Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-....

41
A NOSTE AMI FELIP TAIIYIIZEY DE LÀRROQT.JE Folibro majourau A' . '-,NOTRE AMI PHILIPPE TKMIZEY DE LÀRROQLJE Felibre majorai

Transcript of Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-....

Page 1: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

A NOSTE AMI

FELIP TAIIYIIZEY DE LÀRROQT.JEFolibro majourau

A'.'-,NOTRE AMI

PHILIPPE TKMIZEY DE LÀRROQLJEFelibre majorai

Page 2: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

2 TAMIZEY DE LARRØQTJE

1)ins Ii t (: ms de Pciresc s'avié flourj la sciènci,Aquéu grand salieru . que ta l:iigo 1a tiènciA reviénda, t'aurii duhert soue oustalasPér avé toue aj udo e toue galoi soulas.

F. MISTRAL.Iaino, 7 d' Lnuvèmbre 1898.

De Guitro a BugeIIcié, cadun tresané quouroSont Iescai-noum de l'aniizev, noste PeirescSourté doii cros. Encuei, voici que caduc plouro.Car es mort tourna-mai Ion sahèp gigantesc.

A. DE UAGNAUD.

Pourchièro dis Aup, juhiet 9.

T R 10 U L E T

Nosto gélEt garde la inernôri,Noble o saberu ruiejoureauAs prou n de.stousca per sa gIùri!Nostu LéI)t gardo ta mernni.'ïoun nenni lusira (lins listôriDis Aquitan. di ProuvençanTôuti gardaran ta memôri,Noble e saberu miejournau.

Ii

A l'oumbro de toun castaniPeiresc t'adusié la PiouvnçoTe cresiés sou lu un ameliéA loumbro de toue castanié.Nautre, au mitan dis oulivié.Viveii emé ta souvennço,Coume, à l'oumhro di castanié,'Mé Peiresc vinés eu Protivéuço.

Baroun GUILLIBERT

Ais de Prouvèuç:., tuu 2, de nouvénib

Page 3: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

-r-'"-.

TAMIZEY DE LARROQUE

3

Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - COgrand érudit, quo ta longue patience - a ravivé, t'auraitouvert son hôtel à deux battants, - pour avoir ta gauloise

compagnie et ton aide.F. M.

Mai1Ian lB.-du-Rhône.

De Guitres à Itel gentier, cliacIm tressaillit lorsque, -

sous le faux-noie do Tamizey, notre Peirese - sortit de

la tombe.Aujourd'hui, voici q ue chacun pleure, - car le gigan-

tesque savant est mort do nouveau.B.-P.

Pcirchéres (Basses-Alpes).

TRIOLETS

La gent (l'OC garde ta mémoire,

Noble et, grand in "rid joual.As-tu fait assez pour sa gloireNotre gent garde ta mémoire.'l'on nom restera dans l'histoire.Brillant Aquitain-ProvençalTOUS flous garderons ta mémoire,

Noble et grand méridional.

II

A l'ombre de ton châtaignierPeiresc t'apportait la ProvenceTu le croyais sous l'amandierA l'ombre de tort châtaignier.Nous, au pays de l'olivierNous vivons en tu souvenance,(omme toi, sous ton châtaignier,

Avec Peiresc tu vivais en Provence.

H. G.Aix-n-Provence.

Document

I I I I II llIII- 000000540675

e^4 -)*

Page 4: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

'r

1

FI

4 TAMJZEY DE LARROQUE

F:F'ITÀF'l

Bon crestian, grand savèii(, (bus ami. car felibue,Fagu de bônis oI)ro, escrigui' de béli libre

E samelié partout d'amiUrous qu pôti Couine (iI, la j (li ruaI ( Cotimpi ido.Dire : « N'ai pas perdut une outo dins ma vidoMoun Diéu, dius vôsti bras bissas-me ni'endurm j ».

V. LIELTAIJD.Voulounç 'B-Aup).

'!'lFbC E'i'

Coiime tnun hèn moudle, amerites d'arengoEn lengo d'Oc et dOui. 'quélei hessôtuiei bongoVai, tôutei te plouran, rtouéste.i Iajromo an créi.

Tu qu'as passa ta vido à legi, à-n-escijui'e-' M'En de Berlue, (le Bresc, Ouibal, Mouttot, Larcliey, -

l'inmourtau Peirese. ; tu que l'as l'a reviéure

Beverau ta mernôri, egrigi Ta inizevQu'à-z-Ais amavos tant Ai'baudenco e Mojano.Qu'en bouen rourniéu fasiés ou viiigi de Maiano

Pou sàvi prouvençau o digne eiretié, tuMajourau plefl (le couer, de sahé, de vertu,Notin te desseparan, uniren vouéstei mano.

F. VIDAL.Ais dc Prouvènço.

Page 5: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

TAMIZEY DE LARROQITE 5

EPITAPHE

Excellent chrétien, savant profond, ami délicieux,félibre chéri, - il lit beaucoup de bonnes o-uvres, écrivitdes oeuvres splendides. - et sema des amis i profusion.- Heureux qui peut comme lui, nue fois la journée (mie. -dire Je n'ai pas perdu une heure en ma vie - O mouDieu, (laus vos bras laissez-moi m'endormir

V. L.

Volone (Bases.AIpcs)

TERCETS

Comme ton beau modèle, tu mérites des panégyriques,en ces deux langues jumelles. l'Oc et l'Oiii. - Va, nous tepleurons tous, nos larmes vont croissant.

Toi qui passas ta vie à lire, à écrire, - avec BerluePerussis, Biesc, Cuihal, Mouttet., Larchey, - pour I'eirescl'immortel ; toi qui le fis revivre.

Nous révérons ta mémoire, ô Tamizey égrége, - quiaimais tant, à Aix, lArbaudienue et la Méjanes, - et qui,en dévot pèlerin, accomplissais le voyage de Maillane.

Du savant provençal, ô toi SOil ligne héritier, - majoralplein de coeur, de savoir, de vertu, - nous ne te séparonspoint, nous unissons vos mànes.

F. V.Aix - e n- Prø v' nce.

Page 6: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

716 TÂMISEY DE LARR0UE

SOU NET

Que malur, quand bu fià qu'esbrihaudo e que bramo,Derrunè, Tarnizey, dins 1'aaire d'un jour,Toiin obro de mié-siècle, aquéli bèlli rarnoDe papié, mascarado is Ài'chkin dôu Mijour

En vesênt Lis escri s'en ana pèr li flamo,Fuguères desoula, couine bu troubadour,Quand Ii marridi lengo, en destouscant sa damo,fins bu cèu blu fasien esvali soun amour,

Mai Diéu qu'amo de pougne ounte nous fai de peno.Pèr vèire s'aven I'amo aragnouso o sereno,Diguè'Queste retrais à moun saut orne Jo. »

E t'ajudè subran faire uno autro gavelboE nautris, arnii'ant ta garbiasso nouvello,Sounjan: « Do qu'auné fa s'avié pa 'gu bu fié ! »

A. PUMAS.

Gap, jim 1899.

A

Page 7: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

TÂM!SEY DE TARROQUE 7

SONNET

Quel malheur, quand le feu qui éblouit et crépite, - fitcrouler, Tamizey, dans l'espace (l'un jour, - ton oeuvremi-séculaire, ces belles rames - de papier, noircies dansles Archives du Midi

En voyant tes écrits s'en aller parmi les flammes, - tufus désolé, comme le troubadour, - quand les lausen-giers, en dénichant sa dame, - dans le ciel bleu faisaientévanouir son amour.

Mais Dieu qui volontiers nous point h l'endroit sensible,- pour voir si nous avons l'dme maussade ou sereine. -dit : ((Celui-ci ressemble à mon saint homme Job. »

Et tout de suite il l'aida faire une autre javelle; - etnous, admirant ta nouvelle gerbe colossale, - nous nousdemandons: « Qu'aurait-il fait si le feu n'avait pas prischez lui ! »

A. D.

Gap. juin 18W.

Page 8: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

I

Extrait (tu Bulletiii, de la Société dEtudes des Iiaues-A1pes,o 30, l' trirn,stre I891.)

Page 9: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

', 7 "1 1,A -

4-.-

PH. TAMIZEY DE LARROQUE

i88-i898

.'

Page 10: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

Extrait du Bulletin de la société desArchives historiques-de Is Saintonge et de l'Aunis. - Juillet 1898.

Page 11: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ DES ARCHIVES HISTORIQUESDE LA SAINTONGE ET DE L'AUNIS

w__.%_-.wnn

PH. TÀMIZEY DE LÀ000UE1828-1898

NOTICE BIOGRAPHIQUE

PAR

M. Louis AUDIAT

LA ROCHELLEIMPRIMERIE NOUVELLE NOEL TEXIER

29, rue des Saintes-Claires

1898

Page 12: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

J.-PH. TAMLZEY DE LARROQUE

1828-1898

Le 26 mai, après une très courte maladie, à Larroque, pavil -lon Peiresc, commune de Saint-Pierre de Nogaret, près Gontaud(Lot-et-Garonne), est décédé Jacques-Philippe Tamizey deLarroque, *, A. U, correspondant de l'institut, membre ducomité de publication de la société des Archives, un de nosplus grands savants de la province et fécond écrivain, dontl'amabilité égalait le savoir.

11 était né à Gontaud, le 30 décembre 1828, d'Alexandre Ta-mizey de Larroque et de Marie-Elisabeth-Pauline Delmas deGrammont. Il eut pour parrain son oncle, officier de cavalerie,depuis général de division et député, Jacques-Philippe Delmasde Grammont, grand-officier de la légion d'honneur, auteur dela loi qui porte son nom, né (1796) et mort (1862) à Miramont enAgenais où, le 3 octobre dernier, le filleul inaugurait son buste.(Voir Revue, XVII, p. 394.)

Il appartenait à l'une de ces vieilles familles vivant noblement,classe intermédiaire entre la noblesse, avec laquelle ellesfrayaient ets'alliaient, etentre la petite bourgeoisie, propriétaires,marchands, où elles se recrutaient pour arriver progressivementà la noblesse. A l'échevinage, au présidial elle avait presque ac-caparé les places et se les transmettait héréditairement, sachante faire pardonner cette espèce de monopole par ses services

continuels, son intelligence, sa bonne renommée. Pendant troissiècles, les Tamizey ont fourni à la petite ville de Gontaud plus devingt maires, premiers consuls, jurats, échevins, lieutenants duroi, collecteurs, syndics de l'hôpital, de la fabrique; et grâce à ces

Page 13: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

-6-

dévpuements l'hôtel de ville de Gontaud ne faisait pas trop mau-vaise figure à côté du vieux château des Biron. Aussi quand notreconfrère faisait l'histoire de Gontaud, c'était un peu l'histoiredes siens qu'il racontait. La famille, dans le même temps, don-nait des officiers à l'ancienne armée française, cinq dans la se-conde moitié du XVIIIC siècle, un au régiment de la reine, un quipassa au service du roi d'Espagne et trois qui servirent dans lesgendarmes du roi, ce corps d'élite dont Duruy a dit qu'il ne lecédait en réputation qu'aux mousquetaires.

Le personnage le plus marquant fut le trisaïeul de notre con-frère, Jean Tamizey (1660-1750), fils et petit-fils de consul, quipendant sa longue vie exerça les charges les plus hautes de lapetite cité. D'abord avocat, chargé (les intérêts du duc d'Ai-guillon vers 1692, il était lieutenant du roi en novembre 1702lorsqu'il passa contrat de mariage avec Suzanne du Pouy deBonnegarde, fille d'André du Pouv, seigneur de Bonnegarde,et de Marguerite de Maivin. Les (lu Pouy de Bonnegarde sontd'origine chevaleresque, et par les Malvin, les Tarnizey touchentà la noblesse de France. C'est ainsi que notre grand éruditcousinait avec un autre de nos confrères, le marquis Eue deDampierre, décédé en 1896, son compatriote. Lorsque le vieuxconseiller du roi, ancien maire, mourut chargé clans et d'hon-neurs, il eut la consolation de laisser sept enfants dont AntoineTamizey, sieur de Lari'oque, était lainé. C'est lui quia continuéla descendance.

Né en 1703, Antoine se fit recevoir avocat au parlement deBordeaux, revint faire un stage au barreau de sa ville natale,pour obtenir la place de procureur du roi, alors vacante au siège;mais cette charge qu'il géra dc 1728 à 1734 lui fut enlevée parun rival, qui parvint à taire revenir le fils clii duc d'Aiguillon,engagiste du duché d'Agenais, et par lui le roi, sur cette nomi-nation, sous prétexte qu'il était peu ordinaire de voir deux surtrois des postes importants de la juridiction occupés parle pèreet le fils. Antoine, dégoûté des honneurs par le long procès oùil n'avait pu faire triompher son bon droit, refusa, à la mort deson père, ce titre de lieutenant du roi et de juge, pour lequelil avait cependant versé une assez grosse somme.

Le bisaïeul du défunt fut souvent appelé à la première chargeconsulaire par la confiance du corps tic la jurade, et il est surla liste des magistrats municipaux, celui qui, à travers 200 ans,a le plus longtemps occupé cette fonction; il y fut souvent

Page 14: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

-7—

même maintenu cieux et quelquefois trois ans, malgré l'usagequi voulait que cette dignité fi.t simplement annuelle à Gon-taud. Marié en 1750 avec Anne de Massoneau, fille de bour-geois vivant noblement, et dont la gentilhommière nommée LaCarrère, dans la commune de Faugucrolles, était une des deuxpropriétés du défunt, il eut plusieurs enfants; l'ainé, ,Jean-PierreTamizey de Larroque, embrassa d'abord la carrière militaire, etaprès avoir reçu un certificat de noblesse délivré par quatrgentilshommes agenais et contresigné par le gouverneur de laprovince, il alla rejoindre ses cousins germains les Tamizey deLamothe dans le corps délite des gendarmes de la maison duroi. Il entra dans la 2e compagnie, dite gendarmes anglais, ettint garnison à Versailles et à Lunéville; il était sous les ordresdu lieutenant général marquis d'Autichamp, frère du hérosvendéen, et les archives de la famille contiennent des lettrescharmantes écrites par cet aimable chef « A monsieur Jean-Pierre de Tamizey, gendarme anglois, chez madame sa mère. »

Ayant pris sa retraite encore jeune pour se marier avec demoi -selle Anne-Germaine Traversat de Montardit, descendante d'unevieille famille, et dont la mère était une Laville-Monbazon, l'an-cien officier de cavalerie, devenu beau-frère du chevalier deCours, se consacra entièrement à l'amélioration de la terre pa-trimoniale de Larroque et à l'administration de la juridiction deGontaud, conformément aux traditions de la famille. Louis XVIle nomma premier consul en 1786. On voit aux archives dépar-tementales de la Gironde sa démission en 1789: elle ne fut pasacceptée ; il conserva cette charge un an de plus. Pendant larévolution il était très surveillé : parent d'émigrés, neveu deXavier de Massoneau, prêtre déporté, descendant ou allié denombreuses familles nobles (t) - son cousin germain, Joseph T.de Lamothe, avait été décrété d'accusation par le comité révo-lutionnaire de Saintes (2)pour lui tout était à craindre. Pour-

(1) Alliances avant 1759: De Fages, duPouy de Bonnegarde, de Massoneau,de Mont.ardit, d'AriscoC, de Duchoisay, de Séovaud de Lourmade, de Gaizde Malviradc, de Pichon, etc.

Dans l'ascendance on trouve les Laville-Monbazon, les Malvin de Mon-tacet, les du Faur, les Montpezat, les du Puy de Longuelille et cent autres.

(2) C'est de cc Joseph-Antoine Tamizey de Lamothe, garde du corps, qu'ilest question dans la notice : Un petit-neveu de Chateaubriand, Edouard deBlossac. (Agen, imp. Lamy. 1577, in-8e , 35 pages.) Dun robuste appétit il luifallait un supplément de ration, e Bon garçon et gascon, on l'aimait fort. C'est

Page 15: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

-8--

tant il ne cessa jamais d'assister à des messes dites en cachettepar des prêtres insermentés. Il fut maintenu comme notable surles listes du corps municipal qui avait remplacé l'antique jurade,et obligé même à un moment d'accepter, comme ancien officier,les fonctions de commandant en second de la garde nationale;il empêcha beaucoup de mal et parvint même avec quelqueshommes de coeur à débarrasser le pays du citoyen Feule, curéconstitutionnel et procureur de la commune, qui alla rejoindredans les cachots de Bordeaux les malheureux que ses dénon-ciations y avaient envoyés. Au rétablissement du culte (1804),l'évêque d'Agen Jacoupy récompensa Jean-Pierre Tamizey deLarroque de sa foi et de son dévouement en le nommant con-seiller de fabrique. Il mourut en 1827. Quelques semaines plustard, il aurait eu le bonheur de voir entrer sous le toit de savieille maison de Gontaud, la plus charmante, la plus spirituelleet la meilleure des femmes, Elisabeth-Pauline Delmas de Gram-mont (1802-1888) qui devait illuminer pendant soixante ans cettepetite ville par sa bonté et sa charité (I).

Le père du défunt, Alexandre Tamizey de Larroque, né en1786, avait servi la messe dans les granges où se réfugiait lanuit le culte proscrit, et il avait conservé ' des horreurs de cetemps un souvenir tel qu'à la première nouvelle de la révolutionde 1848, il donna sa démission de maire et, craignant un retourde 93, passa prudemment en revue et fourbit les nombreusesarmes que lui avait laissées son père. Lieutenant de la gardenationale sous la restauration, adjoint en 1830, puis maire de1840 à 1848, il se montra administrateur zélé et déploya dansplusieurs circonstances difficiles un vrai courage civique. Unjour, dans une émeute causée par le prix exagéré du blé, ilsauva, au péril de la sienne, la vie d'un homme que la rumeurpopulaire accusait faussement d'accaparement, et qu'on allaitjeter à l'eau. Déjà octogénaire, il fut conseiller municipal sousla mairie de son fils, et quand à 90 ans il mourut en janvier 1876,

son père qui avait, disait-il, un prunier qui lui rapportait quinze cents livresà lui tout, seul. s Né â Gontand, fils de Joseph Lamothe de Tamizcy et d'AnnePartarrieu de Forcade, il est mort le 16 décembre 1838, veuf de Louise-Su-zanne de Pichon.

(t) Elle était fille du colonel de Grammont, le héros de Wissembourg, et,de demoiselle de Viviedu Vivier d'Agnac. o Fils d'un héros et d'une sainte ", epu dire sans exagération son fils, en biographiant le frère de Pauline, legénéral législateur J.-Philippe Delmas de Grammont.

Page 16: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

-9—

il avait eu la joie de voir le nom de ce'fils Consacré par la

renommée et ses succès reconnus officiellement.Ce n'était pas sans quelque répugnance qu'il avait vu son

fils se donner à la littérature, « cette carrière où l'on meurt defaim ». Habile agriculteur, homme d'ordre et d'économie, il re-grettait qu'il ne suivit pas sa. propre voie. Vivre sur son domaineeu le cultivant, au milieu de compatriotes àqui on rend service,exercer ce patronat antique que la démocratie révolutionnairene connaît presque plus, échange héréditaire de bienfaits, deprotection dune part, de respect et de cordialité de l'autre,quoi de plus beau, quoi de plus digne! Il n'ouvrit les yeux quelorsque l'institut de France eut admis ce fils, qui n'est pas agri-culteur-propriétaire, et il comprit alors qu'il y avait encore unemanière d'être utile à ses concitoyens et de servir sa patrie; ils'endormit content, trois semaines après.

Elève de l'école primaire de sa ville natale, Philippe Tamizeyapprit, le latin du curé de Gontaud, Alexandre d'Escurcs, ancienémigré, parent et ami de la famille. A onze ans, il fut mis aucollège voisin de Marmande, où il se fit remarquer par sa viveintelligence; déjà il s'occupait d'archéologie comme il le rappelledans la préface de la Notice sur Mauvezin, par M. l'abbéAllis. Après 3 ou 4 ans, Marmande n'avait plus rien à lui ap-prendre. Il fallut chercher ailleurs. Le supérieur du collègeecclésiastique de Bazas, fort fréquenté des familles du sud-ouest,voulut avoir un élève si brillant. Mais le père, cet ardent ro ya-liste, qui avait servi la messe pendant la terreur, était un de ceslibéraux, à la façon du Montiosier de la restauration, unissantdans un même amour le trône et l'autel, dans une même craintela congrégation et le parti prêtre. Il avait conservé de son pas-sage dans une institution laïque d'Agen des préjugés singulierscontre l'éducation cléricale. Il résista à toutes sollicitations;son fila fut mis au lycée de Cahors, très florissant alors. Ilpassa quelques années sur les bancs où M. de Freycinet l'avaitprécédé, où allait le suivre Léon Gambetta. Son séjour à Ca-hors a fait époque dans les annales de l'établissement. En de-hors de- ses devoirs journaliers il traduisait en vers françaisVirgile et même Lucrèce, qu'il présenta son professeur étonné.Aussi le maître consulte-t-il parfois l'élève, et s'il lui arrive d'al-térer un peu le sens d'une phrase, il est sûr que la faute ne pas-sera pas sans protestation. Le jeune latiniste alla même un jourjusqu'à écrire au ministre de l'instruction publique (c'était

Page 17: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 10 -

Salvandy, 1840-48) peur lui reprocher d'avoir estropié un textedans son discours à la Sorbonne et d'avoir commis une erreurhistorique. Sa vocation critique se dessinait de bonne heure.Grand tapage dans l'administration universitaire. La lettre étaitsignée « un élève de rhétorique du lycée (le Cahors «. L'écritureavait trahi l'anonymat. Le recteur irrité tança vertement l'au-dacieux. Plus tard, le grand-maître de l'université et l'ex-élèvede Cahors se rencontrant et ayant ensemble les meilleuresrela-tions, riaient beaucoup de la colère du recteur et s'amusaientfort de ce zèle intempestif.

Les études terminées, T. de L., sous l'impulsion d'un profes-seur, était fouriériste et tentait de s'enrôler parmi les phalansté-riens, dont peu de temps après, avec son rare bon sens, il écri-vait: «Tas de charlatans! »Mais il n'étaitpoint bachelier. D'abord,à cette époque, on ne se présentait que rarement à l'examen; ila fallu la loi du volontariat pour que tous les cancres voulussentêtre bacheliers afin d'éviter deux ans de service militaire. Ajoutezque l'horreur profonde de la mathématique qu'il poussait à"extrême ne lui permit pas d'acquérir le parchemin officiel, cequi ne l'a pas empêché d'être de l'institut, disait-il, « mais quine lui eût pas permis d'être pion ou commis de l'université à1.200 francs, s'il eut eu absolument besoin de cela pour vivre.

Il fallait choisir un état. Il fut sur le point, conseillé par sesoncles De] mas de Grammont,de s'engager dans l'armée d'Afrique;mais son extrême myopie, les supplications de sa mère l'en dé-tournèrent. Il passa quelques années à chercher sa voie, étu-diant, notant sans but, au hasard, lisant tout livre d'histoire quilui tombait sous la main. Il eut bien vite épuisé la bibliothèquepaternelle, où l'on ne voyait guère qu'Anquetil, l'inévitable Vol-taire et quelques romans, ToniJones, auxquels s'adjoignit hientôtla sentimentale Case de l'oncle Tom (1852) qui nous a fait versertant de larmes; puis, et c'était là une bonne fortune, quelquesclassiques, grecs et latins, fonds d'un grand oncle, Régis deTamizey, vieux garçon, grand humaniste, féru de Virgile etsurtout di-lorace. Ces vénérables bouquins avaient eux aussisouffert de la révolution; ils en conservaient le stigmate ; lede avait été religieusement gratté. En môme temps, l'apprentipaléographe visitait les coffres (les paysans et y découvrait«affreux grimoires, qu'il déchiffrait à sa grande joie et tradui-sait à la stupéfaction des bonnes gens.

Cependant l'histoire qu'il étudiait dans les parchemins et les

Page 18: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

Il -

imprimés se faisait sous ses yeux. L'année de la grande peur se re-nouvelait presque; 1848 semait l'effroi partout: on voyait déjà laguillotine en permanence, les assignats forcés et les prêtres per-sécutés, déportés, massacrés. « Entre un père royaliste qui venaitde démissionner et une mère qui poussait la religion jusqu'à lasainteté », le jeune homme, alors imbu d'idées libérales, étaitun ,peu gêné. Plus tard il citera ce mot de Bathie: « Je coin-prends celui qui est républicain à ?O ans ; je plains celui quil'est encore à 40. m A ce moment, il se contente de voir passerles événements, et ils étaient intéressants; l'imberbe observa-teur les suivait sans s'y mêler, s'y intéressant surtout à cause deson oncle qui y joua un rôle et comme soldat et comme législa-teur. Arrive « l'opération de police un peu rude »; le général deGrammont, député de la droite, refuse d'y participer; si, commeplusieurs autres, Montalembert par exemple, il accepta de fairepartie de la commission consultative, il ne tarda pas à setenir à l'écart, refusant Je bâton de maréchal qui lui fut offert.Il tomba, comme les autres généraux africains, dans la dis-grâce de l'empereur qui ne l'admit pas à faire les campagnes deCrimée et d'Italie, où il aurait pu déployer ses rares talents mi-litaires. Le neveu, bien entendu, reflétait les opinions de sononcle pour lequel il avait une profonde vénération; et si en 1860il accepta d'être maire de Gontaud, ce qui fut cause que l)1U5tard on lui fit attendre plusieurs années la croix de la légiond'honneur, il le fit pour servir sa commune et ses concitoyens, etnon par dévouement au gouvernement impérial.

En attendant, en désirant autre chose, il continuait à tra-vailler dans les livres, dans les paperasses des particuliers,dans les archives des villes voisines, Agen, Bordeaux. Mais,comme toutes les jeunes imaginations, il rêvait de la capitale.Paris l'attirait, le fascinait. Là il pourrait se livrer librement àses recherches, à ses études favorites; il y avait archives et bi-bliothèques, une société d'esprits cultivés; on pouvait y échangerses idées plus aisément qu'à Gontaud ou à Marmande, causeravec Villemain, qui n'était pas commode touq les jours, avecSainte-Beuve, voir Lamartine dans sa double auréole de poèteet d'orateur populaire, apercevoir Olympio, frayer avec cesjeunes dont les journaux chantaient les succès.

Enfin, le père céda devant la constance de son fils malgréses craintes, et consentit à laisser l'étudiant s'embarquer sur lamer orageuse de Paris et de la littérature. Mais, en homme

Page 19: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 12 -

prudent, en père prévoyant, il limita la durée du voyage aubudget. Quatre cents francs devaient suffire pour quelques se-maines de séjour le temps de s'assurer que Paris n'étaitpas un mythe. Quatre cents francs! Les dépenses du voyagepayées, que devait-il rester à l'adolescent pour vivre? Le pèrerigide avait mal calculé et compté sans l'énergie de son fils,peut-être sans sa sagesse et son économie. 11 devait rester àParis quelques semaines à peine il y passa plusieurs mois.

Comment fit-il ? Il fallait bien se loger quelque part etmanger quelquefois. Lui enfant de bonne famille, très bienélevé, il ne pouvait coucher sous les ponts, dans les carriè-res à plâtre, ou même sur les marches plus littéraires de l'O-déon. Pour 15 francs par mois, il avait un cabinet noir sous lescombles I mtre 80 de long, lui en avait I mètre 84 ; sa tètetouchait au plafond, il ne pouvait s'y promener que courbé.

Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans!

Voilà le couvert, voici le vivre : à midi, 2 sous de pain et2 sous de groseilles, grignotés, hélas ! dévorés sur un banc duLuxembourg, le tout arrosé de l'eau gratuite de la fontaine deMédicis heureusement il était abstème; et toute la journée pio-chant, copiant, étudiant, amassant des matériaux. Le soir, ilmangeait à une pension de 1 franc 10 centimes.

Qui aurait pu tenir à un régime pareil ? Heureusement deuxou trois fois par semaine des parents l'invitaient à diner. S'il yfaisait honneur! Son appétit naturel il nous disait lui-même, aubanquet du 25 septembre 1886, « qu'il était une bonne fourchette- s'était aiguisé de la privation. Il effrayait ses convives. Sononcle le général, bien que gros mangeur, le plaisantait, sans luifaire perdre un coup de dent. C'était plaisir de l'entendre, plustard, avec sa verve gasconne, raconter les incidents de cesrepas de Pantagruel et les anecdotes amusantes. Il mimait sur-tout le désespoir muet, mais indigné, d'une vieille tante, fortavare, qui voyait disparaître en un clin d'oeil tout ce qu'elleavait largement-pourtant préparé, et cette insatiable voracité quila dispensait « d'accommoder les restes

A la fin tout s'épuise, même les 400 francs des largesses pater-nelles, même la bourse d'un étudiant qui se réduit à ne dépenserque I franc 80 par jour Celui-ci, en spéculant sur son estomac,en se réduisant à la portion à peine congrue, avait résolu leproblème: mourir de faim pour vivre plus longtemps à Paris. Il

Page 20: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 13 -

revint au logis, « traînant l'aile et tirant le pié », mais empor-tant des amas de notes, des provisions (le voyage et de plus unecaisse de livres. Et certainement seul son père eut pu (lire qu'ilavait fait des folies en achetant des bouquins sur ses économies.

Docile aux volontés paternelles, respectueux jusqu'à la crainte,le provincial se résigna à s'occuper des propriétés. Le domaines'était accru et les forces du chef dc famille sexagénaire ne suffi-saient plus. Nécessité de surveiller les métayers, régler lescomptes, contrôler les travaux, ordonner les labours et la taillede la vigne, préparer les vendanges. Cc grand jeune homme,myope et distrait, plus occupé (le la pensée intérieure que desvendangeuses (lui grappillaient, n'inspirait qu'un respect trèsmodéré, et sa bonté poussée jusqu'à la faiblesse ne rehaussaitpas son autorité. Soliveau (le la fable, dirait un lettré; babouin,exclameraient les Saintongeais, épouvantail des moineaux qui,au bout de quelques minutes, rient à la barbe du fantôme.

La corvée qui lui était le plus pénible était d'aller tous lesmatins, dès le point du jour, dans une métairie à trois ou qua-tre kilomètres, panser les pigeons. On tenait aux pigeons parcequ'il y avait un colombier, dernier vestige féodal. Ces volatilesn'entraient point en partage avec les colons, qui ne les nour-rissaient pas ; mal soignés, ils désertaient; et si le métayer étaitchargé de leur donner à manger, peut-être songerait-il d'abordà ses poules. Ne faut-il pas que tout le monde vive?« Moussu Phi-lippe » jartait donc mélancoliquement monté sur un grand che-val jaune, et accomplissait sans enthousiasme son pèlerinagequotidien. Mais dès que grains etgarouil avaient été libéralementdistribués, il s'asseyait sous un arbre et déjeunait à son tour dequelques pages d'Horace ou de Virgile.

A son premier voyage il avait éprouvé que l'érudition ne nour-rit pas son homme à Paris; il s'orienta du côté de la littératurepure ; et quand il eut obtenu de son père la permission de re-tourner à Paris, il partit avec les poches garnies, non plusd'espèces sonnantes, mais de ressources au moins équivalentes:un grand roman, dix nouvelles, un drame en prose, une tracé-die en vers, quelques poèmes, (les satires, trésors qui, mon-nayés, devaient lui assurer une longue existence. La Revue desdeux mondes renvoya le roman, mais avec des éloges ; ellen'imprimait (lue les romans des hommes célèbres ; faites-vousconnaiti'e d'abord. Le Théâtre-Français refusa la tragédie, et ledrame se trama indéfiniment dans tous les cabinets des direc-

Page 21: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 14 -

teurs ; les autres oeuvres n'eurent pas meilleur destin. Seulesquelques poésies parurent et une parodie d'ilernani ; le suc-cès toutefois ne se traduisit pas par des pièces de cent sous. Ilrevint à ses premières amours, et continua ses privations pourprolonger son séjour à Paris,

C'est vers cette époque (1855) qu'il se maria. Il y avait de parle monde une cousine germaine, fille du chevalier de Boéryet de Margueritc-FIenriette Delmas de Grammont, un ange dedouceur et de bonté. Au commencement de janvier 1856 ilépousa MI ' ,' Mari e-Natliatic de i3oéry. Ce fut le bonheur parfait.Il dura peu. Au bout d'un an la jeune femme mourut en mettantau jour un fils qui ne vécut que quelques heures et fut inhumédans le cercueil de sa mère. Sentant sa fin, elle voulut par tes-tament donner tout à son mari. Lui refusa d'envoyer chercher lenotaire, et poussant plus loin le désintéressement il restitua ladot jusqu'au dernier sou, n'acceptant même pas de son beau-frère une indemnité de 18,000 francs que celui-ci lui offraitpour rembourser la corbeille de noces, une année de séjour, lesvoyages et frais divers ; il n'accepta que les volumes superbe-ment reliés de la Biographie Michaud et encore parce qu'ils luifurent envoyés anonymement.

Sa douleur fut extrême et le désespoir l'assaillit. Mais concus-sus surgo ce rude coup le ramena à Dieu. Il était croyant, ildevint pieux. La foi (le sa jeunesse, la foi de sa mère, se réveillaavec force ; un moment il voulut se faire prêtre. Un saiht ecclé-siastique lui fit ajourner cette résolution, et le décida à attendretrois ans avant de quitter le inonde. C'est à ce chagrin, c'est àcette ferveur qu'est duc la traduction de l'imitation de Jésus-Christ, restée inédite, malgré les encouragements reçus dehauts personnages : N. de Wailly, le P. Lacordaire, LouisVeuillot, et autres. Ce travail l'amena à étudier la question sicontroversée de Fauteur (le l'ouvrage, et son premier livre futPreuves que Thomas A Keiripis n'a pas composé l'Imitation deN.-S. Jésus-Christ (1862), extrait des Annales de philosophiechrétienne. Il était entré bravement dans la lutte contre lesAllemands l'un d'eux alla même jusqu'à le traiter plus tard

« insigne polisson . L'épithète que lui traduisit M. GastonParie, provoqua un accès de rire dont il faillit étouffer. « Jamaisje n'ai vu homme outragé rire de si bon coeur, » disait l'éminentphilologue.

Cependant il était dans ses 32 ans. Son père désirait ardemment

Page 22: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 15 -

voir son nom se perpétuer; il insistait, menaçait. Lui s'obstinait;il n'y avait que trois ans que la mort avait frappé. Sa mère, quil'avait accompagné dans son 4" voyage à Paris, le priait; enfin, le10 juillet 1860, après une dernière crise de larmes et de regrets,il se résigna; quelques heures après, il était marié. Il épousaitune autre de ses cousines germaines, Olivia-Marie-HenrietteDelmas de Grammont, fille d'Urbain Delmas de Grammont,ancien garde du corps de Charles X, receveur des finances àParis, et de Marie-Alexandrine dc James. De ce mariage sontissus cinq enfants, trois morts en bas âge; une fille non mariée

.et François-Philippe-Henri, né le 9 octobre 1865, seul repré-sentant masculin du nom, qui vivait avec sou père, près duquelaimaient à le voir respectueux, attentif, empressé, tous ceuxqu'attirait au pavillon Peirese l'amitié du défunt, édifiés de cedévouement sans faste, et de cette admiration si constante.

Fixé à Gontaud, Tamizoy, par respect pour les traditions defamille, se laissa nommer maire sans ambition, sans enthou-siasme, mais avec le désir sincère de faire le bien ; il porta dixans l'écharpe (1860-1870). Ce que fut son administration, nousn'avons pas à le raconter; il sut faire profiter sa commune de ses

• nombreuses relations et mit ses amitiés littéraires au service dela voirie urbaine. Il assainit la ville, fit des trottoirs, créa unréseau de chemins, un bureau de poste, réforma l'hospice et lebureau de bienfaisance, fonda une société de secours mutuels.

Son premier devoir avait été de visiter les archives de Con-taud. Il trouva u ces vénérables paperasses éparses dans lesgreniers (lu petit hôtel de ville, exposées aux dangers (le l'eaudes gouttières et de la dent des souris. Il les rangea avec soindans un placard dont l'achat fut sa première dépense d'adminis-trateur; il sauva ainsi les antiques Coutumes de Goritaud quigisaient honteusement dans la poussière, à peine protégées parun parchemin en partie lacéré, et il les imprima dans le t. viiides Archives historiques de la Gironde. Grâce à la bienveil-lance de deux préfets, protecteurs des recherches historiques,Alphonse Paillart, ancien élève de l'école des' chartes, et PaulF.éart, il avait obtenu la communication des dossiers des ar-chives départementales, et après Gontaud il songeait à l'histoiredes diverses communes de l'Agenais. D'autres occupations sur-vinrent, et l'incendie de 1895 anéantit à jamais tous ses projetsde monographies locales.

Ne pouvant plus obtenir une gare à Gontaud qu'un précédent

Page 23: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 16 -

maire avait, lors du tracé de la ligne ferrée de Bordeaux à Tou-buse, repoussé parce que la fumée des locomotives incendie-rait les récoltes(!) il avait rêvé de rendre à sa ville natale, jadisville royale, chef-lieu de juridiction avec tribunal, barreau, par-quet, casernes, une partie de son ancienne importance en la fai-sant chef-lieu de canton au moyen de quelques communes limi-trophes. Il avait la promesse formelle du ministre de l'intérieur,ami personnel, dès que la population aurait atteint le chiffre de1,500; il y manquait quelques dizaines, quand il quitta la mairie.Aujourd'hui (ontaud n'a pas plus (le I 180 habitants. Un secondprojet était d'acheter l'ancien château, style Louis XII, des.Verdun et des Montferrand, pour en faire l'hôtel de villeavec jardin public. (Voir deux photogravures du château (bansLe maréchal de Biron ci la prise de Gontaud (1897). 11 fallaitencore deux ans de mairie. Mais au 4 septembre, Tamizey dé-missionna comme son père en 1848, et son grand'père en 1789.

Eloigné des affaires, il n'en continua pas moins son concoursà sa ville. Président de la fabrique de 1870 à 189, dont il futensuite président honoraire jusqu'à sa mort, il s'occupa de larestauration de la vieille église romane, une des plus vastes del'Agenais. Il y eut des difficultés: le curé voulait un peu tropdétruire; le conseil municipal, par esprit de système, ne 'ou-lait pas qu'on touchât à une pierre. Pendant que. Tamizey, quine jouissait que d'une modeste aisance, avec quelques autresfabriciens répondait sur sa fortune Personnelle des 80.000 fr.de travaux non régulièrement autorisés, - beau trait de désin-téressement, qui n'est pas le seul, - le conseil municipal quivenait de laiciser l'école des filles, refusait une somme de12.000 francs offerte par l'état. Cette fois la bêtise était tropforte. Les électeurs protestèrent en venant chercher dans sa re-traite studieuse le citoyen généreux et intelligent qu'on avaiteu la sottise et l'ingratitude de laisser de côté. En mai 1884, ilsl'amenèrent triomphalement à l'hôtel de ville; au premier tourde scrutin ils lélurent seul de son Opinion et, au second tour,ils lui adjoignirent quatre autres de ses coreligionnaires, etcela sur son appel direct, unique acte de politique locale qu'onobtenait de, lui depuis quatorze ans. Il se crut obligé par recon-naissance de suivre assidûment, tout en s' y ennuyant beaucoup,les séances du conseil, y disputant pied à pied le terrain con-servateur, conduite qui déplut en haut lieu et qu'on lui fit payerplus tard. Mais Gontaud a un fort beau monument. J ' ai pu ad-

Page 24: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 17 -

mirer, l'an dernier, le choeur roman restauré, où un grand éru-dit du midi, M. l'abbé l)uharat, nous disait la messe ; la splen-dide façade du xiii e siècle conservée et l'immense nef entièrementreconstruite. Voilà qui restera de son passage à l'administrationdes affaires communales deGontaud!

Ses oeuvres littéraires ou érudites ont une plus grande impor-tance et lui ont valu une réputation hors ligne. C'est en 1856-1861 que parurent ses premiers articles signés de revue, dansla Correspondance littéraire de Ludovic Lalanne, qui vient demourir peu de temps avant son vieil ami, et clans les Annalesde philosophie chrétienne de Bonnetty. Le plus remarqué futcelui qui signalait « quelques erreurs de l'Histoire de Francede M. Henri Martin »; et quand en 1869 l'institut accorda unprix de 20.000 francs à cette Histoire trop surfaite, le futurcorrespondant de l'institut fit cette jolie épigramme

Notre institut toujours étonnera le monde.Vingt mille francs, Martin 1 certes la somme est rondeMais si l'on compte bien, l'on voit avec terreurQue ce n'est même pas quatre sous par erreur.

Depuis son premier livre Thomas A Kempis (1862), les notes,les volumes, les brochures se succédèrent avec une régularitépourainsi dire astronomique. Ce fut avec M. Léopold [)elisle, sonami, un des plus puissants travailleurs de notre temps. Le nom-bre de ses productions en tous genres est considérable. An-drieu, dans sa Bio-Bibliographie de l'Agenais (1887), en citeune partie, qu ' un supplément en 1891 ne complétait pas; Jechiffre s'en est accru depuis. Il ne se passait guère de moissans qu'il parût quelque chose de lui, simple note ou étude dé-veloppée. Les recueils de sociétés savantes lui étaient largementouverts; et comme son érudition était un peu encyclopédique, ilavait des articles locaux pour toutes les provinces. Comme soncher Peiresc avait eu des correspondants clans toutes les ré-gions, ce lui était une occasion de révéler à chaque départe-ment une, illustration ignorée. Le chiffre des Correspondants dePeiresc imprimés s'élève à 21; il doit y en avoir 30; le tout, ycompris les dix volumes des Lettres de Peiresc, devait formerun total de cinq à six mille documents précieux.

« Son oeuvre est surprenante par sa masse et plus encore parles dessous extraordinaires qu'elle suppose. Il vivait dans unefamiliarité douce avec les hommes du xvi 0 et du XvlIe siècle. »

Page 25: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 18 -

Il a abordé tous les sujets, ne dédaignant pas les plus minimesdès qu'ils pouvaient révéler un trait de moeurs, ou mettre à lalumière un fait ignoré, un document inédit relatif à sa chèreprovince : De l'emplacement d'Uzellodunum, La bibliothèqueet ]e Vignoble de Mt ' Gonin; Les terrines de Wérttc Inven-taire du château de Nérac en 1598 Notice sur la ville de Mar-mande, sur la commune des Hautesvignes, sur Bayonne, Dax;Sonnets d'Olivier de Magny; Mazarinades inconnues. Les per-sonnages célèbres y ont leur place : Mascaron, évêque d'Agen;Salluste du Bartas; Bertrand d'Echaus, évêque de Bayonne;Arnaud de Pontac, évêque de Bazas; François de Noailles,évêque de Dax Jean de Monluc, évêque de Valence; Louis de1-lechignevoisin de Guron, évêque de Tulle; Florimond de Ray-mond; Guillaume du Vair; Belzunce, évêque de Marseille;Voltaire et Louis Racine; le cardinal d'Ossat; le cardinal d'Ar-magnac; Marca, archevêque de Toulouse et de Paris; Christo-phe et François de Foi-CandaIe, évêques d'Aire; les hénédic-tins-Martianay, du Laura, Bernard de Montfaucon, Brial, Pa-cotte Lohineau, Estiennot, Devic, Germain, sans compter leReliquia bencdictinœ; vies des poètes bordelais, périgourdins,gascons de Guillaume Colletet; Joseph Scali ger, etc.

Et à côté de ces grands noms, les plus humbles: ce « notaired'autrefois, maître Bahoulène n (1893), qui n'était pas seulementun homme d'une probité parfaite, mais dont n la physionomies'illuminait des reflets de cette flamme sublime que l'on appelledévouement » ; la famille de Fontainemarie (1889); celle de Du-drot de Capdehosc (1891), du Muet de Laincel (1895). n gentils-hommes campagnards, honnètes bourgeois, curés de village,voire simples paysans n, ou de ce n héros ignoré », Le soldatLa Pierre d'Lrnet, près de Tonneins, qui pour porter des dé-pêches de Toiras à La Rochelle traversa à la nage cinq kilo-mètres et demi, du fort Laprée en l'île (le Ré à la pointe Sâint-Marc. Il aurait voulu dresser une pierre au moins au hardinageur, et il avait déjà une promesse (le Souscription de centfrancs de l'amiral Jurien de Lu Gravière. Ses amis n'étaient pasoubliés; outre que sa probité littéraire lui prescrivait detoujours citer, et avec éloges, ceux qui lui donnaient un fait,une date, un rien, il avait une joie à louer ceux avec qui il avaitentretenu quelques relations. Voir ses brochures nécrologiquessur la comtesse Marie de Raymond (1886). Paulin Paris (1881),Jules Delpit, Adolphe Magen, Cazenove de Pradines.

Page 26: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 19 -

Notons ceux de ses ouvrages se rapportant plus particulière-ment à notre région: Douze lettres inédites de Jean Guez doBalzac (1863); Quelques notes sur Jean Guiton, le maire de LaRochelle (1863); Observations sur l'histoire d'Eléonore deGuyenne (1864); Louis de Faix et la tour de Cordouan (1864);Mémoires des choses passées en Guyenne (1621-1622), rédigéspar Bort rand de Vignolles (1869); Lettres inédites de Jean-LouisGuez de Balzac (1873), extrait du t. ter, nouvelle série, des Mé-langes historiques dans la collection des Documents inédits surl'histoire de Franco; Note sur mademoiselle deMaurès(1874)Lettres inédites de Benjamin Priolo (1877, extrait du t. iv desArchives de Saintonge; Lettres du comte de Comm inges, am-bassadeur extraordinaire de Franco en Portugal (188), extraitdu t. xiii des Archives de Saintonge; Lettres inédites de Phi-lippe Fortin de LaHoguette (1888), extrait du t. xvi des Archivesde Saintonge; L'amiral Joubert de Barraud et les pirates deLa Rochelle (1894).

Président d'honneur du conseil héraldique de France, vice-président de la société d'histoire littéraire de la Franco, des so-ciétés des antiquaires de Franco et de l'histoire de Franco, majo-rai du félibri ge, membre associé ou correspondant de soixante-dix sociétés savantes au moins de Franco, d'Italie, de Belgique:académies de Bordeaux, Aix, Dijon, Reims, Toulouse, Pise,Padoue, Turin, il a collaboré à tous les grands périodiques de-puis le Dictionnaire universel d'histoire et géographie de Bouil-let qui l'a remercié dans la préface de la 20 édition (I 86 1i; Revuecritique, Correspondance littéraire, Bulletin critique, Revuedes questions historiques, Polybiblion, Intermédiaire des cu-rieux où il avait une foule de pseudonymes et insérait un grandnombre de petits articles fort goûtés, écrits avec beaucoupde science et beaucoup d'humour; Cabinet historique, Bulletindes bibliophiles, Revue des bibliophiles, jusqu'aux recueils pro-vinciaux: Revue d'Aquitaine, Revue de Gascogne, Revue del'Agenais, Le Sud-Ouest, Annales du midi, Revue catholiquede Bordeaux, Echo de Gascogne, Revue de Marseille, lnii.alesdes Basses-P yré nées, Archives historiques de Gascogne, Archi-ves historiques de la Gironde, auxquelles il a fourni près de2,000 documents inédits. Si chacune des sociétés qui ont pro-filé de la collaboration de Tamizey dressait le catalogue (le sescommunications diverses, quel beau supplément à la Bibliogra-phie Tamizeyenne de Jules Andrieu! -

Page 27: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 20 -

Ses amis y avaient songé ils comptaient lui offrir ce catalo-gue pour fêter le 70 anniversaire (le sa naissance (30 décembre1898), ou le 25e anniversaire de son élection à l'institut 114 dé-cembre 1875). Le nombre de ses oeuvres allait dans quelquesmois atteindre le chiffre de 200 : deux ou trois sont sous pressecinq à six autres sont en partie' préparées ; un de ses amis sechargera de continuer les Lettres de Peiresc, encore troisvolumes; et son fils hérite de la pieuse obligation de continuerce qui regarde l'histoire locale, surtout les notices généalogi-ques. Ces 200 numéros auxquels s'était limité le grand poly-graphe ne sont pourtant qu'une inlime partie de son labeur; ily faudrait ajouter ces innombrables articles semés partout avecla prodigalité d'un mil1ionnire qui ne sait pas compter. Aidit qu'il avait horreur des chiffres.

L'actif et consciencieux érudit avait été nommé membre cor-respondant de l'institut de France, académic des inscriptions etbelles-lettres le 14 décembre 187b. Il fut fait chevalier de lalégion d'honneur le 19 avril 1879 et je me souviens avec quellejoie fut accueillie cette nomination au congrès des sociétés sa-vantes à la Sorbonne. Il était membre non résidant du comitédes travaux historiques et scientifiques au ministère de l'in-struction publique, pour lequel il avait publié: Lettres inédites(le Jean-Louis Gue: de Balzac, collection des Documents iné-dits sur l'histoire de Franco (in-4 0 , 1873, 458 pages), et les Lettresde Jean Chapelain, 1632-1672 (2 volumes in-4 0 1880-1883), dansla même collection, préludant à son oeuvre capitale, Lettres dePeiresc, 1602-1637 (6 vol. in-° le vit' est sous presse).

On pourrait s'étonner que doué, comme il l'était, d'une puissaice de travail prodigieuse, d'une mémoire étonnante et d'unesprit aussi vif, aussi pénétrant, Tamizey se soit dépensé enplaquettes, au lieu de concentrer toutes ses forces sur un sujetunique, sur un point d'histoire qu'il eut traité magistralement,un Charles VII du marquis de Beaucourt par exemple, un Phi-lippe V d'Alfred Baudrillart. Du Guesrlin de Siméon Luce,sans parler de Thiers et des autres.

Son héros à lui, c'était Claude Fabri de Peiresc, conseiller auparlement d'Aix, savant universel et correspondant infatigable,esprit ouvert sur tous les sujets, avec lequel du reste, il avaitlui-mème tant de ressemblance. Il s'était reconnu en lui. Quandil l'eut découvert à Carpentras, dans la riche hibliothque d'In-guimbert, autre de ses découvertes, il n'eut aucune cesse; on

Page 28: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 21 -

lui devait de mettre au jour ce prou eux o1yn'iph. 1, Insors que contiennent ses manuscrits; il se mit à copier, à copiertout, et à mesure sôn admiration croissait et son enthousiasmi.Tout lui devenait cher; la moindre bribe était religieusementrecueillie: il enchâssait cette pierre, un diamant; la phrase liplus simple était une révélation, une lettre s'éclairait par l'au-tre, et la matière s'agrandissait; il fallait bien expliquer cemot, révéler au public cette nébuleuse, faire connaitre cet oh--cur savant du xvii e siècle en province, où il y en avait tant, glorifier ce personnage qui avait eu l'insigne honneur d'être nom-mé par Peiresc.

Quand le comité des travaux historiques aperçut ce colossalamas de transcriptions qui auraient complété un wagon, il fiteffrayé; encore n'avait-on pas les dix mille lettres que la niècedu collectionneur avait employées à allumer son feu ou à fairedes couches de vers à soie. AI;! les coupures, ah! les sacrificesAmputer Peiresc! y pense-t-on? Abraham avait pu consentil'immoler Isaac; ce n'était que son fils. Mais Peiresc ! Pourtantil fallait bien se résigner. On lui donnera dix volumes in-40mille pages clans la collection des Documents inédits sur l'hittoire de France. Peircsc paraitra donc; mais il paraîtra seul,isolé, sans ce long cortège d'amis, d'admirateurs, de correspon-dants qui étaient une partie do sa gloire.

Battu mais non content. Tamizey se tourna d'un autre c6t..Les amis de Peirese étaient devenus ses amis, et Dieu sait, saimait ses amis. Il les sauvera de l'oubli: il leur donnera ceffeauréole qu'ils avaient en vain espérée de leur vivant. J'en aicompté 21; une douzaine d'autres devant paraitre avant 100et former ainsi la couronne posthume de l'illustre PeireacCésar Nostradamus, Claude de Saumaise, Gabriel de l'Auhes-pine, évêque d'Orléans; le cardinal Bichi, évêque de Carpentras;le rabin Salomon Azubi, Gabriel Naudé, Samuel Petit, Tristande Saint-Amant, le P. Mersenne; j'en passe et ce ne sont irisles plus connus.

Son premier voyage à Carpentras date de 1877, c'était pourreconnaitre le terrain, préparer les voies, explorer Ufl peu lesinnombrables registres de la collection Peiresc. Il y revint en1880, 1881, 1882 et en 1894. La besogne commençait dès lespremières lueurs de l'aurore et ne finissait pas avec les der-niers feux du jour. Le vieux marquis de Seguins, dont il avaitfait la connaissance à la bibliothèque, s'effra yant de cette acli-

Page 29: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 22 -

vité, venait parfois l'arracher à ses transcriptions et l'emmenaitse promener dans la ville et dans la campagne. Il l'en a remerciédans sa 195 e et avant-dernière brochure Cohorn, où il fait un sivif éloge de Carpentras « Je déclare que peu de villes sontd'un séjour aussi agréable, aussi charmant. »

La bibliothèque Méjanes, à Aix, l'abrita aussi de longs mois,et Marseille et Montpellier. Il y trouva aussi des manuscrits. Orqu'avait-on fait pour un si grand homme? Quoi! pas de monu-ment, pas de statue à Peiresc quand tant de célébrités douteuses,tant (le médiocrités inconnues, et, faut-il le dire, tant d'illustra-tions honteuses étalent bruyamment leur éclatante nullité surnos places publiques, quand on vêt de bronze ou de marbreun tas de personnages dont on apprend le nom le jour de l'inau-guration

Et Peiresc, Nicolas-Claude Fabri, la gloire la plus pure de laville d'Aix, n'a pas un monument dans cette Athènes de la Pro-vence! Rien, rien qu'un cénotaphe dans une chapelle de la ca-thédrale, indigne d'un si vaste génie. Quoi! il ne s'est donc pastrouvé un politicien, aucun artiste désireux d'obtenir la croixou une commande, en fêtant Peiresc qui s'y prêtait peu du reste!Sur ses pressantes instances, un comité fut constitué et unecirculaire répandue le 9 juin 1891. Outre l'initiateur, j'y voisMichel Jatïard, premier président (le la cour d'Aix, Naquet, pro-cureur général, l'archevêque Gouthe-Soularcl, le député, le rec-teur, le préfet, le doyen et des professeurs de la faculté. « Ho-forer le souvenir de cet homme de bien, de savoir et de progrès,qui protégea Gassendi, défendit Gaulée et consola les malheursde Campanella, est une oeuvre qui se recommande d'elle-même,. » 'I'amizey se fit quêteur; il prie, implore; il fait appelà tout le monde Pour Peircsc, s'il vous plaît (1893) astro-nomes, archéologues, bibliophiles, botanistes, géographes,numismates, paléographes, il a été votre confrère et votreprécurseur ; mathématiciens, il a protégé Gaulée; peintres, ilentretenait de fraternelles relations avec Mellan, avec Rubens,avec tous les grands artistes de son temps. Vous qui aimez lesbeaux fruits et les fleurs, souvenez-vous de l'homme d'initiativequi introduisit chez nous tant, d'espèces d'arbres et de plantes, etC1Ui créa notre premier jardin d'acclimatation. S'il ne l'avaitété, son amour pour Peireso l'aurait rendu ingénieux. A l'un ilrappelle qu'on lui doit l'introduction de la tubéreuse; à l'autre,de l'angora. Il recueille religieusement 2 francs, salaire de son

Page 30: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 23 -

jardinier, et il publiera une plaquette pour conserver le nom ticl'humble journalier Justin Chirol; il inspire au comte de Marsvla brochurette Peiresc et les chats (1893) où une chatte plaidesi spirituellement en faveur du protecteur des minets.

Mais le promoteur n'était pas là. 11 soufflait bien sa flammeau coeur de ses amis, de loin. Ah! s'il eût été là. Il partit donc,au mois de mai 1894. Le 9, un grand banquet lui est offert cnsa qualité de majoral du félibrige, un des sept mainteneurs «A-quitaine, par ses confrères les félibres de l'école d'Aix, sous laprésidence de leur capiscol M. François Vidal, assisté des ma-joraux Léon de Berlue-Perussis, président d'honneur de l'école.et Léopold Constans, professeur de littérature romane à lafaculté des lettres d'Aix. Son toast en provençal enleva l'assis-tance. Le surlendemain il préside la séance d'inauguration ducomité pour l'érection du monument et y prononce une chaleu-reuse exhortation. Et pendant deux mois ce fut une ovationcontinuelle, un voyage triomphal. Banquets, toasts, farandoles,tambourinaires. Quand le Midi se lève, il est bien debout. Il yfut aussi fêté que son héros, plus peut-être, acclamé partout etcharmant tout le monde. Son succès personnel fut complet.

li parait que des applaudissements se donnent plus facile-ment que des pièces blanches et que, selon l'expression d'unfélibre de là-bas, on tire plus aisément des sons de la lyre quedes sous de la tire-lire. Le monument ne put avoir les propor-tions grandioses que l'ami de Peiresc avait rêvées. On put cepen-dant mettre un buste sur une colonne, et l'on restaura avec goûtla chapelle des Fabri, FaLritiorvm tvrnlvs (1) qu'on venait (ledécouvrir dans l'église paroissiale (le Sainte-Madeleine d'Aix 2.

En novembre 1895, eut lieu l'inauguration. Tainizey n'y assistapas, écrasé de douleur par la perte de sa bibliothèque. Mais ilpouvait recevoir une récompense qu'on avait exprès différéejusqu'à cette époque et qui eût été un baume sui' sa blessurerécente. On s'y attendait. Il était chevalier de la légion d'hon-neur depuis dix-sept ans. M. Gaston Paris, qui allait présider

(1) s Tombeau des fabriciens s, traduisait le sacristain i Tamizey de Lairo-que, qui riait beaucoup.

() Voici l'inscription commémorative placée dans la chapelle funéraii'eS L'AN MDCCCCLV AVEC LES FONDS PROVENANT DUN lION LIE MGR Gouîjw-SOULARD, ARCI1EVQUE n'Aix, ET D'UNE SOUSCBII'TION RECUEILLIE PAR L'INITIATIVE

DE M. TANIzIIY Dr. LARROQUR, CETTE CITAI'EI.I.S CONTENANT LA TOMBE DE PeisaseA IIf HEcOs'I'IIU[TU «, etc.

Page 31: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 24 -

comme délégué du ministre de l'instruction publique les fétesprovençales, devait lui porter la rosette; la coïncidence avaitété délicatement choisie. r1roisjours avant, un télégramme arrivaà Paris : « Réactionnaire militant; nomination ferait le plusmauvais effet. » Et docile aux dénonciations de caboulot, legouvernement s'inclina. La promotion eût été saluée d'unapplaudissement unanime; la Provence eût tressailli d'aise, ettout ce qu'il y a d'intelligent en France eût battu des mains; niaison ne devait pas choquer quelques jaloux, blesser quelques ratésdes lettres, désespérer quelques clubistes envieux.-

Averti à temps, Tamizey pouvait parer le coup. Al)l)UYé parles corps savants qui demandaient depuis plusieurs années cettepromotion, ami intime de plusieurs députés et sénateurs républi-cains, en relations cordiales avec deux ministres, lié avec une fouled'hommes éminents (lu monde officiel qui savent reconnaitre lemérite où il se trouve, et se mettre au-dessus des passionsmesquines et de coteries de bourgade, les Wallon, les Rozières,Viette, Louis Passy, Robert de Lasteyrie, il n'avait quun mot àdire; il ne le dit pas; lui qui avait tant obtenu ROUF les autres,ne voulut faire aucune démarche pour lui-même. Quand, quel-ques jours après, le préfet reconnut qu'il avait été trompé et quele mot tç militant.» au moins était de trop, l'heure était passéeet le train manqué; Tamizey refusa de s'associer à de nouvellesdémarches. Sept de ses amis de l'académie des inscriptions, etdes plus influents, lui firent, pour le venger, offrir une place demembre libre il répondit qu'il préférait rester simplementdoyen d'élection des correspondants.

Ses amis, il en avait partout. Dès qu'on l'avait vu une heure,on lui était attaché à jamais. D'un esprit très large, tolérant,il comprenait tout, excusait tout. Sainte-Beuve le consultait;Louis Veuillot, Adolphe Granier de Cassagnac avaient voulu l'at-tacher à leurs journaux comme critique hebdomadaire; mais il neconsentit pas à aliéner sa liberté. Il avait un culte pour M. LéopoldDelisle, u son maitre et son ami u, l'érudit impeccable et ency-clopédique qui l'appréciait à sa valeur. Je n'ai jamais connupersonne s'oubliant soi-môme avec une aussi parfaite abné-gation, a dit M. Brissaud, et se mettant avec une aussi naturelleaisance - comme si cela ne souffrait pas d'obstacle et d'hésita-tion - au service des autres. Sa bibliothèque, ses manuscrits,son inépuisable savoir étaient mis à la disposition des tra-vailleurs avec tant de bonne grâce qu'on ne se doutait presque

Page 32: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 2 -

plus qu'on avait reçu un service de lui ; on avait au contrairepresque l'illusion qu'on le lui avait rendu à lui-même ». Sa hautetaille, ses cheveux en brosse, sa moustache et sa hatbiche luidonnaient un aspect militaire et assez austère. Au bout de rie1minutes on jouait avec le bon géant; sa bonté vous avait misl'aise; sa loyauté, sa verve intarissable vous gagnaient. Onavait commencé par une visite, quelquefois par un simpleéchange de vues, on se quittait liés à jamais.

Dans cette maison de Gontaud, dont on ne voit plLlS quequatre murs, dans cette ferme de Larroque, qu'il avait décoréedu nom de pavillon Peiresc en l'honneur de son héros dont ilenviait l'existence studieuse, et tout plein de lui, portraits auto-graphes,souvenirsdivers,venaient,rnalgré les difficultés d'accès,des gens de tous les côtés et de toutes les conditions: homrnede lettres en quête d'un conseil ou d'une recommandation, par-fois d'une aumône, ce qu'on ne savait jamais; écrivains quicherchaient une direction, un sujet de travail, des indicationsde sources; amis qui avaient besoin de se réchauffer à sonardeur, de s'encourager à son zèle, et de se fortifier à ses parolesaffectueuses. Qui ne s'est assis à cette table toujours hospita-lière Qui n'a causé sous le vieux châtaignier où se passaient :'t

peu près ses journées d'été: M. Larroumet, directeur des beauxarts, M. Dupuy, inspecteur général de l'université, M. Monmeja,ce critique d'art si fin, l'abbé Carsalade du Pont, Paul Bonnefon,bibliothécaire de l'arsenal, Max Lanusse, Henri Berr, F. Franck,Favre, et ses amis d'Agen, Magen, Tholin, Jean Carrère, le dis-tingué Philippe Lauzun, le docte A. Lavergne, l'aimable Comtede Dienne, M. Champval de Yyers, l'érudit paléographe deFigeac, M. R. Bazin, le maire si spirituellement socialiste dcCastelnau, M. et M° Boyer d'Agen, Ladies de Lagarde, M' Pci-lechet, la bibliographe des incunables, des grandes dames del'aristocratie anglaise et de bons bourgeois français en qutede parchemins, etc.;

Qui n'a, Gascon, Français, même étranger.Pris une feuille et souvent branche entièi

A ce généreux châtaignier? (1)

I Le vieux cha(aigner, luxueuse plaquette in-4° de 14 pages, impriméeSaint-Etienne par Ch. Boy, avec de splendides photogravures de M. ticBoéry représentant le maitre et les derniers rameaux de son vicu chàtaigriicr,a vec l 'a ve r tissement tI ,' 'ramii.ey dc Larroquc, une p rtfa CC (I e M. Main, de s

Page 33: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 26 -

Nature franche et loyale, caractère chevaleresque, il donnaità tous trésors de science et biens matériels. Les éloges, il les pro-diguait. Sa critique, qui ne laissaitrien passer 1), était toujourscourtoise et aimable dans ses plus légitimes sévérités; il lui encoûtait de blâmer; je m'indi gnais parfois d'une indulgence ex-cessive; il avait toujours peur de faire de la peine, et cette bonté,qui n'était pas exempte de faiblesse, nuisait un peu à son in-fluence. Il bénissait trop. Une seule fois, je crois, il fut amer etirrité. Un pasteur protestant n'avait-il las fait un livre, L'intolé-rance de Fénelon. L'intolérance de Fénelon,a ce modèle de toutesles vertus et de tous les talents», de Fénelon, ce doux apôtre desmissions de Saintonge. o noble et touchante figure, a dit HenriMartin, l'une des plus pures et (les plus aimées qui soient restéesgravées dans le coeur de la France. o Il malmena fort M. Doucndans la Revue des questions historiques, et puis... il s'excusa de« la vivacité » de ses paroles; « il est si difficile de rester calmedevant l'injustifiable condamnation de quelqu'un que l'on admireet pour qui sympathie et admiration redoublent à mesure qu'ilest plus méconnu et plus insulté. »

Il fut aussi très justement dur. en 1869, contre M. Asselineauqui avait fait un éloge outré de Baudelaire, le chantre de laCharogne, et contre un certain docteur Gilles de La Tourette, àpropos de Théophraste Renaudot (vers 1888). Le docteur crutméme devoir lui envo yer des témoins à la rédaction de la Revuecritique, seul duel que le plus pacifique des hommes ait failliavoir dans sa vie. Il fallut ces graves occasions pour le faire sor-tir de sa mansuétude (2).

vers de M. Louis Audiat, mi» en vers provençaux par M. A. de Gagnaud (Léonde Berluc-Pérussis, et cri musique par M. Désiré Granier,

(1) J'en sais personnellement quelque chose, Quand il rendit compte demon Bernard Palissy, dans la Revue des questions historiques (juillet 1868),il n'omit même pas, parmi les douze erreurs signalées, les plus petites fautes,quelques unes simples coquilles: Mémoires dc Vielleville, livre II, au lieu de livre111, Lettres sur la Vendée, au lieu de Lettres écrites de la Vendée; praticien-nes pour patriciennes. H fut désolé quand il 'it Athanase Coquerel dans leBulletin de ta société de l'histoire du protestantisme s'autoriser de cette cri-tique - où il avait mis beaucoup d'éloges - pour ruer , tout mérite à l'ouvrage;aussi comme il battit des mains à la réplique: Palissy et son biographe. Réponseà M. Athanase Coqueret fils, par M. Louis Audiat! (Paris, 186, in-80 , 48 pa-ges.) Cc fut le commencement de noire liaison.

(2) U avait pourtant conservé rancune à Michelet. L'historien habitait au troi-sième de la maison de la rue d'Assas où l'édilité parisienne a mis une plaque

Page 34: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 27

Le 9juillet 1895, sa maison de Gontaud brûlait, et avec elleune bibliothèque des plus importantes, non pas tant parle nom-bre, 6.500 volumes, mais par la richesse. Un vrai chercheur, unfouilleur heureux, un amateur passionné d'histoire, avait réunilà des trésors, des livres de choix on devine ce que peut êtreune collection de 6.500 volumes faite avec soin, rassemblés avecamour pendant de longues années en vue d'études spéciales. Etparmi ces imprimés rares, précieux, introuvables, d'innombra-bles manuscrits amassés là de partout, autographes de person-nages illustres, correspondance avec les hommes les plus éru-dits, copies de pièces et documents originaux, des notes accu-mulées pendant quarante ans, provisions pour la veillesse, oùil n'y avait qu'à puiser à pleines mains pour les travaux futurs.Tout le fruit de ses recherches dans les bibliothèques deParis et de la province, toutes les pages écrites pour des pro-jets d'études, toutes les transcriptions faites dans les vo'yaeslittéraires de chaque année, s'en allaient en fumée, et, ironiedu sort, le vent lui porta jusqu'au pavillon Peiresc, à plusieurskilomètres de là, des feuilles à demi brûlées où il reconnut despages détachées de l'histoire de son cher Gontaud. Ainsi péri-rent en quelques heures près de cinquante années de labeursqui représentent des frais énormes, dépenses de voyages, prkd'acquisitions, privations héroïques et fatigues prodigieuses.Quand averti par les cloches voisines, qui sonnaient le tocsin.son fils accourut, il trouva quatre murs et ne put sauverque trois ou quatre volumes. La perte fut immense et le dé-sespoir profond. Que devenir ?A son âge on ne recommence passa vie. Et noluit consolari quia non sunt. Le malheur l'afrappé au coeur. Le vieux chêne, si robuste pourtant, sivigoureux, est atteint. Il s'absorbe dans la douleur. Ma visitedepuis longtemps projetée lui est annoncée ; il me répond« Ne venez pas. » C'était une délicatesse de ce grand coeur : ilne voulait pas affliger ses amis du spectacle de sa tristesse.Raison de plus pour faire le voyage décidé. Nous passâmes deuxou trois jours ensemble. D'autres vinrent aussi, et ces causeriesd'amis furent un adoucissement à sa blessure.

commémorative, et son appartement était voisin de celui d'Urbain de Gram-mont, beau-pére de Tamizey; il passait ses nuits à clouer des caisses où ilexpédiait des livres, ce qui empêchait le jeune homme de dormir. Voilà unincident qu'il se serait amusé à rappeler à l'occasion du centenaire du grandécrivain,

Page 35: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 28 -

De toutes parts, à la nouvelle de ce désastre, arrivèrent des li-vres. Les sociétés savantes dont il faisait partie lui envoyèrentles collections de leurs mémoires; des amis connus et inconnus,touchés de ce malheur, émus de compassion, cherchèrent àréparer l'irréparable. La société des Archives fut une des pre-mières à faire appel en sa faveur et à lui offrir ses volumes(t. xv, p. 400). Réconforté par ces témoignages universels desympathie, il se remit au travail. Il était philosophe et chrétien,il ne murmura pas ; et dans nos causeries les plus intimes jen'ai pas surpris le moindre mot d'amertume. Il souffrit, maisavec calme et résignation. Avec quelques épaves, avec ce qu'ilavait amassé au pavillon Peiresc pendant les six dernières an-nées, il se remit au travail ; et on ne s'aperçut des pertes qu'àceci : il ne pouvait donner aussi libéralement pièces, notes,renseignements. L'indigence d'un seul devenait la pauvreté detous. Toutefois, sous ce calme je ne suis pas bien sûr que laplaie fût si complètement cicatrisée et que les chagrins n'aientpas contribué à abréger une vieillesse si vigoureuse et hâter unefin qui fut si prompte.

Son labeur était effrayant. Chaque jour la poste lui apportaitjournaux, livres, revues, lettres. Il lisait tout, ou plutôt dévo-rait. Comme tous les hommes fort occupés, il répondait le jourmême.Un de ses voisins, ancien sous-préfet, M. Maurice Campa-gne, maire de Saint-Pierre de Nogaret, dans l'oraison funèbrequ'il avait préparée, n dit (Journal du Lot-et-Garonne du 4juin) : «.,. J'ai assez connu M. Tamizey de Larroque pour com-prendre le respect dont son nom était entouré, la confiancequ'inspiraient ses travaux, l'autorité qui s'attachait à sa paroleet à ses écrits. J'ai vu les innombrables lettres qui lui arrivaientchaque jour signées le plus souvent par des hommes illustresdans toutes les branches (le l'activité intellectuelle, historiens,hommes politiques, académiciens, paléographes, archéologues,poètes même. Tous le recherchaient, l'assaillaient de questions,le feuilletaient comme une immense, encyclopédie. J'espère quesa correspondance sera un jour publiée: car ceux à qui il écri-vait auront conservé ses lettres. Il répondait toujours, et, dansle style épisto]aire, s'abandonnait volontiers : la phrase, fine,délicate, souvent malicieuse, marquée au coin (lu meilleur es-prit gaulois, avec une allure joyeuse et enlevante, qui contras-tait avec l'austérité ordinaire de ses travaux. C'était un savantaimable, ce qui est moins rare que ne le pense le vulgaire.

Page 36: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 29 —

Et dans le Corrézien du 2 juin un article signé des initialesG. 0.-S., évidemment M. Clément-Simon, un de ses plus appré-ciés correspondants et travailleur émérite, ajoutait : u C'étaitun savant de province: il ne voulait être que cela, un décentra-lisateur par excellence. Et c'est merveille qu'un travailleur quiprenait si peu de souci de la capitale, qui avait consacré toutesses recherches au passé des provinces, à leur histoire, à leurlittérature, eût réussi à se faire une grande notoriété, à êtrereçu comme un de leurs pairs, parmi les maîtres qui habitent leshautes sphères. Dans notre patrie la science est centraliséecomme tout le reste. Les savants d'arrondissement manquentà la fois d'instrument et d'auditoire. Leurs élucubrations mêmeles plus soignées laissent voir forcément quelques imperfee-tion, quelques lacunes. Leurs ouvrages sont un peu commeleurs habits, en retard sur le goût et le confort. Cela n'était pasvrai pour M. de Larroque. A l'aide de je ne sais quel secret,dans toutes les questions qu'il traitait, il s'arrangeait pour queson enquête fût complète et qu'il n'y eût rien à ajouter ni à re-trancher après lui. Il ne disait que ce qu'il fallait, mais il avaittout dit. (1) Sa critique ne fut pas prise une seule fois en dé-faut... » (2)

Cependant, sa vue, non son ardeur, faiblissait; il ne pouvaitsupporter la lumière factice. Quel supplice que ces soirées d'hi-ver qui commencent à 4 heures 1/2 et ne finissent qu'à 8 heurdu matin! Que de temps perdu! il se résolut enfin à subir plu-sieurs opérations qui le firent horriblement souffrir sans résul-tat. Dans son livre de raison, où il marquait les incidentschaque jour, occupations, visites, lectures, et qu'il faudra lit,huer pour connaître tout son esprit et tout son coeur, il écrivimélancoliquement le 30 décembre 1897: « J'entre aujourd'hui

(1) lI eut pourtant cette frayeur: un jour, un de ses émules, comme il leraconte, feuilletait à Gontaud le premier volume des Lettres de Jean Chapelainque venait de lui envoyer l'imprimerie nationale. Tout à coup il s'arrête et deson air le plus sérieux : « Vous êtes déshonoré. » Je crus à la découverte doquelque énorme erreur et tout anxieux « Pourquoi donc? - Pourquoi,répondit-il en riant de mon effarement, parce que voilà une page sans notes.

() M. Anatole France, dans son roman Le crime de Silvestre Bonnard,représente deux étudiants causant entre eux au Luxembourg :As-tulu l'article de Tamizoy de Larroque o, (lit l'un — Oui, c'est plein de.choses, s M. Berr, qui cite le mot, ajoute que e cette phrase d'un roman s plusfait pour donner au public une vague idée de son prodigieux savoir qua sesinnombrables publications, n

Page 37: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 30 -dans ma 7Øe année, et j'y entre fort tristement. Je suis fort souf-frant depuis Plusieurs semaines, et mes yeux surtout gravementmalades. Je me demande avec la plus cruelle anxiété si je pourraicontinuer à travailler. Si cette consolation m'était enlevée, ceserait pour moi la mort anticipée... Que Dieu me fasse la grâcede me rendre la vue ou de me retirer du monde... n La vue oula mort! Dieu l'écouta.

Les tièdes journées d'avril lui rendirent ses forces et sagaité.L'ardeur (le ses vingt ans revint; il reprit son entrain ordinaire.Deux fois seulement il quitta sa « librairie » où les heures cou-laient si douces, et où il essayait de rattraper le temps perdu.Il alla faire ses pâques à sa paroisse et le 8 mai alla voter à sacommune, et aussi rendre visite à un ami mourant, remplissantjusqu'à la fin ses devoirs envers Dieu, envers son pays, et sesamis, seuls motifs qui pussent l'arracher à son labeur obstiné.Quelques jours après, un mal subit le prit dans la nuit du 12 au13 mai. Après quelques jours le mal s'aggrava, et le 26 il expirait.

Sa fin a été chrétienne. Sa courte maladie le trouva prêt; ilvit venir la mort presque en souriant; et comme l'esprit ne perdjamais ses droits, à son épitaphe depuis longtemps préparée:n Ci-gît un travailleur n, il recommanda d'ajouter «et maintenantil fait grève, n Son agonie fut tranquille et résignée, regrettantseulement de laisser sa tâche inachevée, inquiet aussi de ladouleur de son fils qui ne l'avait point quitté et qui était sa con-solation suprême. Et pendant qu'il expirait pieusement, je saisdeux religieuses au souvenir desquelles il aimait à se rappeler,une clarisse et une fille de charité, qui, averties du péril par cesmots : « Orate pro Tamizey morituro m, priaientet faisaient prierle Dieu miséricordieux d'avoir pitié (le celui qui avait été doux etbon pour tout le monde, charitable envers les déshérités, ser-viable pour les humbles, indulgent même l)OUF les faiseurs d'er-reurs historiques.

Ses funérailles ont eu lieu avec la plus complète simplicité. Ilavait interdit toute pompe, toutdiscours. Le temps était affreux:la pluie, les vents le tonnerre. Mort sur le territoire de la pa-roisse de Saint-Pierre de Nogaret, il avait demandé des obsèquesdans l'église de Notre-Dame de Gontaud, restaurée, réparéepar ses soins et ses libéralités. Et après la cérémonie funèbreoù se trouva toute la population, il est remonté sur ce haut ma-melon d'où il ne descendra plus, pour y dormir sous ses arbresson sommeil de travailleur fatigué, nais non lassé.

Page 38: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 31 -

Ses amis n'ont pas manqué de saluer d'un adieu cet hommede bien au coeur si chaud. M. le chanoine Allain, curé de Saint-Ferdinand de Bordeaux, un des hôtes du Pavillon Peiresc etqui était si heureux (le lui ouvrir les pages de la Revue catholi-que de Bordeaux, dans l'Univers du 2 juin, reproduit par l'Ex-press du midi du 13, a voulu, e intimement lié depuis près (levingt ans avec ce travailleur héroique et ce chrétien excellent))rendre « un pieux hommage à sa mémoire qui restera chère 'tous ceuxqui, l'ayant connu de près, ont pu apprécier l'étendueet la vivacité de sa belle intelligence, son immense savoir etl'exquise bonté de son âme ». M. Xavier d Lasalle dans leJournal du Lot-et-Garonne du 29 mai a salué « l'un des éruditsde France les plus marquants, l'un des hommes qui par leursmérites de premier ordre ont fait le plus d'honneur au dépar-tement dont il restera une grande illustration » M. G. Clément-Simon dans le Corrézien du 2 juin, M. Brissaud, professeur à lafaculté de droit,dans le Messager deToulouse du 29 mai, M. l'abbéDubarat dans les Etudes historiques du diocèse de Bayonne,n° de juin: « Je n'ai jamais connu d'homme plus sympathique,ni de plus bienveillant critique... J'avais vu ces vacancesM. Tamizey de Larroque en compagnie d'un de ses plus vieuxamis M. Louis Audiat, encore un travailleur hors ligne. Quellejournée délicieuse nous passâmes et comme je me promettaisde revenir sous le grand châtaignier de Gontaud... » (1) M.

(l Dans le numéro de juillet, M. Dubarrat a de nouveau dignement loué ledéfunt en reproduisant l'oraison funèbre faite, le 6juin, au comité des travauxhistoriques par son président, M, Léopold Delisle, et de plus a inséré les Icitres qu'il a pu retrouver de lui. La Revue du Clergé français du 1 juilkpage 228, article de M. Ch. Urbain, docteur en théologie, e ainsi vanté et ssavoir et son urbanité: v Sa complaisance était inépuisable. Sur un motit etvrait ses portefeuilles et y laissait puiser, non seulement ses amis, mais mèrnles travailleurs inconnus. Quiconque était embarrassé n'avait qu'à s'adresserà lui; il était sûr de recevoir aussitôt sinon quelque pièce inédite, du moinsdes renseignements précieux.

Dans l'Intermédiaire des chercheurs et curieux du 10 juillet M. Henri La-sanchou, qui l'avait vu de près, a payé la dette de cette revue où ilaimait e sous son nom ou sous des pseudonymes successifs de 1'. de L.,Yezimat, Un vieux chercheur, Un jeune chercheur, Ph., à semer à pleinesmains les fruits de ses recherches incessantes. )i

Plus de 100 journaux, près de 40 revues ont consacré des articles à cettechère mémoire. Il ne faut pas oublier la Revue politique et Littéraire du 9 juillet. Avec une très sincère émotion, M. Henri Berry a rappelé quelques souve-nirs personnels : « II y s quelques années, je désirais savoir si les hibliothè

Page 39: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 32 -

Léonce Couture prépare une notice pour la Revue de Gas-cogne et M. Brissaud, une autre pour les Annales du midi.

Les témoignages de sympathie n'ont pas manqué à son fils.Lettres et télégrammes sont parvenus de tous côtés, depuiscelle très touchante en sa simplicité d'un pauvre sabotier se sou-venant d'un service rendu jusqu'à celles de savants illustres,membres de l'institut, devançant les billets de faire part, de-puis MM. Léopold Delisle, E. Picot, L)eloche, Longnon, Wallon,puis comte de Saint-Saud, l'abbé Bertrand, Jullian, Dezeimeris,Barckhausen, puis des P. Sommervogel et Chérot, directeurs sicompétents des Etudes, ses amis de Bordeaux, de Paris, deProvence, de partout, délibérations des sociétés savantes, aca-démie des inscriptions et belles lettres, académies d'Aix, deBordeaux, société des bibliophiles de Guyenne, société archéo-logique du Tarn-et-Garonne, Société de l'Histoire de France.La société des sciences et arts d'Agen a dans une récenteséance décidé d'imprimer dans la Revue de l'Agenais et de fairetirer à part à ses frais les splendides pages lues par l'éminentL. Delisle, au comité des travaux historiques surie défunt ainsique l'importante notice biographique consacrée par MM. Tholinet Serret, à celui qui fut la plus grande gloire de leur associa-tion. La société a en outre décidé, à l'unanimité de lui dédierson prochain volume de Mémoires et de placer son portraiten tête, etc.

Pour nous, nous avons écrit à la hâte ces quelques pages bienincomplètes, pour rendre hommage à un si excellent homme qui

ques du Midi étaient, riches en documents sur Gassendi, le confident et le bio-graphe de Peiresc. J'écrivis â M. Tamizey de Larroquc sans le connaître. Cour-rier par courrier je recevais sa réponse; il m'offrait son assistance; il m'invitaità venir consulter sa collection. J'étais confus; il insista. Aux vacances je par-tais pour Gontaud.

Parmi les livres et les manuscritsTamizey était parfaitement heureux. Son onclede Grammont disait qu'il était né avec un gros volume à la main. A 17 ans,il vit â Marmande un exemplaire de Foedera, de Rymer (édition de La llsye;tO volumes in-folio) et demanda la permission d'emporter au moins les deuxpremiers volumes. - «Avez-vous une voilure? - Et la voilà allègrementparti pour faire ses dix kilomètres û pied, un volume sous chaque bras. AIzon, chez Jules Delpit, au milieu des chartes, gravures, incunables, mé-dailles, il prétendait qu'on ne doit guère être plus heureux en paradis. Vailty,Conservateur des manuscrits à la bibliothèque nationale, le voyant travailleravec une ardeur dévorante, lui disait Laissez-nous donc un peu d'inédit,S'il voue plaît. »

Page 40: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

- 33 -

voulait bien nous accorder un peu de son exquise bonté ; lecoeur ulcéré d'une perte si pénible, si prompte, si imprévue, jerevois avec tristesse ceux que j'ai eu la douleur de voir partirdepuis la fête de 188, où il leur avait dit si gaiement au revoir,le marquis de Queux de Saint-Hilaire, ce parisien-Baintongeaisqui avait tant d'esprit; Théophile de Bremond d'Ars, quim'appelait à son lit de mort et dont je n'ai pu serrer la main,l'érudit que l'horreur de la réclame condamnait au silence; Ilip-polyte de Tilly, ce gentilhomme campagnard si dévoué à tout lemonde; André Lételié, qui avait séduit Tamizey par sa modes-tie, comme il avait étonné M. de La Morinerie par son savoirDenys d'Aussy, qui avait renouvelé par ses profondes recherchesl'histoire saintongeaise, tous hommes dont les qualités moralesvalaient les talents et dont le cher défunt se plaisait à répéterles noms avec moi ; et devant tant de tombes, sans compter lesEue de Dampierre, ou les Anatole Lemercier, je me prends àrépéter avec découragement le vers du poète:

De quels deuils le Seigneur veut-il donc nous vêtir?

Louis AUDIAT.

Irv%

La Rochelle, Imprimerie Nouvelle Noé] Tuiler, 29, ru. des Saintes-Ciaire.

Page 41: Ph. Tamizey de Larroque 1828-1898bibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/15ba953ff...-r-"-. TAMIZEY DE LARROQUE 3 Dans les temps de Peirese si ta science eit fleuri, - CO grand

f

PHILIPPE I;\.\1J7j!)F