Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

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1 Plan pour la paix Pour un renouveau des relations internationales Par Florian BRUNNER « C'est dire que la France, tout en se dotant des moyens voulus pour rester elle-même et survivre quoi qu'il arrive, continuera à travailler partout, et d'abord sur notre continent, d'une part pour l'indépendance des peuples et la liberté des hommes, d'autre part pour la détente, l'entente et la coopération, autrement dit pour la paix. » Charles De Gaulle, Conférence de presse tenue au Palais de l'Elysée, le 9 septembre 1968 Introduction : Une nouvelle ambition pour la paix Dans son Appel du 18 Juin 1940, le Général De Gaulle avait lancé cette affirmation restée légendaire : « Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. ». Nous devons aujourd’hui continuer à porter cette flamme, à défendre la paix et la liberté, dans un monde ébranlé et mouvant. Après 1945, nous avons créé en Europe, les conditions d’une stabilité durable. Le Prix Nobel de la Paix 2012 avait récompensé l’Union européenne, qui avait su favoriser la construction d’un espace uni et apaisé. Mais si nous avons su associer les peuples européens, nous manquons désormais de résolution pour enrayer le cycle terrible des guerres. Nous devons être portés, par une nouvelle ambition pour la paix. Notre vocation n’est pas de nous aligner, mais d’agir en toute indépendance, au service d’une vision partagée. Objectifs : Alors que nous sommes dans une période décisive et historique, pour le monde. Alors que la France va voter pour son nouveau Président de la République, en 2017. Il est aujourd’hui essentiel d’être force de propositions en matière de relations internationales. Contexte : Dans le débat citoyen et politique de 2017, nous devons porter des idées nouvelles et originales. Destinataires : Tous les citoyens sont concernés par les enjeux internationaux.

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Plan pour la paix

Pour un renouveau des relations

internationales Par Florian BRUNNER

« C'est dire que la France, tout en se dotant des moyens voulus pour rester

elle-même et survivre quoi qu'il arrive, continuera à travailler partout, et

d'abord sur notre continent, d'une part pour l'indépendance des peuples et la

liberté des hommes, d'autre part pour la détente, l'entente et la coopération,

autrement dit pour la paix. »

Charles De Gaulle, Conférence de presse tenue au Palais de l'Elysée, le 9

septembre 1968

Introduction : Une nouvelle ambition pour la paix

Dans son Appel du 18 Juin 1940, le Général De Gaulle avait lancé cette affirmation restée légendaire : « Quoi

qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. ». Nous devons

aujourd’hui continuer à porter cette flamme, à défendre la paix et la liberté, dans un monde ébranlé et

mouvant. Après 1945, nous avons créé en Europe, les conditions d’une stabilité durable. Le Prix Nobel de la

Paix 2012 avait récompensé l’Union européenne, qui avait su favoriser la construction d’un espace uni et

apaisé. Mais si nous avons su associer les peuples européens, nous manquons désormais de résolution pour

enrayer le cycle terrible des guerres. Nous devons être portés, par une nouvelle ambition pour la paix. Notre

vocation n’est pas de nous aligner, mais d’agir en toute indépendance, au service d’une vision partagée.

Objectifs : Alors que nous sommes dans une période décisive et historique, pour le monde. Alors

que la France va voter pour son nouveau Président de la République, en 2017. Il est aujourd’hui

essentiel d’être force de propositions en matière de relations internationales.

Contexte : Dans le débat citoyen et politique de 2017, nous devons porter des idées nouvelles et

originales.

Destinataires : Tous les citoyens sont concernés par les enjeux internationaux.

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Alors que le monde semble se perdre, dans une logique de conflits incessants, dont les ficelles sont tirées par

des acteurs influents et empressés. Alors que de grands empires activent tous leurs leviers d’influence et

d’action, dans une course machinale à la puissance. Alors que l’aventurisme généralisé, paralyse l’expression

des intelligences et la recherche d’un véritable sens. Il est temps que la France assume son rôle et son

message. Il est temps que l’Union européenne se dote des moyens nécessaires à la conduite d’une véritable

action universelle. Il faut une Europe politique, qui s’affirme sur la scène internationale. Il n’y a que l’Europe

pour devenir le point d’équilibre d’un nouvel ordre mondial. La France a un rôle déterminant à jouer, dans la

construction d’une nouvelle architecture européenne. Elle a aussi une place qui compte dans les relations

internationales. C’est à la France et à l’Europe de se remettre en mouvement, pour faire bouger les lignes.

Reprendre l’initiative, ouvrir le dialogue, être une force motrice pour l’instauration de la paix. Voilà ce doivent

être nos résolutions. Nous ne pouvons plus rester figés dans des schémas dépassés, nous devons recouvrer

notre capacité à inventer et à innover. Retrouvons le sens de l’Histoire et portons une véritable vision, au

service de la paix et de la réconciliation.

I. Rénover la diplomatie occidentale

« Le moment est venu de s’atteler au travail de la paix, d’ouvrir les yeux sur les blessures du monde

et de nous doter des outils pour construire un nouvel ordre, stable et juste. Des solutions existent,

mais elles nécessitent de la patience, de l’imagination, de la volonté. Pour contrer les épopées

mensongères de la guerre, nous avons besoin d’un récit de la paix, qui constitue le grand défi, le

seul héroïsme possible de notre temps, adapté à un monde fragile aux identités blessées, en mal de

réconciliation. J’ai la conviction que la France a un rôle à jouer dans ce nouveau monde, à condition

de retrouver sa vocation d’initiative, de médiation et de dialogue, fidèle à son message et à son

histoire. »

Dominique De Villepin, « Mémoire de paix pour temps de guerre »

A. Un monde instable

Le monde actuel est plongé dans une forte instabilité, qui s’illustre le plus clairement au Moyen-Orient, alors

que les Etats-Unis et la Russie sont engagés dans des processus incertains.

Barack Obama, la symbolique de l’impuissance

« Avec son élégance patricienne, sa rigueur intellectuelle de professeur de droit de la côte Est et son

penchant idéaliste, Barack Obama paraît quelque peu décalé dans les États-Unis du début du XXIe siècle.

Accordant du temps à la réflexion et à la raison, il contrôle à l’extrême chacun de ses gestes et chacune de ses

paroles. Tout semble chez lui un exercice brillamment maîtrisé au long d’un parcours d’obstacles, de la

séance du Conseil de sécurité nationale aux traits d’humour des émissions du samedi soir. Cela, à l’heure où

l’Amérique médiatique est hantée par l’irrationnel, l’immédiateté et l’exagération. On dirait l’image d’une

Amérique qui se rêve au passé, plus grande, plus sûre d’elle-même et plus ouverte sur le monde qu’elle ne

l’est vraiment. Du coup, Barack Obama apparaît comme un président de série télévisée, irréel, sans prise

effective, ni symbolique, ni institutionnelle sur l’Amérique de son temps. Reagan était un acteur devenu

président. Obama est un politique condamné à jouer le rôle de président. »

Dominique De Villepin, « Mémoire de paix pour temps de guerre »

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Le second mandat de Barack Obama aura concordé avec une montée des tensions, l’affirmation de Daesh ou

le scandale de la NSA, provoqué par les révélations d’Edward Snowden. Barack Obama au-delà de ses élans

oratoires, n’aura engagé aucun changement fondamental à la hauteur de son verbe. Virtuose de la

communication, il aura été désemparé face aux défis majeurs qui ont marqué l’actualité internationale de ces

quatre dernières années. Les réussites de la politique étrangères de Barack Obama sont bien maigres. Le

Quarante-quatrième président des Etats-Unis d’Amérique a obtenu des avancées, comme l’accord sur

le nucléaire iranien, la reprise des relations diplomatiques et commerciales avec Cuba et la ratification de

l’accord de Paris sur le climat, avec les Chinois. Barack Obama avait tiré les leçons des politiques menées tant

en Afghanistan qu’en Irak, en opérant un retrait des troupes américaines et en privilégiant une approche qu’il a

théorisée sous le concept « leading from behind » (diriger depuis l’arrière). L’ancien président américain avait

ainsi engagé une métamorphose de la puissance américaine. Mais Barack Obama n’a pas su trouver les

fondements d’une action nouvelle, au service de la paix. Il ne s’est pas engagé sur le chemin d’une

gouvernance partagée, avec les autres nations. Les yeux tournés vers l’Asie, les Etats-Unis se sont perdus au

Moyen-Orient, à force d’improvisation. Sans vision et sans réelle stratégie, Barack Obama s’est montré

impuissant face au nouveau conflit majeur qui secoue le Moyen-Orient. Son désastreux recul sur la « ligne

rouge » en Syrie, a inauguré une longue période d’inertie. L’inaction du président américain a ainsi laissé un

boulevard à la Russie de Vladimir Poutine. Quant au conflit israélo-palestinien, l’échec est total. Barack Obama

aura surtout marqué ce dossier, à la fin de ses deux mandats, en ne s’opposant pas à la résolution 2334 des

Nations-Unies condamnant les implantations israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem, adoptée le 23

décembre 2016. Une résolution qui visait à rappeler l’enjeu de la paix, dans un conflit qui semblait oublié. Le

président américain, Prix Nobel de la Paix, aura eu recours à un usage massif des drones de combat, avec leur

lot de bavures. Il ne parviendra pas non plus à fermer Guantanamo. Barack Obama a personnifié le désarroi

stratégique américain, sur la scène internationale. Il a rompu avec la logique interventionniste américaine,

sans arriver à concevoir et à appliquer une stratégie de paix, fondée sur un renouveau des relations

internationales. Barack Obama n’était pas le visionnaire qu’il prétendait être. L’ancien président des Etats-

Unis a incarné en mots, en discours, en gestes. Mais que ce soit sur le plan intérieur ou extérieur, il est resté

désemparé, face à de nombreuses situations. Barack Obama a ainsi construit la symbolique de sa propre

impuissance, jusqu’au terme de ses deux mandats. Face à la montée de Donald Trump et à sa victoire, encore

une fois, Barack Obama aura été incapable de porter une action décisive. L’action du Président sortant étant

limitée par la Constitution américaine, qui empêchait une nouvelle candidature de sa part. Comme si au-delà

de ses aspirations les plus enracinées, Barack Obama aura toujours été contraint de se plier à la réalité d’un

pouvoir, qu’il a tenté d’exercer avec pragmatisme, mais qu’il n’est pas arrivé à mettre pleinement au service

des espoirs, qu’il avait su si bien incarner.

Donald Trump, l’inconscience frénétique

« Les mots pourront sembler excessifs. Ils peuvent choquer mais comment décrire ce qui se passe à

Washington autrement qu’en disant que le nouveau président des Etats-Unis est un incapable, débordé par

des dossiers qu’il ne maîtrise pas et de plus en plus indigne de ses fonctions ? Comme dans la fable, le roi est

nu, seul à se croire paré des plus beaux atours. »

Bernard Guetta, journaliste, chronique sur France Inter, du 16 février 2017

Le nouveau Président américain, l’homme d’affaires Donald Trump, affectionne les saillies inattendues et avait

tenu un discours anti-européen, tout en ayant exprimé clairement son rejet de l’OTAN. Avant de revenir sur ses

déclarations et de considérer « l’importance fondamentale de l’OTAN », avec Angela Merkel, lors d’un

entretien téléphonique, en janvier 2017.

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Imprévisible et opportuniste, Donald Trump s’était lancé dans un départ frénétique, les sept premiers jours

de son mandat : fin de l’Obamacare, la couverture médicale pour tous ; annonce du retrait américain de

l’accord de libre-échange trans-pacifique et de la renégociation de l’accord de libre-échange entre les Etats-

Unis, le Mexique et le Canada ; suppression des subventions aux ONG soutenant les interruptions de grossesse;

gèle de l’embauche de nouveaux fonctionnaires ; relance de deux projets d’oléoducs dont les défenseurs de

l’environnement avaient obtenu l’abandon ; lancement de la construction d’un mur à la frontière mexicaine ;

déclaration de guerre à la presse américaine ; déclenchement d’une crise diplomatique avec le Mexique. Mais

la signature le 27 janvier 2017, par le Président américain d’un décret anti-immigration, était ce qui avait le

plus marqué ce tout début de mandat. Le décret interdisait pendant quatre-vingt-dix jours, toute entrée sur le

territoire américain aux ressortissants de sept « pays à risques », à majorité musulmane : le Yémen, l’Iran,

la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et l’Irak. Il bloquait également pendant quatre-vingt-dix jours, les

entrées de réfugiés venant de ces pays. La liste des « pays à risques » avait été établie par une loi de 2016,

auquel le texte faisait référence. Le texte stoppait également le processus d’admission des réfugiés

du monde entier, pendant cent-vingt jours. Ainsi ce décret, qui épargnait les ressortissants d’Égypte, des

Émirats arabes unis, de l’Arabie Saoudite ou de la Turquie, fermait la porte aux familles fuyant des pays en

guerre, aux victimes du terrorisme et faisait de tout musulman, un adversaire. Or les partenaires au sol des

américains contre Daesh, sont des ressortissants irakiens ou syriens, des musulmans alliés des Etats-Unis. Ce

décret qui en faisait des suspects, était de nature à compromettre des alliances essentielles. Nous avons

assisté ainsi à la mise en scène trompeuse et catastrophique, d’une fracture entre l’Occident et le monde

musulman, ce qui n’a fait qu’alimenter la propagande des djihadistes qui présentent l’Occident en ennemi

perpétuel de l’Islam. L’Iran avait riposté à ce décret, en appliquant le principe de réciprocité. L’application du

décret présidentiel avait finalement été suspendue par

l’action d’une Justice indépendante. Le lundi 6 mars 2017,

le président américain a signé un nouveau décret

migratoire, pour une entrée en vigueur le 16 mars 2017.

L’Irak n’est plus visé et le gouvernement irakien s’en est

félicité. Washington s’est ainsi montré plus attentif à un

allié essentiel dans la lutte contre Daesh et le terrorisme.

Mais ce nouveau décret reprend les principales

dispositions de l’ancien, avec la même capacité à diviser, à

susciter l’incompréhension et l’indignation, à créer un

climat d’opposition favorisant l’endoctrinement des

djihadistes. En outre, la rupture avec l’Iran est désormais

clairement engagée. L’accord sur le nucléaire iranien est

l’obsession du nouveau président américain, résolu à

contrer l’influence grandissante de l’Iran. Alors qu’un

rapprochement semblait se dessiner entre Donald Trump

et Vladimir Poutine, notamment dans le contexte de la

lutte contre Daesh, ce positionnement américain entre en

collision avec la stratégie russe. En effet, Vladimir Poutine

tente de composer avec l’Iran chiite. En prenant

clairement parti pour une alliance directe avec les

sunnites, les Etats-Unis perdent toute possibilité de

remplir un rôle de modérateur au Moyen-Orient.

« Sur Donald Trump, on a entendu en Europe

beaucoup de gémissements et de cris

d’orfraie. Il faut dépasser cette sidération. Les

Européens, du moins les trois ou quatre

dirigeants qui pèsent, devraient dire: «Vous

voulez sortir de l’accord sur le climat? C’est

une erreur. Nous continuons à l’appliquer y

compris avec la société civile et des

entreprises de votre pays.» C’est ce que les

Chinois ont annoncé, Donald Trump veut

casser l’accord sur le nucléaire iranien? Les

Européens n’ont qu’à répondre: «c’est un

accord international que nous continuerons à

appliquer. Si vous voulez nous empêcher de le

faire par des sanctions extraterritoriales et

judiciaires, nous créerons un système

d’échange avec les émergents, la Russie et la

Chine pour travailler malgré tout avec l’Iran.»

Si nous sommes capables de prendre ce genre

de position, le grand business américain fera

pression sur Donald Trump. »

Entretien sur l’état du monde avec Hubert

Védrine, recueilli par Christophe Ayad et

Marc Semo, paru dans le Monde des 15 et 16

janvier 2017

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Donald Trump est un abonné des incohérences : d’abord fermement hostile à la Chine, il se montre

aujourd’hui très coopératif avec le président chinois. Condescendant dans un premier temps avec le Japon, il a

resserré ses liens avec le premier ministre japonais. Vladimir Poutine avait misé sur le candidat Trump lors des

élections présidentielles américaines et espérait un rapprochement inédit. Et Donald Trump donnait

l’impression de vouloir aller dans ce sens, avant un dernier retournement : lors de la recrudescence de

tension en Ukraine orientale, en février 2017, la représentante américaine aux Nations Unies avait affirmé qu’il

n’y aurait pas de levée des sanctions contre Moscou tant que durera l’annexion de la Crimée, autant dire

longtemps, et Donald Trump en personne avait félicité la Lituanie pour son soutien aux Ukrainiens. Ajoutons à

cela qu’un tweet de Donald Trump du 15 février 2017 affirmait : « Crimea was TAKEN by Russia during the

Obama Administration. Was Obama too soft on Russia? », c’est-à-dire : « La Crimée a été PRISE par la Russie

sous Obama. Obama a-t-il été trop mou avec la Russie ? ». Le même Trump qui, encore une fois en un tweet,

saluait le 30 décembre 2016, «l’intelligence» de Vladimir Poutine moins de 24 heures après une longue série de

sanctions prises contre Moscou, par le président sortant Barack Obama. Ce ton de rupture avec la Russie,

intervenait alors que les révélations se multipliaient sur les contacts entre l’équipe de Trump et l’ambassade

russe. Une situation qui avait interpellé le Congrès, y compris sa majorité républicaine, sur la nature réelle des

liens entre Donald Trump et le Kremlin. Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, voulait lui aussi croire

que Donald Trump renverserait les rapports entre les Etats-Unis et Israël, notamment après l’abstention

américaine, lors de l’adoption de la résolution 2334 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 23

décembre 2016, qui avait réaffirmé la solution à deux Etats. En février 2017, Donald Trump se montrait plus

prudent sur le conflit israélo-palestinien, en prenant position contre la colonisation. Lors de la visite de

Benyamin Nétanyahou aux Etats-Unis, le président américain suscita de vives réactions en dissociant pour la

première fois l’objectif d’une paix entre Israël et les Palestiniens de la solution à deux Etats. Donald Trump

souhaite maintenir de bonnes relations avec Israël, notamment pour contrer l’influence iranienne, tout en

tenant compte du contexte international. Loin d’un revirement dans les rapports avec Israël, Donald Trump

semble plutôt tâtonner dans sa recherche d’une nouvelle coopération avec l’Etat hébreu. Le dirigeant

américain exprime des volontés, des souhaits, des orientations, mais n’ayant conçu aucune stratégie adéquate

pour les mener à bien, il s’arrête en chemin, se contredit, cherche laborieusement à avancer au milieu de

nombreux facteurs qu’il n’avait pas anticipé. Le mardi 28 février 2017, le président américain avait prononcé

son premier discours devant le Congrès, avec un ton plus mesuré et dans une démarche plus consensuelle. Il

avait déroulé les principaux axes de sa politique et annonçait notamment une hausse considérable de l’effort

militaire. L’administration Trump semble s’orienter vers une politique classiquement conservatrice, où

l’appareil militaire est clairement privilégié au détriment du dispositif diplomatique. Le samedi 4 mars 2017,

rattrapé par le dossier russe, Donald Trump quittait sa posture présidentielle et attaquait fortement Barack

Obama, l’accusant de l’avoir placé sur écoute peu avant sa victoire à la présidentielle américaine. L’instabilité

chronique de Donald Trump se manifestait à nouveau. Dans ce contexte d’inconstance du positionnement

américain et de redéfinition des relations internationales, l’Union européenne doit engager un processus

déterminant de structuration diplomatique et militaire. Nous avons vocation à prendre nos responsabilités

sur la scène internationale. Après tant de tergiversations, il est temps de retrouver le sens de l’action.

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La grave erreur de la réintégration de la France dans le commandement

intégré de l’OTAN

« Et enfin la volonté de la France de disposer d'elle-même, ce qui est indispensable pour qu'elle croit à son

propre rôle et pour qu'elle puisse être utile aux autres ; cette volonté de la France est incompatible avec une

organisation de défense, dans laquelle elle est subordonnée. »

Charles De Gaulle, Conférence de presse du 21 février 1966

La France a commis une grave erreur en réintégrant en 2009, le commandement intégré de l’OTAN. Ce retour

est allé à contre-courant de l’Histoire. La décision du Général De Gaulle en 1966, de sortir la France de ce

commandement intégré, avait été un choix visionnaire. Le retour de la France dans le commandement intégré

de l’OTAN a grandement porté atteinte à l’indépendance nationale. La France s’est éloignée de ce qui était sa

mission première : la défense de ses idéaux de paix et de justice. Elle s’est enfermée dans une logique de la

guerre. Nous nous sommes perdus dans des opérations militaires répétées, sans aucune vue d’ensemble,

aucune stratégie. Nous ne pensons plus le monde, nous improvisons en fonction des aléas, sans aucune

anticipation et souvent pour s’inscrire dans une posture, plus que dans une réelle efficacité. Dominique De

Villepin l’a récemment rappelé, notre diplomatie a perdu de sa force, elle est passée au second plan, derrière

les exigences de l’outil militaire. L’Hôtel de Brienne a pris le pas sur le Quai d’Orsay. Nicolas Sarkozy puis

François Hollande ont aimé camper la posture du chef de guerre, du chef des armées face à ses responsabilités

qui agit fermement. L’un en Libye, l’autre au Mali. L’intervention militaire est devenue pour les Présidents

français, un moyen de démontrer leur capacité d’action, alors qu’ils se montrent bien impuissants sur de

nombreux dossiers, notamment sur le plan intérieur. Nous devons sortir de cette spirale, de cette

théâtralisation malsaine de la guerre. Nous devons sortir de la militarisation des esprits, pour nous rappeler

qu’une intervention doit s’inscrire dans une vision globale, avec une stratégie définie. Une intervention

militaire ne se suffit pas à elle-même. En outre, la solution armée est le dernier recours quand toutes les autres

voies ont échoué. Cessons de faire de la guerre, un instrument de communication et de popularité. L’action

armée doit être un acte murement réfléchi, préparé, au service d’une architecture stratégique cohérente,

inscrite dans le long terme.

La Russie joue au-dessus de ses capacités

La Russie de Vladimir Poutine veut s’affirmer dans le monde, être décisive sur la scène internationale,

s’imposer comme une puissance qui compte. Les russes demeurent traumatisés par la chute de l’URSS et

Vladimir Poutine conduit une politique offensive, visant à redonner sa fierté au peuple russe. George W.

Bush et Barack Obama ont commis l’erreur de vouloir étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, ce qui

finalement n’a pas été accompli. Vladimir Poutine a riposté, en démantelant la Géorgie, annexant la Crimée,

déstabilisant l’Ukraine orientale et reprenant pied au Proche-Orient sous prétexte d’aller combattre le

terrorisme en Syrie. Le dirigeant russe n’a été que dans une politique de réaction, par rapport aux initiatives ou

à l’immobilisme du camp occidental. Vladimir Poutine veut montrer la force de son pays et sortir consolidé

d’une logique de rapport de forces permanent. Au Moyen-Orient, Vladimir Poutine, avec un cynisme assumé

et redoublé, a joué rapidement, en employant de manière décisive l’usage des armes. Il a opté pour un choix

politique, en soutenant Bachar El-Assad, en Syrie. La Russie, de façon constante depuis la Tchétchénie, a

conduit une politique d’intervention aveugle, aux conséquences terribles et tragiques. Une stratégie

implacable qui coûte chère à la Russie. Les sanctions adoptées par l’Europe et les Etats-Unis épuisent

l’économie russe. En outre, ni l’état des finances et des armées russes ne permettent à Vladimir Poutine de

transformer l’essai en Syrie et de remettre la main sur l’Ukraine.

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La Russie, c'est le PIB de l'Italie avec le budget militaire de la France et plus de 140 millions d'habitants à servir.

La Russie qui joue clairement au-dessus de ses capacités, arrive à bout de ses possibilités militaires.

Vladimir Poutine, l’empressement cynique

Vladimir Poutine, voulant imposer l’image d’une Russie forte, opère toujours de la même manière : des

attaques rapides et ciblées. Opportuniste, il attend la bonne occasion tel un prédateur à l’affut, pour bondir sur

sa proie. Avec un régime autoritaire, tel un Tsar incontestable, Vladimir Poutine est le seul à décider, il est le

maître des opérations et dès ses premiers pas à la tête de la Russie, il s’est imposé comme un dirigeant

intransigeant, n’acceptant aucune contestation, mettant au pas les médias et l’oligarchie. Rapide et

impitoyable, Poutine mène une stratégie offensive, qui lui donne des avantages, dans le cadre d’une

communication frénétique, d’une propagande forcenée, tout en faisant mener des opérations de

désinformation dans les pays occidentaux, soutenant les partis extrémistes, infiltrant le système politique

occidental et déstabilisant les régimes occidentaux avec des cyberattaques. Vladimir Poutine veut mener le

combat sur tous les fronts, s’affirmer dans tous les domaines, paraître comme fort et absolu. Au-delà de cette

guerre de l’image dans laquelle il accumule les atouts, le maître du Kremlin n’est pas dans les faits, cette

force impérieuse qu’il souhaite incarner. Il en est conscient et c’est pour cette raison, qu’il joue vite. Sa

faiblesse réelle s’accroit dans la durée. Et le voilà, de nouveau poussé à la précipitation dans le dossier syrien.

Le voilà pressé d’en finir. Profitant de la période de transition politique américaine, Vladimir Poutine avait

accéléré, en organisant avec l’Iran, la Russie et la Turquie, un sommet sur l’avenir de la Syrie, le 20 décembre

2016, à Moscou. La voie de la précipitation, n’est pas celle que nous devons prendre. Nous avons mesuré, dans

le camp occidental, toutes les erreurs qui ont été commises, dans des actions trop hâtives et irréfléchies. C’est

à l’Europe d’opérer un véritable travail de médiation, tout en verrouillant ses brèches, afin de se renforcer face

aux opérations de déstabilisation russes.

B. Vers un monde responsable

Nous devons engager un réel processus de paix au Moyen-Orient et nous devons engager les réformes

nécessaires, afin de mener des actions opérantes au service de la stabilité du monde.

Demeurer unis

Nous avons assisté le mercredi 6 juillet 2016, à la publication du

rapport de la commission d'enquête sur l'engagement du Royaume-

Uni dans la guerre en Irak en 2003. Un rapport accablant pour l'ex-

Premier ministre Tony Blair. George W. Bush et Tony Blair se sont

fondés sur le mensonge et la manipulation, pour entrainer leurs pays

dans une invasion prématurée, alors que l’action militaire n’était pas

inévitable. Le 14 février 2003, Dominique De Villepin, Ministre des

Affaires étrangères de la France, avait prononcé un discours historique devant le Conseil de sécurité de

l’ONU, contre la guerre en Irak. La vérité de ce discours résonne encore aujourd’hui. La France avait fait le

choix de la vérité et l’Allemagne s’était retrouvée sur la même voie. C’est ce devoir de vérité et cette volonté

d’instaurer la paix qui doivent guider notre diplomatie. Dès que nous oublions notre mission de paix, nous

tombons dans tous les pièges, nous commettons toutes les erreurs. La guerre en Irak avait enclenché la

création de Daesh. Aujourd’hui, en 2017, nous devons en tirer définitivement les enseignements. Nos

ennemis sont la précipitation et la désunion. A l’inverse, nos forces résident dans notre capacité à nous inscrire

dans la durée et à rester cohérents.

Tenir un discours de vérité,

défendre nos valeurs

Servir un réel projet de

paix

Face à l’instabilité du

monde, l’Europe doit

demeurer unie

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Alors que Daesh cherche à propager le virus de la violence et de la division, nous devons nous rappeler que

nous ne gagnerons qu’en demeurant unis et qu’en encourageant l’unité partout où elle est menacée. La

diplomatie occidentale est appelée à se rénover. Et l’Europe a vocation à participer à cette rénovation.

Les européens doivent devenir des médiateurs

« Non seulement les frontières du Liban, de l’Irak et de la Syrie sont

d’ores et déjà effacées mais le Proche-Orient ne trouvera de paix

durable que le jour où ses communautés ethniques et religieuses

auront les moyens de se gouverner par elles-mêmes dans la définition

d’un équilibre régional entre Riyad et Téhéran. »

Bernard Guetta, Editorial dans Challenges, du 31 mars 2016

Alors que Daesh recule sur tous les fronts, la Russie s’active et

cherche à obtenir un accord, pour s’extraire du bourbier syrien qui lui

coûte tellement. Le mardi 20 décembre 2016, l'Iran, la Russie et la

Turquie avaient organisé à Moscou, un sommet sur l'avenir de la Syrie,

écartant les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. La Russie, la Turquie et

l'Iran avaient posé les modalités d’un cessez-le-feu établi le 30

décembre 2016, ainsi que de négociations politiques à venir sur le

futur du pays. Le 24 janvier 2017, à l’issue de la réunion d’Astana,

la Russie, la Turquie et l’Iran avaient trouvé un accord pour consolider le cessez-le-feu, mais aucune avancée

décisive n’avait été obtenue vers une résolution définitive du conflit. Le 23 février 2017, l’opposition et le

régime syrien se sont retrouvés à Genève en Suisse, sous l’égide des Nations unies (ONU), pour ouvrir un cycle

de pourparlers, le processus de « Genève 4 ». Les discussions à Genève qui se sont déroulées jusqu’au 3 mars

2017 n’ont provoqué le départ d’aucun des belligérants, tout en avançant à tous petits pas, encore une fois

sans évolution majeure. Le cessez-le-feu instauré le 30 décembre 2016, après la chute d’Alep, reste trop

fragile. Bachar El-Assad a repris l’avantage sur le terrain grâce au soutien de l’aviation russe et des troupes

mobilisées par l’Iran. Le dictateur syrien estime être en position de force et n’est disposé à aucune concession

politique. La Russie voudrait sceller un compromis entre le pouvoir et l’opposition et s’affirmer comme une

force de paix, tout en maintenant de bonnes relations avec les Iraniens, les Saoudiens et les Turcs. Elle est

encore loin d’avoir atteint ses objectifs. L’ambition de Vladimir Poutine se confronte à la réalité complexe du

Moyen-Orient. Si elle fait parler de lui, il n’a abouti à aucun progrès tangible, et le positionnement américain

désormais clairement pro-Arabie Saoudite va encore compliquer l’équation. L’Iran chiite veut ancrer la Syrie

dans sa sphère d’influence régionale. A cette fin, elle souhaite la victoire de Bachar El-Assad, issu de la branche

alaouite du chiisme, et la défaite des insurgés sunnites. Les Iraniens ne veulent pas de vrais compromis avec

l’insurrection. Quant à la Turquie sunnite, elle ne souhaite pas laisser l’Iran chiite prendre le contrôle de la

Syrie. Les Turcs ne se sont alliés aux russes et ont renoncé à un départ immédiat de Bachar El-Assad, que

pour freiner les Kurdes syriens.

L’Europe doit se mettre

en relation avec tous les

acteurs, pour effectuer

un réel travail de

médiation

Nous ne devons pas

conforter la croyance

d’une guerre entre

l’Occident et l’Islam

Il faut engager au

Moyen-Orient, un

processus de stabilisation

L’Europe a le devoir de

retrouver l’initiative sur

le plan diplomatique

Page 9: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

9

La Turquie sunnite avait longtemps entretenu une relation de

connivence tacite avec Daesh, avant de prendre peur. Menacée

par le renforcement de l’Etat islamique comme l’ensemble des

régimes sunnites, la Turquie avait cessé tout soutien à ces

djihadistes. Armés et financés par les Américains, les Kurdes

reprenaient les villes et villages abandonnés par Daesh, ce qui

les rapprochait d’un contrôle de tout le nord de la Syrie, et donc

de toute la frontière avec la Turquie. Or c’est cette zone qui

longe les régions kurdes de Turquie. Décidée à contrer l’action

des Kurdes et à empêcher une dislocation de son Etat, la

Turquie avait ainsi lancé une offensive en territoire syrien, le

24 août 2016. Les calculs à court terme sont les seuls moteurs

d’acteurs à l’interventionnisme exacerbé, toujours dans le cadre

d’une situation d’antagonisme entre l’Iran et l’Arabie Saoudite.

Les tensions n’ont cessé de croître entre l’Iran et l’Arabie

Saoudite, champions du chiisme et du sunnisme, des deux

religions de l’islam, qui s’affrontent afin d’obtenir la

prédominance régionale par alliés chiites et sunnites

interposés. Le Moyen-Orient peut aller encore plus loin dans

l’enchaînement autodestructeur qui se déroule sous nos yeux.

Nous sommes dans un contexte de guerre totale, entre les deux

Islams. Il est primordial de mettre tous les acteurs autour de la

table, sans établir des clubs fermés, excluant les uns ou les

autres. Nous devons, nous européens, porter un projet

politique, une vision du monde. La Russie n’a pas de vision, elle

se contente de servir ses intérêts propres et se trouve des alliés

de circonstance, pour soutenir sa position. Depuis l’arrivée de

Donald Trump, les Etats-Unis sont en conflit direct avec l’Iran, et

se perdent dans des positionnements caricaturaux, voire

dangereux. L’Europe doit définir un projet et se donner les

moyens de le faire réussir, en se mettant en relation avec tout le monde. Le Général De Gaulle avait conduit

de 1958 à 1969, une action visionnaire en matière de politique internationale. Nous devons en revenir à ses

fondements, retrouver notre indépendance, retrouver ce sens du dialogue et cette volonté de construire la

paix. Nous devons mener un réel travail diplomatique, en nous servant de notre imagination, de notre

capacité d’initiatives. Il est important de créer les conditions d’une espérance, au Moyen-Orient. L’Europe et

les Etats-Unis se sont trop avancés dans ce conflit. Nous devons éviter le piège dans lequel veut nous entrainer

Daesh, nous ne devons pas conforter la croyance d’une guerre entre l’Occident et l’Islam. Nous ne devons pas

nous prêter à des jeux de guerre, nous devons devenir une force de diplomatique, au service de la paix. Dans la

lutte contre le terrorisme, l’enjeu politique est fondamental. Il y a un malaise propre au Moyen-Orient qu’il

appartient aux pays de la région de résoudre. C’est un processus de stabilisation, mis en œuvre par les Etats du

Moyen-Orient et soutenu par le camp occidental, qui doit être engagé et valorisé. L’Europe a le devoir de

retrouver l’initiative sur le plan diplomatique, afin d’aboutir à de véritables résultats, qui iront dans le sens

d’un équilibre et donc d’une défaite politique de Daesh. Mettons-nous en capacité de devenir des médiateurs,

en relation avec les tous les acteurs.

« Il faut réintervenir dans le jeu. Et nous,

nous aurions intérêt, nous français

d’ailleurs, à avoir une capacité à parler

aux Iraniens, comme on le fait aux

Saoudiens et aux autres. Parler, discuter,

aller au-delà, avoir des projets, ça c’est

sur la gestion sunnites- chiites. Dans

l’affaire de Syrie, il faudrait - c’est

compliqué, on repart de loin - convaincre

Poutine, qui va être préoccupé par

l’influence des Iraniens, et qui va lui-

même s’embourber, même si ça nous

remet pas dans le jeu automatiquement,

le convaincre qu’il aura intérêt à parler

avec nous de comment pourrait

fonctionner la Syrie de demain. Qu’on

redevienne la France, laboratoire

diplomatique, source d’ingénierie

politique, c’est une chose qu’on sait faire

aussi, sur l’avenir de ces pays. Là on peut

peut-être rentrer, mais il faut qu’on ne

soit pas trop en désaccord avec les

autres européens, que Trump ne soit pas

l’éléphant dans le jeu de quilles dans

l’affaire, bon. Il y a des conditions à

remplir. »

Hubert Védrine, Internationales,

émission du 12 mars 2017

Page 10: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

10

Trouver un accord avec la Russie

« Il ne faut pas parler avec tout le monde, par manie ou par

faiblesse, on parle avec tout le monde si c’est nécessaire. […] Il

s’agit pas de le faire parce qu’on parle à n’importe qui. C’est

d’ailleurs à peu près inutile de parler avec Assad à mon avis, même

en termes très réalistes. On a besoin de parler avec les russes, on

aurait dû le faire d’ailleurs dès l’origine de la guerre civile en Syrie.

Et il faut parler aux Iraniens. »

Hubert Védrine, Internationales, émission du 12 mars 2017

Nous devons faire cesser le conflit syrien et engager un dialogue

avec la Russie, les représentants du Gouvernement syrien et de

l’opposition. Tant que la dynastie Assad et la minorité chiite dont

elle est issue garderont le pouvoir, la majorité sunnite de la

population syrienne continuera à se regrouper dans un combat identitaire, ce qui ouvrira toujours des

perspectives aux djihadistes. La Syrie a besoin d’unité politique et cette unité ne sera possible qu’avec le

départ de Bachar El-Assad. Selon la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies (18 décembre

2015), la Syrie doit entamer un processus de transition politique, pour aboutir à une gouvernance crédible,

inclusive et non sectaire, afin d’établir une Constitution permettant l’organisation d’élections libres et

régulières, sous la supervision de l’ONU. La véritable solution pour la Syrie serait de former un gouvernement

de transition avec des hommes du régime et de l’opposition, de lui confier tous les pouvoirs, y compris

militaires, qui sont jusqu’à présent dévolus à Bachar El-Assad et de faire de la Syrie un Etat fédéral dans

lequel chacune des communautés disposerait de la plus large autonomie au sein de ses propres cantons.

Le 17 juillet 2014, Le vol 17 Malaysia Airlines (MH17), un vol international régulier reliant Amsterdam (Pays-

Bas) à Kuala Lumpur (Malaisie), avait été abattu dans la région de Donetsk, en Ukraine, alors que s’affrontaient

forces loyalistes et séparatistes prorusses. Aucun survivant n'avait été retrouvé parmi les 283 passagers et 15

membres de l'équipage. A la suite de l’accident du vol MH17 en Ukraine, dans lequel ont péri 193 Néerlandais

(deuxième catastrophe aérienne la plus grave de l’histoire du pays), les Pays-Bas conduisent l’enquête

internationale sur le crash. En juillet 2015, lors du vote au Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie avait opposé

son veto à la création d’un tribunal spécial chargé de juger les responsables du crash, demandée par les Pays-

Bas, la Malaisie, l’Australie, la Belgique et l’Ukraine. Le rapport du Bureau de Sécurité néerlandais sur la

destruction du vol MH17 avait été rendu public, le 13 octobre 2015. De nouvelles conclusions, présentées par

les enquêteurs de la Joint Investigation Team (JIT : Belgique, Malaisie, Australie, Pays-Bas et Ukraine) le 28

septembre 2016, avaient confirmé le rapport du 13 octobre 2015. Le parquet néerlandais avait ainsi assuré que

le missile qui avait abattu l’avion de la Malaysia Airlines en 2014, avait été fourni par la Russie et avait été tiré

depuis une zone tenue par les rebelles prorusses. Dans l’attente des conclusions finales de l’enquête pénale sur

les 100 individus identifiés comme impliqués dans le tir du missile, les Pays-Bas réfléchissent avec leurs

partenaires de la JIT au mécanisme juridique à établir. C’est cette tragédie du crash du vol MH17 qui avait

ouvert la voie aux sanctions face à la Russie. Une réaction ferme s’imposait, afin de signifier à la Russie que

ses agissements étaient inacceptables. Le 29 juillet 2014, l’Union européenne adoptait une importante série

de sanctions économiques. Depuis les sanctions ont été prolongées et Barack Obama avait également annoncé

à la fin de son second mandat en décembre 2016, de nouvelles sanctions appliquées par les Etats-Unis, suite à

l’ingérence russe dans le scrutin présidentiel américain.

Engager un dialogue avec

la Russie

L’unité politique de la Syrie

ne sera possible qu’avec un

départ de Bachar El-Assad

Il faut respecter la

résolution 2254 du Conseil

de sécurité des Nations-

Unies

La Syrie doit entamer un

processus de transition

politique et devenir un Etat

fédéral

Page 11: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

11

Ainsi si les sanctions économiques contre la Russie en 2014, ont eu un

sens, il est désormais temps de repenser notre politique en la matière et

de l’intégrer dans les nouveaux enjeux qui sont apparus. Il est inutile de se

précipiter dans une escalade aux sanctions. Il est temps désormais de

définir une issue constructive, entraînant de réels résultats diplomatiques.

Un dispositif d’achèvement des sanctions pourrait être établi, en suivant

l’évolution de nos aboutissements diplomatiques. En effet, en échange de

certaines avancées en Ukraine, en Géorgie et en Syrie, les sanctions

pourraient être graduellement levées. D’un côté la Russie pourrait

s’engager résolument dans la voie d’un réel processus, en n’interférant plus

dans la vie intérieure de l’Ukraine et de la Géorgie, ainsi qu’en acceptant de

travailler à un vrai compromis politique en Syrie. Un compromis politique

syrien qui pourrait amorcer la négociation d’accords régionaux de stabilité

et de coopération, entre les camps sunnite et chiite et leurs Etats respectifs. De l’autre côté, à chaque avancée

constatée, les européens et les américains pourraient réduire par paliers, les sanctions qui ont été adoptées.

Agir avec anticipation

« Il ne faut pas attendre une guerre, pour essayer de trouver les moyens

de faire la paix, entre Israéliens et Palestiniens. Il faut anticiper et

remettre au cœur de l’agenda international, la nécessité d’une paix

israélo-palestinienne. »

Romain Nadal, porte-parole du ministère des affaires étrangères, sur les

conclusions de la Conférence pour la Paix au Proche-Orient

Après deux années de silence, la question israélo-palestinienne avait été

remise à l’ordre du jour international, le 23 décembre 2016, avec

l’adoption de la résolution 2334 par le Conseil de sécurité des Nations

Unies. La solution des deux États et la nécessité de la préserver, avaient été alors réaffirmées avec force. Le 15

janvier 2017, était organisée à Paris, une Conférence pour la paix au Proche-Orient, abordant l’enjeu de

nouvelles négociations entre Israéliens et Palestiniens. Cette réunion ouverte, avait été présidée par le

ministre des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, avec une intervention du Président de la République

française. Elle avait rassemblé de nombreux pays ou organisations internationales (70 environ), dont les

principaux acteurs internationaux concernés : le Quartet (États-Unis, Union européenne, Russie, Nations-

Unies), les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies, des partenaires arabes,

européens, les pays du G20 et autres acteurs intéressés par la paix. Lors de cette Conférence, les Participants

avaient réaffirmé leur soutien au règlement juste, durable et global du conflit israélo-palestinien. La nécessité

d’aboutir à la coexistence de deux Etats avait été rappelée. En effet, la solution à deux Etats est le cœur des

textes internationaux qui ont été adoptés depuis des décennies, pour favoriser une paix durable entre

Israéliens et Palestiniens. L’exigence de poursuivre ces travaux avait été réaffirmée, afin de formuler des

propositions pour aboutir à une reprise des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens, dans l’objectif

de conclure un accord de paix. La communauté internationale avait ainsi repris l’initiative, sur la question du

conflit israélo-palestinien. Elle avait démontré une capacité d’anticipation et d’action diplomatique. C’est

cette diplomatie en mouvement, qui doit continuellement s’activer. Anticiper, rassembler les partenaires, créer

les conditions d’une construction continue de la paix. Nous devons avoir la même démarche et obtenir les

mêmes engagements, sur tous les dossiers diplomatiques d’envergure.

Il est inutile de se

précipiter dans une

escalade de sanctions

En échange de

certaines avancées

en Ukraine, en

Géorgie et en Syrie,

les sanctions envers

la Russie pourraient

être graduellement

levées

Anticiper, rassembler

les partenaires, créer

les conditions d’une

construction

continue de la paix

Assurer une

coordination

opérante, entre tous

les acteurs

responsables

Page 12: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

12

Il est nécessaire dans certaines situations d’agir dans l’urgence, mais nous devons nous mettre de plus en

plus, dans une réelle démarche d’anticipation. Ne nous laissons pas surprendre, comme nous avons pu l’être

avec l’émergence de l’Etat Islamique. Captons les signaux, dressons les analyses et engageons les actions

nécessaires.

Réformer l’ONU

« En cette première journée à la tête des Nations unies, une question

me pèse sur le cœur : comment venir en aide aux millions d’êtres

humains pris au piège de conflits ? En ce jour de l’an,

je vous demande à tous de prendre avec moi cette résolution :

engageons-nous à faire de la paix notre priorité absolue. »

Antonio Guterres, Secrétaire général de l’Organisation des Nations

unies (ONU), Vœux du 1er janvier 2017

Face à un monde instable, ni les Etats, ni les organisations comme

l’Union européenne ou les Nations unies n’ont aujourd’hui les

moyens d’agir. Il est nécessaire de se mettre en capacité de conduire

une action internationale, au service de la construction de la paix et d’un développement « écologiste ». L’ONU

doit opérer une réforme structurelle, afin de répondre aux défis de notre temps. Nous devons d’abord

améliorer la représentativité du Conseil de sécurité de l’ONU. Il faut ainsi l’élargir, pour instaurer une

correspondance avec la réalité de notre monde. Actuellement parmi les membres permanents, nous n’avons

aucun État africain, ni sud-américain, ou de grands pays comme l’Inde n’y figurent pas. La redéfinition de

l’usage du veto est également une orientation importante à engager. En situation de crimes contre l’humanité

avérés, le veto ne pourrait pas être exercé par une grande puissance, de façon à ce que la communauté

internationale puisse prendre ses responsabilités. En 2006, Kofi Annan, Secrétaire général de l’ONU, avait mis

en avant la proposition d’un droit de veto limité. En 2013, le Président de la République française avait

proposé les modalités d’un encadrement. Il consisterait pour les cinq membres permanents du Conseil de

sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) à s’engager volontairement et collectivement à ne

pas recourir au veto, lorsqu’une situation d’atrocité de masse est constatée. Il s’agirait d’une démarche

volontaire qui n’impliquerait donc pas une révision de la Charte des Nations unies. Selon la proposition

française, cet encadrement s’appliquerait en cas de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de

guerre à grande échelle. L’ONU a également besoin d’une force militaire mieux formée, mieux équipée et

plus professionnelle. Une vraie armée des Nations unies est aujourd’hui nécessaire. A disposition des grandes

régions du monde, cette armée pourrait intervenir, afin de rétablir et de consolider la paix. Il faut donner la

priorité à la protection des populations avec des corridors humanitaires, des zones d’interdiction aérienne, des

accords de paix locaux, qui seraient très utiles en Syrie.

Elargir le Conseil de

sécurité de l’ONU

Redéfinir l’usage du veto

L’ONU a également

besoin d’une force

militaire mieux formée,

mieux équipée et plus

professionnelle

Donner la priorité à la

protection des

populations

Page 13: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

13

II. Le monde a besoin d’une Europe forte

« Nous souffrons d’une absence de l’Europe et les insuffisances de la diplomatie française nous

éloignent du rôle que nous pourrions jouer. […] À l’intérieur même de l’Union européenne, certains

États, certains peuples ont le sentiment d’être marginalisés ou rejetés. Le sentiment européen est

fragile et menacé. Si on veut que l’Europe entière vote pour les émules de Beppe Grillo, continuons

à ne pas comprendre que la première raison du sentiment populiste, c’est l’image d’impuissance

que projettent les dirigeants de l’Europe, incapables de trouver des solutions dans chacun de nos

États aux problèmes économiques et sociaux, mais aussi à l’échelle de l’Europe. Y remédier signifie

concrètement doter l’Europe de nouveaux instruments. Nous souffrons d’un manque de diplomatie,

d’un manque de politique, d’États trop faibles, y compris dans notre espace européen. »

Dominique De Villepin, L’Humanité, 9 décembre 2016

A. Une refondation européenne

Dans la complexité du monde actuel, il est nécessaire d’engager une refondation européenne et de doter

l’Union européenne de fondements solides.

L’Union européenne doit s’affirmer

« Ce contexte nous oblige. Il nous oblige à aller de l’avant. Il nous oblige à une refondation de l’Europe. Pour

une Europe plus unie, plus forte, plus politique, qui saura se faire respecter dans le monde. Une Europe en

capacité de produire de la croissance durable et du progrès social. Une Europe en capacité d’assumer sa

propre défense. Une Europe en capacité d’apporter les bonnes réponses aux défis du monde : migration,

développement, climat, terrorisme,...C’est à ces rendez-vous là, à ce rendez-vous là, de la refondation de

l’Europe, que nous sommes désormais attendus pas nos concitoyens. »

Marielle De Sarnez, Députée européenne, Intervention en Session Plénière du Parlement Européen à

Strasbourg, le 18 janvier 2017

L’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, peut être un accélérateur de l’émergence d’une Europe

forte et indépendante. Le nouveau Président américain donne un rôle insolite à son pays, et l’engage sur des

voies hasardeuses. Donald Trump est aussi fluctuant dans son opinion sur l’Union européenne qu’il ne l’est

avec celle qu’il délivre sur l’OTAN : un jour hostile, le lendemain favorable. Cette incohérence démontre que

Donald Trump est en perdition dans le monde diplomatique, constamment au bord d’un naufrage redoutable.

Nous sommes à un tournant des relations internationales et nous pouvons saisir cette occasion, pour

engager une véritable refondation européenne. Nous pouvons édifier une nouvelle Europe qui s’affirme dans

le monde. Nous devrons dans les prochaines années, gérer le conflit syrien, l’instabilité chronique du Moyen-

Orient, les volontés impérialistes de la Russie, ainsi que l’improvisation américaine. L’Europe a vocation à

devenir un pôle de stabilité fort. Engageons-nous sur la voie de l’indépendance, afin de créer une véritable

dynamique diplomatique européenne, au service de la paix. Nous sommes et nous serons dans un contexte

difficile et exigeant. Reconsidérons le rôle de l’OTAN et construisons une Europe de la Défense, par étapes.

Nous avons trop tardés. Nous nous sommes trop contentés de ce que nous avions accompli, qui est

considérable mais qui ne suffit plus. Si nous voulons un monde plus stable, alors nous devons nous doter des

outils nécessaires. Nous devons construire notre propre capacité d’action, et nous devons agir. Mobilisons

toutes nos forces, tous nos potentiels, au service d’un projet européen.

Page 14: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

14

Le référendum de 2005 a déstabilisé la construction européenne. Nous devons savoir tourner la page et

engager un nouveau chantier, en lien avec les citoyens. Il n’y a pas d’avenir pour la France, en dehors de

l’Union européenne. Le Brexit comme l’élection de Donald Trump, nous donnent l’occasion de clarifier notre

destin et de définir nos résolutions. Désormais principale puissance militaire de l'Union européenne, seule

détentrice de la dissuasion nucléaire, seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la

France a un rôle déterminant à jouer.

Accueillir Edward Snowden en Europe

« Quand Edward Snowden a communiqué à des journalistes, en juin 2013, des documents des

services secrets américains, il a révélé l’ampleur de la surveillance de masse exercée au niveau

mondial. Il a montré que les gouvernements récupèrent secrètement une large part de nos

communications personnelles, notamment des courriels privés, des données de localisation de

téléphones, des historiques de navigation sur Internet, et bien d’autres choses encore. Tout cela,

sans notre consentement. Grâce à son courage, le monde a changé. Il a lancé un débat au niveau

mondial, qui a permis de modifier des lois et a contribué à améliorer la protection de la vie privée.

Edward Snowden est un héros des droits humains. »

Campagne d’Amnesty International, lancée le 14 septembre 2016

Le Parlement européen avait voté, le 29 octobre 2015, une résolution de 50 articles, condamnant à nouveau

la surveillance des citoyens européens par les services secrets européens et américains. Le Parlement avait

également adopté, par 285 voix contre 281, un amendement recommandant aux Etats membres

de protéger Edward Snowden, l’ancien espion américain qui avait dévoilé en 2013 les programmes de

surveillance de la NSA, et qui vit désormais en Russie pour échapper à la justice de son pays. Le texte invitait les

Etats membres à « cesser toute action judiciaire contre Edward Snowden et à lui accorder leur protection, et

donc d’empêcher qu’il soit extradé ou livré à des pays tiers, en reconnaissance de son statut de lanceur

d’alerte et de défenseur des droits humains internationaux ».

Exilé en Russie depuis 2013, dans une situation précaire et incertaine, Edward Snowden risque une peine de

prison lourde, voire la perpétuité. Il est toujours poursuivi au titre d’une loi de 1917 sur l’espionnage, loi qui ne

lui permet pas de défendre les raisons qui l’ont amené à partager ces documents de la NSA. La Russie a accordé

à l’ancien consultant de la NSA un droit de résidence pour trois ans sur le sol russe, à compter du 1er août 2014.

Ce droit de résidence arrivera donc à expiration au cours de l’année 2017. En outre, le successeur d’Obama à la

Maison Blanche, Donald Trump, considère Snowden comme un espion que la Russie doit remettre aux États-

Unis. L’Union européenne doit s’imposer dans ce dossier et accueillir Edward Snowden, dans l’un de ses pays

membres. La France pourrait prendre l’initiative et se placer à l’avant-garde de ce combat, pour la défense des

droits humains. Nous devons affirmer nos valeurs et notre message. L’Europe peut incarner une autre voie sur

la scène internationale. Accueillir Edward Snowden en Europe, serait une initiative forte et légitime. Nous avons

vocation à défendre dans toutes les affaires de ce monde, les mêmes principes et les mêmes avancées. Le

monde a besoin de notre indépendance et de notre lucidité.

Page 15: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

15

Faire de l’Europe, un foyer d’innovation

stratégique

« Rien n’est plus frappant que la faiblesse du débat stratégique en

France. On imagine sans peine que je ne suis pas un défenseur du

régime politique en Chine. Tous mes choix personnels et

démocratiques vont à l’encontre du régime du parti unique

communiste hérité de Mao conjugué avec le libéralisme le plus

exacerbé. Mais il est une chose que j’envie à la Chine, c’est de

penser le monde et le gouvernement à trente ans. De penser à

trente ans, les investissements d’Etat, la recherche des ressources.

Ils pensent à trente ans. Nous, dans les dernières décennies, ne

pensons parfois même pas à trente jours ! »

François Bayrou, « Résolution française »

Nos sociétés sont trop tournées vers la stimulation de réactions

immédiates, non réfléchies. Nous sommes surchargés en

commentateurs de l’instantané, professionnels ou non. Ceux qui

savent quoi dire, quoi penser, qui nous abreuvent de visions

schématiques, rapides et finalement superficielles. Nous avons au

contraire besoin de penser le long terme, l’avenir, de remettre en

cause ce qui doit l’être, de trouver des solutions, de formuler des propositions. Cessons de nous projeter

toujours sur le lendemain, projetons-nous dans 30 ans, 50 ans. Cessons de nous réconforter dans des systèmes

dépassés, ayons le courage et l’imagination de les repenser. Il est temps de mettre fin à une forme de paresse

intellectuelle, à la justification improductive de l’inefficacité pour se maintenir dans un immobilisme commode

et mortifère. L’Europe doit se mettre en mouvement. Nous devons faire le pari de l’intelligence stratégique.

La stratégie, c’est comprendre notre monde et préparer celui qui viendra. C’est cerner l’ensemble des enjeux,

trouver des solutions et des plans d’action. La stratégie, c’est ce qui nous permettra d’agir efficacement et de

sortir de notre désarroi, de notre inaptitude à penser. Mettons-nous en capacité de structurer une stratégie

solide, au service de notre vision et de nos valeurs. Instaurons en Europe, des formations permettant aux

jeunes mobilisés par les enjeux géopolitiques, de s’investir dans ces domaines, pour en faire leur activité

professionnelle. Nous avons besoin d’un vrai Centre de recherche et de formation, à dimension européenne.

L’Europe est un cadre évident, pour organiser des structures de formation et de recherche, portant sur des

projets de dimension géopolitique. Nous n’avons pas su porter un véritable modèle éducatif européen, un

véritable modèle de recherche, alors que nous avons des atouts indéniables. La Diplomatie, les relations

internationales, la stratégie, sont des secteurs que nous devons impérativement développer. Sortons des

schémas pédagogiques dépassés, incarnés par les structures éducatives nationales. Aménageons des

dispositifs innovants, permettant de partir des points forts des individus, afin de les inscrire dans une

dynamique positive et d’améliorer leur niveau dans d’autres domaines. Arrêtons de vouloir mettre tout le

monde à un niveau standard et arbitraire, nous ne faisons que freiner nos potentiels, nous ne faisons que

ralentir notre dynamique. Nous avons trop longtemps négligé l’intelligence stratégique. A nous de créer les

dispositifs permettant de la valoriser, de la travailler et de l’exploiter, pour en faire une force au service de la

construction de la paix.

Nous devons créer en

Europe, des formations

permettant aux jeunes

mobilisés par les enjeux

géopolitiques, de s’investir

dans ces domaines, pour

en faire leur activité

professionnelle

La Diplomatie, les relations

internationales, la

stratégie, sont des secteurs

que nous devons

impérativement

développer

Valoriser, travailler et

exploiter l’intelligence

stratégique, pour en faire

une force au service de la

construction de la paix

Page 16: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

16

Une Europe qui écoute, une Europe qui

agit

« L’essentiel de la crise européenne s’explique par

l’absence de démocratie réelle. L’Europe s’est

construite avec des spécialistes, non avec le peuple:

cela vient de la méthode de Jean Monnet, faire

l’Europe avec des responsables éclairés, sans trop

s’attacher aux désirs des peuples. On comprend bien

qu’au lendemain de la guerre, les peuples n’avaient

évidemment pas envie de fraterniser avec le voisin

responsable de millions de morts. Il a fallu des gens

incroyablement généreux pour surmonter ce

ressentiment. Seulement la méthode de Monnet ne

peut plus marcher: au fur et à mesure que le temps a

passé, l’exigence démocratique a grandi. »

François Bayrou, la Revue des Deux Mondes (décembre

2016 - janvier 2017)

L’Europe doit pouvoir se concentrer sur des projets clés, comme la mise en place d’un parquet antiterroriste

et d’un FBI européens, l’application d’une politique énergétique permettant de baisser les coûts de

l’électricité et du gaz pour les citoyens européens, l’instauration d’une Europe de la défense. Elle doit, dans

le même temps, montrer sa capacité à écouter et à consulter. Que ce soit Hubert Védrine, Dominique De

Villepin ou Emmanuel Macron, tous ont souligné la nécessité d’une phase de consultation des citoyens

européens, par différents dispositifs. Il apparaît ainsi essentiel d’engager dans les vingt-sept pays de l’Union

européenne (en dehors de la Grande-Bretagne, qui a pris la voie du Brexit), des débats citoyens structurés et

ouverts, afin de dégager les opinions des européens dans toute leur diversité. Ainsi durant une période

déterminée (par exemple une année), une large consultation pourrait s’opérer par la tenue de conventions

démocratiques, de conférences, de Congrès, avec en complément un usage des outils numériques. L’objectif

serait d’aboutir à la construction d’un réel projet citoyen pour l’Europe, afin d’ouvrir une période de

refondation, par l’application de réformes décisives. Cette période de réflexion citoyenne pourra nous

permettre d’évoquer de nombreuses idées et propositions. Valéry Giscard d’Estaing, avait publié en 2014, un

ouvrage : « Europa : la dernière chance de l’Europe », qui proposait un nouveau schéma institutionnel.

L’ancien Président de la République française (1974 -

1981) avait formulé dans ce livre, des idées

intéressantes, comme la constitution d’un noyau

d’Etats prêts à fonder une Europe politique,

l’harmonisation fiscale et sociale ou la fondation d’un

Congrès des peuples. Valéry Giscard d’Estaing avait

engagé un débat sur l’Europe, avec l’affirmation d’un

projet clair. Poursuivons cette démarche, enclenchons

un véritable mouvement d’idées à l’échelle de

l’Europe, sur tous les enjeux qui concernent la

construction européenne. Nous devons susciter une

véritable dynamique citoyenne, porteuse d’idées et de

projets, en lien avec le Parlement européen.

Engager dans les vingt-sept pays de

l’Union européenne (en dehors de la

Grande-Bretagne, qui a pris la voie du

Brexit), des débats citoyens structurés

et ouverts, afin de dégager les

opinions des européens dans toute

leur diversité

Nous devons susciter une véritable

dynamique citoyenne, porteuse

d’idées et de projets, en lien avec le

Parlement européen

Avec « Europa : la dernière chance de

l’Europe » (2014), Valéry Giscard

d’Estaing avait engagé un débat

européen, avec l’affirmation d’un

projet clair. Poursuivons cette

démarche

« On a bâti l’Europe à l’envers. Si l’on parvient à

un projet cohérent de refondation, on pourra à

ce moment-là le soumettre à des référendums et

surtout pas avant, ils ne seraient que

destructeurs. Cette refondation vise, au fond, à

sauver le mode de vie européen. C’est un peu

comme les dévaluations de la monnaie qu’on

faisait jadis, une manière de repartir sur de

nouvelles bases. L’Europe a besoin d’une

relégitimisation politique, impossible sans les

peuples. »

Hubert Védrine, L’Opinion, 6 novembre 2016

Page 17: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

17

B. Une nouvelle Europe, dans le monde

L’Union européenne doit s’affirmer dans le monde et porter son message. A cette fin, elle doit assumer sa

Défense et sa diplomatie. L’Europe doit se doter des moyens de sa puissance.

Une Europe qui assume sa

Défense

« Nous le voyons bien, plus que jamais, le

monde a besoin d’une Europe forte. Mais

pour cela nous devons nous en donner les

moyens. Jean-Claude Juncker a eu raison de

parler d’Europe de la défense. De toute

façon, nous y serons contraints parce que les

États-Unis vont donner moins et protéger

moins demain qu’ils ne le faisaient hier. Oui,

il nous revient d’avoir notre propre capacité

et d’assurer notre propre sécurité. »

Marielle De Sarnez, Députée européenne,

Intervention en Session Plénière

du Parlement Européen à Strasbourg, le 13

décembre 2016

Nous assistons aujourd’hui, dans le débat

public, à une prise de conscience tardive

concernant la nécessité de fonder une Europe

de la Défense. Les violents défis auxquels nous

avons été confrontés, ainsi que les limites que

nous avons constatées, nous conduisent

désormais à aborder directement l’enjeu

d’une Défense européenne. Trop longtemps,

ce sujet a été négligé. Trop longtemps le débat européen s’est verrouillé autour de questions bien ciblées, sans

aucune projection sur des domaines stratégiques. Il est temps de porter nos analyses sur les véritables enjeux.

Redéfinissions notre place dans l’OTAN et entamons un réel processus de coopérations industrielles et de

mise en place de forces d’interventions communes. Née à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN avait

pour mission première de contenir toute expansion du bloc soviétique notamment en Europe. Fortement

marquée par la prédominance des Etats-Unis, l’alliance a rempli son rôle en évitant tout dérapage majeur au

cours du demi-siècle passé. En élargissant son champ d’action et la zone géographique de ses interventions, en

reconnaissant le statut particulier de l’ONU, elle est devenue la source d’interrogations nombreuses allant

jusqu’à remettre en cause son existence. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN a

été un reniement de l’action gaullienne et n’a apporté aucun avantage décisif, tout en rendant la position

française confuse, alors que la France pouvait être leader dans le domaine de la défense en Europe.

La France et l’Europe doivent désormais se

montrer résolues, à concevoir de nouvelles

coopérations de sécurité, tout en engageant

une réelle politique de défense

Nous pourrions apporter un modèle original

avec des armées nationales à l’intérieur de

l’Europe, spécialisées dans la défense du

territoire (comme en Suisse, par exemple), et

une armée européenne qui soit spécialisée dans

la projection à l’extérieur

L’Union européenne doit organiser une

capacité d’action propre, ce qui lui donnerait la

possibilité de lancer des actions et de les garder

sous son contrôle

Les Européens devront choisir une orientation

claire, afin d’assumer un rôle autonome dans

l’équilibre mondial et de conserver leur

identité, en se dotant des moyens

indispensables

L’armement nucléaire et la liberté de choix

dans sa mise en œuvre mériteront une étude

approfondie tant les situations et les intérêts

sont divers

Page 18: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

18

En outre, l’OTAN est devenue un facteur

d’instabilité. La possibilité d’une intégration

de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Alliance

atlantique, a réveillé les craintes de la Russie

qui ne veut pas que l’OTAN s’étende jusqu'à

ses frontières. La France et l’Europe doivent

désormais se montrer résolues, à concevoir

de nouvelles coopérations de sécurité, tout

en enclenchant une réelle politique de

défense. Associons les citoyens européens à

cette réflexion et ayons le courage de

prendre notre sort en main. Nous pourrions

apporter un modèle original avec des

armées nationales à l’intérieur de l’Europe,

spécialisées dans la défense du territoire

(comme en Suisse, par exemple), et une

armée européenne qui soit spécialisée dans

la projection à l’extérieur. Cela se rapproche

du fonctionnement actuel, mais qui est encore une fois, sous l’égide des États-Unis, via l’OTAN. Les Etats-Unis,

depuis la seconde guerre mondiale, revendiquaient la direction des opérations d’intervention dans le reste du

monde. Ce monopole déjà contestable et contesté à d’autres époques, est aujourd’hui totalement inadapté.

Désormais de Barack Obama à Donald Trump, les Etats-Unis affirment une volonté de ne pas demeurer, à

perpétuité, les gendarmes du monde. Les Etats-Unis ne s’estiment plus investis d’une mission de

démocratisation universelle. L’Union européenne doit pouvoir assurer sa sécurité, en toute indépendance, en

défendant une vision différente, établie sur l’héritage de son Histoire. Les opérations militaires et la

diplomatie américaines ont montré depuis une quinzaine d’années, leur totale inadaptation au monde du

XXIème siècle. L’Union européenne doit organiser une capacité d’action propre, ce qui lui donnerait la

possibilité de lancer des actions et de les garder sous son contrôle. L’Europe a les moyens de sa Défense et

elle doit être en capacité d’agir, en restant fidèle à ses valeurs et en posant sa propre approche des conflits.

Cette nécessité d’une Défense européenne affirmée, avait été établie par le Général De Gaulle, au cours de sa

présidence, de 1958 à 1969. Charles De Gaulle en affirmant une Défense française indépendante, initiait alors

une Défense européenne propre, au service de desseins uniquement européens. La France du Général De

Gaulle était celle qui ouvrait la voie. L’Europe a besoin de cette France à l’initiative, qui innove et qui prend des

directions nouvelles. Le 21 décembre 2016, dans une tribune pour Les Echos, le chef d’état-major des armées

françaises, le Général Pierre de Villiers, poussait un cri d’alarme et appelait à une revalorisation rapide du

budget de la Défense française. La France aujourd’hui, connait des difficultés à la fois financières et de

recrutement pour son Armée. Les Armées ont besoin d’hommes, de technologies et d’équipements. La Défense

peut créer des emplois et des richesses, mais pour cela elle doit pouvoir bénéficier de moyens réels. Une

Défense européenne avec des moyens solides, serait bien plus attractive que des Défenses nationales

dispersées et en difficulté. Notre Défense a elle aussi, besoin d’innovations et de jeunes, elle doit pouvoir être

en mesure de répondre à ses besoins. Seule l’Europe le permettra. Ainsi l’Union européenne doit se saisir de la

question de la Défense. Des avancées ont été effectuées durant ces dernières années mais trop d’intérêts

nationaux subsistent et surtout, il n’existe aucune autorité politique supranationale effectivement compétente.

Les Européens devront choisir une orientation claire, afin d’assumer un rôle autonome dans l’équilibre

mondial et de conserver leur identité, en se dotant des moyens indispensables. L’armement nucléaire et la

liberté de choix dans sa mise en œuvre mériteront une étude approfondie tant les situations et les intérêts sont

divers.

« Nous sommes désormais la seule puissance nucléaire de

l’Union européenne. Nous intervenons, à nous tout seuls,

davantage que ne le font tous les autres pays européens.

Cette réalité doit être débattue avec nos partenaires

européens. Dès que l’Union sera devenue politique, ce que

je crois nécessaire et possible, la question de la défense

européenne se trouvera nécessairement posée. A cette

défense européenne, qui ne signifie pas armée

européenne, mais coordination de nos moyens d’action et

partage de l’effort, la France contribuera puissamment. Il

est juste que vienne le temps de partager le fardeau. Mais

cela suppose que la France soit puissante et respectée en

politique étrangère, que ses buts diplomatiques soient

clairs et discutés avec nos partenaires européens. Cela

exige que la France soit pleinement indépendante. »

François Bayrou, « Résolution française »

Page 19: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

19

Une Europe qui existe sur la scène

internationale

« Ce n’est qu’ensemble que nous sommes, et que nous

resterons, une force incontournable. Pourtant, même

si l’Europe est fière d’être une puissance douce qui

revêt une importance mondiale, nous ne devons pas

être naïfs. La puissance douce ne suffit pas dans un

voisinage de plus en plus dangereux. »

Jean-Claude Juncker, le 14 septembre 2016, deuxième

discours sur l’état de l’Union

Jean-Claude Juncker, le président de la Commission

européenne, occupe des responsabilités difficiles, dans

un contexte redoutable. Ereinté par cette expérience, il

avait annoncé le 12 février 2017 qu’il ne briguerait pas

un second mandat en 2019, à l’heure où l’Europe

célèbre les 60 ans du traité de Rome. Ce dirigeant

épuisé dans les circonstances actuelles, c’est aussi celui

qui avait su poser les bases d’un renouveau européen. En effet, le 14 septembre 2016, Jean-Claude Juncker,

avait prononcé son deuxième discours sur l’état de l’Union, devant les parlementaires européens réunis à

Strasbourg. Constatant l’urgence de la question syrienne et l’absence de l’Europe dans les négociations en

cours, Jean-Claude Juncker avait plaidé pour un renforcement de la diplomatie européenne. Le président de la

Commission européenne avait alors affirmé sa volonté d’accroître le rôle de l’actuelle Haute Représentante

de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini. Selon

Jean-Claude Juncker, Federica Mogherini devait devenir une véritable ministre européenne des affaires

étrangères, fédérant tous les corps diplomatiques, de tous les pays membres de l’Union, afin de pouvoir

représenter une diplomatie européenne résolue. Dans ce cadre, Jean-Claude Juncker avait très justement

appelé à développer une stratégie européenne pour la Syrie. Il avait ainsi légitimement considéré qu’en

disposant d'un siège à la table des discussions sur l'avenir de la Syrie, Federica Mogherini serait en mesure

d’incarner cette présence européenne tant nécessaire pour reconstruire la Syrie et l’engager sur la voie d’une

réelle transition politique, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans

son discours du 14 septembre 2016, Jean-Claude Juncker avait également présenté un plan pour la Défense

de l’Union européenne, en annonçant l’instauration d’un quartier général unique de planification et de suivi

des missions militaires et civiles de l’UE, ainsi que la création d’un Fonds européen de la Défense. Jean-

Claude Juncker souhaitait établir une coopération structurée et efficace entre les armées nationales

européennes, tant sur le plan des dépenses que sur le plan opérationnel. Il avait alors été précisé que le

manque de coopération en matière de défense coûterait à l’Europe entre 25 et 100 milliards d’euros par an, en

fonction des domaines concernés. Suite à ce discours, le sommet de Bratislava du 16 septembre 2016 ne

s’était pas montré à la hauteur et n’avait débouché sur aucune décision déterminante. Le discours de Jean-

Claude Juncker était animé par un réel volontarisme politique. Le président de la Commission européenne avait

avancé des propositions concrètes, au service d’un projet européen humaniste, ambitieux et crédible. Dans un

contexte de Brexit, Jean-Claude Juncker avait posé les fondements d’un véritable tournant. Le lundi 6 mars

2017, à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères décidèrent l’instauration à court terme d’un

quartier général militaire pour l'Union européenne, censé centraliser le commandement de certaines missions

extérieures. Il s’agissait d’un premier pas.

Structurons une diplomatie solide,

sachant faire le lien entre le couple

franco-allemand et la place de plus en

plus essentielle de la Commission

européenne

Les diplomaties nationales doivent être

respectées et organisées, de façon à ce

qu’elles puissent apporter des appuis,

dans une approche plus globale

Le rôle de la Commission européenne

et plus précisément de la Haute

Représentante de l’Union Européenne

pour les affaires étrangères et la

politique de sécurité, devrait être de

coordonner des actions communes sur

des dossiers stratégiques, comme en

Syrie, en Ukraine ou en Géorgie

Page 20: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

20

Nous devons poursuivre dans cette direction. En complément de la mise en chantier des idées de Jean-Claude

Juncker, créons un Conseil de sécurité européen rassemblant les principaux responsables militaires,

diplomatiques et du renseignement des Etats membres. Instaurons une coopération spécifique entre les

Etats membres qui souhaitent avancer ensemble sur les questions de défense, sans attendre la participation

de tous les pays de l’UE.

L’Union européenne, Prix Nobel de la Paix en 2012,

doit se mettre en capacité de construire la paix, à

travers le monde. Elle doit se mettre en situation

d’avoir un réel leadership, afin de conduire des

actions effectives, au service de ses valeurs

humanistes. La COP21, la 21e Conférence des

parties, s’était conclue à Paris, le 12 décembre 2015,

sur l’adoption du premier accord international sur le

climat (conclu par 195 pays et applicable à tous). La

COP21 est un exemple d’une négociation opérante

conduite par une gouvernance supranationale

cohérente, dans laquelle l’Europe a su se montrer

déterminante. Nous devons favoriser les

coopérations internationales, entre Etats capables

de s’engager et de tenir leurs engagements. L’Union

européenne peut avoir un rôle essentiel dans

l’affirmation de la communauté internationale sur

les enjeux de la guerre et de la paix, de la lutte

contre la pauvreté ou de l’écologie. Nous sommes

porteurs d’un message universel et nous devons

créer une dynamique d’entrainement, qui nous fera

atteindre nos objectifs d’amélioration des

conditions de vie et de développement. Structurons

une diplomatie solide, sachant faire le lien entre le couple franco-allemand et la place de plus en plus

essentielle de la Commission européenne. La France et l’Allemagne ont un rôle à jouer, mais une meilleure

coordination doit s’opérer, de manière à donner toute sa place à la Haute Représentation de l’Union

Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Les diplomaties nationales doivent être

respectées et organisées, de façon à ce qu’elles puissent apporter des appuis, dans une approche plus globale.

Le rôle de la Commission européenne et plus précisément de la Haute Représentante de l’Union Européenne

pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, devrait être de coordonner des actions communes sur

des dossiers stratégiques, comme en Syrie, en Ukraine ou en Géorgie. Une coordination, dans laquelle chaque

pays de l’Union aurait un rôle ciblé. Nous devons mieux nous organiser, mieux planifier nos stratégies et

conduire des actions collectivement, afin de les rendre déterminantes. Nous donnons actuellement l’image

d’une politique européenne dispersée, traversée par de nombreux débats, sans que n’en émerge la direction

finale, l’incarnation propre qui porte le message. Les forces diplomatiques européennes ont besoin de se

regrouper, sans perdre leurs spécificités, sous une synchronisation commune pour tous les enjeux majeurs.

La construction d’une Europe de la Défense, en sera la complémentarité évidente.

« Je crois qu’il s’est passé beaucoup de choses

depuis 15 - 20 ans, et qu’il faut absolument que les

prochains responsables, présidents, ministres, etc,

fassent le bilan des interventions occidentales,

depuis la fin de l’Union soviétique, depuis que les

occidentaux ont cru être les maîtres du monde, dans

ce qu’ils appellent la communauté internationale,

qui est un objectif mais pas une réalité aujourd’hui.

Il y a eu beaucoup d’interventions, quelles sont

celles qui ont été justifiées, pas justifiées, qui ont

marchées, pas marchées, qui étaient légales,

Conseil de sécurité ou pas. Je développe pas mais

c’est pas possible de continuer comme ça, sans qu’il

y ait un bilan. D’autant que là aussi, comme sur

l’Europe, les peuples décrochent. Donc il faut savoir

ce que l’on fait ou pas, à l’avenir. »

Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un débat

entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et Hubert

Védrine, organisé par l’École des affaires

internationales, Sciences Po, avec Courrier

international

Page 21: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

21

Une Europe, puissance d’influence

mondiale

« Cette Europe intégrée - appelons-la Europa pour la

distinguer de l'autre - a vocation à devenir une des trois

puissances économiques du monde, ce qui l'arrachera à son

pessimisme. Ce sera une puissance fidèle à ses alliances

mais pacifique, c'est-à-dire qu'elle portera un message de

paix après avoir été le lieu de naissance des deux derniers

conflits mondiaux. C'est à la France de porter ce message,

en liaison intime avec son grand partenaire allemand, car

elle seule possède l'imagination et le savoir-faire qui sont

indispensables aux grandes évolutions. Cela devrait être un

enjeu central de la prochaine élection présidentielle

française. Quel sera le candidat le plus qualifié pour rendre

à la France son rôle d'inspiratrice du grand projet

d'intégration économique de l'Europe ? »

Valéry Giscard d’Estaing, Editorial dans « Le Point », le 17

février 2017

L’Union européenne pour devenir plus forte sur la scène

internationale doit engager un réel processus de

construction politique. Le lundi 6 mars 2017 à Versailles, se

tenait un mini-sommet quadripartite réunissant, le

président français, François Hollande, la chancelière

allemande, Angela Merkel, et les chefs des gouvernements italien et espagnol, Paolo Gentiloni et Mariano

Rajoy, pour préparer les réformes de l’Union européenne en vue du 60e anniversaire du traité de Rome. A

cette occasion, les dirigeants français, allemand, espagnol et italien s’étaient prononcés pour une « Europe

différenciée », nouveau nom de ce que l’on nommait « l’Europe à plusieurs vitesses », c’est-à-dire une Europe

qui permette aux Etats membres qui le souhaitent d’avancer ensemble dans des domaines spécifiques. Jean-

Claude Juncker avait présenté le mercredi 1er mars 2017, un livre blanc proposant cinq scénarios sur la

manière dont l'Union pourrait évoluer d'ici à 2025, en fonction des choix qu'elle fera pour répondre à ses

principaux défis et saisir ses principales opportunités. Le scénario 3 se consacre à cette Europe à plusieurs

vitesses et formule plusieurs propositions : structurer un groupe d’États membres qui décide de coopérer

« beaucoup plus étroitement » sur la défense, par la création d’une base industrielle et de recherche

commune, par des achats conjoints, par une plus grande intégration des capacités militaires et une

disponibilité opérationnelle des forces communes pour des missions à l’étranger ; établir une coopération

renforcée entre certains États dans les domaines de la sécurité et de la justice ; consolider la coopération entre

les forces de police et les services de renseignement, instaurer un parquet conjoint et aller plus loin dans la

création d’un espace commun de justice en matière civile ; constituer un groupe de pays, incluant ceux de la

Aller vers le scénario 5 du livre

blanc de la Commission

européenne : « Faire beaucoup

plus ensemble », c’est-à-dire

instaurer une coopération inédite

entre l’ensemble des États

membres, poussée à des niveaux

sans précédent dans tous les

domaines

L’Europe a besoin d’un véritable

régime politique, qui soit capable

d’apporter des réponses aux

citoyens

Nous devons nous engager avec

détermination, dans la

construction d’une Europe,

puissance d’influence mondiale,

c’est-à-dire une Europe qui soit une

puissance commerciale, une

puissance économique, une

puissance politique et une

puissance humaniste

Page 22: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

22

zone euro et quelques autres, qui choisit de renforcer

nettement leur collaboration dans le domaine fiscal et

social essentiellement. La présentation du livre blanc

a marqué le coup d'envoi d'un processus dans lequel

les 27 États de l'UE décideront de l'avenir de leur

Union. Pour encourager ce débat, la Commission

européenne, en collaboration avec le Parlement

européen et les États membres intéressés, accueillera

une série de «Débats sur l'avenir de l'Europe» dans les

villes et les régions partout en Europe. La Commission

européenne contribuera à cette discussion en publiant

une série de documents de réflexions concernant

notamment les enjeux économiques, sociaux ou de

défense. Les européens sont à l’initiative et ont enfin

compris, la nécessité de construire un nouveau projet

européen. Ces dernières années, nous aurions dû être

plus rapides, plus stratèges, plus en mouvement sur

des dossiers essentiels. Nous sommes restés figés,

dans un attentisme sidérant. Il a fallu attendre

l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, pour

amorcer un réveil salutaire. Cessons de nous perdre

dans les chimères, regardons les réalités en face,

établissons les bons pronostics, structurons une action

efficace. Nous nous sommes placés dans une situation

d’urgence, par nos erreurs et nos défaillances. Nous

devons enfin nous montrer à la hauteur des enjeux qui

se présentent à nous. L’Union européenne est entrée dans une période de transition. 2017 sera une année

d’élections nationales en France comme en Allemagne. Des élections dont les issues restent incertaines.

Angela Merkel, la doyenne des dirigeants de la communauté internationale, a su jouer avec les symboles.

Barack Obama s’en était fait l’allié, lui qui avait toujours maîtrisé l’art de l’allégorie. Mais les symboles ne

peuvent suffire. Angela Merkel est devenue chancelière en 2005, soit la même année que l’échec du

référendum sur la Constitution européenne. A l’issue du troisième mandat de la chancelière, nous ne pouvons

que constater que l’Europe n’a avancé sur aucun enjeu fondamental. L’Allemagne de Merkel n’a pas su,

durant un peu plus de onze ans, créer les conditions d’un véritable élan européen. Angela Merkel, désignée à

dix reprises comme la femme la plus puissante du monde par le magazine Forbes et personnalité de l’année

2015 par le magazine Time, n’a à aucun moment été décisive dans la poursuite d’un projet européen. L’œuvre

européenne d’Angela Merkel est à ce jour bien anecdotique. Nous devons sortir de ces montages médiatiques,

de ces illusions construites, pour assumer les réalités. Cessons de nous raconter des histoires. Cessons ces

comparaisons pour savoir quel est le premier de la classe. L’Europe est une construction collective, où nous

devons savoir associer tous nos points forts. Aujourd’hui en 2017, si le projet européen retrouve finalement

une dynamique, c’est notamment grâce à une action constante de Jean-Claude Juncker, Federica Mogherini,

François Hollande et Angela Merkel. La France de Nicolas Sarkozy s’était perdue dans un atlantisme affligeant.

A partir de 2012, François Hollande a su engager la France dans des voies intéressantes. Il y a eu des erreurs,

des analyses discutables, mais l’Histoire saura se rappeler de ce mandat, pour deux raisons fondamentales :

la lutte qu’a mené la France contre le terrorisme ainsi que la tenue de la COP21 à Paris.

« Je souhaite des responsables qui

réaffirmeraient qu’une politique étrangère est

quelque chose qui s’inscrit dans la durée, surtout

dans un vieux pays qui vient de loin, qui se

projette dans l’avenir. C’est indispensable de

résister à la pression quotidienne qui devient

infernale, qui devient débilitante, de

l’information continue, de la réaction continue,

du courtermisme, de l’émotionnalité, d’une sorte

de dictature émotionnelle, feu de cheminée etc,

c’est insupportable. Il faut réaffirmer qu’une

politique étrangère s’inscrit dans un processus

qui doit être différent. Alors ça paraît facile de

dire ça comme ça, mais il y a des gens qui

pensent ça, qui sont capables de l’incarner, de

l’assumer, mais le système quotidien de ce qu’est

la vie politico-médiatique, c’est le contraire. Donc

pour moi, c’est un préalable fondamental. Sinon

on aura beaucoup de mal, à mettre en avant de

grands objectifs. »

Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un débat

entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et

Hubert Védrine, organisé par l’École des affaires

internationales, Sciences Po, avec Courrier

international

Page 23: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

23

Il reste encore beaucoup à faire. La France doit retrouver confiance en la force de sa diplomatie et doit porter

les évolutions primordiales dont l’Europe a tant besoin. C’est sur cette voie que François Hollande s’est engagé,

avec l’organisation du mini-sommet quadripartite à Versailles, le 6 mars 2017.

En 2017, l’Europe entre dans une nouvelle phase de son

Histoire, une phase déterminante. La France et

l’Allemagne auront l’opportunité de choisir leurs

dirigeants. Cela pourra être l’occasion de relancer le

couple franco-allemand sur des bases nouvelles et

solides, et ainsi de poser les fondements d’une Europe

affirmée, sur la scène internationale. Le projet

européen a besoin de figures fortes pour l’incarner et

l’entraîner. Une « Europe différenciée » doit être une

étape nous permettant de conduire l’Union vers une

affirmation de sa puissance. Le scénario 3 du livre blanc

de la Commission européenne sur l’avenir de l’Europe

ne peut pas représenter une finalité, mais une

passerelle, nous permettant d’aboutir au scénario 5,

celui d’une Europe puissante, d’une Europe, puissance

d’influence mondiale. Des groupes de pays européens

peuvent s’engager dans des domaines d’initiative, pour

expérimenter, structurer des coopérations efficaces et

se montrer forces d’entrainement. Mais toutes ces

actions doivent s’effectuer dans le seul et unique objectif de servir une ambition européenne. Le scénario 5 du

livre blanc propose de « Faire beaucoup plus ensemble », c’est-à-dire d’instaurer une coopération inédite

entre l’ensemble des États membres, poussée à des niveaux sans précédent dans tous les domaines. Cette

avancée forte se caractériserait par plusieurs dispositifs : Une Europe qui parle et agit comme un seul bloc en

matière commerciale et qui est représentée par un siège unique dans la plupart des enceintes internationales ;

un Parlement européen qui a le dernier mot sur les accords commerciaux internationaux ; une Union

européenne de défense qui se créée, en totale complémentarité avec l’OTAN ; une Union européenne à 27 qui

continue de jouer un rôle moteur dans la lutte mondiale contre le changement climatique et renforce son rôle

en tant que premier pourvoyeur d’aide humanitaire et d’aide au développement dans le monde ; une politique

étrangère de grande ampleur de l’Union européenne qui l’amène à renforcer son approche commune en

matière de migration ; des partenariats plus étroits et des investissements accrus dans le voisinage de l’Europe

et au-delà qui facilitent la création de débouchés économiques, la gestion de la migration régulière et la lutte

contre les filières clandestines ; un achèvement du marché unique, au sein de l’Union européenne des 27, dans

les domaines de l’énergie, du numérique et des services qui suscite un fort intérêt associé à un niveau

d’ambition élevé ; plusieurs «Silicon Valleys» européennes qui sont créées pour accueillir des pôles regroupant

des sociétés de capital-risque, des jeunes pousses, des grandes entreprises et des centres de recherche ; des

marchés de capitaux pleinement intégrés qui contribuent à mobiliser des fonds en faveur des PME et des

grands projets d’infrastructure partout dans l’Union européenne ; au sein de la zone euro, mais aussi pour les

États membres désireux d’en faire partie, une coordination qui est poussée beaucoup plus loin en matière

budgétaire, sociale et fiscale, de même que la surveillance des services financiers à l’échelle européenne ; un

soutien financier complémentaire qui est mis à disposition par l’Union européenne pour stimuler le

développement économique et réagir aux chocs aux niveaux régional, sectoriel et national.

« Une Europe qui protège, c’est une Europe

puissante. Parce que si on n’est pas puissants,

on ne protège pas efficacement ses citoyens. Et

là, j’afficherais très clairement mon slogan :

faire de l’Europe, une puissance d’influence

mondiale. Ce mot « puissance » fait peur. On dit

qu’il n’y a plus que les français qui croient à ça.

Il n’y a plus que certains français qui croient que

l’Europe peut devenir une puissance. On n’a pas

le choix. Si nous ne devenons pas une puissance

d’influence mondiale, l’Europe se disloquera,

parce qu’elle ne sera pas à même de rassurer

ses concitoyens. »

Alain Juppé, le 8 mars 2017, lors d’un débat

entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et

Hubert Védrine, organisé par l’École des affaires

internationales, Sciences Po, avec Courrier

international

Page 24: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

24

Cependant tous ces dispositifs proposés par le scénario 5

du livre blanc ne pourront devenir effectifs, une fois la

phase de transition achevée, qu’en complément d’une

rénovation démocratique européenne. L’Europe a besoin

d’un véritable régime politique, qui soit capable d’apporter

des réponses aux citoyens. Cet enjeu démocratique doit

faire l’objet de débats, avec les citoyens européens. Nous

avons en outre la possibilité d’enclencher une

expérimentation très rapidement : mettre en place des

listes paneuropéennes pour élire les 73 eurodéputés

correspondant aux sièges britanniques au Parlement

européen, comme l’a proposé Daniel Cohn-Bendit. Si le

calendrier des négociations du Brexit le permet, ce

changement pourrait avoir lieu dès les élections

européennes de juin 2019. Ainsi nous devons nous

engager avec détermination, dans la construction d’une

Europe, puissance d’influence mondiale, c’est-à-dire une

Europe qui soit une puissance commerciale, une puissance

économique, une puissance politique et une puissance

humaniste. Nous devons porter de nouveaux projets,

concrets, avancer dans un débat large s’adressant à tous les

citoyens, édifier une Europe forte, présente sur la scène

internationale. Une Europe forte de son originalité, de sa

diversité, de ses valeurs et de ses atouts. Achevons le dessein européen, allons au bout de notre affirmation,

avec courage et volonté.

Conclusion : Une Europe indépendante, au service de ses

valeurs

Le monde est en mouvement. Alors que nous voyons émerger de toutes parts, des facteurs d’instabilité, il est

nécessaire de créer les conditions d’un véritable développement universel, au service de la paix et des droits

de l’Homme. Pour cela, nous devrons retrouver les conditions d’un dialogue avec de nombreux interlocuteurs,

nous permettant de conduire des négociations solides, de manière à aboutir à des accords qui auront un

impact direct sur l’évolution du monde. Nous devrons favoriser la constitution de coalitions internationales,

dans le cadre de négociations, ou par thématiques comme pour la COP21. Notre univers est en perpétuelle

construction. Il est temps de gagner un rôle de leadership sur de nombreux dossiers essentiels, pour mener

des actions déterminantes, dans la recherche d’un environnement international plus juste et stabilisé. Le

monde a besoin d’une Europe forte, au service de ses valeurs. Une Europe qui s’attaque enfin aux grands

chantiers stratégiques. Une Europe indépendante, engagée sur la voie d’une Défense renforcée et d’une

diplomatie affirmée. Un nouvel ordre mondial est en train d’émerger. Un ordre dans lequel l’Union européenne

pourra se poser en force d’équilibre, en force d’opposition aux impérialismes, toujours concernée par les

aspirations des peuples. Reprenons l’initiative, sortons de cette torpeur hallucinante qui a saisi les pays

européens et retrouvons une démarche d’action, en affirmant une vision claire.

« Il faut absolument une Europe puissance si

on veut maintenir la maîtrise de notre

destin. Avoir peut-être une influence sur le

monde, si on veut continuer à rayonner avec

de très belles valeurs, mais tout bêtement

aussi pour défendre le mode de vie

européen. Ce sont quand même les sociétés,

les meilleures qu’on ait jamais vu dans

l’Histoire ou aujourd’hui, ou les moins pires,

comme on veut mais c’est perfectible. Donc

ça, c’est notre patrimoine commun et c’est

un des seuls sujets sur lequel, il n’y a pas

d’opposition frontale entre les élites

européennes, européistes, intégrationnistes

pour beaucoup d’entre elles, et les peuples.

Donc ça me paraît fondamental. »

Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un

débat entre Alain Juppé, Dominique de

Villepin et Hubert Védrine, organisé par

l’École des affaires internationales, Sciences

Po, avec Courrier international

Page 25: Plan pour la paix: Pour un renouveau des relations internationales

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Nous avons le devoir de répondre aux défis de notre temps, d’apporter des solutions innovantes et de servir un

projet novateur, pour édifier un monde meilleur. Mobilisons les imaginations, les talents, toutes nos forces, au

service de cet objectif. L’Histoire est en marche et notre vocation est de porter notre spécificité humaniste,

par des actes résolus, afin d’enclencher une réelle dynamique de paix et de stabilité. Nous n’avons pas le

choix. Nous devons définitivement engager le cap de l’audace et de l’intelligence, au service d’une Europe plus

forte et d’un monde plus durable.

« Jamais le monde n’a eu autant besoin d’une puissance d’équilibre,

pacifique, mais ferme. Jamais le monde n’a eu autant besoin d’une pensée

non alignée (je le dis spécialement aussi pour la France), non fascinée, d’une

puissance calme, décidée à explorer toutes les ressources d’une diplomatie

libre, animée de valeurs. C’est pourquoi il nous faut une Europe politique,

capable d’intervenir dans le jeu des puissances, et qui dise où elle va, en notre

nom, et au nom de tous ceux qui cherchent à échapper à la fatalité qui semble

se dessiner. »

François Bayrou, « Résolution française »