Poemes Islandais

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 Poèmes islandais, (Voluspa Vafthrudnismal, Lokasenna), tirés de l'Edda de Saemund, publiés avec une traduction, des [...]  Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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  • Pomes islandais,(Voluspa

    Vafthrudnismal,Lokasenna), tirs del'Edda de Saemund,

    publis avec unetraduction, des [...]

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Pomes islandais, (Voluspa Vafthrudnismal, Lokasenna), tirs de l'Edda de Saemund, publis avec une traduction, des notes et un glossaire par F. G. Bergmann,.... 1838.

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  • RELIURETIESSENNANCY

    2002

  • POMES

    DE L'EDDA

  • (VOLUSPA,VAFTHRVDNISMAL,LOKASENNA) .

    TIRS,

    *'

    DE L'EDDA DE S^MUNDPUBLIS

    AVEC UNE TRADUCTION, DES NOTES ET UN GLOSSAIRE

    P>R F. G. BERGMANN

    MEMBRE DE LA SOCIETE ASIATIQUE DE PARIS

    IMPIUMEy^ARNA^TOM^ncM DU ROI

    A L'IMPRllrfg*E ROYALE

    M DCCC XXXVIII

  • AYANT-PROPOS.

    Le recueil de posies islandaises connu sousle nom de YEdda de Soemund, parat avoir t

    compos dans les premires annes' du xivsicle. Peu de temps aprs cette poque quimarque le commencement de la dcadence del'ancienne littrature islandaise, ces posies,

    peine recueillies, tombrent dans l'oubli, etleur existence mme semble tre reste ignorependant deux sicles et demi. Mais au xvne

    sicle, plusieurs savants islandais, tels que Arn-

    grim Ionsen, Bryniolf Svendsen, Thorlak Sku-

    lason, Magnus et Stephan Olafsen, se livrrent la recherche et l'tude des anciens manus-crits. En 1643, Bryniolf Svendsen, vque Stalholt en Islande, dcouvrit un manuscrit de

    parchemin renfermant la plupart des posies surl'ancienne Edda de Soemund. Ce manuscrit quiremonte au xive sicle, se trouve aujourd'hui Copenhague la Bibliothque royale, et portele nom de Codex Regius. Aprs cette heureusedcouverte, on retrouva encore quelques autres

  • ii AVANT-PROPOS.

    manuscrits qui servirent complter le prc-dent.

    Le zle infatigable des Islandais dans l'tudedes antiquits Scandinaves se communiqua bien-tt quelques savants danois parmi lesquels ondoit distinguer le clbre Ohf Worms, mort en1651. C'est lui qui a rellement fond dans leDanemarck la science des antiquits du Nord,et qui a donn la plus puissante impulsion auxtudes archologiques, dans lesquelles s'illustr-rent plus tard les Piesenius, les Th. Bartholin,les Stephanius et autres. Bientt les savants da-nois purent publier, Copenhague, des posiesde l'Edda, avec le secours prt par l'ruditiondes Islandais que Worms avait appels danscette ville. C'est ainsi que Stephan Olafsen fit

    paratre pour la premire fois en i665, sous lenom de Resenius, une traduction latine de la

    Vluspd, du Hvaml et du Rna-capituli. En

    1673, Gudmund Anderson publia, sous les aus-

    pices de Resenius, une nouvelle dition de la

    Vlusp, et enfin, en 1689, Th. Bartholin fit

    connatre, par des extraits de quelque tendue,la plupart des autres pomes de l'Edda. Aprscette suite de publications, qui toutes ne sont

    que des essais, l'tude des posies islandaises

  • AVANT-PROPOS. m

    fut interrompue pour quelque temps. L'attention

    se porta sur d'autres monuments littraires de

    la Scandinavie, particulirement sur les monu-

    ments historiques, ou sur les Sagas dont on

    s'appliqua rassembler un grand nombre demanuscrits. ,

    Cependant les Sudois, qui jusqu'alors n'a-vaient pris que peu de part ces travaux des Islan-dais et des Danois, commencrent rivaliser aveceux dans l'tude des antiquits Scandinaves. Ce

    genre d'tudes fut particulirement favoris parle comte de la Gardie, chancelier de Sude,

    auquel la science est redevable de la conserva-tion de quelques manuscrits prcieux achets

    par lui grands frais, et qu'avec une munifi-cence presque royale il a donns l'universit

    d'Upsal. Les principaux ouvrages qui ont paruen Sude sur les diffrentes branches de l'ar-

    ch'ologie Scandinave, sont ceux de Scheffer, de

    Rudbeck, de Verelius, de Gudmund Olavsen, de

    Peringskild et de Hadorph. Il est vrai que tous,ces ouvrages ne traitent pas directement des

    pomes de l'Edda; mais en claircissant plu-sieurs questions concernant l'histoire et les an-

    tiquits, ils ont contribu rendre plus facile

    l'interprtation de ces posies.

  • iv AVANT-PROPOS.

    Dans la premire moiti du xvm sicle, deuxsavants islandais, Thormod Torfaeus et Arnas

    Magnoeus, donnrent, par leurs travaux, unenouvelle direction l'tude de l'histoire et des

    antiquits Scandinaves. Thormod Torfoeus quitait historiographe du Danemarck, soumit l'his-toire et les traditions mythologiques du Nord un examen critique plus svre, et, part quel-ques opinions systmatiques et inadmissibles,ses ouvrages ont gnralement exerc une grandeet heureuse influence sur la connaissance de

    toutes les parties de l'histoire des peuples Scan-dinaves. Arnas Magnseus professeur d'histoire et

    d'archologie Copenhague, o il mourut en

    1730, a poursuivi dans ses tudes peu prs les

    mmes vues que Torfoeus; de plus il a rendu

    d'immenses services la science en lguant

    l'universit de Copenhague, non-seulement sa

    prcieuse collection de manuscrits islandais en-

    richis de ses notes et de ses commentaires, mais

    aussi une somme considrable destine faire

    face aux frais de publication de ces manuscrits

    intressants. C'est grce au legs d'Arnas qu'a eulieu la publication des posies de l'Edda, dont le

    premier volume a paru Copenhague en 1787,le second en 1818, et le troisime en 1828.

  • AVANT-PROPOS..

    v

    Ces trois volumes, publis de si grands inter-

    valles, peuvent servir tablir les progrs quela science a faits successivement depuis la se-

    conde moiti du sicle pass jusqu' nos jours.Les diteurs du premier volume taient en

    grande partie rduits leurs propres moyens,car depuis longtemps il n'avait paru aucun ou-

    vrage important sur l'Edda, l'exception de latraduction danoise de dix-huit pomes, faite parSandwig (Copenhague, 1783-1785). C'est verscette poque qu'on commena, en Allemagne,

    prendre du got pour l'tude des posies Scan-

    dinaves; mais comme les traductions qu'on enfit n'taient que des imitations plus ou moins

    libres, elles ont peu profit la science. Lamme remarque s'applique aux traductions pu-blies en Angleterre, et au livre de Mallet inti-tul Edda, ou Monuments de la mythologie et de la

    posie des anciens peuples du Nord. Comme Malletne savait pas l'islandais, il dut se contenter de

    rdiger avec got et discernement les mat-riaux qu'il trouvait dans des ouvrages danois, ou

    que lui fournissait l'rudition de son ami Eri-chsen. Les diteurs du second volume de l'Edda,

    publi Copenhague, ont eu moins de diffi-cults surmonter que ceux du premier, parce

  • vi AVANT-PROPOS.

    qu'ils pouvaient consulter quelques ouvragesimportants qui avaient paru en Allemagne aucommencement de ce sicle. Les chants piquesde l'Edda, dont la plupart appartiennent au cycledes Niflungues, ont t publis par M. V. der

    Hagen en 1812 et 181 k, et par MM. Grimm en1815. Une nouvelle dition de l'Edda, dont ltexte avait t revu par Rask, fut publie Stock-holm en 1818 par M. Afzelius qui en donna,

    quelques temps aprs, une traduction sudoise.Tous les ouvrages importants qui avaient parujusqu'ici sur l'Edda, furent rsums par M. FinnMagmisen dans sa traduction danoise publie de1821 1823. Cette traduction accompagne denotes, celle de M. Afzelius et les deux ditions

    compltes de l'Edda publies Copenhague et Stockholm, sont indispensables pour l'tude deces posies Scandinaves. Aussi, ces ouvrages ont-ils servi de base presque toutes les traductions

    qu'on a faites depuis. Mais malgr les lumires

    que ces publications ont rpandues sur l'Edda,il faut avouer qu'il reste encore une grande tche remplir et beaucoup de cjuestions importantes rsoudre. -Dsirant me rendre utile en faisantconnatre en France les rsultats dj obtenus,et en contribuant, autant que mes faibles moyens

  • AVANT-PROPOS. vu

    me le permettent, l'avancement de la science,

    j'ai entrepris le travail que je soumets aujour-d'hui au public. Mon intention tait d'abord

    d'expliquer un plus grand nombre des posiesde l'Edda, parce que plus un ouvrage est excut

    sur un plan large, plus les rsultats en sontvaris et importants. Mais de trop grandes diffi-cults s'opposant la publication d'un travailaussi tendu, j'ai d renoncer ' mon premierprojet; et, en effet, mon ouvrage, mme aprsavoir t considrablement rduit, avait encore

    peine se produire au jour. Je dois, cetteoccasion, des remercments "feu M. Silvestrede Sacy, MM. E. Burnouf, Gurard, Fauriel,ainsi qu' M. Quatremre et aux autres Commis-saires de l'Imprimerie royale, qui, en s'intres-sant ma publication, m'ont aplani ces difficults.

    L'ouvrage que l'on va lire se divise en trois

    parties. Dans la premire partie, ou Introduction

    gnrale, j'ai trait en abrg toutes les ques-tions qui se rapportent plus ou moins directe-ment aux trois pomes que je publie. La secondepartie prsente les textes islandais, la traduc-tion avec les introductions spciales et les notes

    Quant au choix mme de ces pomes, il n'a past fait au hasard. La Vlusp, un des meilleurs

  • vin AVANT-PROPOS.

    pomes de l'Edda, et en mme temps un des

    plus difficiles expliquer, mritait tout d'abordla prfrence. Ensuite, comme je ne pouvais pu-blier l'Edda en entier, il importait de donnerau moins des exemples de chaque espce de

    pomes qui composent ce recueil. C'est pourquoij'ai encore choisi les pomes de Vafthrdnismlet de Lokasenna, qui diffrent plus ou moins dela Vlusp et entre eux, par le fond et par laforme. J'ai soumis les textes des trois pomes un examen critique, et j'ai tch, autant que mesressources me le permettaient, de rtablir les

    vritables leons. Dans la traduction, j'ai dm'imposer la plus grande fidlit; il fallait re-

    produire clans notre langue les expressions con-cises et nergiques de l'original, et conserver les

    images, le coloris, les tournures de phrases et

    jusqu'aux ngligences de style qui se trouventdans le texte. Enfin, pour la commodit du lec-

    teur, les notes critiques et philologiques se rap-portant au texte ont t spares des notes ex-

    plicatives se rapportant la traduction.

    Dans la troisime partie de l'ouvrage, j'aiessay d'lever la lexicographie islandaise lahauteur que les tudes philologiques ont at-teinte de nos jours. C'est pourquoi le glossaire

  • AVANT-PROPOS. ix

    a d. tre la fois tymologique et comparatif.Cette nouvelle mthode exigeait un nouvel

    arrangement des matriaux; il fallait ncessai-

    rement abandonner l'ancienne disposition des

    mots par ordre alphabtique, et en adopterune autre plus philosophique, semblable la

    classification suivie dans les sciences naturelles.

    Ce nouvel ordre, qui a le seul inconvnient

    de n'tre pas encore consacr par l'usage, est

    applicable toutes les langues, et sera, je l'es-pre, un instrument d'importantes dcouvertesdans la philologie compare. Pour le justifier,et montrer combien il est fond en nature, j'aifait prcder le glossaire d'une introduction,o j'ai brivement expliqu le mcanisme dela formation des langues. Quant au glossairelui-mme, des juges comptents l'apprcieront sa juste valeur. Je n'ai point la prtention decroire que tout y soit parfait; des erreurs sont

    presque invitables dans un travail aussi difficile.Mais je me flatte que beaucoup d'tymologieset de comparaisons qui paratront hasardes au

    premier coup d'oeil, seront trouves justes quandon les aura examines avec plus de soin. Il y ena d'autres au sujet desquelles j'ai t moi-mmedans le doute, et que je n'ai proposes que pour

  • x AVANT-PROPOS.

    y attirer l'attention des savants. Dj j'ai t assezheureux de pouvoir faire, avant l'impression,quelques rectifications au glossaire, M. EugneBurnouf ayant eu l'extrme complaisance de

    parcourir le manuscrit et de me communiquerses remarques judicieuses.

    Puisse cet ouvrage, malgr ses imperfections,tre favorablement accueilli! puisse-t-il rem-

    plir son but, qui est de contribuer aux progrsde la science! S'il obtient l'approbation des jugesclairs, je continuerai publier, d'aprs lemme plan, les autres pomes de l'Edda. Ayantt appel des fonctions universitaires qui memettent en tat de me livrer entirement l'-tude des langues septentrionales et germaniques,je puis mme ds maintenant prendre envers lepublic l'engagement de lui faire connatre, pardes publications successives, les principaux mo-numents littraires crits dans ces langues.

  • TABLEDES

    DIVISIONS DE L'OUVRAGE.

    PREMIERE PARTIE.

    INTRODUCTION GNRALE.

    CHAP. I. De l'origine des idiomes Scandinaves . .. .Page 3.

    S i. De l'ancienne langue danoise ibid.S il. De l'ancienne langue norvgienne 4- m. De l'ancienne langue islandaise 6. iv. Table gnrale des idiomes teuto-gothiques .... 7.

    CHAP. II. De l'ancienne littrature islandaise 9.1. De l'origine de la littrature islandaise; de l'Edda. ibid.S 11. De l'auteur du recueil de posies nomm Edda.. 12. m. Du genre de posie auquel appartiennent les

    pomes de l'Edda 19. iv. De la forme narrative et de la forme dramatique

    des pomes de l'Edda 20. v. Des sujets mythologiques traits dans les pomes

    de l'Edda il\-

    CHAP. 111. Considrations sur la mythologie et sur la ma-nire de la traiter '. 26.

    i. Des diffrentes opinions sur la nature de la my-thologie ibid.

    11. Des diffrentes espces de mythes 28.

  • XII TABLE

    S m. Comment on peut distinguer les diffrentes es-

    pces de mythes Page 32. iv. De la manire de traiter la mythologie 35.

    CHAP. IV. Examen philologique de la langue islandaise. 38.

    i. Des diffrents systmes d'orthographe suivisdans les manuscrits islandais et les ditions del'Edda , ibid.

    S il. Examen des voyelles simples 46.S m. Examen des diphthongues 5i. iv. Examen des concrtifs 53.S v. De la permutation des voyelles 58. Vi. Le phnomne de la permutation des voyelles

    expliqu 5g.S vu. Des consonnes liquides R, L, M, N (halfraddar

    stafir, semi-voyelles). 7A. vin. Des consonnes labiales P,B,F, V 83.S Ix. Des consonnes dentales et sifflantes T, D, J>,

    Z,S 85.%x. Des consonnes gutturales K, G, H, 3, X... .. '94.S xi. Conclusion du chapitre 1o4.

    CHAP. V. De la versification islandaise 107. 1. De la quantit et de l'accent ibid.$ 11. Du rhythme 110. m. De la versification (versagirS) 113.S iv. De la versification islandaise 118. V. Du fornyrdalag 120

    De la thse et de Tarse ibid.De l'anakrouse (mlfylling) 123.De l'allitration 125.

    vi. Du rhylhme du fornyrdalag i3o. vu. Du lidahtlr i3i.s vm. De la strophe 133.

  • DES DIVISIONS. XIII

    ix. La division de la strophe en quatre vers atta-

    que parRask Page i35.x. Les objections de Rask rfutes i36.

    SECONDE PARTIE.POMES ISLANDAIS.

    I. VOLDSPA.

    INTRODUCTION i4g.

    CHAP. I. Explication du titre du pome ibid.

    i. Des prophtesses ou devineresses chez les peu-ples germaniques ibid.

    S il. Des Valas (Vlur) chez les peuples Scandi-naves 12.

    m. De la forme de vision donne au pome.... i63.

    CHAP. II. Des parties du pome 166.

    1. De la disposition gnrale des parties dupome ibid.

    11. Table dtaille des parties du pome 169. m. De l'arrangement des strophes ....,..' 174.

    CHAP. III. Examen critique du pome 175. 1. De l'intgrit du pome ibid. 11. De l'poque de la composition du pome.... 176.S m. De l'auteur du pome 182.

    Texte et traduction 186.

    Notes critiques et philologiques 210

    Notes explicatives 221

  • xiv TABLE

    II. VAFTHRDDNISML.

    INTRODUCTION Page 243.

    CHAP. I. Explication du titre et du but du pome.. . ibid.

    CHAP. II. Des divisions du pome 25i.

    CHAP. III. Discussion de diffrentes questions de cri-

    tique concernant le pome.. , 2 54-

    Texte et traduction 260.

    Notes critiques et philologiques 282.

    Notes explicatives 291.

    III. LOKASENNA.

    INTRODUCTION 3o3.

    CHAP. I. Du but du pome ibid.

    CHAP. IL De la disposition des parties du pome.... 3o5.

    CHAP. III. De l'intgrit du pome 3og.CHAP. IV. De l'poque de la composition du pome. . 3i3.

    Texte et traduction 320.

    Notes critiques et philologiques 348.

    Notes explicatives 358.

    TROISIME PARTIE.GLOSSAIRE.

    INTRODUCTION 371.CHAP. I. De la signification des voyelles 373.CHAP. IL De la signification des consonnes........ 38o.

  • DES DIVISIONS. xv

    CHAP. III. De la formation des thmes .Page 3g3.

    CHAP. IV. De la disposition des matires dans le glos-saire 399.

    GLOSSAIRE.Thmes commenant par une des labiales

    P.F.V.B . , - 4o7.

    Labiale seule ibid.

    Labiale avec labiale 409.Labiale avec dentale 410.Labiale avec gutturale 4i4-Labiale avec R 4i 6.

    Labiale avec L 4i8.Labiale avec N 4ao.

    Thmes commenant par une des dentales T, D, |>, S. 421.Dentale seule ibid.

    Dentale avec labiale 42 4.Dentale avec dentale. 42 5.

    Dentale avec gutturale.. ibid.Dentale avec J 42 7.Dentale avec L 428.Dentale avec N ibid.

    Thmes commenant par une des gutturales K, G, H. 42 g.Gutturale seule ibid.

    Gutturale avec labiale 43o.Gutturale avec dentale 432.Gutturale avec gutturale . 434.Gutturale avec R 435.Gutturale avec L 436.Gutturale avec N k3rj.

    Thmes commenant parla liquide R 438.

    R seul ibid.R avec labiale ibid.

  • xvi TABLE DES DIVISIONS.

    R avec dentale Page 44o.R avec gutturale 442.

    Thmes commenant par la liquide L , 446.L seul .' ibid.L avec labiale ibid.L avec dentale 447.L avec gutturale 449-

    Thmes commenant par la nasale 452.

    N seul *" ibid.N avec labiale 453.N avec dentale 454-N avec gutturale ibid.N avec R 455.

    Onomatopes proprement dites ibid.

    TABLE ALPHABTIQUE des mots islandais expliqus dansle glossaire 456.

    *>

  • PREMIRE PARTIE.

    INTRODUCTION GNRALE.

  • POMES

    ISLANDAIS.

    INTRODUCTION GNRALE.

    CHAPITRE I.

    DE L'ORIGINE DES IDIOMES SCANDINAVES.

    S I.

    DE L'ANCIENNE LANGUE DANOISE.

    Les tribus guerrires qui, dans les premiers siclesde l're chrtienne, se sont tablies dans le Dane-mark, la Norvge et la Sude, appartenaient toutes la race gothique ou germanique. Issues d'une mmesouche, et sorties des mmes contres, sans doute des

    rgions voisines de la mer Caspienne et de la mer Noire,toutes ces tribus avaient les mmes moeurs, la mme

    religion, et parlaient aussi une seule et mme langue.Si l'on appelle Scandinaves les anciens peuples go-

    thiques tablis dans le Danemarck, la Norvge et la

  • k INTRODUCTION GENERALE.

    Sude, on doit aussi donner l'idiome qu'ils parlaientle nom de langue Scandinave.

    Les Danois, favoriss par diffrentes circonstances,devinrent le peuple dominant dans la Scandinavie;ils furent les premiers fonder un tat monarchique.Le Danemarck, d'o taient sorties les tribus qui peu-plrent la Norvge et la Sude, tait regard commela mre-patrie de ces grandes colonies et comme leberceau de la religion, de la posie et des traditionsScandinaves.

    Cette prpondrance des Danois dans les premierstemps fut cause que le nom le plus ancien donn l'i-diome Scandinave fut dnsk tunga, langue danoise 1.

    S ILDE L'ANCIENNE LANGUE NORVGIENNE.

    A mesure que les Danois faisaient de plus grandsprogrs dans la civilisation, il devait naturellement s'-tablir une diffrence de moeurs plus prononce entreeux et leurs voisins de la Norvge et de la Sude. Ces

    1 La supriorit des Danois tait si gnralement reconnue dans le

    Nord, que les crivains islandais semblent quelquefois tirer vanit dunom de dnsk tunga qu'ils donnent leur langue. Snorri, qui crivaitau commencement du xni sicle, dsigne par ce nom la langue Scan-dinave. (Voyez Konunga Sgur, Formlinn. Ynglinga Saga, chap. xx. )Le pote islandais Eystein, au milieu du xrvc sicle, appelle la languedanoise sa langue maternelle (voy. Xi7ia).-Les grammairiens islandaisse servent du nom de dnsk tunga pour dsigner la langue Scandinave,

    par opposition la langue latine. (Voy. Snorra-Edda, d. de Stockholm,p. 277 et 3oo. )

  • CHAPITRE!. 5

    derniers , habitant un pays situ au nord par rapportauDanmarck, taient appels communment iVorS-

    menn, Normands, hommes du nord. Ce nom dsignaitaussi plus spcialement les Norvgiens seuls 1, avec les-

    quels les Danois avaient des rapports plus frquentsqu'avec les habitants de la Sude.

    La diffrence entre les Scandinaves du nord et ceuxdu midi se fit sentir non-seulement dans les moeurs,mais aussi dans le langage de ces peuples. La langue desDanois se spara la premire de l'ancien idiome Scan-dinave. Cet idiome ne pouvait donc plus tre dsignpar le nom de dnsk tunga : il fut nomm norroena tun-

    ga, ou norroent mal (langage septentrional), parce quedans les pays du nord, en Norvge et en Sude, l'an-cienne langue dont le dialecte danois venait de se dta-cher, n'avait presque subi aucun changement sensible.Mais de mme que le nom de Noromenn s'appliquaitplus particulirement aux Norvgiens, de mme nor-roena tunga dsignait plus spcialement la langue norv-

    gienne 2. Ce fut aussi principalement en Norvge quel'ancien idiome resta pur pendant longtemps, tandis

    qu'en Sude, il prouva bientt des changements ana-

    logues ceux qui s'taient dj oprs dans la languedanoise.

    1Voyez Saga Haralds hins harfagra, chap. xzu; Saga Hakonar Goda,

    chap. v et xiv. Snorri distingue les Nordmenn des Sudois, Heims-

    kringla, Fonnlinn.5

    Voyez Saga Hakonar Goda, chap. m.

  • 6 INTRODUCTION GENERALE.

    S III.

    DE L'ANCIENNE LANGUE ISLANDAISE.*

    Dans la seconde moiti du ix sicle, des colons nor-

    vgiens s'tablirent en Islande. Comme l'idiome quifut transplant dans cette le tait le norvgien, lesIslandais devaient naturellement continuer pendantlongtemps dsigner leur langue sous le nom de nor-roena tunga 1.

    Dans un pays pauvre et spar du monde comme

    l'Islande, o tout ce qui modifie, enrichit ou altrefortement le langage n'existait pas, l'idiome norvgiendevait longtemps conserver sa puret. Aussi voyons-nous qu' l'exception de quelques lgers changementsdans les formes grammaticales, cet idiome est rest lemme pendant le cours de plusieurs sicles. Mais les al-trations deviennent plus sensibles et vont en augmen-tant depuis le xnf jusque vers le xvi sicle, poqueo l'ancienne langue et l'ancienne littrature islandaiseavaient puis toutes leurs forces, et o commena la

    priode de la langue et de la littrature moderne.

    Quant l'ancien idiome norrain qu'on parlait en

    Norvge, il subit peu peu, dans le xme, le xive et lexve sicle, des changements notables causs surtout

    par l'influence toujours croissante que le Danemarckexerait sur la Norvge, principalement depuis la

    1Voyez Snorra-Eida, p. 3oi.

  • CHAPITRE I. 7

    runion des deux pays sous le mme sceptre en 138o.

    Vers le commencement du xvie sicle, la langue nor-

    vgienne et la langue danoise s'taient tellement rap-proches l'une de l'autre, qu'elles ne formrent bientt

    plus qu'une seule et mme langue. Ds lors le nom denorroent mal ne pouvait plus servir dsigner la foiset le norvgien qui s'tait confondu avec le danois, etl'ancien norvgien qu'on parlait encore en Islande.Pour dsigner ce dernier idiome on introduisit peu

    peu le nom plus convenable et plus prcis de lan-

    gue islandaise, islenzka tunga. Les Islandais taientd'autant plus en droit de nommer leur langue d'aprsleur patrie , qu'ils possdaient une littrature riche et

    originale, laquelle la Norvge ne pouvait opposeraucun monument littraire de quelque importance.

    IV.TABLE GNRALE DES IDIOMES TEUTO-GOTHIQUES.

    Nous venons de voir comment de l'ancienne langueScandinave sont drivs successivement l'ancien da-nois , l'ancien sudois et l'ancien norvgien ou islan-dais 1. Jetons maintenant un coup d'oeil sur les languesgermaniques contemporaines, pour voir les rapportsde parent qui existent entre les idiomes teutoniqueset les idiomes Scandinaves.

    1 Pour connatre l'histoire de ces langues il faut consulter l'ouvrageexcellent de M. Petersen : Det Danske Norske og Svenske Sprogs Histori.

    Kjbenhavn, 1829-1830; 2 vol. in-8.

  • 8 INTRODUCTION GENERALE.

    La grande souche de langue teuto-gothiqae se diviseen deux branches principales , la branche teutonique etla branche Scandinave.

    I. La branche teutoniaue se subdivise en idiome duhaut teutoniaue, au midi de la Germanie, et en idiomedu bas teutoniaue, dans les parties septentrionales de

    l'Allemagne. Le haut teutoniaue comprend : i le go-thique proprement dit ; 1 le vieux haut allemand dontles principaux dialectes sont le francique, Yalleman-

    nique et le bavarois; 3 le haut allemand moyen qui est lacontinuation du vieux haut allemand depuis le xne jus-qu'au xive sicle, et qui a donn naissance au hautallemand moderne. Le bas teutonique comprend : i levieux saxon; i le frison; 3 l'anglo-saxon.

    IL La branche Scandinave renferme, comme nousl'avons vu : l'ancien danois; 2 l'ancien sudois ; 3 l'an-cien norvgien ou islandais.

    C'est le dernier idiome de la branche Scandinave,l'islandais, qui fixera ici notre attention; car c'est danscet idiome que sont composs les trois pomes quenous publions. Mais avant d'entrer dans un examen

    grammatical de l'islandais, il sera ncessaire de dired'abord quels sont les monuments littraires dans les-

    quels cette langue peut tre tudie.

  • CHAPITRE II.

    CHAPITRE II.

    DE L'ANCIENNE LITTRATURE ISLANDAISE.

    DE LORIGINE DE LA LITTERATURE ISLANDAISE.

    DE L'EDDA.

    Les Norvgiens qui, dans le ixe sicle, s'tablirenten Islande, y apportrent non-seulement leur langue.leurs moeurs et leur religion, mais aussi leurs posiesou chants nationaux. Ces posies renfermaient quel-ques traditions historiques et mythologiques qui, ap-peles ainsi que l'criture runique, du nom de mystres(rnar) ou d'antiquits (fornir stafir), composaient peu prs tout le savon

    1 des anciens Scandinaves.L'Islande recueillit donc, ds le commencement, les

    germes et les lments de sa littrature potique et

    historique, et ces germes prirent dans son sein un

    rapide dveloppement. Loin de s'teindre dans cettele dserte jete au milieu de l'Ocan, la posie r-pandit bientt un clat si vif, que les skaldes ou potesislandais devinrent les plus renomms dans tout lenord de l'Europe.

    Bien que les Scandinaves eussent une criture, leurs

    posies n'taient pas crites, elles se transmettaient de

  • 10 INTRODUCTION GENERALE.

    mmoire, comme les rhapsodies piques et les po-sies lyriques des Hindous, des Grecs et des anciensArabes. Ce mode de transmission fut cause que beau-

    coup de ces posies ont t perdues. Plus tard uneautre cause ne contribua pas moins faire disparatreun grand nombre de ces monuments littraires. Lechristianisme, introduit peu peu dans le Nord\, de-vait naturellement y proscrire l'ancienne posie quitait si intimement lie la religion d'Odin. Ds lorsle peuple n'apprit plus par coeur les chants natio-naux, et les potes n'osaient plus clbrer dans leurs

    pomes les dieux du paganisme, ni chanter les tradi-tions mythologiques de l'antiquit. C'est pourquoinous ignorerions peut-tre entirement ce que c'tait

    que l'ancienne posie Scandinave, si elle n'avait pastrouv une nouvelle patrie et un asile assur dansl'Islande. La religion du Christ, il est vrai, ne tarda pas tendre son empire jusque sur cette le lointaine;l'Evangile fut adopt par le peuple islandais l'assem-ble gnrale (althing), en l'an 1000 de notre re.Mais la nouvelle foi ne put entirement dtruire lesouvenir du paganisme, ni faire oublier complte-ment les posies nationales inspires par la religiond'Odin. Ainsi fut sauve une partie de la littratureScandinave. D'un autre ct le christianisme lui-mmefournit le moyen de conserver les anciens monuments

    littraires; car le gnie civilisateur de l'Evangile, enmme temps qu'il faisait perdre aux peuples du Nord

  • CHAPITRE I. H

    le got pour leur ancienne posie, rpandait parmieux l'esprit littraire et la connaissance de l'criture

    par lesquels les productions du gnie paen nous ont

    t conserves en grande partie. Aussi est-ce l'usagede l'criture latine gnralement adopte en Islande

    au xnie et au'xive sicle, que nous devons principale-ment la composition et la conservation de i'Edda de

    Soemund, ce recueil si prcieux, des anciennes posiesScandinaves.

    Malheureusement pour nous, soit que l'auteur de

    ce recueil n'ait pas eu le loisir de runir toutes les

    posies encore connues de son temps, soit qu'unegrande partie en ft dj perdue, toujours est-il quenous n'avons qu'un trs-petit nombre des posiesqui doivent avoir exist anciennement en Islande. La

    preuve en est que dans les Sogur ou traditions histo-

    riques on trouve des vers tirs de pomes qui ne sont

    pas renferms dans notre recueil ; nombre de vers ap-partenant des chants inconnus sont insrs dans lelivre nomm communment Edda de Snorri; on entrouve un plus grand nombre encore dans l'ouvraged'histoire intitul Heimskringla et compos par le mmeSnorri ; enfin, dans ls posies mmes de I'Edda de Soe-

    mund, on trouve des allusions des mythes que nous

    ignorons aujourd'hui compltement, mais qui certaine-ment ont t traits dans des pomes particuliers bienconnus de tout le monde. Parmi les pomes qui nous

    restent, il y en a qui sont trs-anciens. Comme les

  • 12 INTRODUCTION GENERALE.

    colons norvgiens ont d naturellement apporter enIslande leurs chants nationaux, on peut prsumer qu'ils'en trouve quelques-uns dans le recueil de Soemund.C'est la critique des textes examiner s'il y a de ces

    pomes qui soient d'une date antrieure la coloni-sation de l'Islande. Dans l'introduction spciale quisera place la tte de Vlasp, Vafthru'Snisml et Lo-kasenna, nous tcherons de prciser, autant qu'il noussera possible, l'poque de la composition de chacun deces trois pomes.

    S II.

    DE L'AUTEUR BU RECUEIL DE POSIES NOMME EDDA.

    La tradition vulgaire en Islande, ds le xive sicle ,attribue la composition du recueil nomm Edda au

    prtre Soemand Sigfusson, surnomm par ses compa-triotes inn froSi, le savant, cause des connaissancestendues qu'il avait acquises pendant son sjour enAllemagne, en France et en Italie. A l'exemple de son

    compatriote Ari, surnomm comme lui le savant,Ssemund tudia principalement l'histoire de la Nor-

    vge. Il mourut en 1133, laissant inachevs quelquescrits historiques qui ne nous ont pas t conservs.La tradition lui attribue aussi le pome intitul SlarlioS, qui se trouve dans I'Edda en vers. Comme le

    prtre Ssemund aimait les lettres et la posie, on con-

    oit qu'on ait pu lui attribuer le recueil de posiesScandinaves dont l'auteur tait inconnu. Mais plu-

  • CHAPITRE II. 15

    sieurs raisons assez fortes, ce nous semble, s'opposent c.e qu'on admette que Ssemund ait compos le re-cueil de I'Edda qui porte son nom. Qu'il nous soit

    permis d'exposer ici rapidement ces raisons, et de dis-cuter la question aussi difficile qu'importante, concer-nant l'auteur du recueil et l'poque de sa composition.

    Pour prouver que Sasmund n'est point l'auteur durecueil de I'Edda, nous pourrions faire valoir un argu-ment que le savant Arnas Magnseus a oppos ceux

    qui allaient jusqu' attribuer Ssemund la composi-tion des posies de I'Edda 1. Arnas nous prouve que ce

    prtre, dj parvenu l'ge de soixante-dix ans, n'avaitencore fait aucun travail dans le genre de I'Edda, et ildoute qu' cet ge avanc ce vieillard qui n'a pas mme

    pu achever ses travaux historiques, ait encore trouvassez de loisir et de force pour composer le travail

    qu'on lui attribue. Si cet argument d'Arnas ne paratpas assez concluant, nous y ajouterons le suivant quiest tir de la nature du recueil mme, tel qu'il existe

    aujourd'hui. Tout le monde conviendra que les pr-faces en prose places la tte de quelques pomesde I'Edda y ont t ajoutes par celui qui a fait le re-cueil. Or il faudrait avouer que Sasmund et bien peumrit le surnom de savant que ses compatriotes luiont donn, si les prfaces dont nous parlons taientsorties de sa plume. En effet, non-seulement ces pr-faces sont crites dans un style gnralement mau-

    1Voyez Edda Soemundar liinsfrda, t. I, p. xiv, dit. Copenhag.

  • 14 INTRODUCTION GENERALE.

    vais, mais encore elles ne nous font pas trop prsu-mer de l'rudition de l'auteur, puisqu'elles n'noncent

    pour la plupart que ce qui se trouve dj clairementexprim ou suffisamment indiqu dans les pomeseux-mmes. Il y a plus : toutes les fois qu'il arrive l'auteur des prfaces d'noncer des faits ou de racon-ter des circonstances qui ne sont pas dj indiquespar le pote, il laisse voir son incapacit, en manquantle vritable point de vue du pome. Conclusion :comme il est, impossible d'admettre que Soemund lesavant soit l'auteur de ces prfaces, il est galementimpossible d'admettre qu'il soit l'auteur du recueil,

    puisque celui qui a fait le recueil a aussi fait les

    prfaces.Passons d'autres preuves. Si le prtre Soemund

    avait laiss parmi ses crits cette Edda qu'on lui attri-bue , cet ouvrage aurait certainement attir l'attentiondes savants islandais, et les crivains n'auraient pasmanqu, de le citer frquemment. Or le clbre SnorriSturlason, qui florissait au commencement du xincsicle, et qui tait la fois historien classique, potedistingu et premier magistrat en Islande, ne connais-sait pas le recueil qu'on attribue Soemund; il ne lecite dans aucun de ses crits, bien qu'il et eu souventoccasion de parler de cet ouvrage s'il l'avait connu,et il l'et certainement connu si le recueil avait exist.Ce qui prouve encore que Snorri n'a jamais eu en mainle recueil en question, c'est que les citations qu'il fait

  • CHAPITRE II. 15

    des anciennes posies nous prsentent souvent des le-

    ons toutes diffrentes de celles qu'on trouve dansI'Edda : de, plus, Snorri semble aussi avoir ignorl'existence de quelques pomes qui font partie de cerecueil ; enfin il a ignor jusqu'au nom d'Edda qu'onne trouve dans aucun de ses ouvrages.' Par tout ce quenous venons de dire, nous croyons tre en droit d'ad-mettre que I'Edda en vers, loin d'avoir t composepar Soemund, n'a pas mme exist du temps de Snorri,mort en 12ki. C'est chose digne de remarque, quele nom d'Edda ne se trouve dans aucun crit avantle xive sicle; et encore ce nom cit dans deux

    pomes de cette poque ne prouve-t-il rien pourl'existence de I'Edda de Soemund : car, si dans le c-lbre pome intitul Lilia (le Lis), qu'on attribue Eystein Arngrimsson, i36o, les prceptes potiquessont appels Eddu-reglur (rgles de I'Edda), et si dansle pome d'Arnas Ionsson, florissant vers 13 y o, l'art

    potique est appel Eddu-list (Tart de I'Edda), il estvident qu'il ne s'agit pas ici de I'Edda envers attribue Soemund, mais de I'Edda en prose que nous connais-sons sous le nom de Snorra-Edda. Ce dernier recueilfut compos la fin du xme sicle par un grammairienislandais qui voulut faire un trait de rhtorique,de mtrique et de potique. Il donna son recueil lenom d'Edda (aeule), sans doute parce que ce livre ren-fermait d'anciennes traditions mythologiques que les

    personnes ges prenaient pour sujet de leurs entre-

  • 16 INTRODUCTION GENERALE.

    tiens dans les longues veilles d'hiver. Comme cetteEdda se composait surtout d'opuscules sortis de la

    plume de Snorri, on pouvait donner ce livre lenom plus explicite de Snorra-Edda. Mais quant aurecueil attribu Soemund, il nous semble qu'il at compos peu prs vers la mme poque que laSnorra-Edda, c'est--dire la fin du xme ou au com-mencement du xive sicle. Tous les rsultats des re-cherches que nous avons faites jusqu'ici et que nousvenons d'exposer, confirment cette opinion ; et pourla corroborer encore davantage nous ajouterons lesconsidrations suivantes. Ds le commencement duXII8 sicle, il s'tait dvelopp en Islande un esprit lit-traire trs-actif; non-seulement on commena crirel'histoire et traduire des livres latins, on eut aussisoin de recueillir de la bouche du peuple les tradi-tions et les posies anciennes. L'usage de l'criture la-tine introduit au commencement du xme sicle, favo-risa ce mouvement littraire, et les clercs se mirentavec zle composer des recueils de Sagas, de lois, de

    posies et de traits philologiques l. Aussi les manus-crits les plus anciens qui nous restent des monumentslittraires Scandinaves sont-ils de cette poque; ilsne remontent gure au del du xnie sicle ; tels sontnotamment le Codex regius et le Fragmentum men-braneum de I'Edda en vers. C'est donc encore uneraison de plus qui nous fait croire que I'Edda attri-

    1Voyez Uni Ltinu-stafrofit, p. 274, 275.

  • CHAPITR il. 17

    bue Soemund a t compose la fin du xme ou aucommencement du xiv 6 sicle, puisque les plus an-ciens manuscrits de cette Edda ne remontent pas audel de cette poque, et que, comme nous venons dele dire, c'est dans ce temps qu'on tait plus particuli-rement port faire des recueils.

    L'une et l'autre Edda appartenant peu prs lamme poque, il nous reste dterminer laquelle desdeux est la plus ancienne. Notre opinion ce sujet pa-ratra peut-tre paradoxale ; cependant nous devons lasoumettre l'exlnen des savants. L'Edda de Snorrinous semble avoir t compose avant I'Edda de Soe-mund, et voici les raisons sur lesquelles nous croyonspouvoir nous fonder. En comparant l'introduction en

    prose du pome Lokasenna avec le chapitre xxxmdu trait Skaldskaparml dans la Snorra-Edda 1, on est

    frapp de trouver quelques circonstances rapportesen termes presque identiques dans l'un et l'autre crit.Cette identit ne saurait tre fortuite ; on dcouvreaisment que l'auteur de la prface a emprunt ces

    particularits au Skaldskaparml. En effet, ces dtails

    rapports sont bien leur place dans le trait deSnorri, tandis qu'ils sont dplacs dans l'introductiondont nous parlons 2.De l on peut induire que l'auteur

    1 Snorra-Edda, p. 12g, dit. de Rask.2 Snorri pouvait trs-bien dire : thrr var eigi thar, hann var farina

    aasirveg, parce que deux lignes auparavant il avait dit qu'OEgir avaitinvit tons les Ases; rauteurdevaitdoncjustifierl'absencede Thor. Mais

    2

  • 18 INTRODUCTION GNRALE.de l'introduction ou l'auteur du recueil attribu Soe-mund, a eu entre ses mains la Snorra-Edda. Car ce

    qui nous porte croire que ces emprunts ont t faitsdans le temps que le Skaldskaparml faisait dj partiede la Snorra-Edda, c'est que l'auteur de l'introduc-tion doit avoir connu ce dernier livre, puisqu'il en a

    trs-probablement emprunt le nom d'Edda qu'il adonn son recueil de posies. En effet on ne sau-rait nier que ce nom ne convienne mieux aux narra-tions en prose qu' un recueil de posies, et, par con-

    squent , nous devons croire qu'il a t donn origi-nairement la Snorr-Edda et que plus tard seulementil est devenu, par. imitation, le titre du recueil de

    posies. Comme la premire Edda portait le nom de

    Snorri, la seconde reut celui de Soemund, soit quel'auteur du recueil crt rellement que les posiesavaient t composes par Soemund, ou qu'il voult

    dans la prface, les mots thrr kom egi tlivat han var anstrvegi, n'ont

    pas le mme -propos. Snorri dit trs-bien : th lit OEgir bera inn

    lysigull that er birti ok lysti hllina sem eldr, puisqu'il ajoute sem i Val-hllu voru sverdin firir elld; mais dans la prface la phrase thar var ly-sigull haftfyr cldlis, ne s'explique que par ce qui est dit dans Skalds-

    kaparml. Dans Snorri, le rcit de la mort de Fimafengr est parfaite-ment sa place; mais dans la prface il est tellement dplac qu'ilnous fait perdre le vritable point de vue sous lequel le pome doittre envisag. Enfin quand Snorri dit : vannz allt siljt, etc. il rapportefidlement la tradition mythologique; mais quand l'auteur de la pr-face dit : siljt barsk thar ll, il est en contradiction manifeste avec cequi est rapport dans le pome; car nous y voyons Loki demandant

    boire, Vidarr et Beyla remplissant les coupes, etc. etc.

  • CHAPITRE II. 19

    simplement mettre la tte de son livre un nom quine ft pas moins illustre que celui de Snorri.

    III.DU GENRE DE POSIE AUQUEL APPARTIENNENT LES POMES

    DE L'EDDA.

    Le genre de posie, auquel appartiennent les po-mes de I'Edda est le genre pique. La posie piqueest essentiellement narrative, elle raconte l'histoiredes hros. Elle choisit de prfrence ses sujets dansles anciennes traditions parce qu'elles se prtentmieux aux ornements et aux fictions potiques que lesvnements plus rcents et l'histoire contemporaine.Les traditions anciennes qui peuvent devenir des su-

    jets de posie pique, sont, gnralement parlant, dedeux espces que nous voulons dsigner par les nomsde traditions piques mythologiques et traditions piqueshroques. Les premires doivent tre considrescomme les plus anciennes : elles se rapportent la

    mythologie proprement dite, c'est--dire la cosmo-

    gonie, la thogonie, aux oeuvres et aux actions attri-bues aux dieux: Les secondes, en gnral moins an-ciennes , tiennent le milieu entre la fiction et la vrit,entre la fable et l'histoire. Elles nous reprsentent des 9hros qui appartenaient primitivement l'histoire,mais que la tradition potique a rattachs la mytho-logie en les mtamorphosant en demi-dieux, ou dieux dusecond ordre. Les deux espces de traditions que nousvenons de distinguer se trouvent le plus souvent con-

    2.

  • 20 INTRODUCTION GNRALE.fondues et mles ensemble dans les pomes piquesdes diffrentes nations. Ce mlange se fait d'autant

    plus aisment que ces traditions ne diffrent pas essen-tiellement entre elles quant leur origine et leurnature, mais seulement quant leur anciennet. DansI'Edda, ces deux espces de traditions forment deuxclasses de pomes piques trs-distinctes. Ceux dela premire classe, au nombre de quinze dix-sept,composent la premire partie du recueil attribu Soemund. Ils traitent des sujets purement mytholo-giques o les dieux seuls sont reprsents avec leursdiffrentes passions. Les pomes de la seconde partie,au nombre de vingt vingt-deux, sont videmmentmoins anciens que les prcdents, et ils nous mon-trent au milieu des images et des ornements de la

    posie la tradition historique encore toute pure. Dansces pomes, ce ne sont pas les dieux et les desses quioccupent la scne, ce sont des hros et des hrones,

    personnages originairement historiques, mais devenus

    plus ou moins fabuleux dans la tradition et la posie.

    S, IV.

    DE LA FORME NARRATIVE ET DE LA FORME DRAMATIQUEDES POEMES DE L'EDDA.

    Les trois pomes que nous publions sont tirs dela premire partie de I'Edda; tous les trois appar-tiennent donc, par les sujets qu'ils traitent, la my-thologie proprement dite.

  • CHAPITRE IL 21

    Si d'un ct il y a de grands rapports de ressem-blance entre les pomes Vlusp, Vafthrdnisml et

    Lokasenna, en ce que tous les trois appartiennent aumme genre de posie pique, on remarque d'unautre ct une diffrence sensible entre eux, dans laforme ou la manire dont les sujets y sont mis enscne. Ainsi, dans Vlusp, c'est le rcit pique ou lanarration qui domine presque exclusivement; dansVafthrdnisml, au contraire, il y a dj une tendanceprononce remplacer la narration par le dialogue;enfin, dans Lokasenna, le dialogue se trouve tablidu commencement jusqu' la fin du pome, non-seu-lement entre deux personnes, mais encore entre plu-sieurs interlocuteurs. Ainsi nous voyons la posiepique prendre dans Vafthrdnisml et Lokasenna laforme de la posie dramatique.

    Ce phnomne remarquable de la transition durcit

    pique au dialogue dramatique ne doit pas nous sur-

    prendre dans la littrature Scandinave, puisque nousle remarquons galement dans toute littrature quis'est forme et dveloppe indpendamment de touteinfluence trangre. Chez les Hindous comme chezles Grecs, nous voyons le drame natre du rcit et seformer presque la suite de l'pope. Si Rome les

    potes dramatiques prcdent les potes piques, c'est

    que la littrature romaine ne s'est pas dveloppe parelle-mme. Les Romains taient les imitateurs desGrecs, et il leur a t plus facile d'imiter d'abord les

  • 22 INTRODUCTION GENERALE.

    drames de leurs matres "avant d'imiter leurs popes.Au contraire, lorsque dans le moyen ge les peuplesde l'Europe, par leur ignorance mme, taient rduitsexclusivement aux ressources d leur propre gnie,h'a-t-on pas vu les mystres qui, sous plus d'un rap-port, formaient ce qu'on pourrait appeler la posiepique chrtienne, donner le premier essor l'art

    dramatique des nations modernes? Il est d'ailleursconforme la nature que le drame naisse de l'po-pe dont il diffre bien moins par le fond que par laforme. En effet, nous voyons que les sujets des tra-gdies grecques et des drames indiens sont emprun-ts pour la plupart aux temps hroques et mytho-logiques qui ont galement fourni les sujets despopes. La narration de l'pope peut mme prendrequelquefois la forme du drame; car de mme quel'orateur se plat remplacer une description par unebrillante hypotypose, de mme il arrive aussi quele pote pique, au lieu de raconter les actions, fait

    parler et agir ses hros devant nous, et qu' la placed'un rcit il met une scne. Mais du moment que lanarration est remplace par le dialogue, et que le

    pote se drobe, pour ainsi dire, derrire le person-nage qu'il fait parler, la transition de l'pope au dramecommence, ou plutt elle s'est dj opre. C'est cause de la facilit avec laquelle cette transition sefait, qu'on voit quelquefois dans le mme pomepique la forme du drame employe ct de la nar-

  • CHAPITRE II. 23

    ration. Qu'on compare par exemple les deux popessanscrites, le Rmyana et le Makbhrata. Dans le

    premier de ces pomes, tout est encore, comme dans

    Homre, dit et prsent sous forme de narration;les discours sont rapports comme les faits, et le lec-teur ne perd jamais de vue le pote racontant les aven-tures de son hros. Au contraire, dans le Mahbhrata,qui est une pope moins ancienne, le pote dispa-rat quelquefois derrire les personnages qu'il met'-enscne; et si les interlocuteurs n'taient pas chaquefois annoncs et pour ainsi dire introduits avec la for-mule ordinaire : un tel a dit, on s'imaginerait quec'est un drame ou un dialogue qu'on lit, et non lanarration pique du pote qui rapporte les discoursdes hros de son pope. Cette transition du rcit au

    dialogue se montre encore plus clairement dans nosdeux pomes Vafthrdnisml et Lokasenna. Dans le

    premier, il n'y a qu'une seule strophe, la cinquime,qui nous avertisse que c'est le pote qui parle; toutle reste du pome est un dialogue entre les person-nages mis en scne. Dans Lokasenna, tout est dialo-

    gu du commencement jusqu' la fin; seulement lesinterlocuteurs sont annoncs comme dans l'pope in-dienne, par les mots : un tel a dit; et encore ces motsparaissent-ils tre une interpolation faite par l'auteurdu recueil ou par quelque copiste 1.

    Nous avons insist sur le rapport qu'il y a entre la1

    Voyez l'introduction au pome Lokasenna.

  • 24 INTRODUCTION GENERALE.

    posie pique et la posie dramatique, d'abord pourfaire voir comment les diffrents genres de posiesnaissent les uns des autres, et ensuite pour montrer

    que les Islandais n'avaient qu' faire un pas de pluspour arriver au drame proprement dit., S'ils n'ont

    pas fait ce pas, il le faut attribuer, moins au manquede gnie qu'aux circonstances dfavorables dans les-

    quelles ils se sont trouvs. En effet, pour faire natrel'art dramatique, c'est peu de composer des drames,il faut les reprsenter. Mais le moyen d'avoir unthtre, quelque mesquin qu'il ft, dans une le pauvrecomme l'Islande et dont les habitants devaient garderpar ncessit, si ce n'tait par got, la plus grandesimplicit dans leurs moeurs et dans leurs amuse-ments ?

    S V.

    DES SDJETS MYTHOLOGIQUES TRAITS DANS LES POEMESDE L'EDDA.

    Aprs avoir parl du genre de posie auquel appar-tiennent les chants de l'Edda, il nous resterait main-tenant examiner les sujets traits dans les pomespiques Scandinaves; et comme ces sujets sont pourla plupart mythologiques, on s'attend peut-tre trouver dans cette introduction un aperu de la my-thologie du Nord. Mais comme nous ne devons traiterici que d'une manire gnrale les questions qui se

    rapportent plus ou moins directement notre sujet,

  • CHAPITRE II. 25

    nous ne pouvons entrer dans des dtails qui nous fe-

    raient perdre de vue notre but principal 1.D'ailleurs comment donner de la mythologie un

    expos rapide qui satisfasse aux justes exigences de lascience? Ce n'est que de nos jours qu'on commence rassembler les matriaux et les mettre en ordre

    d'aprs des principes scientifiques. Un.travail sur l'en-semble des mythes sera seulement le rsultat de l'ex-

    plication juste et complte de tous les monuments quinous restent des anciens peuples teuto-gothiques. Il

    y a plus : un aperu gnral de la mythologie, o l'onlaisserait de ct les dtails et qui satisft en mme

    temps la science, est impossible donner, d'abord

    parce que la vritable science tient autant aux dtails

    qu'aux gnralits, et ensuite parce que la mythologien'est pas un systme dont on puisse indiquer les

    principaux traits et tracer seulement les contours oules linaments. La mythologie, il faut le dire, ne sau-rait tre un tout systmatique, dtermin dans son

    plan et limit dans ses parties, parce qu'elle n'est pasune production qui soit sortie toute forme du seind'une seule ide-mre ; mais elle est ne successive-ment et s'est dveloppe peu peu, presque commeau hasard, sous l'influence d'ides trs-diverses, le

    1 Si l'on veut se contenter d'une simple notice sur la mythologieScandinave, on trouvera de quoi satisfaire sa curiosit dans le livrede Mallet, intitul Edda, ou Monuments de la mythologie et de la

    posie des anciens peuples du Nord; Genve, 1787, 3 dit.

  • 26 INTRODUCTION GENERALE.

    plus souvent indpendantes elles-mmes de tout sys-tme dtermin,: c'est pourquoi elle n'exclut pas lescontradictions qui sont les ennemies jures des syst-mes et n'empche point les accroissements dmesursou disproportionns- que certaines parties de l'en-semble peuvent prendre sur les autres parties. Pour d-

    velopper davantage ces vrits, qui, ce nous semble,ne sont pas encore gnralement senties, qu'il noussoit permis d'entrer dans quelques courtes considra-tions sur la mythologie en gnral et sur la manirede la traiter.

    CHAPITRE III.

    CONSIDRATIONS SUR LA MYTHOLOGIEET SUR LA MANIRE DE LA TRAITER.

    DES DIFFERENTES OPINIONS SDR LA NATURE

    DE LA MYTHOLOGIE.

    Il n'y a peut-tre pas de sujet de science sur lequelles rudits se soient forms des notions aussi diff-rentes les unes des autres, des ides aussi incomplteset souvent aussi errones que sur la mythologie.

    En effet, les uns l'envisageant sous le point de vue

    purement thologique, n'y voient que les systmes reli-

    gieux des peuples anciens, ou la doctrine des croyances

  • CHAPITRE HT. 27

    du paganisme. Considre de cette manire, la my-thologie ne se prsente que comme un tissu d'erreurs,de mensonges et d'impits, et c'est bon droit quel'orthodoxie la regarde comme une supercherie faiteau genre humain par le gnie du mal.

    Les autres, mconnaissant dans la mythologiel'lment religieux, n'y voient rellement que de la

    posie, de la fiction, une cration toujours arbitraire,souvent plaisante et quelquefois bizarre de l'imagi-nation potique. Comme telle, on la juge naturelle-ment digne d'tre tudie, l'gal de tant d'autreschoses dont la connaissance contribue notre amuse-ment, et l'on accorde bien qu'elle mrite notre atten-tion , parce qu'on en parle si souvent dans les livresdes anciens et des modernes. C'est dans ces vues et

    d'aprs cette ide qu'on dirait rdigs la plupart des

    abrgs de mythologie l'usage des collges et des

    pensionnats de jeunes demoiselles.D'autres enfin semblent s'imaginer que la mytho-

    logie n'tait faite que pour cacher sous la forme du

    symbole et sous l'image de l'allgorie la sagesse, le

    profond savoir et les mystres de l'antiquit. Sousce point de vue, les opinions ne diffrent que parrapport l'espce de science qu'on dit tre renfermeclans le systme mythologique. Selon les uns, ordi-nairement amateurs de la philosophie, c'est la mta-

    physique; selon les autres, qui ont tudi le mou-vement du ciel, c'est l'astronomie; et si l'on en croit

  • 28 INTRODUCTION GENERALE.

    ceux qui sont initis aux sciences naturelles, c'estla physique mcanique qui, forme la base de la my-thologie : et voil que tous s'tudient expliquer les

    mythes d'aprs leur systme et leur opinion indivi-duelle, et que chacun met en oeuvre une ruditionvraiment prodigieuse pour trouver dans ces mythesla clef qui doit nous ouvrir le sanctuaire des connais-sances occultes de la Celtique et de la Scandinavie,de la Grce et de l'Egypte, de la Scythie et de l'Iran,de l'Inde et de la Chine. Y a-t-il s'tonner aprs celasi, en voyant les opinions contradictoires desrudits,l'homme d'un jugement sain se dfie des ouvragessur la mythologie comme l'on se dfierait des sciences

    alchimiques ou astrologiques ?

    S II.

    DES DIFFRENTES ESPECES DE MYTHES.

    Pour savoir ce que c'est que la mythologie, il faut,se demander comment elle s'est forme, il faut re-monter son origine, la suivre pas pas dans son

    dveloppement progressif et rassembler, aux diverses

    poques de sa formation, les diffrents lments quisont entrs successivement dans sa composition. Si,en suivant cette marche, en remontant dans l'his-toire des nations aussi haut qu'il est possible, nousexaminons sans esprit de systme les monuments onous puisons la connaissance des mythes ; si nous tu-dions ces monuments dans l'ordre chronologique, en

  • CHAPITRE III. 29

    portant ntre attention sur les dtails et les particu-larits de chacun sparment, et en expliquant chaquemythe par lui-mme, sans recourir aux explicationsfournies par d'autres mythes, sauf les runir ensuiteet les considrer dans leur ensemble, voici peuprs comment nous nous expliquerons la nature, l'ori-

    gine et la formation de la mythologie.Avec l'enfance des socits commence l'histoire,

    naissent les traditions ; ces traditions s'altrent, se d-naturent enmssant de bouche en bouche, cfune g-nration l'aiftre. L'esprit de l'homme, naturellement

    port au merveilleux, au gigantesque, au sublime, etdomin qu'il est par une imagination vive et fantasque,grossit, exagre et embellit les traditions de l'histoire.Alors les hros se changent en demi-dieux, en dieux,leurs actions en prodiges. Ce qui tait historique dansle principe appartient maintenant autant la fable

    qu' l'histoire. De l une premire espce de mythesqu'on peut appeler mythes historiques, parce qu'ils re-

    posent dans l'origine sur histoire traditionnelle.

    Lorsque la socit est plus avance dans la civi-lisation et que la religion s'est allie aux traditions an-ciennes , alors la posie, au service de la religion, etse confondant avec elle, commence se dvelopper.Le pote emprunte les sujets de ses chants l'histoiretraditionnelle de sa nation. Cette premire posie estde sa nature toujours plus ou moins pique, car elleraconte les hauts faits et les vnements mmorables

  • 50 INTRODUCTION GENERALE.

    de l'antiquit; mais elle les raconte dans l'intentionde plaire, d'intresser et d'mouvoir, embellissant ce

    qui a besoin d'ornement, retranchant ce qui dplai-rait, enchanant ce qui paratrait dcousu et faonnantle tout pour en former un ensemble potique plein de

    charmes, de got et d'intrt. Cet arrangement po-tique des traditions, ou ces transformations qu'on leurfait subir pour les rendre plus propres devenir des

    sujets de posie, occasionnent et ncessitent la cra-tion d'un grand nombre de mythes qui ont leur uniquesource dans l'imagination du pote. C'est pourquoicette seconde, espce de mythes peut tre convena-blement dsigne sous le nom de mythes potiques.

    Lorsque dans la suite, par diffrentes circonstances,surtout par la runion politique des peuplades en un

    corps de nation, le mlange des traditions de familleet de tribu a pu s'oprer, la science encore novice de

    l'poque, entreprend de classer, de coordonner, demettre en systme les diffrentes traditions, de con-cilier habilement ce qui se contredit en elles, et sur-tout de prciser les rapports qui devront exister entreles diffrentes divinits, jadis adores sparment, etmaintenant runies en une socit, en un corps de fa-mille. La philosophie, encore toute jeune et prsomp-tueuse , commence agiter les grandes questions sur

    l'origine des choses. Le pote, la fois philosophe et

    prtre, cre avec hardiesse une cosmogonie et une

    thogonie. C'est alors que commence une nouvelle

  • CHAPITRE III. 31

    priode pour la mythologie qui, ds ce moment,

    prend un caractre plus systmatique. Elle ne se

    compose plus seulement des traditions historiques et

    religieuses de quelques familles, elle forme mainte-nant l'origine de l'histoire et la base des croyancesde toute une nation; c'est un systme religieux en-treml de posies, de thories philosophiques et

    scientifiques de toute espce. Mais par cela mme

    que la mythologie devient plus complexe et plus sys-tmatique , elle change de nature et perd en grandepartie son caractre primitif. En effet, la nature de la

    mythologie consistait jusqu'ici dans le dveloppementprogressif, spontan et organique de ses parties, le-

    quel se faisait presque sans le secours de la rflexion.Maintenant, au contraire, ce n'est plus la traditionou l'histoire traditionnelle qui engendre peu peu les

    mythes, c'est la rflexion, la science qui les inventetout d'un coup, et en vue d'un systme dtermin.La philosophie, cachant ses vrits et ses maximessous l'image du symbole et sous le voile de l'allgorie,les introduit dans la mythologie ou dans le systmedes croyances religieuses. L'astronomie et l'astrologieproduisent tour tour un nombre infini de mythes,et la physique, personnifiant les forces de la nature,les fait agir sous le nom et la figure de quelque divi-nit. L'histoire mme semble vouloir se complterpar des mythes; comme si elle avait besoin de sup-pler au dfaut de tradition et de documents, elle

  • 32 INTRODUCTION GENERALE.

    s'appuie sur l'explication tymologique de quelquesnoms propres pour construire une histoire imagine la place de l'histoire vritable. En gnral s il n'y a

    peut-tre pas de mythologie qui ne renferme un grandnombre de mythes symboliques, astronomiques, phy-siques et tymologiques, que tous on peut com-

    prendre sous le nom de mythes scientifiques, parce quetous doivent leur origine la rflexion ou la science.

    S III.COMMENT ON PEUT DISTINGUER LES DIFFRENTES ESPCES

    DE MYTHES.

    Par l'expos rapide que nous venons de faire, ona pu se convaincre que les mythes ne sont pas tousde la mme espce; tous par consquent ne doiventni tre envisags ni tre expliqus de la mme ma-nire. On comprendra qu'il serait ridicule de chercherun sens profond et mtaphysique dans des mythesd'imagination; de prendre les fictions du pote pourdes allgories ou des symboles, et des mythes tymo-logiques pour de l'histoire vritable. Il importe doncavant tout de bien savoir distinguer les diffrentes

    espces de mythes.Quels sont, demandera-t-on, les signes auxquels on

    peut reconnatre ces diffrentes espces? quelles sontles rgles suivre pour ne pas les confondre et pourse garantir de toute erreur ? A cela on doit rpondrequ'on ne saurait donner des rgles assez explicitespour prvenir toute erreur, et assez nombreuses

  • CHAPITRE III. 33

    pour rsoudre tous les problmes ; que le seul moyende trouver la vrit, c'est d'avoir beaucoup de juge-ment et un tact sr, puisque celui qui en sera dou

    y puisera facilement toutes les instructions et toutesles rgles qui doivent le diriger dans ses travaux et le

    prserver de toute mprise. Il est du reste moins dif-ficile qu'on ne le croirait de savoir distinguer les diff-rents lments qui composent la mythologie. Quant l'lment historique, il suffit souvent de la simpleinspection pour dcouvrir ce qui appartient l'his-toire et ce qu'il faut relguer parmi les fables. Eneffet, tout ce qui est physiquement impossible, toutce qui est merveilleux, fantastique, ne saurait trede l'histoire. Il n'y a donc de difficults que lors-

    qu'il s'agit de sparer dans le mythe ce qui est del'histoire pure de ce qui n'en est qu'une enveloppeou un ornement potique. Dans ce cas, la connais-sance parfaite du gnie de la nation et du gnie de sa

    posie, nous mettra suffisamment en tat de distin-

    guer la ralit historique d'avec l'invention fabuleuse.Comme, de nos jours, par un excs de scepticisme oupar une opinion errone sur l'esprit de l'antiquit, ontraite trop lgrement de fable tout ce qui est ra-cont dans les posies des anciens, il ne sera peut-trepas inutile de dire que les anciens, quelque domins

    qu'ils aient t par leur imagination, ont cependantmoins que les nations modernes, trait des sujets pu-rement fictifs, et que leur posie repose bien plus sou-

    3

  • 34 INTRODUCTION GENERALE.

    vent que la ntre sur des donnes historiques, ou dumoins sur des traditions plus ou moins anciennes.Cette vrit, quelque paradoxale qu'elle paraisse d'a-bord , se trouve constate quand on compare les po-sies des anciens peuples de l'Asie et de l'Europe avecles posies des nations modernes; et d'ailleurs elle

    s'explique et se confirme par cette considration phi-losophique, que plus l'homme est encore prs de sonenfance ou de son tat primitif, moins il lui est pos-sible de sortir, par la pense, de la ralit qui l'entoure,

    pour entrer dans le monde fabuleux de l'imagination.On aurait donc tort de mconnatre dans la my-thologie l'lment historique et de ne lui pas faire uneassez large part ; mais on conoit que cet lment ne

    peut se trouver que dans les mythes les plus anciens,

    parce que, plus tard, lorsqu'on commena crire

    l'histoire, le mythe et la tradition historiques devin-rent non-seulement inutiles, mais peu prs impossi-bles. Il est donc remarquer que les mythes les plusrcents reposent rarement sur une base historique,mais plus souvent sur les thories cres par lessciences et la philosophie et caches par les potes,sous la forme du symbole et de l'allgorie. Les mythesque nous avons nomms mythes allgoriques et symboli-ques, ne sont pas plus difficiles reconnatre et dis-

    tinguer que les autres espces : l'oeil exerc les discernesans peine, et l'esprit sagace en trouve facilement l'ex

    plication.

  • CHAPITRE III. 35

    S'IV.DE LA MANIRE DE TRAITER LA MYTHOLOGIE.

    Les diffrentes espces de mythes une fois recon-nues , il s'agit de les runir et de les prsenter dansleur ensemble. Le plan suivre dans ce travail est in-

    diqu clairement par la nature du sujet que nous vou-lons traiter. En effet, la mythologie s'tant forme

    peu peu, il faut l'exposer selon l'ordre des temps,depuis sa formation et son dveloppement progressifjusqu' son entier achvement, et distinguer par con-squent plusieurs priodes dans lesquelles les my-thes se sont de plus en plus agglomrs, modifis et

    gnraliss. Ce plan, la fois naturel et simple, a le

    grand avantage de mettre d'abord toute chose la

    place qu'elle occupait primitivement, et de montrerensuite comment tout s'enchane et se tient, mmece qui se contredit; comment tout est important et

    essentiel, mme ce qui parat tre un accessoire ou undtail insignifiant, et enfin comment il peut y avoirun ensemble bien ordorn sans qu'il y ait pour celaun systme raisonn.

    Ce n'est point ici le lieu de traiter la mythologieScandinave d'aprs les vues et le plan que nous venons

    d'indiquer; l'expos de l'ensemble de la mythologie nedoit pas servir d'introduction l'explication des sour-ces mythologiques, mais il doit tre le rsultat decette explication. Nous n'avons faire ici qu'un travail

    3.

  • 36 INTRODUCTION GENERALE.

    prparatoire; il s'agit pour nous de dresser en quelquesorte l'inventaire des mythes, mesure que nous lestrouverons dans les monuments littraires des Scan-dinaves. Nous expliquerons donc successivement lesdiffrents chants de l'Edda, en tchant de ne pas con-fondre et entremler les diverses traditions mytholo-giques qu'ils renferment. Loin d'tre tonn ou choqudes contradictions qui pourront se montrer dans l'en-semble des mythes, nous les verrons au contraireavec plaisir, sachant que plus il y a de contradictionsdans une mythologie, plus c'est une preuve qu'ellen'a t ni contrarie ni gne dans sa vie et son

    dveloppement spontan par l'esprit de systme et lesthories raisonnes. Nous n'emprunterons rien telletradition pour l'ajouter telle autre dans le but decomplter cette dernire, de l'amplifier et de l'expli-quer. Nous ne nous hterons pas non plus de com-

    parer les mythes des Scandinaves avec ceux des autres,nations et de chercher des analogies dans les dtailsdes rcits, convaincu que nous sommes, que l'on

    n'emploie avec succs 3a mthode comparative qu'a-prs avoir bien examin chaque chose sparment etavoir reconnu parfaitement la nature des termes quel'on veut faire entrer en comparaison. Sans avoir tropde confiance dans les explications suggres par une

    tymologie hasardeuse et souvent errone, nous ne

    ngligerons point cependant de profiter des ressourcesde la philologie, pour trouver dans la signification des

  • CHAPITRE III. 37

    noms mythologiques, quelques claircissements et

    quelques renseignements utiles ; car, on ne saurait

    nier, puisque M. J. Grimm l'a si bien dmontr parle fait 1, que les mots contiennent quelquefois dansleur tymologie des tmoignages historiques non-seu-lement sur les choses qu'ils dsignent, mais encore surdes poques trs-anciennes dont il ne reste souventd'autre document que celui qui est tir de l'existenceet de la signification de ces mots mmes. Nous esp-rons que les rsultats de ce travail prliminaire joints d'autres dj obtenus parle zle d'illustres rudits 2,fourniront un jour quelque savant les matriaux n-cessaires pour composer un ouvrage o l'on n'expli-quera pas seulement la mythologie Scandinave, maiso l'on indiquera aussi les rapports qu'il y a entre les

    mythologies des diffrents peuples de l'antiquit. Cet

    ouvrage sera, nous n'en doutons pas, du plus haut int-rt pour le philosophe, qui y verra l'esprit humain semanifestant dans la mythologie sous mille formes di-verses; pour le thologien, qui y apprendra connatre

    l'origine et le caractre distinctif des religions non r-

    1 Deutsche Mythologie, Gttingen , i835.2 Le principal ouvrage que nous ayons sur la mythologie scandinav.e

    est le Lexicon myihologicum, rdig par l'illustre savant, M. Finn Ma-

    gnussen. Ce livre se distingue surtout par l'rudition prodigieuse quel'auteur y a dploye. Un autre ouvrage qui a un mrite tout diffrentde celui du Dictionnaire mythologique est le livre intitul : derMylhusvon Thr;le clbre pote allemand M. Louis Uhland en est l'auteur; il

    y explique les mythes sur Thor d'une manire ingnieuse et naturelle.

    o..

  • 58 INTRODUCTION GENERALE.

    vles; pour l'historien, qui trouvera dans les mythesd'anciennes traditions historiques remontant quelque-fois jusqu'aux premiers ges des nations; enfin, pour lepote et l'artiste, qui verront le gnie potique de l'an-

    tiquit se manifestant avec le plus d'clat et de vivacitdans les fictions toujours agrables, souvent instruc-tives etquelquefois sublimes de la mythologie paenne.

    Aprs avoir discut des questions qui se rapportentexclusivement au contenu ou la matire des posiesScandinaves, nous prsenterons maintenant quelquesconsidrations sur des sujets qui tiennent uniquement l'extrieur ou la forme de ces posies. Nous par-lerons successivement de la langue, de la prosodie etde la versification islandaise.

    CHAPITRE IV.

    EXAMEN PHILOLOGIQUE DE LA LANGUE ISLANDAISE.

    DES DIFFERENTS SYSTEMES D ORTHOGRAPHE SUIVIS DANS

    LES MANUSCRITS ISLANDAIS ET LES DITIONS DE L'EDDA.

    Notre intention ne saurait tre" de faire ici une

    analyse complte de la langue, et nous nous croirionsmme dispens d'entrer dans aucun examen philolo-gique, si l'tat de la grammaire islandaise n'tait pas

  • CHAPITRE IV. 39

    tel, que l'orthographe des mots est encore aujourd'hui,dans beaucoup de cas, quelque peu incertaine. C'estdonc en partie dans le but de contribuer lever l'in-certitude qui rgne dans l'orthographe, que nous nouslivrons cet examen philologique, en partie aussi pourjustifier l'orthographe que nous avons adopte nous-mmes en transcrivant les textes que nous publions.

    La seule rgle qu'on croit pouvoir donner toutes lsfois qu'il s'agit d'orthographe, c'est de suivre l'usagepour les langues vivantes, et les manuscrits pour les

    langues mortes. Reproduire exactement l'orthographedes manuscrits, ce serait donc nous notre uniquetche et notre seul devoir 1. Cependant la rgle indi-

    que, quelque juste et rigoureuse qu'elle soit en diplo-1 II n'est pas inutile de rappeler ici quelques principes qu'on devrait

    toujours suivre quand on publie, d'aprs des manuscrits, le texte dequelque monument littraire du moyen ge. Si un texte de philologieest publi pour la premire fois, il doit, selon nous , tre une copieexacte, du manuscrit, pour qu'on puisse travailler sur ce texte commel'on ferait sur le manuscrit lui-mme, et prparer ainsi une secondedition qui sera une dition critique. Rien n'est si nuisible la philo-logie que les textes o l'on s'est permis de faire des changements auxmots pour rajeunir, comme on dit, le langage et mettre de l'uniformitentre l'orthographe du manuscrit et l'orthographe actuellement en

    usage. En second lieu, si l'on a sa disposition plusieurs manuscrits,il ne faut pas les suivre tous la fois ; il ne faut suivre, dans le texte,

    que celui d'entre eux qui parat tre le meilleur, et avoir soin de mettreen note les leons des autres manuscrits, avec indication de celle quisemble devoir tre prfre. Nous avons rappel ce dernier principesurtout parce qu'il doit aussi trouver son application toutes les fois

    que les manuscrits d'un texte suivent des systmes d'orthographe diff-rents.

  • 40 INTRODUCTION GENERALE.

    matique, ne nous semble pas avoir autant d'autorit etde justesse en philologie; car il doit tre permis au phi-lologue qui envisage bien moins la langue crite quela langue parle, de corriger l'orthographe vulgaire ds

    qu'il lui est prouv que la langue, telle qu'on l'a crite,ne correspond pas assez exactement avec la languetelle qu'on doit l'avoir parle. Il y a plus: la rgle de-vient mme impossible observer dans beaucoup decas ; car comment la suivre si les manuscrits qui doi-

    vent nous guider diffrent entre eux dans l'ortho-

    graphe , ou, ce qui est plus fcheux encore, si dans lemme manuscrit les mmes mots se trouvent crits de

    plusieurs manires? Alors videmment cette prtendueautorit positive de l'orthographe vulgaire et de l'usagesuivi dans les manuscrits nous laisse dans le doute, etnous sommes obligs, pour sortir de l'incertitude, derecourir au raisonnement ou la critique, qui sont, entoutes choses, les seuls juges en dernier ressort.

    On a, il faut le dire, beaucoup exagr les inexac-titudes et les dfauts des manuscrits, surtout de ceux

    qui renferment les monuments littraires des lan-

    gues du moyen ge. On a bien souvent pris pour des

    irrgularits dans l'orthographe, les diffrences qu'ony a tablies dessein pour marquer la diffrencedes dialectes ou des formes de la langue telle outelle poque; et ce qu'on devait attribuer une sa-vante et exacte distinction, on l'a attribu, le plussouvent, l'ignorance, l'inattention ou au caprice

  • CHAPITRE IV. 41

    des copistes. Nanmoins, quelque large part qu'onfasse la diffrence des dialectes et des formes de la

    langue, selon les localits et les poques, toujours yaura-t-il dans beaucoup d'inscriptions et dans beau-

    coup de manuscrits, des anomalies qu'on ne pourraattribuer qu' l'incertitude qui rgnait dans l'orthogra-phe. Pour s'en convaincre, il suffit de savoir que, parexemple, le mot eftir se trouve crit sur les pierresruniques de vingt-huit manires diffrentes, et dansles manuscrits des xme et xive sicles, ce mnie mot se

    prsente encore sous dix-sept formes diverses 1. M. J.Grimm s'est vu dans la ncessit d'abandonner en

    beaucoup de points l'orthographe ds manuscrits alle-mands; Rask se plaint galement de la confusion quirgne dans l'orthographe des mots anglo-saxons, etl'on peut lever la mme plainte au sujet des manus-crits vieux franais, o souvent, sur la mme page, lemme mot se trouve crit de plusieurs manires.

    Ces anomalies et ces diffrences dans l'orthographe,il faut les attribuer d'abord la difficult qu'il y avaitd'crire les langues germaniques ou gothiques du

    moyen ge en caractres emprunts la langue latine,et ensuite au peu d'habitude qu'on avait d'crire et delire des livres en langue vulgaire. L'usage qui nat pr-cisment de la pratique frquente d'une chose ne pou-vait donc pas facilement se fixer dans l'criture, ni

    1Voyez Svensh spraklra utyifuen af'svenskaAkademicn; Stockholm,

    i836, page ix.

  • 42 INTRODUCTION GENERALE.

    tablir ses rgles et faire autorit comme chez nous.

    Quant aux manuscrits de l'Edda en vers, il faut con-venir que sous le rapport de l'orthographe ils ne sont

    pas exempts des dfauts que nous venons de signaler;non-seulement le Codex regius et le Fragmentum mem-braneum, les deux plus anciens manuscrits de l'Edda,ne suivent pas le mme systme d'orthographe, maisencore ne sont-ils pas toujours consquents dans lesystme qu'ils ont adopt. Cette diffrence dans lamanire d'crire les mots et ces inconsquences nedoivent pas nous tonner; car, comment et-il t

    possible avec les connaissances grammaticales si bor-nes de ces temps, de crer une orthographe par-faite qui est seulement le rsultat des plus hautestudes philologiques ? Cependant les tudes gramma-ticales n'ont pas t ngliges en Islande; elles y fu-rent cultives ds le commencement du xf sicle.Throddr le matre s-runes ( rnameistari ) et le prtreAri le savant connaissaient Priscien et peut-tre en-core quelque autre grammairien latin. On appliqua

    l'alphabet runique le systme grammatical des Ro-mains , et l'on dtermina les lettres tant voyelles queconsonnes qui se correspondaient dans la languelatine et la langue islandaise. Plus tard, principallement ds la premire moiti du xme sicle, onabandonna l'criture runique et l'on commena seservir gnralement de l'criture latine. Il fallut donc,

    pour substituer un alphabet l'autre , comparer

  • CHAPITRE IV. 43

    auparavant les caractres runiques avec les carac-

    tres romains, ou en suivant une mthode plus ra-

    tionnelle mais plus difficile, analyser les sons del

    langue mme et les exprimer au moyen de l'alpha-bet latin. Cette analyse de la langue et de l'criture

    runique forme le sujet de deux traits qui font partiede la Snorra-Edda et qui ont t composs dans la

    premire moiti du xni sicle. Le premier trait inti-tul Um ltnu-stafrojit (de l'alphabet latin), a pour au-teur un clerc ou prtre islandais dont le nom ne nousest pas connu. Ce grammairien avait tudi Throddr,Ari'frdi et Priscien; il connaissait galement l'al-

    phabet anglo-saxon qu'il semble avoir pris pour basede son alphabet islandais. L'autre trait est intitul

    Ml-frceSinnar Grund-vllr ( fondement de la gram-maire ) et renferme quelques considrations gnralessur la langue et une analyse de l'alphabet runique.

    1

    L'auteur de cet crit est sans doute Olaf TJirdarsonsurnomm Hvitaskald ( le pote blond ) ; Olaf taitneveu de Snorri; pendant les annes 12 36 1240,il vcut la cour du roi de Danemarck Waldemar II,et mourut en Islande en 120g 1.

    On trouve dans l'un et l'autre de ces traits desobservations fines sur la prononciation et l'orthogra-phe; mais principalement la dissertation de l'alphabetlatin parat avoir exerc quelque influence sur l'or-

    thographe suivie dans les manuscrits. En effet, o"n1

    Knytlinga Saga, cap. 127.'*

  • 44 INTRODUCTION GENERALE.

    trouve dans le Codex regius et le Fragmentum mem-braneum certaines abrviations qui semblent avoir t

    empruntes notre grammairien. Ainsi, par exemple,les manuscrits de l'Edda, au lieu d'crire les consonnesdoubles nn,rr, hk, etc. n'crivent qu'une seule deces consonnes, mais en caractre majuscule N, B, K,de la mme grandeur que les autres lettres minus-cules. C'est une manire d'crire dont l'auteur denotre trait parat tre l'inventeur. Une autre abrvia-tion trs-frquente dans les manuscrits de l'Edda,c'est de dsigner m et n au milieu ou la fin du mot

    par un titre ou petit trait plac sur la voyelle, de lamme manire qu'en dvangar ou criture sanscrite,on place le point anasvra au-dessus de la ligne pourdsigner une nasale qui se tiouve insre entre la

    voyelle et la consonne. Cette abrviation Usite dansles manuscrits de l'Edda, semble aussi avoir t em-

    prunte notre grammairien, qui de son ct l'a

    peut-tre prise dans les manuscrits anglo-saxons. Ontrouve mme dans l'alphabet de ce grammairien uncaractre particulier g qu'il appelle eng, et qui doit

    servir exprimer en abrg le son nasal que nous d-

    signons ordinairement par ng. Nous pourrions indi-

    quer encore d'autres analogies qu'on remarque entre

    l'orthographe enseigne dans le trait de l'alphabet la-tin et l'orthographe suivie dans les manuscrits del'Edda. Mais les exemples que nous avons cits, suffi-serft pour produire en nous la conviction que le trait

  • CHAPITRE IV. 45

    grammatical dont nous parlons, a eu quelque in-fluence sur la manire d'crire les mots dans les li-vres islandais. Cependant cette influence n'a pas tassez grande pour faire admettre en entier et pourfaire prvaloir le systme d'orthographe de notre

    grammairien; car, nous l'avons vu, les manuscrits del'Edda ne sont pas crits d'aprs un systme uniforme.Ces anomalies passrent des manuscrits dans lesditions imprimes de l'Edda, et c'est seulement denos jours qu'on a song rendre uniforme l'ortho-graphe des textes islandais. Rask, dans la premiredition de sa Grammaire islandaise, s'attacha princi-palement dterminer la valeur phonique des lettres,sans chercher dsigner certaines voyelles par des

    signes plus convenables. M. Grimm soumit l'alphabetislandais une nouvelle analyse philologique, il pr-cisa davantage la diffrence phonique et grammaticalequ'il y avait entre les voyelles, et il l'exprima par des

    signes mieux choisis et uniformes pour les voyellescorrespondantes dans les autres langues germaniques.Cependant le systme de transcription des textes is-landais , tel qu'il rsulte de l'analyse faite par M. Grimm,diffre encore en quelques points de celui qu'avaitadopt Rask dans la dernire dition de sa grammaire.C'est une raison de plus, pour nous, de soumettrel'alphabet islandais un nouvel examen; non quenous ayons la prtention de tout claircir par nos ob-servations; mais nous dsirons appeler de nouveau

  • 46 INTRODUCTION GENERALE.

    l'attention des grammairiens sur des questions qui,selon nous, sont de la plus haute importance en phi-lologie.

    S II.

    EXAMEN DES VOYELLES SIMPLES.

    C'est une vrit philologique constate par l'histoiredes langues, et confirme par la palographie, que a, i,u (prononcez ou), sont les seules voyelles primitives, etque toutes les autres ne sont que des voyelles drives.Il n'y a que trs-peu de langues qui se soient conten-tes de ces trois voyelles primitives; la plupart y ont

    ajout un plus ou moins grand nombre de voyellesdrives.

    Dans l'islandais ou dans la langue Scandinave, nousdevons, d'aprs ce que nous venons de dire, con-sidrer comme primitives, les voyelles a, i, u, avecleurs longues , , , et leurs diphthongues ai et au

    ( prononcez a-, a-ou). Ce sont en effet, si l'on y ajouteencore l'o, les seules voyelles qu'on trouve critesdans l'ancien alphabet runique et sur les plus anciensmonuments qui nous restent.

    L'o parat tre, parmi les voyelles drives, celle

    qui s'est forme la premire dans la langue Scandi-

    nave, puisqu'on la trouve dj exprime par un signeparticulier dans les inscriptions runiques. La voyelleo est drive de l'a ; aprs un certain laps de temps,cet o engendr par a, engendra son tour la voyelle

  • CHAPITRE IV. 47

    que nous exprimons en franais par eu, comme dansles mots peu, feu, lieu. Dans les livres danois, sudoiset allemands, on a commenc depuis quelque temps exprimer cette voyelle par le signe incomplexe, qui rappelle trs-bien par sa figure, l'origine et lanature du son, et qu'on devrait adopter dans toutesles langues qui ont cette mme voyelle 1.

    Au lieu de la seule voyelle u nous en avons donctrois de la mme famille, savoir : u, o, , exemple :uxi (taureau), ox (boeuf); xn (btail), ur (de, hors),orsk (cause, origine), rviti (fou). Comme les troiscaractres u, o, rpondent parfaitement aux troissons ou voyelles qu'ils reprsentent, l'orthographeislandaise doit les adopter et s'en servir.

    1 Nous profitons de cette occasion pour faire remarquer combiennotre orthographe franaise serait la fois plus simple, plus ration-nelle et plus intelligible, si nous nous tions servis du signe ' pourdsigner la voyelle que nous exprimons tantt par les deux voyelles eu,tantt par les deux voyelles oe, tantt mme par les trois voyelles oeu

    quitoutes sont des diphthongues, au lieu d'tre des voyelles simples ou

    incomplexes, et qui, en outre, ne signifient pas mme exactement, dansleurs lments, ce qu'elles ont la prtention de signifier. Le signe ,au contraire, indiquerait parfaitement l'origine de notre voyelle eu,drive, comme l' Scandinave, de la voyelle o. De plus, le signe serait intelligible toutes les nations qui, dans leur langue, ont cettemme voyelle, et favoriserait, par consquent, l'introduction d'un

    systme d'orthographe uniforme pour toutes les langues de l'Europe.On aurait donc mieux satisfait, selon nous, aux vritables principesd'une bonne orthographe, si au lieu d'crire^par exemple: boeuf, oeuf,seul, \om, oeil, feu, majear, etc. on avait crit : bf, lat. bov-em; f, lat.ov-um; soi, lat. sol-us; vol, lat. vot-um; (ivres, lat. opra; bil, lat.ocu-us;/d, lat. foc-us; major, lat; major,etc.

  • 48 INTRODUCTION GENERALE.

    De l'a primitif drivent non-seulement o et o, maisencore une voyelle qui se prononce peu prs commeu. franais ou comme l'u-psilon grec; c'est pourquoil'on a exprim cette voyelle par la lettre y. L'u Scan-dinave se prononce ou; mais quand la syllabe qui suitcet u commence 1 par un i, l'a prend, dans certains cas,un son plus dli, plus rapproch de l' et semblable la prononciation de l'a franais. Exemple : fall, fjll-i,gall, gjll-ing, gaS, gjS-ia. Le changement de u en ynous semble dans certains mots plus ancien que le chan-

    gement de u en o, et voici pourquoi. La voyelle y ne

    peut provenir de l'o, mais seulement de l'a, parce quede l'o l'j il n'y a pas de transition directe possible. Orle mot islandais sonr forme au datif syn-i; cela prouvevidemment que le changement de voyelle en y s'est

    opr avant que le mot Scandinave sunr et pris laforme actuelle de sonr; car cette dernire forme et

    produit au datif, non pas syn-i, mais sn-i, puisque o

    par l'influence d'un i devient non pas y, mais o.

    Quelques objections qui sont assez fondes, s'l-vent contre l'adoption et l'usage du caractre y; d'abordce signe est tanger l'ancienne criture Scandinave

    puisqu'il est emprunt au grec; ensuite l'y a pris djdans la prononciation des Romains, le son de la

    1 Les Islandais, en pelant les mots, finissent les syllabes par les

    consonnes. C'est le contraire du systme des Hindous qui finissent

    les syllabes toujours par les voyelles, comme on peut le voir dans lesanciennes incriptions sanscrites. Voyez Transactions of the royal asiaiic

    Society of Great Britain and Ireland, t. I et II.

  • CHAPITRE IV. 49

    voyelle i, et la plupart des nations modernes le pronon-cent galement de cette manire. Le signe y n'exprimedonc pas exactement la voyelle islandaise qu'on doit

    prononcer comme un u franais. Il est vrai que, mmedans la prononciation des Islandais, y a pris peu peule son de l, comme cela se voit dans certains ma-nuscrits qui emploient indiffremment y et i. Mais

    puisqu'il est prouv que y n'tait pas de tout temps,ni dans tous les cas prononc comme i, il est de l'in-trt de l'orthographe et de la grammaire de rejeterun signe aussi quivoque que l'est la lettre y. Dansl'criture runique on employait un caractre trs-bienchoisi, parce qu'il rappelait, dj par sa forme, l'ori-gine de la voyelle drive de n. Ge caractre tait unu avec un point dans l'intrieur, H. On pourrait rem-placer ce signe runique, par un u dans l'intrieur du-

    quel on mettrait un point; au-dessus de cet u ponctuon placerait l'accent circonflexe pour exprimer la

    voyelle longue correspondante.Quant la voyelle longue qui, par l'influence d'un

    i, s'est forme de 6, ou quant l' long, on le dsigneordinairement par les deux lettres oe.Ce signe a le seulinconvnient d'exprimer une voyelle simple ou incom-plexe par deux voyelles qu'on pourrait aussi prendrepour une diphthongue; par consquent, il vaudraitmieux exprimer o long par le caractre o surmontde l'accent aigu au lieu de l'accent circonflexe, pourrendre le signe moins compliqu.

    k

  • 50 INTRODUCTION GENERALE.

    Si nous numrons maintenant les voyelles quiappartiennent la famille u, et dont les signes respec-tifs sont indispensables pour la transcription des textes

    islandais, nous trouverons qu'elles sont au nombre d&

    huit; ce sont : u, o, o, y, avec leurs longues , , ceet y.La seconde voyelle primitive a, n'a engendr qu'une

    seule voyelle qui rpond entirement, et pour le sonet pour l'origine, notre voyelle ou ai dans les mots

    amer, latin amar-us ; mer, latin mare; chir, latin clarus.Cette voyelle drive es^ dsigne ordinairement parla lettre e. Il serait plus convenable de l'exprimer parle signe , si e n'tait pas dj une lettre adopte danstoutes les langues de l'Europe, et que ne ft incom-

    mode, ne pouvant pas facilement tre surmont d'unaccen