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1 )- © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Il est difficile, en thérapeutique manuelle, d’avoir uniquement une approche diagnosti- que et thérapeutique mono-articulaire. Si la description analytique de chaque articulation est indispensable à une connaissance parfaite de chacun de ses composants, la clinique nous apprend l’interrelation fonctionnelle de chacune des liaisons du membre supérieur. Cette étroite dépendance transparaît à travers les muscles polyarticulaires, le système ner- veux et vasculaires. Elle se manifeste pleine- ment lors de la réalisation de geste aussi simple que de s’essuyer les lèvres d’un re- vers de main ou de se curer moins élégam- ment le nez avec son index, gestes qui met- tent en jeu une multitude de centres nerveux, d’effecteurs et de capteurs. En traumatologie du sport, cette évidente glo- balité s’exprime à travers les associations lé- sionnelles que l’on rencontre lors des pertes d’équilibre des pratiquants de skate ou de roller. Les chutes brutales peuvent être amor- ties par les mains et les poignets, positionnés en flexion dorsale, coude en extension. Mais si le poignet peut porter les stigmates du choc, sous la forme d’une fracture de l’extré- mité distale du radius, la tête radiale peut en subir les conséquences, autant que la coiffe des rotateurs, violemment impactée sous la voûte, l’acromio-claviculaire, ou le rachis cer- vical mis sèchement en latéroflexion. L’examen locorégional autant que général est donc indispensable. Si le mécanisme lésionnel est complexe dans ses atteintes, il en est de même dans la prise en charge thérapeutique. On ne peut se limiter à la seule zone apparemment la plus douloureuse. Cette globalité de l’approche manuelle est une des raisons de l’efficacité de ses techni- ques qui complètent avantageusement la prise en charge conventionnelle de médecine ou de kinésithérapie du sport. Nous allons aborder les principes du traite- ment du complexe scapulaire, puis du poignet et du coude dont le lien est étroit notamment lors du mouvement de prono-supination. Principes du traitement manuel du membre supérieur D. BONNEAU Service de Gynécologie-Obstétrique - CHU Carémeau - 30029 Nîmes cedex 9 Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle - 23, avenue des Lierres - 84000 Avignon www.medecinemanuelle.fr

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Il est difficile, en thérapeutique manuelle, d’avoir uniquement une approche diagnosti-que et thérapeutique mono-articulaire. Si la description analytique de chaque articulation est indispensable à une connaissance parfaite de chacun de ses composants, la clinique nous apprend l’interrelation fonctionnelle de chacune des liaisons du membre supérieur. Cette étroite dépendance transparaît à travers les muscles polyarticulaires, le système ner-veux et vasculaires. Elle se manifeste pleine-ment lors de la réalisation de geste aussi simple que de s’essuyer les lèvres d’un re-vers de main ou de se curer moins élégam-ment le nez avec son index, gestes qui met-tent en jeu une multitude de centres nerveux, d’effecteurs et de capteurs.

En traumatologie du sport, cette évidente glo-balité s’exprime à travers les associations lé-sionnelles que l’on rencontre lors des pertes d’équilibre des pratiquants de skate ou de roller. Les chutes brutales peuvent être amor-ties par les mains et les poignets, positionnés en flexion dorsale, coude en extension. Mais si le poignet peut porter les stigmates du

choc, sous la forme d’une fracture de l’extré-mité distale du radius, la tête radiale peut en subir les conséquences, autant que la coiffe des rotateurs, violemment impactée sous la voûte, l’acromio-claviculaire, ou le rachis cer-vical mis sèchement en latéroflexion.

L’examen locorégional autant que général est donc indispensable.

Si le mécanisme lésionnel est complexe dans ses atteintes, il en est de même dans la prise en charge thérapeutique. On ne peut se limiter à la seule zone apparemment la plus douloureuse.

Cette globalité de l’approche manuelle est une des raisons de l’efficacité de ses techni-ques qui complètent avantageusement la prise en charge conventionnelle de médecine ou de kinésithérapie du sport.

Nous allons aborder les principes du traite-ment du complexe scapulaire, puis du poignet et du coude dont le lien est étroit notamment lors du mouvement de prono-supination.

Principes du traitement manuel du membre supérieur

D. BonneauService de Gynécologie-Obstétrique - CHU Carémeau - 30029 Nîmes cedex 9

Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle - 23, avenue des Lierres - 84000 Avignonwww.medecinemanuelle.fr

Médecine du sport et thérapies manuelles

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PrinciPes du traitement manuel du comPlexe scaPulaire [2-5, 7-9, 12-18, 20, 21, 26, 27, 29, 31-33]

Analyser la prise en charge manuelle des pa-thologies mécaniques de l’épaule et plus pré-cisément du conflit sous-acromial à travers le prisme de la biomécanique est un exercice a priori délicat mais au final fort passionnant et instructif.

La première impression, lors de l’observation des différentes techniques pratiquées par des thérapeutes dont le seul point commun est la main, qu’ils soient rebouteux, ostéopathe, chiropraticien, kinésithérapeute ou médecin, conduit à la conclusion que les résultats pa-raissent tous satisfaisants (aux dires des pa-tients dont le jugement paraît aussi fiable que l’auto-évaluation des praticiens…), et ce malgré l’apparente différence des approches.

La deuxième impression, née de la réflexion, conduit naturellement à prendre du recul quant au mécanisme d’action avancé par les protagonistes :- Réduction de la subluxation ;- Restauration de la mobilité disparue ;- Dénouage des nerfs coincés…

L’approche anatomique et biomécanique de ces techniques manuelles se doit de respec-ter un cheminement ordonné :- La première étape impose de revoir l’anato-

mie de l’épaule à travers ses différentes approches descriptive, fonctionnelle…

- La seconde est de se familiariser avec les termes biomécaniques.

- Ensuite, observer les manœuvres des diffé-rents praticiens sans se laisser emporter dans leurs sémantiques et leurs explica-tions, au demeurant souvent pleines de vé-rités et de bon sens, afin d’en appréhender au mieux le principe ;

- Puis en extraire les points communs afin de les analyser à travers le filtre de l’anatomie compréhensive et de la biomécanique.

- Enfin, les appliquer régulièrement sur les patients pour apprécier leur efficacité et sur-tout la stabilité du résultat dans le temps.

Et c’est sur ce dernier point qu’un complé-ment thérapeutique paraît indispensable im-pliquant le patient : l’auto-rééducation quoti-dienne.

En effet ce n’est qu’à ce prix que les techni-ques ont un effet durable car si le point com-mun à toutes ces approches thérapeutiques est de ramener la tête humérale en bas et en arrière le plus difficile est de lui permettre d’y demeurer durablement…

l’anatomie descriptive et morphologique

Cette anatomie chère à A.T. Still nous enseigne que l’épaule est en fait un complexe constitué de trois éléments osseux, scapula, humérus et clavicule, reliés entre eux par les articulations glénohumérale, acromio-claviculaire, ratta-chés au squelette axial par l’articulation sterno-claviculaire et qui glisse sur le thorax grâce à la syssarcose serrato-thoracique.

Dix-neuf muscles les animent, certains à court bras de levier, orientant les segments osseux, les autres à long bras de levier mobi-lisant les pièces mécaniques avec force et amplitude.

L’observation des surfaces articulaires nous révèle que la glène de la scapula est oblique en avant, en dehors et en haut et que sa concavité, faible, est majorée par le labrum glénoïdal de la scapula. L’extrémité proximale de l’humérus supporte la tête, 2/5 de sphère oblique en haut, en dedans et en avant.

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Le ligament acromio-coracoïdien joue le rôle de guide, d’amortisseur et assure une fonc-tion de recentrage de la tête (fig. 1).

L’orientation globale de la scapula se place dans un plan oblique en avant, en dehors et en haut.

Ce dernier élément est fondamental à retenir, car la frontalisation de la scapula est une des bases de l’efficience de la fonction de l’épaule chez l’homme. Or la sénescence est corrélée à une majoration de la cyphose thoracique surplombant une lordose lombaire en cours de disparition. Elle s’associe à un enroulement des épaules, une rétraction du plan muscu-laire thoracique antérieur et une insuffisance du plan postérieur fixateur de la scapula.

Les conséquences directes sont le déplace-ment des amplitudes de la glénohumérale dans le secteur de la rotation médiale aux dé-pens de la rotation latérale, dans le sens de l’abaissement aux dépens de l’élévation, source de conflit sous-acromial secondaire et ses conséquences sur les tendons.

l’anatomie topographique

Situant chaque structure anatomique au sein du corps en fonction de leurs rapports avec

les autres organes, elle nous précise les liens qui unissent le complexe scapulaire aux pou-mons, aux cotes et plus étroitement à la pre-mière, aux éléments nerveux (plexus brachial, ganglion stellaire), aux organes par les pro-jections métamériques du nerf phrénique, au rachis cervical et thoracique.

Elle nous remémore que l’innervation végéta-tive sympathique du membre supérieur trouve son origine dans le tractus intermédio-latéra-lis de la zone thoracique haute (C8-T6).

Elle définit le substratum des douleurs proje-tées de l’épaule par le phénomène de conver-gence spatiale du nerf phrénique, nerf sensitif des trois séreuses thoraco-abdominales, sur les métamères C4-C5-C6.

l’anatomie comparée

Instructive autant que captivante, elle suscite tour à tour des conceptions évolutionnistes ou programmistes selon que l’on envisage un fil continu reliant les espèces où demeure dé-sespérément absent le chaînon manquant, ou au contraire l’on décide d’accepter que cha-que espèce a un programme fonctionnel in-dépendant les uns des autres.

La racine de la nageoire pectorale du poisson s’individualise par sa fixation au squelette céphalique.

L’épaule d’un oiseau se caractérise par sa fonction porteuse et l’impérieuse nécessité de raccorder de manière rigide le squelette sca-pulaire au squelette axial afin de limiter les jeux articulaires lors du vol prolongé de l’alba-tros ou du décollage “vertical” du perdreau.

Celle du mammifère quadrupède supporte le poids du corps et sa fonction majeure dans la déambulation explique que les mouve-

Fig. 1 : complexe scapulaire et muscles

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ments s’effectuent avant tout dans le plan parasagittal, d’où la position sagittale de la scapula (fig. 2).

Les primates possèdent, comme la majorité des arboricoles, la fonction préhensive de la main avec une opposition du pouce, et libè-rent leurs membres supérieurs lors de la marche bipède non-permanente. La présence d’une cyphose thoraco-lombaire, aux dépens d’une ébauche de lordose lombaire, est un obstacle à une marche bipède autonome et permanente.

L’homme, perfection de la création, possède une épaule centrée sur la préhension dans les trois plans de l’espace, conservant tout de même des possibilités déambulatoires dans les arts du cirque.

Le point d’ancrage des aptitudes fonction-nelles du complexe scapulaire de l’homme

est la frontalisation de la scapula qui auto-rise les possibilités exploratoires du mem-bre supérieur dans tous les plans de l’es-pace. Toute altération de cette situation, tendant à la perte de la frontalisation de la scapula et à l’enroulement ventral des épau-les, génère des altérations précoces des facteurs de stabilisation de la glénohumé-rale comme le labrum. Cette situation se rencontre dans les renforcements excessifs du plan musculaire thoracique ventral, privi-légiant les rotateurs médiaux de l’humérus, aux dépens des latéraux et des fixateurs de la scapula.

L’observation de la morphologie des struc-tures osseuses, ligamentaires et musculai-res de ces différents types de complexe scapulaire amène à une tentative d’explica-tion visant à analyser les formes dont dé-coulent la fonction et leurs dysfonctions pa-thologiques.

Fig. 2 : les différences d’orientation des scapulas de l’homme et du cheval

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l’anatomie fonctionnelle [2, 3, 4, 11]

Elle attire naturellement le clinicien car elle fournit des explications adaptées à la com-préhension des signes fournis par l’examen clinique des pathologies de l’appareil loco-moteur.

L’épaule est confrontée à un compromis mé-canique entre stabilité et mobilité. La pré-hension distale guidée par la vision impose une importante mobilité justifiant l’écarte-ment du squelette axial par une longue clavi-cule, axe majeur du cône d’exploration. La solution mécanique est l’utilisation d’une ar-ticulation de type sphéroïde au niveau sca-pulo-huméral associant une glène osseuse rigide à un fibrocartilage semi-rigide, le la-brum, amortissant les contraintes de glisse-ment, répartissant les pressions et majorant la capacité de la cavité réceptrice de la tête humérale. Le choix d’une sphère de grand rayon pour cette dernière, reposant dans une cavité faiblement creusée malgré la présence du labrum crée un obstacle majeur à la stabi-lité de l’ensemble. Aussi en dégageant l’épaule de sa fonction déambulatoire, le parti de stabiliser tête et glène par des mus-cles courts se fixant à proximité du centre instantané de rotation constitue un système de coaptation efficace. Mais il s’avère que la rotation de la tête n’est pas axée sur un seul point mais selon l’instant t du déplacement il existe une multitude de centres instantanés de rotation regroupés en nuages. Si la notion de deux nuages de centre de rotation est aujourd’hui discutée, il est important de rete-nir le glissement de la tête vers le bas lors de l’abduction. Il en découle que le déplacement de la glénohumérale associe rotation centrée et translation. Mais le déplacement de la tête dans la glène s’associe à une mobilisation de la scapula sur le squelette thoracique par des mouvements de bascule et de contre bascule rentrant en jeu dès les premiers degrés d’ab-duction du bras. Lors du mouvement d’ab-

duction du bras dans le plan de la scapula, sur une amplitude totale de 160°, 50° auront été effectués par la bascule de la scapula et 110° par l’humérus. Si la vitesse de rotation angulaire est constante pour l’humérus, celle de la scapula subit une courbe biphasique, une phase lente initiale (cinq fois moins vite que l’humérus) puis le déplacement s’accé-lèrent pour être deux fois moins rapide que pour l’humérus. Les insertions thoraciques et cervicales de ces muscles mobilisateurs jus-tifient l’examen du rachis dans toute patho-logie de l’épaule. La clavicule fixe le sque-lette appendiculaire au squelette axial par l’intermédiaire de deux articulations qui se trouvent fréquemment impliquées dans les dysfonctions de l’épaule. Les liens de la cla-vicule et de la première cote sont d’abord li-gamentaires, mais aussi et surtout musculai-res par le sous-clavier, et ces liens ont conduit d’éminents médecins manuels à se pencher sur la cinétique et l’examen de cette dernière.

l’anatomie compréhensive

Prolongement naturel des précédentes ap-proches de l’anatomie, elle partage des ba-ses de données avec la biomécanique, et elle vise à en extraire les éléments qui permettent une mémorisation basée sur la compréhen-sion du choix technique sous-tendu par la morphologie et le positionnement des struc-tures anatomiques.

En effet, le but de ce concept est de donner la possibilité de modéliser la structure anatomi-que, telle une articulation, et d’employer les outils mécaniques couramment employés dans l’industrie en se rapprochant de l’exem-ple humain.

Un parallèle fort instructif à réaliser est la comparaison entre un train-avant de voiture et le complexe scapulaire.

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Le mécanicien parlera de pneumatique, jante, fusée, rotule, amortisseur, triangle de suspen-sion ou barre de torsion. L’anatomiste s’amu-sera à retrouver une similitude entre amortis-seur et muscle, barre de torsion et clavicule, train avant et scapula, rotule et articulations acromio- et sterno-claviculaire.

On pourrait tirer une comparaison hasardeuse entre le fait, pour un mécanicien, de changer un pneumatique usé de manière asymétrique, sans vérifier la géométrie du train avant, et, pour un médecin, de poser l’indication d’une infiltration glénohumérale sans analyser les différentes composantes des dysfonctionne-ments du complexe scapulaire.

Mais heureusement cela est très rare, le mé-canicien s’acharnant à rechercher la cause de cette asymétrie d’usure dans un amortis-seur fatigué, une rotule avec trop de jeu ou un trouble du parallélisme.

Il en est de même pour le médecin qui devant un conflit se préoccupe d’en connaître les facteurs favorisant et déclenchant (fig. 3).

Mouvement de la tête humérale dans la glène scapulaire

La tête est une portion de sphère, ce qui lui donne la possibilité, lorsque les forces de frottement sont réduites au minimum, d’ef-fectuer une rotation pure. Toute modification de la viscosité du liquide synovial ou la pré-sence de phénomènes de friction sur le revê-tement cartilagineux sont sources potentiel-les d’une perte de la rotation axiale centrée, d’où la survenue d’un mécanisme de roule-ment (fig. 4).

Mais il existe une translation physiologique de la tête sur la glène scapulaire plus mar-quée autour des 50° d’abduction lors du pas-sage du nuage inférieur des centres instanta-nés de rotation au nuage supérieur.

Il est aisé de comprendre la relative facilité d’initier le mouvement d’abduction par le su-pra-épineux. Ce phénomène est associé au couple subscapulaire et infra-épineux. Mais cette simplicité ne se conçoit que si la tête est correctement centrée.

Fig. 3 : comparaison entre un train avant d’automobile et le complexe scapulaire

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Par contre une perte de ce centrage, caracté-risée par l’ascension de la tête entraîne de fait une ascension du nuage des centres ins-tantanés de rotation est une perte d’efficacité des muscles précédents en diminuant d’autant leur bras de levier.

Les muscles moteurs

Il est nécessaire avant tout de mettre en place quelques considérations nées de l’observa-tion des solutions anatomiques analysées avec les règles de la mécanique :- La première étape est de constater que l’ac-

tion d’un muscle, en termes d’amplitude de mouvement, de force et de couple est en liaison directe avec la position de son point d’insertion par rapport au centre de la tête autour duquel s’effectue le mouvement.

- La deuxième étape est d’admettre que le muscle peut se raccourcir du tiers de la lon-gueur de ses fibres musculaires. Ainsi selon la longueur de sa partie non contractile, le tendon, et la zone d’insertion de ce dernier sur l’os à mobiliser, la résultante en terme d’amplitude de déplacement sera fonction de la longueur du bras de levier :

. A longueur égale des fibres musculaires, le tendon d’un muscle s’insérant à courte distance du centre de rotation entraînera un plus grand déplacement de la pièce os-seuse mobilisée, ce qui définit les muscles à court bras de levier.

. Par contre, pour une même longueur et le même nombre de fibres musculaires, une insertion plus éloignée de ce tendon majo-rera le moment (force x distance) tout en diminuant l’amplitude du mouvement, ce qui définit les muscles à long bras de levier.

. La troisième étape est de décomposer l’action d’un muscle s’insérant à la péri-phérie d’une sphère pleine, la tête humé-rale, se déplaçant dans une sphère creuse, la glène selon le parallélogramme des for-ces. Le vecteur force, compte tenu de l’obliquité de son angle d’attaque est la diagonale du parallélogramme des forces. Une des composantes génère une rotation pure de la tête, et l’autre provoque une translation de la tête.

- La quatrième étape découle de la précéden-te et implique l’obligation d’associer un muscle permettant la réversibilité de l’action, la fameuse marche arrière, introduisant la notion fondamentale de couple musculaire.

Fig. 4 : excentration de la tête et ses conséquences

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- Concevoir la coiffe des rotateurs comme des muscles à court bras de levier qui orientent la tête, permettant de donner aux muscles à grand bras de levier (tel le deltoïde, le grand pectoral), car s’insérant à distance du centre de rotation, un angle d’attaque suffisant pour produire le moment optimal. La compa-raison avec l’architecture navale s’impose :

. Les muscles de la coiffe des rotateurs re-présentent le safran qui permet de modifier le cap, même s’il conserve des capacités mineures de propulsion lors des mouve-ments de godille.

. La force de déplacement du voilier est four-ni par les voiles, grand voile, génois ou foc, qui permettent tout de même, en l’absence de safran de se diriger.

- Comprendre le rôle stabilisateur du long bi-ceps et du long triceps, bissectrices vecto-rielles de recentrage lors des mouvements. Lors de l’abduction de 0 à 90° la longue por-tion du biceps s’oppose à l’ascension de la tête alors que le long triceps est antagoniste favorisant l’ascension de cette dernière. Par contre dès que l’abduction dépasse 90° leurs actions sont complémentaires favori-sant la descente de la tête et sa coaptation dans la glène. Dans cette dernière phase la quasi-totalité des muscles longs entraîne une descente de la tête d’où l’importance majeure des techniques d’auto-rééducation qui favorise le travail passif de ces muscles en élévation antérieure.

- La fixation et la mobilisation de la scapula par des muscles vertébro-scapulaires en position para-axiale génèrent une pré-orien-tation de la glène source de mouvements globaux de grande amplitude libérant l’épau-le d’une masse musculaire trop importante.

Les articulations de la clavicule

Le rôle de la clavicule est de rattacher le squelette axial au squelette appendiculaire en éloignant le membre thoracique de l’axe mé-

dian pour favoriser une amplitude maximale source d’un cône d’exploration/préhension maximal. L’articulation proximale dite en selle assure mobilité à l’ensemble. Elle bénéficie d’un capteur auto-réglable en la personne du sous-clavier.

L’articulation distale se doit de ne posséder qu’une faible amplitude pour autoriser des mouvements de puissance pour des gestes au-dessus de l’horizontale. Orientation des surfaces articulaires et résistance des liga-ments extra-capsulaires concourent à la bonne réalisation de ce programme.

la biomécanique

Discipline appliquant les lois de la mécanique aux êtres vivants, elle permet une analyse ra-tionnelle et modélisable d’une structure ana-tomique telle une articulation.

L’étude d’un mouvement

Tout mouvement dans l’espace se doit d’être rattaché au référentiel tridimensionnel ortho-normé (x, y et z) et démembré en une compo-sante de translation (t), déplacement linéaire, et une composante de rotation (ω), déplace-ment angulaire, selon chacun des trois axes.

L’association harmonieuse des deux réalisant la spirale.

Le choix de l’activateur

Doté d’un programme précis tout moteur doit répondre à un cahier des charges regroupant les critères de force, de puissance, de dépla-cement tout en respectant les normes de pol-lution, de dégagement de chaleur et d’en-combrement. La notion de réversibilité de l’action du moteur impose l’adjonction d’un

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moteur accessoire en cas d’activateur unidi-rectionnel non réversible tel le muscle dont le rôle n’est pas seulement la réalisation de la marche arrière mais aussi la stabilisation et le freinage du mouvement.

Le choix des matériaux

Tout matériau soumis à des sollicitations mé-caniques subit des contraintes internes aux-quelles il va réagir en fonction de ses qualités mécaniques évaluées, entre autres, par le coefficient d’élasticité. Il répond à des lois qui définissent la relation contrainte-déformation représentée par des courbes.

Le choix du type de liaison

Le contact entre les pièces mécaniques que l’on souhaite mobiliser l’une par rapport à l’autre constitue une liaison que l’on définit par le nombre d’axes de travail et de degrés de liberté articulaire.Exemple de liaison de guidage :- liaison pivot : déplacement en rotation

(1 ADT, 1 DLA),- liaison glissière : déplacement en transla-

tion (1ADT, 1 DLA)- pivot glissant : déplacement en translation

et en rotation (2 DLA, 2ADT)- liaison rotule : déplacement en rotations

(3 ADT, 3 DLA)

L’étude du levier

Le positionnement du point d’ancrage du mo-teur sur les pièces à mobiliser par rapport à l’axe mécanique de la liaison permet de dis-tinguer trois types de levier :- premier ordre : la balance,- deuxième ordre : la brouette,- troisième ordre : le biceps,

etudes des techniques manuelles [1, 5-10, 12]

L’abord articulaire périphérique

Quel que soit le courant de pensée, on re-trouve une grande similitude des théories physiopathologiques dont la constante est le déplacement pathologique vers le haut et l’avant de la tête humérale associée à une rotation médiale de l’humérus.

Qu’on le dénomme grippage, subluxation ou antériorité de la tête humérale, le point com-mun est la constatation d’un glissement et d’une perte de la rotation centrée de la tête, avec ascension précoce du moignon de l’épau-le comparable au signe du clairon observé dans les paralysies hautes du plexus brachial. Les manœuvres de base consistent en une ré-duction de ce déplacement vers le haut et l’avant par une mobilisation une manipulation vers le bas et l’arrière de la tête (fig. 5 et 6).

L’approche globale conduit naturellement à traiter les articulations sterno- et acromio-cla-viculaire dans le sens de la non-douleur pour certains dans le sens de la restriction de mo-bilité pour d’autres. Mais le dénominateur commun est la recherche d’un glissement ar-ticulaire harmonieux afin d’éviter le roulement délétère, avec ou sans décoaptation associée.

Fig. 5 : mobilisation en décoaptation

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Le geste musculaire

Le décordage

Il est cocasse de constater que dans le monde des rebouteux où les études d’anatomie se limitent à l’observation de l’agneau pascal dans une assiette, le dénouage des nerfs ne s’arrête pas à l’épaule mais se prolonge en cervical, thoracique et à l’ensemble du mem-bre supérieur. Comme quoi, le bon sens popu-laire n’est pas une affirmation vaine.

L’anatomiste tente de trouver une explication plausible à ce décordage étagé qui stimule le dermatome et le myotome de manière globale.

Le biomécanicien comprendra que le but fi-nal du traitement cervico-thoracique agit sur les actionneurs et orienteurs du complexe scapulaire.

Mais certains focalisent leurs gestes muscu-laires sur des zones précises :- La face dorsale de la scapula avec un travail

spécifique sur le petit rond, dont la forme cylindrique, sa position dans le prolonge-ment direct du nuage inférieur des centres instantanés de rotation doit conduire à une

réflexion profonde quant à sa contracture précoce dès les premiers stades de la dys-fonction articulaire (fig. 7).

- le creux axillaire où le doigt inquisiteur se lance à la recherche du “nerf sous le bras” dont le “dénouage libérera le courant bloqué et par suite l’articulation éteinte !”… Passé la phase de contraction cynique du muscle canin, l’analyse du geste conduit à une expli-cation plus plausible que celui de l’apprenti électricien. Cette technique de décordage agit sur le coraco-brachial et coraco-biceps dont la tension fixe la tête humérale en posi-tion haute et antérieure (fig. 8).

Fig. 6 : mobilisation en translation assistée Fig. 7 : décordage du petit rond

Fig. 8 : décordage des coraco-brachial et biceps

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L’étirement post-isométrique

Cette technique trouve son épanouissement dans le traitement des muscles figés dans une hypertonie aux effets délétères sur le maintien de la position haute et antériorisée de la tête mais plus encore sur les muscles qui figent la scapula en position enroulée sur le plan thoracique tel le petit pectoral, ou en position haute comme l’élévateur de la sca-pula (fig. 9)

Le raccourcissement tendino-corporéal

La technique de Jones et ses dérivées com-pléteront harmonieusement la précédente par son action sur les points douloureux résiduels tels le long biceps ou le subscapulaire.

Nous rappelons que cette méthode consiste en la mise en raccourcissement maximal du muscle dont la palpation initiale a mis en évi-dence un point sensible qualifié par l’auteur de “tender point”. Le positionnement passif en raccourcissement maximal doit conduire à la disparition de ce point douloureux. Le thé-rapeute doit maintenir la position 90 secon-des le retour à la position normale devant être impérativement passif, lent et sans à-coup.

Le subscapulaire est un muscle à privilégier dans les dysfonctionnements de l’épaule (fig. 10).

Les pressions glissées

Elles trouvent leur application sur les muscles de la face dorsale de la scapula.

L’abord rachidien

Sur le plan rachidien, nul d’entre nous ne sera surpris que l’on poursuive (ou que l’on débu-te) la consultation par la réalisation d’un exa-men attentif de la colonne vertébrale à la re-cherche d’un dérangement intervertébral ou d’une lésion ostéopathique devant un patient souffrant de l’épaule. Les courants de la mé-decine manuelle francophone, qu’ils soient ostéopathiques ou orthopédiques sont sensi-bilisés à ce concept de globalité du fonction-nement des articulations périphériques du squelette appendiculaire dont la mobilité en terme de force et d’amplitude est étroitement dépendante de ses liens musculaires et neu-rologiques avec le squelette axial.

Fig. 9 : etirement post-isométrique de l’élévateur de la scapula

Fig. 10 : mise en raccourcissement du subscapulaire

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Le geste cutané

Le geste cutané réflexe de la région thoraci-que vise à stimuler par un effet para-sympa-thicomimétique réactionnel la zone d’irritation végétative sympathique du tractus intermé-dio-latéralis dont la partie thoracique supé-rieure (C8-T5) se destine à l’innervation du membre supérieur.

La pensée costale

La première cote et son implication dans la pathologie de l’épaule est un éternel sujet de discussion. L’anatomie nous a rappelé les liens étroits entre ces pièces anatomiques. Ils sont ligamentaires et surtout musculaires avec le sous-clavier, veilleur vigilant de l’am-plitude du cône d’exploration assurée par la sterno-claviculaire.

L’impérieuse nécessité de l’auto-rééducation

La stabilité du résultat est une préoccupation essentielle dans notre discipline.

Notre expérience personnelle nous a amené à associer, suite à la chaleureuse et studieuse rencontre avec Jean-Pierre Liotard, éminent spécialiste lyonnais de l’épaule, la technique d’auto-rééducation qu’il nous a enseignée (fig. 11 et 12).

Elle nous a conduits naturellement à les ana-lyser pour mieux en comprendre les effets.

En position orthostatique, membre supérieur pendant le long du corps, la majeure partie des muscles à long bras de levier, tels le bi-ceps et le triceps, ont une action ascension-nelle sur la tête humérale, lors de leur contrac-

Fig. 11 : les six temps de l’auto-rééducation du conflit sous-acromial (d’après J.-P. liotard).

Fig. 12 : détail des posi-tions du dernier temps de l’auto-rééducation (tonifi-cation des fixateurs de la scapula).

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tion mais aussi lors de leur mise en tension passive. D’autres, tels les pectoraux et le grand dorsal, génèrent aussi une rotation in-terne et une translation antérieure.

En position de flexion du bras, lors du passage au-delà de l’horizontale du plan claviculaire, l’élévation antérieure globale inverse l’action des “ascensionneurs” de l’épaule qui provo-quent un glissement vers le bas de la tête puisque leur point fixe scapulaire devient in-férieur à leur insertion humérale, entraînant de fait un recentrage céphalique bers le bas.

Le paradoxe de Codman nous avait familiari-sés durant nos études médicales à ces phé-nomènes d’inversion d’action en objectivant la rotation automatique de l’épaule lors de la réalisation successive d’une élévation latérale du bras :- Position de départ main sur la couture du

pantalon et pouce en avant,- Abduction totale,- Descente du bras en avant et “oh surprise !”,

le pouce se retrouve en arrière.

conclusion

Ce cheminement à travers les différentes pri-ses en charge manuelle du conflit sous-acro-mial nous doit nous aider à mieux compren-dre la finalité et les points communs des techniques qui visent à faire glisser la tête en bas et en arrière pour la recentrer et restaurer ainsi la fonction optimale.

Bien qu’occasionnellement post-traumatique, le conflit sous-acromial est le résultat d’une évolution morbide qui ne peut qu’exception-nellement être définitivement réglée par une seule séance de thérapie manuelle.

Il est donc fondamental d’y associer l’appren-tissage d’une auto-rééducation, qui outre les économies qu’elle génère auprès de la sécu-

rité sociale, implique le patient dans la dura-bilité de la correction et la prévention des facteurs délétères s’ils ont pu être identifiés.

L’anatomie compréhensive est d’une aide précieuse dans notre profession, d’autant qu’elle nous donne l’opportunité de relire les ouvrages d’anatomie descriptive avec un re-gard attentionné.

PrinciPes du traitement manuel du coude [11-14, 17, 18, 21, 22, 27, 28, 31-35]

Le traitement manuel du coude est délicat. L’épicondylite latérale est, de loin, le principal motif de consultation. Les résultats sont dé-cevants, si l’on est pas patient, ceci dit sans mauvais jeu de mots.

Il est rare de retrouver une étiologie cervicale isolée, dont le traitement supprime la douleur après une manipulation segmentaire.

Le plus souvent, il s’agit d’une pathologie in-triquée, incluant essentiellement le poignet, mais aussi l’épaule.

Il est important de comprendre le fonctionne-ment et la différence des “deux coudes”, ex-pliquant la grande vulnérabilité du coude “latéral”.

Comme pour l’épaule, une auto-rééducation basée sur l’étirement des épicondyliens est un des facteurs de réussite durable.

Le coude est le lien indispensable entre la puissance orientée et orientable de l’épaule et la finesse exploratrice de la main. Il permet de modifier la zone de captage du membre supérieur, rapprochant ou éloignant la main du squelette axial et de l’extrémité céphali-que, le fameux lien des pôles oral et génital.

Médecine du sport et thérapies manuelles

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Il possède deux compartiments fonctionnelle-ment et anatomiquement différent, mais aussi complémentaire : une structure média-le, huméro-ulnaire, stable, et une structure latérale, huméro-radiale, mobile.

La stabilité de la composante médiale repose sur un modèle articulaire de type liaison pivot, à un seul degré de liberté articulaire repré-sentée par un ginglyme. Elle est dotée de so-lides ligaments collatéraux et elle est mobili-sée par un appareil musculaire spécifique.

Le muscle fléchisseur est mono-articulaire, puissant, totalement dédié à ce seul mouve-ment, le brachial antérieur. L’extenseur, le tri-ceps brachial, est lui aussi apte à développer une force importante, tout en étant couplé au complexe scapulaire par son chef long, poly-articulaire, fixé sur la scapula.

La composante latérale est beaucoup plus mobile, car pourvue de deux degrés de liberté articulaire, ce qui la rend plus vulnérable, mo-tivant un plus grand nombre de consultations. Il s’agit d’une ellipsoïde caractérisée par l’ab-sence de ligaments collatéraux spécifiques, d’où la nécessité d’une stabilisation muscu-laire hiérarchisée.

Les moteurs se distinguent par des exten-seurs faibles et des fléchisseurs puissants et déstabilisants. En effet, l’insertion radiale du biceps brachial permet d’associer la flexion à la supination, mais ses caractéristiques poly-articulaires et la distance entre le point de fixation et l’axe de rotation génère une com-posante luxante délétère. Ce risque est astu-cieusement limité par un système anti-luxa-tion musculaire, ne se mettant en action que lors des gestes à risque. Ainsi, le muscle bra-chio-radial ne se contracte que lorsqu’une résistance est appliquée distalement.

La double composante du coude se prolonge à la main :

- La “main” prolongeant l’axe du radius, est constituée par les trois rayons latéraux. Ils bénéficient d’une innervation majoritairement sous la dépendance du nerf médian. C’est la main de la prise de finesse, de l’écriture…

- La “main” prolongeant l’axe ulnaire, consti-tué par les deux rayons médiaux, est inner-vée en grande partie par le nerf ulnaire. Elle permet les prises de force, la fameuse prise en marteau, d’autant que ces deux méta-carpiens sont dotés d’une plus grande mo-bilité en flexion-extension en regard de la jonction carpo-métatarsienne, par rapport aux deuxième et troisième rayons (fig. 13).

Si le lien musculaire du coude et de l’épaule est évident, il faut aussi en souligner le lien fonctionnel.

En effet, un enroulement excessif des épaules par hypertonie ou rétraction des pectoraux entraîne une restriction de la rotation latérale de l’épaule, provoquant une surcharge du plan épicondylien latéral qui doit compenser la limitation de l’exploration dans l’espace environnant.

Cette vulnérabilité des épicondyliens latéraux est majorée par leur type d’insertion termi-nale. Ils sont des ponts musculaires dont les piliers distaux reposent sur des barges mobi-les, les métacarpiens ou les phalanges.

Fig. 13 : les “deux mains” et les différences de prise

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importance de l’auto-rééducation dans les tendinopathies des épicondyliens

L’étirement des épicondyliens est une techni-que d’auto-rééducation indispensable à la stabilité du résultat du traitement de cette pa-thologie particulièrement récalcitrante. Il est fondamental d’associer à l’étirement des épi-condyliens, (par un mouvement d’extension du coude, de pronation maximale et de flexion palmaire du poignet et des doigts) celui du biceps qui exerce, par son insertion radiale, une composante “subluxante”, facteur d’en-tretien de la pathologie. L’intégration du bi-ceps à ce mouvement est permise par l’ex-tension et la pronation du coude, l’abaissement du membre supérieur et la rétropulsion mo-dérée de l’humérus (fig. 14).

PrinciPes du traitement manuel du Poignet

Il est fréquent de lire, dans les ouvrages de thérapies manuelles, des descriptions de techniques de manipulation du poignet repo-sant essentiellement sur le lunatum. Si cette simplification à un effet propédeutique cer-tain, cette schématisation peut conduire à des gestes manipulatifs mal adaptés aux dys-fonctionnements complexes du poignet.

La structure fragmentée des os du carpe, vé-ritable mosaïque, permet un réglage fin des mobilités du poignet et une grande précision des gestes digitaux. En corollaire, cela en-traîne une vulnérabilité importante, surtout lorsque ce membre thoracique, orienté vers la préhension, devient porteur, accidentellement

Fig. 14 : auto-rééducation d’une épicondylite latérale

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lors d’une chute, ou volontairement notam-ment en gymnastique sportive.

Son étude anatomique et fonctionnelle en de-vient intéressante, conduisant à une attitude prudente en thérapeutique manuelle.

L’objectif majeur des thérapies manuelles est la restauration de la mobilité. Or, le risque majeur de traumatismes du poignet est l’at-teinte ligamentaire qui maintien la cohésion de la mosaïque osseuse. L’hypermobilité qui en résulte n’est pas une bonne indication de thérapie manuelle.

Parfois, dans la phase séquellaire, une relati-ve raideur est observée. Elle tire un grand bénéfice des techniques de mobilisation ba-sées sur le travail en glisser articulaire plutôt que les manipulations avec impulsion. Toute traction excessive sur le poignet met en ten-sion les ligaments limitant ainsi les techni-ques de mobilisation. Il est donc nécessaire d’ajuster avec finesse les deux composantes de traction et de translation.

On distingue dans le poignet deux articula-tions différentes : la radio-carpienne et la mé-dio-carpienne.- L’articulation radio-carpienne unit la surface

articulaire antébrachiale constituée par l’ex-trémité distale du radius et le disque articu-laire radio-ulnaire (ex. ligament triangulaire) et la première rangée du carpe ou rangée intermédiaire du carpe (scaphoïde, lunatum, triquetrum et pisiforme). Il s’agit d’une ellip-soïde et possède deux degrés de liberté (frontal et sagittal).

- L’articulation médio-carpienne est de type bicondylaire unissant :. le carpe proximal dont la surface concave est constituée par les faces inférieures du triquétrum, lunatum et la face médiale du scaphoïde, le condyle convexe étant la face inférieure du scaphoïde et,

. le carpe distal dont la surface est inverse-ment conformée, le condyle étant le capi-

tatum et l’hamatum, la surface concave étant le trapézoïde et le trapèze.

Plus que l’anatomie analytique, nous préfé-rons insister sur l’ingénieux système de maintien de l’isométrie des tendons fléchis-seurs des doigts, quelle que soit la position en flexion dorsale ou palmaire du poignet.

En effet, l’amplitude de mouvement en flexion-extension des phalanges n’est nulle-ment altérée par la position du poignet, alors que l’on pourrait s’attendre à une détente des tendons fléchisseurs en flexion du poignet, et un excès de tension en extension.

Ce maintien de l’isométrie est assuré par le jeu du lunatum et du capitatum dans le plan sagittal. Le lunatum présente un rayon de courbure variable dû à sa forme sagittale en virgule, pouvant le rapprocher grossièrement d’une came. Le rayon le plus grand est situé à la moitié palmaire (fig. 15).

Ainsi en flexion palmaire du poignet, la mor-phologie du lunatum permet de maintenir une distance H constante entre l’extrémité articu-laire distale radiale et la base du 3e métacar-pien (fig. 15).

On retrouve cette spécialisation et ce jeu har-monieux articulaire lors de l’analyse du sys-tème ligamentaire stabilisant cette mosaïque osseuse.

Pour lutter contre la tendance à la luxation palmaire du carpe, due à l’orientation de l’ex-trémité distale du radius, il existe un système de ligaments extrinsèques puissants unissant à partir du radius les os du carpe. Le ligament radio-carpien oblique de proximal en distal, et de latéral en médial, agit comme une biellette impactant les surfaces articulaires.

Il existe également un ligament extrinsèque palmaire qui empêche la luxation antérieure des os du carpe, surtout le semi-lunaire.

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Mais la tension des ligaments doit être constante. Le scaphoïde a un mouvement de sonnette ou de Rocking-chair et, comme nous venons de le voir, sur une coupe sagittale le lunatum est plus large en avant qu’en arrière donc, en compression, il va avoir tendance à glisser vers l’avant.

Les mouvements au niveau articulaire

Dans le plan sagittal

En flexion palmaire, le lunatum a tendance à glisser en dorsal et à présenter sa plus grande courbure sur le radius. Donc le ligament anté-rieur ne peut pas se relâcher. La face infé-rieure du lunatum va donc regarder en avant, permettant, par la différence de ses rayons, à retendre les ligaments extrinsèques radio-carpiens antérieurs.

Le scaphoïde se couche, diminuant sa partie radiale donc sa hauteur latérale et présente sa petite longueur. Ces deux os jouent donc en sens inverse : le scaphoïde se couche et le lunatum se redresse.

Dans le plan frontal

Une inclinaison ulnaire entraîne un redresse-ment du scaphoïde qui se couche en inclinai-son radiale pour maintenir constante la dis-tance “H” (fig. 15).

Rôle des divers os du carpe

Le scaphoïde - Il assure un maintien constant de la hauteur “H” quels que soient les mou-vements du carpe pour entraîner une tension constante des éléments tendineux (fig. 15).

Le lunatum - Par le jeu inverse du scaphoïde, il permet la transmission des pressions.

Le triquetrum - Il assure la stabilisation du poignet en bloquant la tendance naturelle à la luxation ulnaire.

Le capitatum - Il joue un rôle mortaise-te-non complexe. La flexion/extension ne se fait pas strictement dans le plan sagittal mais le grand os donne, pour l’amplitude du mouvement, un trajet hélicoïdal (tendance à la pronation et à l’inclinaison cubitale en flexion et tendance à la supination lors de l’inclinaison radiale en extension).

importance de l’auto-rééducation dans le syndrome du canal carpien

Elle repose sur l’entretien du glissement des tendons fléchisseurs dans le tunnel carpien (fig. 16).

Fig. 15 : modification des rayons de courbure du lunatum en flexion dorsale et palmaire du poignet

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conclusion

Les principes du traitement manuel du mem-bre supérieur repose sur l’anatomie. Mais plus que descriptive, elle se doit d’être com-préhensive afin de permettre un raisonnement

logique, adaptable aux différentes patholo-gies, afin de ne pas appliquer des recettes. Le traitement manuel est un complément inté-ressant à la prise en charge conventionnelle. Il découle d’une analyse fine des signes clini-ques et des richesses de l’imagerie moderne.

Fig. 16 : auto-rééducation d’un syndrome du canal carpien

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