Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

download Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

of 280

Transcript of Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    1/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    2/280

    ^x^-.y

    ^

    THE UNIVERSITYOF ILLINOISLIBRARY

    \9zo, 0.%^ ^^:^^^^'rr

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    3/280

    V *

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    4/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    5/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    6/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    7/280

    PLATONOEUVRES COMPLTES

    TOME Vin 3- PARTIE

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    8/280

    Il a t tir de cet ouvrage :300 exemplaires sur papier pur fil Lafuma

    numrots la presse de i 200.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    9/280

    COLLECTION DES UNIVERSITES DE FRANCEpublie sous le patronage de l'ASSOCIATION GUILLAUME BUD

    PLATONOEUVRES COMPLTES

    TOiME VIII 2 PARTIETHTTE

    TEXTE TABLI ET TRADUITPAR

    Auguste DISProfeaseur aux Facults catholiques de l'Ouest.

    PARISSOCIT D'DITION LES BELLES LETTRES 95, BOULEVARD RASPAIL

    1924Tous droits riervs.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    10/280

    Conformment aux statuts de l'Association GuillaumeBud, ce volume a t soumis l'approbation de lacommission technique, qui a charg MM. Albert Rivaudet Louis Lemarchand d'en faire la revision et d'en sur-veiller la correction en collaboration avec M. AugusteDis.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    11/280

    THETTE

    550362VIII. 2. I

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    12/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    13/280

    NOTICE

    I

    LE PROLOGUE ET LES DATES

    Le Theelete est un dialoeue non plusLe prologue. , i t i- 'mnarre, mais lu. La conversation qu il ra-conte eut lieu, la veille du procs de Socrate, entre Socrate,Thodore de Gyrne, qui professait alors la gomtrie hAthnes, et un jeune lve de Thodore, Thtte. Elle futredite par Socrate Euclide de Mgare. Celui-ci la transcrivitde mmoire et profita de chacune de ses visites Athnes pourse faire prciser les points o ses souvenirs taient en dfaut,puis, rentr chez lui, corriger et complter sa transcription.Ainsi le dialogue de Socrate avec Thodore et Thtte setrouva, finalement, reconstruit par Euclide avec une fidlitparfaite. Le dialogue, et non le rcit qu'en avait fait Socrate;car transcrire les formules de rcit et t complicationgnante: Euclide les a donc supprimes. Cette conversationde Socrate avec Thtte, ainsi reproduite par lui sous formede dialogue direct, une occasion s'offre Euclide aujourd'huid'en donner lecture Terpsion, qui l'a entendu souvent men-tionner par Euclide et a toujours eu l'ide de demander quelquejour en prendre connaissance. Thtte, en effet, vient depasser Mgare. On l'emporte de Corinthe Athnes, gra-vement atteint et des blessures reues la bataille et de lamaladie contracte au camp. Les deux amis se reposeront encoutant la lecture que fera l'esclave d'Euclide: ils retrouverontainsi, dans le jeune Thtte du dialogue, la merveilleuse

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    14/280

    I20 THTTEnature dont Socrate avait tout de suite eu la divination, etles promesses que l'ge mr a si glorieusement remplies.

    Les discussions qu'a souleves ce prolo-Lbs dts. gue intressent directement la chro-nologie du Thtle.

    1 . A quelle bataille fait-il allusion ? Il n'y a eu, du vivant dePlaton, que deux batailles de Corinthe: la bataille de Nme,au dbut de la guerre de Corinthe (juin ou juillet 894);les combats de l'anne 869 dans l'isthme, lorsqu'Athnesenvoya tous ses hoplites, avec Iphicrate, au secours de Spartecontre les Thbains. Zeller a vigoureusement dfendu la pre-mire date '. Campbell la regardait comme la plus probable,sans exclure la possibilit d'une date incertaine entre 890 et387 (les limites de la guerre de Corinthe) ^. Munk fut lepremier, en 1867, supposer la date de 869 et fut suivi parUeberweg, Ed. Meyer, C. Ritter dans son Platon (19 10),enfin tout rcemment par U. von Wilamowitz (1919).

    2. Campbell, mme en acceptant la date de 894 pour lecombat vis par le prologue, tait loin de placer, avec Zeller,la composition du prologue et du dialogue entre 892 et 890.Il regardait le dialogue comme trs postrieur cette date et,vraisemblablement, postrieur la Rpublique. Mais, ceuxqui regardent le dialogue comme compos aprs 869, Zeller,et, sa suite, Schuftess, Susemihl objectent: commentTerpsion peut-il demander Euclide de lui raconter un dia-logue qui eut lieu il y a trente ans? Or Terpsion ne de-mande pas un rcit : il sait qu'Euclide a transcrit le dialogue,et cette transcription mme prouve que le prologue a tcompos longtemps aprs la date du dialogue suppos entreSocrate et Thtte. Ds lors, en effet, que Platon avaitrsolu de faire faire par Euclide la transmission de ce dialo-gue, cette transmission aurait pu tre une narration directesi elle avait eu lieu peu d'annes aprs la mort de Socrate.Rien ne s'opposait ce que, entre 892 et 890, Euclide racon-tt de vive voix la rencontre survenue entre Socrate etThtte. La fiction d'un dialogue crit par Euclide tait alorstotalement inutile. Si, au contraire, c'est au bout de trente

    1. Phil. d. Gr., If, i, 4^ d. p. 406, note i.2. The Theaetetus of Plato (i883), inlrod., p. lxii.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    15/280

    NOTICE laians que doit parvenir au lecteur la narration des entretiensentre Socrate et Thtte, Platon n'avait plus le choix qu'entredeux moyens de transmission : ou une narration par plusieursintermdiaires, comme celle du Parmnide ; ou la lecture, aubout de ces trente ans, d'une transcription faite immdiate-ment aprs l'vnement. Nous avons vu quelles formules com-pliques le Parmnide devait avoir recours pour que le lecteurne perdt point la sensation de cette chane d'intermdiaires.Si l'on voulait se dgager de telles complications, il fallait assu-rer, avec un intermdiaire unique, la fois la vraisemblanceet la fidlit d'une transmission si lointaine : ainsi nous com-prenons la transcription faite sitt aprs le rcit de Socrate,les corrections faites presque sous sa dicte. Le prologue, telque nous l'avons, ne se comprend donc parfaitement qu'crit une date tardive et les raisons qu'il donne de la transcriptionen dialogue direct ne deviennent pleinement intelligiblesqu'aprs le Parmnide. tant donne la ncessit de le placeraprs l'une des deux batailles de Gorinthe, le prologue nepeut avoir t crit qu'aprs 369.

    3. Mais le prologue n'a-t-il pas t ajout aprs coup ?Le Thtte n'a-t-il pas t d'abord crit comme dialogue sim-plement dramatique ? C'est une possibilit contre laquelle onne peut a priori rien dire. Cependant une telle hypothse nepeut s'appuyer sur la mention faite, par le Commentaireanonyme, d'une rdaction diffrente du prologue, rdactionque l'auteur du Commentaire estime, d'ailleurs, inauthen-tique. Cette rdaction avait, en effet, la mme tendue, peuprs, que la rdaction actuelle. Elle contenait, elle aussi, men-tion expresse d'une transcription du dialogue, puisqu'elledbutait par les mots: a Apportes-tu, jeune homme, le dia-logue qui concerne Thtte * ? . Le magisiellas qui crivit ceCommentaire n'apparat point, d'ailleurs, avoir fond, surl'existence de ce doublet, son hypothse iov/.t os) d'une rdac-tion primitive sous forme simplement dramatique. Quelquesmodernes seuls, et l'on regrette d'y compter Apelt, ontcommis cette confusion logique^. Cette double rdaction duprologue,

    mmesuppose authentique,

    n'a rien en soiqui

    1. Anon. Komm. za Platons Theaetet (Diels-Schubart), page 4,ligne 34-36.

    2. O. Apelt, Platons Dialog Theaetet (191 1), p. 1^8.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    16/280

    132 THTTEsuggre ou qui confirme l'hypothse d'un dialogue simple-ment dramatique auquel serait venue s'adjoindre, en prface,la ddicace Euclide. L'hypothse n'a pour elle que l'aspectindpendant, parfaitement isolable et valant par soi, du dia-logue qui suit cette ddicace. Mais cet aspect isolable du dia-logue se comprend tout aussi bien s'il rentre dans un mmeplan de composition que la ddicace, si la ddicace a tvoulue, soit immdiatement aprs le dialogue construit, soitmme avant qu'il ft construit. A quelle date, d'ailleurs,supposera-t-on compos ce dialogue purement dramatique ? Sic'est aprs le Parmnide, ce n'est gure rien dire de plus quece truisme : Platon a d penser le problme et btir la dis-cussion avant d'imaginer les dtails de l'encadrement. Sic'est avant le Parmnide^ il faut supposer que l'allusion larencontre de Parmnide et de Socrate a t introduite aprscoup. Mais les critres stylistiques, au moins aussi probantsqu'une telle hypothse, nous interdisent de reporter trshaut avant le Parmnide le dialogue dramatique en sa formestylistique actuelle et l'hypothse d'un Thtte crit dans unautre style que le Thtte prsent n'est ni explicable niexplicative de quoi que ce soit^ Le mieux est donc de prendrele Thtte que Platon a voulu.

    Pourquoi, dans ce cas, la ddicace Euclide, entranant,I. Que les critres stylistiques nous interdisent de placer leThtte dans un groupe chronologiquement trs antrieur au Parm-

    nide, c'est une des conclusions qu'a renouveles et affermies le travailde G. Ritter sur la chronologie du Phdre (Die Abfassungszeit desPhaidros, Philologus, Bd LXXIII, Heft 3, avril igiS, p. 321-373).Au point de vue stylistique, G. Ritter regarde comme dplus en plusjustifie la dlimitation du groupe moyen tabhe par Campbell. Dansla srie Rpublique, Phdre, Thtte, Parmnide, c'est seulement surla place du Phdre par rapport au Thtte et au Parmnide que lescritres stylistiques sont insuffisants par eux-mmes imposer unedcision. Je me spare de G. Ritter en plaant le Parmnide avantle Thtte, mais je me rjouis de voir acceptes, dans son article(p. 355 et suiv.), les raisons internes que j'avais prsentes, dansma Transposition Platonicienne (Annales de l'Institut Suprieur dePhilos, de Louvain, II, I9i3, p. 267-308), en faveur de l'antrioritdu Phdre par rapport au Thtte. Pas plus dans ce dernier article(p. 372) que dans son Platon (I, p. 248 et suiv.), G. Ritter n'acceptel'hypothse d'une double rdaction du Thtte.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    17/280

    NOTICE 123pour viter la narration trente ans de distance, la transcrip-tion immdiate et, pour viter les formules narratives, mmedirectes, dont la dernire partie du Parmnide s'est dj tota-lement dcharge, la transcription en simple dialogue dra-matique? Nous avons tout lieu de penser, avec U. vonWilamowitz, qu'Euclide a vraiment salu au passageet amicalement assist Thtte bless*. Mais la ddicaceau fondateur de l'cole Mgarique, ami des anciens joursque l'on ne veut point confondre avec des adversaires quisont plus ou moins de ses entours, n'a rien qui ne se com-prenne au lendemain du Parmnide, o l'on s'est dfenducontre la gauche znonienne du Mgarisme, o l'on s'estingni rabaisser Zenon et faire sien celui que le Thtteregardera comme l'unit transcendante de l'latisme : Ivaovxa nap(XV''Sr,v ''^.

    II

    L'INTRODUCTION A LA DISCUSSION SUR LA SCIENCE

    L'introduction du Thtte{ik^ d-i5i d)^^ '^Char^% ^* ^^ " saurait mieux se comparer qu' celledu Charmide^. A la prsentation du beauGharmide fait pendant la prsentation du jeune Thtte,qui n'est beau que de la beaut de l'me ; au rle de mde-cin ne soignant point le corps sans l'me, qui est le travestidont Socrate se dguise pour ne point effaroucher le modesteGharmide et l'amener doucement une discussion philoso-phique, rpond, pour le Socrate du Thtte, le rle d'accou-

    I. Platon (1919, i'"'* d.), Bd I, p. 5ii.3. Tht., i83 e.3. Charm., i53a-i6ib, d. A. Croiset. uvres compltes de

    Platon, tome II (p. 52-62). Cela ne peut faire objection contrla datetardive du Thtte qu'aux yeux des critiques pour qui chaque priodede la pense platonicienne et, dans chaque priode, chaque dialogueformerait comme un vase clos. Platon s'est relu, et lui, dont l'arttranspose incessamment la pense et la manire d'autrui, n'a pointnglig de se transposer lui-mme. Le Cratyle nous le prouvera pourle Thtte en attendant qu'il nous le prouve pour le Sophiste.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    18/280

    124 THTTEcheur des esprits, qui encouragera Thtte mettre pro-gressivement au jour les penses dont son me est pleine ;aux dfinitions de la sagesse que le jeune Gharmide essaieinutilement par lui-mme avant de retomber sur une thsede Gritias, sont parallles les ttonnements de Thtte, quipropose une srie de formules inhabiles avant de songer l'exemple des puissances , fruit de renseignement deThodore, et d'arriver une dfinition qui traduit la thsemme de Protagoras. La scne, dans les deux cas, se passedans un gymnase et nous entrevoyons, l'arrire-plan, lajeunesse qui l'anime. Mais, si le cadre et les situationsgnrales sont les mmes, l'esprit est plus lev dans leThtte ; les mandres mmes de cette discussion prlimi-naire sont moins souples ; le ton de la conversation est plusdidactique et plus sec. Au lieu d'un Socrate rentrant dePotide, aussi jeune encore, aussi vibrant que le fougueuxCritias et que les plus fervents amateurs de beaut, nous avonsici un Socrate vieillard conversant avec un autre vieillard ;et celui-ci est un professeur, qui fait le portrait de son lveavec le cur, mais aussi avec les mots et sur le ton d'un pro-fesseur.

    G'est que ce portrait de Thtte est un^thtte

    ^modle et un symbole. Platon enseigneencore en le dessinant et en a pris leslments dans cette nature idale du philosophe que traa lesixime livre de la Rpublique. G'est l'heureux et rare qui-libre entre l'esprit vif, mais lger, et l'esprit pondr, mais

    ce nonchalant et lourd d'oubli . Ici, entre la Rpublique etle Thtte, le paralllisme est minutieux et souvent textuel KModle offert aux jeunes lves de l'Acadmie, symbole duvrai philosophe, et symbole aussi de l'homme qui, pourPlaton, incarne la philosophie, Thtte est la jeune dou-blure de Socrate. Nous avons vu, dans le Parmnide, unjeune Socrate tout plein de l'enthousiasme dialectique, unpeu semblable par avance ce logicien tout frais initi quedcrira le Philbe: le merveilleux imbroglio de l'un et du

    I. Rp., 5o3 c/d. Nous retrouverons le parallle dans l'exphcation:physiologique de la mmoire (Thtte, 19^ e et suiv.), et Aristotel'utilisera (De Memoria, 45o b).

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    19/280

    NOTICE 125multiple excite son ardeur critique ; il n'a de cesse qu'onne lui ait montr, jusque dans les formes suprasensibles, cetentrelacement de contradictions ; lui aussi ne rve que d'at-tirer tout le monde, et jeunes et vieux, dans ces impasseslogiques; il s'y embarrasse tout le premier^. Ici c'est unjeune Socrate d'un modle plus technique et pour ainsi direplus livresque : c'est l'apprenti philosophe qui, formd'une faon prcise aux diverses sciences prparatoires quedcrivait la Rpublique^ aborde, bien guid, les problmesgnraux de la science. A mesure que Platon entre plusavant dans son entreprise de synthse critique et dans sarevue historique des systmes anciens, il semble que leSocrate qu'il a connu fasse place, dans sa curiosit, au Socratequ'il peut seulement imaginer, plus proche par son ge de celointain pass. Le Socrate de Platon est comme en voie de seddoubler. Nous avons ici Thtte, qui est, au physique etau moral, le portrait de Socrate; dans le Thite encore, dansle Sophisle et surtout dans le Politique, le jeune homonymede Socrate, qui devait, dans le Philosophe, o se serait achevle ddoublement, servir de rpondant au vieux Socrate.

    Du Thtte de son diaWue, Platon aLe Thtte i i * r 'nu- *.... ^ eu bien som de ne pomt laire un elevehistorique. ,0 n '\y 1 rr>i ^ ide Socrate. 11 est eleve de Thodore.

    Celui-ci enseignait Cyrne, o Platon le visita, au dire deDiogne-. Il est reprsent, dans le dialogue, la fois commeami de Socrate et comme ami de Protagoras, plus attach decur sa mmoire que capable de dfendre sa doctrine. Il aquitt trs tt la dialectique abstraite pour les mathma-tiques. Gomme mathmaticien, il est cit dans le catalogued'Eudme aprs Hippocrate de Chios. Cet entourage et sestudes l'ont fait passer pour Pythagoricien : il figure, eneffet, comme tel dans la liste de Jamblique (V. P. 267). Entout cas, il est parti de la dcouverte pythagoricienne surl'incommensurabilit de la diagonale et du ct du carrpour tudier les racines de 3, 5... jusqu' 17 et les a, nousdit Platon, construites devant son lve Thtte. Cet

    1. Philhbc, i5 C-16 a. Comparer avec /?/). SSg b.2. Diog. La. (d. Cobet), III, 6.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    20/280

    126 THTTEenseignement est cens tre donn Athnes mme et Tho-dore est donc suppos y avoir fait sjour. Les sources diversesqui se sont runies dans Suidas, entranant au passage dessouvenirs mal compris du dialogue de Platon, ont fait de ceThtte, lve de Thodore, un double personnage, lve etde Socrate et de Platon : Thtte, Athnien, astrologue,philosophe, lve de Socrate, enseigna Hracle. Il cons-truisit le premier les cinq solides (de Platon) comme on lesappelle. Il vcut aprs la guerre du Ploponnse. Thtte,d'Hracle dans le Pont, philosophe, auditeur de Platon*. Thtte n'a gure pu tre lve de Platon, mais, aprs avoirenseign Hracle, il a pu revenir Athnes, professer lesmathmatiques l'Acadmie et porter ainsi, dans la tradi-tion, le titre d'auditeur de Platon dans les mmes conditionsque le porte Eudoxe. C'est la combinaison laquelle par-vient M" Eva Sachs qui, d'ailleurs, pour prciser la datevague donne par Suidas, accepte la chronologie supposepar notre dialogue et place la naissance de Thtte aux en-virons de 4i5^- Platon ne s'est peut-tre point demand, enimaginant cette rencontre, si Thtte tait, en 099, d'ge soutenir avec Socrate une telle conversation. Mais queThtte soit mort en 869, c'est l'hypothse plus que probableimpose par notre dialogue. Or nous sommes forcs de lesupposer, cette date, en sa pleine maturit, car il laissaitderrire lui des travaux considrables.

    Proclus a insr, dans son Commentaire Euclide, uncatalogue des mathmaticiens, dress par Eudme, o, ctde Lodamas de Thasos et Archytas de Tarente, Thtteest compt comme un de ceux qui augmentrent le nom-bre des thormes et en firent un ensemble plus scien-tifique^ . Nous avons vu que Suidas dit qu'il a construit,le premier, les cinq solides, c'est--dire les cinq polydres

    1. Voir ces textes de Suidas dans E. Sachs, De Theaeteto Athe-niensi Mathematico (Berlin, igi^), p. 10. Les mots entre parenthsessont addition de E. Sachs, s'appuyant sur le scholie i au li^Te XIIId'Euclide tz ASYOxcva IIa-tovo i ayr[;jLa-:a EucUdis Elementa,d. Heiberg, V [1888], p. 654).2. E. Sachs, op. cit.^ p. 3o, note 4.

    3. Proclus, in Euclidem comment. (Friedlein, 1878), p. 66, 16. Latraduction est de Tannery (Gomtrie Grecque, p. 68).

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    21/280

    NOTICE 137rguliers. En combinant cette donne de Suidas avec le pas-sage de l'introduction (1/47 a- 1^8 b) o Thtte, encoretout jeune, est reprsent par Platon comme s'levant auconcept gnral de la ligne racine carre incommensurabled'une aire rationnelle , annery acceptait dj de regarderThtte comme le fondateur de la thorie des incommensu-rables, telle qu'elle est expose dans le livre X d'Euclide,avec une terminologie, toutefois, quelque peu modifie .D'autre part, Tannery considrait le fond du livre XIIIcomme emprunt par Euclide, non pas Eudoxe, mais Thtte. On a de la sorte, concluait-t-il, un ensemble detravaux qui peuvent n'avoir point l'importance de ceuxd'Eudoxe, mais suffisent pour placer Thtte au rang quelui assigne le rsum historique de Proclus*. Les travauxrcents sur l'histoire des mathmatiques n'ont fait que con-firmer le jugement de Tannery. Zeuthen a mme attribu Thtte les livres VII et VHI d'Euclide-. Enfin Hultsch a,le premier, attir l'attention sur le scholie n i au XIIPlivre d'Euclide : dans ce livre, le XIII*, sont construits lescinq corps dits de Platon. Ils ne sont point de lui : trois deces cinq corps sont des Pythagoriciens, savoir le cube, lapyramide, et le dodcadre ; l'octadre et l'icosadre sont deThtte. La dnomination ce solides platoniciens est venuede la mention qu'en a faite Platon dans le T'ime. Le nomd'Euclide figure en tte du prsent livre, parce que, de cettepartie aussi, c'est Euclide qu'est due la rdaction en l-ments ^ . La part prpondrante qu'a eue Thtte dans lafondation de la thorie des irrationnelles a t claire pardes rapprochements nouveaux entre le scholie de Proclus laproposition 9

    du X livre d'Euclide, la version arabe ducommentaire de Pappus ce livre d'Euclide et le traitI. Gomtrie Grecque, p. 100. Cf. aussi, pour un expos trs clairdel question des irrationnelles, G. Milhaud, Les Philosophes Go-mtres de la Grce (1900), p. iSg-iA-3. Zeuthen, Constitution des livres arithmtiques d'Euclide (ComptesRendus de l'Acad. des Sciences de Danemark, 19 10, p. SgS et suiv.)ap. E. Sachs, p. i3.3. Hultsch ap. Pauly-Wissowa-Kroll, article Euclide, col. 1022.lleiherg (^orden-Gercke, Einleitung in die Alterlumswissenschaft, II,

    427) attribue ce scholie Pappus.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    22/280

    128 THTTEpseudo-aristotlicien sur les lignes inscables^ . Enfin ledernier historien de Thtte,M"^Eva Sachs, a pu soutenir queThtte tait, non seulement le fondateur de la thorie desirrationnelles, mais aussi le crateur de cette stromtriequi, au moment o Platon crivait le YP livre de la Rpu-blique, tait encore sa naissance'^.Je ne puis que laisser de plus comptents que moi lejugement sur le fond de ces questions d'histoire des mathma-tiques. Mais nous avons vu que l'argumentation, d'apparencepurement dialectique, de la seconde partie du Parmnide,s'inspire souvent de proccupations de cet ordre math-matique. Peut-tre ne sont-elles point totalement tran-gres au Sophiste lui-mme, qui, au non-tre, qualifi d'irra-tionnel (aXoyov), reconnat, pour la premire fois, une ralitsur laquelle se fonde la distinction des tres et l'intelligi-bilit de leurs rapports. Dans le Thlle, la troisime dfi-nition de la science entrane une discussion o le dbatporte encore sur l'opposition entre l'irrationnel inconnais-sable, fond de la ralit, et le tout, finalement exprimable ,dont cet irrationnel est le mystrieux et ncessaire lment.Il serait bien trange que Platon n'et pas vu et n'et pasvoulu ces correspondances. Soit adresse littraire crer,entre des questions mutuellement trangres, une continuitde formules et de style, soit plutt puissance de synthsed'un esprit pour qui le problme de la connaissance est unet identique dans tous les ordres de recherche, Platon a vrai-ment rattach le contenu propre de ce drame philosophique la personne et aux dcouvertes de celui qui ce drame estconsacr en souvenir pieux ^.

    .. ^. L'art avec lequel Platon sait rtablir laLa maieutique. ,. .. , . . i,, .,mcontinuit et maintenir 1 quilibre entreles parties diverses d'un vaste ensemble s'affirme encore dans

    1. La version arabe du commentaire de Pappus a t traduite enfranais par Woepke (Mm. prsents l'Acad. des Sciences de Paris,XIV, i856).

    2. E. Sachs, Die fnf platonischen Korper (Berlin, 1917), p 88-1 19,8. U. v. Wilamowitz (Platon, Bd I, p. 009) estime que la discus-sion philosophique n'a, dans ce dialogue, rien voir ni avec la per-sonne ni avec les tudes du Thtte historique.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    23/280

    NOTICE 129la liaison de ce large expos sur la maeutique avec le restedu dialogue. Les dernires paroles de Socrate en repren-dront, en un vif raccourci, les ides matresses pour achever,par la conception de la science dont la maeutique est lesymbole, l'encadrement de cette immense discussion. LeSocrate accoucheur des esprits, dont le rle n'est point d'in-troduire du dehors dans l'me une vrit toute faite, mais del'amener dcouvrir la vrit en elle-mme originellementprsente, est camp ici, dans un relief puissant, comme uneantithse et comme une rponse anticipe tous les mer-veilleux esprits d'aujourd'hui et d'autrefois qui viendront,l'un aprs l'autre, au cours de la discussion, apporter leursolution au problme de la science. Cette description de lamaeutique recueille et concentre toute une srie de traitsdisperss au" cours des prcdents dialogues, et Campbell ena dj not les pices diverses ^ Le mot de maeutique et toutle cortge de termes relatifs aux fonctions de la dli-vreuse apparaissent ici pour la premire fois. Mais le dis-cours de Diotime avait montr l'universel instinct qui poussetoute vie vers la gnration de la vie atteignant son but leplus' haut dans l'enfantement intellectuel, dans la conceptionde la vrit et de la vertu au contact de l'ternelle beaut^.La Rpublique avait dcrit l'lan progressif de l'Amour conti-nuant son ascension jusqu' l'union avec l'tre qui est ets'achevant dans la gnration de l'Intellect et de la vrit^.La Rpublique aussi avait proclam que le vritable ensei-gnement n'est point introduction dans l'me d'une connais-sance elle extrieure, mais rorientation de l'me, la foisaversion et conversion de tout son tre, loin de l'ombre os'agite le devenir, vers la lumire o resplendit la Forme duBien*. Le Phdre, enfin, avait oppos, toutes les rhto-riques savantes en procds, l'enseignement qui est ensemen-cement dans les mes de penses qui vivront et sauront sedfendre elles-mmes ^. Ce n'est pas inutilement que lamaeutique du Thite recueille ici tous ces souvenirs et nous

    1. Campbell, ad locum, p. 3o, 8.2. Banquet, 206 c et suiv.3. Rp., VI, 490 b et suiv.4- Ib., 5i8b.5. Phdre, 277 e-278 b.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    24/280

    i3o THTTElaisse entrevoir, avant les discussions sur la science, la rmi-niscence du Mnon et du Phdon. Platon sait que la conclu-sion de ces discussions sur la science sera purement ngative.Il l'a voulue telle. On ne dfinit pas plus la science qu'on nedfinit l'tre, dans une philosophie o la science vraie n'estque le contact de l'Intellect avec l'tre, o l'Intellect ne nat, vrai dire, qu'avec et par ce contact. Mais on peut dcrireles procds de cette psychagogie , qui oriente l'me versun contact de plus en plus intime avec l'tre, aprs l'avoirpurifie de toutes ses attaches avec ce qui n'est que l'ombreou la contrefaon de l'tre.

    IIILA DISCUSSION SUR LA SCIENCE

    Les grandes divisions sont nettement donnes par les troisdfinitions successives de la science : la science est la sensation(i5i e-187 b) la science est l'opinion vraie (187 b-201 d) la science est Vopinion vraie accompagne de raison (201 e-210 a).

    La discussion de la premire dfinitionPremire ^^^ ^, beaucoup la plus dramatique etExpos ' aussi la plus abondante, car elle tient36 pages d'Henri Estienne contre i4 etg

    pour les deux autres. Elle se divise naturellement en unepartie d'exposition (i5i e-i6o e) et une partie critique (i63a-187 b), spares par un petit entr' acte (161 a-162 c), quicommencera d'engager Thodore dans la discussion.

    L'exposition se fait en trois tapes. La rponse de Thtte :la sensation est la science, est, en effet, successivement assi-mile :

    1 A la thse de Protagoras : l'homme est la mesure detoutes choses (i5i e-i52 c). Celle-ci est dveloppe en par-tant des formules du Cratyle (386 a-386 e) et sera discuteavec des arguments esquisss dans ce dialogue. Mais le Cratylene faisait que traduire la formule de l'homme-mesure en for-mule de valeur individuelle absolue de la So;a : ce qui semble chacun lui est tel qu'il lui semble. Ici paratre est assi-

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    25/280

    NOTICE i3imile tre senti et, dans tout le domaine sensible, lasensation, identique la reprsentation affirmative qui latraduit spontanment (cj/^vTaata), est qualifie science etscience infaillible.

    2 A la thse dont cet enseignement public de Protagorasn'est que la formule exotrique : rien n'est, tout devient(i52a-i55 c). Translation et friction sont le seul fond dudevenir et de l'tre apparent. Gnration du feu et de lachaleur, qui sont source et foyer de vie ; sant du corps etprogrs intellectuel ; quilibre vital et branle ternel de lanature, symbolis par la chane d'or d'Homre, dvoilent,sous l'tre apparent, la continuit de ce devenir mobile.Application directe la thorie de la connaissance : relativitde la sensation. La couleur, par exemple, n'appartient ni ausujet qui la localise ni l'objet o il la localise : elle n'estque croisement essentiellement instable, individuellementoriginal, entre les deux mouvements dont objet et sujet nesont que les points de dpart momentans ^

    3** A la forme d'absolue relativit que prend cette thse dela mobilit chez les parfaits initis . Les non-initis sontralistes de rude corce qui ne reconnaissent l'tre qu' ceque leurs yeux voient et que leurs mains treignent : uneaction, une gnration, cela, comme tout ce qui ne se voitpoint, n'a point de part l'tre. Nous nous rappellerons que,d'aprs le Craiyle (386 e et suiv.), les irp^si, les actes sontune forme dtermine de ralit ('v zi sloo; twv ovt(ov); quela dtermination permanente et originale des natures d'actesse fonde sur la dtermination stable et propre de chaquenature d'tre ou forme et l'ternelle valeur d'exemplaire de

    I . La logique du sens commun est facilement embarrasse parl'exploitation ristique de ce mobile devenir : l'exemple des osseletset celui des changeantes relations d'ge, de taille ou de volume nousramnent aux subtilits ristiques du Parmnide et mme du Phdon.Noter la premire amorce, trs intentionnelle, de la grande digressionsur le philosophe, dont l'avantage le plus immdiatement visible serale loisir : w Tzavu tzoXXtjv a/oXrjv yovTe; (i54 e). L'tonnement deThtte et le mot sur la curiosit admirative, mre du savoir, four-nit comme un clair de repos avant le troisime expos. Mais Thau-mas, Iris, et le YvsaXoyev sont comme les premires notes de cegrand couplet d'allure cosmogonique.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    26/280

    i32 THTTEla forme en soi (aj-rb o sgtiv x?px:', 889 b). Les

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    27/280

    NOTICE i33Ni les supports ni le sens de cette relation action-passion nesont quelque chose de fixe. Rien n'est agent par soi, maisseulement dans sa relation et durant sa relation avec unpatient ; et si, entre deux termes donnes, le sens de la rela-tion n'est point dit rversible, il l'est au moins ds que l'undes termes change. Agent ici, patient l, le support n'est pasun tre dont le fond puisse porter successivement desrelations opposes. Il n'est mme pas, il devient sans arrtl'infinit mouvante de ces relations contraires. Le

    langagequi voudrait traduire correctement ce flux incessant devraitrussir bannir totalement le mot tre . Ainsi non seu-lement l'organe et la qualit, mais les agrgats dont sontfaites ces apparences de ralits concrtes, homme, pierre,se rsolvent en jeux de relations. Alors que les non-initisne voient que la chose et nient la relation, les initis divi-sent et mobilisent la chose en un flux de relations dontl'orientation mme varie incessamment. Qu'il ait trouv lathse acheve ou l'ait, soit construite, soit aide se cons-truire dans cette forme rigoureuse, Platon l'expose avec unecomplaisance visible. Il s'en souviendra plus tard et saural'utiliser, dans le Time, par exemple, pour sa thorie de lavision*.Un rappel bref de la maeutique (167 c/d). Aprs quoi l'onfait ressortir les avantages de la thse contre les objectionsvulgairement opposes l'infaillibilit de la sensation : lessonges, la maladie et la folie, toutes les illusions des sens. Ilne faut point dire qu'en un mme sujet deux sensations con-tradictoires ne peuvent tre vraies. Il n'y a point un sujet,mais, en chacun, une srie inGnie de sujets qui ne subsistentque par et que durant cette relation avec l'objet. Sujet,objet n'ont leur tre qu'en cette relation mutuelle. La nces-sit qui les noue l'un l'autre ne les noue rien d'autre, etne noue mme pas chacun d'eux soi-mme (160 b/c).On conclut donc ce triple expos en identifiant une der-nire fois les trois formules d'Heraclite, de Protagoras et deThtte : le flux universel, l'homme-mesure, la sensation-science (160 e).

    I. Time, /|5 b-46 a. Cf. J.-I. Beare, Greek thories oj elemcntarycognition, Oxford, 1906, p. 44 et siiiv.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    28/280

    i34 THTTELa critique est beaucoup plus dveloppeDiscussion. ,, ^ ... ,;, ' \. . '^\que l exposition, hlle se divise en quatre

    essais successifs, assez rgulirement spars par desentr'actes.Un mot de Socrate, la fin de la pause prcdente, n'est passans nous faire prvoir que ces essais de critique n'auront nila mme origine ni la mme valeur : Aucun argument nesort de moi ; je ne fais que recevoir ce qu'invente la sagessed'autrui.

    1 Le premier essai (i6i c-i68 c) est fait d'argumentspopulaires ou ristiques, variantes diverses d'une formule quijouera un grand rle dans ce dialogue : est-il possible de nepas savoir ce qu'on sait * ? La rponse est la grande Apologiede Protagoras (i66 a-i68 c). Oui, il est possible que le mmehomme sache et ne sache pas le mme objet. L'impressionactuelle est, en effet, tout autre que le souvenir d'uneimpression passe. Le sujet, surtout, n'est jamais le mme : ilest une infinit successive d'individus diffrents. Pour chacunde ces individus successifs, chaque sensation est individuelleet individuellement vraie. Et cela ne dtruit point les diff-rences entre les hommes ; car, s'il n'y a point diffrences devrit, il y a diffrences de valeur. L'tat d'une pense,comme celui d'une plante, n'est pas plus vrai que l'tat d'uneautre : il est seulement plus sain et plus utile. Le sage,laboureur ou mdecin ou orateur, est celui qui sait oprerl'inversion des tats, substituer, des dispositions, sensationset opinions pernicieuses, des dispositions, sensations et opi-

    I . Les arguments populaires s'adressent directement Thodore.Si tout homme est mesure, pourquoi pas le pourceau ? Si chaqueindividu est norme du vrai, quoi bon enseigner ? Rhtorique etdialectique deviennent galement ridicules. Et quelle extravaganceque cette galit de tous les hommes entre eux et du premier hommevenu avec les dieux I Thodore se soustrayant au dbat, c'est Prota-goras qui va rpondre dans une petite apologie . De tels argu-ments mlent la question les dieux, et, de leur tre ou non-tre,lui ne parle ni n'crit. Ils ne se fondent que sur la vraisemblance :la science de Thodore et de Thtte serait plus exigeante (162 e).Les arguments qui suivent sont nettement caractriss comme venantde disputeurs de mtier : audition d'une langue trangre, lecturede lettres inconnues ; exemple de l'homme qui, les yeux ferms, sesouvient de ce qu'il a vu ou de l'homme qui on ferme un il etqui, donc, voit et ne voit pas.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    29/280

    NOTICE i35nions salutaires. Pour la cit comme pour l'individu, le plusde vrit d'une opinion ne veut dire que son plus de valeur.Cette thorie de l'inversion des tats se donne ici comme uncho direct de la pratique claire, soit des agriculteurs, soitdes mdecins. L'Eryximaque du Banquet a, sur le rle dumdecin, la mme thorie : il doit savoir d'abord discerner,puis invertir*. Il n'y a qu' parcourir Littr pour percevoirle rle que jouait la ^zTxooAq et l'vTtjxeTaoXri dans la pra-tique et la littrature mdicales ; le Trait du Rgime dans lesMaladies aigus polmique chaque instant contre certainesmanires de comprendre ce changement que doit pro-duire le mdecin ^. Mais peut-tre Platon s'est-il beaucoupmoins servi de la littrature mdicale que de la littraturedes latrosophistes : l'Apologie de Protagoras a sa source laplus probable dans les crits mme de Protagoras ^. CetteApologie

    se termine par une exhortation pratiquer plushonntement la discussion dialectique, si l'on veut que lesgens qu'elle rfute s'en prennent, non celui qui la conduit,mais eux-mmes : allusion directe YApologie de Socrate(i4^ c/d) et rapide indication des effets salutaires de la rfu-tation, dont profitera largement le Sophiste (2^0) ^ .

    2 Le second essai (170 a-172 b, 177 d-179 c) discute lathse de l'homme-mesure. La discussion portera, non sur lavrit absolue de toute sensation, mais sur la vrit absoluede toute opinion. C'est la od;a qui vient au premier plan.

    a) La croyance commune est que la sagesse est pensevraie (rrjv asv ao'^iav XY|6fi Sivoiav), et que l'ignorance estopinion fausse (']/euoY| ooav). Accepter la thse de l'homme-mesure est donc dire que mon opinion est vraie pour moi etfausse pour les autres (170 e). 6) Si la multitude pense,sur le principe de Protagoras, le contraire de Protagoras,autant le nombre de ses contradicteurs surpasse celui de sespartisans, autant de fois sa Vrit est inexistante, c) Protagoras,par son principe, accorde que l'opinion de ceux qui contre-disent la sienne est vraie ; eux regardent son opinion comme

    1. Banquet, 186 d : 6 otayiyvw^xtov... xa {xstaSXXetv tzoiv.2. Voir Hippocratc (Littr) II, 279, 3o3 et tout le trait, p. 2i4 377.3. Cf. Revue de Philologie. XXXVII, i, p. 68-69.4. Cf. aussi Protagoras, 336 b.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    30/280

    i36 THTTEfausse, leur opinion comme vraie : donc la Vrit de Prota-goras n'est vraie, ni pour les autres, ni pour lui-mme (171c).L'appel la distinction commune entre sages et non-sages,renouvel ici du premier essai, tait dj dans le Cralyle(386 c/d). Le dernier argument nous est donn, par Sextus(adv. math. VII, SSg-Sgi), comme commun Platon et Dmocrite, dans leurs objections Protagoras . D'ailleursPlutarque (adv. Colot. 4, p. 1108 F) nous parle des nom-breuses et convaincantes objections que Dmocrite auraitce crites contre Protagoras. VEathydme de Platon a dj dit(286 c) que soutenir, avec Protagoras, l'impossibilit de direfaux,. c'est en renversant tous les autres, se renverser soi-mme . Platon laisse d'ailleurs assez bien entendre l'ori-gine composite de cette rfutation, et l'ide que Dmocriteserait, ici et dans \'Euthydme , une de ses sources au moinsindirectes, n'est nullement absurde en soi*. Mais la rfuta-tion n'est point regarde comme galement valable en toutesses parties. On en retient que, d'aprs tous, il y a sages et non-sages ; que le premier venu n'est point son propre mdecin \que, si, chaque cit, ce qu'elle dcrte juste est juste, ce quechaque cit croit et dcrte utile ne lui sera pas ncessaire-ment utile (172 b).Au moment o s'amorce cet argument sur le a futur , laremarque sur la longueur de la discussion et l'observation deThodore nous avons loisir ^ introduisent la grandedigression sur le Philosophe en face des sages de ce monde(172 C-177 c). Les sarcasmes de Callicls dans le Gorgias contrela vie inutile et impuissante des philosophes (482 c-486 d)sont ici transposs en loges de la vie philosophique. D'undialogue l'autre, les deux couplets s'opposent et se balan-cent mme pour leur tendue matrielle. Mais nous retrouve-rions, disperss dans la Rpublique, peu prs tous les dtailsque Platon assemble dans cette grande antithse du Thtte : lagaucherie du philosophe, qui el rend ridicule dans les cours dejustice et dans toutes autres runions publiques (Bp. 517 d),l'lvation de sa pense au-dessus du cercle troit de la cit(496 b), les mes tordues et rabougries que produitl'habitude des sciences et techniques vulgaires (AqS d/e),

    1. Cf. Brochard, Protagoras et Dmocrite (Etudes..., p. 82 et 33).2. Thtte, l'ji c.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    31/280

    NOTICE 187l'opposition des deux paradigmes (5oo d/e). Les expriencespersonnelles de Platon ont d nourrir le fond de penses d'osortent ces oppositions du sage aux habiles de ce monde. Maisle point de dpart historique en est toujours le procs mal-heureux de Socrate. Il n'est pas juste de dire que le prsentpisode manque produire tout son effet parce que Platon aattendu la fin du dialogue pour nous mettre en prsence del'accusation de Mitos : depuis les premires lignes du pro-logue, la pense de la mort prochaine de Socrate plane surcette libre causerie de philosophie entre Socrate et Thttesans en troubler ni la srnit ni le tranquille loisir *.Mais U. von Wilamowitz a raison quand il conjecture quele dialogue Le Philosophe et achev la peinture du sagequ'esquisse l'pisode du Thtte,^ et peut-tre est-il permisde penser que ce dialogue, o Socrate serait venu, au len-demain de son procs, nous donner la dfinition du philosophe,et t, sur le plan nouveau o nous place la ttralogie,comme le pendant du Phdon.La discussion ne pouvait se renouer sans un bref rsum.L'affirmation que toute opinion individuelle est vraie ne peutplus 'se soutenir quand on considre le futur. De ce qui est,chacun a le critre en soi-mme. Mais de ce qui sera, le com-ptent est le seuljuge: mdecin, musicien ou cuisinierou, commeProtagoras, matre de persuasion judiciaire . Reste doncl'impression individuelle actuelle, source et des sensations etdes opinions, contre laquelle, sitt qu'elle est, on n'a plusgure de prise. Il faut donc faire l'examen de cet tre fuyant.3 Le troisime essai de critique (179 c-i8/i b) portera doncsur la thse du mouvement universel. C'est l'occasion d'unlarge parallle historique, a) Les tenants les plus vigoureuxde cette thse sont les Hraclitiens. Hermogne se plaignaitdj que Gratyle ne voult jamais donner de rponse termeet n'employt, comme procd de discussion, que l'ironie(384 a). Le Socrate du mme Cratyle rattachait dj cettephilosophie de la mobilit, accepte par la plupart des

    1. U. von Wilaraowitz trouve que la mention du procs est sou-dainement jete dans cette conversation, dont on ne nous a point dit,par ailleurs, quel moment elle se tient . (Platon, Bd II, 281)1Mais cf. Thteie, i^a c.

    2. Ibid., p. 235.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    32/280

    i38 THTTEsages d' prsent (44 1 b), aux cosmogonies antiques. Rha^Kronos, l'Ocan et Tlhys, taient les sources mythiques dece flux universel. Homre, Hsiode, Orphe en taient lespremiers chantres (4o2 b/c). Les philosophes qui le pr-naient taient dpeints comme attirs eux-mmes dans le tourbillon o ils prcipitaient les tres (439 c). Platonramasse ici, dans le raccourci puissant de ce troisime essai,et ces formules parses et la sinueuse discussion du Craiyle.6) Contre cette mobilit essentielle, prne par des gens quin'ont pas plus d'arrt dans leur pense qu'ils n'en admettentdans les tres, se dressent les Mlisse et les Parmnide. Poureux, tout est un et se tient immobile en soi-mme, n'ayantpas de place o se mouvoir . Parallle qui se donne commel'amorce d'une discussion exhaustive. Mais la suite imm-diate montrera qu'il n'est ici que pour achever le cadre his-torique et pour marquer les points d'attache de la discussionprsente aussi bien avec le pass qu'avec l'avenir. La discus-sion de l'latisme n'est que diffre : elle se fera dans leSophiste. On ne rfute ici que la thse de la mobilit.Le mouvement est altration ou translation. Or, quand ondit que tout se meut, et qu'on entend par l carter de l'tretout ce qui le stabiliserait de quelque manire que ce soit, onest bien oblig de dire que tout se meut de ces deux espcesde mouvements la fois. L'tre qui se dplacerait sans s'alt-rer garderait encore, en son fond intime, une stabilit. Doncl'altration doit tre aussi universelle, aussi continue que latranslation. Or, s'il n'y avait que celle-ci, on pourrait encoredire que ce qui s'coule s'coule tel ou tel. Mais toute qualit,couleur ou autre, tant elle-mme mobilise, rendue inces-samment fluente et fuyante, il n'y a plus nulle part d'objet ;et, dans le sujet, divis lui-mme en une infinit de consciencesinstantanes, aucune sensation n'a le temps de se poser qu'elleest dj devenue autre. Dire que la sensation est science estne plus rien dire. Ne rien dire est d'ailleurs la seule ressource,car dire ainsi , dire pas ainsi serait poser un tat lo il n'y a qu'un flux. Un mot vague, pas mme ainsi ,traduirait peut-tre cette indtermination essentielle.

    Avant le quatrime essai , un entr'acte ( 1 83 c- 1 84 b) : Socratene se rendra point la prire de Thtte et ne discutera pointla thse de Parmnide. Plus que tous autres partisans del'unit immobile, Parmnide est vnrable et redoutable.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    33/280

    NOTICE 189C'est le souvenir qui reste Socrate de la conversation qu'ileut, jeune, avec le vieillard Parmnide. A vouloir pntrerses profondeurs sublimes , on risquerait de n'en com-prendre ni la lettre ni surtout le sens. Discuter sa thse seraits'exposer une irruption turbulente d'arguments , souslaquelle disparatrait la question prsente, dj si complexe.On ne pouvait mieux rappeler l'ocan d'arguments duParmnide, ni la difficult de cette argumentation dialectique.

    4 Le quatrime et dernier essai (i84 b-i86 e) est encoreintroduit par un rappel de la maeutique : Platon multiplieainsi les fils qui relient, cette discussion toute ngative,sinon sa dfinition positive de la science, au moins sa con-ception de la vrit prsente l'me. Ici, prcisment, quelquechose de positif est atteint par la considration du pouvoirsynthtique de l'me. Les sensations ne sont point assises ennous, une par une, comme les guerriers d'Homre dans lecheval de bois. Il y a, en nous, un centre, dont les sens nesont que les instruments ou organes, et dont la fonction est depercevoir les sensations isoles transmises par chaque organe,de les comparer, d'en dgager les caractres communs ^tre et non-tre, ressemblance et dissemblance, identit etdiffrence, unit et tout nombre, tous ces communs n'ontpoint, comme les sensibles, d'organe propre : c'est l'me quiles peroit, les compare et en tire les infrences ncessaires.Les impressions sont communes l'homme et la bte. Mais les raisonnements sur les impressions en leur rapport l'tre et l'utile ne se forment qu'en l'me. Encore tousn'en sont-ils point capables : il y faut temps, labeur et du-cation . La considration de l'utile relie ce quatrime essaiaux deux premiers et spcialement l'argument sur lefutur. Ce concept de l'utile a t, au moins une fois, dans lesecond essai, subordonn au concept gnral de bien (177 d).Aussi voyons-nous ici reparatre, sous le nom de communs ,la double srie qui apparaissait dans le Parmnide sous le

    I. Sur les rapports de ce passage du Thtete avec la thorie aris-totlicienne du sensus communis, cf. J. Beare, Greek thories ofelementary cognition, p. 260-263. Les objets de ce sens communsont, chez Aristote, eiactement parallles aux xotva de Platon etle passage du Thtete a trs bien pu suggrer Aristote l'ide decette facult spciale (p. 262).

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    34/280

    i4o THTTEnom de formes : d'une part concepts de valeur comme le beauet le laid, le bien et le mal {Thi. i86 a, Parm. i3o b) ;d'autre part concepts proprement dialectiques ou mtaphy-siques, tre, ressemblance, diflrence. Ce sont de tels com-muns que l'me directement considre et compare en sonraisonnement, se demandant ce qu'ils sont et quel est leurrapport mutuel. Les impressions ne sont que l'occasion decette confrontation. Ce n'est donc point en elles qu'est lascience : l'me n'y touche jamais l'tre ni la vrit(i86 d) ; elle n'y touche que dans cette perception et cettecomparaison des communs , car l elle travaille direc-tement sur les ralits (-ept xol ovxa, 187 a). Reste savoircomment doit s'appeler cette opration de l'me*.

    Si Thtte traduit tout de suite cet actehnmon. ^ ^'^"^ P^^ ^"^^^ (Boi^stv) et dfinitspontanment la science par l'opinion

    vraie, c'est qu'il se rfre naturellement la croyance com-mune, dont la formule tait, ds le dbut du second essai : lasagesse, c'est la pense vraie, et l'ignorance, c'est l'opinion fausse(170 b). Bien que le rapport de la pense et de l'opinion doivetre l'objet, dans la prsente dfinition, d'une fine analyse quiposera les bases psychologiques de la thorie logique du dis-

    I. Mme pour qui voudrait lire, dans cette page du Thtte, unesolution dfinitive du problme de la science, cette solution seraitdonc assez mal traduite dans la phrase de Lutoslawski : La con-naissance n'est plus conue comme simple intuition d'ides prexi-stantes, mais comme un produit do l'activit de l'esprit (Plato'sLogic, p. 375). Ces ides ou formes ou ralits prexistantes n'taientatteintes, dans le Phdon, que par un travail de l'esprit, T(o zr^ Sta-voi'a AoYiaa) (79 a), et l'me, ici, travaille encore sur des rahtsqu'elle ne dcouvre qu'au prix d'un long effort et dont elle s'efforcede dgager les relations mutuelles. Cette page du Thtte ne donneni n'exclut la traduction mtaphysique du travail de l'me sur les communs . D'ailleurs cette description du travail direct de l'mesur les ralits n'est, si profonde qu'elle soit, qu'un moyen. Elle aprouv subjectivement, du point de vue de la connaissance, ce quele troisime essai avait prouv objectivement, du point de vue del'tre : la sensation n'est pas la science. Mais elle s'est arrte l'as-pect discursif de la connaissance, pour que le jeune Thtte pt tra-duire cette discursion en o^a,

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    35/280

    NOTICE ilxicours , la 8o;x garde encore ici son sens de connaissance depure opinion. Le Soof^siv ici dfini n'a point rompu ses attachesavec les nombreux BoaJ^s'.v de la premire partie. Nous le tra-duisons en franais par juger, faute de hardiesse revenir ausens foncier de notre moi opiner^. Mais il n'y a aucune raisonde ne pas garder, la 'i;a, son sens d'opinion. C'est en cesens, d'ailleurs, que sera pris nettement le ooctv produit,dans l'esprit des juges, par l'loquence purement persuasive,nullement instructive, du rhteur plaidant : opinio ex auditu.se substituant la scientia de visu. Comme la dfinition n'at prise qu' la croyance commune, il n'y a pas besoin defaire appel, pour la rfuter, d'autres critres que le senscommun et l'exprience commune (201 b/c). Il est donc assezinutile de penser que Platon accorde ici une valeur toute nou-velle l'exprience, ou mme de dire, avec Apelt, que Platoncontredit ici ou, tout au moins, nglige la dmonstration faitepar lui que la science n'est pas la sensation^. Si l'on se donnepeu de peine pour rfuter la seconde dfinition de la science,c'est qu'elle est peu profonde et qu'elle n'est, vrai dire,amene que pour permettre de poser le problme de l'erreur.C'est, en elfet, la discussion de ce problme qui constituel'objet propre de cette seconde section. Celui qui dfinit lascience par l'opinion vraie doit au moins pouvoir dire en quoiconsiste et comment se produit l'opinion fausse^.

    1 . Arnaud, dans sa lettre au P. Mersenne, emprunte saint Augus-tin sa distinction entre entendre, croire et opiner, et emploie encore cedernier mot dans son sens actif. Cf. uvres de Descartes (Adam-Tannery), IX, p. 168.

    2. Platons Dialog Thealet, p. 182.3. La ngation de cette possibilit de juger faux tait inclusedans la thse de l'homme mesure, dont la traduction ordinaire tait,dans notre premire partie : toute opinion individuelle est vraie. Le

    Cratyle connaissait cette ngation comme une thorie trs rpandueet trs vieille (^29 d) et s'en tait servi, ds le dbut, pour introduirela thse de Protagoras (385). Elle s'appuyait sur le principe : on nepeut dire sans dire ce qui est (A29 e-/i3i). Les sophistes de VEuthy-deme avaient mani l'objection sous deux formes : on ne peut parlersans dire quelque chose de dtermin, donc quelque chose qui est,et qui dit l'lre ou les tres dit vrai ; ce qui n'est pas ne peut trel'objet d'aucun acte, donc ne peut faire l'objet d'aucune propositionlogique. Socrate ne rpondait alors que par l'objection prsente

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    36/280

    i42 THTTELa division est indique ici par les deux points de vue suc-

    cessifs auxquels se place la discussion. On peut considrerl'erreur dans ce que nous appellerions la pense claire : onngligera le fait d'apprendre et d'oublier, donc on laissera dect tout ce qui est pense infrieure ou confuse et l'on poseraqu'entre savoir et ne pas savoir, il n'y a pas d'intermdiaire.Alors 1 subjectivement, on ne pourra confondre une chosequ'on sait avec une chose qu'on sait, ni une chose qu'onignore avec une chose qu'on ignore, ni une chose qu'on saitavec une chose qu'on ignore ou inversement (i 88 a- 188 c) ;2 objectivement, on ne peut confondre ce qui est ni avec cequi n'est pas, car penser ce qui n'est pas, c'est ne pas penserdu tout ; ni avec ce qui est, auquel cas l'erreur serait substi-tution d'tre tre dans l'opinion (allodoxie). La pense n'est,en effet, qu'un dialogue, une discussion de l'me avec elle-mme, et l'opinion n'est que le formul d'arrt de ce dbat(190 a). Que deux termes soient prsents simultanment dansce champ de conscience claire de l'me que reprsente ledbat intrieur de la otavota, jamais l'opinion laquelle abou-tit ce dbat ne pourra prendre l'un pour l'autre. Encore moinssi l'un seulement des termes est prsent. L'opinion fausse necomme populaire dans notre premier essai(^A^ 1 6 1 e) : pourquoidoncenseignez-vous ? (^Euthyd. 284 a-287 a). Mais les deux sophistes don-naient dj, du savoir, une dfinition qui sera corrige ici : savoir,c'est avoir la science (277 b). Enfin leur question : apprend-on cequ'on sait ou ce qu'on ne sait pas ? (276/277 a/b) contenait en germela fameuse difficult : peut-on ne pas savoir ce qu'on sait? Nousl'avons vue se rpter sous diverses formes dans le premier essai{Tht. i63-i66). Ce sont les mmes difficults, objectives (tre et non-tre), ou subjectives (savoir et non-savoir), que nous retrouverons ici.Mais les difficults sur le non -tre ne seront discutes bien fond quedans le Sophiste. Bien que groupant ces difficults objectives d'unefaon plus complte et plus claire que VEulhydhne ou le Cratyle, leThtte dveloppera surtout les difficults subjectives, et le motifconducteur de cette longue discussion sera toujours la fameuse ques-tion : peut-on savoir ce qu'on ne sait pas et ne pas savoir ce qu'onsait ? Ce dbat sur l'erreur dans le Thtte a fait l'objet de maintesdissertations. Mais nulle part la teneur essentielle n'en a t dgageplus clairement ni la porte logique et mtaphysique plus sobrementdfinie que dans la thse du matre franais, Brochard (De l'Erreur,2 d. Paris, 1897, P* 16-20).

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    37/280

    NOTICE i4Speut donc tre dfinie comme mprise, allodoxie ou htro-doxie (188 d- 190 e).

    Mais on peut aussi considrer l'erreur dans une me ol'on a de nouveau introduit la mmoire et l'oubli. On sereprsentera alors la conservation du souvenir par deux imagessuccessives, i Le bloc de cire et ses empreintes passeront dansla littrature courante de la psychologie, mais les premierslivres nous connus qui les utilisent sont le De Anima et leDe Memoria d'Aristote^ Que ceci soit une satire, le cliquetisdes oppositions multiplies entre chose qu'on sait ou qu'on nesait pas, sensation actuelle et empreinte, sensation conforme l'empreinte ou non conforme l'empreinte nous le prouveraittout seul (192-194). La description des curs velus, des curssecs et des curs humides n'est certainement pas moins sati-rique, encore qu'une longue accoutumance ces explicationsmatrielles nous rende la satire moins sensible (19/4 a-195 b.)Platon en affirme d'ailleurs nettement la provenance trangre(194 c). Le gain qu'elles permettraient serait de pouvoir direque l'opinion fausse n'est ni dans les sensations en leur rap-port.mutuel, ni dans les penses, mais bien dans l'ajustementde la sensation la pense (196 c). Alors on ne devrait paspouvoir confondre entre eux deux objets connus seulementpar la pense. C'est pourtant ce qu'on fait quand on se trompedans les nombres. 2 Puisqu'on est contraint, mme dans cemoment o l'on veut dfinir la science et o l'on ignore cequ'elle est, de se servir continuellement du mot science ,on va corriger la formule vulgaire (cpaatv) : savoir est avoir lascience, formule qui tait celle des sophistes de VEuthydmeprobablement parce qu'elle tait courante. On va dire quesavoir est

    possderla science. Une fois acquise, on la possde l'tat de souvenirs qui voltigent dans la mmoire commedes colombes dans un colombier. Quand on les veut reprendre

    pour les avoir, on se trompe : on prend la vole un souve-nir pour un autre. Mais les consquences de cette explicationsont absurdes. Si Terreur vient d'une substitution de science science, c'est la prsence de la science qui nous fait errer.

    I. Application de la thorie des empreintes aux qualits de lammoire : De Mein. 4^9 b 3o-45o a Sa. Simple comparaison de lasensation avec l'empreinte d'un sceau : De Anima ^24 a 19.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    38/280

    i44 THTTESi, pour viter que l'effet de la science soit de nous faire igno-rer, nous mettons, dans le colombier, ct des sciences, desnon-sciences, nous nous engagerons dans une voie sans fin :ces sciences et non-sciences seront objets de sciences nouvelles,qu'il faudra pourchasser en quelque nouveau colombier.Puisque, d'ailleurs, l'exprience journalire des tribunauxmontre que l'opinion vraie se produit sans la science, laseconde dfinition ne peut tenir.

    Platon n'a point oubli de nous direroisi me ^ j^^ bruits des discussions philoso-deiinition. ^ . 111phiques venaient souvent troubler, dansson gymnase, les tudes gomtriques de Thtte. Celui-ciconnaissait les questions habituelles de Socrate sur la science,s'tait essay souvent les rsoudre lui-mme, en avait oudonner des solutions qui ne l'avaient jamais satisfait (i48e).Puisque les dfinitions qu'il a prsentes, d'ailleurs sans dogma-tisme bien assur (187 b), ne peuvent tenir, il proposera uneautre dfinition, qui lui revient maintenant en mmoire: lascience est Vopinion vraie accompagne de raison. Le lecteurhabituel de Platon s'attend presque ici avoir Thtte sourireen regardant Socrate, comme souriait Gharmide en regar-dant Gritias ; car Platon n'a pas ignor combien de pas-sages de ses dialogues une telle dfinition ferait penser. Ilveut pourtant paratre l'ignorer, et les formules discutes icictoieront parfois de si prs les siennes que beaucoup de cri-tiques ont cru une palinodie, mais il les dmolit avecentrain sans jamais avoir l'air de sentir qu'il s'attaquerait ses propres principes.La thorie particulire ici expose regarde, en fait, la rai-son comme une explication analytique. On peut fournir laraison d'un tout en le dcomposant en ses constituants pre-miers. On ne pourrait fournir pareille raison de ces consti-tuants premiers qu'en les considrant, leur tour, comme destouts dont on sait retrouver les parties composantes. S'ilssont absolument premiers, ils sont la limite o toute analyses'arrte, ils sont donns et non pas simplement postuls, carla sensation les atteint. Ils sont distingus les uns des autres,car ils sont nomms. Mais ce nom est leur seule marque dis-tinctive : aucune dtermination logique, mme celle d'tre,ne leur convient. Bien que reconnaissables, ils sont donc

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    39/280

    NOTICE i45inconnaissables, inexprimables en une raison, car la raisonne nat que par l'agencement de plusieurs noms. Ils sontdes lments, des lettres dont se forment les composs ousyllabes. Celles-ci, par contre, sont connaissables, expri-mables, et c'est l'opinion vraie qui exprimera leur raison.Il tait facile Platon de jouer avec les sens multiplesdu mot Xdyo. Nous n'avons gure, en franais, d'autremot qui puisse se prter, sans qu'on le torture par trop, toutes ces combinaisons de sens, que le mot raison ausens gnral o l'emploient les philosophes et surtout lesmathmaticiens du xvii sicle. La raison est ici, manifeste-ment, la manire dont une chose en contient d'autres ,A l'tat dvelopp, reproduisant le nombre et l'arrangementdes composants, elle est raison encore ou dfinition, toujoursXoyo, et, comme ces composants n'ont que leurs noms pourmarques, ne sont que des noms, la raison est un entrelace-ment de noms (202 b). Ainsi la langue philosophique et lalangue mathmatique demeurent mles en cet expos, quiprsente les lments comme dpourvus de raison ou irra-tionnels (a)vOY3c) et les syllabes comme pourvues d'une raisondvelbppable, donc comme exprimables (py)Tat).

    Il est difficile de ne pas se rappeler ici que le Socrate duCraiyle avait expos une tout autre conception et du Xoyo; etde la connaissance dont sont susceptibles les lments ou(jToi/cTa. Il avait bien commenc (385 c) par ne considrer,comme partie lmentaire du Xoyo, que le nom ou ovojxa etreconnatre mme, cet lment, une possibilit de vrit oufausset que le Sophiste n'acceptera plus. Mais il n'avaitpoint laiss de se corriger en tablissant plus loin (425 a) quele Aoyoc, raison, dfinition ou discours, tait compos, nonseulement du nom, mais aussi du verbe ou prdicat (pf^aoc) :c'est sous cette forme que l'utilisera le Sop/i/s/e pour montrerla possibilit de l'erreur dans le discours. D'autre part ilavait vu que l'explication tymologique remonte forcmenta des noms qui sont comme les lments des autres noms etdu discours et que l'on ne peut plus considrer comme com-poss d'autres noms {l\22 a). Mais, de ces noms lmen-taires, il cherchait et trouvait encore une explication, uneraison. Pour cela, il les dcomposait, vrai dire, en de nou-veaux lments ou lettres. Mais ces lettres, indcomposableset derniers lments, avaient encore, chacune, une vertu

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    40/280

    1^6 THTTEpropre et connaissable. On ne la dterminait que par undtour, par le recours la puissance imitative du geste. Lavertu propre de ces lments leur venait donc de leur naturemimtique : chaque lettre devenait comme un mime vocal ,et le rle de l'r, de l'I, de l's tait tudi avec un humourauquel se mlait beaucoup de srieux (42 2-42 7). Enfin les syl-labes paraissent bien, dans notre expos, n'tre exprimablesqu' la condition de possder une raison exacte et de nombre nombre . Or le Thtte devant qui on rfutera cette thorieest celui qui a introduit, dans la mathmatique contemporainede Platon, l'ide que certaines grandeurs incommensurablessont encore exprimables : elles ont une raison que notrexvii'' sicle appellera sourde ^ Que Platon ait trouv leprsent expos tout fait chez Antisthne ou chez tout autre,ou bien qu'il l'ait reconstruit avec une certaine libert, lathorie qui s'y prsente devait, en tous cas, tre envisagepar lui comme retardataire aussi bien en sa conception del'irrationnel qu'en sa conception du rapport de l'lment lasyllabe.Dans sa teneur gnrale, elle est rfute par un raisonne-ment dialectique o Platon reprend les distinctions subtilesdu Parmnide(^il\b-ili']j 167 b-i58 b) sur le tout-somme, letout unit rsultante, la partie et la totalit des parties. Cesdistinctions reviendront souvent dans Aristote, et SextusEmpiricus les utilisera jusqu' puisement^. La syllabe estou bien la simple somme des lments, ou une forme uniquersultant de leur assemblage. Si forme unique, elle doit treindivisible. Elle ne sera donc pas plus connaissable queles lments. D'ailleurs l'exprience prouve que, dans lagrammaire, dans la musique et dans toutes autres sciences.

    1. Cf. Tht. 1^7 c-i 48 b, et comparer, par exemple, le scholie la prop. II du livre X d'Euclide (JEaclidis Elementa, Heiberg, V,p. 439-442) avec Nouveaux Elments de Gomtrie, Paris, Savreux,1667, p. 28. Le mot surdus est employ, ds la fin du xii^ sicle, parGrard de Crmone (P. Tannery, dans Encyclopdie des Sciencesmathmatiques, I (1904), p- i38, note 22).

    2. Cf. pour la solution donne ici par Platon, Arist. Met. io43a, 29 io44 a, i5 ; pour les apories sur partie et tout, Phys. i85b, 11; Top. i5o a, i5-2i etcj Sextus. Adv. math., IX, 33i-358,Hypotyp., III, 98-101, etc.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    41/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    42/280

    148 THTTEcomposition du Thile comme postrieure l'anne 869. Lafaon dont nous avons compris les indications du prologuenous autorise peut-tre utiliser ainsi, au point de vue chro-nologique, le combat prs de Gorinlhe, malgr les objectionsforniules par h, Gomperz*. Gela nous dispense en revanched'entrer dans les discussions sur l'allusion aux pangyriquesroyaux composs du temps de Platon (174 a- 176 b).En tout cas, les rcents travaux sur Isocrate n'ont pointdplac la date limite, 870, fixe jusqu'ici pour Vvagoras,qui fut, d'aprs Isocrate, le premier pangyrique en prose l'adresse d'un contemporain^. Drerup a rpondu aux doutesmis par U. von Wilamowitz et repris par H. Kaeder surle bien-fond de cette prtention d'Isocrate ; l'allusion duThlte aux pangyriques de rois ne pourrait donc que confir-mer les conclusions tires du prologue ^. La plaisanteriecontre les gens qui se vantent de leurs vingt-cinq aeux(175 a/b) ne se prte gure une utilisation chronologique,et Rohde n'a pas t suivi dans son effort pour l'interprteren allusion, soit Agsilas de Sparte (371), soit son filsArchdamos (36 1). Mais, une fois admis que le Thile estpostrieur 869, resterait savoir s'il a prcd ou suivile second voyage de Sicile (367). La question, parfois si dog-matiquement rsolue, ne peut tre regarde actuellementcomme tranche. Si le Thile a d tre conu, en sa formelittraire actuelle, peu aprs 869, aucune raison dcisive nes'oppose ce qu'il ait t achev et publi seulement aprsle voyage de Sicile*.

    2 Le mode de composillon. On ne peut s'empcher d'trefrapp par la diffrence qui existe, au point de vue drama-

    1. Th. Gomperz, Les Penseurs de la Grce (trad. A. Reymond),II, p. 577, note I.

    2. Th. Gomperz, ibid. ; Isocrate, Or. IX, 58; Mnscher, Isokrates,dans Real. Encycl., IX, 2 (19 16), col. 2 191.3. E. Drerup, Isocratis Opra, I, p. cxliii.4. L'tat d'esprit que suppose l'pisode du Thlte (172 c-177 c)a t interprt et utilis en des sens trs opposs. Pour Lutoslawski,

    le dcouragement qui s'y manifeste fait cho l'chec de Platon enSicile. Pour Th. Gomperz, Platon ne pouvait, aprs ce second voyage,manifester un tel mpris pour la politique sans qu'un dmenti siprompt cette dernire entreprise l'expost la raillerie.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    43/280

    NOTICE i4^tique, entre la premire dfinition et les deux autres. Ce con-traste a conduit U. von Wilamowitz l'hypothse suivante.Le dialogue tout entier aurait t, d'abord, bti l'tatd'esquisse : la discussion entire tait construite, dans cetteesquisse, sur le plan et dans la forme de style que nous montreencore la seconde partie. Discussion purement doctrinale,d'ailleurs ; schme approfondi au point de vue pense, maisattendant encore la vie que lui donnerait la transformationen dialogue dramatique. Il est naturel que Platon ait pu oud btir de pareils schmes avant mme de songer en faireune uvre pour le public. La mort de Thtte survint, quivalut au dialogue ses personnages et aussi la beaut drama-tique de toute la premire partie. Mais Platon n'eut pas letemps de finir ce travail littraire : press de partir pour laSicile, il laissa la seconde partie son tat d'esquisse etpublia le tout. Au point de vue dramatique, le dialogue ett complet si Platon l'avait coup 187. Mais il tenait donner toute la discussion sur la science ^ Une telle hypothseest certainement sduisante. Mais on a cru, pour de pareillesraisons, que le Parmnide actuel tait une uvre inacheve et,pourtant, il est vident que Platon l'a voulu tel que nousl'avons. Nous avons vu que la seconde partie du Thttetait probablement, en plusieurs passages, un pastiche, et noussavons que Platon a toujours eu une certaine prdilection pourles morceaux purement dialectiques, lesquels sont aussi desiBuvres d'art leur faon. Enfin une observation toute mat-rielle est faire : la digression sur le Philosophe coupe, endeux moitis presque exactement gales, l'tendue actuelle denotre dialogue (p. i42 p. 173, p. 177 210). Elle sembledonc bien avoir t place juste l'endroit voulu pour qui-librer ces deux tendues de texte, et si elle a t crite dans letemps o Platon achevait littrairement sa premire partie,c'est donc qu'il n'aurait pas eu, ce moment, l'intention derien changer la seconde. Nous ne pouvons gure savoir sile public pour lequel Platon crivait alors n'a pas autantapprci la seconde partie du Thtte que la premire etn'a pas trouv, ces disputes logiques, autant de charmesque nous en trouvons la lutte oratoire avec Protagoras.

    I. Platon, Bd II, spcialement p. 235.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    44/280

    i5o THTTEPremire dfinition. i Que l'exposL'arrire-plan doctrinal soit construction de Platon ethistorique . i x i . i>

    du Thtte. "^"^ simple traduction d un systme exis-tant, Platon nous le dit lui-mme claire-ment quand, pour conclure, il en numre rebours les picescomposantes : le flux universel d'Homre, d'Heraclite et deleurs suivants; l'homme-mesure de Protagoras ; l'identifica-tion, faite ici par Thtte, de la sensation la science. Lapremire tape de l'expos est dj construction. La seconde,par un tour frquent dans Platon, suppose un enseignementsecret de Protagoras identifiant sa thse de l'homme-mesure celle du tout se meut . Elle dessine dj, dans ses grandeslignes, le systme que construit si vigoureusement la troisimetape. Souvenirs des cosmogonies, inductions de sens com-mun que faisait dj le Cratyle sur les distinctions de vitesseinhrentes la notion de mouvement, jeux de mots familiersau lecteur de Platon, ont servi construire le bti mtaphy-sique sur lequel s'tablit, dans cette troisime tape, la thorierelativiste de la perception. Chercher mettre un nom prcissous une thorie ainsi construite est donc un peu lartrcir indment ^ Platon synthtise ici des tendancesautant et plus encore peut-tre que des doctrines. Savoir qui il a pris les lments de cette synthse et jusqu' quelpoint d'laboration certains de ces lments avaient pu tredvelopps dans les thories ou les bauches de thorie qu'iltranspose serait le vrai problme, mais d'autant plus difficileque les exposs postrieurs qui nous prsentent de pareilstraits dans les doctrines contemporaines de Platon risquentfort d'avoir t contamins par l'expos mme du Thtte-.Quant aux non-initis, leur sensualisme massif dnie touteralit aux actioas, aux devenirs qui en sont la face pas-sive, tout ce qui n'est pas le concret visible et tangible. Ilest ici lui-mme construit comme pendant et a repoussoir

    1. Les noms proposs sont trs divergents : Protagoras (Brochard,Etudes... p. 26 et suiv.), Antisthne (H. Raedcr, Plalons Philosc-phische Entwickelung , p. 282). Aristippe et les Cyrnaques (Schleier-macher, Dmmler, Zeller; surtout Natorp, Archiv. f. Gesch. d.Phil. 3 (1890), p. 347-362).

    2. C'est )e cas, par exemple, pour l'expcs da Cyrnasrae dar sSextus Empiricus {Ado. Math., YIl, 91).

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    45/280

    NOTICE i5iau relativisme savant des xou.-j'oTspGt, ce jeu d'actions et depassions

    o disparat toute ralit concrte. Traduit en tho-rie logique, ce sensualisme pais effacerait, dans le discours,le verbe ou prdicat, tout comme le relativisme y ferait va-nouir le sujet. On aurait, comme tel, quelque raison d'attri-buer ce sensualisme Antisthne, qui nie la qualit abstraite,rduit la ralit la chose et le discours un simple assem-blage de noms ^ . Mais une attribution ainsi limite rpondraitmal la gnralit de cette attitude, qui est l'attitudespontane du sensualisme vulgaire.

    2 Dans la critique de cette premire dfinition, les argu-ments ristiques du premier essai sont peut-tre d'Antisthne,polmiquant, dans sa Vrit (Diog. La. IV, i6), contre laVrit de Protagoras^. Nous avons vu que certains argu-ments du second essai sont au moins parallles ceux deDmocrite. Quant l'Apologie de Protagoras, elle est toutprobablement construite par Platon avec les doctrines authen-tiques du clbre sophiste, et les travaux rcents n'ont fait querendre plus manifeste la fidlit avec laquelle Platon a traduitce relativisme d'orientation avant tout pratique ^.

    1. Cf., pour sa ngation de la chevalit , Simpl. in Ar. Categ.p. 208, 29-33 (Kalbfleisch), et, pour le reste, p. i53.

    2. C'tait dj l'opinion de Bonitz et de Dummler, auxquels serallie P. Natorp Plato's Ideenlehre, p. io4).

    3. Th. Gomperz a prtendu que l'interprtation de Platon a, sansqu'il le voult, vritablement fauss l'histoire : ce n'est pasl'homme individuel qui est mesure, mais l'homme en gnral ; lesubjectivisme de Protagoras n'est qu'une fiction (Les Penseurs dela Grce, I, p. 477-488). P. Natorp (Forschungen zur Geschichte desErkenntnisproblems im Albertum, l; Archiv f. Gesch. d. PhiL, Bd III,p. 347 et suiv, ; Philologus, Bd L (N. F. IV), p. 262 et suiv. ;Platos Ideenlehre, p. loi et suiv.) a maintenu le scepticisme de Pro-tagoras et la vrit de l'interprtation platonicienne. Brochard (tu-des, p. 24-29) regarde la doctrine de Protagoras comme un relati-visme objectif ou raliste. L'tude la plus complte sur Protagorasest celle de Heinrich Gomperz dans Sophistik und Rhetorik (Berlin,19 T 2, p. 126-278). Intressante est la position prise dans le dbat parle pragmatisme moderne. On retrouvera, dans les Etudes sur l'Huma-nisme de F. Schiller (traduction Jankelevitch 1909, II'' tude : dePlaton Protagore, p. 28-90) la thorie soutenue dans ses articlesantrieurs, Quarterly Review, janvier 1906 ; Mind, XVII, p. 520 et

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    46/280

    i5a THTTELa seconde dfinition et les images qui servent l'illustrer

    sont, un peu rapidement, attribues, par P. Natorp, l'in-vitable x\ntisthne * . Rien ne prouve qu'x\ntisthne ait dtre l'auteur de cette description psychopbysiologiste dela mmoire et c'est un chapitre d'histoire de la psychologiequi reste faire.On a, d'ailleurs, beaucoup plus de chances d'en trouver lesmatriaux dans les traits de la collection hippocratique etchez les philosophes antsocratiques dont ces traits s'ins-pirent. La comparaison de la sensation avec l'empreinte dusceau dans la cire se retrouve chez Dmocrite, encore que,chez lui, ce soit l'air intermdiaire entre l'il et l'objet quireoive et transmette l'empreinte"^. Une autre pice de ladoctrine que Platon parodie, l'explication des qualits de lammoire par les combinaisons diverses du sec et de l'humide,se retrouve tout au long dans le chapitre 35 du premierlivre Du Rgime, et le paralllisme est souvent textuel entrele trait hippocratique et le Thtte^. Le fond de doctrinesur lequel le mdecin compilateur btit ses prceptes d'hyginementale, fond o prdomine, ct de celles d'Empdocleet d'Anaxagore, l'influence d'Archlaos*, est le mme quePlaton utilise, concurremment avec l'image du bloc de cireet l'interprtation allgorique d'Homre, pour construire cettepsychophysiologie de la mmoire, dont il amuse ses lecteurs.En revanche, la thse qu'il est impossible de (.< dire faux suiv. : l'Apologie de Protagoras renferme la vritable doctrine deProtagoras (doctrine en ralit pragmatiste), considrablementabrge sans doute et peut-tre quelque peu modifie dans la repro-duction, et cela principalement pour cette raison manifeste que Platonn'a pas du tout compris en quoi elle consiste (p. 48).I. Plato's Ideenlehre. p. n3, Campbell (comm. ad 194 c) ne sem-ble pas regarder comme probable la possibilit que la descriptionphysiologique de la mmoire soit emprunte. Wohlrab (Campbell,p. 182, note 8) parat bien tre le seul critique du Thtele qui aitpens Pythagore pour l'image du bloc de cire,

    a. Thophraste, De Sensu, 5o et suiv. ; cf. Diels, Vorsokratiker,3 d., vol. Il, p. 4o-42.

    3. Littr, Oeuvres d'Hippocrate, VI, p. 5i3-522.4. G. Fredrich, Hippokratische Untersachangen, 1899, P* i33-i4i. Zeller, Die Philosophie der Griechen, Teil I, H. 2, 6 d. (W. Nes-

    tl). 1920, p. 873.

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    47/280

    NOTICE i53a t soutenue par Antisthne * . Mais Campbell a raison dechercher l'origine immdiate de ce sophisme dans la logiquelatique, et c'tait presque un lieu commun de la sophis-tique^.La troisime dfinition peut viser plus directement Antis-thne, si nous devons interprter le tmoignage d'Aristotecomme attestant, pour Antisthne, cette distinction entre lasyllabe connaissable et l'lment inconnaissable 3. Mais,qu'il faille attribuer Antisthne ou d'autres cette dfini-tion de la science par l'opinion vraie accompagne de raison,que Platon a lui-mme souvent employe, il semble bien quePlaton ait voulu ici dgager ses propres formules de voisinagescompromettants. Pour lui raison signifiait, dans une telledfinition, raison causale, c'est--dire rminiscence *.La rfutation ici faite n'atteint point ce sens du mot raison etlaisse le champ libre l'explication platonicienne de la sciencepar son objet propre : la ralit intelligible.

    I. Arist. Mtaph. i024 b, 32 et suiv. Cf. Th. Gomperz, Les Pen-seurs de la Grce, I, p. A87 ; II, p. 190 et 594

    3. Introduction au Thtete, p. xl.3. Presque tous les critiques sont d'accord penser que la thoriede la (c syllable connaissable et de l'lment inconnaissable estd'Antisthne, parce qu'Aristote attribue l'cole d'Antisthne cettedoctrine : on ne peut dfinir l'essence, parce que la dfinition est un

    long discours ; on peut bien dire quelle est la qualit d'un objet,mais non en quoi il consiste (Met., io43 b aS et suiv.). Aristote, eneffet, vient de dire que la syllabe n'est pas simple somme des l-ments (1043 b 5) et ajoutera (io43 b 27) : l'essence est, comme lecompos, dfinissable ; le composant ne l'est pas. Campbell (p. xxxixet suiv.) et, sa suite, Burnet (Greek Philosophy , I, p. 262) ne regar-dent comme antisthnien, dans ce passage, que le mot sur la dfini-tion qui est un long discours et prfrent chercher dans le pythago-risme l'origine de la thorie sur les lments et la syllabe . MaisCampbell croit qu'un trait essentiel de la thorie, savoir que lasyllabe est, en tant qu'indfinissable, inconnaissable, vient d'un mga-rique.

    4- Mnon 98 a. Sur le rapport de cette critique du Thtete avecles dfinitions platoniciennes de la science, je me permets de ren-voyer mon article : Vide Platonicienne de la Science (Annales del'Institut Suprieur de Philosophie de Louvain. Paris, Alcan, 1914,p. 1 47-153).

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    48/280

    i54 THTTE

    VLE TEXTE DU THTTE

    Le texte de la prsente dition du Thtte est tabli sur lesquatre manuscrits qui nous ont dj servi pour le Parmnide :

    i) Bodleianus Sg ou Clarkianus (B), copi au ix sicle.2) VenetasT (append. class. 4, n i, de la Bibliothque

    St. Marc), copi vers 1 100 sur le Paminas A, alors complet.Pour ces deux manuscrits, j'ai utilis la collation donnepar l'dition de J. Burnet (tome I) ; collation directe pour leClarkianus et qui, pour T, dpend de l'excellente collationde Schanz.

    3) Le Vindobonensis Y (21), qui date au plus tt duXIV sicle, mais reprsente une tradition bien antrieure.4) Le Vindobonensis W (54 = suppl. philos, gr. 7), quiremonte probablement au xii sicle. Le Thtte^ comme leParmnide et le Sophi^e, fait partie des dialogues qui y sont

    transcrits de premire main.J'ai fait ma collation de Y et de W directement sur les

    photographies qui sont la proprit de l'Association GuillaumeBud. La lecture directe de W m'a conduit parfois com-plter ou mme corriger les collations antrieures. J'ai crud'autant moins ncessaire de souligner ces corrections quej'ignorais souvent en quelle mesure elles ont pu dj trefaites par d'autres travaux et qu'en particulier je n'ai pudirectement utiliser les Vindiciae Plalonicae de Hensel (Ber-lin, 1906). Il n'est plus ncessaire, aujourd'hui, de justifierl'utilisation de W dans une dition du Thtte. Mais onverra, en consultant notre apparat, que certaines lecturesexcellentes, au lieu d'tre appuyes, par exemple, sur uneconjecture de Heusde ou autres, s'autorisent mieux de l'uni-que tmoignage d'Y, et que, malgr de trs grosses fautes,Y garde parfois seul la trace de la bonne tradition.

    J'ai naturellement utilis la tradition indirecte autant qu'ilm'tait possible : i) le Commentaire Anonyme sur le Th-tte (papyrus 9782) dit par H. Diels et W. Schubart(Berlin, Weidmann 1905) ; 2) les citations de Jamblique,Eusbe, Clment d'Alexandrie, Athne, Stobe, etc. Je ne

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    49/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    50/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    51/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    52/280

    142 c THTTE 157beau le prier et conseiller, il n'a pas voulu consentir. Jelui ai donc fait conduite ; et, sur mon chemin de retour, jeme rappelais avec merveillement quelle divination il y avait,comme en tant d'autres paroles de Socrate, en celles qu'il adites de lui. C'est peu de temps avant sa mort, me semble-t-il, qu'il rencontra Thtte, encore adolescent ; le voir deprs et l'entretenir, il admira vivement son heureuse nature.Quand je me trouvai visiter Athnes, il me raconta les entre-d tiens changs en leur dialogue, et qu'il valait la peined'entendre, assurment, et me dit qu'infailliblement ildeviendrait clbre, s'il parvenait l'ge d'homme.Terpsion. Et, d'aprs ce qu'on voit, Socrate disait vrai.Mais quels taient ces entretiens ? Pourrais-tu me lesraconter ?

    EucuDE. Non, par Zeus, au moins pas de tte, comme143 a cela. Mais je mis alors par crit, sitt rentr, mes souvenirsimmdiats. Plus tard, mon loisir, j'crivis au fur et

    mesure ce qui me revenait en mmoire, et, toutes les fois queje retournais Athnes, j'interrogeais nouveau Socrate surce qui manquait mes souvenirs et, rentr ici, je corrigeaismon travail. Si bien qu'en somme l'ensemble des entretienss'est trouv transcrit.

    Terpsion. C'est vrai : je te l'ai dj ou conterauparavant et j'eus toujours, au fait, dessein de tedemander les voir, bien que j'aie diffr jusqu'ici. Maisqui nous empche de les parcourir maintenant? J'ai d'ail-leurs besoin de reposer, moi qui arrive tout juste de la cam-pagne,b EucuDE. Eh bien, j'ai moi-mme pouss jusqu' Erinosen accompagnant Thtte; aussi prendrai-je sans dplaisir cemoment de repos. Ainsi rentrons : pendant que nous repo-serons, mon esclave nous fera lecture.Terpsion. Tu as raison.

    EucLiDE. Voici le volume, Terpsion.Mthode Toutefois i'ai mis par crit l'entretiende transcription . n / c , i- jdu dialogue. ^^ *^^^ ^^"^ ^"^ Socrate, au lieu deme le raconter comme il fit, conversedirectement avec ceux qui, d'aprs son rcit, lui donnaientla rplique. C'taient le gomtre Thodore et Thtte. J'ai

    c voulu viter, dans la transcription, l'embarras que produi-

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    53/280

    i57 0EAITHTOS 142 cXeuov, XA' oK fjSsXev. Kal Sfjxa npoTt^iipac; aTv, riLdvttocXlv &VE^vf]a8r)v Kal Sau^aaa ZcoKpxou o ^lavTLKc;aXXa TE Sf] eTUE Kal TiEpl toutou. Aoke ydcp {loi XtyovTipo ToO 9av(iTou evtu)(ev aT ^lEtpaKlcp 6vtl, Kal auyyE-v6\xE\>6q TE Kal 8LaXE)(9El nvu yaaS^vaL auToO t^jv q eE, ypoO jkov.EY. 'AXX ^v f] Kal auTo t^^pt 'EptvoO 0EaLTr|Tov bTcpoT&TTE^ipa, aTE ouK ttv r|8co vaTTauol^r|v. "AXX'co^iev,Kal i^^v S^a vartauojAvou iTatc; vayvcbaeTai.TEP. 'Op8o XyEL.

    EY. T6 ^v Br] ISlXlov,

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    54/280

    143 c THTTE i58sent, en s'entremlant aux arguments, les formules de nar-ration o Socrate note ses propres exposs par des etmoi j'aflBrmai ou bien et moi je dis , et les rpliquesde l'interlocuteur par des il en convint ou bien il nevoulut point l'accorder . Voil pourquoi j'ai fait, de matranscription, un dialogue direct entre lui et ses interlocu-teurs et l'ai dgage de toutes ces formules.Terpsion. Et tu n'as rien fait l que de conve-nable, Euclide.ucLiDE. Eh bien, esclave, prends le volume et lis.

    LE DIALOGUE : SOCRATE THODORE THTTESocrate. Si j'avais les gens dee por J^'y^^^^, Gyrne plus cur, Thodore, c'estd des choses et des hommes de l-bas

    que je te demanderais nouvelles, et je voudrais savoir sid'aucuns, parmi les jeunes, y donnent diligence la gom-trie ou au reste de la philosophie. Or, ceux de l-bas, jeporte moins d'amiti qu' ceux d'ici ; aussi ai-je plus vifdsir de savoir quels sont ceux de nos jeunes gens nous quipromettent de se distinguer. C'est ce que j'examine parmoi-mme autant que je le puis, et dont je m'enquiers eninterrogeant ceux de qui je vois que nos jeunes gens recher-chent le commerce. Le groupe qui se rassemble autour de toie est considrable, et c'est justice, car, sans parler de tesautres mrites, le gomtre, en toi, vaut cet empressement.Si donc tu as trouv, parmi eux, un jeune homme digne demention, tu me ferais plaisir en me l'enseignant.Thodore. En vrit, Socrate, et ma parole et tonattention auront un sujet tout fait digne d'elles si je te disquelles qualits j'ai trouves dans un adolescent de votre ville.Encore, s'il tait beau, ne parlerais-je point sans beaucoup defrayeur, le risque tant qu' d'aucuns je n'eusse l'air d'treson poursuivant. Or ne m'en veuille point, il n'es4point beau : il te ressemble, et pour le nez camus, et pour lesyeux fleur de tte, encore qu'il ait ces traits moins accen-

    144 a tus que toi. Aussi n'ai-je nulle frayeur parler. Or sachebien que, de tous ceux que j'ai pu jamais rencontrer, etle nombre est bien grand de ceux que j'ai frquents, je

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    55/280

    i58 0EAITHTOS 143 cSiT^yi^aEi TtEpl aToO te tt6te Xyot 6 ZoKpTrje;, oTov Kal lyo E\x.lv tv tioXitoov (lEipa-KLO EVTETi5)(r|Ka. Kal el ^v fjv KaX6c;, Ec|)o6o\3^r)v v a6-8pa XyEiv, [L] KOLi TCO 86,co v etilBu^loc aToO Evat. NCvSe Kal \ii] \ioi a)(9ou ok eotl KaX6

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    56/280

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    57/280

    i59 0EAITHTOS 144 aETil TouTOL vSpEov Tiap' vTLVoOv, ^> ^v ox' v ^rjvYEvaBaL ote opc yLyvjiEvov XK' oX te ,l

  • 8/13/2019 Platon, OC. Oeuvres Completes (GRK-FR) BB (v. Bude. 1965) (v. 8.2 - Teeteto) (t. Dies)

    58/280

    iU d THTTE i6oSocRATE. Parfaitement, Thtte. Ainsi pourrai