(Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de...

32
Préambule au projet « Comptabilité et Stratégie Carbone des PME (CSC PME) » Rapport n°1 Convention 1616C001313 (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir compter sur l’avenir ? Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone

Transcript of (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de...

Page 1: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Préambule au projet « Comptabilité et Stratégie Carbone

des PME (CSC PME) »

Rapport n°1Convention 1616C001313

(Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir compter sur l’avenir ?

Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone

Page 2: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Coordinateur :

Quentin GUIGNARD, Association Bilan Carbone

Co-Auteurs :

Olivier PAPIN, E6 Consulting

Rémi MARCUS, ECO2 Initiative

Un très grand merci aux autres contributeurs :

Simon ALCOUFFE, Toulouse Business School

Delphine GIBASSIER, Lloyds Banking Group Centre for Responsible Business,

Birmingham Business School

Tiphaine JÉRÔME, École hôtelière de Lausanne, HES-SO // University of Applied

Sciences Western Switzerland

Damien HUET, Association Bilan Carbone

Page 3: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Table des matières

Avant-propos page 4

Contenu de ce rapport page 4

Glossaire page 4

Quelques définitions page 5

Description des objectifs du pro-jet CSC PME et des différents lots étudiés page 6

Participants à l’APR page 8

Birmingham Business School Delphine GIBASSIER, chercheuse page 8

Toulouse Business School : Simon ALCOUFFE, chercheur page 8

The University of New South Wales, Mélodie CARTEL, chercheuse page 8

École hôtelière de Lausanne, Tiphaine JÉRÔME, chercheuse page 8

ECO2 Initiative : Rémi MARCUS, consultant page 9

E6 Consulting : Olivier PAPIN, consultant page 9

Association Bilan Carbone : Damien HUET, responsable du pôle énergie-climat etQuentin GUIGNARD, chargé de

méthodologie page 10

Introduction page 11

Le changement climatique page 11

La comptabilité GES en France page 12

Regard multidisciplinaire page 12

I. Un aperçu de l’évolution des connaissances sur le sujet climat page 13

A. La pratique de la comptabilité carbone évolue depuis plus de dix ans page 13

B. La comptabilité carbone au sein des PME est un champ en-core à explorer page 14

C. La comptabilité carbone, entre communication, calculs et poli-tique page 15

D. L’Association Bilan Carbone, sept années au service des orga-nisations qui s’engagent contre le changement climatique page 16

E. Des pratiques de gestion environ-nementale encore à découvrir page 17

F. Des changements de pratiques pour les experts, afin de répondre à l’urgence du changement climatique page 18

Page 4: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

II. Portraits de la comptabilité carbone page 20

A. Étudier la comptabilité des émis-sions de GES est une manière de s’engager page 20

B. Vocation, compétences techniques et bagage académique, les ingré-dients nécessaires pour être consul-tant énergie-climat page 21

C. Le métier de consultant éner-gie-climat en constante évolution page 22

D. Pourquoi l’ABC participe-t-elle à la transition bas-carbone ? page 24

C. Des actions déjà présentes mais encore trop discrètes page 26

III. Aller plus loin que la comp-tabilité pour entamer la transi-tion bas-carbone page 25

A. Comprendre la comptabilité GES pour (mieux) passer à l’ac-tion page 25

B. Quel avenir pour le développe-ment de méthodes et d’outils GES

? page 25

C. Des actions déjà présentes mais encore trop discrètes page 26

IV. Quel message faire passer aux générations futures? page 27

Conclusion page 28

Synthèse des principaux ensei-gnements page 29

Calendrier et rendez-vous page 29

Table des matières

Page 5: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Ce document est le premier rapport du projet de recherche Comptabilité et Stratégie Carbone des PME (CSC PME). Il vise à présenter les différentes parties prenantes du projet, ainsi que ses objectifs et son intérêt vis-à-vis de la lutte contre le changement climatique. Ce document délivre les éléments de contexte et les connais-sances de base nécessaires à la compréhension du projet et de ses résultats. Il per-mettra notamment aux novices en matière de comptabilité Gaz à Effet de Serre (GES) d’appréhender l’intérêt de tels travaux et la qualité de leurs différents participants.

Ce rapport a été rédigé sur la base d’entretiens que Quentin Guignard a réalisés auprès de plusieurs acteurs du projet. Les questions qui leur ont été posées concer-naient leurs motivations à rejoindre un tel projet, leur point de vue sur la comptabilité GES et ses effets, leur opinion sur les évolutions à attendre et les futurs développe-ments à projeter dans le domaine. Bonne lecture !

Glossaire

• ABC : Association Bilan Carbone

• ACV : Analyse de cycle de vie

• ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

• APCC : Association des professionnels en conseil climat, énergie et environne-

ment

• APR : Appel à projet de recherche

• BEGES : Bilan d’émissions de gaz à effet de serre

• CINOV : Fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du

Conseil, de l’Ingénierie et du Numérique

• CITEPA : Centre Interprofessionnel Technique d’Études de la Pollution Atmos-

phérique

• COP : Conférence des parties

• ETI : Entreprise de taille intermédiaire

• FE : Facteur d’émission

• GES : Gaz à effet de serre

• GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

• PCAET : Plan Climat Air Énergie Territorial

• PME : Petites et moyennes entreprises

• RCP : Representative Concentration Pathway, les scénarios du GIEC

Avant-propos

Contenu de ce rapport

4

Page 6: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Base Carbone® : base de données publiques de facteurs d'émis-sions (FE) nécessaires à la réalisation d'exercices de compta-bilité carbone. Elle est administrée par l'ADEME, mais sa gou-vernance est multi-acteurs et son enrichissement est ouvert.

Bilan Carbone® : dispositif volontaire d’aide à la décision histori-quement développé et porté par l’ADEME entre les années 2000 et 2011, et désormais diffusé par l’Association Bilan Carbone (ABC). Il repose sur l’utilisation de FE permettant de convertir des flux phy-siques en quantité de GES. Cette méthode permet de quantifier l’en-semble des émissions directes et indirectes de GES induites par l’ac-tivité d’une organisation, dans le but de construire un plan d’actions exemplaire et d’atteindre des objectifs ambitieux, par exemple le fac-teur 4 en 2050. Un Bilan Carbone® est donc un bilan d’émissions de GES mais aussi une démarche de progrès et de passage à l’action.

Bilan d’émissions de GES (BEGES) : évaluation du volume total de GES émis dans l’atmosphère sur une année par les activités d’une or-ganisation, exprimé en tonnes équivalent dioxyde de carbone (tCO2e). Les exigences et recommandations relatives à ce type d’exercice vo-lontaire ou réglementaire sont décrites par la norme ISO 14064-1 et autres guides et référentiels internationaux tels que l’ISO/TR 14069 et le GHG Protocol1 ou nationaux comme la méthode réglementaire française relative à l’article 75 de la loi n°2010-788 (dite Grenelle II).

Comptabilité carbone (ou comptabilité GES) : la comptabili-té carbone est entendue ici au sens de Guenther et Stechemes-ser (2012) : « La comptabilité carbone inclut la connaissance et la valorisation des émissions de gaz à effet de serre à l’aide d’une va-lorisation non-monétaire ou monétaire pour des buts internes (comptabilité de gestion) ou externes (comptabilité financière) ».

Empreinte carbone : sur la base d’une analyse de cy-cle de vie, l’empreinte carbone désigne la somme des émis-sions et suppressions de gaz à effet de serre d’un sys-tème donné (produit ou organisation) exprimée en CO2e.

Quelques définitions :

1. Consulter le site du

GHG Protocol

: www.ghgprotocol.

org/

5

Page 7: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Depuis une vingtaine d’années, la comptabilité carbone fait l’objet de développements méthodologiques et normatifs, ainsi que d’une ap-propriation progressive par les entreprises et les pouvoirs publics qui utilisent et manient cet outil à différentes fins (reporting, aides à la décision, benchmarks, définition d’indicateurs, etc.). La compta-bilité carbone est un domaine relativement récent sur lequel s’ap-puient des plans d’actions de réduction des émissions de GES.

Le projet de recherche Comptabilité et Stratégie Carbone des PME (CSC PME) a pour objectif de contribuer à une meilleure connaissance et compréhension des pratiques et des impacts de la comptabilité et de la stratégie carbone des PME en France. À travers ces nouvelles connais-sances, ce projet vise à contribuer à une réduction de l’impact climatique des activités économiques. Ces connaissances pourraient ensuite être approfondies pour aider les PME en Europe à mieux appréhender ce sujet.

Le projet CSC PME allie méthodologies quantitatives et méthodologies qualitatives pour aborder huit domaines de connaissances de deux ma-nières différentes. Les questions de recherche sont regroupées en lots.

Organisation : entreprise, société, autorité ou institution, organisme public ou collectivité territoriale, tout ou partie de celles-ci, intégrée ou non, publique ou privée, ayant son propre fonctionnement administratif. Les entreprises privées seront spécifiquement étudiées dans ce projet.

Reporting : activité qui consiste à rendre compte périodiquement de ses performances à travers une publication de l’information auprès de différents acteurs comme des clients, l’État ou des investisseurs.

Stratégie carbone : le terme englobe ici la comptabilité carbone, les objectifs et stratégies de réduction d’émissions, les partenariats avec les fournisseurs, les clients et autres parties prenantes associées à l’éco-système de l’organisation et, plus généralement, toute pratique initiée ou non par la comptabilité carbone, intégrée dans une démarche de mana-gement des émissions de GES.

Description des objectifs du projet CSC PME et des différents lots étudiés

6

Page 8: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Un premier lot quantitatif aborde la question de l’utilisation de la quan-tification des émissions de GES par les PME en général. Un question-naire est envoyé à plusieurs PME et, grâce aux réponses obtenues, les chercheurs du projet tenteront de mettre en évidence les facteurs déterminant le degré d’adoption d’une quantification des émissions de GES en France. Dans ce premier lot, une deuxième étude s’inté-resse plus particulièrement aux PME les plus avancées en matière de stratégie RSE et se propose d’interroger les motifs les ayant ame-nés à se doter d’une panoplie d’outils de contrôle de gestion environ-nementale, ainsi que la place du Bilan Carbone® parmi ces outils.

Un deuxième lot aborde la question de la comptabilité carbone au sein de PME comprenant un ou plusieurs salariés formés au Bilan Carbone®. Ces dernières sont considérées comme particulièrement « proactives » en matière de lutte contre le changement climatique. Un questionnaire s’attache à analyser les leviers de motivation à l’adoption de pratiques de comptabilité carbone, les moyens déployés par les organisations concer-nées, les outils mobilisés et les acteurs impliqués, le rôle des parties pre-nantes internes et externes, la place de la comptabilité carbone et son intégration dans l’organisation, les freins à l’intégration du carbone, etc.

Un troisième lot cherche à déterminer la nature de l’engagement des PME : des entreprises (telles que Saveurs & Vie et Body Nature) ont ac-cepté de témoigner à propos de leur expérience. En tout, plusieurs di-zaines de PME sont interrogées. Cela permettra de comprendre en détail leurs motivations, leur processus de mise en œuvre de la comptabilité carbone, mais aussi les difficultés rencontrées lors de la mise en place.

Enfin, un quatrième lot s’intéresse aux business models bas car-bone. Sur la base d’entretiens et d’observations en situation, des partages d’expérience pourront être diffusés et nourrir la réflexion. Les résultats attendus du projet CSC PME permettront d’améliorer et d’orienter les développements méthodologiques et normatifs associés à la comptabilité carbone et aux instruments climat à destination des PME.

7

Page 9: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Participants à l’APR

Birmingham Business School : Delphine GIBASSIER, chercheuseToulouse Business School : Simon ALCOUFFE, chercheurThe University of New South Wales, Mélodie CARTEL, chercheuseÉcole hôtelière de Lausanne : Tiphaine JÉRÔME, chercheuse

Delphine GIBASSIER est docteur en sciences de gestion (HEC Paris). Ses travaux de recherche portent sur les innovations en contrôle de gestion environnementale, les changements organisation-nels liés à l’adoption d’outils de contrôle de gestion environnementale et les nouvelles professions liées à la comptabilité environnementale.

Simon ALCOUFFE est docteur en sciences de gestion (HEC Paris), et est habilité à diriger des recherches à l’université Paris Dauphine en 2011. Ses travaux de recherche portent sur la diffusion et l’adoption des outils en contrôle de gestion dans différents contextes organisationnels, et le contrôle de gestion environnementale.

Mélodie CARTEL est docteur en sciences de gestion (Mines Paris-Tech). Ses thèmes de prédilection sont l’innovation et l’étude des dynamiques institutionnelles appliquées au secteur de l’énergie. Chercheur invité à Copenhagen Business School et à Boston College, et chercheur associé à Mines ParisTech, elle collabore avec des cher-cheurs mondialement reconnus sur ses thématiques de recherche. Elle est notamment l’auteure d’un chapitre d’ouvrage sur le rôle du secteur privé dans la construction du marché européen du carbone et d’une dizaine d’articles de conférence présentés en colloques internationaux.

Tiphaine JÉRÔME est actuellement professeur assistant à l’École hôtelière de Lausanne où elle enseigne la comptabilité financière dans le programme Bachelor. Elle a soutenu en 2013 une thèse en tant que doc-teur en sciences de gestion (HEC Paris) portant sur la diffusion volontaire d’informations sur les gaz à effet de serre. Dans cette thèse, elle s’est plus particulièrement intéressée au canal de diffusion que constitue le CDP (Carbon Disclosure Project). Elle a ensuite développé des recherches connexes à l’information carbone en étudiant les informations sur les dé-penses environnementales publiées par les entreprises françaises dans le cadre de la loi sur les Nouvelles Régulations Économiques (NRE).

8

Page 10: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

ECO2 Initiative : Rémi MARCUS, consultant

ECO2 Initiative apporte une expertise forte sur la pratique du Bilan Car-bone® et des stratégies associées.

Fondée en 2006 par deux ingénieurs, dont Rémi MARCUS, l’entreprise est aujourd’hui un acteur reconnu du conseil et de la stratégie carbone, son cœur de métier historique. Avec plus de 80 références en matière de bilan GES (dont plus de la moitié sont des études Bilan Carbone®), réalisés auprès d’acteurs publics comme privés, dans tous les domaines d’activité et à toutes les échelles, depuis l’entreprise leader de son do-maine (SNCF, Somfy, CIAT) jusqu’à l’imprimerie de 15 personnes, elle présente une expérience très significative en la matière. Rémi est aussi formateur au Bilan Carbone®, et transmet ses connaissances sur le sujet aux acteurs qui souhaitent mener cette démarche en interne ou pour le compte de clients.

ECO2 Initiative a accompagné ou accompagne plusieurs acteurs dans leur démarche carbone de façon régulière et pluriannuelle. Consciente du poids croissant des enjeux environnementaux et de la nécessité de structurer les démarches des acteurs, elle a développé ses com-pétences dans l’évaluation et l’accompagnement des plans d’action, via des démarches produit telles que l’analyse de cycle de vie (ACV) et l’écoconception pour les entreprises, et les démarches d’évaluation pour les collectivités – label Cit’ergie et PCAET en particulier.

E6 Consulting, dont l’agence de Bordeaux a été fondée et est dirigée par Olivier PAPIN, est un bureau d’études alliant compétences tech-niques et savoir-faire en matière de démarches territoriales de dévelop-pement durable et de stratégies pour les entreprises.

Ingénieur en énergie et environnement, Olivier PAPIN s’est formé dès 2004 à la méthode Bilan Carbone® développée par l’ADEME. Étant l’un des premiers à s’être lancé dans la réalisation de bilans des émissions de GES selon cette méthode, notamment l’expérimentation nationale Collectivité et Territoire visant à adapter la démarche aux collectivités lo-cales, il en est devenu l’un des experts reconnus aujourd’hui en France.

E6 Consulting : Olivier PAPIN, consultant

9

Page 11: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Depuis 2011, Olivier est formateur des formateurs de l’Institut de Formation Carbone, qui propose les formations Bilan Carbone® en France auprès du secteur privé. Enfin Olivier met à profit ses compé-tences énergétiques au sein du pilotage et de la participation à des audits énergétiques, du suivi d’exploitation, d’études de faisabilité de moderni-sation d’installations, d’études de potentiels énergies renouvelables, etc.

L’ABC a été créée en 2011 afin de poursuivre le développement et la diffusion du Bilan Carbone® – méthode de comptabilisation et réduction des émissions de gaz à effet de serre la plus utilisée en France – initiés par l’ADEME. L’ABC est ainsi en contact avec plus de 8 500 personnes formées à la méthodologie Bilan Carbone® depuis 2002.

Aujourd’hui, les missions de l’ABC évoluent sous l’impulsion de son président Bertrand PANCHER, député de la Meuse, secrétaire de la commission développement durable et aménagement du territoire à l’Assemblée nationale, président du think-tank Décider ensemble et élu à la présidence de l’ABC en 2015. Le projet associatif de l’ABC consiste à accompagner et dynamiser les organisations dans la conduite de leur transition vers un modèle bas carbone.

L’ABC se donne pour objectif principal de mettre à disposition des or-ganisations les solutions adéquates pour réussir leur transition énergé-tique et carbone. Pour ce faire, Damien HUET et Quentin GUIGNARD maintiennent et développent les deux principales méthodes promues et diffusées par l’ABC : le Bilan Carbone®, essentiel dans la phase de comptabilisation des émissions et d’identification des leviers d’actions de réduction, et le Système de Management des GES®, ou SM-GES®, solution inédite pour intégrer la gestion des émissions de GES dans la stratégie globale et faciliter le pilotage des actions.

L’ABC fédère les expertises et parties prenantes de la transition car-bone, en France ou à l’international, pour favoriser l’émergence ou la promotion de solutions de qualité, favoriser les interactions et échanges de bonnes pratiques sur la comptabilisation et la réduction des émis-sions de GES, et donner accès à un large public d’organisations à un maximum d’actualités sur les enjeux carbone. Les organisations qui font partie du réseau ABC sont tenues informées des évolutions métho-dologiques ou réglementaires, et des innovations majeures.

Association Bilan Carbone : Damien HUET, responsable du pôle énergie-climat et Quentin GUIGNARD, chargé de méthodologie

10

Page 12: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Introduction

Le changement climatique

Apparu dans les médias dans les années 80, le terme « changement climatique » n’a, depuis, cessé de susciter le débat autour de l’exis-tence même d’un dérèglement climatique.

L’effet de serre est un phénomène naturel, sans lequel la vie sur Terre serait impossible. En effet, on estime que, sans cet effet de serre, la température moyenne à la surface de notre planète serait au plus de -19°C (au lieu des 15°C que nous connaissons). Les activités humaines sont en revanche indubitablement à l’origine d’une hausse importante et brutale de la concentration des gaz à effet de serre (GES) dans l’at-mosphère.

Alors que la Terre a déjà connu des épisodes de réchauffement puis de refroidissement à l’échelle géologique, c’est-à-dire sur des pas de temps de plusieurs dizaines de milliers d’années, la communauté scien-tifique observe depuis le début du XXe siècle une hausse des tempé-ratures de surface très rapide. Depuis 1850, les 10 années les plus chaudes ont eu lieu après 1998, et depuis 30 ans, chaque décennie a été significativement plus chaude que la précédente. On ne parle en-core que d’une hausse de 1° en France métropolitaine, mais les mo-dèles climatiques sont clairs : aujourd’hui se joue le climat de demain, en l’occurrence celui des années 2050-2100 et au-delà.

Selon les experts du Groupement Intergouvernemental d’Experts sur le Climat (GIEC), le lien entre les activités humaines et l’accroissement des températures observé depuis 1950 est extrêmement probable. Dans son 5e rapport datant de 2014-2015, le GIEC propose plusieurs scé-narios, baptisés RCP (pour Representative Concentration Pathways). Le scénario le plus optimiste est le seul qui nous permette de limiter le réchauffement climatique à +2°. Le scénario le plus pessimiste, c’est-à-dire sans aucune réaction de la part des sociétés humaines, nous emmène vers un monde entre +4 et +6°.

Les effets du changement climatique sont déjà présents et pourraient être amplifiés dans les années à venir. Apparition et disparition d’es-pèces animales et végétales, feux de forêts, inondations et tempêtes, sécheresses, acidification des océans, maladies… Tous ces change-

11

Page 13: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

L’heure est donc à l’action : les choix qui seront faits dans les prochaines années seront déterminants, en particulier en matière de réduction des émissions de GES. Pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, adopté lors de la 21e Conférence des Parties (COP), c’est-à-dire ne pas dépasser le seuil des +2°, il est nécessaire de réduire les émis-sions mondiales de 40 à 70% entre 2010 et 2050. La neutralité carbone, c’est-à-dire la compensation des émissions de GES par des activités capturant les GES, sera requise en 2075-2100. Il s’agit donc d’engager la transition vers une société bas-carbone dès que possible.

Dès les années 2000, l’ADEME a initié des travaux pour élaborer une méthode de comptabilisation des émissions de GES : le Bilan Car-bone®. Cette méthode permet d’évaluer les émissions directes de GES et indirectes d’une organisation (entreprise, collectivité territoriale, ser-vices de l’État, etc.).

La comptabilité des émissions de GES (comptabilité GES) des organisa-tions fait aujourd’hui l’objet d’une suite de normes internationales, l’ISO 14 0604-1, mais aussi d’une obligation réglementaire en France, depuis 20104. Plusieurs méthodologies permettent d’aboutir à la quantification des émissions de GES liées à une activité donnée. La comptabilité GES passe par une collecte de données d’activité, qui sont converties en tonnes de GES en utilisant des facteurs d’émission (pour plus d’informa-tion sur ce processus, consulter le site de l’Association Bilan Carbone5).

Malgré l’apparente simplicité du calcul6, le choix des données d’activi-té à prendre en compte peut être ardu et conditionné à de nombreux paramètres. Pour les aider, les organisations peuvent faire appel à un consultant externe spécialisé. En pratique, en France, les « consultants énergie-climat » sont le plus souvent formés au Bilan Carbone®.

L’objectif de l’ADEME, au travers de cet appel à projet de recherche, est de renforcer sa contribution à l’émergence de connaissances sur le sujet « climat et transition bas-carbone des organisations », notam-ment au bénéfice des PME, puis d’animer et d’orienter une communau-té scientifique transdisciplinaire sur le sujet des « stratégies carbone » qui associe de façon collaborative les organisations cibles des études (PME, associations, laboratoires de recherche, écoles, etc.).

La comptabilité GES en France

4. Loi n°2010-788 du 12 juillet

2010, dite «Grenelle II», Article 75

5. www.as-sociationbi-lancarbone.

fr/les-solu-tions/

Regard multidisciplinaire

6. Le calcul étant : une

donnée d’acti-vité multipliée par un facteur

d’émission donne des

quantités de GES, expri-

mées en équi-valent CO2

12

Page 14: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

I. Un aperçu de l’évolution des connaissances sur le sujet climat

A. La pratique de la comptabilité carbone évolue depuis plus de dix ans

Olivier et Rémi accompagnent les entreprises depuis près de quinze ans sur leurs stratégies environnementales, et en particulier climat.

Pour Olivier, ces quinze dernières années ont été passionnantes car elles lui ont permis de découvrirle sujet du changement climatique, mais aussi de convaincre les acteurs autour de lui et de participer à la re-cherche des facteurs d’émission nécessaires au calcul. Une fois cela fait, les méthodes ont continué à progresser, et il a fallu imaginer des actions de réduction pour « décarboner » l’économie. Olivier a été par-tie prenante de tout ce processus, et envisage les développements à venir avec grand intérêt.

Les outils d’analyse progressent : les entreprises qui ont appris à comp-ter leurs émissions il y a 10 ans savent aujourd’hui se donner des ob-jectifs « 2° », c’est-à-dire des objectifs de maîtrise de leurs émissions de GES permettant de limiter le réchauffement. La finance s’intéresse plus résolument depuis 2015 au thème du climat. Des risques tan-

La société dans son ensemble doit devenir actrice de sa transition vers un modèle moins émissif.

Or la finance dis-pose d’un pouvoir considérable vis-à-vis du comportement des entreprises : Olivier s’attend à ce qu’il y ait de plus en plus d’entreprises qui agissent sous la pression de leurs action-naires. Les mentalités et, dans leur sillage, les orientations politiques, ont le potentiel d’influencer les réglementations et de modifier les équilibres économiques. La société dans son ensemble doit devenir actrice de sa transition vers un modèle moins émissif.

Rémi, quant à lui, estime que les progrès sont réels… mais encore trop lents. La transition énergie-climat est un sujet sensible en raison des nombreux enjeux socio-économiques qu’il sous-tend. Le monde politique tarde à l’affronter. Le changement climatique pousse la dé-mocratie dans ses retranchements : nos modes de vie doivent évoluer profondément, en peu de temps, ce qui est potentiellement difficile à admettre pour chacun d’entre nous.

13

Page 15: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

La résistance au changement est vive face à l’urgence de la transition et il est extrêmement risqué, pour une personnalité politique, de recher-cher l’adhésion de la population par la voie des urnes à des mesures aussi drastiques qu’il serait nécessaire.

Pour Olivier, le climat recèle une forme d’ouverture d’esprit et un gisement d’innovations. L’outil « climat » est très dynamique, il permet l’ouverture à d’autres impacts environnementaux : c’est un socle commun qui stimule curiosité et créativité, et pose les jalons d’une dynamique d’évolution vers de nouvelles pratiques.

L’environnement est devenu au fil des quarante dernières années un sujet de plus en plus prégnant dans les sciences humaines et de ges-tion. En comptabilité, les recherches ont débuté dans les années 1970. En contrôle de gestion, les premières recherches datent des années 1990, et se sont surtout développées depuis le début des années 2000. Par exemple, un courant de recherche appelé « Environmental Mana-gement Accounting » porte spécifiquement sur les outils de mesure et de pilotage des impacts environnementaux.

Cependant, pour Delphine, l’intérêt du projet CSC PME vient de la qua-si-absence de recherche sur la question environnementale auprès des PME. Sur la partie comptable de cette question, Delphine dénombre moins d’une dizaine d’articles. Cela s’explique par l’impact faible qu’ont les PME en termes d’émissions de GES : pourquoi travailler sur des acteurs qui ne représentent pas la majorité des émissions ? Del-phine pense néanmoins qu’en faisant changer les pratiques de PME, il devient possible de faire évoluer les pratiques de toute une filière, mais aussi d’agir auprès des familles des salariés, par exemple. Difficile tou-tefois de mesurer cet impact, ce qui peut décourager les financeurs.

Tiphaine a, de son côté, décidé d’utiliser les outils d’analyse « clas-siques » pour étudier la question du climat à travers la communication des organisations sur le sujet. Alors que certaines branches du monde de la recherche proposent de révolutionner la comptabilité en y inté-grant par exemple les flux environnementaux, Tiphaine a choisi de rester sur une position prudente et d’observer les flux d’informations « climat » et leur audience.

B. La comptabilité carbone au sein des PME est un champ encore à explorer

14

Page 16: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Il y a ainsi de multiples façons d’étudier l’intégration des enjeux énergie-cli-mat au sein des entreprises. Comptable de formation, Delphine a aussi managé des équipes avant d’entrer dans le monde académique : elle voit donc la problématique environnementale à travers un prisme différent de ce-lui d’autres collègues, par exemple passés par des formations d’écologue. Dans les prochaines années, la recherche en comptabilité carbone pourrait donc attirer des chercheurs aux parcours très variés et aboutir ainsi à une connaissance toujours plus fine des stratégies carbone des organisations.

Durant les dix dernières années, la recherche en sociologie s’est intéressée principalement à trois enjeux autour du climat :• L’étude des négociations climatiques et les jeux d’influence ;• L’étude des comportements entre vie privée et vie en entreprise ;• L’étude de la partie comptable, par exemple le reporting climat et le ma-nagement de ses résultats.

Delphine recommande à ce sujet la lecture de l’article de 2011 d’Ansari, Gray et Wijen7 qui montre que la sociologie des organisa-tions peut contribuer à l’obtention d’accords, à la mise en place de stra-tégies au sein des organisations et à l’imagination de nouvelles solutions.En comptabilité, en particulier, il y a eu beaucoup de recherches sur la divulgation d’informations climatiques de la part des entre-prises. Ces recherches tentent de répondre aux questions suivantes : • Quelles sont les informations divulguées (volontairement ou régle-mentairement) ? • Quelles sont la quantité et la qualité de ces informations ? • Pourquoi les entreprises divulguent-elles ces informations ?• Quelles sont les conséquences de la diffusion de ces informations ?

Par exemple, Simon apprécie l’article de Merkl-Davies et Brennan (2007) intitulé « Discretionary disclosure strategies in corporate narratives: Incre-mental information or impression management ?8» qui montre, à travers la synthèse de plusieurs dizaines d’articles, que la communication des entre-prises peut influencer les investisseurs bien au-delà des simples chiffres, en mettant en avant des notions davantage qualitatives.

C. La comptabilité carbone, entre communication, calculs et politique

7. Ansari, S., Gray, B. et Wijen, F. (2011). « Fiddling while the ice melts? How organizational scholars can take a more active role in the climate change debate » ou « Plutôt que d’attendre que la glace fonde, comment les chercheurs en sociologie des organisations peuvent-ils avoir un rôle plus actif au sein des débats sur le changement climatique », Strategic Organization, p. 70-76.

8. Merkl-Davies, D. M. et Brennan, N. M. (2007). « Discretionary disclosure strategies in corporate narratives: Incremental infor-mation or impression management? » ou « Intégrer des éléments facultatifs dans la communication des entreprises : information pertinente ou gestion de l’image ? », Journal of Accounting Literature, p. 116-196

15

Page 17: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Selon Tiphaine, deux théories principales s’opposent :a. Les entreprises les plus vertueuses diffusent plus d’informations, et de meilleure qualité, pour signaler leurs efforts en matière environne-mentaleb. Les entreprises les moins vertueuses diffusent plus d’informations pour assurer leur légitimité

Dans les faits, c’est plutôt la théorie de la légitimité (b.) qui tend à être validée. Tiphaine recommande de lire l’article de Doda, Gennaioli, Gouldson, Grover et Sullivan intitulé « Are corporate carbon manage-ment practices reducing corporate carbone emissions ?9». Ainsi, pour Tiphaine, dans le cadre de ce projet de recherche, ce n’est pas spéci-fiquement la forme de la comptabilité employée qui est étudiée, mais la pratique d’une telle comptabilité, considérée comme une innovation managériale dont les répercussions sont riches d’enseignement.

Cependant la question est actuellement moins « à la mode » au sein des laboratoires de recherche, alors qu’il reste énormément de choses à trouver !

Créée en 2011, suite à la cession du Bilan Carbone® par l’ADEME, l’ABC poursuit les activités historiques autour de cette méthodologie : formations professionnelles et enseignement supérieur, développe-ment des outils, travaux collaboratifs pour entretenir la méthodologie.

Entre 2013 et 2015, l’ABC a développé un Système de Management des Gaz à Effet de Serre® (SM-GES®), qui vise à accompagner le dé-ploiement d’un plan d’actions.

Les sujets « eau », ou « biodiversité » attirent aujourd’hui davantage de financements, alors qu’il est de plus en plus urgent de passer à l’action pour limiter le changement climatique.

Selon Delphine, la recherche obéit elle aus-si à des phénomènes de mode : la comptabili-té carbone a émergé au sein des entreprises en 2006, par exemple au sein de Danone, et les chercheurs ont entamé leurs observations trois ans plus tard.

D. L’Association Bilan Carbone, sept années au service des organisations qui s’engagent contre le changement climatique

9. Doda, B., Gennaioli, C., Gouldson, A., Grover, D., et Sullivan, R. (2016). « Are corporate carbon management practices reducing corporate carbon emissions? » ou « Est-ce que les pratiques de management des émissions de GES des entreprises permettent bien de les réduire ? », Corporate Social Responsibility and Environmental Management, p. 257-270.

16

Page 18: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Damien travaille à l’heure actuelle sur sa mise à jour pour former un pont entre le Bilan Carbone® et l’évaluation des stratégies climat des entreprises.

Depuis 2016, le groupe de travail « évolution de la méthode » a déve-loppé une nouvelle version du Bilan Carbone®, davantage compatible avec d’autres grandes méthodes de comptabilité des GES, mais aus-si adaptée au renouvellement de la démarche et à la projection dans un monde bas carbone. En effet, depuis les dix dernières années, bon nombre d’organisations ont réalisé leur premier bilan de GES et il s’agit désormais de dépasser cette première comptabilité pour réaliser un deuxième exercice qui serve à l’action et permette de réduire les émissions.

L’ABC se positionne de même à l’interface entre les principaux acteurs de la transition : ministères et agences publiques, ONG et associations d’intérêt général, entreprises et fédérations professionnelles, collecti-vités et territoires. Grâce à cela, l’association participe à de nombreux projets (recherche, conférences, publications, développement spéci-fique) autour des enjeux de la transition.

Pour Damien, notre société est passée de la sensibilisation à la mobilisation... bien que notre planète n’ait jamais été aussi chaude depuis le début de l’ère industrielle et qu’il soit encore possible que des climato-sceptiques se hissent aux plus hautes positions de certains États. Les missions de l’ABC s’enrichissent donc pour inciter tous les acteurs à entrer en transition.

En contrôle de gestion environnementale, il reste d’après Simon beau-coup de choses à explorer. Les pratiques des entreprises sont en-core peu connues car elles sont sans doute peu structurées. Cer-tains grands groupes internationaux ont fait l’objet de recherches (par ex. Danone, Saint Gobain), mais cela reste encore très rare, et les pra-tiques des PME et ETI sont toujours quasiment inconnues.

Avec plus de recul et plus de connaissances sur les pratiques émer-gentes des organisations, la recherche pourra passer à une phase plus « normative », orientée vers la diffusion des meilleures pratiques. Mais il faut d’abord que ces pratiques émergent et soient suffisamment étu-diées avec un regard critique.

E. Des pratiques de gestion environnementale encore à découvrir

17

Page 19: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Tiphaine souligne quant à elle qu’il n’est pas simple d’étudier les pra-tiques des entreprises sur la question « climat » : certaines d’entre elles acceptent de répondre aux questionnaires mais peu sont véri-tablement concernées par les questions des chercheurs. En particu-lier, il est manifestement difficile aujourd’hui de trouver des PME ayant intégré une véritable démarche carbone. Malheureusement, il apparaît que peu de PME ont du temps et de l’argent à investir sur le sujet.

Pour Delphine, des questions sont en train d’émerger et devront être traitées au cours des prochaines années : quel impact des science based targets (SBT10) ? Quels liens entre GES et marketing ? Quels effets du changement climatique sur le management des ressources humaines ? Comment le climat pourrait-il devenir le sujet de « monsieur tout le monde » ? En effet, l’immense majorité des salariés en en-treprise n’a pas encore été formée, que ce soit pour réduire leurs émissions de GES ou pour entrer dans la transition bas carbone !

Delphine craint cependant que les réglementations évoluent trop ra-pidement pour que la recherche puisse faire son travail d’alerte. Les acteurs de terrain agissent parfois trop vite, en se précipitant par exemple vers de nouvelles lois. Delphine pense que ce n’est pas tou-jours la bonne solution, et qu’il faut laisser aux chercheurs le temps d’observer, de comprendre et de diffuser leurs connaissances.

Selon Olivier, les GES vont devenir une donnée comptable, un indi-cateur extra-financier important pour l’entreprise. Les assureurs et les banques commencent déjà à étudier leurs investissements les plus im-portants à travers le prisme du changement climatique.Les consultants énergie-climat deviendront à terme consultants en in-novation environnementale, et aideront les entreprises à aller vers des démarches telles que l’écoconception. Pour Olivier, la partie « calcul » de la comptabilité carbone est déjà en train d’être internalisée par les entreprises. Rémi identifie sur ce point un risque de dilution de l’exper-tise initiale :

10. Consul-ter le site du SBT : science-

basedtar-gets.org/

F. Des changements de pratiques pour les experts, afin de répondre à l’urgence du changement climatique

Si les méthodes changent et sont utilisées par le plus grand nombre, il faudra trouver un moyen d’assurer la qualité des démarches.

Parmi les évolutions techniques en cours, on peut citer pêle-mêle la révision de la norme ISO 14064, le développement des méthodes Science Based Targets, la loi française pour la transition énergétique pour la croissance verte qui oblige les in-

18

Page 20: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

-vestisseurs institutionnels à s’intéresser au climat, ou la publication du Bilan Carbone® version 8, pleinement compatible avec la norme ISO et qui reçoit des marques d’intérêt des pays d’Europe et du Ma-ghreb, ouvrant un potentiel important de diffusion des méthodes fran-çaises à l’international.

Si la compétence technique reste un socle de légitimité à ne pas né-gliger pour les consultants énergie-climat, Rémi cherche à progresser sur les problématiques économiques et financières ainsi que sur la capacité d’influence de son entreprise, y compris auprès du grand pu-blic. Pour ce faire, il développe par exemple des argumentaires, afin d’intégrer le sujet climat à la réflexion stratégique dans l’entreprise.

À plus long terme, Olivier soutient que le consultant énergie-climat sera toujours orienté vers l’action, vers l’innovation. Une crise des matières premières risque de survenir à partir de 2030, qui demande-ra selon lui tout autant d’innovations que le changement climatique. Les PME formant l’essentiel de l’emploi en France, il est fondamen-tal qu’elles gagnent en maturité sur le sujet climat : cette thématique n’est plus élitiste, mais devient peu à peu un enjeu pour le commun du monde économique. Pour Olivier, les start-ups ne représentent pas le poste le plus significatif en termes d’émissions, mais elles sont révélatrices du monde des entreprises de demain. Il est donc pertinent de les étudier afin d’anticiper les changements à venir.

Grâce à l’ADEME et à l’ABC, les entreprises françaises ont été plus exposées que les autres au sujet du management des GES : il est possible qu’elles soient plus proactives et résilientes que les autres dans le contexte de la transition énergie-climat. Il s’agit de finalement comprendre dans quelle mesure plus d’une décennie d’acculturation a permis de produire une maturité particulière sur le sujet et sous quelle forme. Pour Rémi, de nouvelles méthodes émergent pour cette fois amener les entreprises à agir (par exemple la méthode ACT11 portée par l’ADEME). La comptabilité GES est incontournable et il faut la maîtriser pour pouvoir la dépasser.

11. Plus d’information

sur actpro-ject.net/

19

Page 21: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

II. Portraits de la comptabilité carbone

A. Étudier la comptabilité des émissions de GES est une manière de s’engager

Pour Delphine, étudier la comptabilité des émissions revient à poser la question de la nécessité de la comptabilité dans les problématiques environnementales. En effet, les problèmes environnementaux sont complexes, interconnectés, et difficilement descriptibles par les comp-tables. Néanmoins, la mesure et l’obtention d’un chiffre permettent une action plus ciblée et efficace. La comptabilité est un phénomène social, qui relève d’une pratique interactive : Delphine veut participer à sa construction et la voir évoluer au service de la réduction des émis-sions. En tant que chercheuse, Delphine constate des pratiques, les théorise puis propose des évolutions vers de meilleures pra-tiques, ou les diffuse en tant que modèle.

Cependant, la question de la diffusion des résultats de la recherche est difficile : Delphine s’efforce de vulgariser au maximum ses travaux, en premier lieu auprès de ses élèves, puis auprès des experts-comp-tables, profession encore peu impliquée aujourd’hui dans l’économie verte, et enfin auprès des personnalités politiques. Favorable à une recherche responsable en management reliée à la pratique et répon-dant aux besoins des entreprises, Delphine ressent cependant une crise en France à propos de l’utilité de la recherche dans ces do-maines, qui a souvent du mal à être entendue par les praticiens et reste ainsi sans effet concret.

Comme Delphine, Simon est préoccupé par l’environnement à titre personnel depuis longtemps, et a décidé il y a cinq ans d’en faire un sujet d’étude dans son travail d’enseignant chercheur en comptabi-lité-contrôle de gestion. Ce choix lui permet de mieux sensibiliser ses étudiants aux problématiques environnementales au niveau organisationnel. C’est à ce niveau qu’il peut avoir le plus d’impact. Tiphaine, quant à elle, constate que les étudiants sont de plus en plus ouverts et réceptifs à la RSE, ce qui lui permet d’élargir les enseignements proposés. Elle note la contribution potentiellement non négligeable des MOOC et de l’enseignement à distance, permis par les nouvelles technologies, qui faciliteront la large diffusion des connaissances.

20

Page 22: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Tiphaine a commencé sa carrière par étudier le reporting extra-finan-cier réalisé par le CDP12, une ONG anglo-saxonne qui rassemble des informations à destination des financeurs. Le principal sujet de l’époque portait alors sur les quotas européens et leur comptabilisa-tion, sujet souvent traité d’un point de vue économique ou technique. Tiphaine apprécie que le sujet de la comptabilité carbone lui permette de concilier une préoccupation personnelle - l’écologie - et son goût pour la comptabilité.

Qui plus est, grâce au projet CSC PME, Tiphaine échange régulière-ment avec Simon et Rémi, ce qui lui a permis de mieux appréhender la relation entre les entreprises et leurs consultants et de découvrir, par exemple, qu’elle est finalement moins étroite que ce qu’elle avait anticipé.

Olivier a déployé la méthode Bilan Carbone® en France juste après son invention par Jean-Marc JANCOVICI, et a accompagné les pre-miers bilans de collectivités lors des expérimentations organisées par l’ADEME. Devenu expert de la méthode, il considère que la démarche Bilan Carbone® est pour lui une vraie vocation.

Rémi aussi a démarré son activité de consultant autour de la comp-tabilité GES, en rejoignant les activités autour du Bilan Carbone® en 2006. Alors qu’il fondait son cabinet de conseil ECO2 Initiative sur la thématique du développement durable, Rémi en est venu à aider les organisations dans le management de leurs GES au point de ren-contre entre sa volonté de dédier son temps et ses compétences à une activité qui ait du sens, sa connaissance du fonctionnement de l’entreprise et son bagage académique.

La comptabilité des émissions de GES est une démarche qui peut s’adresser aux organisations, mais aussi à des territoires, des produits, des personnes… La comptabilité est la même dans ses principes, mais s’adapte à chacune de ces approches, qui intera-gissent alors avec différentes parties prenantes et qui disposent de leviers distincts. Il n’y a pas de hiérarchie entre ces démarches : il faut plutôt les considérer comme complémentaires.

B. Vocation, compétences techniques et bagage aca-démique, les ingrédients nécessaires pour être consul-tant énergie-climat

12. Consul-ter le site

web du CDP : www.cdp.

net/fr

21

Page 23: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Par exemple, une approche organisation permet d’avoir une vision glo-bale de l’entreprise dans son fonctionnement alors qu’une approche pro-duit apporte des informations plus opérationnelles (valeur commerciale, spécificité du produit, etc.). Rémi estime que si l’approche organisation a eu beaucoup de succès en France en tant que démarche volontaire, c’est avant tout parce qu’elle a été promue par l’ADEME au travers de sa démarche de Bilan Carbone®.

Olivier considère la comptabilité GES comme un domaine moins « pu-nitif » que l’étude d’impact réglementaire13 par exemple, car les GES posent des questions stratégiques : quel devenir du secteur d’activité ? Quelles adaptations sont nécessaires ? Les missions confiées à Olivier par ses clients comportent ainsi une dimension pédagogique : la comp-tabilité GES est un point d’entrée vers un vaste panel de sujets au sein de l’entreprise, et ouvre la voie à une dynamique de progrès. Finalement, une entreprise qui travaille sur ses émissions de GES a l’opportunité d’in-nover et de penser bien au-delà de la seule comptabilité des émissions.

Pour Rémi, la force de la comptabilité GES par rapport à d’autres comp-tabilités environnementales est qu’elle permet d’utiliser un indicateur environnemental reconnu comme pertinent et en même temps unique, donc simple à exploiter : il s’agit de réduire, d’atteindre un minimum. Les orientations à prendre sont claires, et selon le contexte, la comptabilité GES peut être un indicateur très efficace et suffisant. Une limite de cette approche est que, puisqu’elle est monocritère, elle aborde évidemment les problèmes d’impact environnementaux de façon incomplète. Cepen-dant, seules les organisations mâtures sur le sujet carbone sont prêtes à élargir leur regard, et à aller vers un bilan multicritère.

Pour Rémi, il est plus simple de décrire son métier tel qu’il était il y a 6 ou 8 ans. À ce moment-là, un exercice de Bilan Carbone® - souvent le premier - était très significativement subventionné par l’ADEME et se déroulait classiquement ainsi :a) cadrage du projet et sensibilisation des acteurs,b) collecte des données d’activité de l’entreprise,c) analyse et traitement de ces données donnant lieu au profil de « bilan carbone »,d) co-élaboration sur cette base puis partage en interne du plan d’ac-tions de progrès.

13. L’évaluation environnementale vise à intégrer les préoccupations environnementales et de santé le plus en amont possible dans l’élaboration d’un projet. C’est un processus dont la première étape est l’élaboration d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement ou étude d’impact pour les projets, par le maître d’ouvrage du projet ou la personne publique responsable du plan ou programme.

C. Le métier de consultant énergie-climat en constante évolution

22

Page 24: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Aujourd’hui, les entreprises font moins appel aux consultants pour établir leur bilan d’émissions de GES. Une raison en est qu’elles l’as-socient plus spontanément à la notion d’obligation réglementaire. Or le bilan réglementaire français14 porte sur un périmètre restreint qui renvoie, au mieux, à une logique de rationalisation des coûts liés à leurs consommations d’énergie. Sans aide extérieure, le résultat (pro-fil d’émission et plan d’actions) est alors de qualité très inégale en comparaison des Bilans Carbone®, plus ambitieux dans leur portée et dans leur périmètre, permettant d’ouvrir une réflexion stratégique de moyen-long terme.

Il apparaît donc important d’essayer d’aller plus loin que le seul bilan d’émissions… et de parvenir à en convaincre son client. Lorsqu’Oli-vier répond aujourd’hui à un marché, il fait une proposition : effectuer la partie technique (aujourd’hui, souvent une mise à jour d’un bilan), mais aussi travailler selon une approche transversale en incluant des éléments tels qu’un bilan énergétique, la valorisation des efforts réa-lisés dans l’amélioration d’un processus de l’entreprise, etc. Son ob-jectif est l’écriture d’une politique environnementale de l’entreprise, qui définisse des priorités en fonction des résultats et ainsi de lancer l’entreprise dans une démarche de transition énergétique et envi-ronnementale. Olivier se positionne ainsi en animateur de la politique de développement durable de l’entreprise.

Une fois la phase de calcul réalisée, les enjeux cernés et validés au-près de l’entreprise, Olivier cesse de parler de GES et ne s’intéresse plus qu’au plan d’actions. Pour ce faire, il est nécessaire de faire re-monter la démarche du chargé de mission à sa hiérarchie. Oli-vier note que ses clients sont aujourd’hui moins en contradiction avec cette démarche : les « pourquoi je dois… » sont remplacés par des « comment je peux… ». Selon lui, le besoin des clients est désormais de l’ordre de l’assistance : ils souhaitent être aidés pour trouver une solution qui leur permette de rester compétitifs mais aussi d’améliorer leur participation à la transition. Mais même si tous les acteurs sont convaincus qu’il faut agir, le processus demeure laborieux.

Pour Olivier, ceux qui agissent ne le font pas uniquement pour obtenir les chiffres : il y a chez eux une envie d’agir, la compréhension de la responsabilité de chacun. Par exemple, il n’est désormais plus rare que les chargés de mission aient dans leur fiche de poste une obliga-tion d’action.

14. Pour en savoir plus, consulter :

www.eco-logique-so-

lidaire.gouv.fr/ac-

tions-des-en-tre-

23

Page 25: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Il estime que, finalement, le consultant ne passe qu’un tiers du temps sur la partie stratégique de sa mission car les entreprises ne l’ont bien souvent pas attendu pour réfléchir. Les entreprises essayent d’asso-cier aux émissions un coût financier, et le consultant facilite le choix des actions en prenant une position de coordinateur de la politique développement durable de l’entreprise. Alors que la mission originelle était de convaincre, un consultant aujourd’hui doit animer et dynami-ser, aider à avancer dans la bonne direction.

En tant qu’association, l’ABC représente ses adhérents : majoritaire-ment des organisations partenaires, parties prenantes de la transition bas-carbone et comptant en leur sein une ou plusieurs personnes for-mées à la méthode Bilan Carbone®. Depuis 2004, plus de 8 500 per-sonnes ont été formées au Bilan Carbone®, et en 2017 l’association rassemblait plus de 400 adhérents ou licenciés. Parmi ses adhérents se trouvent le CITEPA15, la Caisse des dépôts, l’association Green Cross, la fédération CINOV16 et l’APCC17, ou l’ONG Solidarité Clima-tique, et bien d’autres encore, qui participent tous activement à la tran-sition de notre société vers un modèle moins émissif en carbone18.

Les organisations membres (ou partenaires) de l’ABC sont convain-cues des risques que représente le changement climatique pour les sociétés humaines, mais aussi des opportunités qu’il est susceptible de générer pour les générations futures. Ce point est largement abor-dé dans le rapport final de la Task Force on Climat-related Finacial Disclosures19, qui va bien au-delà du sujet de la finance pour recom-mander à toutes les organisations de s’appuyer sur les données pros-pectives afin d’anticiper les changements à venir… et d’en sortir gran-dies.

Le terme «transition bas-carbone» lui-même illustre l’enjeu : il ne s’agit pas simplement d’atténuation du changement climatique, ni même uniquement d’adaptation aux perturbations qu’il entraîne déjà, mais bien d’une évolution de nos sociétés vers un modèle «meilleur». Guidée par le sens de l’intérêt général, l’ABC participe à la transition vers un monde bas-carbone parce qu’elle estime qu’il est nécessaire d’accompagner, de valoriser et de convaincre d’autres organisations de rejoindre cette dynamique de progrès.

D. Pourquoi l’ABC participe-t-elle à la transition bas-carbone ?

15. Le Centre

Interpro-fessionnel Technique

d’Études de la Pollution Atmosphé-

rique (www.citepa.org)

16. La

Fédération des syn-

dicats des métiers de

la prestation intellectuelle du Conseil,

de l’Ingé-nierie et du Numérique

(www.cinov.fr)

17. L’As-sociation des Pro-

fessionnels en Conseil

Climat, éner-gie et envi-ronnement

(apc-climat.fr)

18. Plus d’in-formations sur wwww.

association-bilancar-

bone.fr

19. Consul-table ici : www.

fsb-tcfd.org/publications/final-recom-

menda-tions-report/

24

Page 26: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

III. Aller plus loin que la comptabilité pour en-tamer la transition bas-carbone

A. Comprendre la comptabilité GES pour (mieux) pas-ser à l’action

Pour Simon, les pratiques des PME en matière de quantification des émissions de GES s’expliquent principalement par deux grands fac-teurs : • Un facteur endogène : les motivations et valeurs personnelles du dirigeant• Un facteur exogène : les réglementations et pressions des par-ties prenantes

Il s’agit donc désormais de trouver comment agir sur ces deux fac-teurs pour favoriser une quantification utile des émissions et favoriser le passage à l’action.

Delphine entrevoit des propositions concrètes que le projet CSC PME pourra proposer. Les chercheurs ont mis le doigt sur des éléments qui pourront avoir un impact concret, en étant facilement implémen-tés. Il apparaît, par exemple, qu’une évolution de la réglementation ou une nouvelle opportunité de financement ne seraient que peu per-tinentes pour les PME. Ainsi, le projet CSC PME pourrait permettre de repenser l’aide aux PME, mais il est nécessaire d’attendre les der-niers éléments et la publication des articles de recherche pour pouvoir conclure.

Le reporting des émissions de GES est au cœur des discussions de-puis la COP21 et l’entrée en jeu du monde de la finance. Pour Da-mien, ce constat est révélateur de la maturité des méthodes de comp-tabilisation.

Il existe actuellement une dizaine de méthodes de comptabilisa-tion des émissions, toutes basées sur les mêmes principes, mais avec des spécificités importantes.

B. Quel avenir pour le développement de méthodes et d’outils GES ?

25

Page 27: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Par exemple, le GHG Protocol accepte la prise en compte de certi-ficats de garantie d’origine de l’électricité, afin de favoriser le déve-loppement des énergies renouvelables, tandis que la méthode Bilan Carbone®20 impose de prendre en compte, lors du calcul, tous les flux physiques dont l’organisation est responsable ou dépendante. Aussi il est impossible dans le cadre du Bilan Carbone® de rempla-cer les émissions du réseau électrique par les certificats de garantie d’origine, bien que l’existence de sources d’énergie renouvelable di-minue les émissions du mix du réseau. Pour Damien, une convention sera trouvée (ou imposée) pour que toutes les organisations comp-tabilisent leurs émissions de la même manière et que ces méthodes soient fusionnées. Pour Damien comme pour Olivier, la comptabilité carbone sera considérée comme partie intégrante de la comptabilité d’une organisation.

L’enjeu de calcul et de synthèse accompagne un enjeu d’action : le changement climatique se poursuit, malgré la sensibilisation de plus en plus importante des organisations et des individus. Les méthodes et outils GES doivent désormais se pencher sur le passage à l’action. Damien s’interroge : comment concevoir une action à la fois convain-cante, réalisable relativement facilement et efficace ?

En ce sens, le rôle du monde de la finance est considérable. Il s’agit de forcer ni plus ni moins les entreprises à respecter les contraintes en termes d’émissions, via des incitations ou des contraintes écono-miques. Les États et les citoyens doivent eux aussi disposer de mé-thodes et d’outils pour évaluer les produits qu’ils achètent, les en-treprises avec lesquelles ils travaillent, les territoires sur lesquels ils vivent, afin que chacun puisse favoriser les solutions bas-carbone.

Selon Rémi, les organisations ont en général progressé sur le sujet carbone : beaucoup d’entre elles ont réalisé au moins un bilan, sou-vent poussées par la réglementation ; certaines ont même intégré des indicateurs dans leurs tableaux de bord de pilotage opérationnel. La plupart ont ainsi compris la différence entre compter et agir sur le sujet. Certaines temporisent ou ont baissé les bras, d’autres moins nombreuses se sont remonté les manches.

20. Les méthodes de l’ABC

détaillées ici : www.as-

sociationbi-lancarbone.

fr/les-solu-tions/

C. Des actions déjà présentes mais encore trop dis-crètes

26

Page 28: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Pour Olivier, il est difficile de juger si une action est engagée durable-ment ou non. L’action n’est que rarement immédiate, mais il pense que toutes les entreprises essayent de faire quelque chose. Parfois, l’action ne porte pas sur le poste d’émissions le plus important et son impact est alors trop faible, mais la prise de conscience est là. Seules les entreprises démunies dans le passage à l’action ne font rien, sou-vent en raison du contexte économique. Mais il existe des actions « sans regret », qui ne peuvent qu’être un plus pour les entreprises : par exemple, les actions d’économies d’énergie ou d’optimisation de la logistique. Des solutions techniques telles que les énergies re-nouvelables offrent désormais une compétitivité facilitant leur mise en œuvre. Même des secteurs aux marges de manœuvre jugées faibles comme l’automobile et l’aéronautique sont déjà engagés et ont défini des stratégies pour mener leur transition, développant des produits moins vulnérables.

Rémi partage cette opinion : l’intention de « compter pour agir » est presque toujours sincère lors du démarrage d’une mission. Mais les acteurs du projet sous-estiment en général la difficulté de mettre vrai-ment en œuvre le changement. En revanche, l’intention de « comp-ter pour compter » est souvent liée à une logique de communication, par exemple d’affichage environnemental, de sensibilisation, qui est moins assumée. Cependant, Rémi reconnaît le potentiel que présente la communication pour déclencher finalement l’action. Rapidement, une action concrète devient nécessaire pour alimenter la communica-tion en contenu : soit l’entreprise avance en ce sens, soit la commu-nication s’essouffle.

La communication constitue ainsi un levier supplémentaire pour engager l’organisation.

De nouvelles mé-thodes, de nou-veaux acteurs et de nouvelles initiatives émergent dans un contexte post-COP21, venant se substituer au management des GES tel qu’il a été pratiqué jusqu’ici. Néanmoins, la comptabilité des GES reste un socle sans lequel l’entreprise ne peut aspirer à une démarche ambitieuse sur le su-jet climat.

27

Page 29: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

IV. Quel message faire passer aux générations futures ?

Le monde de demain se construit aujourd’hui : le principal danger du changement climatique repose dans l’inertie des phénomènes en jeu. Il faut donc agir dès maintenant, même si les résultats de cette ac-tion ne s’observeront que dans des décennies.

Il y a quinze ans, Olivier n’aurait sans doute pas été aussi optimiste sur la plupart des sujets de la transition bas-carbone (économie cir-culaire, auto-partage, etc.), mais il affirme aujourd’hui que les choses vont dans le bon sens et que le changement est en cours, en particu-lier au niveau du désinvestissement de l’énergie fossile. On ne peut simplement pas révolutionner l’économie mondiale en cinq ou dix ans.

Simon pense que l’avenir passera par l’intégration de la problématique environnementale au cœur du modèle économique des entreprises. Selon lui, les futures générations d’entrepreneurs et de managers doivent imaginer les activités économiques de leurs organisations en conservant cet objectif d’intégration constamment à l’esprit.

De son côté, Delphine constate qu’il est difficile pour ses propres en-fants, bien que très sensibilisés aux problématiques environnemen-tales. d’appliquer au quotidien les pratiques les plus respectueuses. Pour elle, c’est encore plus difficile de changer le comportement d’étu-diants, sans parler de celui d’adultes indépendants. Il est nécessaire selon elle d’aborder l’environnement dès la crèche ou en maternelle, et de passer par l’éducation des tous petits pour intégrer en pro-fondeur les valeurs de respect de l’environnement qui sont né-cessaires pour enrayer les changements globaux.

Pour Rémi, il n’est pas l’heure des messages aux générations futures, mais plutôt à se retrousser les manches pour leur transmettre une planète raisonnablement vivable.

Olivier conclut en soulignant que chaque génération doit relever des défis : nos grands-parents ont connu la guerre, nous connaissons le changement climatique… La clef selon lui est l’adaptation et l’opti-misme. Tout changement est pénible, mais l’innovation peut apporter de l’emploi et soutenir l’économie.

28

Page 30: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

Conclusion

Synthèse des principaux enseignements

Le changement climatique est une problématique actuelle, dont les conséquences sont déjà visibles.

En France, la conviction qu’il est temps d’agir est partagée par une majorité, mais trop peu d’actions sont encore mises en œuvre. Une grande partie des organisations a effectué la comptabilité de leurs émissions de GES, mais trop peu ont lancé des actions concrètes de réduction.

La thématique devient peu à peu un enjeu pour le commun du monde économique et n’est plus réservée à une certaine élite économique. En parallèle de cette transformation de l’économie, nos modes de vie doivent aussi évoluer profondément.

Malgré tout, il s’agit de rester optimiste quant à la capaci-té de nos sociétés à s’adapter. Il y a quelques années, il était nécessaire de développer des méthodes et de convaincre.

Les émissions de GES sont un indicateur simple à exploiter et à intégrer dans la stratégie globale de l’organisation. Si la thématique « climat » constitue une porte d’entrée, elle peut déboucher sur d’autres théma-tiques environnementales. Les consultants en comptabilité carbone aident aujourd’hui à développer des argumentaires pour convaincre les décideurs, et peu à peu deviennent experts en innovation environ-nementale, animant et dynamisant la politique développement durable des organisations.

Le changement climatique est vu désormais par de plus en plus d’acteurs économiques comme une source de risques autant que d’opportunités.

Les émissions de GES font l’objet d’une comptabilité qui permet de définir les ac-tions les plus pertinentes. Suite à la COP21, de plus en plus d’initiatives tentent ainsi de dépasser la simple comptabilité pour aller vers la définition d’une stratégie bas-carbone.

29

Page 31: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

La comptabilité carbone fait l’objet de développements méthodolo-giques et normatifs. Progressivement, les organisations et les pou-voirs publics qui utilisent et manient cet outil à différentes fins se l’approprient. Dans les années à venir, les différentes méthodes de comptabilité des émissions vont sans doute converger, afin que les organisations puissent quantifier leur impact selon une approche com-mune.

Le Bilan Carbone® a été en France le grand moteur de la comptabilité carbone, et est devenu une vraie vocation pour bon nombre d’experts : avec plus de 8 500 personnes formées à cette méthode, il évolue au-jourd’hui pour faciliter non plus la comptabilisation mais le passage à l’action à partir du profil des émissions. Les entreprises françaises ont été davantage soutenues, en particulier par l’ADEME, sur la question climat, mais il reste à démontrer qu’elles sont aujourd’hui davantage proactives.

Le projet CSC PME cherche ainsi à obtenir une meilleure connais-sance et compréhension des pratiques et des impacts, de la compta-bilité et de la stratégie carbone des PME en France. Les pratiques des entreprises sont encore peu connues, car sans doute peu structurées. Pour les chercheurs participant au projet, travailler sur la comptabilité carbone permet dans un second temps de sensibiliser les étudiants, les entreprises, les pouvoirs publics aux problématiques environne-mentales. De tels travaux de recherche participative sont fondamen-taux pour pouvoir conseiller les politiques publiques des années à venir.

• Journée APR de l’ADEME : 14 Juin 2018• Webinaire de présentation des premiers résultats : 26 Juin 2018• Rapport 2 « Quels éléments sont nécessaires pour engager sa tran-sition bas carbone, quand on est une PME ? » (titre provisoire)• Rapport 3 « Faire le lien entre la recherche et la pratique : regards croisés sur la prise en compte du climat par les PME » (titre provisoire)

Calendrier et rendez-vous

30

Page 32: (Pourquoi et comment) compter le carbone pour pouvoir ... · Carnet de route d’un groupe de chercheurs et de professionnels de la comptabilité carbone. ... de stratégie RSE et

CONTACTAssociation Bilan Carbone

41 rue Beauregard - 75002 ParisTél. : +33 (0)9 81 10 47 93

www.associationbilancarbone.fr