PSF n¡117-Jui/Aou 05 - Fédération Nationale des ... · minorité des patientes du service de...

4
«E n France, il est habituel de laisser les familles seules après une nais- sance, puis d’alerter les juges quand les situations dégénèrent, lance Jacques Dayan, pédopsychiatre au CHU de Caen. C’est agir en méconnaissance totale du psychisme de la jeune accouchée ! » Alors, dans la région, un dispositif de prise en charge psychosociale des femmes concernées par des troubles de la relation mère-enfant a été mis en place avec l’aide d’une association d’aide familiale populaire, l’AFP du Calvados : l’intervention de la TISF est prescrite par le service de pédopsychiatrie du centre hospita- lier régional universitaire de Caen, dans la foulée de l’accouchement, lorsqu’un début de dépression est diagnostiqué – ou ultérieure- ment. Le médecin définit un premier volume horaire qui pourra être reconduit en fonction de l’évolution de la situation. « C’est une aide que je propose aux femmes quand je pense qu’une assistance matérielle pourra aussi avoir une portée psychologique, résume Jacques Dayan, pédopsychiatre au CHRU de Caen. C’est-à-dire lorsqu’elles n’ont aucun soutien aux soins ou qu’elles sont en conflit avec la personne qui pourrait les aider, souvent leur mère. » Evidemment, l’interven- tion au domicile s’ajoute au suivi psychothéra- peutique de la patiente, réalisé en service de pédopsychiatrie. > Genèse de l’initiative. Le projet est né de la rencontre entre la directrice de l’AFP du Calvados, Denise Letuppe et Jacques Dayan, pédopsychiatre au CHU de Caen. « En 2002, j’ai participé à un colloque de l’ARIP sur la périnatalité, se souvient Denise Letuppe. A l’époque, des menaces planaient sur le métier de TISF et je réfléchissais à la façon de le développer. » Les TISF de Caen travaillent alors déjà auprès de patientes du service de pédopsychiatrie du CHU, mais sans formation particulière : « Nous n’y mettions probablement pas toute l’observation que nous avons développée par la suite, assure Denise Letuppe. » Jacques Dayan connaît, lui, depuis longtemps les TISF : « Il y a de nombreuses années, alors que je dirigeais un hôpital de jour, j’avais rencontré un enfant gravement perturbé, et la réflexion avait amené l’équipe à rencontrer la travailleuse familiale qui intervenait au domicile, résume- t-il. J’avais trouvé particulièrement intéressant dossier actualités 4 - Profession Sage-Femme n° 134 Depuis trois ans, à Caen, des techniciennes de l’intervention sociale et familiale (TISF) sont sollicitées dans le cadre de dépressions postnatales. Un dispositif encore rare, même si de nombreuses associations de travail à domicile tentent de le développer ailleurs. Découverte d’une initiative originale et efficace. Des TISF en action DOSSIER RÉALISÉ PAR SANDRA MIGNOT © BSIP/LAURENT DÉPRESSION POSTNATALE

Transcript of PSF n¡117-Jui/Aou 05 - Fédération Nationale des ... · minorité des patientes du service de...

Page 1: PSF n¡117-Jui/Aou 05 - Fédération Nationale des ... · minorité des patientes du service de pédo-psychiatrie. A peine 10 % en bénéficient, ce qui représente environ une vingtaine

«En France, il est habituel de laisserles familles seules après une nais-sance, puis d’alerter les juges

quand les situations dégénèrent, lanceJacques Dayan, pédopsychiatre au CHU deCaen. C’est agir en méconnaissance totale dupsychisme de la jeune accouchée ! » Alors,dans la région, un dispositif de prise encharge psychosociale des femmes concernéespar des troubles de la relation mère-enfant aété mis en place avec l’aide d’une associationd’aide familiale populaire, l’AFP du Calvados :l’intervention de la TISF est prescrite par leservice de pédopsychiatrie du centre hospita-lier régional universitaire de Caen, dans lafoulée de l’accouchement, lorsqu’un début dedépression est diagnostiqué – ou ultérieure-ment. Le médecin définit un premier volume

horaire qui pourra être reconduit en fonctionde l’évolution de la situation. « C’est une aideque je propose aux femmes quand je pensequ’une assistance matérielle pourra aussiavoir une portée psychologique, résumeJacques Dayan, pédopsychiatre au CHRU deCaen. C’est-à-dire lorsqu’elles n’ont aucunsoutien aux soins ou qu’elles sont en conflitavec la personne qui pourrait les aider,souvent leur mère. » Evidemment, l’interven-tion au domicile s’ajoute au suivi psychothéra-peutique de la patiente, réalisé en service depédopsychiatrie. >Genèse de l’initiative. Le projet estné de la rencontre entre la directrice de l’AFPdu Calvados, Denise Letuppe et JacquesDayan, pédopsychiatre au CHU de Caen.« En 2002, j’ai participé à un colloque del’ARIP sur la périnatalité, se souvient DeniseLetuppe. A l’époque, des menaces planaientsur le métier de TISF et je réfléchissais à lafaçon de le développer. » Les TISF de Caentravaillent alors déjà auprès de patientes duservice de pédopsychiatrie du CHU, mais sansformation particulière : « Nous n’y mettionsprobablement pas toute l’observation quenous avons développée par la suite, assureDenise Letuppe. » Jacques Dayan connaît,lui, depuis longtemps les TISF : « Il y a denombreuses années, alors que je dirigeais unhôpital de jour, j’avais rencontré un enfantgravement perturbé, et la réflexion avaitamené l’équipe à rencontrer la travailleusefamiliale qui intervenait au domicile, résume-t-il. J’avais trouvé particulièrement intéressant

dossier

a c t u a l i t é s

4 - Profession Sage-Femme n° 134

Depuis trois ans, à Caen, des techniciennes de l’intervention sociale et familiale (TISF) sontsollicitées dans le cadre de dépressions postnatales. Un dispositif encore rare, même si denombreuses associations de travail à domicile tentent de le développer ailleurs. Découverted’une initiative originale et efficace.

Des TISF en action

� DOSSIER RÉALISÉ PAR SANDRA MIGNOT

© B

SIP

/LAU

REN

T

DÉPRESSION POSTNATALE

Page 2: PSF n¡117-Jui/Aou 05 - Fédération Nationale des ... · minorité des patientes du service de pédo-psychiatrie. A peine 10 % en bénéficient, ce qui représente environ une vingtaine

fant, d’autres qui acceptent car elles ontconfiance en nous... »Pour introduire la fonction de la travailleusefamiliale, le médecin insiste sur l’aide maté-rielle qu’elle peut apporter et sur son écoute.« On explique aux femmes que cela peut lesaider et que si ça ne leur convient pas ellespourront arrêter ou changer de TISF, expliqueJacques Dayan. » Le certificat médical qu’ilrédige est transmis directement à l’AFP, oubien la patiente contacte l’association. Au démarrage, les seules informationscommuniquées aux TISF sont les coordonnéesde la famille, l’indication et le volume horaire.« Au besoin, on les appelle s’il y a vraiment unpoint délicat à mentionner, du type, “atten-tion, pour cette dame l’idée d’avoir un garçonétait absolument insupportable”, préciseJacques Dayan. Cela peut permettre d’éviterdes gaffes. » A partir de là, le responsable desecteur de l’AFP entre en contact avec lafamille, se déplace au domicile et définit avecelle ses besoins et le cadre d’intervention dela TISF : « Je leur demande ce qu’ils attendentde la TISF, précise Liliane Soubien. Quand lesfamilles ne comprennent pas vraiment cequ’on peut faire, je leur dis qu’on est là pourla mère et l’enfant. » Une préparation quiexplique en partie l’adhésion des familles àl’intervention : « Quand on arrive, les genssont impatients de nous recevoir, reconnaît

sans formation, insiste Jacques Dayan. » Sonservice a en effet tenté de travailler avecd’autres associations de travailleuses fami-liales, non formées. « Mais leur conception dela TISF était trop proche de l’aide-ménagère,se souvient-il. Cela ne s’est pas bien passéavec les femmes qui se sont senties jugées,méprisées, prises en pitié. Il faut une forma-tion pour pouvoir prendre du recul dans l’in-tervention, rester neutre, comprendre l’agressi-vité à un moment donné et aider la personneà réfléchir. Intervenir spontanément auprèsd’une personne déprimée comporte un grandrisque d’erreur. La TISF finalement, c’est unespontanéité retravaillée. »>Déclenchement d’une interven-tion. Concrètement, l’intervention de latravailleuse familiale est proposée à uneminorité des patientes du service de pédo-psychiatrie. A peine 10 % en bénéficient, cequi représente environ une vingtaine defamilles ainsi accompagnées chaque année.« En effet, il a été démontré qu’en cas dedépression caractérisée, l’aide psychosocialeest inefficace, explique Jacques Dayan. » Enoutre, un quart des femmes à qui l’interven-tion est proposée la refuse : « Certaines, quiont déjà un suivi social, voient cela commeun contrôle, note Jacques Dayan. Mais il yaussi celles qui savent que la présence de laTISF évitera peut-être le placement de l’en-

son abord de la famille. Cela nous a amenésà réfléchir autrement sur la situation. Et cetteexpérience est restée dans un coin de monesprit. » Entre temps, le professeur passeune année en tant que consultant honoraireà l’institut de psychiatrie de Londres où ildécouvre les Health Visitors, des infirmiersformés au travail social qui interviennentà domicile. Et il rédige un rapport à lademande du gouvernement français sur lapromotion de la santé mentale périnatale« Il m’a autorisée à utiliser ce document pourmonter un projet de collaboration, validé parlui et Michel Dugnat (président de l’ARIP etpédopsychiatre à Avignon), poursuit DeniseLetuppe. » Dans la foulée, le projet sera reprispar la Fédération nationale des associationsde l’aide familiale populaire (FNAAFP/CSF),qui le présente à la Caisse nationale d’allo-cations familiales pour une demande definancement. Intéressée, celle-ci demandequ’une expérimentation soit d’abord menéesur le terrain. La CAF du Calvados accepte,et finance ainsi depuis 2003, les interven-tions des TISF prescrites dans le cadre detroubles précoces de la relation mère-enfant.« L’expérimentation était prévue pour troisans, mais cela fonctionne toujours, préciseDenise Letuppe. » Pour assurer la qualité des interventions, leprojet comporte un volet formation, financépar la FNAAFP. Un séminaire d’une semainedédié à la périnatalité est donc mis sur piedsous l’égide de Michel Dugnat, à Marseille :y sont abordés les réseaux et fonctions dechacun des intervenants du secteur et lapsychologie (conséquences des interventionsen néonatologie, remaniements psychiquesde la grossesse, observation du bébé sur leplan comportemental, principaux troublespsychiques, etc.). « Car l’aide n’est pas possible

Profession Sage-Femme n° 134 - 5

ac

tu

s

Loin d’être des aides à domicile un peu mieux qualifiées, les techniciens de l'interventionsociale et familiale (cette nouvelle dénomination remplace l'ancien titre de travailleusefamiliale, utilisé depuis 1949) sont de véritables travailleurs sociaux, qui utilisent lesupport des tâches ménagères et des activités domestiques pour mener à bien des projetséducatifs et préventifs, auprès de familles en difficulté ou de personnes âgées ou handica-pées. Essentiellement féminine, cette profession comptait, en 2004, environ 9 000personnes. Les TISF bénéficient d’une formation spécifique qui a été profondément rema-niée en 1999 et en 2006. En effet, le certificat de travailleuse familiale a été remplacé, le11 septembre 1999, par le diplôme d'Etat de technicien de l'intervention sociale et fami-liale (lequel est homologué au niveau IV). Et en 2006, le diplôme a été réformé pour,notamment, s'ouvrir à la validation des acquis de l'expérience (VAE) et à la formationinitiale continue. La formation est désormais ouverte en voie directe et plus seulement auxpersonnes déjà en activité. Aucun diplôme préalable n'est exigé à l'admission mais unesélection est organisée par les centres de formation. Conçue en alternance, elle sedéroule sur une période allant de 18 à 24 mois, contre huit mois précédemment. Les ensei-gnements théoriques sont articulés autour de cinq grands thèmes : gestion de la vie quoti-dienne ; connaissances spécifiques des publics aidés ; environnement social despersonnes aidées et action sociale ; méthodologie de l'intervention sociale et culturegénérale. Quant à la formation pratique, elle comprend trois mois de découverte desétablissements et services et cinq mois de stages en situation professionnelle sous laconduite d'un tuteur.Extrait de : Actualité sociale hebdomadaire - http://www.ash.tm.fr

�Les TISF en bref

Page 3: PSF n¡117-Jui/Aou 05 - Fédération Nationale des ... · minorité des patientes du service de pédo-psychiatrie. A peine 10 % en bénéficient, ce qui représente environ une vingtaine

6 - Profession Sage-Femme n° 134

« Au départ, on y va souvent tous les jours,précise Karine Cabouret, TISF à l’AFP duCalvados. Cela fait du bien aux mamans depouvoir déverser leur angoisse, d’exprimerleurs peurs vis-à-vis de ce bébé qui pleuretout le temps ou qu’elles craignent de blesserau moindre geste. » La jeune femme sesouvient d’être intervenue auprès d’une mèrequi ne voyait que le négatif dans l’arrivée deson bébé : réveils nocturnes, pleurs, dépen-dance, etc. L’enfant était laissé dans son liten permanence. « J’ai pu l’amener à prendredu plaisir avec cet enfant, poursuit KarineCabouret. Lui montrer que le bébé pouvaitavoir envie de s’endormir sur sa mère. C’estaussi notre boulot de leur apprendre àcomprendre les besoins de l’enfant. » La priseen charge des tâches ménagères apparaîtalors presque davantage comme un prétextequi permet d’entrer dans le foyer et d’initierune relation avec la jeune maman. « En “péri-nat” nous sommes plus dans la présence,le soutien que dans l’action, note Virginie

Anquetil. Même si nous pouvons préparer unrepas ou promener l’enfant si la maman abesoin d’être seule une heure ou deux. »

Virginie Anquetil, TISF à l’AFP du Calvados. Ilfaut dire aussi que nous représentons parfoisl’alternative à une hospitalisation longue etlointaine, car il n’y a pas d’unité mère-enfantau CHU de Caen. » >Missions de la TISF. En général,la technicienne n’est pas là pour s’occuper dubébé à la place de la maman, sauf demandeexpresse de sa part. « Il s’agit plutôt de lasoulager de certaines tâches pour qu’ellen’ait plus à s’occuper que du bébé, précise laresponsable de secteur de l’AFP. » Des objec-tifs sont clairement définis : soutien à laparentalité, repos de la maman, allègementde ses tâches ménagères, etc. Le rythme desinterventions est prévu d’emblée : « On peutcommencer par venir tous les jours durantquatre heures, suggère Denise Letuppe, voiredeux demi-journées par jour. » L’interventions’allègera ensuite au fil du temps. La moyennedes suivis s’étale en général sur six mois,soit une centaine d’heures, mais certainspeuvent se prolonger jusqu’à une année.

� « Au domicile, on décèle forcément si quelque chose ne va pas »A la suite de l’AFP du Calvados, d’autres associations se forment progressivement afin de développer uneaction dans les troubles du post-partum. A Lorient, c’est un modèle basé sur la prévention, élaboré au sein duréseau périnatalité du Morbihan dont font partie les TISF, qui devrait bientôt entrer en action. Les explicationsde Catherine Vallée, directrice de l’AFP Lorient.

ac

tu

s Comment pouvez-vous résumer votre projet d’interven-tion en post-partum ?L’idée est de proposer une douzaine d’heures de TISFgratuites à la sortie de la maternité aux familles pourlesquelles un partenaire du réseau de périnatalité – qui esten train de se mettre en place dans le Morbihan – soup-çonne une difficulté. Sages-femmes hospitalières, puéricul-trices de PMI, médecins, assistantes sociales pourrontprescrire notre intervention, prise en charge à 100 %. Celapermettra aux TISF d’entrer dans les familles afin de mieuxpercevoir le problème et prévenir la dégénérescence dessituations.

Qu’est-ce qui vous a amenés à concevoir ce projet ?Nous avons réfléchi suite à des expériences dramatiquesauxquelles nous avons été confrontés. Nous nous sommespar exemple rendus au domicile d’une maman, à la demanded’une assistante sociale hospitalière, alors que celle-ci, trèsanxieuse pour son foyer avait signé une décharge et étaitrentrée chez elle, deux jours après sa césarienne. Nousavons trouvé une situation de grande souffrance familiale,mêlant violences conjugales, addictions, troubles de la rela-tion mère-bébé. Grâce à notre présence, mais aussi à l’as-sistante sociale qui avait fait des pieds et des mains pourque notre intervention soit financée complètement et quis’est beaucoup investie auprès de cette famille, nous avonspu faire scolariser le troisième enfant de la famille, mettreen place un suivi psychiatrique et une cure de désintoxica-

tion pour la maman, éviter un placement ASE et aider àl’élaboration du lien mère-enfant. En peu de temps, laprésence de la TISF l’a aidée à exprimer certaines choses :nous avions senti qu’elle voulait protéger ses enfants etqu’elle voulait réparer ce qui pouvait l’être auprès de sestrois enfants précédents. Une autre expérience nous amenés auprès d’une maman anorexique qui nourrissait insuf-fisamment son bébé. Elle n’acceptait au départ que lesvisites d’une sage-femme de la PMI et refusait tout suivisocial. Nous avons décelé ces deux situations grâce autravail en réseau et parce que dans les deux cas quelqu’unest arrivé au moment critique. Mais nous nous sommes ditqu’il en existait probablement d’autres à côté desquellesles professionnels sont passés faute de moyens. Ce qui estintéressant avec la TISF, c’est qu’elle passe du temps avecla personne, à son domicile. Elle décèle forcément siquelque chose ne va pas.

Avez-vous obtenu le financement de vos activités ?Nous sommes en attente d’une réponse de la caisse d’allo-cations familiales. Pour nous c’est l’institution qui doitprendre en charge cette intervention tant qu’il s’agit deprévention primaire. Après, s’il faut enclencher un véritablesuivi au-delà des douze heures, un financement ASE pourraéventuellement être recherché. Les sages-femmes et lepersonnel de PMI nous soutiennent : ils ont manifesté leursdifficultés à proposer nos services alors qu’une part desfrais reste à la charge des familles.

© B

SIP

/JO

HN

BIR

DS

ALL

Page 4: PSF n¡117-Jui/Aou 05 - Fédération Nationale des ... · minorité des patientes du service de pédo-psychiatrie. A peine 10 % en bénéficient, ce qui représente environ une vingtaine

Profession Sage-Femme n° 134 - 7

En cas de difficultés spécifiques, les TISFpourront alors prendre contact avec d’autresacteurs de la périnatalité (puéricultrice dePMI, diététicienne hospitalière, assistantesocial, etc., et bien sûr, pédopsychiatres duCHU). « Puéricultrices et assistantes socialespassent aussi au domicile, explique CharlineBesnier, TISF à l’AFP du Calvados. Au besoinnous pouvons les contacter. » Le tout entransparence avec la famille, systématique-ment avertie, voire associée aux réunions quipeuvent concerner sa situation. Une super-vision avait également été mise en placepour soutenir les TISF. Les cas de violencesconjugales ou d’addictions ne sont pas rares.« Pendant six mois, nous avons pu exami-ner ensemble les situations les plus diffi-ciles à gérer, se rappelle Jacques Dayan. Maisnous avons dû renoncer à ce suivi, car nousn’avions aucun moyen pour l’assurer. » Lasupervision s’effectue donc désormais eninterne, au sein de l’association.> Un succès notable. L’AFP duCalvados évalue le taux de succès duprogramme à 80 %. « La réussite pour nousc’est lorsqu’une famille manifeste le souhaitd’interrompre l’intervention TISF parcequ’elle sent qu’elle peut s’occuper seule deson enfant, précise Denise Letuppe. Nous,on voit bien que la relation s’installe : celapeut se traduire par un enfant qui pleuraiten permanence dans les bras de sa mère etqui ne pleure plus, un bébé qui refusait l’ali-mentation donnée par sa maman et qui l’ac-cepte. Tout un tas de signes que nous avonsappris à observer. » Une réussite empirique,comme le reconnaît le docteur Dayan :« Comme nous suivons les femmes en psycho-

thérapie, nous voyons que ça marche. Nousavons bien essayé de faire passer l’EdinburghPostnatal Depression Scale* par les TISFaux femmes après leur intervention. Maiscomme nous n’avions pas de financementpour cette évaluation, nous avons eu peu deretours. » Difficile également de discerner lapart qui revient à l’action de la travailleusefamiliale. « Pourtant j’ai la certitude quecertaines familles auraient été séparées deleur enfant sans cette intervention, assureJacques Dayan. »Des constats qui encouragent à dévelop-per l’action. La formation, développée auniveau national a déjà été suivie par 170 TISFet 20 personnels d’encadrement. Des projets

émargent dans différents départements fran-çais, en quête de financement. Du côté deCaen, Denise Letuppe aimerait voir élargi lechamp d’action de ses TISF : « Nous avonsdéjà reçu des demandes de prise en chargeémanant du service psychiatrique, que nousavons acceptées, note-t-elle. Mais il nousfaudra perfectionner la formation de nos sala-riées en ce domaine pour aller plus loin. » Enoutre, l’association réfléchit à une prise encharge qui pourrait être proposée plus préco-cement, en prénatal.

*L'Edinburgh Postnatal Depression Scale est unquestionnaire simple, en dix items, permettant ledépistage systématique ou l'évaluation de l'amé-lioration de l'état dépressif.

ac

tu

s

Le début est le plus souvent insidieux,parfois sous la forme d’un post-partumblues qui se prolonge (Lemperière et coll .,1984), mais le plus souvent après unelatence de durée variable. Deux pics defréquence sont signalés : les six premièressemaines puis entre le 9e et le 15e mois dupost-partum (Lemperière et coll., 1984).La dynamique du trouble reste encore l’ob-jet d’études (Cooper et coll., 1988). Laphase d’état est dominée par des manifes-tations d’allure névrotique. C’est unedysthymie asthénique et irritable affectantcentralement la relation à l’enfant et auxsoins. Il n’est que de rares et discretsaspects sémiologiques qui la distinguentd’une banale dépression.Certains signes sont peu spécifiques :- tendance à pleurer ;- labilité de l’humeur plus altérée le soir ;- découragement ;

- fatigue, asthénie, épuisement, lassitudephysique et intellectuelle ;

- perte des intérêts habituels ;- perte de la libido ;- insomnie d’endormissement aveccauchemars ;

- plaintes somatiques ;- craintes hypocondriaques ;- troubles de la concentration et de lamémoire ;

Les éléments les plus caractéristiquessont :- sentiment d’incapacité physique àrépondre aux besoins de l’enfant ;

- absence de plaisir à pratiquer les soins,sentiment d’inadaptation aux besoins dubébé ;

- phobies d’impulsion ;- irritabilité, agressivité généralement diri-gée vers l’époux ou les autres enfants dela fratrie.

�Description clinique de la dépressiondu post-partum

Extrait de : Psychopathologie de la périnatalité, sous la coordination de J. Dayan, Masson, Paris 1999.