Physiopathologie des plaies

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La cicatrisation d’une plaie est un phénomène biologique naturel. Les tissus humains et animaux sont capables de réparer des lésions localisées par des processus de réparation et de régénération qui leur sont propres. Cette capacité reste cependant soumise à de nombreuses variations. Ainsi la rapidité et la qualité de la cicatrisation d’une plaie dépendent de l’état général de l’organisme atteint qui conditionne sa force de résistance plus ou moins prononcée, de l’étiologie de la lésion, de l’état et de la localisation de la plaie et de la survenue ou de l’absence d’une infection.

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a cicatrisation d’une plaie est un phénomène biologique naturel. Les tissus humains et animaux

sont capables de réparer des lésions localisées par des processus de réparation et de régénération

qui leur sont propres. Cette capacité reste cependant soumise à de nombreuses variations. Ainsi la

rapidité et la qualité de la cicatrisation d’une plaie dépendent de l’état général de l’organisme atteint qui

conditionne sa force de résistance plus ou moins prononcée, de l’étiologie de la lésion, de l’état et de la

localisation de la plaie et de la survenue ou de l’absence d’une infection.

De ce fait, le traitement et les soins d’une plaie ne se laisseront jamais schématiser. Même en présence de

lésions d’étiologie identique, le déroulement du processus de cicatrisation pourra se dérouler de façon

totalement différente selon le type de plaies, la localisation ou la personne elle-même.

La réaction inflammatoire

Si un organe présente un traumatisme tel que la blessure ou la piqûre, une réaction locale non

spécifique se développe. C'est la réaction inflammatoire et elle se caractérise par 4 signes

classiques :

la douleur

la chaleur

la rougeur

l’œdème

La dilatation des capillaires sanguins est responsable de la rougeur et de la chaleur.

L’augmentation de leur perméabilité, en favorisant l’exsudation plasmatique, est

responsable de l’œdème. La douleur est due à la pression sur les terminaisons nerveuses

sensibles. Si l’agent infectieux survit, les cellules phagocytaires interviennent. Ces

cellules traversent les capillaires en s’insinuant à travers les cellules endothéliales et elles

sont attirées vers le foyer inflammatoire par le chimiotactisme des substances présentes à

cet endroit. Cette réaction peut signifier la fin de l’infection. Mais si le matériel étranger

est difficilement résorbable, il se forme un abcès et la cavité se remplit de débris

cellulaires.1 L’abcès peut se vider, on a alors une cicatrisation. Il peut aussi s’enkyster et

provoquer une réaction aiguë qui nécessitera alors l’intervention des mécanismes de

défenses spécifiques.

1 Le liquide plasmatique qui constitue le pus, une substance blanchâtre ou jaune qui peut être trouvée

dans des régions d'infections bactériennes ;

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Orteil infecté présentant une

inflammation aiguë

La cicatrisation des plaies

La cicatrisation d’une plaie se déroule en trois phases. Chacune de ces phases est caractérisée par

des activités cellulaires spécifiques qui font progresser le processus de réparation selon des

séquences chronologiques précises, mais imbriquées les unes dans les autres.

1. Phase exsudative pour la détersion de la plaie (la phase inflammatoire)

Pour chaque plaie, la cicatrisation commence par l’apparition de phénomènes inflammatoires

précoces. Immédiatement après le traumatisme débutent des sécrétions à partir de vaisseaux

sanguins et lymphatiques. La coagulation est induite par activation de la thrombokinase qui est

libérée et il en résulte la formation de fibrine. Après environ 10 minutes débute l’exsudation qui

va assurer la défense contre l’infection et la détersion de la plaie.

2. Phase proliférative avec développement du tissu de granulation (bourgeonnement)

Environ 4 jours après la blessure, l’organisme commence à combler la perte de substance par un

nouveau tissu. Dans ce but, les fibroblastes produisent en premier lieu des mucopolysaccharides2

qui serviront de matrice à l’élaboration des fibres collagènes du tissu conjonctif.

2 Glycoprotéines constituées par la liaison entre une protéine et un glucide ;

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3. Phase de différenciation avec maturation cellulaire (développement de la cicatrice et

l'épithélialisation ou le remodelage)

Entre le 6e et le 10

e jour, commence la maturation des fibres collagènes. La plaie se

rétracte sous l’influence de cellules particulières, les myofibroblastes3. En s’appauvrissant

progressivement en eau et vaisseaux, le tissu de granulation devient plus ferme. Il se

transforme en tissu cicatriciel qui, à son tour, favorisera la rétraction cicatricielle.

SOURCE: Cello start (http://cellostart.com/index.php?page=cicatrisation-des-plaies)

3 Des fibroblastes ou des cellules présentées dans le tissu conjonctif qui jouent un rôle central dans la cicatrisation

en permettant la contraction de la blessure et en produisant une matrice extracellulaire temporaire.

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Les obstacles à la cicatrisation

De nombreux facteurs peuvent être des obstacles à la cicatrisation, tels que :

le diabète → dysfonctionnement leucocytaire lié à l’hyperglycémie, risque d’ischémie

régionale en raison d’une oblitération vasculaire ou de l’épaississement de la membrane

basale des capillaires ;

la malnutrition → perturbations de la phase inflammatoire et de la synthèse de

collagène ;

l’obésité → diminution de la vascularisation du tissu adipeux et augmentation de la

tension dans la plaie ;

le tabagisme → diminution de l’oxygénation de la plaie et anomalies de la coagulation

dans les petits vaisseaux sanguins ;

l’âge de la personne → affaiblissement des défenses immunitaires et diminution de la

résistance aux germes liées à l'âge avancé de la personne ;

le stress → augmentation du cortisol diminue le nombre de lymphocytes circulants et

atténue la réaction inflammatoire ;

les défauts de circulation ou diminution de la perfusion → mauvaise alimentation de

la plaie en substances nutritives, en cellules sanguines et en oxygène ;

Les médicaments, aussi, peuvent nuire à la cicatrisation des plaies.

Immunosuppresseurs diminuent la synthèse de collagène ;

Corticoïdes ralentissent l’épithélialisation et la vascularisation (↓ de la contraction) ;

Irradiation de la lésion ↓ l’irrigation sanguine suite au rétrécissement de la lumière

vasculaire.

Caractéristiques d’une plaie et évaluation de l’état d’une plaie

Les caractéristiques d’une plaie permettent d’apprécier l’état et l’évolution de cette plaie par

l'observation de la profondeur, de la dimension, de l'exsudat, de l'odeur et de la couleur de la

plaie, ainsi que par la douleur présentée chez la personne. Ces renseignements sont

particulièrement utiles pour la prise en charge des plaies chroniques.

Le bilan étiologique est l’élément incontournable pour la prise en charge d’une plaie au niveau

des membres inférieurs. Ce bilan comprend la réalisation d’un écho doppler artériel et ou

veineux avec la prise des indices de pression systoliques (IPS). Cet examen permet d’éliminer

une atteinte macro-angio-phatique accessible à un éventuel geste chirurgical. L’évaluation de la

profondeur de la plaie peut se baser sur les critères définis pour les stades de gravité de l’escarre

(tableau III).

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Selon le NPUAP4 , les plaies se classifient par la profondeur des lésions :

Stade 0 → Peau intacte, mais risque d’escarre

Stade I → Érythème cutané sur une peau apparemment intacte ne disparaissant pas après

la levée de la pression ; en cas de peau plus pigmentée → modification de couleur,

œdème et l'induration ;

Stade II → Perte de substance impliquant l’épiderme et en partie le derme ; se

présentant comme une phlyctène, une abrasion ou une ulcération superficielle ;

Stade III → Perte de substance impliquant le tissu sous cutané avec ou sans décollement

périphérique ; type de nécrose sèche ou humide ;

Stade IV → Perte de substance atteignant et dépassant le fascia et pouvant impliquer os,

articulations, muscles ou tendons. Facteurs péjoratifs → décollement, contact osseux,

fistule et infection.

Dimensions d’une plaie - les premiers renseignements portés sur l’étendue d’une plaie sont

essentiels pour le suivi de l’état d’une plaie au cours du traitement. La mesure de la plaie doit

être reportée sur la fiche de suivi ; une photographie de la plaie initiale peut renseigner

objectivement sur son évolution.

Quantité et qualité de l’exsudat - l’exsudat doit être

apprécié en termes de quantité → faible, modéré ou

important et de qualité → séreux, sanguinolent ou

purulent.

Échelle colorimétrique des plaies - les couleurs sont

différentes selon la nature et l’évolution de la

cicatrisation. Elles correspondent à la production plus

ou moins importante d’exsudats selon les plaies.

Initialement, la plaie est sèche, ou légèrement humide

ou très exsudative. Les plaies chroniques sont rarement

monochromes. Le code couleur utilisé dans l’échelle

colorimétrique des plaies repose sur l’utilisation de 5 couleurs pour décrire les plaies :

1. Noire → correspond à la coagulation des éléments du derme et de l’épiderme en cas de

nécroses “cartonnées”, luisantes, croûtes superficielles sèches ou très peu humides.

2. Jaune → correspond à la production de fibrine pour les plaies très humides, fibrineuses.

3. Rouge → représente le tissu de granulation.

4. Rose → traduit la phase d’épithélialisation.

5. Blanche → signe l’évolution vers la fibrose.

4 National Pressure Ulcer Advisory Panel

Aujourd'hui, on range également

les plaies en fonction de leurs

conséquences thérapeutiques

dans deux groupes : celui des

lésions superficielles et celui des

lésions profondes. Les premières

guérissent spontanément tandis

que les secondes exigent un

traitement chirurgical.

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Douleur - L’appréciation et la prise en compte de la douleur ressentie par le patient sont

essentielles pour la surveillance et le suivi de l’évolution de l’état d’une plaie. Parmi les plaies

chroniques, les plaies artérielles sont les plus douloureuses. La douleur peut être le signe de la

constitution d’un abcès superficiel ou profond, par exemple la plaie simple aiguë suturée

postopératoire. La douleur peut également signifier une intolérance au pansement ou encore un

pansement mal positionné.

Odeur - L’odeur peut être liée à la dégradation des pansements, par exemple les composants des

hydrocolloïdes en absorbant l’exsudat se transforment en gel ce qui produit une substance

malodorante. L’odeur peut également être le signe d’une colonisation importante. L’odeur n’est

donc pas un signe systématique d’une infection. La couleur verdâtre caractéristique associée à

l’odeur du seringat est caractéristique de la présence de Pseudomonas5.

Évaluation globale de la plaie

Tous les éléments pris en compte dans l’évaluation de la gravité de la plaie doivent être

complétés par une évaluation générale de l’état de santé du patient. Des instruments d’évaluation

des facteurs de risque ont été décrits dès 1960. Différentes grilles sont proposées pour évaluer les

facteurs de risques → grille d’Angers, grille Waterloo, échelle de Norton, échelle de Braden,

échelle de Garches, etc. Les facteurs de gravité se recoupent dans les différentes échelles

disponibles → immobilité et limitation de l’activité, incontinence, déficience de l’état

nutritionnel, altération du niveau de conscience.

5 Bacilles à Gram négatif qui ont le besoin d'O2 pour vivre et se développer (aérobies stricts) ; vivent dans le sol et

dans l'eau.

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Figure 1 : Évaluation des facteurs de risque d'escarre adapté de Braden et Bergström, 1987

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e risque de transmission croisée doit être prévenu par une technique de soin et de

pansement qui tient compte du stade de la plaie et ses caractéristiques, de l’état du patient

et de l’environnement. La technique vise à protéger le soignant et à protéger le patient

vis-à-vis de ses propres germes (contamination endogène) ou des germes d’autres patients

(contamination exogène). Dans tous les cas, la technique de soins doit être rigoureusement

aseptique, c’est-à-dire ne pas apporter de germes exogènes. De manière schématique, les

ressources utilisées (gants, champs) sont propres dans le bas risque infectieux, et stérile dans le

haut risque infectieux. Dans le risque intermédiaire, la qualité des ressources dépend du type de

plaie. Les dispositifs médicaux (pinces, ciseaux, canules) en contact directement avec la plaie

sont toujours stériles.

Le risque de transmission croisée dépend de 4 facteurs intriqués :

le patient → selon son état physiologique, sa pathologie et ses défenses immunitaires ou

un portage de germes particuliers comme Staphylocoques aureus dans l'ORL par

exemple. On peut citer également le risque lié au patient peu coopérant ou mal informé

avec une hygiène corporelle insuffisante ;

le type de plaies → plaies aiguës ou plaies chroniques selon sa profondeur, son siège, son

état infectieux, la nature des germes, etc.

l’environnement → constitué des surfaces, de l’air et des autres patients.

les soins → peuvent être facteurs de transmission par non respect des protocoles, méconnaissance

de la technique, insuffisance ou inadaptation du matériel et des personnels, introduction d’un

nouveau matériel ou d’une nouvelle technique. On peut citer également le défaut d’organisation

du soin, l’interruption du soin.

Caractéristiques du risque infectieux

Il faut considérer trois niveaux de risque pour adapter les règles d’hygiène à chaque patient.

Risque infectieux faible → correspond à une plaie avec une atteinte superficielle de la

peau et une peau primitivement intacte. Il n’est généralement pas nécessaire de pratiquer

de prélèvement microbiologique à visée diagnostique. Le risque faible d’une plaie aiguë

peut correspondre, par exemple, à une plaie suturée par incision après intervention

chirurgicale, à une plaie traumatique franche suturée ou non et après endoscopie. Le

L

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risque faible de la plaie chronique peut correspondre au stade 2 de l’escarre représenté

par une atteinte limitée aux tissus superficiels pour laquelle la colonisation est

physiologique.

Risque infectieux modéré → correspond à une ouverture ou une traversée d’une zone

possédant une flore bactérienne saprophyte6. Le risque de transmission croisée de la plaie

est possible soit par une technique aseptique insuffisante, soit par un défaut d’hygiène du

patient. Il n’est généralement pas nécessaire de pratiquer de prélèvement microbiologique

à visée diagnostique. Le risque modéré de la plaie aiguë correspond à la peau

primitivement intacte ou saine comportant une ouverture pour un drainage, un méchage

de plaie ou une stomie récente suturée. Le risque modéré de la plaie chronique

correspond au stade 3 de l’escarre avec atteinte des tissus mous (fascia, muscles) et des

tendons pour laquelle la colonisation est physiologique, ulcère artériel.

Risque infectieux élevé → correspond à la plaie ouverte avec mise à nu des couches

profondes tendons, os, avec ou sans infection superficielle ou profonde. Le risque de

contamination exogène est particulièrement redouté lors de la réalisation du pansement.

Des prélèvements microbiologiques peuvent être nécessaires. Le risque de la plaie aiguë

correspond aux plaies traumatiques multiples ou délabrées, ou aux plaies chirurgicales

comportant de multiples portes d’entrées (chirurgie thoracique ou abdominale majeure...).

Le risque de la plaie chronique correspond au stade 4 de l’escarre avec atteinte profonde

des muscles, tendons, os, plaie importante par exemple au niveau du sacrum, plaie

cancéreuse.

La période postopératoire est plus rarement incriminée dans la survenue d’infections. On peut

toutefois considérer que des défauts d’organisation, des matériels inadaptés ou manquants, ou

des techniques de soins défectueuses pourraient provoquer une infection (le plus souvent

superficielle) chez des patients fragilisés. Par exemple :

par l’utilisation de pansements inadaptés ou par défauts d’harmonisation des pratiques ou

de transmissions de consignes entre les équipes provoquant des retards de cicatrisation ;

par des défauts de technique aseptique, par exemple en utilisant d'équipement non stériles

au contact de la plaie ouverte ;

par l’absence d’hygiène des mains entre deux patients ou l’utilisation systématique de

produits antibiotiques.

6 Ensemble des bactéries qui peuplent la muqueuse d’un organe de façon normale ou pathologique (par exemple :

flore buccale, vaginale, pulmonaire, intestinale ou cutanée)

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Plaies chroniques

Les plaies chroniques (dites en “milieu ouvert”) correspondent aux ulcères et aux escarres qui

présentent un risque de colonisation en présence d’exsudat, de nécrose ou d’hématome. Ce sont

des plaies qui, pour une raison physiologique ou biologique, ne cicatrisent pas. Les plaies

chroniques surviennent généralement sur des tissus déjà cicatrisés. Elles peuvent être favorisées

par une mauvaise fixation de l'épiderme sur le derme ou des anomalies vasculaires ou

métaboliques. Elles sont souvent caractérisées par une importante quantité de collagène, qui

réduit la vascularisation et l'apport d'oxygène. Lorsqu'elles ne sont pas diagnostiquées et traitées,

les plaies chroniques, telles qu'un ulcère de jambe lié à un problème veineux, une plaie au pied

chez une personne diabétique, une escarre ou une plaie infectée, peuvent entraîner de graves

complications. Les plaies chroniques sont identifiables par la perte de substance autour de la

plaie. Lorsqu'une plaie devient chronique, une intervention médicale intensive est nécessaire

pour parvenir à la cicatrisation. Il existe plusieurs types de plaies chroniques et chacun a des

causes et des traitements qui lui sont propres.