Pour que nous puissions vivre

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Tous droits réservés © Relations, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 19 juin 2022 21:03 Relations Pour que nous puissions vivre Natasha Kanapé Fontaine À qui la terre ? Accaparements, dépossession, résistances Numéro 785, juillet–août 2016 URI : https://id.erudit.org/iderudit/82596ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Centre justice et foi ISSN 0034-3781 (imprimé) 1929-3097 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Kanapé Fontaine, N. (2016). Pour que nous puissions vivre. Relations, (785), 42–43.

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Tous droits réservés © Relations, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 19 juin 2022 21:03

Relations

Pour que nous puissions vivreNatasha Kanapé Fontaine

À qui la terre ? Accaparements, dépossession, résistancesNuméro 785, juillet–août 2016

URI : https://id.erudit.org/iderudit/82596ac

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Éditeur(s)Centre justice et foi

ISSN0034-3781 (imprimé)1929-3097 (numérique)

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Citer ce documentKanapé Fontaine, N. (2016). Pour que nous puissions vivre. Relations, (785),42–43.

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42 RELATIONS 785 JUILLET-AOÛT 2016

laNgues et tErritOires • ChroNique poéTique

Pour que nous puissions vivre*texte  : Natasha Kanapé Fontaineillustration  : Fanny Aïshaa

Tu n’as pas à me dire QUOI ÊTRE Tu n’as pas à me dire QUI ÊTRETu n’as pas à me dire COMMENT ÊTRETu n’as pas à me dire comment vivreTu n’as pas à me dire quoi êtreTu n’as pas à me dire qui êtreTu n’as pas à me dire quoi faireTu n’as pas à me dire comment marcher

Nous avons marché durant des sièclesNous avons marché durant des millénairesNous portons en nos veines le sang de notre terreEt lorsque notre sang retourne à la terreC’est toute l’écorce du territoire qui trembleCe sont tous nos ventres qui s’ouvrentCe sont tous nos ancêtres qui crient depuis des sièclesQu’ils nous rappellent qu’ils sont mortsPour que nous puissions VIVREEt puissions faire VIVRE cette terre

Tu n’as pas à me dire QUOI ÊTRE Tu n’as pas à me dire QUI ÊTRETu n’as pas à me dire COMMENT ÊTRETu n’as pas à me dire comment vivreTu n’as pas à me dire quoi êtreTu n’as pas à me dire qui êtreTu n’as pas à me dire quoi faireTu n’as pas à me dire comment marcher

Car la terre nous reconnaîtChaque fois que nous posons un pied sur elleElle murmure par les vents qui s’élèventPar les oiseaux qui sifflent, par l’aigle qui traverse le cielEt par les arbres qui murmurent entre leurs cimesComme il était bon le temps où ils aimaient vivreComme il était bon le temps où ils revenaient entre nos branchesS’adresser à tous les peuples de la terre et manger nos racines

Nous avons marché durant des sièclesNous avons marché durant des millénairesPour continuer à faire tourner la roue de la médecinePour continuer à honorer notre mémoirePour continuer à honorer notre futurPour continuer à honorer notre mondePour continuer à honorer notre humanitéPour continuer à honorer nos générations futuresNos générations futures, nos générations futures

Nous avons marché durant des sièclesNous avons marché durant des millénairesCe ne sont pas l’alcool, les drogues et les poisons qui nous arrêterontCe n’est pas la prison qui nous arrêtera Ce n’est pas le féminicide qui nous arrêteraCe n’est pas la colonisation qui nous arrêteraCe ne sont pas les pensionnats qui nous arrêteront Ce n’est pas la société dominante qui nous arrêteraCe n’est pas le regard des autres qui nous arrêteraCe ne sont pas les balles des fusils qui nous arrêteront

Nous avons marché durant des sièclesNous avons marché durant des millénairesPour apporter la lumière au mondePorter les esprits de nos pèresPorter la parole de nos prédécesseursPorter l’honneur de nos mèresQui ont parcouru la terreDurant des sièclesDurant des millénairesCanots et enfants sur le dos

Combien de morts il faut encorePour se mettre enfin deboutCombien de morts il faut encorePour se remettre deboutCombien de morts il faut encorePour guérir nos grands-parentsCombien de morts il faut encorePour que les dirigeants comprennentPour que le peuple dominant comprennePour que les peuples nous regardentSans plus jamais de pitiéSans plus jamais de honteSans plus jamais de méprisSans plus jamais de morts

Combien de fois il faut le dire encoreQue nous réclamons la justicePour nos filsQue nous avons besoin de la justicePour que nos filsArrêtent de se donner la mortCombien de fois il faut le dire encoreQue nous réclamons l’égalitéPour nos fillesQue nous avons besoin d’égalitéPour que nos fillesArrêtent de disparaîtreCar ce n’est pas être

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Que disparaîtreCombien d’années il faut le dire encoreQue je ne veux pas mourirQue je ne veux pas mourirQue je ne veux pas mourir

Je ne veux pas mourir de pitiéJe ne veux pas mourir de honteJe ne veux pas mourir de méprisJe ne veux pas mourir de mes mortsJe ne veux pas mourir de mes corpsAbandonnés au vide

Je ne veux plus mourirJe ne veux plus mourirJe ne veux plus mourir

Je veux apporter la lumière au mondeJe veux apporter la parole de mes ancêtresJusqu’au bout de mes brasJusqu’au bout de la terreJusqu’au bout de la terreJusqu’au bout de la terre…

Et la faire tourner

Je veux apporter la lumière au mondeEt porter la parole de mes ancêtresQui sont morts pour nous faire VIVREPour que nous puissions faire VIVRE LA TERRE

CAR SANS LA TERRE NOTRE PEUPLE SE MEURTCAR SANS NOUS LE TERRITOIRE N’EST PLUS CAR SANS NOUS LE TERRITOIRE N’EST PLUS

Je veux apporter la lumière au mondeEt porter la parole de mes ancêtresQui sont morts pour nous faire VIVREPour que nous puissions faire VIVRE LA TERRE

Je ne suis pas une Enfant de l’État.Je suis une Enfant de la TERRE Je ne suis pas une Enfant de l’État

JE SUIS UNE ENFANT DE LA TERREJE SUIS UNE ENFANT DE LA TERREJE SUIS UNE ENFANT DE LA TERRE

ET JE VOIS LA LUMIÈREET JE VOIS LE JOURQUI SE LÈVE DANS LES YEUXDE NOS ENFANTS

Nos fils et nos filles sortiront des réservesils se souviendront de la misère fabriquéeils ramperont au sortir des réservoirsdes barrages des pourvoiriesils murmureront je me souviensils éprouveront ce qui est véritableils éprouveront ce qui est honorable

Nos fils et nos filles sortiront des réservoirsils invoqueront les esprits des légendesils prononceront PapakassikTshiuetinishu TshakapeshTshishikushkueules contes reprendront vie sur les routes forestièresles titans se lèveront pour la tempête nébuleusenos aïeux verseront les larmes de l’amourles rivières de la joieleurs yeux les montagnesoù ils veillent

accueillir le soleil...

Nos fils et nos filles sortiront des réservesIls prononceront en un même chœur« Je dirai oui à ma naissance ».

* Texte écrit après la tragédie de Lac-Simon, en avril dernier, et lu lors du spectacle de poésie et de musique soulignant le 75e anniversaire de Relations le 15 mai 2016 au Gesù.

Murale réalisée avec les jeunes de l’école Amik-Wiche et d’autres membres de la communauté de Lac-Simon en collaboration, entre autres, avec le projet Murales des Peupliers (Sophie Stella Boivin de Soart et Fanny Aïshaa).

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