Pour une éducation « fluide » les MOOCs, impact sur la transversalité et nouveaux défis...
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Pour une éducation « fluide » : les MOOCs, impact sur la transversalité et nouveaux défis à relever.
Célya Gruson-‐Daniel avec la participation de Guillaume Dumas
co-‐ fondateurs de HackYourPhD
Septembre 2013
Nous vivons actuellement dans une société où les multiples changements de paradigme créent des fossés entre les systèmes dits « traditionnels » et ceux dits « fluides », qui s'adaptent et se nourrissent de la complexité. Le système éducatif ne fait pas exception car les réformes y sont plus lentes que le développement technologique et les changements cognitifs associés.
L'éducation se doit pourtant d'évoluer afin de, non seulement, donner l'accès aux connaissances mais également aux méthodes nécessaires à la résolution des nouvelles problématiques « complexes » de notre société moderne. Cela passe par l'enseignement du regard critique ainsi que de la mise en relation des connaissances et des personnes, notamment par la transdisciplinarité et la collaboration. Une des problématiques clef est de réussir le développement et l'apprentissage à l'échelle individuelle, tout en l'inscrivant dans une dynamique d'interaction globale.
Aujourd'hui, les nouvelles technologies—notamment celles de l'information et de la communication—fournissent différents outils ainsi qu'un nouvel écosystème—le numérique—qui permettent de potentialiser ces valeurs : interactivité, partage, et transversalité. Des dispositifs tels que les MOOCs (Massive Open Online Courses) ainsi que d'autres outils éducatifs innovants transforment le paysage de l'éducation.
Le but de ce rapport est de comprendre comment la transversalité est affectée par ces nouveaux outils. Elle est définie ici comme la capacité d'un système éducatif à faciliter l'échange des connaissances entre les « apprenants », leur mise en relation, et leur enrichissement. Ce rapport se concentrera spécifiquement sur les MOOCs, mais il évoquera également leurs limitations et les questions qu'ils laissent en suspens (certification, etc.). Une ouverture sera faite sur les potentielles solutions apportées par d'autres systèmes éducatifs innovants. Les informations synthétisées ici sont le fruit d'un voyage de deux mois à la rencontre des acteurs de ces nouveaux modes d'éducation : « HackYourPhD aux States ». Elles ont été complétées par une recherche bibliographique disponible en fin du rapport.
I-‐ Education : donner les clefs pour comprendre et agir dans une société « fluide »
Aujourd'hui, pour pourvoir comprendre et agir de façon éclairée dans un monde complexe et global, nous avons besoin de connaissances, de valeurs mais aussi d'outils et de méthodologie adaptés.
De nouvelles formes d'éducation tentent de répondre aux enjeux majeurs de cette société « fluide ». Elles ont émergé notamment grâce aux nouvelles technologies du numérique dont les caractéristiques embrassent elles-‐mêmes la notion de réseau—interactions multiples et multidirectionnelles.
Ces nouvelles formes éducatives se doivent d'être adaptatives, modulables et non déterminées afin de garantir la gestion de l'incertitude et de la complexité. Elles doivent favoriser un réseau global d'interaction où toutefois chacun peut également créer son propre environnement d'apprentissage à l'échelle locale.
« New forms of learning [...] are multivariate, self-‐organised, complex, adaptive, and unpredictable. […] They are increasingly open, interaction is distributed over a wider
variety of learning platforms, and they offer learners considerable autonomy and control to create their own personalised, unpredictable, and emergent learning. »
Footprints of emergence.
2-‐ La transversalité : élément majeur au sein des modèles éducatifs
La transversalité joue ici un rôle majeur. Nous l'avons définie comme la capacité d'un système éducatif à faciliter l'échange des connaissances entre les « apprenants », et favoriser leur mise en relation et enrichissement. Elle permet de créer un véritable tissu favorisant plus de fluidité de créativité et d'adaptation.
Aujourd'hui, la transversalité est favorisée par différentes propriétés que l'on retrouve dans les nouvelles formes éducatives, et ceci à différents degrés (MOOCs etc.)
-‐ Le support « online » et interactif : Le web offre une multitude de contenus et de formats. Il s'agit notamment d'articles (billets de blogs, articles Wikipedia, articles scientifiques en libre accès, etc.) qui intègrent de nombreux hyperliens permettant de naviguer et relier une information à une autre. D'autres contenus multimédia peuvent enrichir ce panel, notamment des podcasts et vidéos (TED, MOOCs). Nous assistons également de plus en plus à l'emploi de nouvelles approches de représentation de l'information et les connaissances, notamment par la visualisation interactive (data-‐visualisation, visualisation 3D).
Le numérique, grâce à une large gamme de plateformes et d'outils, favorise aussi l'organisation autonome de groupes et de communautés. Ils partagent des informations (curation, crowdsourcing), dialoguent et les commentent. Leurs échanges se font de plus en plus par interactions directes et dynamiques (organisation d'événement « online »,
Google Hangout, on air, Skype), ce qui favorise le travail collaboratif (prise de note collaborative, management de tâches collaboratives).
-‐ L'ouverture: L'accès au savoir, à la connaissance et sa libre circulation sont des éléments essentiels. Ce contenu est ainsi disponible pour le plus grand monde et réutilisable. Cela amène à un réseau du savoir distribué et modulable.
-‐ La massification : Grâce à cette ouverture, un grand nombre d'acteurs sont mis en connexion, cela favorise la création de groupe partageant des sujets d’intérêts communs. Un nombre important de participants favorisent la diversité et la complémentarité des profils mais aussi la création de groupes inter-‐générationels.
-‐ Des parcours individualisés : En agrégeant différents outils mais aussi des contenus et en tissant un réseau de personnes avec qui échanger, l'apprenant peut construire son environnement d'apprentissage personnalisé. Ce système, notamment avec la création d'un réseau personnel d'apprentissage, favorise la collaboration entre apprenants mais aussi leur co-‐évolution. L'apprenant n'a pas une vision globale du travail des autres mais se concentre sur ses propres objectifs, ce qui limite la compétition.
==> La transversalité en éducation entre apprenants est donc maximisée par un écosystème avec un grand nombre de profils « collaborateurs ». Ils sont chacun engagés dans leur processus d'apprentissage personnalisé. Ils interagissent néanmoins avec d'autres apprenants dont le but est de s'aider mutuellement et de collaborer pour répondre à leur propre objectif.
Les nouvelles formes d'éducation répondent à ces différentes caractéristiques. Cependant chacune présente des particularités. Nous allons les comparer à présent en analysant comment elles s'inscrivent à différents degrés dans les paramètres décrits ci-‐dessus.
3-‐ Les MOOCs : catalyseur de transversalité
a-‐ Distinction de deux types de MOOCs
Lorsque l'on parle de MOOC (Massive Open Online Courses) aujourd'hui, on pense souvent aux MOOCs proposés par EdX, Coursera, Khan Academy. Or ces MOOCs ne sont que les plus récents de deux catégories : les xMOOCs. Ce sont les plus connus, et ils ont été rapidement associés au terme « MOOC », un des « buzzwords » de 2012. Leur prise d'ampleur a commencé dès 2011 avec Sebastian Thrun et Peter Norvig et leur premier cours sur l'intelligence artificielle à Stanford. Il s'agit de plateformes regroupant des sessions de cours (un semestre) donnés par des professeurs d'université souvent prisés (université d'Harvard, Stanford, Columbia). N'importe qui peut s'inscrire gratuitement sur ces plateformes, suivre les différentes sessions et valider l'ensemble par un examen final. Bien que ces xMOOCs aient débuté en Amérique du Nord, de nombreuses universités, écoles françaises et européennes franchissent également le pas.
L'autre catégorie de MOOC sont les cMOOCs, le « c » faisant référence au terme « connectiviste ». Ils ont vu le jour notamment avec les cours en ligne et ouverts de Stephen Downes et George Siemens sur les connaissances connectées et connexes en
2008 (CCK08). Dans les cMOOCs, c'est la communauté qui crée ensemble son propre réseau de connaissances, grâce à des contenus ouverts et distribués. La connexion des individus est aussi au centre du processus d'apprentissage. La plateforme sert à construire ses contenus grâce à la collaboration le partage et les échanges d'idées.
Ces deux types de MOOCs partagent des caractéristiques communes mais possèdent également des spécificités propres. Cela impacte sur leur degré de transversalité.
b-‐ xMOOCs et cMOOCs : transversalité et limites
Les xMOOCs et les cMOOCs sont basés tous les deux sur les principes décrits par les 3 premières lettres de l'anagramme MOOC (Massive Open Online Classes/Courses). Leur disponibilité gratuite et en ligne facilite grandement la participation de grand nombre d'apprenants. Ces principes font parties des facteurs facilitant la transversalité, mais cMOOC et xMOOCs possèdent de légères différences. Ci-‐dessous sont présentés les spécificités de chaque MOOC mais aussi leurs limitations.
xMOOCs
Les xMOOCs rassemblent un nombre très élevé d'inscrits. La plateforme Coursera, par exemple, compte aujourd'hui plus de 4 millions 700 mille utilisateurs. De nombreuses personnes sont attirées par le côté prestigieux des cours donnés, leur facilité d'y accéder en ligne, et leur gratuité.
Du point de vue de l'ouverture, même si ces cours sont gratuits, ils ne possèdent pas en général de licences adaptées à la réutilisation des contenus (e.g. creative commons). Le contenu est donc gratuit mais son partage, sa redistribution et son « remix » pour d'autres cours ne sont pas rendus possibles.
Les plateformes des MOOCs sont centrés sur les vidéos données chaque semaine par un professeur. Le format de xMOOCs reste instructiviste c'est à dire qu'il est basé sur des cours magistraux avec un enseignement uni-‐directionel entre enseignant et apprenants. Les plateformes des xMOOCs offrent tout de même des outils adaptés à l'interaction entre groupe d'apprenants. Des groupes de travail s'organisent et favorisent ainsi le travail en commun. Toutefois, il est rare que les liens se continuent après une session.
La création pour chaque étudiant de son environnement d'apprentissage personnalisé n'est pas le but principal de ces plateformes. Les xMOOCs se basent sur le contenu et sa validation plutôt que sur de la création partagée de connaissances. La transversalité est donc présente mais n'est pas l'élément essentiel ; elle s'exprime de façon limitée et spécifique lors d'une session de cours.
« On the other hand, much xMOOC social connection seems to die at the end of the course, and not persist in any useful way. But the other piece that makes the networks less robust is that the primary focus of the social interaction is often the course itself, and not the
individual work or interests of the students. » Mcaufield – Educause
cMOOCs
Pour les cMOOCs, en revanche, la transversalité est la pierre angulaire du modèle. Les cours se basent sur des groupes plus restreints de personnes mais avec un engagement bien plus important. C'est en effet le groupe d'apprenants qui travaille à créer son propre contenu à partir de différentes sources. Cela nécessite de pouvoir accéder à du contenu libre pouvant être partagé et réutilisé. Les plateformes permettent spécialement que chaque apprenant crée son propre environnement d'apprentissage. Elles favorise les interactions et agrègent différents outils de communication et de gestion de contenus (Twitter, Facebook, IRC, wiki, etc.).
Ces cours possèdent un nombre de participants moins important mais le réseau créé perdure souvent après la session de cours. Dans ce sens, la transversalité y est bien plus robuste.
En revanche, le grand degré de liberté laissé aux apprenants leur demande une forte autonomie ainsi qu'un investissent bien plus important. En sortant des cadres d'éducations instructivistes, classiques, les cMOOCs possèdent une organisation horizontale qui amène parfois à un éparpillement et une perte des objectifs éducatifs pour les apprenants.
4-‐ La transversalité en éducation : enjeux à relever et implantation dans un écosystème
Les MOOCs jouent un rôle majeur dans la transformation de l'écosystème de l'éducation. Tandis que les xMOOCs permettent de « viraliser » un nouveau modèle éducatif interactif, en ligne et accessible à tous, les cMOOCs quand à eux, expérimentent ces nouveaux modes d'interactions entre apprenants, plus fluides et horizontales. Cependant, comme nous avons vu précédemment, des critiques peuvent être faites aux deux modèles. Leurs résolutions constituent des enjeux majeurs pour le futur de l'éducation. D'autres modèles éducatifs apportent des pistes intéressantes, notamment sur la question de la certification.
a-‐ Quels futurs pour les cMOOCs et les xMOOCs ? : la question de la certification
Comment valider les connaissances et compétences acquises par chacun lorsqu'un cours regroupe plus d'un millier d'élèves ? Cette question se pose surtout pour les xMOOCs.
Pour l'instant, les xMOOCs mettent souvent en place des tests automatisés pendant les sessions puis un système d'examen en ligne avec des questions standardisées. C'est le cas par exemple de EdX et Udacity qui ont mis en place des partenariats avec des organismes de certification (Pearson VUE)
Ce système permet de répondre aux enjeux de la massification. Mais la standardisation des examens défavorise un parcours individualisé d'apprentissage. Seuls les contenus retenus par les apprenants sont validés et non pas les compétences et savoir-‐faire développés, notamment au contact d'autres apprenants. Cela est donc un frein à la transversalité puisque cette standardisation pousse les apprenants à se concentrer sur
le contenu des vidéos en ligne et non pas à l'exploration collaborative et la création de contenus transverses au sujet principal.
D'autres modèles se développent pour répondre à ces limitations. Le Global Learning Arbitrage, terme employé par l'IFTF (Instiute For The Future), définit les nouveaux acteurs, tuteurs et systèmes créant ces nouveaux modes d'évaluation et d'obtention de certifications ou des accréditions. Un exemple est celui de l'évaluation par les pairs dans des MOOC : il est proposé aux apprenants d'évaluer mutuellement le travail des autres. C'est un exercice difficile qui amène à chacun à revenir sur ses propres connaissances acquises. Cela favorise notamment l'engagement des apprenants. Coursera développe notamment cette évaluation par les pairs pour les cours de sciences sociales et de business.
Une autre méthode qui commence à se développer est celle d'obtention de badges de compétences. Chaque apprenants donne un retour sur le travail d'autres apprenants par l’intermédiaire de badges relatifs à une compétence acquise. La Mozilla Foundation a commencé à mettre en place ces badges et d'autres systèmes éducatifs commencent à les adapter également (P2P University et Center for OpenScience).
b-‐ Le futur : un écosystème de l'Open Education ?
Ce rapport s'est concentré sur la question de l'impact des MOOCs sur la transversalité afin de répondre aux enjeux d'une éducation plus fluide. La transversalité est, en effet, un élément clef en éducation pour donner les clefs de compréhension et d'action dans notre monde de plus en plus global et complexe.
Un autre enjeu majeur pour le futur de l'éducation est celui de l'« ouverture ». Celle-‐ci se traduit par différents éléments, pas forcément présents dans les MOOCs :
• Des licences appropriées (e.g. creative commons) • Des plateformes d'archivages, des moteurs de recherches et des technologies
adaptées à l'organisation des connaissances distribuées. • Des formations au management des connaissances ainsi qu'à la culture du libre.
De nombreux projets éducatifs expérimentent et relèvent le défi de l'ouverture en éducation ou OpenEducation (P2P University, OER). L'étude de ce nouvel écosystème de l'Open Education constitue à lui-‐même un autre sujet entier de discussion.
Sources (livres, articles et billets de blogs)
Surfer la vie : Comment « Sur-‐vivre » dans la société fluide ? -‐ Joël de Rosnay -‐ Mai 2012 http://www.surferlavie.com/
Footprints of emergence -‐ Roy Trevor Williams, Jenny Mackness, and Simone Gumtau-‐ The international review of research in open and distance learning -‐ Octobre 2013 http://www.irrodl.org/index.php/irrodl/article/view/1267
HackYourPhD aux States : voyage au cœur de l'Open Science aux Etats-‐Unis -‐ Célya Gruson-‐Daniel – HackYourPhD -‐ juillet-‐août 2013 hackyourphd.org/USA
MOOC : cMOOC, xMOOC-‐G Siemens –Elearnspace – Jullet 2012 http://www.elearnspace.org/blog/2012/07/25/moocs-‐are-‐really-‐a-‐platform/
Ultimate Guide to xMOOCs and cMOOCs -‐ Debbie Morisson -‐ MOOC News &Review-‐ Avril 2013 http://moocnewsandreviews.com/ultimate-‐guide-‐to-‐xmoocs-‐and-‐cmoocso/#ixzz2eWUJMcgH
xMOOC communities should learn from cMOOCs – Mcaufield – Educause -‐ Juillet 2013 http://www.educause.edu/blogs/mcaulfield/xmooc-‐communities-‐should-‐learn-‐cmoocs
[HYPhDUS]John Hess : OpenScience and the engagement of community – HackYourPhD-‐ Soundcloud-‐ Aout 2013 https://soundcloud.com/hackyourphd/hyphdus-‐john-‐hess-‐edx-‐community
MOOC : une typologie des méthodes d'évaluation -‐ Matthieu Cisel – EducPros – Aout 2013 http://blog.educpros.fr/matthieu-‐cisel/2013/08/11/mooc-‐une-‐typologie-‐des-‐methode-‐devaluation/
MOOC les certificats de complétion – Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Cours_en_ligne_ouvert_et_massif#Les_certificats_de_compl.C3.A9tion
Capitalisation du MOOC ItyPA -‐ réalisée par les participants -‐ février 2013 https://sites.google.com/site/capitypa/
L'environnement d'apprentissage personnel : l'avenir de la formation -‐ Service de Soutien à la formation – Juin 2012 http://www.usherbrooke.ca/ssf/veille-‐old/numeros-‐precedents/juin-‐2012/le-‐ssf-‐veille/lenvironnement-‐dapprentissage-‐personnel-‐lavenir-‐de-‐la-‐formation/