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Keywords : Acute pericarditis, etiology, tamponade Moroccan Journal of Cardiology© 2012. Mor J Cardiol 2012; 7: 5-9 Mots clés : Péricardite aigue, diagnostic étiologique, tamponnade La douleur thoracique représente près de 5 % des motifs de consultations aux urgences 1 . Si les syndromes coronaires aigus (SCA) restent à juste titre au centre des préoccupations médicales, la péricardite aiguë constitue un des diagnostics différentiels. Sa prévalence reste sous-estimée puisqu’elle atteindrait 1 % selon les séries autopsiques 2 . Cette affection, le plus souvent d’origine virale, est diagnostiquée grâce aux données de la clinique, de l’électrocardiogramme et de l’échocardiographie qui peut mettre en évidence un épanchement péricardique. L’étape diagnostique étiologique constitue un challenge pour le cardiologue surtout si la péricardite est le mode de révélation d’une maladie systémique. D’autre part, « Péricardite aigue » et « épanchement péricardique » ne sont pas synonymes. En effet, on peut diagnostiquer une péricardite sans épanchement (péricardite sèche) et inversement un épanchement péricardique peut s’observer sans contexte inflammatoire. Les étiologies des péricardites aigues sont nombreuses. Les études basées sur des méthodes d’investigation poussées systématiques permettent de poser un diagnostic étiologique dans 70 % des cas 3 . Le tableau 1 résume les étiologies des péricardites aigues. Management of acute pericarditis L. Ouaha, N. El Khorb, I. Lahlou, H. Akoudad Auteur correspondant: Dr. Latifa Ouaha Service de Cardiologie, CHU Hassan II, Fès, Maroc. [email protected] Mise au Point Thématique Prise en charge des péricardites aigues Résumé : L’incidence des péricardites aigues est difficile à évaluer en raison des cas non diagnostiqués. Le diagnostic positif de cette affection ne pose pas de problème notamment quand un épanchement péricardique est retrouvé à l’échocardiographie. En revanche, le diagnostic étiologique présente des difficultés variables en raison de la diversité des étiologies. Le traitement médical est instauré en fonction de l’étiologie. L’évolution des péricardites aigues est généralement favorable, mais elle peut être émaillée de complications comme la tamponnade, la restriction ou les récidives. Etiologies des péricardites aigues Summary : The incidence of acute pericarditis is difficult to quantify because there are undoubtedly many undiagnosed cases. Echocardiography plays major roles in the identification of pericardial effusion and in the assessment of its hemodynamic significance. The cause of acute pericarditis remains a challenge for the clinician, because the list of etiologies is quite extensive. The complications of acute pericarditis include cardiac tamponade, constrictive pericarditis, and reccurences. Péricardites infectieuses Péricardites non infectieuses Péricardites virales : echovirus, coxsackievirus, influenza, Epstein Barre, cytomegalovirus, adenovirus, varicella, rubella, virus de l’hépatite B et C, HIV, parvovirus B19, herpes virus. Péricardites bactériennes : tuberculose, Coxiella burnetii; infection à pneumocoque, meningocoque, gonocoque, Haemophilus, staphylocoque, chlamydia, Mycoplasme, legionelle, leptospirose, listeriose. Péricardites fongiques : surtout chez le patient immunodéprimé : histoplasmose, aspergillose, candidose. Péricardites parasitaires : sont rares, echinococcose, toxoplasmose. Péricardites auto-immunes : - Maladies de système et auto-inflammatoires : lupus, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Sjögren, sclérodermie systémique, vascularites, maladie de Behçet, sarcoïdose, fièvre familiale méditerranéenne. - Syndrome post-lésionnel péricardique : syndrome de Dressler, syndrome post-péricardotomie, péricardite post-traumatique incluant les péricardites iatrogènes (après angioplastie ou pose de pacemaker). Péricardites du contexte néoplasique : - Mesothéliome péricardique. - Métastases : cancers du poumon et du sein, lymphome. - Péricardite post-radique. Péricardites métaboliques : hypothyroïdie, insuffisance rénale. Péricardites causées par des médicaments : procaïnamide, hydralazine, phenytoïne, isoniazide (lupus-induit), pénicilline (hypersensibilité), doxorubicine, daunorubicine (toxicité péricardique). Autres : Traumatisme thoracique avec atteinte péricardique Tableau 1. Etiologies des péricardites aigues 5

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Keywords : Acute pericarditis, etiology, tamponadeMoroccan Journal of Cardiology© 2012. Mor J Cardiol 2012; 7: 5-9

Mots clés : Péricardite aigue, diagnostic étiologique, tamponnade

La douleur thoracique représente près de 5 % des motifs de consultations aux urgences1. Si les syndromes coronaires aigus (SCA) restent à juste titre au centre des préoccupations médicales, la péricardite aiguë constitue un des diagnostics différentiels. Sa prévalence reste sous-estimée puisqu’elle atteindrait 1 % selon les séries autopsiques2. Cette affection, le plus souvent d’origine virale, est diagnostiquée grâce aux données de la clinique, de l’électrocardiogramme et de l’échocardiographie qui peut mettre en évidence un épanchement péricardique. L’étape diagnostique étiologique constitue un challenge pour le cardiologue surtout si la péricardite est le mode de révélation d’une maladie systémique. D’autre part, « Péricardite aigue » et « épanchement péricardique » ne sont pas synonymes. En effet, on peut diagnostiquer une péricardite sans épanchement (péricardite sèche) et inversement un épanchement péricardique peut s’observer sans contexte inflammatoire.

Les étiologies des péricardites aigues sont nombreuses. Les études basées sur des méthodes d’investigation poussées systématiques permettent de poser un diagnostic étiologique dans 70 % des cas3. Le tableau 1 résume les étiologies des péricardites aigues.

Management of acute pericarditis

L. Ouaha, N. El Khorb, I. Lahlou, H. Akoudad

Auteur correspondant: Dr. Latifa OuahaService de Cardiologie, CHU Hassan II, Fès, [email protected]

Mise au Point Thématique

Prise en charge des péricardites aigues

Résumé : L’incidence des péricardites aigues est difficile à évaluer en raison des cas non diagnostiqués. Le diagnostic positif de cette affection ne pose pas de problème notamment quand un épanchement péricardique est retrouvé à l’échocardiographie. En revanche, le diagnostic étiologique présente des difficultés variables en raison de la diversité des étiologies. Le traitement médical est instauré en fonction de l’étiologie. L’évolution des péricardites aigues est généralement favorable, mais elle peut être émaillée de complications comme la tamponnade, la restriction ou les récidives.

Etiologies des péricardites aigues

Summary : The incidence of acute pericarditis is difficult to quantify because there are undoubtedly many undiagnosed cases. Echocardiography plays major roles in the identification of pericardial effusion and in the assessment of its hemodynamic significance. The cause of acute pericarditis remains a challenge for the clinician, because the list of etiologies is quite extensive. The complications of acute pericarditis include cardiac tamponade, constrictive pericarditis, and reccurences.

Péricardites infectieuses

Péricardites non infectieuses

Péricardites virales : echovirus, coxsackievirus, influenza, Epstein Barre, cytomegalovirus, adenovirus, varicella, rubella, virus de l’hépatite B et C, HIV, parvovirus B19, herpes virus.Péricardites bactériennes : tuberculose, Coxiella burnetii; infection à pneumocoque, meningocoque, gonocoque, Haemophilus, staphylocoque, chlamydia, Mycoplasme, legionelle, leptospirose, listeriose.Péricardites fongiques : surtout chez le patient immunodéprimé : histoplasmose, aspergillose, candidose.Péricardites parasitaires : sont rares, echinococcose, toxoplasmose.

Péricardites auto-immunes : - Maladies de système et auto-inflammatoires : lupus, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Sjögren, sclérodermie systémique, vascularites, maladie de Behçet, sarcoïdose, fièvre familiale méditerranéenne.- Syndrome post-lésionnel péricardique : syndrome de Dressler, syndrome post-péricardotomie, péricardite post-traumatique incluant les péricardites iatrogènes (après angioplastie ou pose de pacemaker). Péricardites du contexte néoplasique :- Mesothéliome péricardique.- Métastases : cancers du poumon et du sein, lymphome.- Péricardite post-radique.Péricardites métaboliques : hypothyroïdie, insuffisance rénale.Péricardites causées par des médicaments : procaïnamide, hydralazine, phenytoïne, isoniazide (lupus-induit), pénicilline (hypersensibilité), doxorubicine, daunorubicine (toxicité péricardique).Autres : Traumatisme thoracique avec atteinte péricardique

Tableau 1. Etiologies des péricardites aigues

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L. Ouaha et al Mor J Cardiol 2012; 7:5-9

La radiographie thoracique recherche en règle des lésions pulmonaires ou médiastinales. Il existe une cardiomégalie symétrique en cas d’épanchement péricardique abondant (aspect en théière ou en carafe) (figure 2).L’échocardiographie est l’examen clé pour affirmer la présence de l’épanchement péricardique, évaluer son retentissement et parfois orienter la recherche étiologique. L’épanchement apparaît comme un espace vide d’écho d’abord visualisé en avant de la paroi inférieure du ventricule droit (incidence sous-costale) et en arrière de la paroi postérieure du ventricule gauche (figure 3). L’extension de l’épanchement se fera vers la paroi latérale du ventricule gauche puis en avant du ventricule

Figure 1. Electrocardiogramme montrant un microvoltage, une alternance électrique et des ondes T négatives diffuses

Figure 3. Incidence échographique parasternale grand axe objectivant la présence d’un épanchement péricardique.

Figure 2. Radiographie thoracique de face montrant un cœur en carafe. Noter la rectitude des bords de la silhouette cardiaque.

droit. L’échocardiographie permet d’évaluer de manièresemi-quantitative l’abondance de l’épanchement. En effet, l’épanchement peut être mesuré en mode TM en diastole en précisant le site de mesure (en général en arrière de la paroi postérieure du ventricule gauche). L’épanchement sera qualifié de modéré (moins de 10 mm), moyen(10-20 mm) ou abondant (plus de 20 mm)6. Dans ce dernier cas, le cœur acquiert un mouvement en « battant de cloche »au sein de l’épanchement (danse du cœur ou« swinging heart »). L’épanchement péricardique peut être d’échogénicité inhomogène car riche en dépôts fibrineux denses se traduisant par des bandes hyper-échogènes(figure 4). Dans le cadre d’une myopéricardite, l’inflammation et l’atteinte microvasculaire entraînent une élévation de la troponine, sans lésion coronarienne. Toutefois, cela ne doit pas faire écarter d’emblée les diagnostics différentiels, en particulier la cardiopathie ischémique. La troponine est fréquemment élevée lors de péricardites d’allure bénigne. En effet, Imazio et al. retrouvent une augmentation de la troponine chez 32 % des 119 malades de leur cohorte7.L’élévation de la VS et de la CRP, de même que l’hyperleucocytose sont également retrouvées dans la péricardite aigue.

Le diagnostic de la péricardite aigue est basé sur la présence d’une douleur thoracique, d’un frottement péricardique et d’anomalies électrocardiographiques compatibles4. La douleur thoracique est le symptôme le plus fréquent et elle est évocatrice si elle est inspiratoire, augmentée par la toux et le décubitus et soulagée par l’antéflexion. La fièvre est présente en général d’emblée et s’observe dans les formes virales et purulentes. Un syndrome grippal peut précéder de quelques jours la péricardite virale. Le frottement péricardique est pathognomonique de la péricardite mais il est fugace et peut être absent. C’est un bruit superficiel systolo-diastolique à 3 temps : systolique, pré-systolique et proto-diastolique. A la différence du frottement pleural, il persiste en apnée. L’assourdissement des bruits du cœur à la pointe avec conservation d’une intensité normale à la base est un signe évocateur d’épanchement péricardique. L’examen clinique doit rechercher également des signes droits ou un pouls paradoxal qui doivent faire suspecter une tamponnade. L’ECG est rarement normal. Les troubles de la repolarisation évoluent en 4 stades successifs d’Holtzman.Le sus-décalage de la péricardite est diffus, concave vers le haut et ne s’accompagne pas d’image en miroir. Le sous-décalage du segment PQ est un signe précoce mais évocateur. Le microvoltage et l’alternance électrique sont observés en cas d’épanchement péricardique associé (figure 1)5.

La stratégie diagnostique devant une péricardite aigue Le diagnostic positif

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Figure 5. Incidence échographique 4 cavités objectivant la compression diastolique du ventricule droit avec une déviation du septum vers le ventricule gauche.

Figure 4. Incidence échographique parasternale grand axe objectivant la présence d’un épanchement péricardique avec dépôts de fibrine. Noter l’aspect de bandes hyperéchogènes autour du feuillet péricardique (flèche).

La tamponnade est la complication la plus redoutable des épanchements accompagnant les péricardites aigues. Sa prévalence varie de 19 à 22 % pour les séries les plus anciennes à 5 % pour la plus récente8. Elle réalise une adiastolie aigue responsable d’une réduction du remplissage ventriculaire, du volume d’éjection systolique et de la pression artérielle. Le risque de tamponnade dépend plus de la rapidité de constitution de l’épanchement que de son volume et elle est plus observée dans les péricardites néoplasiques, tuberculeuses ou purulentes9. Le malade est en général polypnéïque, en position demi-assise et tachycarde. Il existe un pouls paradoxal et des signes droits (turgescence des veines jugulaires avec reflux hépato-jugulaire). L’électrocardiogramme révèle le microvoltage et l’alternance électrique totale (onde P et complexe QRS). L’échocardiographie est l’examen clé pour le diagnostic de la tamponnade. Elle doit être réalisée en urgence, au lit du malade afin de mettre en évidence les signes de compression des cavités droites (figure 5) (tableau 2).

La recherche étiologique des péricardites aigues doit être ciblée au cas par cas car les causes sont nombreuses et une enquête étiologique exhaustive sera coûteuse et peu contributive10.Le premier stade de cette enquête étiologique comporte un premier bilan de débrouillage (tableau 3), une radiographie thoracique et un écho Doppler cardiaque. En cas de pleurésie associée, une ponction biopsie pleurale est indiquée. A côté de l’étude cytobactériologique et biochimique du liquide de ponction pleurale, un dosage de l’adénosine déaminaseest effectué. Le stade 1 inclut également d’autresinvestigations : un scanner thoracique, biopsie d’adénopathies, sérologie de toxoplasmose, légionnella et mycoplasma.Le deuxième stade inclut une ponction péricardique, qui est indiquée uniquement en cas de tamponnade ou lorsqu’une péricardite purulente est suspectée. L’analyse du liquide de ponction péricardique est similaire avec recherche de bacilles de Koch par méthode de PCR.Le troisième stade de l’enquête étiologique, comporte un drainage-biopsie péricardique avec étude histologique et culture du tissu biopsié. Le drainage chirurgical est indiqué lorsque la ponction péricardique n’est pas concluante, lorsque la tamponnade est récidivante et lorsque l’épanchement persiste au delà de trois semaines sans diagnostic évident.

L’évaluation de la gravité de la péricardite aigue : le cas de la tamponnade

Le diagnostic étiologique

Signes morphologiques

Explorations à réaliser pour tous les patients

Signes Doppler

Explorations à réaliser au cas par cas

Collapsus prolongé de l’oreillette droite et du ventricule droitSeptum paradoxal réduisant la cavité ventriculaire gauchePerte du collapsus inspiratoire de la veine cave inférieure

Ionogramme sanguin + urée + créatinine sanguineNFS VSIDR à la tuberculineECGRadiographie thoraciqueEcho-Doppler cardiaque

Augmentation inspiratoire de plus de 40 % des flux tricuspide ou pulmonaireDiminution inspiratoire de plus de 25 % du flux mitral ou aortique Diminution expiratoire voire inversion de l’onde D sur le flux veineux sus-hépatique

Anticorps anti-nucléaires et facteur rhumatoïde si on suspecte un lupus ou une polyarthrite rhumatoïdeBilan thyroïdien en cas de signes d’hypothyroïdie ou en cas d’épanchement péricardique sans cause évidenteSérologie HIV en cas de contexte évocateurHémocultures en cas de péricardite fébrile si on suspecte une cause bactérienneSérologie fongique chez les patients immunodéprimés

Tableau 2. Signes écho-Doppler de la tamponnade

Tableau 3. Explorations à demander en cas de péricardite aigue.

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L’évolution de la péricardite aigue se fait le plus souvent vers la guérison, avec régression en quelques jours de la fièvre et des douleurs, et en 2 à 6 semaines du syndrome inflammatoire biologique. Une surveillance échocardiographique est souhaitable pendant cette période à cause du risque de tamponnade qui dépend de l’étiologie de la péricardite. À moyen terme, la récidive de péricardite reste la complication la plus fréquente, surtout en cas de forme virale, de syndrome postpéricardotomie, et dans les formes traitées par corticoïdes. Si la tolérance fonctionnelle est variable, les formes récidivantes gardent le plus souvent un bon pronostic.Un second risque évolutif des péricardites aiguës est la survenue d’une péricardite chronique constrictive qui peut être l’évolution lointaine d’une péricardite liquidienne dont l’évolution initiale avait été favorable et semblait bénigne. Elle peut également être inaugurale lorsque l’épisode péricarditique initial est passé inaperçu. Ces péricardites constrictives sont dues anatomiquement à un épaississement anormal du péricarde avec symphyse des deux feuillets. Ce péricarde pathologique constitue une gangue fibreuse ou calcifiée qui enserre les cavités cardiaques et empêche le remplissage diastolique (adiastolie chronique).

Le repos est essentiel pour limiter la douleur thoracique et diminuer les doses des antalgiques. Le traitement des péricardites aigues idiopathiques et virales, repose sur l’utilisation des anti-inflammatoires. Ceux-ci sont en général prescrits à fortes doses visant la normalisation de la CRP et doivent être associés à un protecteur gastrique11. L’arrêt du traitement anti-inflammatoire se fera progressivement et après réalisation d’une échocardiographie pour s’assurer de l’absence d’épanchement péricardique résiduel. Le tableau.4 résume les modalités de prescription desanti-inflammatoires dans la péricardite aigue.La colchicine est préconisée essentiellement dans les péricardites récidivantes à la dose de 0,5 mg deux fois par jour (0,5 mg/j si le poids est inférieur à 70 Kg) pendant 3 mois s’il s’agit d’un premier épisode (prévention primaire) ou pendant 6 mois s’il s’agit d’une récidive12.Etant un facteur favorisant la récidive des péricardites, la corticothérapie doit être utilisée en cas d’intolérance, de contre-indication ou d’échec du traitement anti-inflammatoire. Les corticoïdes sont prescrits à la dose de 0,2-0,5 mg/kg/j et doivent être arrêtés de façon très progressive11.

La péricardite aigue s’accompagne souvent d’un épanchement péricardique minime qui n’a pas de conséquence hémodynamique. En dehors de la tamponnade et si le diagnostic étiologique peut être posé par un autre moyen, le drainage de l’épanchement n’est pas nécessaire. L’algorithme de la figure 6 permet de simplifier la conduite à tenir devant un épanchement péricardique. Le drainage péricardique percutané peut avoir des complications qui sont résumées dans le tableau 5.Le drainage chirurgical peut être utilisé dans les épanchements cloisonnés ou dans les situations de péricardites récidivantes avec épisodes de tamponnade. Dans ce dernier cas, la réalisation d’une fenêtre pleuro-péricardique permettra de prévenir la survenue ultérieure de cette complication. Quand le drainage est réalisé chirurgicalement, l’inspection du péricarde ainsi que la réalisation de biopsies peuvent aider au diagnostic étiologique.

Evolution et complications despéricardites aigues

Prise en charge thérapeutiqueLe traitement médical

La gestion de l’épanchement péricardique

Médicament Dose d’attaque1-2 semaines

Dégression des dosestoutes les 1- 2 semaines

Aspirine

Ibuprofène

750- 1000 mg3 fois par jour

600 mg3 fois par jour

750-1000 mg 2 fois par jour puis 750 mg- 1000 mg par jour

- Arythmies: tachycardie ou fibrillation ventriculaire- Ponction artérielle ou d’une cavité cardiaque- Pneumopéricarde- Pneumothorax ou hémothorax- Ponction péritonéale- Lésion hépatique ou d’une anse digestive- Infection

400 mg 3 fois par jourpuis 200 mg 3 fois par jour

Tableau 4. Modalités de prescription des anti-inflammatoires dans la péricardite aigue.

Tableau 5. Complications de la ponction péricardique.

L. Ouaha et al Mor J Cardiol 2012; 7:5-9

Epanchement péricardique > 10 mm

Signes de tamponnade ?Suspicion de péricardite purulente ?

Epanchement > 20 mm ?

Suspicion de péricardite néoplasique ?Evolution < 1 mois ?

Drainage

Traiterla péricardite

Traiter la péricardite

Drainage

Oui

Non

Non

Non

Oui

Oui

Figure 6. Algorithme de prise en charge des épanchements péricardiques.

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La tuberculose reste une cause majeure de péricardite chez le patient immunodéprimé et dans les pays en voie de développement. Dans ce dernier cas, l’origine tuberculeuse est retrouvée dans 70 % des épanchements péricardiques et dans la plupart des cas de constriction13.L’atteinte péricardique est en général secondaire à une diffusion lymphatique à partir des adénopathiespéri-bronchiques, peri-trachéales ou médiastinales. Unediffusion hématogène à partir d’un autre site est également possible alors que l’atteinte péricardique par contiguïté à partir d’un foyer pulmonaire est exceptionnelle. La présentation clinique de l’atteinte péricardique tuberculeuse est souvent subaigüe voire chronique. Le malade peut être fébrile, dyspnéique avec souvent un épanchement péricardique à l’échocardiographie. Le diagnostic de la péricardite tuberculeuse, par ailleurs difficile, est définitivement porté sur l’isolement du germe dans le liquide et surtout dans la biopsie péricardique. Le dosage de l’adénosine deaminase dans le liquide péricardique est d’une grande valeur notamment quand le taux est supérieur à 40 unités/l14. Le traitement anti-bacillaire repose sur l’utilisation d’une quadrithérapie pendant 2 mois : Le pyrazinamide(30 mg / Kg/J), l’isoniazide (5 mg / Kg/J), l’ethambutol(20 mg / Kg /J), et la rifampicine (10 mg / Kg / J). Après 2 mois, le pyrazinamide et l’éthambutol sont arrêtés le traitement se poursuit avec l’isoniazide et la rifampicine pendant 7 mois avec surveillance hépatique et oculaire. La corticothérapie (1 mg/Kg de prédnisone pendant un mois) a un effet symptomatique très appréciable au début du traitement, mais n’a pas prouvé son efficacité sur la prévention de la constriction péricardique15.

L’identification précise du germe pathogène parfois grâce aux hémocultures conditionne le succès du traitement. L’antibiothérapie adaptée au germe associée au drainage chirurgical sont les bases de la prise en charge. Le pronostic est péjoratif en l’absence de traitement avec une mortalité de 100%16.

Les péricardites précoces après un infarctus du myocarde surviennent souvent dans les 3 jours suivant l’évènement coronaire (en tout cas moins d’une semaine). Elles s’observent dans les infarctus essentiellement larges et sont liées à l’inflammation péricardique secondaire à la nécrose transmurale17. La prise en charge de la péricardite précoce dépend des symptômes. L’augmentation des doses d’aspirine (650 mg d’aspirine 3 à 4 fois par jour pendant 2-5 jours) est souvent suffisante dans cette forme bénigne de péricardite.Les péricardites tardives, initialement décrites par Dressler, se manifestent dans 4 % des cas au cours des semaines qui suivent un infarctus du myocarde. D’origine probablement auto-immune (sensibilisation vis-à-vis des cellules myocardiques lors de l’infarctus), ce syndrome se traduit par un tableau de péricardite aiguë fébrile, parfois suivi d’une

Le spectre clinique des péricardites aiguës a changé en 30 ans, et le diagnostic reste souvent difficile. Celui-ci n’est plus porté sur des arguments uniquement cliniques, puisque l’échocardiographie et les données biologiques (marqueurs inflammatoires et enzymes cardiaques) sont désormais d’un apport parfois décisif. Les étiologies des péricardites aigues sont multiples et dominées dans notre contexte par la tuberculose. Il faut garder à l’esprit que la péricardite ne traduit pas simplement une pathologie cardiaque ou une virose, mais elle peut être révélatrice d’une pathologie générale.

Quelques formes étiologiques àdiscuter

Conclusion

Les péricardites tuberculeuses

Les péricardites purulentes

Les péricardites de l’infarctus du myocarde

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L. Ouaha et al Mor J Cardiol 2012; 7:5-9

phase liquidienne ou accompagné d’une pleurésie gauche. L’hospitalisation des patients porteurs d’un syndrome de Dressler dépend de l’abondance de l’épanchement péricardique. Le traitement est basé sur l’aspirine et lesanti-inflammatoires. La colchcine ou les corticoïdes peuvent être utilisés dans les formes ne répondant pas au traitement anti-inflammatoire ou dans les formes récidivantes18.

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