PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

18
Sélènè Psoma Les « boucs » de la Grèce du Nord. Problèmes d'attribution In: Revue numismatique, 6e série - Tome 159, année 2003 pp. 227-242. Citer ce document / Cite this document : Psoma Sélènè. Les « boucs » de la Grèce du Nord. Problèmes d'attribution. In: Revue numismatique, 6e série - Tome 159, année 2003 pp. 227-242. doi : 10.3406/numi.2003.2513 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/numi_0484-8942_2003_num_6_159_2513

description

The article discusses archaic silver coins with a goat motif struck in Northern Greece

Transcript of PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Page 1: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Sélènè Psoma

Les « boucs » de la Grèce du Nord. Problèmes d'attributionIn: Revue numismatique, 6e série - Tome 159, année 2003 pp. 227-242.

Citer ce document / Cite this document :

Psoma Sélènè. Les « boucs » de la Grèce du Nord. Problèmes d'attribution. In: Revue numismatique, 6e série - Tome 159,année 2003 pp. 227-242.

doi : 10.3406/numi.2003.2513

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/numi_0484-8942_2003_num_6_159_2513

Page 2: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

AbstractSummary. — The article discusses archaic silver coins with a goat motif struck in Northern Greece. Thesilver coins with the same type on the obverse previously attributed to the Macedonian capital, Aigeai,are also discussed. Their minting authority was in Eastern Macedonia, as O. Picard has already pointedout when he identified fractions in the excavations material of Thasos and Amphipolis. The « Thraco-Macedonian » standard of the « goats of Aigai » as well as their system of denominations and control ofissues argue for attribution to a city under the influence of Thasos. Fourth century bronze coins ofGalepsos, a colony of Thasos, with the « goat of Aigai » on the reverse would suggest that the wholeseries came from the city of Galepsos, whose phoros to the Athenians was much greater than that paidby Neapolis. The letters ЛА and АЛ on the obverse of the last issue of these coins, written in the Parianalphabet, could thus be interpreted as the initials (ГА and АГ) of the ethnicum.

RésuméRésumé. — Des monnaies d'argent de l'époque archaïque frappées en Grèce du Nord avec un bouc ouune chèvre au droit sont évoquées ici. Les monnaies attribuées autrefois à Aigeai, capitale du royaumemacédonien ont également intéressé l'auteur. O. Picard a déjà suggéré qu'elles ont été frappées enMacédoine orientale en raison de leur découverte à Thasos et Amphi- polis. L'étalon monétaire, lesystème des dénominations, les types et le système de contrôle plaident en faveur de leur attribution àune cité de la région située dans la zone d'influence de Thasos. La frappe par la cité de Galépsos, auIVe siècle, de monnaies de bronze avec, au revers, le bouc des monnaies ď « Aigeai » soutient leurattribution à cette colonie thasienne dont la contribution à la caisse symmachique était bien supérieureà celle de Néapolis. Les lettres ЛА et АЛ au droit de la dernière émission de ces «boucs» sont en faitles initiales de la cité ГА et АГ en alphabet parien.

Page 3: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

SÉLÈNÈ PSÔMA*

Les « boucs » de la Grèce du Nord.

Problèmes d'attribution

(PL I)

Résumé. — Des monnaies d'argent de l'époque archaïque frappées en Grèce du Nord avec un bouc ou une chèvre au droit sont évoquées ici. Les monnaies attribuées autrefois à Aigeai, capitale du royaume macédonien ont également intéressé l'auteur. O. Picard a déjà suggéré qu'elles ont été frappées en Macédoine orientale en raison de leur découverte à Thasos et Amphi- polis. L'étalon monétaire, le système des dénominations, les types et le système de contrôle plaident en faveur de leur attribution à une cité de la région située dans la zone d'influence de Thasos. La frappe par la cité de Galépsos, au IVe siècle, de monnaies de bronze avec, au revers, le bouc des monnaies ď « Aigeai » soutient leur attribution à cette colonie thasienne dont la contribution à la caisse symmachique était bien supérieure à celle de Néapolis. Les lettres ЛА et АЛ au droit de la dernière émission de ces «boucs» sont en fait les initiales de la cité ГА et АГ en alphabet parien.

Summary. — The article discusses archaic silver coins with a goat motif struck in Northern Greece. The silver coins with the same type on the obverse previously attributed to the Macedonian capital, Aigeai, are also discussed. Their minting authority was in Eastern Macedonia, as O. Picard has already pointed out when he identified fractions in the excavations material of Thasos and Amphipolis. The « Thraco-Macedonian » standard of the « goats of Aigai » as well as their system of denominations and control of issues argue for attribution to a city under the influence of Thasos. Fourth century bronze coins of Galepsos, a colony of Thasos, with the « goat of Aigai » on the reverse would suggest that the whole series came from the city of Galepsos, whose phoros to the Athenians was much greater than that paid by Neapolis. The letters ЛА and АЛ on the obverse of the last issue of these coins, written in the Parian alphabet, could thus be interpreted as the initials (ГА and АГ) of the ethnicum.

Le problème de l'attribution à des autorités émettrices bien précises des monnaies frappées pendant les deux dernières décennies du VIe et la première moitié du Ve siècle en Grèce du Nord est aussi vieux que la science de la numismatique. Les critères d'attribution sont divers. Ute Wartenberg a récemment

* KERA/ EIE, 48 ave. Vasileos Konstantinou, Athènes 1 1635, Grèce. Les monnaies ont été photographiées par P. Magoulas. Abréviations :

Gaebler, AMNG III/2 H. Gaebler, Die antiken Mù'nzen Nord-Griechenlands, III/2, Berlin, 1 935. Lorber, Goats Catharine С. Lorber, The goats of « Aigai », Pour Denyse.

ments numismatiques (éd. S. Mani Hurter et C. Arnold Biucchi), Berne, 2000, p. 113-133, pi. 14.

RN 2003, p. 227-242

Page 4: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

228 SÉLÉNÈ PSOMA

évoqué la question1. Comme le note O. Picard en examinant la catégorie des monnaies qui nous intéressera : « L'étude de l'origine de ces monnaies au bouc présente les mêmes difficultés que toutes les séries monétaires archaïques anonymes qui n'ont pas été suivies d'émissions plus récentes où le type monétaire, qu'il soit identique ou qu'il ait quelque peu évolué, se présente désormais accompagné d'un ethnique qui assure l'identité de l'atelier émetteur »2. Le choix de l'étalon monétaire est également un critère plus qu'important dans la mesure où nous prétendons le comprendre bien mieux aujourd'hui qu'autrefois3.

Avant de présenter les monnaies à Yaix, nous voudrions faire une remarque préliminaire. La frappe d'un numéraire par des ethnoi de la région, ou par des groupes que nous considérons comme des ethnoi, est un fait incontestable. La plupart des émissions des Bisaltes, des Orresciens et autres portent une légende en grec qui nous renseigne sur leur autorité émettrice. La qualité de la gravure des coins des séries attribuées avec certitude à ces ethnoi est en même temps nettement inférieure à celle d'un nombre de monnayages que les numismates considèrent comme des incerti et ont tendance à attribuer, à tort, à des ethnoi.

Les deux premières séries de monnaies au bouc Passons maintenant aux boucs. Au droit des monnaies frappées en Grèce du

Nord pendant cette période, on rencontre des boucs au revers des monnaies d'argent d'Alexandre Ier de Macédoine et au droit - et parfois au revers - de différentes séries bien distinctes de monnaies dont les autorités émettrices sont difficiles à identifier. Nous avons proposé ailleurs l'attribution de Г « unique » hemihékton à la tête du bouc au droit et aux lettres ПЕ (et deux feuilles de lierre) au revers à la cité de Pergamon située dans la vallée des Pières (n° l)4. Une

Papaefthymiou Eleni Papaefthymiou, Аяооостп xexp&^óXov це ттжо tpáyo-u oxov AXéÇavôpo A1 (498-454 п. X.), ОроЛос, 4, 2000, p. 37-46.

PiKOULAS Y. A. PiKOULAS, H Xcópa xêv Tliépcav. IviifioÀij ovr\v толоураф1а rrjç, Athènes, 2001.

Psoma, Olynthe S. PSOMA, Olynthe et les Chalcidiens de Thrace. Études de tique et d'Histoire, Stuttgart, 2001.

Zahrnt, Olynth M. Zahrnt, Olynth und die Chalkidier, Munich, 1971 (Vestigia 14).

1 U. Wartenberg, Calymna calymniated. A 19th century misattribution, Studies in Greek Numismatics in Memory of Martin Jessop Price, ed. R. Ashton and Silvia Hurter, Londres, 1998, p. 363-371, pi. 76-77.

2 O. Picard, Les monnaies au bouc attribuées à Aigai, BSFN, 50, 1995, p. 1071-1075. 3 Sur cet étalon, cf. CM. Kraay, Archaic and Classical Greek Coins, Londres, 1976, p. 330.

O. Picard, Le monnayage de Thasos, Nom. Chron. 9, 1990, p. 15-17. O. Picard, Monnayage tha- sien du Ve siècle av. Jésus-Christ, CRAI, 1982, p. 420 sqq. G. Le Rider, Le monnayage d'or et d'argent de Philippe II frappé en Macédoine de 359 à 294, Paris, 1977, p. 354-356 ; S. Psoma, Етаецтусгког îcavoveç axnv XaÀKi5tKf| ката xov 5o код 4o ai. Я.Х., OfioÀoç, 4, 2000, p. 25-36 ; J.A. Schell, Observations on the Metrology of the precious metal coinage of Philip II of Mace- don : the « Thraco-Macedonian » standard or the Corinthian standard, AJN, 12, 2000, p. 1-8.

4 S. Psoma, HOROS (sous presse).

RN 2003, p. 227-242

Page 5: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Les « boucs » de Grèce du Nord 229

deuxième (?) série de monnaies à deux dénominations est frappée avec un avant train de bouc (monnaies de 2,22, 1,84, 1,68 et 1,50 g5) ou une tête de bouc au droit (0,90 g et 0,56 g)6 et un carré incus au revers (nos 2-3). La découverte d'une monnaie de cette émission à Aigéai peut bien plaider en faveur de l'attribution à Alexandre Ier proposée par Papaefthemiou7. Cette dernière a également proposé l'attribution de la monnaie portant les lettres ПЕ au revers à Per- diccas II. Or nous connaissons bien le monnayage de Perdiccas II qui, du point de vue stylistique et iconographique, est fort différent de la monnaie en question. On pourrait éventuellement attribuer les monnaies anépigraphes à une cité de la Pallène, Aigai, et expliquer la découverte de la monnaie en question à Aigéai par la proximité, par voie maritime, de la région en question et de la côte de Piérie 8. Toutefois, du point de vue stylistique, ces monnaies présentent une ressemblance remarquable et très surprenante avec Yhémihékton que nous avons attribué à la cité de Pergamon9. De plus, le revers de ce dernier, avec les initiales de l'ethnique et le développement stylistique du droit, aurait tout à fait sa place à la fin de cette série. Le carré en forme de moulin à vent au revers des monnaies anépigraphes correspond à une phase des monnayages thasien, orres- cien et derronien qui est représentée dans le trésor d'Asyut, dont la date d'enfouissement vers 475 corrobore celle que nous avons proposée ailleurs pour l'unique monnaie portant les initiales ПЕ, c'est-à-dire le deuxième quart du Ve siècle 10. Les monnaies anépigraphes ont été frappées bien avant et la date de leur émission correspond à celle des émissions thasiennes, derroniennes et orresciennes présentes dans le trésor d'Asyut.

Selon le schéma proposé, on doit considérer la plus grande dénomination comme une hekté, la deuxième comme des hémihékta et la troisième comme des tritémora. Les deux premières dénominations ont également été frappées par Thasos et Néapolis {hektai et hémihékta)11. L'existence de tritémora est attestée par la stèle du port thasien qui date des années 470 n ; Thasos en frappa au moins dès le début du Ve siècle. La découverte à Aigéai de Y hekté portant au droit

5 Papaefthymiou, ОрЧЛос, 4, 2000, p. 37 n. 3. 6 Papaefthymiou, O|3oXoç, 4, 2000, p. 37 n. 4. 7 Papaefthymiou, OPotaSç, 4, 2000, p. 37-46. Cf. aussi la monnaie de la collection Weber

1845 de 1,68 g. 8 Sur cette cité, cf. Zahrnt, Olynth, p. 142. 9 Sur la cité en question, cf. la synthèse de Y. A. Pikoulas, 'H Xoópa xrôv ITiépov. 5л>ц(к>А.г|

craív тояоураф!а тпс, Athènes, 2001, p. 176-179. 10 M. Price, N. Waggoner, Archaic Greek Coinage. The Asyut Hoard, Londres, 1975,

xf 28-29 (Derrones), nM 66-77, 82, 98-99 (Orresciens), n08 100-121 (« Thasos »). 1 1 Sur le monnayage de Thasos, cf. O. Picard, Le monnayage de Thasos, Nom. Chron. 9,

1990, p. 15-31. Sur celui de Néapolis, cf. Cléopatra Papaevangelou, 'H NouiauaTOKO7iia тпс NectTroXecoç, (thèse inédite de Г Université de Thessalonique, 2000).

12 Sur la stèle du port, cf. Hervé Duchêne, La stèle du port. Fouilles du port, 1. Recherches sur une nouvelle inscription thasienne, Paris, 1992 (Études Thasiennes XIV), 1. 38-40. Cf. également le ch. VI (Affaires d'argent ; essai de commentaire numismatique), p. 79-87, surtout p. 85-87.

RN 2003, p. 227-242

Page 6: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

230 SÉLÉNÈ PSOMA

l'avant train de bouc n'a rien pour nous surprendre. Des dénominations de la cité d'Argilos ont également été trouvées à Leibéthra et à Pydna ".

La troisième série des monnaies au bouc Une troisième série se compose de deux dénominations. D'après leur poids,

il s'agit encore une fois ďhémihékta et de tritémora (nos 4-5). La dénomination la plus lourde porte au droit le bouc qui court. La deuxième dénomination est frappée avec Г avant-train de l'animal au droit. L'animal ressemble beaucoup à celui du monnayage d'argent de Paros de la période archaïque M. Le fait que l'animal reproduit en fait celui de Paros ainsi que le choix des dénominations frappées (hémihékta et tritémora) nous invitent à les attribuer à une cité de la Pérée thasienne. On pourrait même aller plus loin et les attribuer à une colonie thasienne.

La quatrième série de monnaies au bouc Dans la quatrième série figure au droit un bouc qui marche vers la droite,

pour ce qui concerne les deux premières dénominations, à savoir des statères et des quarts de statère de poids « thraco-macédonien » (nos 6-7) tel qu'on le rencontre en Chalcidique, dans les deux premières séries de Toronè, la première série frappée par Sermylia15, l'unique monnaie de Potidée du trésor de Zaga- zig 16 et les monnaies présentes dans le trésor de Gérakini 17. Une attribution en Chalcidique, au sens moderne du terme, est à notre avis bien probable pour le monnayage en question. Pourrait-on proposer la cité d'Aigai (les Aigantioi des

La cinquième série des monnaies au bouc Une cinquième série présente un intérêt particulier dans la mesure où elle

comprend des monnaies qui portent un avant train de cheval ou une tête de cheval au droit et un bouc ou un bélier au revers 19. Notons que nous trouvons le cheval tantôt au droit et tantôt au revers20. À en juger par le poids des monnaies en question, il s'agit sans doute de ce que nous appelons des tétroboles (poids modal de 2,4 g) et des dioboles (poids modal de 1,2 g) de l'étalon « thraco- macédonien ». On rencontre le cheval au droit des monnayages des rois de

13 Nous devons ces informations à M. С Gatzolis que nous tenons à remercier vivement. 14 Sur Paros, cf. K. Sheedy, The Archaic Coinage of Paros and the Cycladic City States,

Ph.D, 1987, vol. I, p. 95. 15 S. Psoma, Ztáxep Má%ov, The « Sermylia » group of coins, Nom. Chron., 20, 2001, p.

13-44. 16 U. Wartenberg, Calymna calymniated, op. cit. n.l , p. 363-371, pi. 76-77. 17 CH, VIII, 37. 18 Sur la cité d'Aigai- Aigantioi cf. Zahrnt, Olynth, p. 142. 19 Gaebler, AMNG III/ 2, pi. XXVII 1-7 et p. 141-142. 20 Gaebler, AMNG III/ 2, pi. XXVII 1-5 au droit, 6-7 au revers.

RN 2003, p. 227-242

Page 7: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Les « boucs » de Grèce du Nord 23 1

Macédoine21, des Chalcidiens de Thrace22, d'Olynthe23 et de Sermylia24 pour ce qui concerne la Chalcidique ; on le trouve également au droit du monnayage d'argent de la cité de Marônée pour ce qui concerne la région située à l'est de Nestos25. Nous avons déjà évoqué le problème posé par les boucs. L'animal de cette série rappelle celui de la troisième série des boucs. Quant à la partie de la Thrace située à l'est de Strymon, nous trouvons le bouc au revers du monnayage de la cité d'Ainos, qui fut inauguré, selon toute vraisemblance, dans les années qui suivirent l'enfouissement du trésor d'Elmali (465/60) 2б. On rencontre la tête et le cou du bélier au droit des quarts de statère de poids « thra- co-macédonien » du trésor de Gérakini 27 et au revers des drachmes de la cité de Marônée28. Signalons que Marônée frappa son monnayage selon la variante de l'étalon «thraco-macédonien» où des drachmes, des tétroboles et des dio- boles ont été émis 29. On ne trouve guère Yaix comme type de monnayage de cette cité, productrice par ailleurs de vin et ou le culte de Dionysos semble avoir été de la plus haute importance 30.

La sixième série de monnaies au bouc Nous arrivons maintenant à la sixième série des boucs de la Grèce du Nord.

Les monnaies portant au droit un bouc qui court, la tête tournée en arrière et au revers un carré creux, attribuées autrefois à la cité d'Aigéai, ont fait l'objet des études menées par Olivier Picard, Catherine Lorber et Eleni Papaefthemiou

21 Sur le monnayage de Macédoine avant Philippe II, cf. D. Raymond, Macedonian Regal Coinage to 413 B.C., New York, 1953 (ANS NNM) ; U. Westermark, The Regal Macedonian Coinage, ca. 413-359 B.C., dans Kraay, Morkholm Essays, Wetteren, 1989, p. 302 sqq. ; S. Psoma, Tàç KctAmàç 7ievTe5paxuiaç. Un stratagème de Polyen et le monnayage d'argent des rois de Macédoine de 413 à 360 av. notre ère, RN 2000, p. 123-136 ; M. Lykiardopoulou Petrou, S. Psoma, H apyvpri |3aaiA.iKf| vouiaumoKO7iía xcov TriueviSwv xr\q MaiceSoviaç атсо та téXn тпс Paaiteiaç xov Пероиска В' écoç то 0ávaTO xov Пер61кка F (413-360). Te^vo^o- yía катастке-UTiç, aváA,ucrn цгхаХкоъ, ютор1кт| лроаеууктп, OPoÀoç, 4, 2000, p. 321-338.

22 Psoma, Olynthe, p. 253-26, qui suit D. Raymond, Northern Horses on Coins at Olynthus, dans Studies Presented to David Robinson on his seventieth birthday, vol. II, éd. G. Mylonas et D. Raymond, Baltimore, 1953, p. 197-200.

23 Psoma, Olynthe, p. 197-200. 24 Gaebler, AMNG III/2, 106-107, pi. II 6 et pi. XXI 2, 4, 5, 7, 8. 25 Sur le monnayage de Marônée, cf. Edith Schônert-Geiss, Die Munzprâgung von Maro-

neia, Berlin, 1987. 26 M. J. Price, The coinages of the northern Aegean, BAR 343, 1987, p. 45-46. 27 СЯ, VIII, 37, pi. IV, 3. 28 E. Schónert-Geiss, op. cit., pi. 3 et 4, nM 39-70. 29 E. Schônert-Geiss, op. cit., pi. 3 et 4, пм 10-17. Schoenert-Geiss date ce monnayage des

années comprises entre 495/490 et 444/448. 30 Sur le culte de Dionysos à Marônée, cf. B. Isaac, The Greek Settlements in Thrace until

the Macedonian Conquest, Leyde, 1986, p. 122. Notons qu'à l'époque hellénistique, l'important traité de paix et d'alliance de la cité avec les Romains (SEG 35 [1985] 823) a été érigé dans le sanctuaire de Dionysos et que son prêtre fut l'éponyme.

RN 2003, p. 227-242

Page 8: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

232 SÉLÉNÈ PSOMA

(nos 8-9) 31. La découverte des petites dénominations de cette série dans les fouilles de Thasos et d'Amphipolis, d'une part, la frappe des statères et des hémihékta, comme par Thasos et sous son influence, Néapolis et les Oresciens, de l'autre, ont conduit O. Picard à les attribuer à un atelier de la région correspondant à l'actuelle Macédoine orientale (entre le Strymon et le Nestos)32. La découverte des hémihékta de cette série dans la région située entre le cours inférieur de l'Axios et le Strymôn est mentionnée par E. Petrova33. С. Lorber a proposé de les attribuer à un ethnos de la région34. Elle a distingué neuf émissions et a calculé le poids du statère. Elle a montré que le problème de l'identification de l'animal, mâle ou femelle, ne doit plus se poser ; en effet, le mot aix s'utilise en grec ancien pour désigner tantôt le mâle, tantôt la femelle35. E. Papaefthymiou, à la suite d'O. Picard36 et après une étude métrologique, a, quant à elle, affirmé l'identification de la deuxième dénomination à des hémihékta proposée d'ailleurs par O. Picard37. Examinons à présent de près le problème d'attribution de ce monnayage.

Étalon monétaire - dénominations Nous avons déjà évoqué la frappe des statères et des hémiékta de cette série.

Les monnaies portant au droit Г avant-train d'un bouc et dont le poids s'échelonne entre 0,42 et 0,52 g (CP) 0,50, 0,48 g, 0.42 g (Stuttgart, Gaebler III/2, pi. V 31) sont des tritémora (ACB 5756 : 0,45 g, poids modal). Cette dénomination se rencontre également à Thasos au début du Ve siècle38. Il s'agit de la moitié de Yhémihékton qui est également mentionnée dans la « stèle du port » qui date, selon toute vraisemblance, des années 470 39. Les différentes dénominations se distinguent essentiellement par leur poids et module; c'est notamment le cas pour les statères et les hémihékta de Néapolis40.

31 O. Picard, Les monnaies au bouc attribuées à Aigai, BSFN, 1995, p. 1071-1075 ; E. Papaefthemiou, О/ЗоЯос, 4, 2000, p. 37-46 ; С Lorber, Goats, p. 1 13-133, pi. 14.

32 O. Picard, BSFN, 50, 1995, art. cit. n. 2, p. 1074. 33 Eleonora Petrova, The 5th century ВС coins from the Museum of Macedon, MNJ 2,

1996, p. 7-12 34 С Lorber, Goats, p. 129-133. 35 Homère, Odyssée 14, 105 et 530 ; Hérod,. 3, 112. Sophocle, Fragmenta 793 ; IG VII

3171,44. 36 O. Picard, BSFN, 1995, art. cit. n. 2, p. 1071. 37 Papaefthymiou, OpoXoç, 4, 2000, p. 37-46. 38 O. Picard, Le monnayage de Thasos, Nom. Chron., 9, 1990, p. 16. 39 H. Duchêne, La stèle du port, op. cit. n. 12, p. 38-40. Cf. également le ch. VI (Affaires

d'argent; essai de commentaire numismatique), p. 79-87, surtout p. 85-87. 40 SNGANS 423-424.

RN 2003, p. 227-242

Page 9: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Les « boucs » de Grèce du Nord 233

Date Des statères au bouc figuraient dans les trésors suivants : IGCH 1482 (Jor

danie, Bostra 1967) enfouis vers 445 (les boucs du trésor appartiennent au premier lot du trésor qui contient des monnaies plus anciennes), 1644 (Asyut 1968) enfouis vers 475 et CH VIII 45 (Antiliban, 1978) enfouis également vers 475 41. L'absence de statères au bouc dans le trésor des décadrachmes est un indice en faveur de la date proposée par Lorber pour la fin du monnayage en question : avant 465/60 42. La forme du carré du revers et l'évolution qu'on observe suggèrent une date dans les premieres décennies du Ve siècle.

Lieux de trouvaille Nous avons déjà évoqué la présence ďhémihékta de cette série dans les

fouilles de Thasos et d'Amphipolis. Des hémihékta en question faisaient également partie du trésor de Drama {CH VIII 75) dans lequel figuraient également des hémihékta ď « Eiôn » 43, des dioboles {hémihékta ?) et des oboles {tétartèmoria ?) thasiens et des trioboles (hektés) de Néapolis. Des trouvailles ďhémihékta au bouc et ď autres à l'oiseau dans le cours inférieur de l'Axios et jusqu'au Strymon ont également été évoquées44. La circulation des dénominations de cette série dans la « Macédoine orientale » est certainement en relation étroite avec leur autorité émettrice45.

Iconographie Pour Lorber, le bouc est associé au culte dionysiaque46. Sont également

d'inspiration dionysiaque les types du monnayage thasien, de celui des Orres- ciens, des Léens, des Zéléens47, des monnaies de bronze48 (et d'argent)49 de la

41 S. Hurter, E. Paszthopy, H. Bloesch, Archaischer Silberfund aus dem Antilibanon, dans Essays in Honor of Leo Mildenberg, Wetteren, 1984, p. 1 1 1-125, pi. 14-16

42 Lorber, Goats, p. 117: 490/85-470. 43 Des monnaies ď « Eiôn » faisaient partie des trésors IGCH 364 (Aidhonochorion, 1936,

400-375 av. J.-C. : 8 ex.), CH, VIII, 75 (Drama, 1983, 400 av. J.-C. : 15 ex.) et V Poulios, AEMTh, 9, 1995 (1998), p. 41 1-422 surtout p. 413-414 : Gazôros 1994-1995 (CH, IX, 61), 375- 350 av. J.-C. : 1 ex.

44 Eleonora Petrova, The 5th century ВС Coins from the Museum of Macedon, MNJ 2, 1996, p. 7-12

45 Suivant К. Sheedy (renseignement donné par Price dans CH, VIII, 75), deux oboles portant un bouc au droit faisaient partie d'un trésor contenant des dénominations de la Grèce du Nord : K. Sheedy, The Archaic Coinage of Paws and the Cycladic City States, Ph.D, 1987, vol. I, p. 95. La seule différence avec les monnaies qui nous intéressent est que le bouc ne tourne pas la tête.

46 Lorber, Goats, p. 121-122. 47 O. Picard, Monnayages en Thrace à l'époque achéménide, dans Mécanismes et innovat

ions monétaires dans l 'Anatolie achéménide, Numismatique et Histoire, Actes de la Table Ronde Internationale d'Istanbul, 22-23 mai 1997 éd. O. Casabonne, Paris, 2000, p. 239-252.

48 Sur leur attribution à cette cité de la Bisaltie, cf. O. Picard, Monnaies et gravure monétaire à Thasos à la fin du Ve siècle, ФИш ёщ eiç Feápyiov MvXcovâv, Athènes, 1987, p. 150- 163, pi. 40-41.

RN 2003, p. 227-242

Page 10: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

234 SÉLÉNÈ PSOMA

cité de Berge et des monnaies de bronze de la cité de Galépsos (n° 10)50. Les monnayages attribués à Galépsos et à Berge datent du IVe siècle et renvoient également à ce dieu avec leurs types de droit (tête de Dionysos) et de revers (bouc qui court, la tête tournée en arrière, pour ce qui concerne Galépsos)51. Le culte de ce dieu fut d'une extrême importance dans une région où Yampelos a été cultivée depuis le Néolithique 52. Hérodote a transmis les traditions concernant le Grand Hiéron de Dionysos sur le mont Pangée qui sont vérifiées par les données des fouilles 53. L'importance du culte de ce dieu à Thasos se passe de commentaire. De plus, le littoral compris entre le Nestos et le Strymôn constitue la pérée thasienne et Vaix fut le type par excellence du monnayage archaïque de la cité de Paras, métropole de Thasos et liée par conséquent aux colonies thasiennes dans cette région54. Il faudrait ajouter que Paras semble avoir joué un rôle important dans cette même région55.

Contrôle et groupement des émissions Les dates proposées par Lorber dans les trois et peut-être les quatre pre

mières décennies du Ve siècle sont en fait vérifiées par l'emploi des symboles et des monogrammes que nous trouvons dans d'autres monnayages de la Grèce du Nord datant de cette période: la rosette sur des tétradrachmes de la cité de Skio- nè, de Dikaia et d'Aineia de « Chalcidique », la lettre 0 sur les émissions des cités situées autour du golfe strymonique (Stagire, Acanthe, Thasos, « Eiôn ») et des globules sur les émissions de « Lètè », d'Argilos (Thermè selon Lorber), de Sermylia et ď « Eiôn »56. S'agissant du monnayage de « Lètè », une attribution à la Macédoine orientale a été également proposée57, tandis que le site d'Ar-

49 Sur l'attribution des monnaies d'argent à Berge, cf. S. Psoma, Le trésor de Gazôros et les monnaies aux légendes ВЕРГ, ВЕРГА1, ВЕРГАЮУ, ВСН, 126, 2002, p. 205-229.

50 A.-M. Bon, BCH 40, 1936, 172-174, pi. XXIV, 1 : monnaie trouvée à Thasos ; G. Baka- lakis, G. Mylonas, AE 1938, p. 539 : monnnaie trouvée à Galépsos ; B. Demetriades, ГаЯ,- T|\|foç XaX,Ki5iKT|Ç. Ev véov vouiauaxoKorceiov, Nom. Chron., 3, 1974, p. 32-33 : monnaie trouvée à Gale de Chalcidique.

5 1 Sur la confusion entre Gale de Chalcidique et Galépsos causée par le passage d'Hérodote (7, 122), cf. A.B. West, Thucydides V, 18, 5. Where was Skolos (Stolos)?, AJPh, 58, 1937, p. 166 sqq.; Zahrnt, Olynth, p. 178-179 ; Psoma, Olynthe, p. 204 n. 134, p. 206 n. 151, p. 259 n. 41.

52 Y. A. Pikoulas, p. 200-201. 53 Sur les données des fouilles et les sources antiques, cf. P. Pilhofer, Philippi. I. Die erste

christliche Gemeinde Europas, Tubingen, 1995 (Wissenschaftliche Untersuchungen zum neuen Testament 87), p. 100 sqq. et surtout p. 105) et Pikoulas, op. cit., p. 200-201.

54 K.A. Sheedy, The Archaic Coinage of Paws and the Cycladic City States, Ph.D, 1987, vol. I, p. 95.

55 C. Pebarthe, Thasos, l'empire athénien et les emporia de Thrace, ZPE, 126, 1999,p. 131- 154.

56 Lorber, Goats, p. 125-126. 57 M. Smith, The Archaic Coinage of « Lete », dans XII. Internationaler Numismatischer

Kongress, Berlin 1997, Berlin, 2000, p. 217-221

RN 2003, p. 227-242

Page 11: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Les « boucs » de Grèce du Nord 235

gilos est connu58. Concernant les monnaies attribuées à « Eiôn », on peut simplement dire qu'il s'agit ďhémihékta et que plusieurs exemplaires ont été trouvés dans la région où est située cette « cité » 59 (emporion athénien, selon Thucydide et certainement « base » athénienne d'après les ATL et Thucydide) 60. L'adoption des symboles utilisés par Acanthe ne doit pas surprendre. Le monnayage acanthien est de loin le plus important de la Grèce du Nord, bien que la prospérité de la cité en question dans les années qui suivirent 454/3 soit certainement sujette à caution61. Le grand volume des émissions entraîna la nécessité d'un contrôle. Ce que nous appelons les tétradrachmes d'Acanthe sont les seules monnaies de Grèce du Nord à être mentionnées dans un inventaire athénien (IG V 383, 1. 179) datant de 429/8 comme des àicavGioi ашттрес 62. Les tétradrachmes acanthiens ont été surfrappes par Toronè et Sermylia 63. Le rôle de l'autre grand numéraire de la Grèce du Nord, celui de la cité de Thasos, est bien connu. Celui-ci circula dans la région et « inspira », du point de vue métrolo- gique et iconographique, d'autres monnayages de cette même région64. Les points communs avec Yethnos des Bisaltes peuvent s'expliquer dans ce même contexte des influences thasiennes. Rappelons que l'ethnique BIEAATIKON des émissions des Bisaltes est écrit en alphabet thasien65. On rencontre la fleur de lotus de la « dernière » émission des boucs sur le droit des dodecadrachma des Derrones 66. Les globules sont à un certain moment devenus « à la mode » durant ces premières décennies du Ve siècle dans la région comprise entre l'Axios et à l'Est du Strymôn. Peut-on supposer qu'ils ont également à voir avec Yhorror vacui du graveur ?

Particulièrement intéressantes sont les lettres АЛ et Л A qu'on trouve dans le champ au droit des boucs, des tétroboles de poids léger d'Alexandre Ier de Macédoine 67 et comme характер 68 ou кссОиа 69 du cheval d'un octadrachme

58 K. Liampi, ApyiÀoç. Icrcopia кса Nóuiaua, Nom. Chron., 1994, p. 1 sqq. 59 Sur Eiôn cf. B. Isaac, The Greek Settlements in Thrace, op. cit. n. 30, p. 60-62. 60 Cf. supra n. 40. 61 Sur Acanthe, cf. S. Psoma, Notes sur le début du monnayage fédéral des Chalcidiens de

Thrace, RN 1997, p. 423-428. 62 On pourrait éventuellement proposer une explication de cette mention en accord avec ce

que nous connaissons sur les « appellations contrôlées » dans l'Antiquité : il s'agit très probablement des statères de la Grèce du Nord.

63 P. Tselekas, Late archaic overstruck staters in the Chalcidic, Nom. Chron., 21, 2002, p. 30-40.

64 O. Picard, Le commerce de l'argent dans la charte de Pistiros, BCH, 123, 1999, p. 342- 344 ; Id., Monnayages en Thrace à l'époque achéménide, op. cit. n. 47, p. 239-253 ; S. Psoma, Le trésor de Gazôros et les monnaies aux légendes ВЕРГ, ВЕРГА1, ВЕРГАЮУ, BCH, 126, 2002, p. 205-229. .

65 En ce qui concerne ces émissions, cf. H. Gaebler, AMNG, III/2, p. 48-50. 66 Lorber, Goats, p. 128. 67 D. Raymond, Macedonian Regal Coinage, op. cit. п. 21, Gr. I, nM 30-31. 68 Liddel-Scott Jones, s.v. Sur l'utilisation d'un signe marquant les chevaux bons pour le

service, cf. M.B. Hatzopoulos, L'organisation de l'armée macédonienne sous les Antigonides.

RN 2003. p. 227-242

Page 12: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

236 SÉLÉNÈ PSOMA

des Bisaltes70. C'est également le cas du monogramme AE dans le champ des boucs et dans le champ ou bien comme характер du cheval des émissions des Bisaltes 71. On pourrait éventuellement penser qu'il s'agit des mêmes graveurs72. Mais cette explication est démentie par la différence stylistique et celle de la qualité de la gravure. Ces monogrammes ont été utilisés presque simultanément, selon Lorber, par « Aigeai », les Bisaltes et peut être Alexandre Ier. Nous reviendrons plus loin sur les lettres АЛ et ЛА des boucs. En ce qui concerne Alexandre Ier, il pourrait s'agir des initiales de son nom73. Les points communs au monnayage d'Alexandre Ier et aux numéraires frappés dans les territoires situés à l'est du Strymôn sont également attestés par le fait que ce roi emprunta le bouc ď « Aigeai » pour le revers de ses tétradrachmes de la série III 74. Alexandre Ier et les autres souverains téménides adoptèrent souvent des types des cités voisines et des ethnoi pour leur monnayage 75. Le monogramme AE est, à notre avis, passé au monnayage des Bisaltes, tout comme les lettres АЛ et ЛА .

Dans le classement proposé par Lorber, le monogramme AE suit les lettres АЛ et ЛА. Cela nous paraît peu probable ; l'animal figurant au droit de l'émission aux lettres АЛ et ЛА est d'un style nettement plus évolué dans tous ses détails que celui de l'émission au monogramme AE. La dernière émission de la série en question portant une fleur de lotus dans le champ est d'un style tout à fait différent. Sans doute peut-on y reconnaître le travail d'un autre graveur. L'utilisation des symboles (fleur de lotus), des monogrammes (AE) et des ini-

Problèmes anciens et documents nouveaux, МеХетгциата, 30, Athènes, 2001, p. 46 n. 1 ; C.P. Jones, Stigma : Tattoing and Branding in Graeco-Roman Antiquity, JRS, 77, 1987, p. 139-156 ; J.H. Kroll, An archive of the Athenian cavalry, Hesperia, 46, 1977, p. 83-140.

69/GVII3171,45. 70 Lorber, Goats, p. 128-33, surtout p. 128. 71 Lorber, Goats, p. 128. 72 S. Lawa, Першоегюутес %арактес отп Maiceôovia kcxi ©еохтаЯла, Ancient Macedon

ia, VI 1996 [1999], p. 665-678 ; Id., Telephanes Phoceus, dans Hellas und der griechische Osten. Studien zur Geschichte und numismatik der griechischen Welt, Festschrift fur Peter Robert Franke zum 70. Geburtstag, ed. W. Leschhorn, A.VB. Miron, A. Miron, Saarbriick, 1996, p. 65-78 ; Id., Die Miinzpragung von Phasalos, Saarbriick, 2001 (Saarbrucker Studien zur Archaó- logie und alien Geschichte), p. 54-84.

73 Nous trouvons également la lettre H au droit des tétroboles de poids léger d'Alexandre Ier de Macédoine. La même lettre figure au droit des hémihékta de la cité ď « Eiôn » et suggéra à C. Hersh (C. Hersh, A Fifth Century Circulation Hoard of Macedonian Tetrobols, dans Mnema- ta : Papers in Memory of Nancy M. Waggoner, éd. W.E Metcalf, New York, 1991, p. 3-19) leur attribution aux Edônes. La découverte des monnaies en question dans un trésor enfouis à Pella d'une part et dans les fouilles de Pydna nous ont amenée à les attribuer à Alexandre (S. Psoma, Monnaies de poids réduit d'Alexandre I et de Perdiccas II de Macédoine, ZPE, 128, 1999, p. 282), en suivant Raymond (Raymond, op. cit. n. 21, p. 1 14 et 121).

74 Raymond, op. cit. n. 21, p. 113-117. 75 S. Psoma, To PaaíÁew tcov Mccksoóvcov npiv anó rov ФШппо В'. Nojuia^ianKJ] кси

loxopiKT] Проаеуукщ HlanopiKT} Aiaôpofxr\ rqç Ыоцкщапкщ Movàôaç crrnv EXÀàôa Ema- тгцлщ Koivovía EOvikó Iôpvjua Epevváv, Athènes, 2002, p. 25-46.

RN 2003, p. 227-242

Page 13: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Les « boucs » de Grèce du Nord 237

tiales (АЛ et ЛА) atteste la nécessité pour l'autorité émettrice de contrôler la frappe et le volume des émissions. Il s'agit d'une procédure que nous connaissons bien: des monogrammes et des initiales de l'ethnique ont pris peu à peu la place des symboles. C'est précisément le cas d'Acanthe et de plusieurs cités grecques.

Autorité émettrice Lorber a tenté d'attribuer ce monnayage à un ethnos de la région, avançant

la possibilité d'une entente entre les Bisaltes et Alexandre Ier de Macédoine 7б. La frappe d'un très grand nombre de dénominations nous oblige à nous orienter vers une cité de la région77. Les Orresciens frappèrent également des dénominations mais leur cas constitue vraiment une exception78. La distinction des émissions par symboles, monogrammes et lettres nous oriente également vers une cité, comme le pensait d'ailleurs Babelon79. On peut citer comme parallèles les grands monnayages d'Abdère et d'Acanthe, de Marônée et des cités de Chalcidique 80. L'utilisation d'un monogramme (AE) dans le premier quart du Ve siècle ne peut être envisagée que dans le contexte d'une cité, comme le signalait également Babelon81. Nous rencontrons le monogramme AP dans le champ d'un tétradrachme de la cité d'Acanthe datant des années qui précédent l'enfouissement du trésor des décadrachmes 82. Du point de vue stylistique, ce monnayage n'a rien de commun avec celui des ethnoi de la région. De plus, nous constatons que les émissions des cités de Thasos et de Néapolis (à l'est du Strymôn), d'Argilos (à l'exception de quelques dénominations plus tardives), de Stagire et d'Acanthe (à l'ouest de ce fleuve) ne portent pas de légende. Comme nous l'avons déjà noté, ce sont les ethnoi et leurs souverains qui avaient le souci d'écrire leur ethnique et leur nom respectivement sur leurs émissions pendant la première moitié du Ve siècle.

Après avoir pris en considération la manière dont les émissions sont contrôlées et groupées, l'iconographie, les lieux de trouvaille, l'étalon monétaire et le choix des dénominations, nous constatons qu'il faut chercher à identifier l'autorité émettrice de ce monnayage avec une cité située dans la région du Strymôn et plus précisément à l'est du fleuve, entre celui-ci et Néapolis. La frappe durant

76 Lorber, Goats, p. 128-33. 77 S. Psoma, OpoXoç, 4, 2000, p. 25-36. 78 Cf. O. Picard, Monnayages en Thrace à l'époque achéménide, op. cit. n. 47, p. 239-253. 79 Babelon, Traité 1, 1095-1098, col. 1 101. Tragilos pourrait bel et bien être une bonne can

didate. Cette cité est mentionnée uniquement deux fois par les ATL : dans VIG I3, 71 IV 12 de 425/4 et dans VIG F 77 V 25 de 422/ 1 avec la somme d'un talent (6 000 drachmes). Grâce aux fouilles de Perdrizet et de Koukouli, l'ancienne cité est localisée dans la région d'Aidhonochô- ri. Les types du monnayage émis par Tragilos pendant la deuxième moitié du Ve siècle s'inspirent de la végétation de la région.

80 Cf. infra. 81 Cf. supra n. 79. 82 J. Desneux, Les tétradrachmes d'Akanthos, RBN 1949, n° 84.

RN 2003. p. 227-242

Page 14: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

238 SÉLÉNÈ PSOMA

le IVe siècle par la cité de Galépsos de bronzes portant au revers un bouc qui court en tournant la tête vers l'arrière et la légende FAAbPFIfíN pourrait bel et bien suggérer l'attribution de la série attribuée autrefois à « Aigeai » à la cité de Galépsos. Ces bronzes sont fort rares. Un exemplaire a été trouvé dans les fouilles de Galépsos83, un autre à Thasos84 et un troisième en Sithonie85. Galépsos est mentionnée par le Pseudo-Scylax comme ttoàiç éAÀnviç86, ce qui confirme son statut de cité libre et autonome vers 360 87 et par conséquent durant la première moitié du IVe siècle, à la date de la frappe de ce monnayage.

Le fait que Galépsos (tableau 2) versait un talent, trois mille drachmes à l'Alliance Athénienne de 454/3 à 448/7 (IG F 259 IV 15, 260 IX 7, 261 I 7, 263 III 9, 264 III 8), un talent, deux mille drachmes en 447/6, (IG F 265 II 40) un talent, trois mille drachmes de nouveau en 446/5 (IG F 266 II 14), trois mille drachmes de 443/3 à 440/ 39 (IG F 269 III 3, 270 III 4, 272 II 57) et mille drachmes de 433/2 à 429/8 (IG F 279 II 35, 280 II 42, 282 II 21) pourrait également constituer un second argument en faveur de l'attribution de cette importante série monétaire à cette cité. Les sommes mentionnées peuvent être comparées à celles versées par Néapolis durant la même période : 1 000 drachmes88, bhexekostè de Galépsos est bien supérieure à celle de Néapolis : 8 000 drachmes de 454/3- 448/7 à 446/5, 7 000 drachmes en 446/5 et 2 000 de 443/3 à 440/39. À partir de 433/2, Galépsos et Néapolis ont versé la même somme aux Athéniens.

Dans les années 450, 440 et 430, Galépsos semble avoir été plus importante que Néapolis dont l'économie était essentiellement de caractère agricole89. Galépsos participa très probablement au grand commerce de la métropole, Thasos90. L'importance de la cité du point de vue stratégique et militaire est confirmée par son alliance avec Brasidas dont fait état Thucydide91. Notons également le souci de Cléon de s'en emparer peu de temps après92. Comme Néapolis, Galépsos, dont la position stratégique est bien montrée par Collart93, était tout à fait en mesure d'acheter l'argent indispensable pour la frappe de son

83 G. Bakalakis, G. Mylonas, AE, 1938, p. 539. 84 A.-M. Bon, BCH, 40, 1936, p. 172-174, PI. XXIV, 1. 85 B. Demetriades, op. cit. n. 50, Nom. Chron., 3, 1974, p. 32-33. 86 [Skylax] 67. 87 Pour la bibliographie récente relative au Périple de [Scylax], cf. Psoma, Olynthe, p. 213,

n. 209, p. 238, n. 421. 88 IG F 264 I 18 (448/7 av. J.-C), IG Г 265 I 20 (447/6 av. J.-C), IG P 266 II 3 (446/5 av.

J.-C), 267 III 5 (445/4 av. J.-C), [268 II 19] (444/ 3 av. J.-C), 263 II 13 (450/49 av. J.-C), 259 VI 9 (454/3 av. J.-C), 269 II 28 (443/2 av. J.-C), 276 VI 20 (436/5 av. J.-C), 277 VI 3 (435/3 av. J.-C), 278 V 14 (434/3 av. J.-C), 279 II 36 (433/2 av. J.-C), 280 II 47 (432/1 av. J.-C), 282 II 19 (429/8 av. J.-C).

89 С Papaevangelou, op. cit. n. 11, passim. 90 Cf. supra n. 55. Sur le grand commerce de Thasos, cf. aussi le dossier de l'inscription de

Pistiros dans le BCH, 123, 1999. 91 Troc. 4, 107, 3. 5, 6, 1. Diod. de Sic. 12, 68, 4. 92 Troc. 5, 6, 1. Cf. aussi infra n. 120. 93 Cf. infra n. 120.

RN 2003, p. 227-242

Page 15: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Les « boucs » de Grèce du Nord 239

monnayage ou d'avoir accès à des sources de métal du Pangée ou de la Pérée. Nous avons déjà évoqué les rapports entre le monnayage à Yaix et celui des Bisaltes94 qui pourraient être à l'origine de son approvisionnement en argent.

De la région de Galépsos95 proviennent des horoi des sanctuaires de Zeus et de Déméter96. Ils datent de la première moitié du Ve et sont écrits en alphabet parien (thasien) sous l'influence de la métropole de Galépsos, Thasos 97. D'autres inscriptions de la région située à l'est du Strymôn sont également écrites en alphabet parien (thasien)98, comme d'ailleurs les légendes du monnayage des Bisaltes. Les boucs sont contemporains de l'inscription en alphabet parien (thasien), trouvée à Néos Scopos qui mentionne les citoyens de Berge99. L'épigramme funéraire de Tokès qui combattit pour Eiôn, découvert à Amphi- polis, date de ces années également100. Sachant qu'entre le Strymôn et le Nestos c'est l'alphabet parien de la grande île qui domine, on peut proposer une lecture différente des lettres АЛ et ЛА de la dernière émission des boucs : en alphabet parien (thasien), la lettre Г est notée comme Л. On peut donc lire les syllabes АГ (rétrograde) et ГА, les initiales de l'ethnique de la cité de Galépsos.

L'adoption du type de Yaix par la cité en question pour son monnayage de bronze au IVe siècle s'explique mieux si nous acceptons cette attribution : les cités de la région qui introduisirent un monnayage de bronze au IVe siècle choisirent des types qui résultaient soit de grands monnayages de cette période, comme la tête d'Apollon de la Ligue Chalcidienne, soit des cultes locaux et de la flore et la faune de la région. Nous trouvons la tête d'Apollon au droit des bronzes ď Argilos 101, de Phagrès l02 et de Galépsos 103. Les armes du héros figurant au revers des bronzes d'Argilos et l'Héraclès archer d'Oisymè m s'inspi-

94 Lorber, Goats, p. 128. 95 Sur la localisation de Galépsos, cf. Pikoulas, p. 200-201 n. 50 pour la bibliographie anté

rieure. 96 Bull. Epigr 1994, 433 : Лтщптрюс йрсос ei|ii шкатоуяеою ; Collart, Philippes, op. cit.

п. 120, p. 79 п. 4 : QPQZ (= opoç) et l'autel plus tardif avec l'inscription (Syll* 991) Aiôç èp- keîo Патрсою koù Aiôç ктпочо.

97 Sur Galépsos, cf. B. Isaac, The Greek Settlements..., op. cit. n. 30, p. 9 et Pikoulas, p. 23, 39 n. 50 et p. 174.

98 Cf. infra. 99 Z. BONIAS, Une inscription de l'ancienne Berge, BCH, 194, 2000, p. 227-246. 100 D. Lazaridès, 'ETcíypauua Ilapííov ànô tf|v 'A[i<^inoXr\, AE, 1976, p. 164-81, pi. 57-63

(SEG XXVII 249 ; BE 1 978, 207). Cf. SEG XXXVI 586, 1551. XXXIX 907, 908. J. Pouilloux, Pariens et Thasiens dans le nord de la Grèce à l'époque archaïque, dans Mviîjuî] A. AaÇapi5r\, TJoÀiç кт Хюра arrjv Apxaia MaKeôovia кт ©ращ, Пракпка ApxaioÀoyiKov Lvveôpiov. KapáXa 7-11 Maíov 1986, Thessalonique, 1990, p. 479-484. Cf. BE 1990, 263, 499. Pour ce qui concerne le nom Токпс (Tokès), cf. G. Mihailov, Ane. Maced., 4, 1983, [1986], p. 387-388.

101 K. Liampi, ApyiXoç Ioxopia кса Nouiaua, Nom. Chron.,13, 1994, p. 1 sqq. 102 K. Liampi, H уоцюцахокота хои Фаурптос, Nom. Chron., 10, 1991, p. 25-31. 103 Cf. supra n. 83-85. 104 K. Liampi, Nom. Chron., 13, 1994, p. 1 sqq. et O. Picard, Le monnayage de bronze

d'Oisymè, Nom. Chron., 12, 1993, p. 16-18.

RN 2003, p. 227-242

Page 16: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

240 SÉLÉNÈ PSOMA

rent du monnayage de Thasos. La tête d'Athéna du monnayage d'Oisymè 105 renvoie certainement à un culte local, tout comme le droit de Tragilos 106, tandis qu'au revers des bronzes de Berge et de Tragilos, on trouve le poisson et la fleur respectivement107. Le choix du type de Yaix par Galépsos est tout à fait différent et s'inscrit dans la tradition iconographique de la cité, puisque c'est celui de son propre monnayage du début du Ve siècle.

La frappe des boucs anticipe la mention de Galépsos dans les listes de tributs attiques. Le cadre historique de la frappe de la série en question est celui du premier quart du Ve siècle, quand les grandes armées des Achéménides ont traversé la Grèce du Nord. Durant la campagne de Mégabaze, Thasos contrôla les mines de sa Pérée 108. Quelques années plus tard, vers 480, les métaux du Pangée appartenaient aux ethnoi des Pières, des Odomantes et des Satres 109. L'attribution des boucs à Galépsos et le monnayage de Néapolis, ces deux colonies thasiennes, nous obligent à reconsidérer les relations de la métropole avec ses colonies dans une nouvelle perspective no. Le monnayage des boucs s'interrompit durant le deuxième quart du Ve s., bien avant l'enfouissement du trésor des décadrachmes (CH, VIII, 48). Néapolis abandonna alors la frappe des statères et se concentra sur celle des trités et des hektés m. Dans le deuxième quart du Ve s., fut émise la part principale du monnayage d'Alexandre Ier de Macédoine et celui des Bisaltes 112. C'est pendant ces années que les Athéniens, les Thasiens et Alexandre Ier essaient de tirer le meilleur parti du départ des Perses et du vacuum potestatis qui en résulte pour contrôler les régions minières et boisées s'étendant à l'est du Strymôn113. La fin du monnayage des boucs et l'orientation du monnayage de Néapolis vers le marché local, voire régional, doivent être envisagées dans ce contexte historique. La première loi sur le vin, preuve que Thasos fut capable à ce moment d'imposer sa politique

105 O. Picard, Nom. Chron., 12, 1993, p. 16-18. 106 Cléopatra Papaevangelou, TpàyiÀoç. Eva vojuia/uawKOKeío ащ ВшаХпа, Етотгцю-

vikó Еьцпоою H Niypíra - т] BiaaXxía ôm цеооь тцс Imopiaç, Niypíra 27-28 Nosuppíov 1993, Thessalonique, 1995, p. 54-58.

107 Cf. note précédente. Pour ce qui concerne les bronzes qui ont été attribués par O. Picard à la cité de Berge (O. Picard, Monnaies et gravure monétaire à Thasos à la fin du Ve siècle, op. cit. n. 48, p. 150-163, pi. 40-41) cf. aussi S. Psoma, Le trésor de Gazôros et les monnaies aux légendes ВЕРГ, ВЕРГА1, ВЕРГАЮУ, ВСН, 126-1, 2002, p. 205-229.

108 Hérod., 6, 46. 109HÉROD., 7, 112. 110 Sur Thasos et sa Pérée, cf. P. Funke, Peraia : einige Ûberlegungen zur Festlandbesitz

griechischer Inselstaaten, dans Hellenistic Rhodes Politics, Culture and Society, Aarhus, 1999 (Studies in Hellenistic Civilization, 9), p. 55-75

С. Pebarthe, Thasos, l'empire athénien et les emporia de Thrace, ZPE, 126, 1999, p. 131- 154.

1 1 1 Cf. la thèse de С Papaevangelou (supra n. 11). 1 12 M. J. Price, The coinages of the northern Aegean, BAR 343, 1987, p. 44-45. 1 13 Sur les événements de cette période, cf. B. Isaac, The Greek Settlements..., op. cit. n .30,

p. 18-36.

RN 2003, p. 227-242

Page 17: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

Les « boucs » de Grèce du Nord 241

économique sur la région, se situe chronologiquement entre 480 et 465 U4. Galépsos inaugura son monnayage vers 490, au moment du retrait thasien et de l'envoi de sa flotte à Abdère U5. Ce monnayage continua durant les guerres médiques et prit fin vers 470, très probablement à la date où est promulguée cette première loi sur le vin.

La défaite de Thasos en 463 (Thuc. 1, 101, 5) et son incapacité à assurer le contrôle de la Pérée sont peut-être à l'origine de la somme considérable que cette cité versait à la Symmachie de 454/3 à 446/5. Toutefois, Galépsos versa la somme de 9 000 drachmes en 446/5 également mais son phoros fut réduit, comme nous l'avons dit, dans les années qui suivirent. Les étroites relations entre Galépsos et Thasos sont évoquées par les sources littéraires qui considèrent Galépsos comme mroucí a116 et éuTtopiov des Thasiens117. L'utilisation du mot éujcópióv ne décrit pas le statut politique de Galépsos mais renvoie plutôt à l'activité commerciale des deux cités.

L'attribution du monnayage des boucs à cette colonie thasienne nous oblige à envisager sous un angle nouveau les relations de Thasos et de ses colonies de la pérée, à savoir, Néapolis et Galépsos au moins, des cités au sens politique du terme118. L'histoire de Néapolis et de ses relations, très souvent orageuses, avec la métropole est révélée par des inscriptions119. Ce n' est pas le cas de Galépsos. Après avoir pris en considération la frappe du monnayage aux boucs par cette colonie thasienne, il conviendrait de reconsidérer la découverte des horoi des temples archaïques, d'une part, et les observations de Collait sur la place qu'occupe la cité 120 : « de ce promontoire escarpé, qui dominait à la fois le golfe strymonique et la Piérie, les Thasiens avaient su faire, déjà, en l'entourant de remparts, une citadelle avancée de leurs possessions continentales ; plus tard, il devint l'une des sentinelles qui surveillaient l'accès de la vallée du Strymon. Comme Eïôn à l'embouchure du fleuve, comme Phagrès à l'entrée de la Piérie, comme Argilos qui occupait, sur la côte, mais à l'ouest, une posi-

1 14 J. Pouilloux, Recherches sur l'histoire et les cultes de Thasos, I, Paris, 1951, n° 7, p. 37-40.

115HÉROD., 6, 46, 1. 116 Thuc, 4, 107, 3. Diod. de Sic, 12, 68, 4. Harpocration s.v. Ътс>х>\уу\ et s.v. ГсЛпц/ос

(nóXiq ©ccaíwv). 117 Etienne de Byz. s.v. [Skylax] 67: nokxç, êXkr\viq. Sa destruction par Philippe II (Strab.,

7, 331, frg. 35) et l'arrivée de Persée (Tit. Liv., 49, 45, 15. Diod. de Sic, 30, 21, 1. Plut., Paul Emile 23) après la bataille de Pydna et avant sa fuite à Samothrace. Selon Hécatée (FGrHist 1 F 152) : « Гсйт)\(К)с nôXiç, ©ракпс xai Ilatovoç ».

118 Cf. aussi SEG 36, 1986, 781 sur Anaia, cité de la Pérée de Samos. Sur le statut de cité de Galépsos cf. aussi A.W. Graham, Colony and Mother-City in Ancient Greece, Manchester, 1964, p. 80 et 89.

119 В. Isaac, The Greek Settlements..., op. cit. n. 30, p. 66-69. 120 P. Collart, Philippes, ville de Macédoine depuis ses origines jusqu 'à la fin de l'époque

romaine, Paris, 1937, p. 80-81. Ce passage est également cité par Isaac (B. Isaac, The Greek Settlements..., op. cit. n. 30, p. 63).

RN 2003, p. 227-242

Page 18: PSÔMA SÉLÈNÈ Les « boucs » de la Grèce du Nord.Problèmes d'attribution-1

242 SÉLÉNÈ PSOMA

tion symétrique, comme Stagire de l'autre côté du golfe, Galepsos faisait partie de cette ceinture de places fortes dont le possesseur d'Amphipolis était dans l'obligation de s'assurer, s'il entendait pouvoir profiter des avantages économiques et militaires du territoire dont cette ville était la clef. C'est pourquoi, dans la guerre du Péloponnèse, Brasidas et Cléon durent tour à tour venir l'attaquer ; et c'est aussi pourquoi en 356 avant J.-C. Philippe de Macédoine le détruisit. »

Le monogramme AE Tout comme pour les lettres AOKI (ôokiuov ?), d'autres émissions, nous

ignorons la signification du monogramme ЛЕ. Il s'agit peut être des initiales du mot 8t|uogioç. Nous trouvons l'inscription ДЕМО5ЛЕ sur un vase trouvé à Poluchrônon en Chalcidique qui s'explique par les influences du dialecte et de l'alphabet eubéen dans cette région colonisée par les Érétriens (Mendè) 121. L'alphabet en usage ne fut pas Г eubéen en Macédoine orientale. Pourtant le H est écrit comme E dans quelques-unes des plus anciennes inscriptions de Tha- sos 122.

Il est préférable de considérer le monogramme AE comme la marque de celui qui fut responsable de la frappe de cette émission. Les noms qui commencent par ces lettres sont fréquents dans l'onomastique de Thasos m. Les initiales des responsables de la frappe ont été utilisées par la cité ď Abdère depuis la fin du VIe siècle (groupes I et II de May et Chrysanthaki). Abdère est la première cité importante à l'est de Néapolis. En ce qui concerne son système de contrôle des émissions, les initiales sont parfois accompagnées d'un symbole, certaines autres émissions portent seulement un symbole. Un statère (tétra- drachme de poids attique), frappé peut-être par la cité de Sermylia, porte le nom Má%cov en alphabet eubéen 124. Il précéda les émissions sermyliennes portant l'ethnique. À Acanthe, les émissions à la lettre 0 dans le champ (Desneux 48-83), au monogramme AP (Desneux 84), à un globule (Desneux 85) et au coquillage (Desneux 86-89) sont absentes du trésor d'Asyut et datent des années qui suivirent son enfouissement (475 av. J.-C). Les émissions des boucs à la lettre 0, les initiales АГ ГА, le monogramme AE et la fleur de lotus datent également de cette période.

121 SEG 39, 1989, 614b, SEG, 40, 1990, 549a ; BE 1991, 407 (Hatzopoulos). L'emçloi d'un dialecte non attique était attendu dans cette fondation de Mendè, elle-même colonie d'Érétrie.

122 J. Pouilloux, Recherches sur l'Histoire et les cultes de Thasos. De la fondation de la cité à 196 av. J.-C, Paris, 1954, p. 449 compare IG XII 8, 395 et IG XII sup. 412.

123 LGPNl : AéaÀ-Koç, AeictXicoç, Aeîviç, AevoicAiiç, AeivoKpaxnç, Aeivoua%oç, Aeivo- uévriç, Aeivoatpaxoç, Aewcimaç, Аекцос, АеХгархлС» AeÇmônç, Aeovûç. À Paras, on rencontre également les noms suivants : Aeivctp%oç, Ae£i6eoç, Aé^ixoç, AéÇutTtoç.

124 S. Psôma, ГГАТЕР MAXON, Nom. Chron., 20, 2002, p. 13-44.

RN 2003, p. 227-242