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Archipel N° 71 C omment se ressourcer, quand le grand âge ne permet plus d’investir comme avant, les espaces culturels ? A cette question, posée lors de la soirée d’hiver autour de l’art, comme ressourcement, Jacqueline avait répondu qu’elle se ressourçait, aujourd’hui, dans la contemplation d’œuvres acquises tout au long de son existence. Conscient de la richesse d’un savoir être singulier, un membre du Comité de Rédaction d’Archipel a souhaité poursuivre cet échange. Il allait ainsi puiser, à la source d’une vie bien remplie, les réponses à ce questionnement. Et celles-ci ne résidaient pas dans la belle longère du pays drouais, où le visiteur est chaleureusement accueilli, mais dans un esprit, habité par le Beau. Car, à 91 ans, contemplation et voyage intérieur continuent de nourrir Jacqueline, plus orientée que jamais vers ces ressources mentales, nécessaires au bien vivre, mais aussi au bien mourir. Guidé de pièce en pièce, pour admirer ces œuvres d’art, dont la présence s’enrichit d’anecdotes passionnantes, le visiteur s’intéresse bientôt à ces autres sources de bien être que furent le voyage et la méditation. Sans doute fallait-il avoir beaucoup pratiqué celle-ci, pour cultiver cet art du détachement qui permet d’évoquer aussi sereinement le vivre et le mourir… Jacqueline : Mon plaisir aujourd’hui, c’est contempler les œuvres d’art. J’en ai plus d’une cinquantaine que j’ai acquises, chaque fois sur un coup de cœur. Elles sont l’œuvre d’artistes connus et d’autres moins connus (et là Jacqueline insiste), c’est toujours sur mes fonds propres et en travaillant, que j’ai pu financer mon choix. Mais il y avait déjà des tableaux dans la famille, dont ceux de ma belle-mère, qui était peintre. Quand on ne peut plus investir comme avant les espaces culturels, contemplation et voyage intérieur favorisent les ressources mentales qui permettent d’appréhender sereinement le grand âge. Jacqueline témoigne ici d’un souhait autour du « bien mourir », inscrit dans ses directives anticipées… Tressage de Guy Haudouin

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Archipel N° 71

C omment se ressourcer, quand le grand âge ne

permet plus d’investir comme avant, les

espaces culturels ? A cette question, posée lors de la

soirée d’hiver autour de l’art, comme

ressourcement, Jacqueline avait répondu qu’elle se

ressourçait, aujourd’hui, dans la contemplation

d’œuvres acquises tout au long de son existence.

Conscient de la richesse d’un savoir être

singulier, un membre du Comité de Rédaction

d’Archipel a souhaité poursuivre cet échange. Il

allait ainsi puiser, à la source d’une vie bien

remplie, les réponses à ce

questionnement. Et celles-ci

ne résidaient pas dans la

belle longère du pays

drouais, où le visiteur est

chaleureusement accueilli,

mais dans un esprit, habité

par le Beau. Car, à 91 ans,

contemplation et voyage

intérieur continuent de

nourrir Jacqueline, plus

orientée que jamais vers

ces ressources mentales,

nécessaires au bien vivre,

mais aussi au bien mourir.

Guidé de pièce en pièce,

pour admirer ces œuvres

d’art, dont la présence s’enrichit d’anecdotes

passionnantes, le visiteur s’intéresse bientôt à ces

autres sources de bien être que furent le voyage

et la méditation. Sans doute fallait-il avoir

beaucoup pratiqué celle-ci, pour cultiver cet art

du détachement qui permet d’évoquer aussi

sereinement le vivre et le mourir…

Jacqueline : Mon plaisir aujourd’hui,

c’est contempler les œuvres d’art. J’en ai plus

d’une cinquantaine que j’ai acquises, chaque

fois sur un coup de

cœur. Elles sont

l’œuvre d’artistes

connus et d’autres

moins connus (et là

Jacqueline insiste),

c’est toujours sur mes

fonds propres et en

travaillant, que j’ai pu

financer mon choix.

Mais il y avait déjà

des tableaux dans la

famille, dont ceux de

ma belle-mère, qui

était peintre.

Quand on ne peut plus investir comme avant les espaces

culturels, contemplation et voyage intérieur favorisent les ressources

mentales qui permettent d’appréhender sereinement le grand âge.

Jacqueline témoigne ici d’un souhait autour du « bien mourir »,

inscrit dans ses directives anticipées…

Tressage de Guy Haudouin

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Tu es entourée de photos et de souvenirs de

voyages. Dirais-tu que le voyage te ressourçait ?

- Oui, j’ai beaucoup voyagé. J’ai découvert

la montagne tardivement, en France d’abord,

puis j’ai voulu faire des

marches plus longues. Il n’y

avait qu’en Himalaya qu’on

trouvait des porteurs, à

l’époque. Je travaillais

encore et je suis partie en

Himalaya, trois années de

suite, pendant mes vacances,

pour faire de longues

marches. Je suis montée à

5500 m, au Zanskar. On

avait emporté de l’oxygène

dont on ne s’est pas servi.

Ces marches en haute

montagne, dans le silence,

modifient, profondément et

durablement, l’état de l’esprit, qui est comme

décanté.

Les objets dédiés à la méditation sont aussi

très présents. Méditer nous aiderait-il à vivre et à

mourir en « pleine conscience » ?

- Tout dépend de ce qu’on appelle

« méditer ». Certains disent qu’il faut un sujet de

méditation. Moi, j’essaie au contraire de me

débarrasser de tout sujet, de toutes pensées

accessoires, pour atteindre un état de conscience

différent, là où il n’y a pas de pensée. Alors, on

est bien, on a du mal à décrocher et à revenir sur

terre, du reste. Il n’y a plus qu’un grand calme,

mais pour atteindre ce calme là, il faut être guidé.

J’ai pratiqué le Raja Yoga, un yoga du mental.

Travailler sur le mental, c’est apprendre à

maîtriser un certain nombre de choses : faire

circuler l’énergie, pratiquer la visualisation…

Moi je ne visualise pas bien les couleurs, mais il

suffit d’y penser pour que l’effet bénéfique soit

là. J’ai donc suivi ses cours qui conduisent à un

état méditatif, mais il y avait d’abord à faire tout

un travail de purification des différents circuits,

canaux ou des différents méridiens. On travaillait

longtemps aussi sur la respiration, pour se mettre

en état de réceptivité et petit à petit éliminer les

pensées qui nous traversent en permanence. Il y a

un mot que j’aime bien, un mot sanskrit :

« Vrriti » ; il rend bien toutes ces petites pensées

qui nous encombrent. Je fais cela tous les soirs en

m’endormant, parce que c’est souvent le soir,

quand on est couché, que les pensées nous

envahissent, et en

général, ce sont des

pensées négatives. On

peut les transformer en

quelque chose de positif

mais surtout les

éliminer, pour atteindre

un calme mental. En

méditation, on découvre

en partie le potentiel du

cerveau, qui nous est

inconnu. J’ai aussi

beaucoup travaillé sur

les énergies avec ce

professeur […]

(Jacqueline donne alors

un exemple des différentes techniques de

visualisation et du travail autour de l’énergie.

J’essaie de traduire dans ma langue

d’occidentale, ce terme de « chakra » qu’elle

utilise.)

- Les chakras sont des centres d’énergie à

différents niveaux du corps. Il y en a un sur le

sommet du crâne, un à la racine du nez, un à la

gorge, au cœur, au ventre, au bas-ventre, au bas de

la colonne vertébrale. Chacun a des fonctions

différentes. L’énergie n’est pas visible, mais on

sait qu’elle existe, qu’elle nous alimente, sans

énergie on ne pourrait rien faire.

Est-ce que les acupuncteurs travaillent sur

ces chakras ou disons, ces centres d’énergie ?

- Les acupuncteurs travaillent sur des

méridiens. Je ne suis pas suffisamment

compétente pour en parler, mais je sais qu’en

Chine, la médecine utilise les méridiens dont se

LE DOSSIER

Nature morte de Edith Auffray

« C’est souvent le soir, quand on

est couché, que les pensées nous

envahissent, et en général, ce sont des

pensées négatives. On peut les

transformer en quelque chose de positif

mais surtout les éliminer, pour

atteindre un calme mental. »

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3 Archipel N° 71

LE DOSSIER

servent les acupuncteurs. On n’en trouvait pas

trace jusqu’à ce que la science et les machines

modernes trouvent et confirment la présence de

ces méridiens. Mais là c’est très technique et il

faudrait faire des recherches plus précises. Il faut

d’ailleurs se méfier en acupuncture, car ce n’est

pas neutre, de travailler sur l’énergie. On peut

toucher un centre d’énergie et faire des dégâts. Il

y a une énergie très forte qui est au bas du ventre

et que l’on appelle la Kundalinî¹. Quand on a

suffisamment travaillé, cette énergie peut monter,

et c’est tellement fort, que je crois même qu’on

peut en mourir, si certaines étapes ne sont pas

respectées.

Peux-tu lier cette méditation à du

ressourcement ou à une pratique spirituelle ?

- C’était pour moi une recherche

spirituelle, qui m’a conduit à un état de bien être.

J’ai travaillé pendant des années avec ce

professeur de Raja Yoga, avant de venir habiter

la région drouaise. Je n’ai jamais retrouvé un

enseignement semblable. J’ai suivi par la suite un

enseignement spirituel, complètement différent

mais qui ne faisait absolument pas appel aux

techniques corporelles.

Quand on parle de méditation de “pleine

conscience”, qu’entends-tu par

ces mots ? J’ai l’impression

que tu vis dans la pleine

conscience…

- Oui, j’essaie d’être

dans le ici et maintenant,

complètement, dans ce que je

fais. J’en avais parlé dans le

numéro sur la mémoire². Vivre dans le ici et

maintenant et ne pas se

projeter dans l’avenir ni se

retourner sans cesse sur le

passé.

Tu es dans le « bien

vivre », mais tu te prépares

aussi au « bien mourir ». Tu

m’as confié que tu t’étais sentie

très fatiguée, il y a un mois ou

deux. Tu as alors pensé que la

mort pouvait venir et tu t’es

mentalement préparée à vivre

ce moment.

- Oui, je m’étais dit : « c’est peut-être

comme ça que je mourrai, c’est peut-être le

moment ». Je ne sais pas du tout comment je

vivrai mes derniers moments. On ne peut pas

dire qu’on n’a pas peur de la mort, qu’on vivra

ce moment avec sérénité, moi je ne sais pas, peut

-être que mon corps se révoltera, peut-être que je

vivrai ça très mal, je ne sais pas. J’ai des

douleurs chroniques qui me rendent la vie assez

difficile, mais on n’en meurt pas. En dehors de

ça, j’ai une santé de fer. Peut-être que je vais

mourir de vieillesse. Maman est morte à 91 ans,

et c’est l’âge que j’ai en ce moment.

Est-ce quelque chose qui t’inquiète ?

- Non, mais je souhaite le vivre en pleine

conscience et ne pas être trop « dérangée » par

des attachements affectifs qui sont plutôt une

gêne pour le bien mourir. Je voudrais citer le

Dalaï-lama qui a quitté Dharamsala où il vivait

avec sa mère. Elle était sur le point de mourir. Il

l’a quittée pour ne pas la gêner dans ses derniers

moments. Son attachement affectif aurait pu la

retenir. Dans le bouddhisme, il y a des prières

d’accompagnement qui aident le mourant à se

détacher de tout ce qui le rattache à la vie. Ceci

dit, ce moment là reste

une inconnue.

Que penses-tu de

la demande sociétale de

« sédation profonde et

continue », inscrite dans

la nouvelle loi sur la fin

de vie ?

- Là, c’est

personnel. Je comprends

très bien qu’il y ait des

gens qui demandent une

sédation, mais moi je

veux mourir

consciemment, si

possible sans

souffrance, si l’on arrive

à trouver la juste dose

qui permet de ne pas

souffrir tout en restant

conscient. C’est cela

que je souhaiterais et

Torse épanoui ; buste de Denis Monfleur

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LE DOSSIER

que j’ai écrit dans mes directives anticipées. La

sédation pose problème. Y a-t-il des enquêtes sur

le vécu des personnes revenues d’une sédation

limitée ?

Tu vis seule, en pleine campagne, ne crains-tu

pas de mourir sans cet accompagnement dont tu

parlais ?

- Ça peut être angoissant, oui, c’est pour

cela que je dis que je ne sais pas. Peut-être qu’on

me retrouvera trois jours après, (rires) quand ma

femme de ménage viendra. Ma fille aînée vit ici

presque six mois par an. Elle va repartir, mais elle

me téléphone tous les jours, donc si je ne réponds

pas pendant trois jours, je peux penser qu’elle

s’inquiètera… Je suis abonnée à Présence verte

qui avertira mes voisins si j’ai émis un appel de

détresse.

Parlerais-tu de médecine à propos de la

méditation ? Dirais-tu qu’elle a des vertus

thérapeutiques ?

- Oui, on suit Mathieu Ricard qui se prête à

des programmes de recherche dans les

neurosciences, et avec lui, c’est sensationnel,

parce que c’est immédiat. On lui pose un casque

sur la tête avec des électrodes etc. et on voit les

modifications qu’apporte au cerveau, sa pratique

de méditation. Moi, je peux dire que sans même

me mettre dans cet état méditatif, mais

simplement le soir en pratiquant la respiration j’ai

un changement d’état de conscience. La

modification de la conscience est immédiate. J’ai

alors l’impression de ne presque plus respirer.

(Là, Jacqueline fait une démonstration de cette

technique autour de la visualisation apprise avec

son professeur de Raja Yoga. Il est question

d’écran frontal, et d’ouverture des différents

chakras…)

- En Amérique, les neurosciences s’intéressent

vraiment au pouvoir du mental, mais là, il faut

quand même se méfier. Il y a un risque

spiritualiste avec le new âge, c’est pour ça que

dans le bouddhisme, on dit qu’il faut un maître,

pour éviter les écueils, les fausses joies. Quand

on a atteint un certain niveau de

perfectionnement, l’acquisition de pouvoirs,

appelés Siddhis, est considérée comme un risque

d’écueil et de tentation très forte. Même des

grands maîtres peuvent être pris par la soif de

pouvoir. Certains de ces pouvoirs paraissent

inimaginables, comme ce don d’ubiquité, qui

permet de se retrouver à deux endroits différents

en même temps, ou la lévitation.

Mais ça c’est possible ou c’est du domaine

de la croyance, comme la réincarnation ?

- Je me pose la question… Par exemple,

dans le domaine musical, on voit des enfants

surdoués, qui, à trois ou quatre ans savent déjà

interpréter une œuvre. On se dit que ce n’est pas

possible. Il y a déjà tout un passé d’acquisitions

avant, mais je ne sais pas… C’est un mystère et

je laisse la porte ouverte… Peut-être qu’on saura

quand on sera de l’autre côté… (Un ange

passe…accompagné d’un long silence

méditatif ! ) Il y a des gens qui disent

communiquer avec les morts, et là encore c’est

un mystère. On dit que ces morts sont

prisonniers dans le bas astral, que leur âme n’a

pas pu atteindre un certain niveau de

perfectionnement, et qu’ils restent attachés au

terrestre.

Pour nous, occidentaux enclins au

scepticisme, ce que tu dis est incroyable !

- Et pourtant, c’est l’occident qui a inventé

le purgatoire ! On parle bien du paradis, d’un au

-delà… Est-ce que le purgatoire correspond au

bas astral du monde oriental ? (Un ange

repasse… !)

Ce ne serait donc pas très différent pour les

occidentaux et les orientaux ?

- Je n’ai pas approfondi le sujet, mais la

philosophie bouddhiste est compatible avec

n’importe quelle religion. C’est une attitude de

distance qui consiste à se débarrasser de tout ce

qui peut nous embarrasser, nous gêner, nous

tirer vers le bas. Il y a encombrement. Moi-

même je suis prisonnière. Je regarde quelquefois

« Je ne sais pas du tout comment je

vivrai mes derniers moments. Peut-

être que mon corps se révoltera […] Peut-

être que je vais mourir de vieillesse.

Maman est morte à 91 ans, et c’est l’âge

que j’ai en ce moment. »

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LE DOSSIER

les actualités, mais il faudrait que j’évite. C’est

pour ça que je n’ai pas Internet. Je n’envoie pas

de SMS, je trouve que ça fait trop de

communications inutiles. Je me contente de

garder l’esprit ouvert sur le monde actuel… Des

centres d’intérêt tu peux en trouver partout. Plus

jeune, le travail intellectuel me ressourçait. Je

lisais énormément et voulais étudier, mais mon

père a été prisonnier de guerre et ma mère a eu

un accident de voiture. Elle ne pouvait plus

travailler. Je devais alors entrer en hypokhâgne³ mais j’ai dû arrêter mes études

pour travailler. C’est un

manque, mais j’ai pu profiter

d’une pré-retraite, pendant 7

ans. Grâce au contrat de

solidarité, je me suis inscrite à

l’École Pratique des Hautes

Études, sections Religions.

Cours passionnants, avec de

grands maîtres dont Antoine

Faivre, historien de

l’ésotérisme occidental, qui

connaissait bien la littérature

allemande, et plus

spécialement Maître Eckhart.

L’ésotérisme est une

connaissance opérative qui

trouve sa source à l’intérieur

(du grec eso) de soi. J’ai donc

suivi cette filière qui

correspondait à mes

aspirations.

Devenir bénévole accompagnant à Jalmalv

nécessite des qualités d’être, proches de cette

« pleine attention » à l’autre. Savoir se poser, être

là, à l’écoute d’une parole ou d’un silence, n’est-ce

pas faire l’expérience du calme, de cet apaisement

intérieur, recherché dans la méditation ?

- Après l’École Pratique des Hautes

Études, j’ai suivi un enseignement spirituel (celui

qui enseignait est mort il y a quelques années).

On travaillait beaucoup avec les lettres

hébraïques, c’est pour cela que parfois je pense

aux vies antérieures, car là encore c’est un

mystère : pourquoi me suis-je sentie dans un

domaine connu, avec ces lettres hébraïques qui

sont d’une richesse incroyable ? Chaque lettre a

un sens, elle veut dire quelque chose en elle-

même. Dans un mot, la combinaison du sens des

lettres ajoutée à leur numérologie, enrichit son

interprétation… Donc chaque fois que j’allais à

l’hôpital, je travaillais mentalement avec quatre

lettres qui me préparaient à l’attention à l’autre,

grâce à un reliement.

Quelles étaient ces lettres ?

- Beth Reysh Yod Tav ; B R Y T = alliance,

reliement ciel/terre ↕

A quoi pourrait-on comparer ce travail ?

- On pourrait peut-être

comparer cela à la

calligraphie chinoise, parce

que chaque lettre a aussi un

sens mais je ne l’ai pas

étudiée et je ne sais pas si la

calligraphie arabe offre aussi

cette possibilité

d’interprétation. Il y a des

modalités sans doute un peu

différentes mais ça peut

donner accès à des niveaux

supérieurs de conscience ou

de connaissance, comme

aussi la prière et la

méditation chrétiennes. Par

exemple, la peinture

d’icônes nécessite une

préparation spirituelle. Le

cerveau passe du rythme

bêta au rythme alpha.

Quand on est bénévole, peut-on faire

l’impasse d’une pratique favorisant le

ressourcement ou autrement dit le bien-être ?

- Je ne crois pas, parce que sinon, on s’use.

Pour éviter d’être trop impliqué affectivement, il

y a tout un travail à faire. Mais quand on a

« Je veux mourir consciemment, si

possible sans souffrance, […].

C’est cela que je souhaiterais et que

j’ai écrit dans mes directives

anticipées. La sédation pose problème.

Y a-t-il des enquêtes sur le vécu des

personnes revenues d’une sédation

limitée ? »

Buste de Agnès Bracquemond

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6 Archipel N° 71

LE DOSSIER

quelque chose à changer en soi, il n’y a que soi

qui peut le changer, les autres peuvent juste vous

aider à en prendre conscience.

Est-ce que tu dirais que le bénévolat te

ressourçait ?

- Oui, énormément. C’est difficile à dire

quand on voit beaucoup de gens en souffrance.

J’ai fait des accompagnements jusqu’à la mort.

Aux Eaux Vives, long séjour de l’hôpital de

Dreux, j’ai fait de longs accompagnements de fin

de vie, que j’avais élargis à des gens en

souffrance, soit par la solitude, soit par une

douleur qu’on n’arrivait pas à calmer, soit par la

perte d’un membre, d’un organe, d’une faculté…

En sortant, j’oubliais complètement ce que j’avais

pu dire : c’était la réponse adaptée au bon moment

et c’était chaque fois un regard neuf. Quand je

savais que j’avais eu l’attitude, ou le geste, ou le

mot juste, je ressentais une joie intérieure, un

calme intérieur. C’est comme ce sourire

intérieur que l’on a quand on change d’état de

conscience… On est en relation avec le Soi,

probablement, diraient les psys (rire !). Je ne

suis pas du tout calée en psychologie, je n’ai

même jamais tiré un enseignement de mes rêves,

même si je rêve beaucoup en ce moment.

C’est aussi ce que je fais. Donner du sens à

une image onirique, c’est quelque chose qui libère

cette énergie, dont parle Jung. Mais peut-on

parler de sens, sans parler de l’exigence

spirituelle dont il est porteur ?

- Je sais que Dominique définit le

spirituel, comme quelque chose qui a un sens,

qui donne du sens. Je crois que c’est pour cela,

que le sens est universel. Parfois tu as des

affinités de pensées avec un auteur, un

philosophe ou un poète, et tu ne sais pas d’où

elles viennent. Je pense qu’il y a une

universalité de l’esprit. J’ai eu un initiateur,

René Guénon , dont j’ai lu tous les livres. Je me

sentais en parfaite adéquation avec sa pensée.

On peut travailler sur sa propre énergie pour se

ressourcer, et on peut travailler pour les autres,

ce qui ressource aussi. J’ai une formule

rituelle que j’utilise, chaque fois que j’entends

parler d’un drame où de morts brutales, à la

télévision. Je l’utilise pour aider ces morts à

faire ce passage qui peut être difficile.

Cela demande une vraie conscience

universelle ! Pourrait-on faire un lien entre perte

de sens et besoin de ressourcement ?

- On a perdu beaucoup de valeurs. La

plupart des gens ne savent plus se ressourcer, ou

alors ils se ressourcent dans le matériel, dans

l’avoir, mais plus dans l’être. Chacun doit

trouver sa voie, son chemin. Il y a différents

chemins mais tous arrivent au même but. Moi

j’ai trouvé le mien avec les lettres hébraïques.

J’ai ressorti tous mes cahiers pour retravailler

sur ces lettres. Comme je ne vais plus à

l’hôpital, je peux faire un travail pour les autres,

un accompagnement par la pensée, et ça marche

bien. Le cerveau a des possibilités immenses qui

restent encore à découvrir. On peut travailler là-

dessus…

« Ces marches en haute montagne,

dans le silence, modifient,

profondément et durablement, l’état de

l’esprit, qui est comme décanté. »

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7 Archipel N° 71

LE DOSSIER

J ’ai toujours aimé peindre ou dessiner, attirée

par l’art en général. Voyant que j’avais

envie de crayonner, ma mère m’a offert mon

« premier » cahier de dessins où j’ai dessiné et

colorié aux feutres les personnages de mon

« premier » livre d’Astérix le Gaulois (Astérix,

Obélix, Falbala,...), j’avais 6 ans, je crois…

J’ai une préférence pour le figuratif, sous

plusieurs techniques soit à l’huile, acrylique,

pastel, fusain… A part le pinceau et le couteau,

j’aime travailler la matière avec les doigts,

guider la couleur…

Je peins pour le plaisir, peu importe si cela

plaît ou ne plaît pas ; je n’ai pas de prétention

en peinture. C’est une détente car il n’y a

aucune obligation. Je peins quand j’ai envie et

quand j’ai du temps (je travaille).

Dans une atmosphère détendue, parfois

musicale, être seule avec la créativité, s’évader

de ses soucis, se détacher du monde, quel

ressourcement, quelle thérapie… pour avancer

dans « un mieux-être ».

Sophie Derouin

Bénévole accompagnante

¹ Lire à ce sujet aux éditions Albin Michel, le beau livre de

C.G. Jung Les énergies de l’âme ; Séminaire sur le yoga de la

Kundalinî. « Ce livre, essentiel dans l’œuvre de Jung, nous

permet de comprendre pourquoi le fondateur de la

« psychologie des profondeurs » a établi sa notion d’un

archétype du « Soi » à partir des textes sacrés indiens. Il nous

introduit dans une énergétique de l’âme dont le besoin,

aujourd’hui, se fait de plus en plus ressentir. » Extrait de la

quatrième de couverture. ² Page 20 ,du numéro 70 Mémoire

et souvenirs. ³ Classe d’études littéraires préparant à l’entrée

à l’École Normale Supérieure. Référence faite ici à D.

Desmichelle, formateur des bénévoles. Né en 1886 et mort

en 1951, René Guénon est une « figure inclassable de

l’histoire intellectuelle du XXème siècle ».

Nous allons conclure avec une pensée

positive…

- Une pensée, je ne sais pas, mais parmi les

mots que l’on peut trouver dans différents

domaines, existentiel, musical, etc., j’aime bien ce

mot : harmonie. Il y a tellement, en ce moment, de

dysharmonies, de dysfonctionnements… Même la

maladie est un déséquilibre. Ce mot, harmonie, est

pour moi, très positif. Et si ce devait être une

image, ce serait un chemin de crête, car c’est un

chemin difficile à tenir, un chemin d’équilibre, de

tous les instants. Il est nécessaire, pour garder

l’équilibre, d’être dans le juste milieu, ni dans le

manque, ni dans l’excès, ni trop, ni trop peu. (Large

sourire de bien être…)

Propos recueillis par Nadia Saber

« Chaque fois que j’allais à l’hôpital, je

travaillais mentalement avec quatre

lettres qui me préparaient à l’attention à

l’autre, grâce à un reliement. »

Œuvre

de

So

phie

Der

ouin

B R Y T

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8 Archipel N° 71

LE DOSSIER

Diplômée de l’école de sophrologie caycédienne*,

Catherine Deroy est thérapeute à Chartres et à la maison

médicale de Saint Symphorien le château. Elle pratique la

sophrologie depuis plus de vingt ans.

Archipel : Vous êtes thérapeute, sophrologue

et sexothérapeute. Pouvez-vous pour nos lecteurs,

préciser votre formation professionnelle ?

Catherine Deroy : - Diplômée de l’école de

sophrologie caycédienne*, depuis plus de vingt

ans, je pratiquais déjà la sophrologie quand je

travaillais avec les enfants, dans un RASED¹, à

l’Éducation nationale. C’était alors un travail sur

le corps à partir d’exercices simples et ludiques

que je créais autour d’une comptine. Les résultats

étaient satisfaisants pour les enfants inhibés.

Je me suis formée à Indigo Formations, une

école de psychothérapies intégratives dirigée par

Alain Héril et me suis spécialisée en Gestalt

thérapie et sexothérapie. Depuis 2004, je suis

thérapeute à Chartres et à la maison médicale de

Saint Symphorien le château. Là,

je travaille en lien avec un

médecin qui souhaitait aussi du

paramédical pour ses patients. Je

reçois les enfants en difficulté

dans les apprentissages, les

adolescents « en crise », les

adultes et les couples. Je suis

également superviseure depuis

2013 (formation suivie à Indigo formation).

Pour préparer cette interview, je suis allée

voir votre site² et découvert entre autres que la

sophrologie permettrait de « s’offrir un temps de

pause… ». Peut-on faire un lien entre sophrologie

et ressourcement, autrement dit, avec le thème de

ce nouveau numéro d’Archipel : Se ressourcer ?

Pourquoi ? Comment ?

- Oui, bien sûr. La sophrologie offre un

temps de pause pour se ressourcer par la détente,

dans un état de conscience modifiée. J’ai vu

l’évolution en vingt ans. Au début les gens

n’avaient pas de projet. Ils venaient pour le bien

être, pour avoir un temps à soi. Il y a eu un

basculement ces dix dernières années où le

projet est devenu : « Apprenez-moi à gérer mon

stress. » La sophrologie a été

reconnue par la médecine et les

entreprises. Une fois par semaine,

j’ai deux groupes qui travaillent la

gestion du stress autour

d’exercices corporels, de

visualisation et de projection de

situations.

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9 Archipel N° 71

LE DOSSIER

Vous proposez aussi des stages intitulés :

« Être acteur, conscient au monde. ³» Pouvez-vous

nous dire ce qui a motivé cette proposition ?

- Il s’agissait d’offrir un temps de

ressourcement, loin du quotidien, pour apprendre

à mieux se connaître. Le fait de venir au Mont

Ventoux, de lâcher prise et de mettre à distance

son quotidien, c’est déjà un acte d’engagement, de

responsabilité. C’est cela « être acteur »,

s’engager, être responsable de ses choix, accepter

de perdre ses repères pour découvrir ses propres

ressources. On peut appréhender cet engagement,

c’est normal, car c’est du « nouveau ».

« Être conscient au monde », c’est s’inscrire

dans le monde, prendre sa place, tant sur le plan

familial que professionnel et social.

Comment se ressourcer ? questionne ce

numéro. Quels outils utilisez-vous pour favoriser

l’ancrage et l’enracinement dont il est question

dans les stages ?

- Je pratique un travail sur la conscience

corporelle. Quand je me déplace, je prends

conscience de Moi, de mon corps, circulant parmi

les autres. Je sens et je ressens la façon dont je

bouge. Je travaille aussi beaucoup sur la

responsabilité. Pour l’enracinement, je pratique la

technique de « l’homme debout ». (Catherine se

lève et me fait une démonstration. Je complète

ainsi ma propre formation à la communication

non verbale par ce langage autour de la marche.

Comment mieux s’ouvrir au monde en étant

debout, non pas la tête baissée et le regard rivé au

sol, mais au contraire en se redressant pour

élargir le regard, s’élever en quelque sorte ?)

J’ai également lu, sur votre site, le

témoignage de personnes ayant bénéficié du stage

« Être acteur, conscient au Monde ». J’ai retenu ces

premiers mots de Raphaël : « Vous avez besoin de

vous ressourcer ? de vous déconnecter de votre

quotidien ? Faites comme moi, jetez-vous à

l’eau… » Peut-on voir un lien entre ce besoin dont

il parle et l’état actuel de la société ?

- Oui, tout à fait. Les contraintes du

quotidien envahissent notre espace physique et

mental. Le burn-out, le surmenage, le mal être, le

stress, cette impression de manque de temps, tout

cela nécessite de couper avec le tourbillon du

quotidien, de prendre du recul et porter un

nouveau regard sur soi.

Il y a un véritable engouement aujourd’hui

pour la méditation et la “pleine conscience”. Que

peut-on comprendre par ces derniers mots ? Sont-

ils justes ?

- La pleine conscience, c’est la conscience

de l’instant : ce que je vois et ce que je sens. Ce

que je ressens, ce que j’entends, ce que je vis, ici

et maintenant, à l’instant T. Mon fil rouge, c’est

vraiment travailler sur plus de conscience de soi

pour développer la confiance en soi, l’estime de

soi, savoir s’aimer pour aimer.

Que penser de l’extension de cette discipline

dans de nombreuses directions, jusque dans les

entreprises ?

- Les entreprises font appel à la

sophrologie pour la gestion du stress, mais c’est

difficile pour un sophrologue de travailler dans

une entreprise qui reste fermée à des enjeux

autres que la rentabilité, l’efficacité. Il faut avoir

le vocabulaire de l’entreprise. Ce serait pourtant

nécessaire parce qu’il y a une énorme souffrance,

notamment dans les banques, à la Poste…

Alors qu’aux États-Unis, depuis Woody

Allen, le rapport au « psy » est banalisé, il est

encore difficile en France de reconnaître qu’on

peut avoir besoin d’une aide, d’un soutien autre

que médical. Serait-il aujourd’hui plus rassurant

de faire appel à un « coach » qu’à un « psy » ?

- Il faudrait un vrai travail de médiation

pour appeler « un chat, un chat », pouvoir faire

reconnaître le travail des psys, le vulgariser, car

il y a encore des personnes en souffrance qui ne

font pas appel à une aide psychologique, par

peur d’être « folles ». Faire appel à un psy c’est

aussi reconnaître une difficulté (passagère) dans

sa vie, oser demander de l’aide, et ainsi être

accompagné par un psy qui propose un nouveau

regard, un nouvel éclairage sur la situation.

Vous utilisez une méthode thérapeutique

appelée Gestalt. Quelle différence avec une

thérapie plus « classique » ?

« La sophrologie offre un temps de

pause pour se ressourcer par la

détente, dans un état de conscience

modifiée. »

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10 Archipel N° 71

LE DOSSIER

- La Gestalt répond à la question du

Comment ? Comment je fais avec mes émotions,

comment je les gère ? Le travail du thérapeute est

un véritable engagement. Le thérapeute gestaltiste

est présent, ici et maintenant, dans la relation à

son patient. Il accueille et ressent les émotions qui

émergent, il peut les verbaliser à travers son

ressenti, aider la personne à reconnaître ce qui

l’anime. C’est de l’engagement, c’est « oser aller

vers soi». On est attentif à la vie d’une émotion :

comment elle m’anime, comment elle circule,

comment elle m’agite… Les trois principales

émotions que sont la colère, la tristesse et la peur

nécessitent un accompagnement et du courage

pour les traverser.

Vous l’utilisez pour aider, entres autres, des

personnes touchées par le deuil. Comme vous le

savez, Jalmalv est une association de bénévoles

formés dans l’accompagnement des personnes en

fin de vie ou en deuil. Nos lecteurs seront donc

intéressés par votre expérience thérapeutique.

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette

spécificité qu’est la Gestalt-thérapie ?

- Je me suis formée à l’accompagnement au

deuil avec le Dr Christophe Fauré , toujours dans

le cadre de l’école Indigo. Face à une personne

endeuillée, il s’agit surtout d’écoute, de

beaucoup d’écoute. La parole libère des

émotions dont je suis le réceptacle. Petit à petit,

je vais l’aider à traverser ses émotions dont elle

s’est coupée au moment du drame. Je travaille

selon les cinq grandes étapes du deuil (la

sidération, la colère, le marchandage, la

dépression, l’acceptation), mais il est bien

évident qu’au niveau psychique, le temps

n’existe pas. Par exemple, la phase de

sidération peut durer trois ans… C’est vraiment

un travail de doigté, de finesse, comme de la

dentelle, pour sentir si la personne est prête à

traverser ses émotions.

Que risque, selon vous, une personne qui

ne prendrait pas le temps de se ressourcer, le

temps d’être à l’écoute de ses besoins ?

- Le stress engendre bien des maladies :

mal à dire. Le burn-out, le surmenage, la

dépression, sont des risques que la sophrologie

tente de prévenir.

Personnellement, je me ressource dans le

silence, mais pour avoir travaillé avec des élèves

en difficulté d’apprentissage, je sais que ce calme

dont j’ai besoin, peut être source d’insécurité,

d’angoisses, pour d’autres. Y aurait-il des

personnes « allergiques » à l’ancrage ou pour

lesquelles la relaxation, voire la méditation,

seraient contre-indiquées ?

- Certains ne sont pas prêts ou pas

conscients de la nécessité de se ressourcer. On

peut aussi sentir qu’on en a besoin mais on ne

sait pas comment faire. Par exemple un enfant

qui est très en colère. Si on se contente de lui

dire « calme-toi ! », lui ne sait pas comment

faire pour se calmer. Il s’agit donc de

comprendre qu’il y a une nécessité et d’agir en

fonction du mode de ressourcement possible

pour chacun. Dans mon travail, je suis toujours

dans le « comment ? ». Ainsi, quand je prends

conscience de ce besoin de me ressourcer,

comment je fais ?

Quels peuvent être, selon vous, les

obstacles à un mode de vie plus authentique, plus

conforme à nos besoins ?

- Le principal obstacle, c’est le manque de

connaissance. Souvent j’entends dire « ça va

aller, ça va aller, ça va passer », mais cette

« La spiritualité au sens large parle de

nos valeurs humaines, présentes au

cœur de chaque être humain. La

méditation favorise l’accès à notre part de

spiritualité, dont la pleine conscience est

une voie vers cette part de nous, parfois

oubliée. »

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LE DOSSIER

conduite est une façon d’éviter ses émotions et de

s’y confronter. Un autre obstacle est le manque de

compréhension de son fonctionnement. Alors on

prétexte un manque de temps ou on se trouve

d’autres alibis… pour recouvrir (mettre un

couvercle sur) une souffrance qui est là. Il me

semble fondamental, pour une vie plus

authentique, de devenir conscient de soi, de cette

vie intérieure sans cesse animée par nos émotions.

Et pour conclure, ressentez-vous le besoin de

vous ressourcer ? Rarement, parfois ou souvent ?

- Je dirais souvent. Par besoin, car c’est une

nécessité pour me ressourcer afin d’accompagner

au mieux, les personnes que je rencontre. Il me

semble essentiel que l’accompagnant chemine

continuellement vers plus de conscience de soi.

La supervision (à travers les échanges, le partage

entre différents acteurs de la relation d’aide) est

une autre forme de ressourcement.

(J’admire le petit espace vert que l’on aperçoit

par la baie vitrée. C’est un jardin zen avec une

statue de Bouddha, ce qui m’amène à poser une

dernière question autour de la méditation.)

Peut-on parler de méditation en négligeant

l’exigence spirituelle dont elle est porteuse ?

- Non, bien sûr. La spiritualité au sens large

parle de nos valeurs humaines, présentes au cœur

de chaque être humain. La méditation favorise

l’accès à notre part de spiritualité, dont la pleine

conscience est une voie vers cette part de nous,

parfois oubliée.

Merci d’avoir accepté cette interview.

Entretien réalisé par un membre du CRA.

¹ Réseau d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté.

² Pour en savoir plus sur ces thérapies, voir le site de

Catherine Deroy : www.catherinederoy-therapies.fr

³ Avec Valérie Brüggemann, thérapeute confirmée

(www.valeriebruggemann.com) Pour en savoir plus sur ces

stages, voir le site déjà cité.

Psychiatre, le Dr Fauré est spécialiste de

l’accompagnement des Ruptures de la Vie, dont le deuil, la

maladie grave et la fin de vie. Son livre Vivre le deuil au

jour le jour, aux éditions Albin Michel, est disponible

dans notre médiathèque.

Catherine précise qu’elle a appris l’art de la méditation

auprès de Christophe André, psychiatre et auteur de best-

seller sur la méditation, qu’il pratique et utilise aussi pour

soigner ses patients. Aquarelle de Alain Maudoux

A la fin des années 1950, Alfonso

Caycédo, professeur agrégé de psychiatrie

de la faculté de médecine de Barcelone, est

profondément marqué par les méthodes de

traitement brutales (électrochocs, comas

insuliniques, etc.) parfois employées sans qu'en

soient mesurées toutes les conséquences. Ce

vécu le décide à se consacrer à l’étude de la

conscience et à la recherche d’autres formes de

thérapie en psychiatrie. Dès le début de sa

carrière, il crée la sophrologie - « science pour

la (re)construction de l’individu au départ

du corps vécu au présent et pour son

positif » - avec l'objectif de redonner au corps

la place première qu'il aurait perdue dans notre

culture.

En 2010 après cinquante ans de travail,

Alfonso Caycedo déclare la Sophrologie

caycédienne comme étant au point.

Sources : Wikipédia