septembre 1985, Pas., 1986, I, 61.

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39

Sous-section II - Le défaut aux audiences ultérieures

A.- En cas de remise contradictoire (article 804, alinéa 1er, du Code judiciaire)

75. Les parties et le juge peuvent convenir de remettre l’affaire à une date ultérieure

(article 735, §1er et 747, §2). Si toutes les parties sont présentes ou représentées lors

de l’audience à laquelle cette remise est accordée, cette dernière est contradictoire. Si,

à l'audience à laquelle la cause a été contradictoirement fixée ou remise, l'une des

parties ne comparaît pas, jugement par défaut peut être pris contre elle.

B.- Alors que la partie était déjà défaillante à l’audience d’introduction (article 803

du Code judiciaire).

76. En vertu de l’article 803 du Code judiciaire, “la partie défaillante contre laquelle

le défaut n’a pas été pris à l’audience d’introduction, est convoquée, sur pli judiciaire,

par le greffier, à la demande écrite de la partie adverse, pour l’audience à laquelle la

cause a été remise ou ultérieurement fixée”.

La fixation de la cause sur la base de l'article 803 du Code judiciaire est obligatoire à

l'égard d'une partie qui n'a pas comparu à l'audience d'introduction mais contre

laquelle défaut n'a pas été requis à cette audience, par exemple parce que certaines

formalités n'avaient pas été accomplies ou que le dossier de la partie présente n'était

pas en ordre. Dans ce cas, la partie défaillante doit être convoquée sous pli judiciaire,

par le greffier, à la demande écrite de la partie adverse, pour l'audience à laquelle la

cause est fixée ou a été remise.

77. Si à l'audience à laquelle l'affaire a été fixée ou remise, cette partie ne

comparaît toujours pas, défaut pourra être requis contre elle. Si le greffe a omis

d'envoyer le pli judiciaire, le juge devra refuser de statuer par défaut à cette nouvelle

audience. L'affaire sera soit remise soit renvoyée au rôle. On rappelle toutefois qu’en

vertu du principe de la permanence du domicile judiciaire, le changement de domicile

demeure sans incidence sur le procès en cours aussi longtemps que la partie qui a

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modifié son domicile néglige d’en avertir le greffe et son adversaire28.

C.- A la suite d’une omission du rôle (article 730).

78. A la suite d’une omission du rôle d’audience, un défaut ne peut être sollicité que

moyennant une convocation donnée par pli judiciaire, quinze jours au moins avant

l’audience, à la partie qui n’a pas demandé que la cause y soit ramenée (article 730, §

2 b), alinéa 3, du Code judiciaire). En outre, s’il est justifié que par suite d’une

circonstance non imputable à cette partie, l’avertissement ne lui est pas parvenu, le

juge peut ordonner qu’elle sera citée par huissier de justice.

Sous-section III - Le défaut de plaider

79. En vertu de l’article 804, alinéa 2, du Code judiciaire la procédure est

contradictoire dès lors que la partie a comparu conformément aux articles 728 et 729

du Code judiciaire (c’est-à-dire, le cas échéant, par écrit) à l’audience d’introduction ou

à une audience ultérieure et a déposé au greffe ou à l’audience des conclusions,

même si les conclusions n’abordent pas le fond du litige et sont des conclusions de

pure forme et si elles n’ont pas été soutenues à l’audience.

En vertu d’un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 199529, les juges d’appel

doivent répondre aux conclusions non soutenues à l’audience de la partie à l’égard de

laquelle la procédure est contradictoire.

Sous-section IV - Défaut en fin d’audience et rabat du défaut

80. Aux termes de l’article 805 du Code judiciaire, “la prononciation du jugement par

défaut ne peut avoir lieu avant la fin de l’audience où le défaut a été constaté, et pour

autant que celui-ci n’ait point été auparavant rabattu. Le défaut serait rabattu et

l’instance poursuivie contradictoirement si les parties le sollicitent conjointement au

28 Cass., 1er février 1982, Pas., I, 688.

29

Cass., 15 décembre 1995, Pas., I, 1173.

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41

cours de l’audience où le défaut a été requis”.

Le prononcé d’un défaut ne peut dès lors avoir lieu avant la fin de l’audience où il a été

requis. Le défaut qui a été demandé au début de l’audience peut également être

rabattu au cours de celle-ci, pour autant que les parties se présentent ensemble

devant le juge. En ce cas, l’instance est poursuivie contradictoirement, à la demande

conjointe des parties. La partie qui avait requis le défaut n’est évidemment pas obligée

d’accepter que celui-ci soit rabattu.

Sous-section V - Péremption du jugement par défaut

A.- Notion, conditions d’application et effets.

81. Le jugement par défaut doit être signifié dans l’année sinon il est réputé non

avenu en vertu de l’article 806 du Code judiciaire. La simple connaissance du

jugement par défaut ne suffit pas à rendre inapplicable l’article 806 du Code judiciaire.

82. Lorsqu’un jugement par défaut est réputé non avenu faute d’avoir été signifié

dans l’année comme le prescrit l’article 806 du Code judiciaire, l’instance demeure

ouverte et la cause peut être ramenée à l’audience par une simple demande de

fixation et sans citation nouvelle30.

En revanche, le défendeur défaillant ne peut, lorsque le jugement par défaut ne lui a

pas été signifié dans l’année, demander que la cause soit, en application de l’article

750 du Code judiciaire, jugée à nouveau par le juge ayant rendu le jugement par

défaut. La seule possibilité qui lui est offerte est d’exercer le recours ordinaire de

l’opposition conformément aux dispositions de l’article 1047, alinéa 2, du Code

judiciaire31.

30 Cass., 13 septembre 1993, Pas., I, 688.

31

Cass., 22 février 1991, Pas., I, 609 et note A.T.

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42

83. Dans la mesure où la péremption laisse subsister la procédure par défaut, il en

résulte que la citation originaire subsiste avec les effets qui s’y attachent notamment

quant à l’interruption de la prescription, laquelle, en matière civile, sauf dispositions

légales dérogatoires, se prolonge pendant tout le cours de l’instance32.

B.- Nature

84. Le délai d’un an prévu par l’article 806 du Code judiciaire pour la signification

d’un jugement par défaut est prévu à peine de déchéance. Cette déchéance n’est pas

couverte même lorsqu’elle n’est pas soulevée avant tout autre moyen33.

La péremption de l’article 806 du Code judiciaire n’est pas d’ordre public mais

impérative de sorte qu’il est admis que la partie défaillante peut renoncer à s’en

prévaloir.

Comme toute renonciation, celle-ci doit être certaine et ne peut se présumer. Ainsi, en

cas qu’acquiescement, le jugement par défaut n’est pas frappé de péremption et peut

produire tous ses effets. Il en va de même lorsque le défaillant a formé opposition sur

le fond dans l’année suivant la décision rendue par défaut sans se prévaloir de la

péremption ou exécuté la décision volontairement et sans réserve.

32 Cass., 31 octobre 1994, Pas., I, 882.

33

Cass., 10 janvier 1986, Pas., I, 577.

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Section III - L’INSTRUCTION PAR DEFAUT - LES POUVOIRS DU

JUGE STATUANT PAR DEFAUT

Sous-section I - La thèse traditionaliste

85. Suivant la thèse traditionaliste, qui a les faveurs de la Cour de cassation34 et qui

s’inspire directement des articles 150 et 434 de l’ancien Code de procédure civile

aujourd’hui abrogés, le défaut du défendeur doit être considéré comme une

contestation de la compétence, de la recevabilité et du fondement de la demande. Il ne

peut être tenu pour un acquiescement mais, au contraire, pour un mode de

contradiction de la demande.

Les pouvoirs du juge statuant par défaut sont ainsi plus étendus que ceux du juge

statuant dans le cadre d’une instance contradictoire. Cette thèse repose sur l’idée

quelque peu “sentimentaliste” que le défendeur qui ne comparaît pas est forcément

malheureux et ignorant, qu’il n’est pas en mesure de faire valoir ses moyens de

défense et que dès lors ses droits doivent être protégés par le juge.

86. Le juge statuant par défaut doit par conséquent non seulement vérifier les

moyens de procédure35 mais encore s’assurer que les conclusions du demandeur sont

justes et bien vérifiées mais uniquement sur les pièces et au regard du dossier dont il

dispose. D’office, le juge doit suppléer tous les moyens que la partie défaillante aurait

pu proposer, y compris les contestations d’ordre privé que le juge ne peut en règle

soulever d’office lorsque toutes les parties comparaissent. Le juge peut, le cas

échéant, ordonner les mesures d’instruction qui lui paraissent opportunes afin de

vérifier le bien-fondé en fait de la demande.

34 Cass., 30 avril 1936, Pas., I, 228, note P.L.; Cass., 24 septembre 1953, Pas., 1954, I, 38,

concl. P. MAHAUX; Cass., 7 décembre 1972, Pas., 1973, I, 328; Cass., 21 mai 1981, Pas., I, 1098; Cass., 13 juin 1985, Pas., I, 1315.

35

Comme nous l’avons déjà indiqué, le juge doit notamment soulever des déclinatoires de compétence territoriale même lorsque celle-ci est d’ordre privé et n’est par conséquent pas visée par la présomption de contestation de l’article 630, alinéa 3, du Code judiciaire (Cass., 13 juin 1985, Pas., I, 1315).

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44

En outre, le défendeur défaillant dispose dans tous les cas de l’opposition qui demeure

une voie de recours ordinaire.

Sous-section II - La thèse réformatrice

87. Suivant la thèse réformatrice, sous réserve de la mise en oeuvre de dispositions

légales particulières (tel les articles 730, 862, 1058 du Code judiciaire), le juge doit,

tant au stade du contrôle de la régularité de la procédure qu’à l’occasion de l’examen

ultérieur du fondement même de la demande, en vertu du principe dispositif, s’abstenir

d’élever en lieu et place du défendeur défaillant, des contestations que seul ce dernier

aurait pu opposer à l’action introduite contre lui.

88. Le juge devra cependant veiller à utiliser toutes les ressources de la procédure

afin de vérifier si le défendeur a été effectivement atteint en temps utile par la

convocation en justice de telle sorte que celui-ci a “véritablement choisi d’être absent

alors que le débat était potentiellement concevable”.

En particulier, le juge pourra soulever tous les moyens de procédure déduits de règles

d’ordre public et impératives : contrôle des nullités absolues, de la régularité du mode

de convocation, de son pouvoir de juridiction, de sa compétence matérielle, des

compétences territoriale impératives et d’ordre public, fins de non-recevoir, exceptions

déduites du non-respect de règles d’organisation judiciaire.

89. Sur le fond du droit, le juge pourra appliquer à la contestation dont il est saisi

l’ensemble des règles de droit qu’il juge adéquates quelle que soit leur nature sans

toutefois pouvoir élever d’office une contestation tirée d’une règle de droit purement

supplétive.

Sur le plan de la preuve, le juge devra également tenir pour avérés les faits non

contestés par le défaillant.

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45

CHAPITRE IV - LA PROCÉDURE SUR REQUÊTE UNILATÉRALE

Section I - NOTION

90. La procédure sur requête unilatérale ne peut être utilisée que dans les cas

expressément prévus par la loi (par exemple : les articles 575, 584, alinéa 3, 587 et

606 du Code judiciaire) ou aussi lorsque la demande ne comportant pas d'adversaire,

la procédure contradictoire ne saurait être mise en oeuvre36.

L'introduction et l'instruction de la demande sur requête unilatérale sont réglées par les

articles 1025 à 1034 du Code judiciaire.

Section II - FORME ET DEPOT DE LA REQUETE

91. Les articles 1026 et 1027 du Code judiciaire déterminent la forme et les

conditions du dépôt de la requête unilatérale. Celle-ci doit contenir à peine de nullité :

- l'indication des jour, mois, année;

- les nom, prénom, profession et domicile du requérant ou de ses représentants

légaux. S'il s'agit d'une personne morale, l'article 703 du Code judiciaire est

applicable;

- l'objet et l'indication sommaire des motifs de la demande;

- la désignation du juge qui doit en connaître;

- sauf lorsque la loi en dispose autrement, la signature de l'avocat de la partie.

92. La requête est déposée au greffe et visée à sa date ou adressée, sous pli

postal, en double exemplaire. Elle est inscrite dans le registre des requêtes et versée

au dossier de la procédure. Souvent, des pièces doivent être annexées à la requête et

il est alors judicieux d'insérer dans celle-ci un inventaire. Cette formalité n'est toutefois

pas prescrite à peine de nullité.

36 Cass., 25 février 1999, R.D.J.P. 1999, 94, note H. BOULARBAH.

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Section III - INSTRUCTION DE LA DEMANDE

93. Le juge vérifie la demande dont le libellé résulte de la requête. Il instruit l'affaire

notamment sur la base des pièces jointes et peut convoquer la partie requérante et les

parties intervenantes pour leur demander des explications.

Il n'y a généralement pas de délai prévu entre le dépôt de la requête et la convocation.

Les tiers peuvent intervenir volontairement selon le droit commun des articles 812 et

813 du Code judiciaire. Selon le droit commun également (article 811 du Code

judiciaire), leur mise en cause ne peut être ordonnée d'office par le magistrat. En

pratique, l'intervention d'un tiers est rare, puisque seul le requérant connaît l'existence

de la demande.

En raison du caractère unilatéral de la procédure, on enseigne traditionnellement que

l'article 807 du Code judiciaire est inapplicable. Cette solution paraît critiquable car

l’exigence du caractère contradictoire des conclusions, prévue par l’article 807, ne

peut bien évidemment appliquée dans une procédure qui ne revêt pas cette nature.

Section IV - DECISION RENDUE SUR REQUETE

94. La décision, motivée, est rendue en chambre du conseil. Elle est notifiée par le

greffier à la partie requérante et, le cas échéant, aux parties intervenantes sous pli

judiciaire, dans les trois jours du prononcé. Cette notification fait courir le délai d'appel

d'un mois prévu à l'article 1031 du Code judiciaire, sans possibilité de prorogation.

L'ordonnance rendue sur requête unilatérale a une autorité de chose jugée restreinte

analogue à celle des décisions provisoires du juge des référés.

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Section V - RECOURS

95. La décision rendue sur requête unilatérale est susceptible de voies de recours :

1 les parties requérantes ou intervenantes peuvent en interjeter appel lorsqu'elle

leur inflige un grief (article 1031 du Code judiciaire).

Ce recours est formé par une requête unilatérale libellée conformément à

l'article 1026 du Code judiciaire et déposée au greffe de la juridiction d'appel.

Le délai est d'un mois à dater de la notification de l'ordonnance attaquée. Ce

recours n'est pas accordé au tiers auquel l'ordonnance causerait un préjudice.

La décision rendue sur requête unilatérale n'est pas susceptible d'opposition car

il ne s'agit pas d'une décision prononcée par défaut.

2 Toute personne qui n'est pas intervenue dans la procédure unilatérale en la

même qualité - et donc essentiellement la personne à charge de qui

l'ordonnance prononce une mesure - peut former tierce opposition à la décision

(articles 1033, 1034 et 1125 du Code judiciaire). Le délai est d'un mois à

compter de la signification de l'ordonnance au tiers opposant par la partie qui en

a pris l'initiative.

La tierce opposition doit être formée par citation, afin de rendre le débat

contradictoire. Cette citation doit être signifiée à toutes les parties. Le juge

acquiert une vue contradictoire du litige et il peut alors être saisi par les parties,

désormais présentes à la cause, de toutes les demandes incidentes que le droit

commun autorise.

3 Le requérant et les parties qui étaient intervenues lors de la procédure initiale

peuvent, lorsque les circonstances ont changé, et sous réserve des droits

acquis par un tiers, demander la modification ou la rétractation de l'ordonnance

(article 1032 du Code judiciaire).

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CHAPITRE V - LE JUGEMENT

96. La décision judiciaire est l'aboutissement du procès.

Rappelons qu'elle doit être prononcée en audience publique (article 149 de la

Constitution).

La décision consiste en un écrit portant les mentions prévues par l'article 780 du Code

judiciaire : le texte original du jugement est porté à la feuille d'audience. C'est la

minute, signée par le juge et le greffier, et conservée au greffe.

Section I - CONTENU

97. Outre diverses mentions, le jugement doit contenir une motivation et un

dispositif.

Sous-section I - La motivation

98. Les articles 149 de la Constitution et 780 du Code judiciaire disposent que tout

jugement doit être motivé. La Cour de cassation a rappelé à diverses reprises que

cette obligation est inséparable de la mission de juger.

Pour les parties, la motivation permet de vérifier si le dispositif de la décision est

dépourvu d'arbitraire et conforme au droit.

Pour les tiers, l'examen de la motivation permet de connaître la jurisprudence : c'est en

effet à partir des motifs d'une décision qu'il est possible de déterminer la portée exacte

de celle-ci notamment si elle tranche une question juridique controversée.

La motivation doit être complète, claire, précise et adéquate. La contradiction dans les

motifs, équivalant à une absence de motifs, peut entraîner la cassation de la décision

entreprise.

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49

Il faut toutefois rappeler que l'obligation de motiver est une règle de forme, ce qui

revient à dire qu'elle est respectée dès que le jugement contient une motivation, même

si celle-ci est erronée en droit ou en fait.

99. Il existe quelques exceptions à l'obligation de motiver, qui concernent des

questions accessoires, comme les frais et dépens (à l’exception de la modification du

montant de base de l’indemnité de procédure qui doit être spécialement motivée),

l'exécution provisoire ou la condamnation aux intérêts légaux. Les décisions d'ordre

intérieur, actes d'administration judiciaire sans caractère juridictionnel, ne doivent pas

non plus être motivées.

Sous-section II - Mentions du jugement

100. L'article 780 du Code judiciaire détermine les mentions qu'à peine de nullité, le

jugement doit contenir. Rappelons encore une fois que la "nullité" d'un jugement

n'apparaîtra que si la voie de recours appropriée est exercée.

Ces mentions sont :

- l'indication du juge ou du tribunal dont il émane, les noms des membres du

siège, du magistrat du ministère public qui a donné son avis et du greffier qui a

assisté au prononcé;

- les noms, prénoms et domiciles indiqués par les parties lors de leur

comparution ou de leurs conclusions;

- l'objet de la demande et la réponse aux conclusions ou moyens des parties;

- la mention de l'avis du ministère public;

- la mention et la date du prononcé de la décision en audience publique.

Sous-section III - Le dispositif

101. Le dispositif est la partie du jugement qui contient la décision prise par le

tribunal.

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Toute décision relative à la contestation, même si elle figure dans les motifs (les

"attendus") est un dispositif37.

On rappelle enfin que l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au seul dispositif mais

s'étend aux motifs qui en sont le soutien nécessaire38.

Sous-section IV - Divers

102. La transcription de l'original du jugement sur la feuille d'audience constitue la

minute de la décision : c'est un acte authentique qui est déposé au greffe.

Elle doit être signée par le juge et le greffier.

103. L'expédition - ou grosse du jugement - est une copie intégrale de la décision,

revêtue de la formule exécutoire qui est délivré par les greffiers aux parties en cause

qui en font la demande. Signée par le greffier, l'expédition est l'acte authentique qui

permet à l'huissier de procéder à l'exécution forcée.

104. Enfin, chaque partie ou son avocat reçoit, dans les huit jours du prononcé du

jugement, sous simple lettre, une copie non signée de la décision (article 792 du Code

judiciaire).

105. Le prononcé du jugement doit avoir lieu dans le mois soit de la clôture des

débats, soit de l'avis du ministère public ou du délai fixé pour le dépôt au greffe des

conclusions des parties concernant ledit avis (article 770 du Code judiciaire).

Si la décision n'a pas été prononcée dans les six mois, le procureur général près de la

cour d'appel peut adresser à la Cour de cassation une requête en dessaisissement de

la juridiction négligente (articles 648, 4 , 652 et 654 à 658 du Code judiciaire).

37 Cass., 28 avril 1994, Pas., I, 418; Cass., 20 mars 1991, Pas., I, 686.

38

Cass., 22 mars 1984, Pas., I, 857.

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51

Par ailleurs, le juge négligent s’expose également à des sanctions disciplinaires39.

Sous-section V - Signification de la décision

106. La signification est le fait de porter l'expédition de la décision à la connaissance

de la partie adverse. Elle se fait par exploit d'huissier et a deux effets fondamentaux :

- elle fait courir les délais prévus pour l'exercice des voies de recours (à défaut de

signification, celles-ci restent ouvertes pendant les délais ordinaires de

prescription prévus par le Code civil);

- la signification précède obligatoirement l'exécution.

Rappelons que dans certains cas, c'est par une notification que la décision est

"officiellement" portée à la connaissance des parties. Par exemple, l’ordonnance

rendue sur requête unilatérale est notifiée à la partie requérante et aux parties

intervenantes.

Section II - INTERPRETATION ET RECTIFICATION DU JUGEMENT

107. Lorsqu'un juge rend un jugement définitif - au sens où nous avons défini ce

terme - il épuise son pouvoir de juridiction et il ne peut revenir sur sa décision (article

19, alinéa 1er, du Code judiciaire).

Il ne peut non plus être saisi des difficultés suscitées par l'exécution forcée de celle-ci:

cette compétence appartient au juge des saisies.

Il lui est toutefois permis d'interpréter et de rectifier le jugement.

Sous-section I - Interprétation

39

Cass., 12 janvier 2006, D.050013.F. En vertu du nouvel article 770 du Code judiciaire tel que modifié par la loi du 26 avril 2007, la sanction disciplinaire est au minimum une retenue sur traitement.

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108. Le juge peut interpréter sa décision lorsqu'il existe dans celle-ci une disposition

obscure ou ambiguë : il peut mieux dire ce qui a été décidé, sans toutefois étendre,

restreindre ou modifier les droits qu'il a consacrés (article 793 du Code judiciaire)40.

Sinon, il porterait atteinte à l'autorité de la chose jugée.

Il doit donc maintenir sa décision initiale tout en lui donnant une forme meilleure. Dès

lors, à l'occasion d'une demande d'interprétation, il ne peut avoir égard à des éléments

qui ne lui avaient pas été soumis à l'occasion du débat initial.

Sous-section II - Rectification

109. La rectification ne peut porter que sur des erreurs de plume. De même qu'à

propos de l'interprétation, les droits consacrés par la décision rendue ne peuvent être

étendus, restreints ou modifiés à cette occasion41.

Le magistrat ne peut que corriger les erreurs matérielles par exemple une erreur de

prénom qu'il aurait commise, ou une erreur d'addition (mais non pas, par exemple

ajouter un élément de calcul qui lui était inconnu lorsqu'il a statué).

Sous-section III - Compétence et procédure

110. C'est le juge qui a rendu la décision qui peut l'interpréter ou la rectifier (article

795 du Code judiciaire).

Ce juge est saisi par citation ou par comparution volontaire.

Sous-section IV - Délais

111. En ce qui concerne l'interprétation, selon l'article 798 du Code judiciaire, la

demande ne peut être formée :

- si la décision est frappée d'appel ou de pourvoi;

40 Cass., 27 février 1992, Pas., I, 582.

41

Cass., 27 février 1992, Pas., I, 582.

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- sauf si toutes les parties sont d'accord, avant l'expiration des délais d'appel ou

de pourvoi en cassation. Cette disposition a pour but d'éviter la saisine

simultanée de deux juridictions et le risque de voir l'interprétation empiéter sur le

domaine du juge d'appel ou de cassation.

112. En ce qui concerne la rectification, le juge qui a rendu la décision peut la

rectifier pour autant que le dispositif qui comporte l'erreur matérielle ne fasse l'objet

d'aucun recours au moment où il est saisi de la demande (article 799 du Code

judiciaire).

113. Remarque

Lorsqu'une demande en interprétation ou en rectification d'erreur matérielle est

accueillie, les dépens de cette procédure sont mis à charge de l'Etat (article 801 du

Code judiciaire).

Section III - EFFETS DES JUGEMENTS

Sous-section I - Extinction de l'instance

114. Dans la limite de la question réglée, l'instance est éteinte et le juge est dessaisi.

Il ne peut plus revenir sur sa décision ni la modifier.

Il appartient seulement aux parties d'exercer les voies de recours appropriées, en

général, l'appel.

La règle du dessaisissement est d'ordre public et les parties ne peuvent y déroger.

Par exemple :

- le premier juge ne peut après son jugement par un jugement distinct accorder

l'exécution provisoire : seul le juge d'appel a le pouvoir de le faire (article 1401

du Code judiciaire);

- il en est de même en ce qui concerne les délais de grâce (article 1333, alinéa 2,

du Code judiciaire).

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Sous-section II - Force probante

115. Le jugement est un acte authentique faisant preuve jusqu'à inscription de faux

(articles 1317 et suivants du Code civil).

Sous-section III - Autorité de la chose jugée

116. Il est renvoyé à cet égard aux développements exposés dans la première partie.

Sous-section IV - Effets déclaratif et obligatoire

117. Le jugement ne crée pas de droit nouveau : il reconnaît et confirme ce qui

existe.

L'acte juridictionnel est donc déclaratif des droits des plaideurs et, qu'il aboutisse à une

condamnation ou à un débouté, il s'impose aux plaideurs et a pour eux un effet

obligatoire.

Comme nous l’avons exposé, cet effet s'étend aux tiers en ce sens que ces derniers

ne peuvent méconnaître l'existence du jugement et son contenu. Cependant, n'ayant

pas été parties à l'instance, les tiers ont la possibilité si le jugement porte atteinte à

leurs propres droits d'attaquer la décision par la voie de la tierce opposition.

Acte déclaratif, le jugement est en principe rétroactif en ce sens que le magistrat

statue en se plaçant au jour de la citation lorsqu'il prononce.

Il est toutefois bien évident qu'en fait, le juge prendra aussi en considération les

événements qui se sont produits depuis l'acte introductif d'instance pour former son

opinion.

118. Exceptionnellement, la décision de justice crée une situation juridique nouvelle:

dans ce cas le jugement est constitutif et, en principe, il n'a d'effet qu'au jour du

prononcé. C'est le cas des jugements qui prononcent le divorce, la séparation de

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corps, la séparation de biens, la faillite, l'interdiction.

Toutefois, même le jugement constitutif peut, en vertu de dispositions particulières,

voir tout ou partie de ses effets rétroagir.

Sous-section V - Force exécutoire

119. En principe, un jugement est exécutoire dès qu'il est rendu.

Cela signifie qu'il sera mis en œuvre, si nécessaire avec le concours de la force

publique.

120. Sauf si la décision est exécutoire nonobstant tout recours, l'introduction d'un

recours ordinaire (opposition ou appel) suspend le caractère exécutoire du jugement.

Dans certains cas particuliers, déterminés en fonction de la nature de la

condamnation, le délai d'appel est à lui seul suspensif du caractère exécutoire :

- lorsque le jugement ordonne ou impose à un tiers une mainlevée, une radiation

hypothécaire, un paiement ou une prestation quelconque (article 1388, alinéa

1er, du Code judiciaire);

- lorsque le jugement porte une condamnation à une somme d'argent (article

1495, alinéa 2, du Code judiciaire), sous réserve du droit de pratiquer une saisie

conservatoire (article 1414 du Code judiciaire).

Dans ces deux cas, le jugement ne pourra être exécuté qu'après l'expiration du délai

pour introduire un recours (un mois à dater de la signification du jugement) et sous

réserve que ce recours n’ait pas été introduit.

121. Dans certains cas, le jugement ne peut jamais être revêtu de l'exécution

provisoire. Il en est ainsi en matière de divorce, de séparation de corps, d'opposition à

mariage, de nullité de mariage (article 1399 du Code judiciaire), d'adoption,

d'interdiction judiciaire (article 1251 du Code judiciaire).

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122. Le jugement passé en force de chose jugée (c’est-à-dire, pour rappel, qui n’est

plus susceptible de voies de recours ordinaires) est toujours doté de la force

exécutoire.

Ce sont les procédures d'exécution forcée qui permettent concrètement de mettre en

oeuvre les droits résultant du jugement.

La formule exécutoire est délivrée au nom du Roi, conformément à l'article 40 de la

Constitution.

Les documents d'où résultent la force exécutoire consistent en une copie authentique

du jugement, délivrée par le greffier qui la signe, et qui lui adjoint la formule prévue par

l'article 1386 du Code judiciaire. L'ensemble de ce document se nomme "expédition" et

autorise les actes d'exécution sur les biens conformément à ce que nous examinerons

dans la cinquième partie de ce cours.

Sous-section VI - Divers

123. Le jugement transforme les courtes prescriptions en prescriptions ordinaires : le

créancier dispose des délais de prescription de droit commun pour exécuter le

jugement, même si la dette originaire a été soumise à une prescription plus courte.

124. A défaut d'exercice des voies de recours, ou si celles-ci échouent, le jugement

définitif acquiert irrévocablement force de chose jugée, même si la décision est

erronée ou irrégulière.

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TITRE II. LES INCIDENTS

CHAPITRE I - LES DEMANDES INCIDENTES

125. Il est renvoyé à la première partie (principes généraux) et à la troisième partie

(la compétence).

CHAPITRE II - LA REPRISE D'INSTANCE

126. La reprise d'instance est la procédure qui permet "de remettre sur ses rails" une

procédure interrompue.

Section I - L’INTERRUPTION DE L’INSTANCE

127. Les causes d'interruption de l'instance ont un caractère exceptionnel. Selon

l'article 815 du Code judiciaire, elles sont au nombre de trois :

Sous-section I - Le décès d'une partie

128. Le Code impose la notification du décès d'une partie en cours d'instance soit

par son conseil soit par l'un de ses héritiers, notification qui consiste en l'envoi au

greffe ou le dépôt au dossier de la procédure d'un écrit faisant connaître l'événement.

Si le décès n'est point dénoncé, la procédure poursuivie après celui-ci est

régulièrement accomplie et la validité du jugement prononcé n'en est pas affectée.

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En revanche, si la dénonciation a bien lieu, il y a interruption de la procédure qui ne

reprend son cours que par un acte de reprise d'instance émanant d'un ayant droit de la

partie décédée. Si les héritiers demeurent inactifs, que ce soit délibérément ou non, la

partie adverse peut les contraindre à reprendre l'instance.

Sous-section II - Le changement d'état

129. Il s'agit de la perte de la capacité requise pour agir en justice. Le texte est

d'application rare, parce que de manière générale, le changement d'état n'est pas de

nature à faire obstacle à la continuation de la procédure.

Sous-section III - La modification de la qualité

130. Il s'agit ici de la modification de la qualité en laquelle la partie a agi.

Il s'agit d'un cas encore plus rare que le précédent.

Sous-section IV - Remarque

131. Conformément au texte de l'article 815 du Code judiciaire, ni le décès d'une par-

tie, ni son changement d'état ou de qualité n'interrompent l'instance lorsque ces

événements surviennent après la clôture des débats.

Section II - EFFETS DE L’INTERRUPTION DE L’INSTANCE

132. Les actes accomplis après l'interruption de l'instance sont nuls, mais le Code

judiciaire prévoit que l'instance peut être reprise de gré ou de force.

Sous-section I - La reprise d'instance volontaire

133. La reprise d'instance est volontaire lorsqu'elle est formée spontanément par la

partie ou les ayants cause de la partie dans le chef de laquelle l'interruption s'est

produite.

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Elle se réalise par le dépôt au greffe, selon les règles énoncées aux articles 742 et 743

du Code judiciaire, d'un acte relatant, à peine de nullité, les causes de la reprise

d'instance, avec l'indication des noms, prénoms, profession et domicile ou, à défaut de

celui-ci de la résidence des ayants-droit.

La notification de l'acte est faite par le greffier, sous pli judiciaire aux autres parties.

Ces formalités peuvent être remplacées par un acte équivalent, tel le dépôt de

conclusions, pour autant que le but voulu par le législateur soit atteint.

Sous-section II - La reprise d'instance forcée

134. Si la partie dans le chef de laquelle l'interruption s'est produite, ou ses ayants

cause, refusent ou négligent de reprendre l'instance, l'adversaire peut les forcer à le

faire en les citant en reprise d'instance.

Cette citation à comparaître est donnée devant la juridiction saisie de la procédure

originaire. Elle est dirigée contre toute personne ayant qualité pour procéder à une

reprise d'instance volontaire.

Si, à l'expiration des délais de comparution, la partie citée fait défaut, la reprise

d'instance a lieu de plein droit.

Sous-section III - Remarques

135. Qu'elle soit volontaire ou forcée, la reprise d'instance n'est possible que s'il

subsiste quelque point à juger et si l'instance n'est pas éteinte pour l'une ou l'autre

cause (désistement, acquiescement, interruption).

136. A la suite de la reprise d'instance, la procédure est poursuivie comme si

l'interruption n'avait pas eu lieu.

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CHAPITRE III - LE DÉSISTEMENT

Section I - GENERALITES

137. Le désistement, comme l'acquiescement, que nous évoquerons à propos des

voies de recours, éteint l'instance.

Le désistement est la renonciation à un acte de procédure, à une instance ou à une

action.

Le désistement à un acte de procédure consiste en la renonciation aux effets attachés

à cet acte.

Le désistement d'instance est l'abandon d'une procédure commencée : il est sans effet

sur le fond du droit et n'est pas un obstacle à l'intentement ultérieur de la même action

(article 820 du Code judiciaire).

Le désistement d'action est l'abandon du pouvoir d'agir et comporte la renonciation

non seulement à la procédure entamée mais également au droit d’agir en justice

relativement à la prétention (article 821 du Code judiciaire)42.

42 Lorsque le demandeur, qui a exercé une action sur la base de la violation d’obligations

contractuelles, à la fois contre son cocontractant et contre les tiers complices de celui-ci, se désiste de son action uniquement contre son cocontractant, ce désistement, qui implique renonciation par le demandeur à ses droits contre le cocontractant, n’entraîne toutefois pas l’extinction de ses droits à l’égard des tiers complices (Cass., 22 mai 1998, C.97.109.F, inédit).

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Section II - LE DESISTEMENT D'UN ACTE DE PROCEDURE ET LE

DESISTEMENT D'INSTANCE

138. Le désistement à un acte de procédure consiste en la renonciation aux effets

attachés à cet acte (article 822 du Code judiciaire).

Le désistement d'instance consiste en l'abandon d'une procédure principale ou

incidente, que l'on estime a posteriori irrégulière ou inopportune.

Il permet de mettre fin à la litispendance ou d'abandonner un procès devenu sans

objet à la suite d'une transaction.

Lorsque le demandeur renonce à la poursuite de l'instance, il se réserve le droit d'en

intenter une nouvelle.

139. Selon l'état d'avancement de la procédure, le désistement d'instance est un acte

unilatéral ou bilatéral. Aussi longtemps que le défendeur n'a pas pris de conclusions

sur le fond ou introduit une demande reconventionnelle, le demandeur peut se désister

de l’instance en dehors de toute acceptation de la partie défenderesse. En déposant

des conclusions sur le fond, le défendeur acquiert un droit à ce que l'instance se

termine par un jugement définitif qui le mette à l'abri d'une nouvelle procédure. Dès ce

moment, le désistement d'instance sollicité par le demandeur doit être accepté par le

défendeur.

Toutefois, si la partie défenderesse n'a aucune raison sérieuse de refuser le

désistement, le tribunal a le droit de passer outre. En effet, en vertu de l'article 825 du

Code judiciaire, « en cas de contestation, le désistement est admis ou, le cas échéant,

refusé par une décision du juge ». En application de cette disposition, le juge peut

imposer le désistement judiciaire au plaideur qui ne justifie pas d'un intérêt suffisant

pour poursuivre une défense en justice.

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140. Le désistement d'instance est admis en toutes matières (article 823, alinéa 2, du

Code judiciaire), même si les droits litigieux intéressent l'ordre public, parce qu'il n'y a

pas de renonciation à ceux-ci. Néanmoins, le désistement d'un recours est prohibé

chaque fois qu'il produirait le même effet qu'un acquiescement interdit ou qu'un

désistement d'action qui ne satisferait pas aux conditions légales43.

141. Le désistement peut être exprès ou tacite mais conformément aux règles

générales, il ne peut être présumé car il constitue une renonciation. C'est pourquoi à

défaut de manifestation expresse, la volonté de se désister ne peut être déduite que

de circonstances impliquant nécessairement l'intention de renoncer à la procédure

engagée.

Le désistement exprès est fait par un simple acte signé par la partie ou son

mandataire et signifié à la partie adverse s'il n'a pas été préalablement accepté par

elle (article 824 du Code judiciaire).

Le mandataire doit être muni d'un pouvoir spécial, le désistement sortant du mandat

ad litem44. Une exception existe toutefois dans le chef des avocats à la Cour de

cassation qui, conformément à l'article 479 du Code judiciaire, représentent

valablement les parties en toute matière soumise à la Cour, sans avoir à justifier d'un

pouvoir spécial45.

L'acceptation par la partie défenderesse peut être faite dans les mêmes formes que le

désistement lui-même. En pratique, les parties prennent des conclusions conjointes

quant au désistement.

43 C’est ainsi que l’époux aux torts duquel un jugement a autorisé le divorce ne peut

valablement se désister de l’appel qu’il a interjeté de ce jugement (Cass., 26 septembre 1980, Pas., 1981, I, 94, note).

44

Le juge ne doit toutefois vérifier si le mandataire ad litem est nanti d’un pouvoir spécial que s’il existe une contestation à ce sujet (Cass., 25 mars 1994, Pas., I, 309).

45

Cass., 5 février 1976, Pas., I, 631, note.

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142. Le désistement d'instance remet les choses dans l'état où elles étaient avant le

procès (article 826, alinéa 1er, du Code judiciaire)46, les dépens restant en principe,

sauf convention contraire, à charge de celui qui se désiste (article 827, alinéa 1er, du

Code judiciaire).

Néanmoins, le désistement d’instance ne rend pas l’interruption de la prescription non

avenue lorsqu’il est motivé par l’incompétence du juge saisi et est suivi, d’un même

contexte de la citation devant le juge compétent (article 826, alinéa 2, du Code

judiciaire).

Après avoir décrété le désistement d’instance, le juge ne peut plus statuer sur le fond

du litige47. Toutefois, le seul désistement du demandeur au principal ne met pas fin à

la demande reconventionnelle déjà introduite48.

Section III - LE DESISTEMENT D'ACTION

143. Le désistement d'action est un acte unilatéral, efficace en dehors de toute

acceptation du défendeur.

Il équivaut à la renonciation au droit d’agir en justice et est dès lors impossible dans

les cas où pareille renonciation est interdite (par exemple, en ce qui concerne les

actions d'état, et plus généralement toutes les matières d'ordre public).

Il ne peut avoir lieu que s’il porte sur un droit auquel il est permis de renoncer et dont

la partie peut disposer (article 823, alinéa 1er, du Code judiciaire).

46 Le désistement d’instance n’est par conséquent plus possible lorsque l’instance a pris fin par

un jugement définitif (Cass., 22 décembre 1986, Pas., 1987, I, 502)

47

Cass., 25 mars 1994, Pas., I, 309.

48

En revanche, l’appel incident formé par la partie intimée après le désistement d’instance de la partie appelante est irrecevable si la partie intimée a acceptée le désistement quant aux décisions qui, selon elle, lui ont porté atteinte et contre lesquelles elle a ensuite incidemment formé appel (Cass., 16 octobre 1992, Pas., I, 1160).

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CHAPITRE IV - LA RÉCUSATION ET LE DESSAISISSEMENT

Section I - NOTIONS - DISTINCTIONS

144. La récusation est le droit accordé à un plaideur de faire écarter du siège, pour le

jugement de son procès, un juge dont l’impartialité à son égard peut légalement être

suspectée.

Il s’agit d’un incident grave, dont le législateur n’a admis la possibilité que pour des

motifs sérieux.

La récusation est une mesure individuelle, dirigée nommément contre un ou plusieurs

des juges appelés à connaître du procès et considérés individuellement49.

145. Lorsque la « récusation » vise la totalité des magistrats d'un tribunal, on se

trouve en présence d'une demande de dessaisissement. Il y a lieu à dessaisissement

lorsqu’il existe des raisons suffisantes de mettre en doute l’impartialité d’une juridiction

dans son intégralité50. Il en va de même si un plaideur récusait un tel nombre de juges

que la juridiction saisie ne puisse plus se constituer.

Dans ce dernier cas, c'est, comme cela a déjà été exposé, la Cour de cassation qui est

compétente pour statuer sur la recevabilité et le bien fondé de la demande en

dessaisissement d'un tribunal. A l'inverse de la récusation où le juge récusé est

remplacé par un autre magistrat de la même juridiction, en cas de dessaisissement, la

49 Cass., 3 septembre 1962, Pas., 1963, I, 3; Cass., 3 novembre 1982, Pas., 1983, I, 288.

50

Sont partant irrecevables les requêtes en dessaisissement qui ne sont pas dirigées contre l’ensemble des magistrats et magistrats suppléants d’une juridiction (Cass., 20 mai 1999, C.99.197.F., inédit; Cass., 5 janvier 1996, Pas., I, 18; Cass., 13 décembre 1995, Pas., I, 1153; Cass., 3 juin 1993, Pas., I, 540; Cass., 12 février 1987, Pas., I, 712; Cass., 18 décembre 1972, Pas., 1973, I, 387; Cass., 12 février 1962, Pas., I, 672; Cass., 24 mai 1967, Pas., I, 1131).

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cause est retirée à l'ensemble de la juridiction visée et est confiée à une autre

juridiction du pays, de même degré.

Section II - LE DESSAISSISSEMENT EN MATIERE CIVILE

Sous-section I - Causes de dessaisissement

146. Une juridiction valablement saisie peut être dessaisie dans les cas prévus par

les articles 648 à 652 du Code judiciaire. Il s’agit des hypothèses suivantes :

- dessaisissement du chef de parenté ou d’alliance;

- dessaisissement pour cause de suspicion légitime;

- dessaisissement pour cause de sûreté publique à la seule initiative du procureur

général près la Cour de cassation;

- dessaisissement lorsque le juge néglige de juger pendant plus de six mois la cause

qu’il a prise en délibéré.

Sous-section II - Procédure de dessaisissement

147. La requête en dessaisissement est déposée au greffe de la Cour de cassation

et ne doit pas, en matière civile, être signée par un avocat à la Cour de cassation

(article 653 du Code judiciaire).

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La demande de dessaisissement a un effet suspensif. Le greffier de la Cour de

cassation avise le greffier du juge dont le dessaisissement est demandé, dans les 24

heures du dépôt de la requête. Le dossier de la procédure est transmis au greffe de la

Cour de cassation dans le plus bref délai (article 654 du Code judiciaire). La procédure

suivie devant la Cour de cassation est, en règle, contradictoire.

148. Si, sur le vu de la requête et des pièces justificatives, la Cour de cassation juge

que la requête est manifestement irrecevable, elle statue immédiatement et

définitivement (article 656, alinéa 1er, du Code judiciaire). Dans ce cas, la procédure

n’est pas contradictoire.

149. Lorsque la requête n’est pas manifestement irrecevable, la Cour ordonne dans

le plus bref délai et au plus tard dans les huit jours la communication de l’arrêt, de la

requête et des pièces y annexées :

1 au président de la juridiction, au juge de paix ou au juge au tribunal de police

dont le dessaisissement est demandé pour faire, dans un délai fixé par la Cour51 et, le

cas échéant, en concertation avec les membres de la juridiction, une déclaration au

bas de l’expédition de l’arrêt;

2 aux parties non requérantes ainsi que la communication du délai dont celles-ci

disposent pour le dépôt de leurs conclusions au greffe et du jour de comparution

devant la Cour; cette comparution a lieu dans les deux mois du dépôt de la requête;

3 au ministère public près la juridiction dont le dessaisissement est demandé ainsi

que la communication du délai dans lequel doit être déposé son avis, si la Cour le juge

nécessaire.

La Cour ordonne également le rapport, à jour indiqué, par l’un des conseillers nommé

51 Si la déclaration est tardive ou n’est pas remise, la Cour de cassation statue sans plus

attendre (Cass., 29 octobre 1998 cité in Rapport annuel de la Cour de cassation 1999, Moniteur belge, 1999, p. 70, note (14)).

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par l’arrêt.

Les conclusions des parties et, le cas échéant, l’avis du ministère public sont

communiqués aux parties au plus tard le jour de leur dépôt au greffe (article 656,

alinéa 4, du Code judiciaire).

Par dérogation à l’article 478 du Code judiciaire, les conclusions peuvent, devant la

Cour, être signées par un avocat (article 656, alinéa 4, du Code judiciaire).

150. Le greffier de la Cour adresse, par pli judiciaire, au président de la juridiction

dont le dessaisissement est demandé, à chacune des parties ou, le cas échéant, à

leurs avocats une copie non signée de la décision définitive sur la demande en

dessaisissement (article 656, alinéa 5, du Code judiciaire).

L’éventuel arrêt de dessaisissement ordonne le renvoi au juge qu’il désigne. La Cour

peut en outre annuler les actes faits avant la prononciation de la décision, par les

juges dessaisis (article 658, dernier alinéa, du Code judiciaire).

Section III - LA RECUSATION

Sous-section I - Causes de récusation

151. Les causes de récusation sont limitativement énumérées par l’article 828 du

Code judiciaire, au texte duquel il est renvoyé.

En résumé, les causes de récusation tiennent à la trop grande inimité ou au contraire

la trop grande affection qui pourrait exister entre magistrat et parties, ainsi qu’à l’intérêt

personnel que le magistrat pourrait avoir dans la cause qu’il est appelé à juger. Il s’agit

plus généralement de toute circonstance qui est de nature à mettre en cause

l’impartialité du magistrat.

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Sous-section II - Procédure de récusation

152. Celui qui veut récuser doit le faire avant le commencement de la plaidoirie, à

moins que les causes de récusation ne soient survenues postérieurement et, si la

cause est introduite par requête, avant que la requête ait été appointée (article 833 du

Code judiciaire).

153. La récusation est introduite par une requête déposée au greffe de la juridiction

saisie qui contient les moyens justifiant la récusation (article 835 du Code judiciaire) et

qui est signée par un avocat inscrit depuis plus de dix ans au barreau52.

L’acte de récusation est remis dans les vingt-quatre heures par le greffier au juge

récusé. Celui-ci est tenu de donner au bas de cet acte, dans les deux jours, sa

déclaration écrite portant, ou son acquiescement à la récusation, ou son refus de

s’abstenir, avec ses réponses aux moyens de récusation (article 836 du Code

judiciaire). A compter du jour de la communication au juge, tous jugements et

opérations sont suspendus, sous réserve des opérations urgentes (article 837 du

Code judiciaire).

154. L’article 838 du Code judiciaire prévoit que la récusation est jugée dans les 8

jours en dernier ressort par la juridiction du degré supérieur à celle à laquelle

appartient le magistrat récusé (excepté lorsque celui-ci est membre de la Cour de

cassation auquel cas cette juridiction reste compétente)53.

155. Dans les trois jours de la réponse du juge qui refuse de s’abstenir, ou à défaut

de réponse dans ce délai, l’acte de récusation et la déclaration du juge, s’il y en a, sont

envoyés par le greffier au magistrat du ministère public près la juridiction supérieure

qui doit connaître de la récusation.

52 Cass., 3 novembre 1982, Pas., I, 1983, 288.

53

La Cour de cassation est ainsi compétente pour connaître de la demande tendant à la récusation d’un membre du conseil d’appel de l’Ordre des architectes (Cass., 21 mai 1999, C.99.163.N, inédit).

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69

Le ministère public près la juridiction supérieure transmet le dossier au greffe de cette

juridiction après avoir désigné lequel de ses membres se chargera du dossier54. Le

président de la juridiction fixe l’affaire à l’audience de manière à ce qu’il puisse être

statué dans les huit jours de l’envoi de la demande de récusation55.

La procédure est contradictoire. La décision sur la récusation est rendue, sur les

conclusions du ministère public, les parties ayant été dûment convoquées pour être

entendues en leurs observations56.

156. Conformément à l’alinéa 4 de l’article 838 du Code judiciaire, dans les 24

heures de la décision, le greffier la fait signifier aux parties57, par l’huissier commis à

cet effet par le tribunal ou la cour.

La décision qui rejette une demande de récusation condamne le récusant aux dépens

de l’incident, y compris ceux de la signification de ladite décision58.

54 En vertu de l’article 764, 7 , du Code judiciaire, les demandes de récusation doivent, à peine

de nullité, être communiquées au ministère public.

55

Et devant la Cour de cassation, désigne un conseiller rapporteur.

56

La loi ne précise pas le mode de convocation des parties qui ne sont d’ailleurs pas tenues de se présenter mais doivent simplement être avisées de la date de l’audience pour éventuellement faire valoir leurs observations (Cass., 6 octobre 1998, P.98.1228.F, inédit). La convocation des parties par lettre recommandée à la poste est, partant, régulière (Cass., 6 octobre 1998, P.98.1228.F, inédit). En outre, les délais ordinaires de citation du Code judiciaire (articles 700 et 710 du Code judiciaire) ne s’appliquent pas à la procédure de récusation dès lors qu’il ne s’agit pas de l’introduction d’une demande principale et que la récusation doit être jugée dans les huit jours de l’envoi de la demande de récusation conformément à l’article 838, alinéa 2, du Code judiciaire (Cass., 6 octobre 1998, P.98.1228.F, inédit).

57

Il s’agit des parties à l’incident (Cass., 7 novembre 1969, Pas., 1970, I, 221; Cass., 27 avril 1979, Pas., I, 1019), c’est-à-dire, les parties et, le cas échéant, le magistrat récusé si celui-ci est intervenu ou a réclamé des dommages et intérêts.

58

Cass., 7 novembre 1969, Pas., 1970, I, 221; Cass., 27 avril 1979, Pas., I, 1019.

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70

157. Lorsque la récusation est rejetée, le juge peut réclamer des dommages et

intérêts à la partie récusante s’il justifie d’un préjudice. Si tel est le cas, le magistrat

perd l’impartialité nécessaire pour connaître de la cause et doit, partant, se déporter.

Lorsque la récusation est admise, la loi prévoit que c’est le juge qui a refusé de

s’abstenir qui est condamné aux dépens (article 841, alinéa 2, du Code judiciaire).

Cette disposition a toutefois été déclarée contraire aux articles 10 et 11 de la

Constitution par la Cour constitutionnelle dans un arrêt n°30/2005 du 9 février 2005.

158. La décision sur la récusation est susceptible d’opposition lorsqu’elle a été

rendue par défaut. Elle n’est pas susceptible d’appel. La décision rendue sur la

récusation demeure susceptible de pourvoi en cassation sauf, évidemment, lorsqu’elle

a été rendue par la Cour de cassation.

CHAPITRE V - LE DÉSAVEU

159. La procédure en désaveu organisée par les articles 848 à 850 du Code

judiciaire tend à faire décider qu'un mandataire "ad litem" (avocat ou autre) n'avait pas

reçu mandat de la partie au nom de laquelle il a agi ou a excédé les limites du mandat

qu'il avait reçu.

Le désaveu est principal ou incident selon qu'il est formé en dehors de l'instance à

laquelle appartient l'acte qui en est l'objet, ou au cours de cette instance.

160. L'article 849 du Code judiciaire auquel il est renvoyé fixe la procédure à suivre.

Notamment, si la cause est déjà jugée mais qu'une voie de recours demeure ouverte,

la demande en désaveu est formée en exerçant ce recours.

Lorsque le juge d'appel est déjà saisi, le désaveu est introduit par requête en

intervention: il s'agit d'un cas exceptionnel d'intervention agressive autorisée en appel.

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71

Cette procédure permet aussi de solliciter contre le mandataire désavoué une

condamnation à des dommages et intérêts.

Lorsque le procès est terminé, la demande en désaveu est formée en même temps

que la requête civile à laquelle donne ouverture l'article 1133, 6 , du Code judiciaire

(cette disposition permet de solliciter la rétractation de la décision fondée "sur un acte

de procédure accompli au nom d'une personne, sans qu'elle ait donné mandat exprès

ou tacite à cette fin, ou ratifié ou confirmé ce qui a été fait").

L'action en dommages et intérêts contre le mandataire désavoué doit satisfaire aux

exigences traditionnelles de l'action en responsabilité, la relation causale étant

généralement en l'espèce très délicate à établir.

CHAPITRE VI - LES EXCEPTIONS

161. Le Code distingue les exceptions dilatoires et péremptoires.

Section I - LES EXCEPTIONS DILATOIRES

162. Celles-ci tendent seulement à une suspension de la procédure.

Il est renvoyé au texte des articles 851 et suivants du Code judiciaire.

Il s'agit notamment de :

- l'exception de la caution de l'étranger demandeur;

- l'exception tendant au respect des délais légaux accordés à l'héritier pour faire

inventaire et délibérer;

- l'exception dilatoire d'appel en garantie;

- l'exception de défaut de communication de pièces (article 736),

auxquelles il faut ajouter les déclinatoires de compétence (exceptions dilatoires qui

reportent la discussion sur le fond de la demande et tendent à obtenir le renvoi de la

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72

cause au magistrat compétent, le cas échéant à l'intervention du tribunal

d'arrondissement) ainsi que les exceptions de connexité, d'indivisibilité, et de

litispendance.

163. On peut également y ajouter la fin de non procéder prévue par l’article 1725, §2,

du Code judiciaire en matière de médiation ainsi que diverses exceptions dilatoires ou

fins de non procéder prévues par des législations particulières, notamment la loi sur la

Banque Carrefour des Entreprises (article 14) ou encore la loi hypothécaire (article 3).

Section II - LES EXCEPTIONS PEREMPTOIRES

Sous-section I - Généralités

164. Les déclinatoires de juridiction fondés sur l'existence d'une convention

d'arbitrage, ou d'une compétence internationale, ou encore une immunité de

juridiction, constituent une exception péremptoire qui met fin à l'instance engagée

devant un pouvoir dont aucun organe ne peut connaître. On peut également y ajouter

le non respect de certains préliminaires de conciliation, notamment en matière de bail

à ferme (art. 1345 C. jud.)

165. Les exceptions de nullité sont également péremptoires et visent à

l'anéantissement de l'instance en raison d'une irrégularité de forme affectant un acte

de procédure (articles 860 à 867 du Code judiciaire).

La nullité prive l'acte irrégulier de tout effet. Aussi, le Code judiciaire l'a-t-il envisagée

avec parcimonie.

Sous-section II - La théorie des nullités

A.- Les cas de nullité

166. Les cas de nullité reposent sur deux règles fondamentales, qui sont déduites

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73

des articles 860 et 861 :

- pas de nullité sans texte;

- pas de nullité sans grief.

1 Pas de nullité sans texte (article 860, alinéa 1er)

167. Il n'appartient pas au juge de créer des cas de nullité non prévus par la loi: il

faut que les termes « à peine de nullité » (ou d'autres termes équivalents) se

retrouvent dans la disposition légale invoquée pour que l'annulation puisse être

envisagée.

A titre d'exemple :

- il n'est pas prévu dans l'article 704, §2, du Code judiciaire que la requête

déformalisée nécessaire pour saisir le tribunal du travail doit être signée. Une

telle requête, non signée, ne pourra être déclarée nulle59;

- les formes et délai de la notification effectuée par le greffier lors du dépôt d’une

requête d’appel (article 1056, 2 du Code judiciaire) ne sont pas prescrits à

peine de nullité60;

- selon l'article 1027, alinéa 3, du Code judiciaire, l'inventaire des pièces joint à la

requête unilatérale est annexé à celle-ci, mais cette formalité n'est pas prévue à

peine de nullité.

Le principe « pas de nullité sans texte » ne souffre aucune exception61.

2 Pas de nullité sans grief (article 861)

168. Le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure que si l'omission ou

59 C.T. Mons, 5 avril 1996, J.T.T., 1997,p. 66.

60

Cass., 27 novembre 1997, Pas., I, n 512.

61

Pour d'autres exemples, voy. A. FETTWEIS, Manuel, n 123.

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74

l'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de la partie qui invoque l'exception.

Il est donc interdit de prononcer la nullité d'un acte de procédure si le préjudice

encouru par la partie qui s'en prévaut n'est pas réel et démontré par celle-ci : il faut

que l'irrégularité ait porté atteinte à l'exercice de son droit de défense.

Le juge apprécie souverainement l'existence d'un lien de causalité entre une

irrégularité et le préjudice allégué par la partie qui demande la nullité. Toutefois, la

Cour de cassation a récemment précisé que le grief doit être directement subi par la

partie concernée dans le cadre de la procédure entachée de nullité62.

Ce principe connaît certaines exceptions.

3 Exceptions au principe "pas de nullité sans grief" (article 862)

a) Généralités

169. L'importance particulière de quelques formalités et le fait que la nature même de

certaines exigences de la procédure exclut la justification du préjudice ont conduit le

législateur à énumérer à l'article 862 du Code judiciaire six catégories d'irrégularités

qui sont présumées, de manière irréfragable, avoir causé un grief.

Dans ces cas, le juge ne jouit d'aucun pouvoir d'appréciation: il doit annuler l'acte

litigieux dès que le vice de forme est démontré.

L'article 862 déroge seulement à l'article 861 du Code judiciaire, et non à l'article 860 :

il faut toujours que la nullité soit inscrite dans un texte pour être valablement

invoquée63. C'est de la démonstration du grief seulement dont le demandeur en nullité

est dispensé.

62

Cass., 8 septembre 2008, R.A.B.G., 2009, p. 360, note R. Verbeke. 63

Cass., 26 mai 1976, Pas., I, 1035.

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Les nullités en question doivent être soulevées et prononcées d'office par le juge.

b) Examen des irrégularités de l'article 862

1 Méconnaissance des délais prévus à peine de déchéance64 ou de nullité;

2 Omission de la signature de l'acte pour autant qu'il s'agisse d'un acte dont la

signature est prévue à peine de nullité (par exemple, une citation - articles 43 et

702 du Code judiciaire);

3 Omission de l'indication de la date de l'acte lorsque celle-ci est nécessaire à

l'appréciation de ses effets (par exemple l'omission de la date d'un exploit

introduisant un appel ou une opposition);

4 Indication du juge qui doit connaître de la cause : elle suppose que la juridiction

saisie ne soit pas mentionnée dans l'acte introductif d'instance.

5 Le serment imposé aux témoins (articles 934 et 961, 2 , du Code judiciaire) et

aux experts (article 979 du Code judiciaire);

6 La mention de la signification des exploits et des actes d'exécution à personne

ou selon un autre mode fixé par la loi : cette disposition complète l'article 43, 4 ,

du Code judiciaire, dans la mesure où ce texte impose, à peine de nullité, de

préciser le mode de signification d'un exploit.

B.- Conséquences de la nullité

170. La nullité fait rétroactivement disparaître l'acte irrégulier: il est privé de tout effet,

ainsi que ceux qui en sont la suite. Seuls subsistent les actes indépendants; par

exemple, une expertise correctement ordonnée à l'occasion d'une procédure dont la

nullité sera prononcée n’est pas nulle65.

64

Cette formulation est malheureuse dès lors qu’il existe une différence fondamentale entre les nullités qui frappent les actes et les déchéances qui portent atteinte au droit lui-même. 65

Cass., 4 juin 1981, Pas., I, 1147, note.

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76

En principe, la disparition d'un acte de procédure irrégulier n'affecte pas le fond du

droit: l'intéressé peut réitérer cet acte dans les formes requises mais il court le risque

qu'entre-temps la prescription de son droit, au fond, soit intervenue.

De même, si l'acte envisagé devait être accompli dans un délai précis et que ce

dernier est écoulé, la déchéance sera acquise. Par exemple, si un acte d'appel est

déclaré nul, que le délai d'un mois prévu par l'article 1050 du Code judiciaire est

écoulé, il y a forclusion du droit d'interjeter appel.

C.- Les couvertures des nullités

171. La plupart des nullités peuvent être couvertes à un certain stade de la

procédure. Cela signifie que, quoiqu'étant prévue par un texte et ayant, le cas échéant,

causé un grief, le juge ne pourra pas prononcer la nullité de l'acte irrégulier.

1 les nullités « relatives » (celles pour lesquelles un grief doit être démontré) sont

couvertes si elles ne sont pas invoquées dans les conditions imposées par

l'article 864, alinéa 1er, du Code judiciaire : elles doivent être proposées

simultanément et soulevées avant tout autre moyen “in limine litis”. Elles ne

peuvent être prononcées d'office par le juge.

A juste titre, le Code interdit au défendeur d'observer la tournure prise par le

procès avant de soulever l'incident et de tenter d'obtenir l'anéantissement de

l'instance parce qu'il n'y aurait pour lui aucune autre échappatoire.

2 les nullités « absolues », celles concernant une irrégularité visée à l'article 862,

sont couvertes "lorsqu'un jugement ou arrêt contradictoire, autre que celui

prescrivant une mesure d'ordre intérieur, a été rendu sans qu'elles aient été

proposées par la partie ou prononcé d'office par le juge" (article 864, alinéa 2).

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77

La loi déduit dans ce cas, de l'inertie des parties et de celle du juge, que la

nullité, bien que grave, n'a pas eu d'incidence réelle sur le débat.

D.- La couverture de l'article 867

172. L'article 867 du Code dispose que « l'omission ou l'irrégularité de la forme d'un

acte, en ce compris le non respect des délais visés par la présente section, ou de la

mention d'une formalité ne peut entraîner la nullité, s'il est établi par les pièces de la

procédure que l'acte a réalisé le but que la loi lui assigne ou que la formalité non

mentionnée a, en réalité, été remplie ».

173. Ce texte distingue tout d’abord au niveau de l'acte judiciaire entre "le negotium"

et "l'instrumentum" : l'irrégularité de l'instrument n'affecte pas nécessairement la

validité de l'acte.

Par voie de conséquence, les omissions ou les irrégularités affectant l'écrit rédigé pour

attester de la réalisation d'un acte judiciaire ne peuvent être sanctionnées de nullité si

la production d'une autre pièce de la même procédure établit que l'acte incriminé a, en

réalité, été régulièrement accompli ou si son irrégularité peut être réparée par d’autres

mentions de l’acte incriminé ou d’une autre pièce de la procédure, ou encore, si le but

que la loi assigne au respect de la formalité a en réalité été atteint.

Le cas classique est celui de la divergence entre la date portée sur l'original d'un

exploit et sa copie ou encore l'omission sur la copie de la signature ou de l’identité de

l'huissier instrumentant alors que l'original la contient66.

E.- La couverture spéciale de l’article 863 du Code judiciaire

174. La loi du 20 octobre 2000 introduisant l’utilisation de moyens de

télécommunication et de la signature électronique dans la procédure judiciaire a rétabli

66 Voy. par exemple, Cass., 22 novembre 1995, J.L.M.B., 1996, p. 294.

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l’article 863 du Code judiciaire - abrogé par la loi du 3 août 1992 - dans la rédaction

suivante :

« Dans tous les cas où la signature est nécessaire pour qu’un acte de procédure soit

valable, l’absence de signature peut être régularisée à l’audience ou dans un délai fixé

par le juge ».

Cette disposition légale entrera en vigueur à la date fixée par le Roi et, au plus tard, le

1er janvier 2013.

F.- Remarque

175. En vertu de l'article 866 du Code judiciaire, les procédures et les actes nuls ou

frustratoires par le fait d'un officier ministériel sont à charge de cet officier. Celui-ci peut

en outre être condamné à des dommages et intérêts.

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79

TITRE III. LES PREUVES

CHAPITRE I - DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES

Section I - INTRODUCTION

176. La preuve est la démonstration, dans les formes admises par la loi, de la vérité

d'un fait ou d'un acte juridique, qui est affirmé par l'une des parties et nié par l'autre.

L'étude des modes de preuves admis et de la force de chacun d'eux relève du droit

des obligations (articles 1317 et s. du Code judiciaire), du droit commercial (article 25

du Code de commerce), du droit fiscal, ... L’article 876 du Code judiciaire prévoit ainsi

que le tribunal juge le différend dont il est saisi selon les règles de preuve applicables

à la nature du litige.

En revanche, les questions relatives à la charge de la preuve et à l'administration de la

preuve ou à la réception des modes de preuve en justice relèvent du droit judiciaire

privé.

Section II - REGLES GOUVERNANT LA CHARGE DE LA PREUVE ET

LA RECEPTION DES PREUVES EN JUSTICE

177. Diverses règles de droit judiciaire privé président à la charge et à

l'administration de la preuve.

178. Le droit judiciaire de la preuve ne déroge pas au droit civil en ce qui concerne la

charge de la preuve. Chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle

allègue (article 870 du Code judiciaire et article 1315 du Code civil). Toutefois, le Code

judiciaire prévoit que les parties doivent collaborer loyalement au déroulement du

procès et par conséquent à l'administration de la preuve, en apportant aux débats les

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éléments de preuve qui seraient en leur possession, le tout sous le contrôle du juge.

Ce dernier peut notamment ordonner à toute partie de produire des éléments de

preuve dont elle dispose (article 871 du Code judiciaire).

179. Le juge ne peut statuer qu'en se fondant sur ce qui est légalement prouvé. Il ne

peut former sa conviction d'après la connaissance personnelle qu'il pourrait avoir des

faits67, ni en tenant compte des éléments qui n'ont pas été régulièrement établis en

cours d'audience68, ce qui n’empêche pas le magistrat de faire état, à l’appui de sa

décision, d’un fait ou d’une règle d’expérience notoire69.

180. Dans le domaine de l'instruction de la cause, il est largement dérogé au principe

dispositif. Le magistrat y dispose de pouvoirs étendus. Il peut ainsi ordonner d'office à

toute partie litigante ou à un tiers de produire les éléments de preuve dont elle dispose

(articles 871 et 877 et s. du Code judiciaire). Il peut ordonner d’office ou à la demande

des parties, la comparution personnelle des parties, une descente sur les lieux,

l’enquête ou une expertise, mais c'est toujours, du moins en règle, aux parties qu'il

appartient de faire le nécessaire pour que ces mesures ordonnées d'office par le juge

soient mises en œuvre (voy. toutefois en matière d’expertise, infra). A cet égard,

l’article 875 du Code judiciaire prévoit que lorsqu’une mesure d’instruction ordonnée

par le juge n’a pas été exécutée dans les délais fixés, la partie la plus diligente peut,

en toutes matières, ramener la cause à l’audience pour y faire statuer comme de droit.

181. Dans certaines matières déterminées, le juge peut enfin ordonner au ministère

public de recueillir des renseignements sur les objets que limitativement il précise. Les

actes de cette information sont déposés au greffe, dans le dossier de la procédure.

Les parties en sont averties par le greffier (article 872 du Code judiciaire).

67 Cass., 6 janvier 1982, Pas., I, 566.

68

Cass., 13 novembre 1989, Pas., 1990, I, 313.

69

Cass., 25 octobre 1984, Pas., 1985, I, 277.

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Section III - MODES DE PREUVE PREVUS PAR LE CODE JUDICIAIRE

182. Les modes de preuves - ou mesures d’instruction - prévus par le Code judiciaire

afin d’assurer l’instruction de l’affaire sont les suivants.

- La production des documents (articles 877 à 882 du Code judiciaire).

- La vérification d'écriture (articles 883 à 894 du Code judiciaire).

- Le faux civil (articles 895 à 914 du Code judiciaire).

- L'enquête (articles 915 à 961 du Code judiciaire).

- L'expertise (articles 962 à 991 du Code judiciaire).

- L'interrogatoire des parties (articles 992 à 1004 du Code judiciaire).

- Le serment (articles 1005 à 1006 du Code judiciaire).

- La descente sur les lieux (articles 1007 à 1016 du Code judiciaire).

- Le constat d’adultère par huissier de justice (article 1016bis du Code judiciaire).

183. L’article 875bis du Code judiciaire prévoit que le juge doit limiter le choix de la

mesure d’instruction à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en privilégiant la

mesure la plus simple, la plus rapide et la mois onéreuse.

Section IV - CARACTERISTIQUES COMMUNES AUX PROCEDURES

DE RECEPTION DES PREUVES

184. Le jugement qui ordonne une mesure préalable destinée à instruire la demande

est un jugement avant dire droit au sens de l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire,

non revêtu de l’autorité de chose jugée et qui peut être modifié si des circonstances

nouvelles le justifient.

Une telle mesure peut donc être demandée à l’audience d’introduction (art. 735, §2, C.

jud.) ou encore à tout stade de la procédure (art. 19, alinéa 2, C. jud.).

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185. La décision ordonnant une mesure d’instruction est, de plein droit, exécutoipar

provision (article 1496 du Code judiciaire).

186. Le régime des recours n’est pas uniforme même si le plus souvent des

dérogations sont apportées au droit commun en restreignant le droit d’interjeter appel

et/ou de former opposition contre une décision ordonnant ou autorisant une mesure

d’instruction.

187. La procédure d’appel comporte des règles propres aux jugements avant dire

droit ordonnant ou autorisant une mesure d’instruction (articles 1055, 1066, alinéa 2,

2 , 1068, alinéa 2, et 1072 du Code judiciaire).

188. Tout jugement d’instruction réserve les dépens (article 1017, alinéa 4, du Code

judiciaire).

CHAPITRE II - LES MESURES D’INSTRUCTION

Section I - LA PRODUCTION DE DOCUMENTS

189. Lorsqu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes de la

détention par une partie ou un tiers d'un document contenant la preuve d'un fait

pertinent, le juge peut ordonner, soit à la demande d'une partie ou même d'office, que

ce document ou une copie de celui-ci, certifiée conforme, soit déposé au dossier de la

procédure, même par la partie à laquelle ce document pourrait nuire (article 877 du

Code judiciaire)70.

70 Il s’agit d’une faculté et non d’une obligation pour le juge (Cass., 2 juin 1977, Pas., I, 1012;

Cass., 14 décembre 1995, Pas., I, 1165).

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Si un document est détenu par un tiers, celui-ci est invité préalablement par le juge à

le verser en original ou en copie au dossier de la procédure selon les modalités et les

délais qu’il indique. Le tiers peut faire valoir ses observations par écrit ou en chambre

du conseil (le tiers peut notamment se retrancher derrière le secret professionnel pour

refuser de produire la pièce). Les parties son autorisées à prendre connaissance des

observations du tiers et à y répondre (article 878 du Code judiciaire)

190. Le jugement ordonnant la production d'un document est notifié aux parties ou

au tiers sous pli judiciaire (article 880, alinéa 1er, du Code judiciaire). Il n'est sus-

ceptible ni d'opposition ni d'appel (article 880, alinéa 2, du Code judiciaire)71.

Si l'une des parties le demande, l'injonction du magistrat peut être assortie d'une

astreinte72.

Le fait de ne pas produire, sans motif légitime, le document requis ou sa copie malgré

la décision du juge est sanctionnée par des dommages et intérêts, octroyés à la partie

intéressée (article 882 du Code judiciaire). La relation causale est établie par le seul

fait de la non production73. Le montant du préjudice sera fonction de l'importance du

document.

71 En revanche, le tiers auquel l’ordre est donné de produire un document peut se pourvoir en

cassation contre cette décision (Cass., 30 octobre 1978, Pas., 1979, I, 248). Il peut également former tierce opposition (Civ. Bruxelles (sais.), 26 octobre 2000, J.T., 2001, p. 52; Liège, 6 mars 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1728).

72

Dans ce cas, la décision est susceptible d’appel car elle cause un grief immédiat à la partie condamnée sous peine d’astreinte (Cass., 12 novembre 1999, inédit; Liège, 8 janvier 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1002; Mons, 14 octobre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 711).

73

T.T. Bruxelles, 2 février 1990, J.T.T., 1990, p. 276.

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84

Section II - LA VERIFICATION D’ECRITURE

191. La vérification d'écriture est l'examen fait en justice d'un acte sous seing privé, à

l'effet de constater s'il a été réellement écrit et signé par la personne à laquelle il est

attribué (article 1324 du Code civil).

La demande peut être principale ou incidente (article 883, alinéa 1er, du Code

judiciaire). Dans ce dernier cas, elle est toujours de la compétence du juge saisi de la

demande principale (article 883, alinéa 2, du Code judiciaire).

Les articles 884 à 894 du Code judiciaire au texte desquels il est renvoyé organisent

cette procédure qui comporte le recours à des pièces de comparaison et, le cas

échéant, la désignation d'un expert.

C'est en vue d'une vérification d'écriture que le droit des obligations ou des contrats

requièrent dans certains cas la mention du "bon pour". La vérification s'en trouvera

facilitée.

Section III - LE FAUX CIVIL

192. Le premier objet de la procédure de faux civil est de démontrer la fausseté

alléguée d'un acte authentique. En dehors d'une instruction pénale, elle est la seule

voie pour obtenir en justice la constatation d'un faux, matériel ou intellectuel74,

affectant un écrit authentique.

Cette procédure peut également être mise en œuvre pour contester la sincérité d'un

acte sous seing privé. Lorsque l'"auteur" de l'acte prend une attitude défensive et dénie

sa signature, il y aura vérification d'écriture. Ce même "auteur" doit cependant

s'inscrire en faux si, sans attendre que le document lui soit opposé, il prend l'initiative

d'en faire établir la fausseté.

74 Cass., 15 octobre 1981, Pas., 1982, I, 238.

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85

Les deux procédures, la vérification d'écriture d'une part le faux civil d'autre part,

jouent donc en ce qui concerne les actes sous seing privé, des rôles différents mais

complémentaires.

193. L'article 895, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que le faux civil peut être

introduit soit comme demande principale et préventive, soit à titre incident. Dans ce

dernier cas, il est formé par conclusions conformément à l'article 809 du Code

judiciaire et il est soumis au juge saisi de la demande principale (article 895, alinéa 2,

du Code judiciaire).

La procédure d'inscription en faux est réglée par les articles 896 à 906 du Code

judiciaire au texte desquels il est renvoyé. Les articles 907 à 914 du Code judiciaire

règlent par ailleurs de manière spécifique la procédure de demande en faux incident

civil devant la Cour de cassation.

194. En vertu de l’article 764, 5 , du Code judiciaire, les demandes d’inscription en

faux civil doivent, à peine de nullité, être communiquées au ministère public.

Section IV - L’ENQUETE

Sous-section I - Généralités

195. L'enquête est la procédure qui permet de recueillir les témoignages à l'aide

desquels sera établie la vérité des faits allégués par une partie et contestés par l'autre.

Elle ne peut être utilisée que lorsque la preuve par témoins est admise au regard des

règles de preuve en droit civil (article 915 du Code judiciaire).

Elle peut être ordonnée d'office par le juge afin d’apporter la preuve des faits qui lui

apparaissent concluants. Dans ce cas, le juge peut indiquer les noms des témoins qui

seront entendus aux lieu, jour et heure fixés par lui (article 916 du Code judiciaire).

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86

Elle peut également être sollicitée par une partie. Dans ce dernier cas, celle-ci doit

offrir de rapporter par l'audition de un ou plusieurs témoins la preuve de un ou

plusieurs faits précis et pertinents et susceptibles de preuve contraire75, le juge

autorisant ou non l'enquête (article 915 du Code judiciaire)76.

Le juge des référés dispose également de la possibilité d'ordonner une enquête « ad

futurum » (articles 18, alinéa 2, et 584, alinéa 4, 4 , du Code judiciaire).

196. Chaque fois qu'une enquête est autorisée ou ordonnée - qualifiée d'enquête

directe - l'enquête contraire, tenue par la partie adverse, est admise de plein droit

(article 921 du Code judiciaire). Cette dernière a pour objet de réfuter les allégations

de son adversaire en faisant entendre des témoins dont les déclarations sont

susceptibles d’énerver ou de nuancer la force probante des dépositions recueillies lors

de l’enquête directe.

Sous-section II - Procédure

A.- Le jugement autorisant ou ordonnant l’enquête

197. Le jugement autorisant ou ordonnant l'enquête indique les faits dont la preuve

est admise et « les lieu, jour et heure de l'audience en chambre du conseil ou

l'enquête sera tenue » (article 917 du Code judiciaire).

75 Cass., 3 décembre 1976, Pas., 1977, I, 8.

76

Lorsque la loi n’interdit pas la preuve par témoins, le juge décide souverainement en fait si la preuve par témoins peut être apportée utilement, pour autant qu’il ne méconnaisse pas le droit de principe d’apporter cette preuve (Cass., 18 mars 1991, Pas., I, 663; Cass., 17 février 1995, Pas., I, 190; Cass.,4 mars 1999, Pas., I, 232). Par ailleurs, lorsqu’une partie a été autorisée par une décision précédente à apporter une preuve par témoins, ne viole pas les droits de la défense de cette partie le jugement qui, en raison d’une inaction fautive de celle-ci, la déclare déchue du droit de tenir les enquêtes (Cass., 24 janvier 1980, Pas., I, 581; Cass., 1er mars 1999, Pas., I, 196).

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87

Ce jugement est notifié d'office aux parties sous pli judiciaire (article 919, alinéa 2, du

Code judiciaire). Il est susceptible d’appel mais pas d’opposition (article 919, alinéa

1er, du Code judiciaire). La notification du jugement qui a autorisé ou a ordonné

l’enquête, faite conformément à l’article 919, alinéa 2, du Code judiciaire ne fait pas

courir le délai d'appel contre ce jugement77.

Comme toutes les décisions comportant une mesure d'instruction, le jugement

autorisant l'enquête ou l'ordonnant est exécutoire par provision nonobstant tout

recours (article 1496 du Code judiciaire).

198. L'enquête est tenue par les juges qui l'ont autorisée ou ordonnée ou par le juge

qui est désigné dans le jugement (article 918 du Code judiciaire)78.

La partie qui fait procéder à l'enquête doit adresser la liste de ses témoins au greffe,

quinze jours au moins avant l'audience au cours de laquelle ils seront entendus. Cette

liste est déposée au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties en cause et

notifiée sous pli judiciaire par le greffier aux autres parties que le requérant (article 922

du Code judiciaire). Lorsque l'enquête est ordonnée d'office, le jugement peut indiquer

le nom des témoins qui seront entendus (article 916 du Code judiciaire).

Le délai de 15 jours n'est pas prescrit à peine de déchéance79. Toutefois, selon l'article

875 du Code judiciaire, le fait de ne pas tenir l'enquête dans le délai imposé ou dans

un délai raisonnable autorise la partie adverse à faire revenir l'affaire à l'audience et à

requérir jugement sur le fond. On rappelle que cette règle s'applique à toute mesure

d'instruction qui n'est pas diligentée dans un délai raisonnable.

77 Cass., 17 mars 1997, Pas., I, 364.

78

Il appartient au seul juge désigné pour tenir les enquêtes de statuer sur tous les incidents qui peuvent survenir au cours de celles-ci; ce pouvoir ne s’éteint qu’à la clôture de l’enquête, prononcée par lui (Cass., 6 octobre 1986, Pas., 1987, I, 139).

79

Voy. dans ce sens, Anvers, 1er mars 1994, Pas., 1994, II, 66. Contra, J. ENGLEBERT, obs. sous T.T. Nivelles, 10 janvier 1992, J.L.M.B., 1994, p. 1335.

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88

B.- La comparution des témoins

199. Les témoins sont convoqués par le greffier, huit jours au moins avant leur

audition. Il est joint à la convocation une copie certifiée conforme du dispositif du

jugement, limitée à l'énoncé des faits admis et à l'indication des lieu, jour et heure de

l'audition (article 923 du Code judiciaire).

200. Si un témoin ne comparaît pas, le juge peut, à la demande d’une des parties,

ordonner qu’il soit cité par exploit d’huissier (article 925 du Code judiciaire). Le cas

échéant, le témoin cité qui persiste à faire défaut, est condamné à une amende civile,

sans préjudice des dommages et intérêts au profit de la partie80. La question de savoir

s’il est possible d’imposer une audition de témoins sous astreinte est controversée81.

Toutefois, le témoin condamné qui comparait ultérieurement peut, après sa déposition,

être déchargé en tout ou en partie, par le juge de la condamnation prononcée. Il est

déchargé de celle-ci s’il justifie qu’il n’a pu se présenter au jour indiqué (article 927 du

Code judiciaire). L’amende prévue à l’article 926 du Code judiciaire est applicable au

témoin qui sans motif légitime refuse de prêter serment ou de déposer (article 928 du

Code judiciaire).

Enfin, les frais résultant de la défaillance du témoin, de son refus sans motif légitime

de prêter serment ou de déposer demeurent à sa charge et sont taxés par le juge

(article 930 du Code judiciaire).

201. Le mineur âgé de moins de 15 ans ne peut être entendu sous serment mais ses

déclarations peuvent être recueillies à titre de simple renseignement (article 931,

80 Lorsque, en matière civile, un témoin cité à nouveau persiste à faire défaut, le juge est tenu

de prononcer à sa charge une nouvelle amende (Cass., 26 avril 1974, Pas., I, 882).

81

En faveur de cette possibilité, voy. J. VAN COMPERNOLLE, L’astreinte, Bruxelles, Larcier, 1992,

p. 42, n 44 et les références citées.

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89

alinéa 1er, du Code judiciaire)82. L'article 931, alinéa 2, du Code judiciaire dispose que

les descendants ne peuvent être entendus dans les causes où leurs ascendants ont

des intérêts opposés.

Néanmoins, depuis le 1er octobre 1994, dans toute procédure le concernant, le mineur

capable de discernement peut, à sa demande ou sur décision du juge, sans préjudice

des dispositions légales prévoyant son intervention volontaire et son consentement,

être entendu, hors la présence des parties, par le juge ou par la personne désignée

par ce dernier à cet effet, aux frais partagés des parties s’il y a lieu. La décision du

juge n’est pas susceptible d’appel. Lorsque le mineur en fait la demande, l’audition ne

peut être écartée que par une décision spécialement motivée fondée sur le manque de

discernement du mineur. Cette décision n’est pas susceptible d’appel. Lorsque

l’audition est décidée par le juge, le mineur peut refuser d’être entendu. L’audition du

mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. L’audition a lieu en tout

endroit jugé approprié par le juge. Il en est établi un procès-verbal qui est joint au

dossier de la procédure, sans que copie en soit délivrée aux parties (article 931,

alinéas 3 à 7, du Code judiciaire)83.

C.- L'audition des témoins

202. L'audition a lieu en chambre du conseil, à huis clos. Les témoins sont entendus

séparément, tant en présence qu'en l'absence des parties (articles 933 et 1264 du

Code judiciaire).

A peine de nullité absolue, le témoin, avant son audition, doit prêter serment (articles

934 et 862, §1er, 5 , du Code judiciaire).

82 Il en va de même des personnes condamnées à des peines de réclusion ou de détention à

perpétuité ou de réclusion pour un terme de dix à quinze ans ou un terme supérieur qui ne

peuvent déposer en justice que pour y donner de simples renseignements (article 31, 4 , du Code pénal).

83

Sur cette disposition, voy. not. J.P. MASSON, La loi du 30 juin 1994 modifiant l’article 931 du Code judiciaire et les dispositions relatives aux procédures du divorce, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 49-71.

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90

Le témoin est entendu aussi bien sur les faits qu'il connaît directement que sur ceux

qu'il connaît par relation. La portée d'un témoignage indirect est abandonnée à l'appré-

ciation du juge du fond84.

Les témoins déposent sans qu'il leur soit permis de lire aucun projet écrit mais ils

peuvent, le cas échéant, être autorisés par le juge, après que ce dernier ait entendu

les parties en leurs observations, à consulter les pièces utiles à leur déposition (article

935 du Code judiciaire).

La partie doit s'adresser au juge pour interpeller un témoin (article 936 du Code

judiciaire), ce qui retire beaucoup d'impact à l'interpellation.

Soit d'office, soit à la demande de l'une des parties, le juge interroge le témoin sur son

degré de parenté ou d'alliance avec les parties ainsi que sur les faits qui lui sont

personnels et qui sont de nature à influencer sa déposition (article 937 du Code

judiciaire).

Le juge peut, même d'office, poser au témoin toute question de nature à préciser ou

compléter la déposition (article 938 du Code judiciaire). Il peut aussi prendre l'initiative

de confronter les témoins ou de les réentendre (article 942 du Code judiciaire).

203. Seuls les témoins cités par la partie sont normalement entendus, mais une

enquête complémentaire peut, à la demande d’une partie lors de l’enquête, être

autorisée par le juge, s'il résulte des dépositions déjà entendues que l'audition de

nouveaux témoins est utile à la manifestation de la vérité (article 941, alinéa 1er, du

Code judiciaire)85. Dans ce cas, l’ordonnance est notifiée aux parties par le greffier

84 Cass., 25 février 1980, Pas., I, 768.

85

Le pourvoi en cassation formé avant la décision définitive contre une décision, fût-elle irrégulière, par laquelle le juge fait droit, au cours de l’enquête, à la demande d’une partie de produire un témoin, est irrecevable (Cass., 13 janvier 1997, Pas., I, 61).

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sous pli judiciaire et les parties sont convoquées conformément à l’article 923 du Code

judiciaire.

204. Les témoignages, ainsi que les formalités qui les accompagnent, et la prestation

de serment, sont consignés par écrit (article 939, alinéa 1er, du Code judiciaire)86. La

déposition, suivie des rectifications ou additions éventuelles, est signée par le témoin,

le juge et le greffier (article 939, alinéa 3, du Code judiciaire).

205. En vertu de l’article 944 du Code judiciaire, les ordonnances rendues en cours

d’enquête ne sont pas susceptibles d’opposition; elles ne sont susceptibles d’appel

avant le jugement définitif que si elles prononcent des condamnations.

D.- La clôture des enquêtes et le jugement

206. Le juge prononce la clôture de l'enquête lorsque les témoins ont été entendus et

que les formalités légales ont été accomplies (article 945, alinéa 1er, du Code

judiciaire).

Le juge entend les conclusions des parties séance tenante ou fixe les lieu, jour et

heure de l'audience à laquelle elles seront entendues. Dans ce cas, les parties qui

n'ont pas comparu sont convoquées par le greffe sous pli judiciaire (article 945, alinéas

2 et 3, du Code judiciaire).

Le juge qui a tenu l'enquête siège lorsqu’il est statué sur le résultat des dépositions, à

moins qu’il n’en soit empêché87. Si plusieurs juges ont tenu l’enquête, la règle n’est

applicable qu’au dernier d’entre eux (article 946 du Code judiciaire).

86 Cette disposition n’est ni d’ordre public, ni impérative (Cass., 27 avril 1973, Pas., I, 802, note).

87

La constatation de l’empêchement ne doit cependant pas figurer dans le jugement (Cass., 13 septembre 1974, Pas., 1975, I, 45).

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Lorsqu'une enquête est nulle en tout ou en partie, le juge peut jusqu'à la clôture des

débats ordonner, même d’office, qu'elle soit rouverte à fin de régularisation. Ce

jugement n’est pas susceptible d’opposition et est notifié aux parties par le greffier,

sous pli judiciaire (article 947 du Code judiciaire)

E.- Le procès-verbal de l’enquête et le délai pour demander l’enquête contraire

207. Un procès-verbal est établi pour chaque enquête, conformément aux

dispositions des articles 949 et 950 du Code judiciaire (article 948 du Code judiciaire).

Une copie certifiée conforme du procès-verbal de l'enquête est notifiée aux parties par

pli judiciaire (article 951, alinéa 1er, du Code judiciaire). Une copie non signée est

notifiée, sous simple lettre, aux avocats des parties (article 951, alinéa 2, du Code

judiciaire).

208. En vertu de l’article 921 du Code judiciaire, la requête sollicitant la tenue d’une

enquête contraire doit être déposée au greffe 30 jours au plus tard à partir de l’envoi

du procès-verbal de l’enquête directe. Ce délai n'est pas prescrit à peine de

déchéance (absolue)88. Par un arrêt du 8 février 1979, la Cour de cassation a toutefois

précisé que, sauf accord de la partie qui a fait procéder à l’enquête directe, ne peut

plus être accueillie la demande d'enquête contraire introduite après le délai prescrit par

l’article 921, alinéa 3, du Code judiciaire par un plaideur qui n’a pas obtenu une

prorogation de ce délai conformément à l’article 51 du Code judiciaire89.

Sous-section III - Les frais de l’enquête

209. En vertu de l’article 953, alinéa 1er, du Code judiciaire, la partie qui demande

l’audition d’un témoin est tenue de consigner entre les mains du greffier avant cette

audition une provision représentant le montant de la taxe et le remboursement des

88 Cass., 5 mai 1988, Pas., I, 1080.

89

Cass., 8 février 1979, Pas., I, 674.

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frais. Une provision complémentaire peut être exigée en cours d’enquête s’il y a lieu.

Toutefois, la consignation de la provision est à charge de la partie qui, suivant les lois

particulières ou l’article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire est toujours condamnée au

dépens (article 953, alinéa 3, du Code judiciaire).

Sous-section IV - La validité de l'enquête et la force probante des

dépositions

A.- Validité de l’enquête

210. Les seules nullités prévues en matière d'enquête sont énumérées en termes

limitatifs par l'article 961 du Code judiciaire. Cette disposition est à combiner, le cas

échéant, avec l'article 862 du Code judiciaire.

La nullité d’un acte de procédure ne s’étend pas à l’enquête, à moins que celle-ci soit

elle-même frappée de nullité. La nullité de l'enquête n'entraîne pas la nullité des

dépositions, si celles-ci ne sont pas atteintes d’un vice qui leur est propre (article 956

du Code judiciaire).

La nullité de la procédure, même pour incompétence du juge n'entraîne pas la nullité

de l'enquête tenue contradictoirement au cours de cette procédure90. La nullité des

dépositions n’entraîne pas pour le surplus la nullité de l’enquête (article 957 du Code

judiciaire).

Le juge peut, en cours d'enquête, remédier, même d'office à toute nullité de forme ou

de fond dont serait entaché un acte de la procédure d'enquête, notamment

recommencer ou compléter toute audition irrégulière (article 958 du Code judiciaire).

90 Cass., 4 juin 1981, Pas., I, 1147, note.

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B.- Force probante de l’enquête

211. L'article 959 du Code judiciaire dispose que la déposition peut être admise en

tant que preuve testimoniale non seulement dans l'instance en vue de laquelle elle a

été valablement recueillie, mais aussi dans toute autre instance entre les mêmes

parties et mettant en cause les mêmes faits.

Pour autant qu’elles ne soient pas contraires à l’article 961 du Code judiciaire, il est

aussi permis d'invoquer comme preuve testimoniale les dépositions recueillies

contradictoirement, entre les mêmes parties, devant une juridiction belge (même en

dehors d’un procès civil, par exemple devant une juridiction répressive), lorsque cette

déposition offre une valeur probante équivalente en ce qui concerne la détermination

des faits contestés (article 960 du Code judiciaire).

Section V - L'EXPERTISE

Sous-section I - Généralités

212. Il est fréquent que les magistrats doivent recourir à des spécialistes dans le

cours d'un procès : architecte, ingénieur, réviseur d'entreprise, comptable, médecin, ...

L'expertise ne peut porter que sur des constatations ou des questions d’ordre

technique.

Le juge ne peut déléguer à un tiers de sa mission de dire le droit ou le fait contesté91.

91 Cass., 14 septembre 1992, Pas., I, 1021.

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Sous-section II - Désignation de l’expert

A.- Principe

212. L'expertise est ordonnée, soit d'office, soit à la demande d'une des parties, par

le juge en vue de la solution d’un litige porté devant lui92. L'expertise peut également

être demandée à titre principal, alors qu'aucune instance n'est pendante, dès lors qu'il

y a menace objective et actuelle d'un litige (article 962 du Code judiciaire). Il s'agit de

l'expertise « ad futurum » (article 18, alinéa 2, du Code judiciaire).

L’article 875bis du Code judiciaire consacre le caractère subsidiaire de l’expertise,

c’est-à-dire de l’utilité et de l’efficacité de celle-ci et ce, en tenant spécialement compte

du pouvoir qu’a le juge d’ordonner, le cas échéant, une mesure d’instruction plus

rapide et moins coûteuse93.

Les articles 985 à 986 prévoient que le juge peut ordonner une expertise simplifiée ou

limitée ou encore simplement l’entendre à l’audience.

213. Le titre d'expert près les tribunaux n'existe pas légalement. Le juge dispose dès

lors de toute liberté en ce qui concerne le choix de l'expert. Mais il ne doit en désigner

en principe qu’un seul à moins qu’il soit nécessaire d’en désigner plusieurs (article 982

du Code judiciaire).

B.- Compétence

214. L'expertise peut être demandée au juge du fond (article 19, alinéa 2, du Code

judiciaire), par voie de référé en cas d’urgence, et même, en cas d’absolue nécessité,

92 Sauf disposition légale contraire, l’expertise est une mesure facultative et ne constitue en

règle jamais une obligation pour le juge (Cass., 29 mars 1974, Pas., I, 782).

93

Voy. D. MOUGENOT, op. cit., pp. 224 et s.; G. DE LEVAL, “Questions en matière de preuve”, in Formation permanente des huissiers de justice, Bruxelles, Story-Scientia, 1997, pp. 267 et s.; J. LAENENS, “L’expertise”, in Droit de la preuve, CUP, Volume XIX, octobre 1997, pp. 205 et s.

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par requête unilatérale.

Le juge de paix dispose également d’une compétence limitée pour désigner, sur

requête, un expert (article 594, 1 , du Code judiciaire).

C.- Décision qui ordonne l’expertise

215. La décision qui ordonne l'expertise comporte au moins :

- l'indication des circonstances qui rendent nécessaires l'expertise et la désignation

éventuelle de plusieurs experts;

- l'indication de l'identité de l'expert ou des experts désignés;

- une description précise de la mission de l'expert;

- l'indication de la date de la réunion d'installation, à moins que le juge n'y renonce,

avec l'accord des parties.

D.- Recours

216. La décision qui ordonne une expertise est une mesure avant dire droit. La loi ne

formule aucune restriction en ce qui concerne l’exercice des voies de recours contre

cette décision.

Sous-section III - Procédure

A.- Acceptation de sa mission par l’expert

217. Une copie certifiée conforme de la décision qui nomme l'expert lui est notifiée

par le greffe, sous pli judiciaire. Après cette notification, l'expert dispose de huit jours

pour :

- refuser la mission, s'il le souhaite, en motivant dûment sa décision;

- si aucune réunion d'installation n'a été prévue : communiquer les lieu, jour et heure

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du début de ses travaux.

L'expert en avise les parties par lettre recommandée à la poste et le juge et les

conseils par lettre missive.

B.- Réunion d’installation

218. S’il l’estime nécessaire ou si toutes les parties en font la demande, , le jugement

qui ordonne une expertise prévoit la tenue d’une réunion d'installation.

Celle-ci a lieu en chambre du conseil ou dans tout autre endroit désigné par le juge en

fonction de la nature du litige, en présence du juge qui a ordonné l'expertise ou qui est

chargé du contrôle de celle-ci. L'expert doit être présent à la réunion d’installation sauf

si le juge estime qu'elle n'est pas nécessaire et qu'un contact par téléphone ou par tout

autre moyen de télécommunication est suffisant..

219. La décision prise à l'issue de la réunion d'installation précise :

- l'adaptation éventuelle de la mission, si les parties s’accordent sur cette adaptation;

- les lieu, jour et heure des travaux ultérieurs de l'expert;

- la nécessité pour l'expert de faire appel ou non à des conseillers techniques;

- l'estimation du coût global de l'expertise ou, à tout le moins, le mode de calcul des

frais et honoraires de l'expert et des éventuels conseillers techniques;

- le montant de la provision;

- la partie raisonnable de la provision pouvant être libérée au profit de l'expert;

- le délai dans lequel les parties pourront faire valoir leurs observations à l'égard de

l'avis provisoire de l'expert;

- le délai pour le dépôt du rapport final.

C.- Récusation et remplacement de l’expert

220. Les experts peuvent être récusés pour les mêmes motifs que les juges (article

966 du Code judiciaire). La procédure de récusation est réglée par les articles 970 et

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98

971 du Code judiciaire auxquels il est renvoyé.

De même, l’expert peut être remplacé en cours de procédure, à la requête de toute

partie ou d’office par le juge (article 979 du Code judiciaire). Il doit l’être si les parties

en font conjointement la demande.

D.- Déroulement de l’expertise

221. Lors de la réunion d’installation ou, à défaut, lors du débat des travaux, les

parties remettent aux experts un dossier inventorié rassemblant tous les documents

pertinents (article 972bis du Code judiciaire). L’expert fixe ensuite l’agenda des travaux

ultérieurs auxquels il doit convoquer les parties.

Les parties sont tenues de collaborer à l’expertise (article 972bis du Code judiciaire).

Les experts tentent de concilier les parties (article 977 du Code judiciaire).

L'expert doit accomplir lui-même sa mission et ne peut déléguer les pouvoirs qu'il tient

du jugement, bien qu'il puisse se faire assister de spécialistes.

L'expert ne peut entendre des témoins de son propre chef. S'il le souhaite, il devra le

faire savoir aux parties, qui solliciteront du juge qu'il tienne une enquête à laquelle

l'expert sera éventuellement invité à assister.

E.- Caractère contradictoire de l’expertise

222. Le caractère contradictoire de l'expertise est fondamental. Si ce caractère n'est

pas respecté, l'expertise ne pourra pas être annulée aucune disposition ne le

prévoyant94, mais elle sera écartée pour violation des droits de la défense95.

94 Cass., 8 mai 1978, Pas., I, 1023.

95

Cass., 5 octobre 1987, Pas., 1988, I, 139.

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99

Les articles 972 et s. du Code judiciaire auxquels il est renvoyé énoncent diverses

règles qui assurent le caractère contradictoire de l'expertise. C’est ainsi notamment

qu’en vertu de l’article 972bis, §2, du Code judiciaire, les parties sont convoquées à

toutes les opérations de l’expert à moins qu’elles ne l’aient dispensé de les en

informer.

F.- Contrôle de la mission de l’expert

223. Le juge contrôle les opérations d'expertise, le respect du contradictoire et des

délais. Toutes les contestations relatives à l’expertise sont réglées par le juge au terme

d’une procédure simplifiée et rapide prévue par l’article 973, §2, du Code judiciaire

(mécanisme de saisine permanente).

G.- Respect des délais

224. Le juge est notamment chargé de surveiller le respect des délais de l’expertise.

Il est le seul habilité à accorder une prolongation du délai fixé pour le rapport. En cas

de dépassement du délai, il ordonne d’office la convocation des parties et de l’expert

(article 974 du Code judiciaire).

Sous-section IV - Le rapport d'expertise

A.- Les constatations et l’avis provisoire

225. A la fin des travaux, l’expert envoie aux parties ses constatations lesquelles

contiennent déjà un premier avis provisoire. Les parties et leurs conseillers techniques

peuvent faire valoir leurs observations sur cet avis provisoire dans le délai fixé par le

juge et, à défaut, par l’expert (article 976 du Code judiciaire).

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100

B.- Le rapport final

226. Après avoir reçu les observations des parties ou de leurs conseillers

techniques, l’expert rédige le rapport final.

En outre, le rapport reproduit, à peine de nullité (article 862, 5 , du Code judiciaire), la

formule du serment et est signé par tous les experts (article 978, alinéa 3, du Code

judiciaire).

La minute du rapport, les notes des parties et l'état des honoraires et frais sont

déposés au greffe (article 978, §2, du Code judiciaire).

Sous-section V - Sous-section V - Les frais de l’expertise

227. La détermination des honoraires et les frais de l'expertise soit par le juge soit à

l'amiable est minutieusement décrite aux articles 987 et suivants du Code judiciaire, au

texte desquels il et renvoyé.

Dès le début de l’expertise et tout au long de celle-ci, le juge peut prévoir que des

provisions sur les frais et honoraires de l’expert pourront être consignées sur un

compte bloqué et, le cas échéant, libérées au profit de l’expert avec l’autorisation du

juge. C’est le juge qui détermine la partie qui devra procéder à la consignation.

A la fin de l’expertise, l’état de frais et honoraires est taxé soit avec l’accord des

parties, soit, à défaut d’accord, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 973,

§2, pour le règlement des contestations en cours d’expertise.

En aucun cas, et sous peine de sanctions pénales, l’expert ne peut recevoir de

paiement direct de la part des parties.

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101

Sous-section VI - Portée de l'avis de l'expert

228. Les juges ne sont point astreints à suivre l’avis des experts si leur conviction s’y

oppose (article 962 du Code judiciaire)96. Ils doivent cependant indiquer les raisons

pour lesquelles ils décident de s’écarter des conclusions de l’expert. Le juge ne peut

également violer la foi due au rapport d’expertise en donnant de celui-ci une

interprétation inconciliable avec ses termes97.

Les parties peuvent critiquer celui-ci pendant l'expertise, au niveau de l’avis provisoire,

lors de la réception du rapport, et même encore dans leurs conclusions ou lors des

plaidoiries. Toutefois, les observations qui concernent l’avis provisoire et qui n’ont pas

été formulées dans le délai fixé par le juge ou, à défaut, par l’expert sont écartées

d’office par le juge (article 976 du Code judiciaire).

En vertu des articles 984 et 985 du Code judiciaire, le juge peut ordonner des

compléments d’expertise ou entendre l’expert lorsque le rapport n’est pas satisfaisant.

Il peut même ordonner une nouvelle expertise par d’autres experts.

Section VI - L'INTERROGATOIRE DES PARTIES

Sous-section I - Décision ordonnant ou autorisant la comparution

personnelle des parties

229. Le juge peut, même d'office, ordonner la comparution personnelle des parties

ou de l'une d'elles (article 992 du Code judiciaire). Cette mesure d'instruction, qui

permet le dialogue entre le juge et les parties tend aussi à provoquer des aveux

judiciaires.

96 Cass., 4 janvier 1974, Pas., I, 460.

97

Cass., 11 mars 1987, Pas., I, 827.

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102

Suivant la Cour de cassation, cette mesure n’est toutefois assortie d’aucune sanction

physique ou pécuniaire, toute personne pouvant organiser sa défense comme elle

l’entend, et, partant, elle ne peut être assortie d’astreinte98.

La décision ordonnant la comparution personnelle n'est susceptible ni d'opposition ni

d'appel. Elle est notifiée, sous pli judiciaire, aux parties par le greffier (article 996 du

Code judiciaire).

Sous-section II - Procédure

230. La comparution personnelle a lieu en chambre du conseil, devant les juges qui

l'ont ordonnée ou devant le juge désigné dans la décision (articles 993 et 995 du Code

judiciaire). L'article 994 du Code judiciaire permet de désigner une personne physique

- agent, organe ou représentant légal - qui comparaîtra pour une personne morale de

droit privé ou de droit public.

La partie est entendue, tant en présence qu’en l’absence des autres parties (article

998 du Code judiciaire).

Les avocats des parties peuvent y assister sans intervenir (article 999 du Code

judiciaire).

Les parties ne prêtent pas serment et, pour le reste, sont entendues conformément à

la procédure prévue pour l'audition des témoins (article 1000 du Code judiciaire).

Le juge qui tient une enquête peut, au cours de celle-ci, confronter avec les témoins la

partie présente ou dont il ordonne la comparution personnelle (article 1001 du Code

judiciaire).

98 Cass., 18 février 1988, Pas., I, 722, concl. de l’avocat général PIRET. Pour une critique

justifiée de cet arrêt, voy. J. VAN COMPERNOLLE, L’astreinte, Bruxelles, Larcier, 1992, p. 41, n 42.

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103

Les ordonnances rendues à l’occasion de la comparution personnelle des parties ne

sont susceptibles ni d’opposition, ni d’appel (article 1003 du Code judiciaire).

Les articles 945, alinéas 2 et 3, 946, 948 à 952, 953, alinéas 2 à 4, et 955 sont

applicables à la comparution personnelle des parties (article 1004 du Code

judiciaire)99.

La rédaction d’un procès-verbal relatant les déclarations des parties n’est pas requise

lorsque la comparution personnelle a lieu devant la juridiction entière saisie de la

cause100.

En principe, le juge qui a entendu les parties en personne siège lorsqu’il est statué sur

le résultat de la mesure d’instruction, à moins qu’il n’en soit empêché. Le juge qui ne

siège pas est présumé avoir été empêché et le motif de son empêchement ne doit pas

être mentionné dans la décision101.

Sous-section III - Frais de l’interrogatoire des parties

231. En vertu de l’article 1004 du Code judiciaire, l’article 953, alinéas 2 à 4, est

applicable à la comparution des parties; la partie demanderesse doit dès lors

consigner une provision destinée à couvrir les frais découlant de celle-ci.

Section VII - LE SERMENT

232. Le serment judiciaire est l'affirmation solennelle d'un fait, effectuée devant le

juge. Sous réserve de l'article 2275, alinéa 2, du Code civil, le serment décisoire ne

peut être déféré que sur un fait personnel à la partie à laquelle on le défère.

99 L’article 948 du Code judiciaire n’est pas applicable lorsque la comparution personnelle des

parties a lieu devant la juridiction saisie de la cause (Cass., 10 mai 1974, Pas., I, 935).

100

Cass., 10 mai 1974, Pas., I, 935.

101

Cass., 29 avril 1988, Pas., I, 1035; Cass., 21 juin 1991, Pas., I, 926.

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104

Le serment est prêté dans les termes proposés, par la partie en personne et à

l'audience. Dans tous les cas, le serment est fait en présence de l'autre partie, ou

celle-ci dûment appelée par pli judiciaire (article 1006 du Code judiciaire).

L'article 1006 du Code judiciaire est applicable qu'il s'agisse de la réception d'un

serment litisdécisoire ou d'un serment supplétoire.

Selon l'article 1363 du Code civil, « lorsque le serment déféré ou référé a été fait,

l’adversaire n'est point recevable à en prouver la fausseté ». Ce texte n'a pas été

abrogé par l’article 2 de la loi du 10 octobre 1967. Cependant, la rédaction large de

l'article 1133, 4 , du Code judiciaire, relatif aux cas d’ouverture à requête civile, conduit

la doctrine à soutenir que la victime d'un serment litisdécisoire reconnu ou déclaré faux

à l'initiative du ministère public, peut agir en requête civile en vue de voir rétractée la

décision rendue sur la base d’un serment reconnu ou déclaré faux depuis la

décision102.

Section VIII - LA DESCENTE SUR LES LIEUX

Sous-section I - Le jugement ordonnant la descente sur les lieux

233. Il est parfois utile que l'ensemble du tribunal ou l'un des juges se transporte sur

les lieux litigieux pour les examiner (par exemple, en matière de troubles du voisinage

ou de troubles de jouissance en matière de bail).

L’article 1007 du Code judiciaire dispose dès lors que le juge peut, même d’office,

ordonner une descente sur les lieux.

102 A. LE PAIGE, Les voies de recours, pp. 188 et s., n 205-209.

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105

Le jugement indique les lieu, jour et heure de la descente sur les lieux. Il n'est

susceptible ni d'opposition ni d'appel. La décision est notifiée aux parties sous pli

judiciaire (article 1008 du Code judiciaire).

Le juge qui tient une enquête peut, s’il échet, entendre les témoins ou certains d’entre

eux au cours d’une descente sur les lieux (article 1011 du Code judiciaire). La

comparution personnelle des parties lors d’une descente sur les lieux peut également

être ordonnée par le juge (article 1012 du Code judiciaire)103.

Sous-section II - Procédure

234. La visite des lieux est opérée par le juge qui l’ont ordonnée ou par le juge qui

est désigné dans la décision (article 1009 du Code judiciaire). Elle s’effectue tant en

présence qu’en l’absence des parties (article 1010 du Code judiciaire).

Le juge peut également se faire accompagner d’un expert durant la vue des lieux

(article 985 du Code judiciaire).

Lors de la descente sur les lieux, le juge est accompagné d'un greffier, qui dressera

procès-verbal des opérations accomplies et des constatations faites au cours de la

visite104. La minute de ce procès-verbal est versée au dossier de la procédure et une

copie conforme est notifiée aux parties par le greffier sous pli judiciaire et une copie

non signée à leurs avocats par simple lettre (article 1015 du Code judiciaire).

Les ordonnances rendues à l’occasion de la descente sur les lieux ne sont

susceptibles ni d’opposition, ni d’appel (article 1013 du Code judiciaire).

103 La descente sur les lieux avec comparution personnelle des parties au cours de laquelle

aucun moyen n’est invoqué, ni la cause débattue, ne doit pas avoir lieu en audience publique (Cass., 8 février 1991, Pas., I, 552).

104

L’article 1015 du Code judiciaire n’interdit pas au juge de faire état dans son jugement d’éléments constatés par lui qui n’ont pas été expressément mentionnés dans le procès-verbal de descente sur les lieux effectuée en présence des parties (Cass., 22 avril 1993, Pas.,I, 386).

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106

Les articles 945, alinéas 2 et 3, et 946 sont applicables à la descente sur les lieux

(article 1014 du Code judiciaire).

Le juge qui a opéré la descente sur les lieux doit siéger pour la suite de la procédure

mais s’il ne le fait pas, son empêchement est alors présumé et ne doit pas être

constaté dans la décision105.

Sous-section III - Frais de la descente sur les lieux

235. Comme pour l'enquête, l'expertise et l'interrogatoire des parties, la partie

demanderesse doit consigner au greffe une provision suffisante pour les frais, en

l'occurrence, les frais de transport (article 1016 du Code judiciaire).

Section IX - LE CONSTAT D’ADULTERE PAR HUISSIER DE JUSTICE

236. La preuve de l’adultère peut être faite par constat d’huissier de justice.

L’époux demandeur adresse à cette fin une requête unilatérale au président du

tribunal de première instance mentionnant le ou les lieux où pourront être faites les

constatations qui révèlent l’adultère, à laquelle est joint un extrait d’acte de mariage du

requérant et, éventuellement, toutes pièces justifiant la demande (article 1016bis,

alinéas 2 et 3, du Code judiciaire).

Le président du tribunal peut désigner un huissier de justice et lui permettre de

pénétrer, accompagné d’un officier ou d’un agent de police judiciaire, dans un ou

plusieurs lieux déterminés pour y procéder aux constatations nécessaires révélant

l’adultère (article 1016bis, alinéa 4, du Code judiciaire)106.

105 Cass., 17 mai 1985, Pas., I, 1163; Cass., 29 avril 1988, Pas., I, 1035.

106

Aucune disposition légale ne prescrit que l’ordonnance du président du tribunal doit, au préalable, être signifiée à l’huissier du lieu ou des lieux où l’huissier doit procéder au constat d’adultère (Cass., 18 décembre 1992, Pas., I, 1394).

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107

Dans son ordonnance, le président fixe le ou les lieux, ainsi que la période durant

laquelle les constatations peuvent être faites. Aucun constat ne peut avoir lieu entre 21

heures et 5 heures (article 1016, alinéas 7 et 8, du Code judiciaire).

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108

TITRE IV. LES FRAIS ET LES DÉPENS

Section I - GENERALITES

237. Aux termes de l'article 1017 du Code judiciaire, tout jugement définitif prononce,

même d'office, la condamnation aux dépens contre la partie qui a succombé, à moins

que des lois particulières n'en disposent autrement et sans préjudice de l'accord des

parties que, le cas échéant, le jugement décrète.

238. Les conditions d'application de cette disposition sont les suivantes :

1 Il faut que l'une des parties ait succombé, donc que la décision lui ait donné tort.

Il n'y a d'exception que lorsque les dépens sont frustratoires, c'est-à-dire qu'ils

ont été exposés en vain ou à la suite d'une négligence, auquel cas c'est la

partie responsable qui les supportera, même si l'autre a succombé. Si aucune

des parties ne perd ou ne gagne totalement son procès, les dépens peuvent

être partagés dans une proportion que fixe le juge.

Lorsque plusieurs parties succombent, la condamnation aux dépens se divise

de plein droit par tête, à moins que le jugement n'en ait disposé autrement.

Cette condamnation est solidaire si la condamnation principale emporte elle-

même solidarité.

2 La condamnation aux dépens n'est afférente qu'au jugement définitif. Dès lors,

les décisions de référé et les décisions qui prononcent les mesures d'instruction

réservent en général les dépens, pour qu'ils soient mis à charge de la partie qui

succombera au principal.

On observe toutefois de plus en plus fréquemment des condamnations aux

dépens dans des décisions de référé.

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109

3 Dans certains cas, la loi prévoit elle-même une répartition d'office des dépens,

par exemple en matière de divorce pour cause de désunion irrémédiable (article

1258 du Code judiciaire) ou dans les matières de sécurité sociale ou d'aide

sociale (article 1017, alinéa 2, Code judiciaire).

239. Rappels

En cas de demande en interprétation ou en rectification de jugement, les frais et

dépens sont à charge de l'Etat si la demande est accueillie (article 801 du Code

judiciaire).

Section II - ENUMERATION DES DEPENS

240. Les dépens comprennent selon l'article 1018 du Code judiciaire :

- les droits de timbre, de greffe et d'enregistrement;

- les émoluments et salaires des auteurs des actes judiciaires (essentiellement

les huissiers);

- le coût de l'expédition du jugement;

- les frais de toutes les mesures d'instruction, notamment la taxe des témoins et

des experts ou la copie d'un dossier répressif;

- les frais de déplacement ou de séjour des magistrats, des greffiers et des

parties lorsque le déplacement a été ordonné par le juge;

- les frais d'actes lorsqu'ils ont été faits dans la seule vue du procès, par exemple

le coût de la procédure sur requête pour obtenir l'abréviation du délai de

citation;

- les sommes prévues dans l'article 1022 du Code judiciaire ou indemnités de

procédure;

- les frais et honoraires du médiateur;

- les frais d'exécution prévus par l'article 1024 du Code judiciaire.

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110

241. Ne font pas partie des dépens :

- ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, les frais frustratoires;

- les honoraires du conseil technique (qui assiste la partie dans une expertise);

- les frais afférents aux mémoires et consultations.

Corollaire de l'article 1022 du Code judiciaire, l'article 1023 du Code judiciaire prohibe

toute clause conventionnelle portant augmentation de la créance en raison de sa

réclamation en justice. Il est d'ordre public. Il faut toutefois signaler que l’article 6 de la

loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les

transactions commerciales autorise le créancier à réclamer au débiteur un

dédommagement raisonnable pour tous les frais de recouvrement pertinents encourus

par suite du retard de paiement.

Section III - L’INDEMNITE DE PROCEDURE

Sous-section I - Principes

243. La partie qui obtient gain de cause a droit à une intervention forfaitaire dans les

honoraires et frais de son avocat (art. 1022, alinéa 1er, C. jud.). Cette intervention est

constituée par l’indemnité de procédure dont les montants sont fixés par le Roi (art.

1022, alinéa 2, C. jud.).

La partie non assistée d’un avocat (parce qu’elle se défend seule ou avec l’aide d’un

délégué syndical ou qu’elle comparaît par l’intermédiaire d’un fonctionnaire ou encore

d’un mandataire de justice non représenté lui-même par un avocat) ne peut donc

prétendre à cette indemnité.

La partie qui obtient gain de cause ne peut obtenir qu’une indemnité de procédure

même si elle est défendue par plusieurs avocats.

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111

244. L’indemnité de procédure est la seule indemnité à laquelle la partie qui obtient

gain de cause peut prétendre au titre de l’intervention d’un avocat (art. 1022, alinéa 6,

C. jud.). Elle a donc un caractère à la fois exclusif et limitatif.

La partie qui obtient gain de cause peut toujours réclamer, conformément aux

principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation, une indemnité

destinée à couvrir ses autres frais de défense et notamment l’intervention éventuelle

d’un conseil technique ou médical.

Sous-section II - Le montant de l’indemnité de procédure

245. Les montants de base, minima et maxima de l’indemnité de procédure sont

fixés par l’arrêté royal du 26 octobre 2007 auquel il est renvoyé. Trois hypothèses

principales doivent être distinguées.

246. Les montants de l’indemnité de procédure pour les actions portant sur des

demandes évaluables en argent dépendent de la valeur de la demande.

Celle-ci est calculée, comme pour la détermination de la compétence matérielle,

conformément aux articles 557 à 562 et 618 du Code judiciaire. Toutefois, par

dérogation à l’article 561 du Code judiciaire, lorsque le litige porte sur le titre d’une

pension alimentaire, le montant est calculé en fonction du montant de l’annuité ou de

douze échéances mensuelles.

On prend donc en considération la somme demandée dans l’acte introductif d’instance

en principal et les intérêts déjà échus au jour de la citation (art. 557 C. jud.) et, le cas

échéant si elle a été modifiée en cours d’instance, celle réclamée dans les dernières

conclusions (art. 618 C. jud.) et non la somme finalement allouée par le juge.

S’il y a plusieurs chefs de demande, on les cumule (art. 558 C. jud.).

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112

Lorsqu’un chef de demande est évaluable en argent et un autre ne l’est pas (infra,

n°247), il y a lieu d’allouer l’indemnité la plus élevée.

Le montant de l’indemnité de procédure est fixé en fonction du montant de la demande

principale et non de l’éventuelle demande reconventionnelle qui ne donne pas droit à

une indemnité distincte. Cette question est toutefois controversée.

En appel, l’indemnité est calculée sur la base du montant réclamé dans l’acte d’appel

ou, le cas échéant, dans les dernières conclusions si le montant a été modifié en cours

d’instance.

Pour les procédures mentionnées aux articles 579 et 1017, alinéa 2, du Code judiciaire

(soit en matière d’accidents du travail et de contentieux de la sécurité sociale dans

lesquels les dépens sont toujours mis à charge de l’organisme concerné), l’indemnité

de procédure est fixée à des montants spécifiques.

247. Lorsque l’action porte sur une demande non évaluable en argent, le montant de

base de l’indemnité est de 1.200 €, le montant minimum de 75 € et le montant

maximum de 10.000 €.

248. A la demande d'une des parties, éventuellement formulée sur son interpellation,

le juge peut par une décision spécialement motivée réduire ou augmenter le montant

de l'indemnité de base sans toutefois pouvoir dépasser les minima et maxima fixés par

le Roi (art. 1022, alinéa 3, C. jud.). Le juge choisit librement toute somme entre ces

montants.

Il tient compte dans son appréciation de quatre critères énoncés par l’article 1022 du

Code judiciaire :

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113

- le juge peut réduire l’indemnité en raison soit de la capacité financière de la partie

succombante, soit des indemnités contractuelles convenues pour la partie qui obtient

gain de cause.

- le juge peut réduire ou augmenter l’indemnité en raison de la complexité de l’affaire

ou du caractère manifestement déraisonnable de la situation.

Sous-section III - Cas particuliers

249. L’arrêté royal du 26 octobre 2007 prévoit un certain nombre de cas particuliers où

l’indemnité fait l’objet d’une réduction, souvent à son montant minimum. Tel est

notamment le cas dans l’hypothèse d’une procédure par défaut ou lorsque la partie qui

succombe bénéficie de l’aide juridique.

Sous-section IV - Pluralité de parties succombantes ou gagnantes

250. Lorsque plusieurs parties obtiennent gain de cause contre une seule, ci ces

parties ont chacune un avocat distinct, l’indemnité de procédure est, par lien

d’instance, au maximum le double de l'indemnité de procédure maximale à laquelle

peut prétendre le bénéficiaire fondé à réclamer l'indemnité la plus élevée. Elle est

répartie entre les parties par le juge (art. 1022, alinéa 5, C. jud.).

Si ces parties sont assistées par le même avocat, ni la loi ni l’arrêté royal ne prévoient

de règle spécifique contrairement à l’arrêté royal du 30 novembre 1970. Bien que la

question puisse être discutée, il est défendu que ces parties n’ont droit qu’à une seule

indemnité lorsque, comme cela était prévu sous l’empire du droit ancien, elles forment

une demande commune ou concluent « aux mêmes fins ». Par contre, lorsque les

intérêts des parties sont distincts, chacune d’entre elles doit pouvoir bénéficier de

l’indemnité de procédure. A la demande de la partie qui succombe, le juge peut réduire

ces indemnités si le cumul de celles-ci aboutit à une situation manifestement

déraisonnable.

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114

Dans l’hypothèse où plusieurs parties succombent à l’égard d’une seule, sauf décision

contraire, la condamnation à l’indemnité de procédure se divise de plein droit par tête.

La condamnation au paiement de l’indemnité de procédure est solidaire lorsque la

condamnation principale elle-même emporte solidarité (art. 1020 C. jud.).

251. Lorsque chacune des parties succombe partiellement, conformément à l’article

1017, alinéa 4, du Code judiciaire, le juge peut compenser les dépens.

Sous-section V - Liquidation des dépens

252. L'article 1021 du Code judiciaire dispose que les parties peuvent déposer un re-

levé détaillé de leurs dépens respectifs y compris les indemnités de débours et de

procédure prévues à l'article 1022 du Code judiciaire. Le jugement contient la

liquidation de ces dépens.

Lorsque les dépens n'ont pas été liquidés dans le jugement ou ne l'ont été que

partiellement - en général à la suite de la négligence de la partie qui n'a pas déposé

son relevé - ceux sur lesquels il n'a pas été statué sont réputés réservés. En ce cas,

la liquidation a lieu, à la demande de la partie la plus diligente, par le juge qui a statué,

pour autant que sa décision n'ait pas été entreprise; la procédure est reprise et

poursuivie conformément aux articles 750 et suivants du Code judiciaire, c'est-à-dire

de manière contradictoire.

253. L'article 1024 du Code judiciaire spécifie que les frais d'exécution incombent à

la partie contre laquelle l'exécution est poursuivie.

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115

TITRE V. DES VOIES DE RECOURS

CHAPITRE I - DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Section I - DEFINITIONS

254. Les voies de recours sont les procédures que la loi ouvre aux parties ou aux

tiers en vue d'obtenir une nouvelle décision dans un litige déjà jugé.

Rappelons qu'il existe deux grandes catégories de voies de recours (article 21 du

Code judiciaire) :

- les voies de recours ordinaires qui, en principe, sont toujours ouvertes aux

parties et qui ont un effet suspensif de l'exécution (article 1397 du Code

judiciaire) : il s'agit de l'appel et de l'opposition;

- les voies de recours extraordinaires qui ne peuvent être mises en œuvre que

pour les causes déterminées par la loi et qui n'ont des effets suspensifs que

dans les cas prévus par elle; il s'agit du pourvoi en cassation, de la tierce

opposition, de la requête civile, de la prise à partie et de la rétractation d’une

décision passée en force de chose jugée rendue par une juridiction civile fondée

sur une disposition annulée par la Cour constitutionnelle.

Section II - DELAIS

255. L'exercice des voies de recours est toujours soumis à un délai, calculé en

application des articles 52 à 54 du Code judiciaire, et prescrit à peine de déchéance.

La prorogation de ce délai par le juge en vertu de l'article 51 du Code judiciaire n'est

pas possible, et les articles 864 et 865 du Code judiciaire prévoient que cette

déchéance ne peut être couverte.

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256. La seule possibilité de prorogation, admise par la jurisprudence, est le cas de

force majeure, c'est-à-dire l'événement imprévisible et insurmontable, extérieur à la

personne qui s'en prévaut. En ce cas, le délai de recours ne prend cours qu'à dater du

jour où la force majeure a cessé d'exister.

Il faut que l'impossibilité d'agir ait été absolue c'est-à-dire qu'elle résulte d'un

événement indépendant de la volonté de la partie et que celle-ci n'a pu ni prévoir ni

surmonter.

La faute ou la négligence du mandataire "ad litem" ou de l'huissier de justice ne

constitue pas un cas de force majeure107. Cette faute ou négligence est évidemment

susceptible d'engager la responsabilité professionnelle de l'avocat ou de l'huissier.

257. Pour rappel, une autre exception résulte de la loi : l'article 50, alinéa 2, du Code

judiciaire prévoit que le délai d'appel ou d'opposition prévu aux articles 1048

(opposition), 1051 (appel) et 1253quater (opposition et appel) est prorogé jusqu'au

15ème jour de l'année judiciaire nouvelle lorsque ce délai prend cours et expire

pendant les vacances judiciaires (juillet et août). Cette disposition est d'interprétation

restrictive.

Section III - DECISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS

258. En règle générale, toutes les décisions sont susceptibles de recours ordinaires.

La loi prévoit toutefois expressément diverses exceptions.

Sous-section I - L'accord des parties

259. Selon l'article 1043 du Code judiciaire, les parties peuvent demander au juge

d'acter l'accord qu'elles ont conclu sur la solution d'un litige dont il est régulièrement

saisi.

107 Cass., 24 janvier 1974, Pas., I, 553, obs. W.G.

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Ce jugement n'est susceptible d'aucun recours de la part des parties, à moins que

l'accord n'ait point été légalement formé (par exemple, vice du consentement, ou

contrariété à l’ordre public).

Dans ce dernier cas, l'appel est ouvert aux parties en tant que voie de nullité.

Sous-section II - L'acquiescement

260. L'acquiescement à une décision est la renonciation par une partie à l'exercice

des voies de recours dont elle pourrait user ou qu'elle a déjà formé contre toutes ou

certaines des dispositions de cette décision (article 1044, alinéa 1er, du Code

judiciaire).

L'acquiescement peut être exprès ou tacite, mais en toute hypothèse, conformément

au droit commun, l'adhésion à la décision rendue doit être certaine et non équivoque.

Il y a acquiescement exprès lorsque la partie déclare accepter le jugement; il y a

acquiescement tacite lorsqu'elle accomplit des actes ou des faits précis et concordants

dont se déduit l'intention certaine qu'elle a d'adhéré à la décision. La volonté

d'acquiescer doit être strictement appréciée car les renonciations ne se présument

pas.

261. L'acquiescement emporte renonciation au droit lui-même et ne peut pas être

confondu avec le désistement de l’instance d’appel qui n’implique pas nécessairement

que la partie a l’intention certaine de donner son adhésion à la décision.

C'est un acte unilatéral qui ne doit pas être accepté par la partie adverse.

L'acquiescement peut être pur et simple ou conditionnel, auquel cas il ne sortira d'effet

que si la condition est acceptée par la partie adverse.

L'acquiescement n'est, en principe, valable que dans les matières qui ne touchent pas

à l'ordre public et c'est pourquoi l'on ne peut acquiescer au jugement qui prononce un

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divorce, qui statue sur une question relative à l'état des personnes, qui déclare une

faillite ou qui statue sur une question de compétence matérielle d'ordre public.

262. L'acquiescement exprès résulte d'un acte signé par la partie ou son mandataire

nanti d'un pouvoir spécial.

L'acquiescement tacite n'est quant à lui soumis à aucune forme particulière, ce qui

importe, c'est le caractère certain de la renonciation.

Ainsi, par exemple, en matière civile, l'exécution même spontanée par la partie

condamnée d'une décision judiciaire n'implique pas acquiescement à celle-ci s'il

n'apparaît pas qu'elle a adhéré d'une manière certaine à cette décision. Si la décision

est exécutoire de plein droit, le fait de l'exécuter, même sans réserve, ne vaut pas

acquiescement108.

Section IV - DIVERS

263. Ne sont susceptibles ni d'opposition ni d'appel :

- les décisions ou mesures d'ordre, qui ne constituent pas des actes

juridictionnels (fixation, remise, omission du rôle, radiation, le renvoi préjudiciel,

etc...) sauf si elles infligent un grief immédiat à l’une des parties109;

- les jugements ordonnant la comparution personnelle des parties, ceux

ordonnant une production de document (article 880 du Code judiciaire) et ceux

ordonnant une descente sur les lieux (article 1008 du Code judiciaire).

En ce qui concerne ces jugements, en effet, le principe est qu'ils ne peuvent

causer aucun préjudice. Toutefois, un droit de recours peut exister lorsque la

mesure d’instruction est assortie d’une astreinte et dans la mesure où cette

condamnation accessoire est critiquée par le recours ;

- la décision par laquelle le juge décide si l'affaire sera ou non traitée en débats

108 Pour d'autres exemples, voyez A. FETTWEIS, Manuel, n 704.

109

Cass., 25 juin 1973, Pas., I, 997.

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succincts (article 735 du Code judiciaire);

- les décisions prises en application des articles 747, §2 et 748, §2, du Code

judiciaire par lesquelles le juge fixe des délais pour conclure.

264. Seule l'opposition est exclue contre le jugement qui a ordonné ou autorisé une

enquête (article 919 du Code judiciaire).

CHAPITRE II - L'OPPOSITION

Section I - NOTION

265. L'opposition est la voie de recours ordinaire mise à la disposition de la partie

défaillante (défaut simple).

Le tribunal qui a statué par défaut est seul compétent pour connaître de l'opposition.

Le Code ne fait pas de distinction entre le défaut du demandeur et le défaut du

défendeur.

266. L'exercice de l'opposition requiert intérêt et qualité. L'opposant doit avoir été

partie, c'est-à-dire ici avoir été appelé à comparaître à l'instance et avoir été défaillant;

la décision qu'il attaque doit en outre lui avoir causé un grief.

Section II - FORMES

267. L'opposition est signifiée par exploit d'huissier de justice, contenant citation à

comparaître devant le juge qui a rendu le jugement par défaut.

La loi prévoit parfois qu’elle peut être formée par requête. Il en va ainsi devant les

juridictions du travail (article 704 du Code judiciaire) ou dans certains contentieux

familiaux (voy. par exemple, article 1253, 4 , du Code judiciaire).

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De l'accord des parties, comme en toute matière, l'opposition peut être introduite par

comparution volontaire.

En cas d'indivisibilité du litige, l'article 1053 du Code judiciaire est applicable à

l'instance ouverte sur opposition (article 31 du Code judiciaire).

Section III - MOTIVATION

268. Pour limiter les manoeuvres dilatoires, l'acte d'opposition doit à peine de nullité,

énoncer les moyens de l'opposant.

Néanmoins, il s'agit d'une nullité relative qui, pour être valablement invoquée, doit

avoir causé un grief dans le chef de la partie adverse.

Il est inutile pour l'opposant de tenter de légitimer le défaut à l'audience : ce qui est

fondamental, c'est qu'il fasse valoir dans son acte les moyens de fond qu'il aurait

normalement développés s'il avait été présent à la cause.

269. L'opposant devient demandeur sur opposition et c'est à ces moyens que son

adversaire doit répondre dans le mois de la communication des pièces. La procédure

sera ensuite poursuivie normalement, selon les règles régissant l'instance (voir supra).

Section IV - DELAI

270. Le délai d'opposition est fixé à un mois et prend cours, en règle, à partir de la

signification du jugement rendu par défaut.

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C'est un délai qui peut être augmenté dans les limites et dans les cas prévus par les

articles 50 et 55 du Code judiciaire.

Section V - "OPPOSITION SUR OPPOSITION NE VAUT"

271. La partie opposante qui se laisse juger une seconde fois par défaut n'est plus

admise à former une nouvelle opposition (article 1049 du Code judiciaire).

Cette disposition a pour but de décourager les recours dilatoires.

Section VI - EFFETS

Sous-section I - Effet dévolutif

272. L'acte d'opposition provoque une nouvelle saisine du tribunal qui avait statué

pour qu'il procède à un examen contradictoire de la demande originaire.

Le second débat n'est que la continuation du premier.

Sous-section II - Effet relatif

273. Le recours ne profite qu'au plaideur qui en a pris l'initiative.

La seule opposition d'une partie ne permet pas d'aggraver les condamnations qui ont

été prononcées contre elle, mais le demandeur originaire peut conclure et dès lors

introduire les demandes incidentes telles que celles autorisées par les articles 807 et

808 du Code judiciaire.

Sous-section III - Effet suspensif

274. L'opposition suspend l'exécution du jugement antérieurement rendu (article

1390) sous réserve des règles relatives à l'exécution provisoire nonobstant tout

recours, que nous examinerons (articles 1398 à 1042 du Code judiciaire) ainsi que des

articles 1039 et 1496 du Code judiciaire.

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122

Un jugement par défaut tient lieu d'autorisation de saisie conservatoire pour les

condamnations prononcées, à moins qu'il n'en ait été décidé autrement (article 1414

du Code judiciaire).

275. Remarque

Le jugement par défaut suivi d'une opposition est l'un des épisodes irritant de la vie

judiciaire. Il est fréquemment question de supprimer cette voie de recours, ou d'en

faire une voie de recours extraordinaire, qui n'aurait lieu qu'en cas de circonstance

grave, dûment justifiée. Pour l'instant, en tout cas, le fait de faire défaut est reconnu

comme un droit par conséquent également celui de faire opposition.

Rappelons toutefois que les lois du 3 août 1992 et du 26 avril 2007 ont très fortement

réduit les situations qui conduiront encore au prononcé d'un jugement par défaut (voir

supra).

CHAPITRE III - L'APPEL

Section I - NOTIONS

Sous-section I - Définition et fonctions

276. L'appel est la voie de recours ordinaire par laquelle la partie qui s'estime lésée

par un jugement en sollicite la réformation - ou l'annulation - par une juridiction

supérieure.

Il faut relever que le droit au double degré de juridiction n'est garanti ni par la

Constitution belge, ni par la Convention européenne de sauvegarde des droits de

l'homme.

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Plusieurs restrictions lui ont d'ailleurs été apportées par le Code judiciaire, notamment

lorsque joue l'effet dévolutif total de l'article 1068 du Code judiciaire.

277. Sous cette réserve, ce recours joue un rôle important :

1 il permet de faire rectifier les erreurs que le premier juge aurait pu commettre,

en faisant réexaminer la cause par des magistrats généralement plus nombreux

et plus expérimentés (on précise toutefois dans divers cas, que la chambre de

la cour appelée à connaître de l'appel ne sera composée que d'un seul

conseiller).

2 l'appel sert de voie de nullité contre les décisions prononcées en première

instance (article 20 du Code judiciaire).

3 l'appel permet aux plaideurs de "rectifier le tir", de réparer les erreurs qu'ils ont

commises en première instance dans la défense de leurs intérêts. Ils peuvent

changer d'argumentation ou proposer une nouvelle qualification juridique des

faits.

L'appel permet aussi de faire état de faits nouveaux survenus en cours

d'instance et qui ont un impact sur la situation litigieuse.

278. L'acte d'appel ouvre une nouvelle instance, distincte de celle qui s'est éteinte

par la décision de la juridiction inférieure: le procès continue, mais il y a autonomie de

la procédure d'appel.

Sous-section II - Conditions de recevabilité de l’appel

279. Les conditions de recevabilité de l'appel sont la qualité et l’intérêt, mais ces

conditions reçoivent une interprétation et une application différentes de celles qu’elles

revêtent au premier degré de juridiction :

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- il faut avoir qualité pour agir, c'est-à-dire avoir été partie en première instance :

celui qui est resté étranger à cette instance pouvant éventuellement user de la

tierce opposition ou se porter intervenant volontaire devant la juridiction d'appel.

L'appel ne peut en outre être dirigé que contre une partie dont on a été

l'adversaire en première instance, c’est-à-dire une partie avec laquelle un lien

d’instance s’est créé par suite de l’échange de conclusions réclamant une

condamnation ou attestant, à tout le moins, de prétentions opposées et de

l’existence d’une contestation opposant les parties. La présence d’un tel lien

d’instance n’exige donc pas qu’une demande ait opposé en première instance

appelant et intimé, mais bien à tout le moins la défense en conclusions

d’intérêts opposés ;

- il faut justifier d'un intérêt, c'est-à-dire un grief résultant de la décision attaquée:

celui qui a obtenu satisfaction en première instance ne peut interjeter appel

même s'il est extrêmement mécontent des motifs de la décision qui lui donne

gain de cause.

Sous-section III - Appel principal et appel incident

280. L'appel principal émane de l'appelant et introduit la procédure en degré d'appel.

L'appel incident est celui qui est formé, après l'appel principal, par une partie intimée

contre une partie à la cause quelle qu'elle soit.

Il tend à la mise à néant, même partielle, de la décision du premier juge et se produira

uniquement lorsque ni l'une ni l'autre des parties n'avait obtenu entièrement gain de

cause en première instance : l'appelant incident essayera ainsi d'améliorer sa

situation.

L’appel incident est donc totalement différent de la demande reconventionnelle tant au

point de vue de son sujet que son objet. Alors que le premier émane de l’intimé et tend

à obtenir la réformation de la décision entreprise, la seconde est introduite par le

défendeur et vise l’obtention d’une condamnation à charge du demandeur.

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Section II - DECISIONS SUSCEPTIBLES D’APPEL

281. En principe, en toute matière, l'appel peut être formé dès le prononcé du

jugement, même si celui-ci est une décision avant dire droit ou s'il a été rendu par

défaut. Par exception, contre un jugement statuant sur la compétence, l'appel ne peut

être formé qu'avec l'appel du jugement définitif sur la recevabilité ou le bien-fondé de

la demande par le juge qui s’est déclaré compétent ou par le juge compétent désigné

(article 1050, alinéa 2, du Code judiciaire).

Il n'en sera autrement que s'il y a accord des parties, acquiescement, décision ou

mesure d'ordre.

282. Le taux du ressort limite la compétence du juge d'appel aux affaires dont l'enjeu

excède 1.240 € si la décision a été rendue par un juge de paix ou par le tribunal de

police et 1.860 € si elle a été rendue par le tribunal de première instance ou le tribunal

de commerce. Les décisions rendues par le tribunal du travail sont toujours

appelables ainsi que les jugements rendus par le tribunal de première instance dans

les contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt.

Section III - DELAI ET FORMES DE L’APPEL

Sous-section I - Le délai d'appel

283. Le délai d'appel est d’un mois à compter, en règle, de la signification du

jugement (article 1051, alinéa 1er, du Code judiciaire). Ce délai est établi en mois et se

compte de quantième à veille de quantième (article 54 du Code judiciaire).

Lorsque la partie signifiée réside à l'étranger, il peut être prorogé conformément aux

règles générales (article 55 du Code judiciaire), sauf en cas d'appel d'une ordonnance

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rendue sur requête (article 1031 du Code judiciaire), en référé (article 1039 du Code

judiciaire) ou par le juge des saisies (article 1395, 2 , du Code judiciaire).

Il est également prorogé lorsque le délai prend cours et expire pendant les vacances

judiciaires, ou si le dernier jour du délai expire un samedi, un dimanche ou un autre

jour férié. Conformément au droit commun, la force majeure suspend le délai d'appel.

Remarque : il existe quelques exceptions à ces principes en droit des personnes,

raison pour laquelle il faut toujours être attentif en cette matière de vérifier qu'aucun

délai particulier n'a été prévu par le législateur.

284. L'appel dirigé contre un jugement définitif fait revivre le droit d'appel à l'égard

d'un jugement avant dire droit ou d'un jugement sur la compétence, même si le délai

d'appel contre celui-ci est expiré (article 1055 du Code judiciaire). Mais l'appel contre

les deux décisions doit être formé en même temps.

285. Le délai d'appel court du jour de la signification aussi bien à l'égard de

l'adversaire qu'à l'égard de la partie qui a fait signifier le jugement (article 1051, alinéa

2, du Code judiciaire).

En revanche, lorsque la décision n'a pas été signifiée, l'appel restera recevable jusqu'à

acquiescement et à défaut de renonciation pendant les délais de prescription de droit

commun.

286. Lorsque le litige est indivisible au sens de l'article 31 du Code judiciaire, l'auteur

du recours doit, dans le délai d'appel, mettre en cause toutes les parties qui ont

défendu un intérêt opposé au sien (article 1053, alinéa 1er, du Code judiciaire). Il doit

en outre, dans les délais ordinaires de l'appel, et au plus tard avant la clôture des

débats, appeler en déclaration d'arrêt commun les co-intéressés qui n'ont pas exercé

de recours (article 1053, alinéa 2, du Code judiciaire).

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287. L'appel tardif est irrecevable et le juge d'appel doit le constater d'office quitte à

ordonner la réouverture des débats.

288. En cas d'appel par exploit d'huissier, la date de l'appel est celle à laquelle la

signification a eu lieu. En cas d'appel par requête, c'est la date du dépôt de la requête

au greffe. En cas d’appel par lettre recommandée à la poste, il s’agit de la date de

remise de la lettre aux services postaux.

Sous-section II - Formes de l'appel

289. Selon l'article 1056 du Code judiciaire, l'appel principal est formé :

1 par acte d'huissier de justice signifié à la partie adverse. En cas de défaut de

l’intimé, le juge d'appel peut surseoir à statuer et ordonner la signification de

l'acte d'appel par huissier, s’il n’a pas eu lieu en cette forme (article 1058 du

Code judiciaire).

2 par requête - et c'est la forme ordinaire - déposée au greffe de la juridiction

d'appel, notifiée à l'intimé, et le cas échéant à son avocat par le greffier, au plus

tard le premier jour ouvrable qui suit le dépôt.

Elle est signée soit par la partie, soit par son avocat, soit devant la cour du

travail par un fondé de pouvoir, conformément à l'article 728 du Code judiciaire.

Il est important de souligner que la requête d'appel doit être déposée au greffe

avant l'expiration du délai de recours.

Les formes et délais de la notification de la requête d'appel ne sont pas prescrits

à peine de nullité. Dès lors, en application de l'article 860 du Code judiciaire,

une irrégularité affectant cette opération ne saurait justifier le prononcé de la

déchéance. On constatera que la requête d'appel appartient à cette catégorie

de requêtes qui introduisent une procédure bilatérale.

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3 lorsque la loi permet formellement ce procédé, l'appel peut être interjeté par

lettre recommandée à la poste; ce sera notamment le cas dans diverses

matières disciplinaires ou de la sécurité sociale.

Lorsqu'il est interjeté appel de la sorte, l'acte ne doit pas mentionner les lieu,

jour et heure de la comparution : les parties seront convoquées par le greffier à

comparaître à l'audience fixée par le juge.

Il s'agit du seul mode d'introduction d'un appel à date indéterminée.

4 par conclusions, à l'égard de toute partie présente ou représentée à la cause.

La loi vise ici aussi bien l'appel incident (article 1054 du Code judiciaire) qu'un

appel complémentaire de l'appelant principal ou un appel principal d'une partie

non intimée mais présente à la cause, par exemple par le mécanisme de

l'indivisibilité.

C.- Mentions de l'appel principal

290. L'article 1057 du Code judiciaire dispose que hormis le cas où il est formé par

conclusions, l'acte d'appel contient à peine de nullité :

1 l'indication des jours, mois et an;

2 les nom, prénom, profession et domicile de l'appelant;

3 les nom, prénom, domicile ou à défaut de domicile, la résidence de l'intimé (sauf

élection de domicile);

4 l'indication de la décision dont appel;

5 l'indication du juge d'appel. Cette mention n'est pas prescrite à peine de nullité

absolue;

6 l'indication du lieu où l'intimé devra faire acter sa déclaration de comparution.

Cette mention est à libeller conformément à ce que dispose l'article 1061 du

Code judiciaire au texte duquel il est renvoyé. Son omission emporte nullité

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relative;

7 l'énonciation des griefs;

8 l'indication des lieu, jour et heure de la comparution (sauf si l'appel est introduit,

dans les cas prévus par la loi, par lettre recommandée.

Section IV - PROCEDURE EN DEGRE D’APPEL

Sous-section I - Inscription au rôle

291. La cause doit être inscrite au rôle général à défaut de quoi l'acte d'appel est de

nul effet (article 1060 du Code judiciaire).

Lorsque l'appel est formé par requête, le greffier procède d'office à l'inscription au rôle.

Sous-section II - Introduction de la cause

292. La loi du 3 août 1992 a généralisé l'appel à date fixe. La procédure en degré

d'appel commencera donc toujours par une audience d'introduction, comme en

première instance, appelée, en appel, audience de comparution.

Corrélativement, la loi du 3 août 1992 a également généralisé l'obligation, prescrite à

peine de nullité, d'énoncer ses griefs dans son acte d'appel, c'est-à-dire d'indiquer les

moyens sur lesquels le recours est fondé.

Néanmoins, des griefs nouveaux pourront encore être invoqués en termes de

conclusions lors des débats.

Sous-section III - Procédure de mise en état

1 Principe

293. En vertu de l'article 1042 du Code judiciaire, les règles de l'instance sont

applicables en appel sauf dérogations expresses. Ainsi, sont notamment applicables

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en appel, les dispositions relatives aux fixations, à l'intervention du greffier des rôles, à

la mise en état, au jugement par défaut et à l'opposition. L'article 774 du Code

judiciaire est également applicable en degré d’appel.

2 Exception : la procédure accélérée

294. L'article 1066 du Code judiciaire met en place une procédure accélérée applica-

ble, d'une part aux causes qui n'appellent que des débats succincts (article 1066,

alinéa 1er, du Code judiciaire) et, d'autre part à six cas particuliers qui présentent tous

un certain degré d'urgence (article 1066, alinéa 2, du Code judiciaire, au texte duquel il

est renvoyé).

Dans tous les cas visés à l'article 1066 du Code judiciaire, la cause sera retenue et

plaidée à l'audience d'introduction ou au plus tard dans les trois mois de celle-ci.

Ce délai n'étant prescrit d'aucune sanction, en pratique, vu l'encombrement des rôles

en degré d'appel, il n’est que rarement respecté.

Section V - L’APPEL INCIDENT

295. L'appel incident autorise l'intimé à élargir la saisine du juge d'appel au-delà des

limites qui résultent de l'effet relatif de l'appel principal.

Ainsi, il permet en seconde instance la reconstitution intégrale du litige originaire.

C'est, pour l'intimé, un palliatif à l'effet relatif de l'appel.

L'appel interjeté par une partie non intimée - généralement le premier dans le temps -

est l'appel principal; celui qui est formé par une partie intimée est l'appel incident; ce

n'est donc pas l'importance respective de ces appels qui permet de les qualifier, mais

l'ordre de priorité dans lequel ils sont intervenus ainsi que les personnes qui les ont

interjetés.

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Sous-section I - Généralités

296. Les règles applicables à l’appel incident peuvent être résumées comme il suit.

1 l'appel incident est autorisé pendant toute l'instance d'appel, jusqu'à la clôture

des débats, même si le jugement a été signifié et que le délai d’appel (principal)

est expiré.

2 la partie qui a fait signifier le jugement sans réserve ou qui y a acquiescé avant

la signification conserve le droit, si son adversaire l'intime, d'interjeter appel

incident dans la mesure où il peut justifier d'un grief que lui inflige le jugement

entrepris.

3 l'appel incident peut être dirigé contre toutes les dispositions du jugement

entrepris sans avoir égard au fait que l'appel principal aurait été limité à une ou

plusieurs des dispositions de la première décision. Il ne peut par contre être

dirigé contre un autre jugement. Dans cette dernière hypothèse, seul un appel

principal peut être introduit.

4 l'appel incident est formé, en principe, par le dépôt de conclusions : il pourrait

l'être par acte d'huissier mais les frais frustratoires restent, comme on le sait, à

la charge de la partie qui les a exposés.

5 l'appel incident ne peut être admis si l'appel principal est déclaré nul ou tardif.

Sous-section II - Appel incident et reconstitution du litige en degré d'appel

1 Appel incident dans le procès opposant deux parties

297. Lorsque le procès met en présence deux parties devant le premier juge, l'appel

oppose nécessairement et exclusivement les deux mêmes parties, une intervention

dirigée contre un tiers ou par un tiers ne pouvant revêtir à ce degré qu'un caractère

conservatoire (article 812, alinéa 2, du Code judiciaire).

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A l'appel principal d'une partie peut succéder l'appel incident de l'autre partie, chacune

poursuivant la réformation des dispositions du jugement qui lui infligent un grief. Cela

suppose évidemment que la décision de première instance n'ait totalement donné gain

de cause ni à l'une, ni à l'autre. Ainsi, l'appel incident permet de neutraliser l'effet

relatif et limité de l'appel principal en reconstituant en degré d'appel l'objet du litige tel

qu'il se présentait devant le premier juge.

Outre la critique de certains chefs du jugement attaqué, sans quoi l'appel serait

irrecevable pour défaut d'intérêt, la voie de recours peut aller au-delà de la

reconstitution du litige en servant de support à l'introduction par le demandeur

originaire d'une demande nouvelle et par le défendeur originaire d'une demande

reconventionnelle.

298. L'appel incident supposant un appel principal préalable, il ne peut être formé

que contre le jugement frappé d'appel principal.

Pour le surplus, sous réserve des facilités procédurales offertes par les articles 1054 et

1056, 4 , du Code judiciaire, l'appel incident ne diffère pas de l'appel principal; il obéit

aux mêmes règles de recevabilité en ce qui concerne les conditions générales (intérêt

et qualité).

Il n'y a donc pas à tenir compte de la nature des dispositions attaquées. Parfois, il en

résulte un retournement complet de situation pour l'appelant au principal dont l'appel

limité à un chef accessoire est déclaré non fondé alors que l'appel incident aboutit à la

réformation de la décision entreprise sur ce qui faisait l'objet essentiel du litige.

299. L’appelant principal, intimé sur incident, peut à son tour interjeter appel incident

des chefs du jugement non attaqués par son appel principal.

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2 Appel incident dans un procès à sujets multiples

300. Lorsque plus de deux parties étaient impliquées en première instance, le

maintien à la cause de toutes les parties en degré d’appel soulève certaines difficultés

dans le cadre de la détermination des sujets actif (celui qui interjette appel incident) et

passif (celui contre lequel l’appel incident est dirigé) de l’appel incident.

a) le sujet actif de l’appel incident

301. Aux termes de l’article 1054 du Code judiciaire, l’appel incident doit émaner

d’une partie « intimée », c’est-à-dire, suivant la Cour de cassation, « celle contre

laquelle a été dirigé un appel principal ou celle contre laquelle une prétention, autre

qu’un appel en déclaration d’arrêt commun, est formulée en degré d’appel »; ainsi

n’est pas une partie intimée, celle qui a été appelée à la cause en déclaration d’arrêt

commun ou qui est intervenue volontairement en degré d’appel.

302. Cette partie doit en outre avoir été régulièrement intimée.

On rappelle à cet égard que l'appel principal ne peut être dirigé que contre une partie

qui était opposée en première instance à l'appelant. Même si la règle du double degré

de juridiction n'est pas un principe général du droit, le Code judiciaire ne permet pas

aux personnes présentes en première instance sans lien d'instance entre elles de

s'opposer pour la première fois en degré d'appel.

Ainsi, le demandeur n'a aucun lien d'instance avec l'assureur appelé en garantie par le

défendeur. Suffirait-il qu'il dirige indistinctement son appel contre le défendeur

originaire et l'assureur pour que celui-ci soit considéré comme un intimé alors que de

toute évidence l'appel principal dirigé contre lui ne peut être admis ? En d'autres

termes, suffit-il d'être formellement intimé au gré de l'inspiration même fantaisiste de

l'appelant ou faut-il être réellement intimé en ce sens que cette qualité ne peut être

reconnue qu'à une partie qui était opposée en première instance à l'appelant ?

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La réponse est négative : la qualité en laquelle une partie figure à l'instance n'est pas

déterminée par la seule qualification qui lui est attribuée dans l'acte d'appel; il

appartient au juge de décider si une partie est effectivement intimée.

303. Pour qu'une partie puisse être sujet actif d'un appel incident, il faut donc, mais il

suffit que l'appel principal dirigé contre elle soit recevable en ce sens qu'un lien

d'instance a dû exister entre ces parties au premier degré : elles doivent avoir conclu

l'une contre l'autre.

Donc si par surcroît de précautions, l'appelant dirige son appel contre toutes les

parties de première instance - y compris celles qui n'étaient pas ses adversaires, c'est-

à-dire contre lesquelles il n'a pas conclu - ces parties sont irrégulièrement intimées.

Elles sont simplement « en cause » et ne peuvent, partant, pas interjeter appel

incident.

304. Exemple :

En première instance

A maître de l'ouvrage cite

B entrepreneur qui cite

C sous-traitant

A ne conclut que contre B

B conclut contre A et C

B perd à 90 %

C est condamné à le garantir

A perd à 10 %

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En appel

C interjette appel et vise dans sa requête A et B

A est irrégulièrement intimé : il ne peut pas former appel incident, mais

seulement appel principal, et ce éventuellement par conclusions (contre

les autres parties déjà appelées à la cause) mais dans le délai d'un mois

si le jugement lui a été signifié.

b) le sujet passif de l’appel incident

305. L'appel incident peut être formé « contre toutes parties en cause devant le juge

d'appel », peu importe la nature ou la régularité de cette mise à la cause; bref, il n'est

pas exigé que le sujet passif de l'appel incident soit effectivement intimé, il suffit qu'il

soit mis à la cause même si aucun appel principal n'est dirigé contre lui.

Tel est le cas d'une partie appelée en déclaration d'arrêt commun, d'une partie contre

laquelle est dirigé un appel principal irrecevable ou d'une partie mise à la cause en

raison du caractère indivisible du litige (en vertu de l’article 1053, alinéa 2, du Code

judiciaire).

306. Exemple : cfr. ci-dessus : A peut être le sujet passif d'un appel incident formé

par B qui peut être, lui, sujet actif d'un appel incident, puisqu'il est correctement intimé

par C, et qu'il était l'adversaire de A en première instance.

c) recevabilité de l’appel incident d’une partie intimée sur incident

307. Lorsqu'une partie qui jusqu'alors était seulement mise à la cause devient le

sujet passif d'un appel incident, elle peut à son tour introduire un appel incident contre

un adversaire de première instance présent à la cause en degré d'appel.

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Sous-section III - Autonomie et dépendance de l’appel incident

308. L'appel incident est recevable à tout moment (même après l'écoulement des

délais légaux de l'appel principal et ce jusqu'à la clôture des débats) même si son

auteur a signifié le jugement sans réserve ou s'il y a acquiescé avant sa signification

(article 1054, alinéa 1er, du Code judiciaire); toutefois, il ne pourra être admis si

l'appel principal est déclaré nul ou tardif (article 1054, alinéa 2, du Code judiciaire).

Cette restriction est de stricte interprétation; elle ne concerne que la nullité ou la

tardiveté de l'appel mais non l'irrecevabilité de celui-ci; il en résulte cette conséquence

que si l'appel principal est irrecevable parce qu'interjeté contre une partie qui n'avait

pas qualité pour être intimée, sa mise à la cause suffit pour qu'elle soit intimée sur

incident par une partie à laquelle elle était opposée en première instance.

309. La reconstitution en appel, par voie d'appel incident, du litige de première

instance est techniquement impossible lorsque le sujet passif n'est pas présent à la

cause devant le juge d'appel ou lorsque la partie présente à la cause en degré d’appel

n'ayant pas la qualité d'intimé (sur appel principal ou incident), elle ne peut formaliser

un appel incident.

Compte tenu de l'article 1054 du Code judiciaire, il existe donc des hypothèses où

l'appel principal (formé suivant les cas par exploit, par requête ou par conclusions)

demeure indispensable.

Section VI - EFFETS DE L’APPEL

Sous-section I - Effet suspensif

310. Sous réserve de certaines exceptions, la signification ou la notification d'un acte

d'appel a pour premier effet de suspendre l'exécution du jugement attaqué (article

1397 du Code judiciaire).

Cet effet suspensif connaît des exceptions :

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1 Restrictions

311. Certains jugements peuvent être exécutés, nonobstant le fait qu'ils soient

frappés d'appel c'est-à-dire les cas où il y a lieu à exécution provisoire, soit que le

jugement soit exécutoire par provision nonobstant appel ou opposition, soit que la loi

précise que l'appel n'est pas suspensif (article 1400 du Code judiciaire).

Sont exécutoires de plein droit, nonobstant appel, les décisions du juge des saisies,

les ordonnances de référé (article 1039 du Code judiciaire), les ordonnances rendues

sur requête unilatérale (article 1028 du Code judiciaire), les jugements d'instruction

(article 1496 du Code judiciaire), les décisions du président du tribunal de commerce

en cas d'action en cessation (article 100 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du

commerce).

2 Extensions

312. Dans certains cas, le délai d'appel est à lui seul suspensif : jugement qui

ordonne ou impose à un tiers une mainlevée, une radiation hypothécaire, un paiement

ou une prestation (article 1388, alinéa 1er, du Code judiciaire).

313. Il en va de même en ce qui concerne les jugements portant condamnation à

une somme d'argent, à moins que le jugement n'en ait disposé autrement et ce, sous

réserve du droit de saisir conservatoirement (articles 1414 et 1495, alinéa 2, du Code

judiciaire).

314. Dans certains cas, non seulement le délai d'appel est suspensif, mais le juge ne

peut jamais ordonner l'exécution provisoire. Il en est ainsi en matière de divorce, de

séparation de corps, d'opposition à mariage, de nullité de mariage (article 1399 du

Code judiciaire), d'adoption, d'interdiction judiciaire (article 1251 du Code judiciaire).

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Sous-section II - Effet relatif

315. L'appel ne profite qu'à celui qui a exercé la voie de recours.

Ainsi :

- lorsqu'il y a plusieurs parties dans l'instance, défendant les mêmes intérêts ou

intérêts connexes, l'appel formé par l'une des parties ne profite qu'à elle seule.

De même, l'acquiescement d'une partie n'interdit pas à une autre d'interjeter

appel.

Il n'est dérogé à ce principe que lorsque le litige est indivisible : l'appel doit être

dirigé, à peine d'irrecevabilité, contre toutes les parties dont l'intérêt est opposé

à celui de l'appelant (article 1053, alinéa 1er, du Code judiciaire). En outre,

l'appelant doit mettre en cause les autres parties non appelantes mais déjà

intimées ou appelées, dans les délais ordinaires de l'appel et au plus tard avant

la clôture des débats (article 1053, alinéa 2, du Code judiciaire). Il s'agit de

l'indivisibilité au sens de l'article 31 du Code judiciaire.

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- Dans les cas où l'appelant avait plusieurs adversaires en première instance,

l'appel n'a d'effet qu'à l'encontre de la partie à laquelle il a été formé. Par

exemple, l'appel interjeté contre un débiteur solidaire n'a pas d'effet contre les

autres codébiteurs : il faut former le recours contre chacun d'eux dans le délai

légal.

Sous-section III - Effet dévolutif

1 Notion

316. L'acte d'appel opère la saisine du juge supérieur. Lorsqu'il est libellé en termes

généraux, il remet en question devant celui-ci, dans les limites de l’acte d’appel, tout le

litige qui avait été soumis au magistrat du premier degré, et ce, même si certaines

questions n’avaient pas encore été tranchées par le premier juge : c'est ce mécanisme

que désigne l'expression « effet dévolutif ».

Cet effet dévolutif est la suite logique du dessaisissement du premier juge, qui résulte

du prononcé de son jugement.

Rappelons que dès l'introduction du recours, ce premier juge ne peut plus interpréter

sa décision, procéder à la rectification d'une erreur matérielle ou modifier une

disposition provisoire pour l'adapter à de nouvelles circonstances.

2 L'article 1068 du Code judiciaire : l'effet dévolutif total

317. En vertu de l'article 1068, alinéa 1er, du Code judiciaire, « tout appel d'un

jugement définitif ou d'avant dire droit saisit du fond du litige le juge d'appel ».

L'effet dévolutif joue même lorsque l'appel est dirigé contre un jugement définitif sur

incident ou contre un jugement avant dire droit : pareil appel oblige les magistrats

d'appel à statuer au fond, le cas échéant donc au-delà de ce qui a été jugé en

première instance. La juridiction supérieure est saisie de plein droit de toutes les

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questions en litige, de la totalité de la contestation, même si le premier juge ne s’était

pas encore prononcé sur ces contestations parce qu’il avait ordonné une mesure

avant dire droit ou parce qu’il avait préalablement réglé un incident par la voie d’un

jugement interlocutoire.

L'application du principe est donc susceptible d'engendrer des exceptions au double

degré de juridiction.

318. L'article 1068 conduit à l'application de différentes règles qui lui sont

corrélatives :

1 Lorsque le juge d'appel doit statuer au fond alors que les parties n'avaient pas

encore conclu en première instance, l'affaire est renvoyée à une audience

ultérieure pour être instruite normalement (article 1071 du Code judiciaire).

Si par contre les conclusions avaient été prises en première instance, le juge

d'appel statue immédiatement, sans remise ni nouvelles conclusions110. Cette

règle est toutefois d’application peu fréquente.

2 En cas d'appel d'un jugement « mixte » (qui, par exemple, statue sur le principe

d’un partage de responsabilité et ordonne une expertise pour déterminer le

montant du dommage), si le bien-fondé de la mesure d'instruction n'est contesté

par aucune des parties, le juge d'appel peut réserver sa décision jusqu'à ce que

les mesures d'instruction ordonnées avant-dire droit par le premier juge aient

été exécutées (article 1072, alinéa 1er, du Code judiciaire), tout comme lorsque

le juge d'appel ordonne lui-même la mesure d'instruction.

Le juge d’appel peut, dans ces cas, décider que l’exécution des mesures

d’instruction appartient au premier juge111 ou au juge d’appel (article 1072,

110 Cass., 24 juin 1982, Pas., I, 1248.

111

Voy. par exemple, Cass., 29 juin 1978, Pas., I, 1240 à propos de la tenue d’enquêtes par le premier juge.

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alinéa 2, du Code judiciaire).

Cette disposition permettra, dans l’exemple précité, au juge d'appel de ne

statuer que par un seul arrêt à la fois sur le partage de responsabilités et sur le

montant des dommages et intérêts.

3 Exception

319. L'effet dévolutif tel qu'il est conçu par le Code judiciaire peut faire craindre

qu'une partie interjette appel d'un jugement avant dire droit ou sur incident en vue de

soumettre directement le fond du litige à la juridiction supérieure.

C'est pourquoi le Code judiciaire prévoit une exception à la règle de l'effet dévolutif

complet : lorsque le premier juge a ordonné une mesure d'instruction, et que cette

mesure est confirmée, même partiellement, le juge d'appel est tenu de renvoyer

l'affaire devant le magistrat de première instance.

Réciproquement, il n'y aura pas renvoi au premier juge chaque fois que la juridiction

d'appel infirme le jugement entrepris qui avait estimé qu'une mesure d'instruction était

nécessaire ou lorsqu’elle ordonne une mesure différente.

320. Une controverse a longtemps opposé la doctrine et la Cour de cassation sur le

point de savoir si l'effet dévolutif s'appliquait ou non en cas de confirmation d'un

jugement « mixte », c'est-à-dire d'un jugement contenant à la fois une disposition

définitive et une mesure d'instruction.

Par un arrêt du 24 décembre 1987112, la Cour de cassation qui jusqu'alors estimait que

l'effet dévolutif ne jouait pas et qu'il y avait lieu à renvoi devant le premier juge a

décidé que « par l'effet dévolutif de l'appel, le juge d'appel est, dans les limites de

l'appel formé par les parties, saisi du jugement de l'ensemble de la cause; cet effet

112 Cass., 24 novembre 1987, R.C.J.B., 1989, p. 517, note J. VAN COMPERNOLLE.

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n'est limité que par la décision du juge d'appel qui confirme, même partiellement, une

mesure d'instruction ordonnée par le premier juge; dès lors, pour autant que le

jugement de la demande ne se fonde pas sur l'appréciation des résultats de la mesure

d'instruction dont le premier juge est appelé à connaître, le juge d'appel a le pouvoir de

prendre une décision définitive ».

Dans les faits ayant donné lieu au prononcé de cet arrêt, le demandeur originaire avait

effectué pour la société défenderesse, de 1971 à 1975, des travaux de comptabilité

pour lesquels lui restaient dus des honoraires. L'obligation de les payer n'était pas

contestée dans son principe. Le montant seul était en discussion, la défenderesse

ayant estimé la somme réclamée excessive.

Le premier juge, avant de statuer définitivement, avait désigné un expert chargé de

donner un avis sur le montant des honoraires. Après avoir relevé que la

demanderesse ne contestait pas devoir les honoraires afférents aux années 1971 et

1972, la cour d'appel de Liège avait accordé de ce chef au demandeur originaire un

montant à titre provisionnel, en confirmant pour le surplus la mesure d'expertise

ordonnée par le premier juge (la cause lui étant renvoyée à cette fin). Rejetant le

pourvoi pris notamment de la violation de l'article 1068 du Code judiciaire, la Cour de

cassation décide que, tout en confirmant une mesure d'instruction ordonnée par le

premier juge, le juge d'appel avait en l'espèce le pouvoir de rendre une décision

définitive au sujet des chefs de demande qui, ne donnant pas lieu à contestation,

n'étaient point tributaires des résultats de l'expertise.

321. La Cour de cassation confirme dans cet arrêt l'enseignement de principe fixé

par son arrêt du 13 janvier 1972113 par lequel elle avait décidé que l'appel d'un

jugement avant dire droit ne saisit pas le juge d'appel du fond du litige lorsque ce

dernier confirme la mesure d'instruction ordonnée par le premier jugement même si le

jugement entrepris comprend en outre d'autres dispositions et notamment des

dispositions définitives.

113 Cass., 13 janvier 1972, Pas., I, 463.

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Elle nuance cependant cet enseignement en considérant que si une demande

comporte plusieurs chefs, le renvoi au premier juge, en cas de confirmation d'une

mesure d'instruction, ne s'impose que pour les seuls chefs de demande directement

liés au résultat de cette mesure. En revanche, le juge d'appel est valablement saisi du

fond en ce qui concerne les chefs de demande dont la solution n'est point tributaire

des résultats de la mesure d'instruction confirmée.

Section VII - APPEL D’UNE PROCEDURE SUR REQUETE

UNILATERALE

322. Lorsque le requérant s'est vu refuser la mesure unilatérale qu'il sollicitait, le seul

recours qui lui est ouvert est l'appel. Celui-ci est formé par requête unilatérale,

conforme aux dispositions de l'article 1026 du Code judiciaire et déposée au greffe de

la juridiction d'appel dans le mois de la notification de la requête (article 1031 du Code

judiciaire).

Section VIII - APPEL DANS LA PROCEDURE DE REFERE

323. On rappelle que le délai d'appel est de un mois et qu'il prend cours à dater de la

signification de l'ordonnance, conformément au droit commun.

Le délai de comparution devant la cour est le délai applicable en matière de référé

c'est-à-dire deux jours.

Dans un arrêt – contestable – du 17 avril 2009, la Cour de cassation a estimé que le

défaut d’urgence peut résulter du fait que la mesure urgente et provisoire demandée et

ordonnée par le premier juge a été entre-temps exécutée.

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CHAPITRE IV - LE POURVOI EN CASSATION

Section I - GENERALITES

324. La Cour de cassation est chargée d'une mission de contrôle de la légalité des

décisions des juges et de coordination de la jurisprudence.

Elle est saisie par un pourvoi et ne se prononce pas sur les faits de la cause, qui sont

souverainement appréciés par les juges du fond.

Après cassation, elle doit ordonner le renvoi à la cour ou au tribunal compétent pour

en connaître, c'est-à-dire à une juridiction du même degré que celle qui avait rendu la

décision cassée (article 1110 du Code judiciaire).

Bien que ne réexaminant pas les faits, la Cour peut vérifier si le juge du fond a tiré de

ceux-ci les conséquences juridiques qu'ils impliquent (par exemple, elle pourra vérifier

si la qualification juridique que leur a donnée le juge du fond est correcte).

En matière civile, la Cour de cassation doit limiter son examen aux questions de droit

dont elle est régulièrement saisie par le demandeur en cassation et elle ne peut

soulever d'office même des moyens d'ordre public qui pourraient justifier la mise à

néant de la décision attaquée; par contre, un moyen d'ordre public ou de droit

impératif peut toujours être invoqué par les parties, même pour la première fois devant

la Cour de cassation.

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2005 (C.030148.F), la notion

d’ordre public semble, dans le cadre de l’office du juge et pour l’appréciation de la

recevabilité du moyen de cassation, connaître un phénomène de dilution à tout le

moins lorsque le moyen touche au droit substantiel (par opposition au moyen de

procédure), en manière telle qu’un moyen, même de droit supplétif, pourrait être

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invoqué pour la première fois de manière recevable devant la Cour de cassation sur la

base des faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions.

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire, qui ouvre une instance

nouvelle et distincte, qui ne constitue donc pas la suite naturelle du procès intenté au

fond.

Section II - DECISIONS SUSCEPTIBLES DE POURVOI EN

CASSATION

325. Selon l'article 608 du Code judiciaire, seuls les jugements et arrêts rendus en

dernier ressort peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation. Les décisions

susceptibles d'appel ne peuvent faire l'objet d'un pourvoi, alors même que le délai

d'appel serait expiré.

Tous les jugements et arrêts, définitifs ou non, sont susceptibles de pourvoi, sous cette

réserve que le recours en cassation contre un jugement d'avant dire droit n'est ouvert

qu'après le prononcé du jugement définitif. On peut se pourvoir contre un jugement ou

arrêt par défaut contre lequel on a négligé de faire opposition, pourvu qu'il soit en

dernier ressort et définitif, sur le fond ou sur incident (article 1076 du Code judiciaire).

Les sentences arbitrales ne sont pas susceptibles de pourvoi (article 1704 du Code

judiciaire).

Section III - PARTIES A L’INSTANCE

326. Peuvent se pourvoir en cassation les personnes qui ont qualité et intérêt.

Dans la conception traditionnelle, peut se pourvoir en cassation toute partie qui est

demeurée à la cause, à quelque titre que ce soit et a contesté jusqu'au bout (c'est-à-

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dire, le cas échéant, jusqu'en degré d'appel) les prétentions d'une partie adverse.

En ce qui concerne l'intérêt comme condition de recevabilité du pourvoi, nous

renvoyons aux principes généraux. Par exemple, une partie est irrecevable à se pour-

voir en cassation si elle a obtenu gain de cause.

Il y a lieu de ne pas confondre cette exigence d’intérêt relative à la recevabilité du

pourvoi avec celle liée à la recevabilité du moyen de cassation. Un moyen de

cassation est irrecevable, par exemple, s’il est dirigé contre des motifs surabondants.

Le pourvoi ne peut être dirigé que contre une partie qui, devant le juge du fond, a été

l'adversaire du demandeur en cassation et au bénéfice de laquelle la décision

attaquée a été rendue.

Sur l'indivisibilité au niveau de l'instance en cassation, on consultera l'article 1084 du

Code judiciaire qui reproduit le mécanisme prévu par l’article 1053 du Code judiciaire,

déjà étudié à propos de l’appel.

Section IV - DELAI

327. Hormis les cas où la loi établit un délai plus court, par exemple en cas d’arrêt

prononçant le divorce pour désunion irrémédiable (article 1274 du Code judiciaire :

mois à dater de la prononciation de l’arrêt), le délai pour se pourvoir en cassation est

de trois mois à partir de la signification de la décision (article 1073, alinéa 1er, du Code

judiciaire).

Ce délai est susceptible de majoration conformément à l'article 55 du Code judiciaire.

Contrairement au délai d’appel, le délai d’introduction du pourvoi ne court pas contre la

partie qui a fait procéder à la signification.

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S'il n'y a pas signification, le délai est ouvert pendant les délais de prescription

ordinaires.

En ce qui concerne les arrêts et les jugements en dernier ressort rendus par défaut, le

délai ne court à l'égard du défaillant qu'à l'échéance du délai accordé pour former

opposition (article 1076 du Code judiciaire). Un pourvoi tardif est déclaré irrecevable,

même d'office (articles 1078 et 1160 et suivants du Code judiciaire).

Seule la force majeure, strictement définie, pourrait suspendre le délai.

Section V - EFFETS DU POURVOI EN CASSATION

Sous-section I - Absence d'effet suspensif

328. Sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi (exemple : articles 1274 et

1302 du Code judiciaire en matière de divorce), ni le pourvoi en cassation, ni le délai

de pourvoi, n'ont un effet suspensif de la force exécutoire de la décision attaquée

(article 1118 du Code judiciaire).

La partie qui a obtenu cette dernière peut donc continuer ou commencer l'exécution

pendant le délai et même après le dépôt du pourvoi, sans que la Cour de cassation ait

le droit d'ordonner la surséance.

Le cantonnement n'est pas autorisé.

Sous-section II - Effet dévolutif limité

329. Le pourvoi en cassation ne saisit pas la Cour de l'intégralité du procès tel qu'il

s'est déroulé devant les premiers juges : elle ne peut que vérifier l'exacte application

de la loi. On l'a déjà souligné, le contrôle ne s'exerce guère donc que sur les moyens

qui lui sont soumis.

Les demandes nouvelles ne sont pas recevables devant la Cour de cassation. Les

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moyens nouveaux non plus, sauf lorsqu'ils n'auraient pu être invoqués auparavant (par

exemple une contradiction dans les motifs), s'ils sont tirés du jugement ou de l'arrêt lui-

même ou, enfin, lorsqu’ils sont d’ordre public ou de droit impératif (cfr toutefois supra

Cass, 14 avril 2005 relatif à l’office du juge et la recevabilité du moyen de cassation à

l’aune de la théorie des faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs

prétentions).

Section VI - LA PROCEDURE

330. Par rapport à la procédure du droit commun, la procédure de cassation

comporte trois caractéristiques : tous les délais imposés aux parties sont prévus à

peine de déchéance, la fixation a lieu d'office et tous les arrêts sont réputés

contradictoires.

L'instance en cassation est introduite par un pourvoi, qui est en fait une requête qui, en

matière civile, commerciale et sociale, doit, à peine d'irrecevabilité, être signée par un

avocat à la Cour de cassation.

Le pourvoi est signifié à la partie contre laquelle il est dirigé et est ensuite déposé au

greffe de la Cour.

331. Le pourvoi contient l'exposé des moyens de la partie demanderesse, ses

conclusions et l'indication des dispositions légales dont la violation est invoquée, le

tout à peine de nullité (articles 1079 et 1080 du Code judiciaire).

Le pourvoi doit à peine de nullité être déposé au greffe dans les 15 jours de sa

signification.

L'affaire est alors inscrite au rôle général.

Lorsque deux parties forment un pourvoi contre la même décision, chacune d'elle est

tenue d'observer les formalités et les délais prescrits. La jonction des procédures a

lieu d'office.

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332. La réponse au pourvoi se fait selon le mode prescrit par l'article 1079 du Code

judiciaire. Le "mémoire en réponse" du défendeur doit être signé par un avocat à la

Cour de cassation et signifié à l'avocat de la partie adverse.

Le délai entre la signification de la requête introductive et le dépôt au greffe de la

réponse est de trois mois, à peine de forclusion. Le Code ne prévoit pas la possibilité

d'introduire un pourvoi incident : s'il avait des griefs à faire valoir contre la décision

attaquée, le défendeur en cassation aurait dû prendre l'initiative du pourvoi.

333. Si le défendeur oppose au pourvoi une fin de non-recevoir, le demandeur

pourra déposer au greffe, dans le mois de la signification du mémoire du défendeur,

un "mémoire en réplique" qui contient sa réponse à ladite fin de non-recevoir.

Le ministère public peut aussi opposer au pourvoi une fin de non-recevoir déduite de

la méconnaissance d'un règle d'ordre public, auquel cas les avocats des parties en

seront avisés par lettre missive et pourront plaider sur l'admission du pourvoi après

l'audition du ministère public (article 1097 du Code judiciaire).

L'affaire est en état dès l'expiration des délais fixés par les articles 1093 et 1094 du

Code judiciaire et la procédure se poursuit d'office. Le premier président de la Cour

désigne un conseiller rapporteur qui, comme son nom l'indique, fera rapport sur

l'affaire, après quoi le dossier sera transmis via le greffe au parquet général.

334. Le ministère public joue en effet un rôle important dans la procédure en

cassation: son avis, rédigé sous forme de conclusions, y est obligatoire.

La fixation a lieu d'office.

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150

A l'audience, on entend successivement le rapport du conseiller, "les plaidoiries" des

avocats, puis les conclusions du ministère public. En pratique, les avocats ne plaident

pas et se réfèrent aux actes qu'ils ont rédigés. La procédure est donc essentiellement

écrite.

335. Depuis l’arrêt “Vermeulen” du 20 février 1996114 de la Cour européenne des

droits de l’homme, les parties avaient la possibilité de répondre à l’audience aux

conclusions prises par le magistrat du ministère public, avant la clôture de l’audience.

L’article 1107 du Code judiciaire prévoit, depuis la loi du 14 novembre 2000, la

possibilité pour les parties de déposer une note écrite en réplique aux conclusions du

ministère public ou d’y répliquer verbalement.

336. L'arrêt est généralement déjà prononcé le jour même de l’audience.

Tous les arrêts de la Cour de cassation sont réputés contradictoires. La Cour juge tant

en l'absence qu'en présence des avocats et des parties (articles 1108 et 1113 du

Code judiciaire).

Section VII - EFFETS DES ARRETS DE LA COUR DE CASSATION

337. La Cour de cassation peut soit rejeter le pourvoi, soit casser. Dans ce dernier

cas, en matière civile, le renvoi est ordonné.

338. Les arrêts de rejet peuvent déclarer un pourvoi nul ou irrecevable, prononcer la

déchéance du demandeur, ou rejeter tous les moyens du pourvoi.

Ces arrêts ne sont susceptibles d'aucun recours.

La décision qui avait été attaquée devient alors irrévocable.

114 C.E.D.H., 20 février 1996, J.L.M.B., 1996, 904.

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339. Les arrêts de cassation remettent les parties dans l'état où elles étaient avant la

décision attaquée.

La cassation entraîne la mise à néant des suites de la décision, en ce compris son

exécution éventuelle : celui qui avait entamé celle-ci doit restituer, même si l'arrêt de la

Cour de cassation ne le dit pas expressément. Il suffit que l'arrêt soit signifié,

conformément à l'article 1115 du Code judiciaire115.

340. Comme il a déjà été dit, le renvoi a lieu devant une juridiction du même rang

que celle qui a rendu la décision cassée.

Le juge de renvoi n'est pas lié par l'arrêt de cassation : une nouvelle instance

recommence, au cours de laquelle les parties pourront développer tous moyens,

introduire des demandes nouvelles, additionnelles et reconventionnelles.

Pour introduire l'instance après cassation, l'arrêt de cassation doit être signifié à la

partie adverse, par exploit d'huissier comportant citation à comparaître devant la

juridiction de renvoi où la procédure sera suivie selon les règles ordinaires.

341. En principe, on peut se pourvoir en cassation sans limite, pour autant que les

moyens invoqués soient différents.

Si le moyen invoqué est identique à celui qui avait déjà donné lieu à cassation, l'article

1119 du Code judiciaire prévoit que l'examen de ce moyen relève des chambres

réunies de la Cour, lorsque l'arrêt rendu est inconciliable avec l'arrêt de cassation.

Lorsqu'une juridiction de renvoi est saisie par un arrêt prononcé par la Cour de

cassation statuant chambres réunies, elle doit se conformer à la décision de la Cour

sur le point de droit jugé sur second pourvoi (article 1120 du Code judiciaire).

115 Cass., 15 février 1973, Pas., I, 570.

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CHAPITRE V - LA TIERCE OPPOSITION

Section I - NOTION

342. La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire réservée aux tiers pour

attaquer une décision qui préjudicie à leurs droits.

Est tiers celui qui n'a pas été appelé ou qui n'est pas intervenu à la cause, en la même

qualité que celle dont il entend se prévaloir pour justifier l'intentement du recours

(article 1122 du Code judiciaire).

Rappelons que l'existence de cette voie de recours est liée au fait que l'autorité de

chose jugée n'a d'effet qu'entre les parties : un tiers, auquel le contenu d'une décision

porte préjudice - par exemple en ce qu'elle va le déforcer dans un procès qu'il doit lui-

même soutenir contre l'une des parties au litige originaire - peut donc solliciter la

rétractation de cette décision en ce qu'elle lui fait grief.

Le domaine de prédilection de la tierce opposition est la procédure sur requête

unilatérale: le tiers préjudicié par la décision prise sur requête - par exemple une

autorisation de saisir conservatoirement - bénéficie de cette voie de recours.

Section II - CONDITIONS DE RECEVABILITE

343. Le tiers opposant doit n'avoir été ni partie, ni représenté, ni être intervenu en la

même qualité, devant le juge qui a prononcé la décision dont il demande la rétrac-

tation.

La simple connaissance de l'existence du litige ne constitue évidemment pas une

cause d'irrecevabilité du recours.

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344. Le tiers doit être préjudicié par la décision, il doit avoir intérêt à ce qu'elle soit

anéantie : il faut, mais il suffit, qu'un préjudice puisse résulter pour lui de la décision en

question.

345. L'article 1122 du Code judiciaire, au texte duquel il est renvoyé, énumère de

manière limitative ceux qui, sauf fraude ou parfois existence d'un droit propre, sont liés

par ce que les parties ont fait et ne peuvent, partant, exercer la tierce opposition.

Section III - DECISIONS SUSCEPTIBLES DE TIERCE OPPOSITION

346. La tierce opposition est ouverte contre toutes les décisions, même provisoires

ou conservatoires.

Seuls les arrêts de la Cour de cassation y échappent (article 1123 du Code judiciaire).

Section IV - CARACTERE FACULTATIF

347. La tierce opposition est facultative en ce sens que la personne intéressée à

former le recours conserve tous ses autres droits, actions et exceptions, si elle ne

l'exerce pas.

Cela signifie que le tiers n'est pas obligé de l'intenter à l'égard d'une décision dont il

s'aperçoit qu'elle préjudicie à ses droits. Si celle-ci lui est opposée, il pourra

néanmoins la combattre par des moyens indépendants116.

116 Cass., 16 octobre 1981, Pas., 1982, I, 245.

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Section V - PROCEDURE

348. La tierce opposition est principale ou incidente.

La tierce opposition principale est introduite par "une citation donnée à toutes les

parties devant le juge qui a rendu la décision attaquée" (article 1125, alinéa 1er, du

Code judiciaire).

La tierce opposition incidente est formée par conclusions prises devant le juge saisi

d'une contestation, s’il est de rang égal ou supérieur à celui qui a rendu la décision

attaquée, "pour autant que toutes les parties en présence lors de celle-ci soient en

cause" (article 1125, alinéa 2, du Code judiciaire).

Ce dernier cas suppose donc un litige auquel le tiers à la première décision fait partie,

litige au cours duquel celle-ci lui est opposée. La juridiction saisie de la deuxième

contestation doit être d'un rang égal ou supérieur à celle qui avait été saisie de la

première, pour éviter qu'un juge de première instance ne puisse rétracter une décision

rendue en appel.

349. Si le tiers décide d'introduire son recours par voie d'action principale - c'est-à-

dire d'en faire une instance distincte de celle au cours de laquelle la décision qui

préjudicie à ses droits est produite - , le juge saisi de cette dernière contestation peut

surseoir à statuer (article 1126 du Code judiciaire).

Il peut aussi passer outre et statuer sans attendre que la tierce opposition soit vidée.

En cas de recours incident, le tribunal apprécie s'il convient de statuer par un seul

jugement sur l'ensemble des litiges, ou si l'intérêt d'une bonne justice requiert de juger

la demande initiale sans attendre que la tierce opposition ne soit en état d'être

jugée117.

117 Voy. pour un exemple, Bruxelles, 27 octobre 1998, A.J.T., 1998-99, p. 1073.

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Section VI - DELAI

350. La tierce opposition se prescrit par 30 ans. Elle peut être formée aussi

longtemps que le droit d'exécuter le jugement litigieux n'est pas prescrit (article 1128

du Code judiciaire).

351. Lorsque le jugement a été signifié au tiers, il ne dispose plus que de trois mois à

dater de cette formalité pour introduire son recours.

352. Le délai n'est que d'un mois lorsque le recours est dirigé contre une ordonnance

sur requête unilatérale (article 1034 du Code judiciaire).

Section VII - EFFETS DE LA TIERCE OPPOSITION

353. La juridiction qui accueille la tierce opposition rétracte en tout ou en partie la

décision attaquée à l'égard du tiers seulement. L'effet du recours est donc relatif. Le

jugement attaqué subsiste entre les parties à l'instance initiale. Il n'en est autrement

qu'en cas d'indivisibilité (article 1130, alinéa 2, du Code judiciaire).

La question de savoir si la tierce opposition a un effet dévolutif est controversée.

354. La tierce opposition comme on l'a vu a un effet suspensif facultatif : le juge

devant lequel la décision attaquée par la tierce opposition est produite peut surseoir,

mais il peut passer outre.

Toutefois, lorsque le titulaire du droit consacré par le jugement litigieux en poursuit

exécution, le juge des saisies, sur citation du tiers opposant, peut suspendre à titre

provisoire, en tout ou en partie, l'exécution de la décision attaquée (article 1127).

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Section VIII - VOIES DE RECOURS

355. Les voies de recours peuvent être exercées contre la décision rendue sur la

tierce opposition, l'appel excepté si la décision attaquée a été rendue elle-même en

degré d'appel (article 1131 du Code judiciaire).

Lorsque la décision a été rendue en dernier ressort, seul le pourvoi en cassation sera

recevable.

CHAPITRE VI - LA REQUÊTE CIVILE

Section I - NOTION

356. La requête civile est une voie de recours extraordinaire, octroyée aux parties et

à leurs ayants cause pour solliciter la rétractation d'une décision passée en force de

chose jugée, que la partie demanderesse prétend avoir été rendue par erreur (article

1132 du Code judiciaire)118.

Elle est ouverte pour un certain nombre de causes, limitativement déterminées par

l'article 1133 du Code judiciaire, dont la philosophie générale est qu'elles reposent sur

une erreur de fait, non imputable au juge et découverte postérieurement au prononcé

de la décision119.

La requête civile est portée devant la juridiction qui a prononcé la décision attaquée : il

s'agit d'un cas de compétence exclusive120.

118 Cass., 26 mai 1995, Pas., I, 541; Cass., 12 novembre 1980, Pas., 1981, I, 311; Cass., 16 mai

1974, Pas., I, 961.

119

Cass., 17 février 1981, Pas., I, 668.

120

Cass., 28 juin 1978, Pas., I, 1233.

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Section II - DECISIONS SUSCEPTIBLES DE REQUETE CIVILE

357. Toutes les décisions qui sont rendues par les juridictions civiles, et par les

juridictions répressives pour autant qu'elles ont statué sur les intérêts civils sont

susceptibles d'être attaquées par la voie de la requête civile, à la condition qu'elles

soient coulées en force de chose jugée.

Peu importe par contre que la décision soit encore susceptible de pourvoi.

Section III - CAUSES DE REQUETE CIVILE

358. Ce sont :

1 le dol personnel de la partie (adverse).

Il s'agit des manoeuvres frauduleuses pratiquées en vue d'obtenir une décision

favorable en trompant le juge.

Elle doivent être le fait de la partie, de son mandataire, de personnes dont elle

répond, ou d'un tiers complice et avoir déterminé le juge à statuer comme il l’a

fait.

Le dol personnel de la partie peut, par exemple, résulter de conclusions

mensongères prises par son avocat, si celui-ci n'a pas été désavoué. On

rappelle en effet que l'avocat, étant le mandataire de son client, est censé ne

reproduire dans ses conclusions que les propres arguments de celui-ci.

2 La rétention, par une partie, de pièces décisives recouvrées après la décision.

Il faut que la rétention soit le fait de la partie qui gagne le procès et, selon la

doctrine récente, il suffit que la rétention ait été involontaire, pour autant que la

pièce ait eu une influence décisive sur la décision du juge.

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3 L'incompatibilité des décisions rendues sur le même objet et sur la même

cause, entre les mêmes parties, agissant en même qualité.

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4 Lorsqu'il a été jugé sur pièces, témoignages, rapport d'expert ou serment

reconnus ou déclarés faux depuis la décision.

Il faut donc que trois conditions soient réunies :

- que les éléments de preuve faux aient motivé le jugement;

- que ces éléments de preuves aient été reconnus ou déclarés faux;

- que l'établissement du caractère faux ait eu lieu après le jugement.

L'extension aux faux serment, faux témoignage ou fausse déclaration d'expert

résulte des travaux préparatoires.

5 Le cas où la décision est fondée sur un jugement ou arrêt rendu en matière

répressive qui a ensuite été annulé.

6 Le cas où la décision est fondée sur un acte de procédure accompli au nom

d'une personne sans qu'elle ait, soit donné mandat exprès ou tacite à cette fin,

soit ratifié ou confirmé ce qui a été fait.

La possibilité d'introduire une requête civile dans cette hypothèse ajoute donc à

la possibilité de désavouer le mandataire.

La procédure de désaveu ne permet d'obtenir que l'annulation des actes de

procédure accomplis sans mandat (article 848 du Code judiciaire), tandis que la

requête civile permet d'obtenir l'annulation du jugement rendu dans le même

cas.

Lorsque la requête civile est fondée sur cette base, le mandataire désavoué doit

être mis en cause.

359. Remarque

L'article 1138 du Code judiciaire précise qu'une série d'hypothèses ne donnent pas

lieu à une requête civile mais seulement à pourvoi en cassation pour contravention à

la loi.

Cette disposition provient de ce qu'auparavant la confusion entre les causes de

requête civile et celles de pourvoi était très fréquente.

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Section IV - FORME ET DELAI

360. Comme elle remet en cause la chose jugée, la requête civile est organisée avec

circonspection par le Code judiciaire.

A peine de nullité, la requête doit être signée par trois avocats dont deux au moins

sont inscrits depuis plus de 20 ans au barreau et doit contenir tous les moyens du

requérant.

Elle est signifiée avec citation à comparaître dans les formes et délais ordinaires

devant la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

A peine de déchéance, la requête civile doit être formée dans les six mois, à partir de

la découverte de la cause invoquée (article 1136 du Code judiciaire) mais non de la

connaissance du fait dont la preuve, obtenue plus tard, a permis cette découverte121.

Section V - EFFETS DE LA REQUETE CIVILE

361. La requête civile n'a pas d'effet suspensif puisqu'il s'agit d'une voie de recours

extraordinaire (article 1137 du Code judiciaire).

La requête civile, comme la tierce opposition, est une voie de rétractation : la décision

est annulée à l'égard de la partie préjudiciée, dans la mesure où la requête civile est

accueillie.

La requête civile a un effet dévolutif en ce sens que si elle est recevable et fondée, le

juge sera à nouveau saisi du fond du litige.

121 Cass., 24 juin 1999, J.T., 1999, p. 660.

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Section VI - CARACTERES DES DECISIONS RENDUES SUR LA

REQUETE CIVILE

362. La décision rendue sur la requête civile est susceptible d’appel sauf lorsque la

requête civile est formée contre une décision qui n’est pas susceptible d’appel122.

Les décisions rendues en matière de requête civile sont opposables à toutes les

parties en cause.

CHAPITRE VII - LA PRISE A PARTIE

363. La prise à partie est une action en responsabilité civile contre les magistrats,

ouverte dans les cas limitativement énoncés par l'article 1140 du Code judiciaire, qui

sont les suivants :

1 S'ils se sont rendus coupables de dol ou de fraude123, soit dans le cours de

l'instruction soit lors des jugements;

2 Si la prise à partie est expressément prononcée par la loi;

3 Si la loi déclare les juges responsables à peine de dommages et intérêts;

4 S'il y a déni de justice124.

Cette procédure, qui implique l'intervention d'un avocat à la Cour de cassation, est

régie par les articles 1142 à 1147 du Code judiciaire, au texte desquels il est renvoyé.

122 Cass., 14 décembre 1992, Pas., I, 1377; Cass., 24 mai 1991, Pas., I, 837.

123

Sur ces notions, voy. Cass., 27 mars 1998, Pas., I, 410.

124

Voy. Cass., 18 janvier 1985, Pas., I, 575.

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TITRE VI. DE L’ASTREINTE

Section I - NOTION

364. Les articles 1385bis à 1385nonies du Code judiciaire, introduits dans celui-ci

par la loi du 31 janvier 1980, ont légalisé l'astreinte.

Il ne s'agit pas d'une modalité de l'exécution forcée, mais d'un moyen de pression

destiné à contraindre le débiteur - à l'exception, précisément, du débiteur d'une

somme d'argent - à exécuter promptement une décision judiciaire. L'astreinte est la

condamnation accessoire d'une partie à payer à la demande d'une autre partie une

somme d'argent fixée par le juge, dans la mesure où la condamnation principale ne

serait pas exécutée avant le moment où l'astreinte est encourue.

L'astreinte n'est pas une forme de dommages et intérêts destinés à réparer un

préjudice. Elle peut au contraire se cumuler avec ces derniers (article 1385bis du

Code judiciaire), car c'est une peine civile qui tend à assurer l'exécution de la

condamnation principale.

Section II - CONDITIONS D’OCTROI DE L’ASTREINTE

365. L'astreinte ne peut être prononcée que si elle a été demandée (article

1385bis du Code judiciaire), mais il appartient au juge d'en fixer librement le montant

et les modalités, ces dernières consistant généralement soit en la condamnation au

paiement d'une somme unique, soit à celui d'une somme déterminée par unité de

temps ou par contravention à l'injonction du magistrat, selon les cas (article 1385ter du

Code judiciaire).

Ainsi, une énorme astreinte pourra-t-elle être dissuasive de la commission d'un acte

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déterminé, tandis qu'une astreinte plus modique mais répétitive sera-t-elle dans

d'autres cas plus appropriée.

Le juge peut aussi déterminer un montant au-delà duquel la condamnation aux

astreintes cessera ses effets.

Section III - CHAMP D’APPLICATION DE L’ASTREINTE

366. En vertu de l’article 1385bis du Code judiciaire, l'astreinte est exclue dans deux

domaines importants : le paiement de sommes d'argent (seules les saisies sont

applicables) et les actions en exécution de contrat de travail.

Pour le reste, l'astreinte peut assortir n'importe quel type de condamnation, notamment

en matière de droit de la famille (par exemple, un droit de visite) ou encore toute

obligation de faire (à cet égard il faut, par exemple, distinguer l'obligation de payer une

somme d'argent et celle de constituer un dépôt de somme d'argent, telle une garantie

locative) et de ne pas faire.

Section IV - RECOUVREMENT DE L’ASTREINTE

367. L'astreinte, une fois encoure, est intégralement acquise à la partie qui a obtenu

la condamnation. Elle est directement recouvrée par l'huissier instrumentant, par les

voies d'exécution ordinaires, en vertu du titre qui la prévoit (article 1385quater du Code

judiciaire) sans qu’une nouvelle décision judiciaire ne soit nécessaire125.

125 Cass., 26 juin 1987, Pas., I, 1328.

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Pour qu'elle soit due, il faut et il suffit que le jugement qui l'a prononcée ait été signifié

et que la condamnation principale n'ait pas été exécutée volontairement (article

1385bis, alinéa 3, du Code judiciaire). L’astreinte ne peut être encourue avant la

signification du jugement qui l’a prononcée. En outre, le juge peut accorder au

condamné un délai pendant lequel l’astreinte ne peut être encourue.

Section V - REVISION DE L’ASTREINTE

368. L’astreinte a un caractère définitif en ce sens que toute procédure de liquidation

est exclue. Certaines circonstances peuvent néanmoins survenir qui sont de nature à

se répercuter directement sur le cours futur de l’astreinte.

Il s’agit :

- de la faillite du débiteur condamné sous peine d’astreinte (article 1385sexies du

Code judiciaire);

- du décès du débiteur condamné sous astreinte (article 1385septies du Code

judiciaire);

- de l’impossibilité définitive ou temporaire, totale ou partielle, de satisfaire à la

condamnation principale (article 1385quinquies du Code judiciaire).

Section VI - PRESCRIPTION DE L’ASTREINTE

369. Pour éviter qu'un créancier laisse s'accumuler des astreintes, l'article

1385octies du Code judiciaire limite la prescription de la créance d'astreinte à six mois.

Le délai court à partir du jour où l'astreinte est encourue.

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TABLE DES MATIERES

TITRE I. L’INSTANCE ........................................................................................................................ 4

CHAPITRE I - L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE ............................................................ 5 Section I - Principe : Introduction par citation .................................................................. 5 Section II - Autres modes d’introduction de l’instance ...................................................... 8 Section III - La conciliation .............................................................................................. 12 Section IV - La mise au rôle et le dossier de la procédure .............................................. 14 Section V - La comparution et la représentation des parties .......................................... 17 Section VI - L’audience d’introduction ............................................................................. 18

CHAPITRE II - L'INSTRUCTION CONTRADICTOIRE ........................................................ 21 Section I - La communication des pièces ..................................................................... 21 Section II - Les conclusions ........................................................................................... 23 Section III - La procédure écrite...................................................................................... 29 Section IV - L’audience de plaidoiries ............................................................................. 29 Section V - Réouverture des débats .............................................................................. 30 Section VI - Communication au ministère public ............................................................. 33

CHAPITRE III - L'INSTRUCTION ET LE JUGEMENT PAR DÉFAUT ................................. 36 Section I - Introduction générale ................................................................................... 36 Section II - La procédure par défaut .............................................................................. 38 Section III - L’instruction par défaut - Les pouvoirs du juge statuant par défaut ............. 43

CHAPITRE IV - LA PROCÉDURE SUR REQUÊTE UNILATÉRALE .................................. 45 Section I - Notion .......................................................................................................... 45 Section II - Forme et dépôt de la requête ...................................................................... 45 Section III - Instruction de la demande ........................................................................... 46 Section IV - Décision rendue sur requête ........................................................................ 46 Section V - Recours ....................................................................................................... 47

CHAPITRE V - LE JUGEMENT ........................................................................................... 48 Section I - Contenu ....................................................................................................... 48 Section II - Interprétation et rectification du jugement .................................................... 51 Section III - Effets des jugements ................................................................................... 53

TITRE II. LES INCIDENTS ................................................................................................................. 57

CHAPITRE I - LES DEMANDES INCIDENTES .................................................................. 57

CHAPITRE II - LA REPRISE D'INSTANCE ........................................................................ 57 Section I - L’interruption de l’instance ........................................................................... 57 Section II - Effets de l’interruption de l’instance ............................................................. 58

CHAPITRE III - LE DÉSISTEMENT ..................................................................................... 60 Section I - Généralités .................................................................................................. 60 Section II - Le désistement d'un acte de procédure et le désistement d'instance ........... 61 Section III - Le désistement d'action ............................................................................... 63

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CHAPITRE IV - LA RÉCUSATION ET LE DESSAISISSEMENT ........................................ 64 Section I - Notions - Distinctions ................................................................................... 64 Section II - Le dessaississement en matiere civile ......................................................... 65 Section III - La récusation ............................................................................................... 67

CHAPITRE V - LE DÉSAVEU ............................................................................................. 70

CHAPITRE VI - LES EXCEPTIONS .................................................................................... 71 Section I - Les exceptions dilatoires ............................................................................. 71 Section II - Les exceptions péremptoires ....................................................................... 72

TITRE III. LES PREUVES ................................................................................................................... 79

CHAPITRE I - DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES .............................................................. 79 Section I - Introduction ................................................................................................. 79 Section II - Règles gouvernant la charge de la preuve et la réception des preuves en justice ......................................................................................................... 79 Section III - Modes de preuve prévus par le Code judiciaire ........................................... 81 Section IV - Caractéristiques communes aux procédures de réception des preuves ..... 81

CHAPITRE II - LES MESURES D’INSTRUCTION .............................................................. 82 Section I - La production de documents ....................................................................... 82 Section II - La vérification d’écriture ............................................................................... 84 Section III - Le faux civil ................................................................................................. 84 Section IV - L’enquête .................................................................................................... 85 Section V - L'expertise ................................................................................................... 94 Section VI - L'interrogatoire des parties ........................................................................ 101 Section VII - Le serment ................................................................................................ 103 Section VIII - La descente sur les lieux ........................................................................... 104 Section IX - Le constat d’adultère par huissier de justice .............................................. 106

TITRE IV. LES FRAIS ET LES DÉPENS .......................................................................................... 108 Section I - Généralités ................................................................................................ 108 Section II - Enumération des dépens ........................................................................... 109 Section III - L’indemnité de procédure .......................................................................... 110

TITRE V. DES VOIES DE RECOURS ............................................................................................. 115

CHAPITRE I - DISPOSITIONS GÉNÉRALES .................................................................. 115 Section I - Définitions ................................................................................................. 115 Section II - Délais ........................................................................................................ 115 Section III - Décisions susceptibles de recours ............................................................. 116 Section IV - Divers ........................................................................................................ 118

CHAPITRE II - L'OPPOSITION ......................................................................................... 119 Section I - Notion ........................................................................................................ 119 Section II - Formes ...................................................................................................... 119 Section III - Motivation .................................................................................................. 120 Section IV - Délai .......................................................................................................... 120 Section V - "Opposition sur opposition ne vaut" ........................................................... 121 Section VI - Effets ......................................................................................................... 121

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CHAPITRE III - L'APPEL .................................................................................................. 122 Section I - Notions ...................................................................................................... 122 Section II - Décisions susceptibles d’appel .................................................................. 125 Section III - Délai et formes de l’appel .......................................................................... 125 Section IV - Procédure en degré d’appel ...................................................................... 129 Section V - L’appel incident ......................................................................................... 130 Section VI - Effets de l’appel ......................................................................................... 136 Section VII - Appel d’une procédure sur requête unilatérale .......................................... 143 Section VIII - Appel dans la procédure de référé ............................................................. 143

CHAPITRE IV - LE POURVOI EN CASSATION.............................................................. 144 Section I - Généralités ................................................................................................ 144 Section II - Décisions susceptibles de pourvoi en cassation ........................................ 145 Section III - Parties à l’instance .................................................................................... 145 Section IV - Délai .......................................................................................................... 146 Section V - Effets du pourvoi en cassation ................................................................... 147 Section VI - La procédure ............................................................................................. 148 Section VII - Effets des arrêts de la Cour de cassation .................................................. 150

CHAPITRE V - LA TIERCE OPPOSITION ........................................................................ 152 Section I - Notion ........................................................................................................ 152 Section II - Conditions de recevabilité.......................................................................... 152 Section III - Décisions susceptibles de tierce opposition ............................................... 153 Section IV - Caractère facultatif .................................................................................... 153 Section V - Procédure .................................................................................................. 154 Section VI - Délai .......................................................................................................... 155 Section VII - Effets de la tierce opposition ...................................................................... 155 Section VIII - Voies de recours ....................................................................................... 156

CHAPITRE VI - LA REQUÊTE CIVILE .............................................................................. 156 Section I - Notion ........................................................................................................ 156 Section II - Décisions susceptibles de requête civile .................................................... 157 Section III - Causes de requête civile ........................................................................... 157 Section IV - Forme et délai ........................................................................................... 160 Section V - Effets de la requête civile........................................................................... 160 Section VI - Caractères des décisions rendues sur la requête civile ............................. 161

CHAPITRE VII - LA PRISE A PARTIE .............................................................................. 161

TITRE VI. DE L’ASTREINTE ........................................................................................................... 162 Section I - Notion ........................................................................................................ 162 Section II - Conditions d’octroi de l’astreinte ................................................................ 162 Section III - Champ d’application de l’astreinte ............................................................. 163 Section IV - Recouvrement de l’astreinte ...................................................................... 163 Section V - Révision de l’astreinte ............................................................................... 164 Section VI - Prescription de l’astreinte .......................................................................... 164