Le troisième mandat de Pierre Nkurunziza au rythme d’un...

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1 FORUM POUR LE RENFORCEMENT DE LA SOCIETE CIVILE Le troisième mandat de Pierre Nkurunziza au rythme d’un discours de la haine institutionnalisé Rapport du Forum pour le Renforcement de la Société Civile(FORSC) au terme de la première année du troisième mandat de Pierre Nkurunziza Bujumbura, août 2016.

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FORUM POUR LE RENFORCEMENT DE LA SOCIETE CIVILE

Le troisième mandat de Pierre Nkurunziza au

rythme d’un discours de la haine

institutionnalisé

Rapport du Forum pour le Renforcement de la Société

Civile(FORSC) au terme de la première année du troisième

mandat de Pierre Nkurunziza

Bujumbura, août 2016.

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0. Introduction

Le débat au sujet du troisième mandat présidentiel au Burundi s’est intensifié dans la

deuxième moitié du deuxième mandat de Pierre Nkurunziza. En effet, en octobre 2013,

le gouvernement dirigé par le Président Pierre Nkurunziza dont le deuxième mandat

constitutionnel allait se terminer le 26 août 2015, a initié un projet de révision de la

constitution1 ; un projet qui a suscité une vive protestation des acteurs nationaux

notamment la société civile2, les confessions religieuses, les partis de l’opposition et

le service national de renseignement.

L’organisation d’une séance d’audition des différents acteurs par le Parlement

burundais en dates du 19 et 20 décembre 2013 n’a pas fléchi la volonté de Pierre

Nkurunziza et de son parti, le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-La

Force de Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) de vouloir changer la constitution

pour en retirer sa substance vitale, surtout en ce qui concerne la limitation des

mandats.

Il a fallu que le vote organisé en date du 21 mars 2014 échoue à réunir le quorum

requis3 pour changer la constitution pour que cette dernière soit sauvée.

La mobilisation citoyenne dans le cadre du mouvement halte au troisième mandat4, la

défection des grandes figures du parti présidentiel5 ainsi que la condamnation de plus

en plus grandissante par la communauté internationale ont fortement irrité les

dirigeants du pays et ceux du CNDD-FDD au point qu’ils ont développé voire

institutionnalisé un discours de la haine qui s’est graduellement étendu sur plusieurs

catégories d’acteurs sociaux politiques voire les partenaires et voisins du Burundi.

1 Dans sa justification, le gouvernement arguait que c’est dans le strict respect des clauses de la feuille de route pour les élections de 2015, laquelle prévoyait que les propositions de révision de la constitution et d’amendement du code électoral devaient intervenir au plus tard le 31 décembre 2013 2 En date du 4 novembre 2013, les organisations de la société civile ont lancé la Campagne « Ne touchez pas au consensus d’Arusha », composée de 519 organisations.

3 Voir Burundi: le projet de révision de la Constitution retoqué au

Parlement,http://www.rfi.fr/afrique/20140321-burundi-le-projet-revision-constitution-retoque-

assemblee-nationale

4 Le mouvement Halte au troisième mandat a été lancé le 26 janvier 2015, voir http://htmburundi.org/index.php/fr/qui-nous-sommes/ 5 Dans une lettre datée du 20 mars 2015 et signée par certains hauts responsables du pays issus du

parti CNDD- FDD dont Onésime Nduwimana et Léonidas Hatungimana , respectivement porte-

parole du même parti et porte-parole du Président, les signataires écrivent entre autre « Analysant la

situation politique tendue au pays, nous vous supplions Excellence Pierre Nkurunziza, Président de la

République du Burundi, de bien considérer la préoccupation de la majorité des membres du parti

CNDD-FDD et laisser de briguer un troisième mandat présidentiel pour les prochaines élections »

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S’il est vrai que le débat démocratiques se nourrit de positions et arguments

contradictoires, certains exigeant des comptes aux dirigeants que le peuple désigne ;

et que les groupes sociaux autrement qualifiés de « redresseurs des torts » dont la

société civile joue un rôle crucial dans l’alimentation du débat démocratique, le

discours de la haine s’écarte considérablement du débat ou critique constructifs et va

des accusations, à l’incitation à la violence en passant par la diffamation, la calomnie

et les accusations dont l’objectif principal est de présenter « cet autre » comme la cause

de tout malheur voire l’ennemi à abattre.

Dans ce rapport, nous insistons sur les déclarations écrites et verbales prononcées par

certaines hautes autorités du pays en vertu de leur impact, le caractère symbolique et

mobilisateur. Certains discours ont été retranscrits tandis que des extraits des

déclarations écrites sont reproduits pour permettre au lecteur d’attirer l’attention sur

leur teneur.

Une femme manifestant contre Pacifique Nininahazwe à Kabezi le 26 avril 2011 pour sa participation à la

Campagne Justice pour Ernest Manirumva

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1. Des discours de la haine tenus par les hauts responsables du CNDD-FDD

avant et pendant les manifestations d’avril-juin 2015

En date du 17 janvier 2015, le premier vice-président du CNDD-FDD, Mr Victor

Burikukiye présidait une délégation qui s’était rendue à Muyinga et prononça un

discours codé6 qui en référait aux « nostalgiques du pouvoir ». Le message passé était

libéré en Kirundi en ces termes « Icomubuza( Pierre Nkurunziza) ni nkumwe yaca

yica Rwagasore akamwicira n’uruvyaro…ntaho yoba ataniye n’umwe yica uwuhejeje

kwitorerwa n’abanyagihugu muri 93(Ndadaye), ….Ni umwungu wa rwa…..( le public

en chœur)….. RUYUZI. Bababitwaza amasezerano y’i Arusha, nimugende musome

ayomasezerano hamamwerekane ingingo zibimubuza. Abo ndongeye kubivuga ni

umwungu wa rwa…. Ruyuzi … »(Ce qui peut le lui empêcher, c’est une personne

comme celle qui a assassiné Rwagasore ainsi que sa progéniture…. Il ne diffère en rien

avec celui qui a assassiné l’élu du peuple en 1993( Ndadaye), c’est du tel père tel fils,

ce sont les nostalgiques, les fils du bourreau….Ceux qui se cachent derrière Arusha, je

leur lance ce défi, allez le lire et montre-moi la disposition qui le lui empêche. Je le

répète, ce sont les nostalgiques, les fils des bourreaux).

Deux semaines plus tard, à l’occasion de la célébration de la fête de l’unité nationale

édition 2015( le 5 février 2015), Pierre Nkurunziza déclara clairement que les

organisations de la société civile burundaise étaient devenues trop gênantes et

arrogantes car formées d’une seule ethnie7( qu’il n’a pas nommée) et bénéficiant des

fonds des occidentaux qui veulent recoloniser le pays. Une semaine plus tard, soit en

date du 12 février 2015, un document contenant des enseignements diffusés par le

président du parti CNDD-FDD en province de Bubanza,8 Monsieur Juvénal

Havyarimana, était découvert, lequel indexait les organisations de la société civile et

les médias indépendants comme étant les ennemis du parti et de la nation, qu’il fallait

combattre farouchement.

Ledit document mettait sur la sellette notamment les radios Isanganiro, Bonesha,

Télévision Renaissance et RPA. Ce document appelait à la conscience collective des

militants du parti auxquels il rappelait de la façon dont la lutte du CNDD-FDD était

rude et qu’en vertu du contexte prévalant, il s’annonçait difficile de chercher refuge

vers d’autres pays voisins outre la Kanyaru(Rwanda), la Rusizi( RDC) et la

Malagarazi( Tanzanie). Le représentant du CNDD-FDD en province de Bubanza

écrivait « Ibuka abawe baguhoneyeko n’ivyawe vyagushiriyeko woye kwumviriza

no kwifadikanya n’ababiguteye …. Kuntwaro ya Uporona higa aba hutu bake bitewe

n’amacakubiri y’amoko. Vyaranashitse aho batandukanya abahutu n’abatutsi

6 Ce discours sera relayé et largement commenté en vue de compléments par la Radio Rema FM dans l’émission Akabirya. 7 Le discours du 5 Février du Président étonne les activistes de la société civile, http://www.bonesha.bi/Le-discours-du-5-Fevrier-du.html 8Bubanza : Urwandikorwa CNDD FDD rutavugaimigambi y’abanyagihugu, http://www.igihe.bi/bubabanza-urwandiko-rw-umugambwe.html

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mugushira urudome « U » imbere y’izinary’umuhutu na « I » imbere y’izina

ry’umututsi. Umuhutu yaramuka aciye mu rusenga agatora ikibazo ca Leta agatabwa

mu mashuri y’imyuga nahonyene mu bisata vy’ukwubaka canke kubaza kugira ngo

ntazoshikire Kaminuza…. [Souviens-toi de tous ceux que tu as perdus, toutes tes

propriétés perdues et cesse d’écouter ou de pactiser avec les auteurs de tes

malheurs…Sous le régime du parti Uprona, rares étaient les Hutu qui faisaient des

études à cause de la discrimination sur base ethnique. Il est arrivé que les élèves fussent

distingués par la lettre « U » posée devant les noms des Hutu et la lettre « I » posée

devant les Tutsi. Le Hutu qui passait par les mailles du filet était affecté dans la section

menuiserie ou maçonnerie de l’école technique et ce pour l’empêcher de franchir

l’université….]

Lorsque les manifestations contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza ont commencé le 26 avril 2015, les pouvoirs publics, le gouvernement ainsi que le CNDD-FDD ont vite qualifié les manifestations pacifiques d’insurrection9, assimilant ainsi les manifestants aux insurgés et justifiant et incitant les corps de sécurité à une répression à la hauteur de l’ « insurrection ». Dans la déclaration du 28 mai201510, le CNDD justifiait et incitait davantage à la répression contre les manifestants « On observe ces derniers jours des gens qui font des manifestations qui se sont transformées en mouvement insurrectionnel suivi des tueries sans nom comme brûler vif des gens ,les fusiller….. »

Dès le début des manifestations pacifiques, l’usage délibéré du qualificatif « insurrection » conduisait, dans l’esprit des unités de police, à se sentir moralement justifiées et politiquement motivées à combattre les insurgés, qui « ont choisi de porter des armes contre les institutions établies ».

Les déclarations faites par plusieurs hauts responsables du pays n’ont cessé de coller l’étiquette ethnique aux manifestations qui étaient notamment présentées comme organisées et soutenues par les seuls habitants des quartiers dominés par les Tutsi. Il a fallu que les leaders des partis d’opposition comme Agathon Rwasa, Léonce Ngendakumana et Jean Minani se lèvent pour dénoncer cette manipulation et spéculations ethnicistes.

9 Une commission de quatre magistrats à savoir Adolphe Manirakiza, Hyacinthe Niyonzima, Richard Ndayisaba et Thomas Ntukamazina a été mise en place le 29 avril 2015 par le Procureur Général de la République, Valentin Bagorikunda avec pour mission d’enquêter sur le mouvement insurrectionnel déclenché le 26 avril 2015

10 Voir Communiqué N° 019/2015 du Parti CNDD-FDD du 28 mai 2015,http://cndd-

fdd.org/2015/05/28/communique-n-0192015-du-parti-cndd-fdd-du-28-mai-2015/

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Le venin haineux n’a pas épargné les différentes organisations de défense des droits

humains, en tête desquelles, l’Office du Haut-Commissaire des Nations Unies aux

droits de l’homme. En effet, après la visite du Haut-Commissaire des Nations Unies

aux droits de l’homme Zeid Rad Hussein en date du 12 au 15 avril 2015 au cours de

laquelle il a exprimé sa profonde préoccupation face aux actions des Imbonerakure que

son office a depuis lors qualifié de milice, il est vite rentré dans le collimateur du

CNDD-FDD, lequel sortit un communiqué daté du 18 juin 2015 où il est vivement

reproché d’avoir insulté les Imbonerakure en les qualifiant de milice «…. les

accusations délibérées de Zeid Ra’ad Al Hussein et ses acolytes contre les jeunes

Imbonerakure rentrent dans un vaste complot qui, d’emblée apparait comme une

rumeur alors qu’il se fonde sur une stratégie de diabolisation globalisée et globalisante

d’une partie de la population dans un dessein macabre. …..Autre fait bizarre est non

moins important est que Monsieur Zeid Ra’ad Al Hussein est venu mener des

concertations clandestines avec certains membres de l’opposition y compris les soi-

disant associations des défenseurs des droits de l’homme qui lui ont fourni des

rapports fallacieux. Au lieu de prouver son sens d’impartialité et son expertise par des

enquêtes approfondies à la taille de la problématique, cet officiel onusien a fait sien ces

rapports susmentionnés, entachant ainsi sa propre réputation et celle de l’Organisation

qui l’a mandatée ».

La tentative du CNDD-FDD de disculper la jeunesse qui lui est affiliée, les

Imbonerakure, a fréquemment conduit à des dérapages extrêmes et sans

limite aboutissant à des accusations éhontées envers les organisations des

droits humains ainsi que le système onusien dans son ensemble.

2. Le troisième mandat a augmenté le discours de la haine ethnique.

L’accession forcée de Pierre Nkurunziza au troisième mandat a exacerbé le recours au discours de la haine aux fins de convaincre l’opinion nationale que son régime était victime d’un complot régional et international. Ainsi par exemple, dans la déclaration du 3 octobre 2015 sortie par le CNDD-FDD11 à la suite des sanctions de l’Union Européenne contre 4 hauts gradés de l’armée et de la police accusées d’avoir fait recours à la violence ou d’avoir incité au recours à la violence, le communiqué qui fut lu par le porte- parole du CNDD-FDD, Mr Gélase Ndabirabe contient une dose suffisante de manipulation ethnique. A plusieurs endroits du communiqué, le CNDD-FDD posait la question de savoir pourquoi l’Union Européenne avait pris des sanctions contre quatre hauts gradés tous d’ethnie hutu, et que le directeur adjoint, Mr Godefroid Bizimana était sanctionné sans que le

11 Déclaration du CNDD-FDD du 3 octobre 2015,//cndd-fdd.org/2015/10/05/declaration-du-parti-cndd-fdd-du-03-octobre-2015/

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Directeur Général Mr André Ndayambaje ne fût inquiété. Le communiqué arguait par ailleurs que le Général Léonard Ngendakumana avait été approché par l’Union Européenne pour défendre ceux que cette communauté voulaient remettre au pouvoir. Il soutenait que Léonard n’avait pas commis des crimes plus graves que ceux commis par Pacifique Nininahazwe, Cyrille Ndayirukiye, Marguerite Barankitse ou Vital Nshimirimana mais que par malchance il était issu d’un autre camp ethnique.

Dans sa narrative développée le mois d’octobre 2015, le CNDD-FDD attaque

vigoureusement la Belgique à travers ses dirigeants. Louis Michel, fin connaisseur de

la région des Grands Lacs et du Burundi en particulier, Député Européen et père de

l’actuel premier ministre belge Charles Michel est fréquemment visé par les

déclarations du parti présidentiel. Son tort, est d’avoir évoqué dans une session que le

président Nkurunziza était dans l’irrationnel. Ainsi, un communiqué de presse du 24

décembre 2015 à la veille de Noël était largement consacré à Louis Michel et ses alliés12

dont Marguerite Barankitse avec laquelle il avait animé une conférence à l’Université

Louvain La neuve une semaine auparavant. Louis Michel, et partant la Belgique, sont

accusés d’être la source véritable de toutes les crises cycliques que le Burundi a

connues depuis l’indépendance et surtout les injustices, l’exclusion et les atrocités dont

a souffert la communauté Hutu.

De la Belgique à Marguerite Barankitse en passant par le Président Pierre Buyoya,

l’accusation est ferme et constante : « c’est eux qui ont commis le génocide des Hutu

en 1972 poussant les survivants à l’exil, c’est eux qui ont régné par la terreur,

l’exclusion et la discrimination pendant 40 ans, c’est eux qui ont assassiné Ndadaye et

replongé le pays dans la guerre civile …. et maintenant qu’il y a un régime issu de la

rébellion Hutu, c’est eux qui manigancent tout pour retourner ou installer les Tutsi au

pouvoir par le biais d’une alternance ethnique calculée, afin de pouvoir édicter une

législation qui leur permettra de parachever le génocide contre les Hutu ».

Depuis le mois d’octobre 2015, le discours de la haine visant

la Belgique s’est intensifié.

Les propos de l’actuel président du Sénat Mr Révérien Ndikuriyo, à l’occasion d’une

réunion avec les élus locaux de Bujumbura, le 29 octobre 2015 avec un usage élégant

des termes utilisés lors du génocide de 1993 au Burundi et largement utilisé lors du

génocide de 1994 au Rwanda avec le terme « Gukora » qui signifie « Travailler » aux

12COMMUNIQUE N° 045 /2015 DU PARTI CNDD-FDD DU 23 DECEMBRE 2015,http://cndd-

fdd.org/2015/12/24/communique-n-045-2015-du-parti-cndd-fdd-du-23-decembre-2015/

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fins de « pulvériser » les quartiers contestataires et par voie de conséquence « hériter

des parcelles » ont alerté toutes les nations du monde.

A l’occasion d’une session de la Commission de dialogue nationale à Cibitoke,

Methuselah Pasteur Habimana, ancien porte-parole des FNL dirigé par Agathon

Rwasa qui a fait défection pour occuper plusieurs postes la CNTB dont les prestations

ont soulevé bien des critiques prit la parole à Cibitoke en date du 29 janvier 2016

portant des accusations graves aux militaires Tutsi et réfugiés rwandais :

« Vous les membres de la commission, vous voulez nous duper comme les autres ;

vous venez de nous dire des choses qui m’ont confus. ….En réalité la crise a été

provoquée par ces militaires Tutsi qui ont refusé que la démocratie s’installe au

Burundi. ….Et ils sillonnent le monde à tromper les gens qu’il n’y a pas d’ethnie

pendant qu’ils négocient des quotas de représentation dans les institutions. C’est la

honte !

Après la révolution sociale au Rwanda en 1959, des réfugiés Tutsi Rwandais ont été installés dans les communes de Mutakura, Ngagara, et Nyakabiga, ce qui était bien ;….. Et maintenant ce sont leurs petit fils ou arrière-petit-fils qui décident aujourd’hui de chasser des Burundais. …. Nous avons élu Pierre Nkurunziza pour qu’il change les lois qui résultent d’un faux accord signé à Arusha qui crée des injustices. Ce n’est pas possible que 14% mangent ce qui revient à 50%, un ventre équivaut un autre….. Nous voulons et combattrons pour obtenir un vote universel, une tête, une voix. »

Dans une manifestation organisée13 pour s’opposer au déploiement d’une mission

africaine de maintien de la paix, la MAPROBU, les Imbonerakure ont, en pleine

journée et sous escorte policière, scandé des chants par le biais desquels ils

expliquaient qu’il fallait augmenter les bataillons [de ladite milice] car les Tutsi étaient

devenus arrogants plus que jamais.

Progressivement, le discours de la haine est développé, non

seulement par des officiels, mais aussi par les démembrements et

alliés du parti au pouvoir

3. Le Rwanda et la Belgique ainsi que leurs leaders de plus en plus visés

Le discours de la haine visant la Belgique et le Rwanda a pris un tournant décisif

depuis le début de l’an 2016. Le 27 février 2016, des centaines de membres du parti

présidentiel ont inondé les rues de Ngozi en scandant des chants et performant des

danses anti-rwandaises et anti- Kagame. Deux jours auparavant, les hauts

responsables de la police à savoir le commissaire de police principal Alain Guillaume

13 Au cours d’une manifestation contre le déploiement des troupes africaines de maintien de la paix Maprobu le 26 décembre, les Imbonerakure chantaient « Ongereza bataillon Abatutsi basaze »

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Bunyoni et André Ndayambaje avaient strictement interdit aux troupes en mission de

maintien de la paix en République Centrafricaine de ne plus écouter les émissions des

radio Inzamba et Humura tandis que le commissaire de police Ndayambaje expliquait

que l’usage du mot « Kumesa », plutôt redouté dans l’opinion nationale en vertu du

mot d’ordre et menace qu’il contient, n’était qu’un simple jargon largement répandu

et utilisé.

(A droite)Manifestations anti Rwandaises le 13 février 2016 devant l’ambassade du Rwanda et le 21

février 2016 à Ruhwa en commune de Rugombo( à gauche)

Après le lancement des travaux de la CVR le 4 mars 2016 , le 10 mars 2016, le CNDD-

FDD a sorti un communiqué accusant les anciens réfugiés Rwandais d’avoir

activement participé aux cycles de violence que le Burundi a connus, lesquels sont

caractérisés par des massacres ethniques visant les Hutu : « Ici aussi les réfugiés

Rwandais sont parmi les instigateurs de ces massacres sous forme de conseils qu’ils

prodiguaient à leurs frères Burundais en vue de les amener à ne pas subir ce qu’ils ont

vécu chez eux. Certains Rwandais ont été tellement actifs dans les massacres de 1965

au Burundi qu’ils ont été récompensés en se faisant octroyer des maisons du quartier

Asiatique qui appartenaient à l’ethnie massacrée. Par prudence les acquéreurs

Rwandais de ces biens mal acquis ont réfléchi et ont vendu les maisons acquises aux

ressortissants Grecs, Indiens et Arabes. Il va sans dire que tout ce monde ne veut

jamais entendre parler ni de la CVR ni du Dialogue Inter Burundais car pouvant les

éclabousser et les entrainer devant la justice ….. »14.

14COMMUNIQUE N° 005/2016 DU PARTI CNDD-FDD DU 10 MARS 2016,http://cndd-

fdd.org/2016/03/10/communique-n-0052016-du-parti-cndd-fdd-du-10-mars-2016/

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Dans le même communiqué, le parti présidentiel accuse les anciens dirigeants du

Burundi, d’avoir massacré l’électorat du FRODEBU, entendez par là les Hutu et que

partant ils cherchent aujourd’hui à saboter la CVR : « Quand le Parti UPRONA a perdu

les élections, BUYOYA et ses hommes ont sorti tout l’arsenal pour s’attaquer à

l’électorat du FRODEBU en commençant par NDADAYE Melchior et son entourage.

Des centaines de milliers de personnes ont été sauvagement massacrées, d’autres

centaines de milliers ont pris l’exil et plus de cinq cent soixante-dix mille autres ont été

enfermés dans des camps de regroupement dits « camps de concentration de types

Nazi », car toute cette population a péri dans les Camps MOURROIR sous la volonté

de Pierre BUYOYA et ses acolytes.

Et pourtant c’est BUYOYA en 2015 en compagnie de Louis Michel, et Marguerite

BARANKITSE qui criaient haut et fort que le Burundi s’enfonçait dans un génocide

sans nom alors que le génocide se trouve dans leur sang. Comment BUYOYA et ses

hommes pourraient voir de bon œil le fonctionnement de la CVR ?

En concluant le communiqué du 10 mars 2016, le CNDD-FDD vise également les

putschistes du 13 mai 2015 :« Le Parti CNDD-FDD constate avec amertume que les

putschistes du 13 Mai 2015 avec leurs plans d’exterminer l’électorat du Parti CNDD-

FDD en cas de réussite ne diffèrent en rien des autres plans apocalyptiques que le

Burundi a connus depuis l’indépendance. »

Le ministre de l’intérieur, Mr Pascal Barandagiye, lors d’une conférence de presse du 17 mars 2016 déclarait que le Burundi menaçait de porter plainte contre le gouvernement rwandais et son président Paul Kagame car le Burundi détenait des preuves suffisantes de leur implication dans la déstabilisation du Burundi et déclarait que les manifestations anti rwandaises allaient continuer15. En même temps, le même ministre fustigeait dans un communiqué, le comportement des églises qui sont accusées d’avoir dévié de leur mission16.

Dans le communiqué du 26 mars 2016, le CNDD-FDD accuse avec véhémence le Rwanda de vouloir exporter le génocide qu’il a commis chez lui :« Il a été dit à maintes reprises que le laboratoire du génocide est au Rwanda car KAGAME l’ayant expérimenté chez-lui et qu’il voulait l’exporter au Burundi pour jouer au petit impérialiste. Ainsi certains milieux politiciens européens à la tête desquels se trouvent Louis Michel fournissent armes et fonds à Paul KAGAME et celui-ci recrute et forme des jeunes Burundais dans les camps de réfugiés pour les lancer sur leur pays d’origine afin de commettre le génocide chez eux. Ainsi, lorsque les insurgés ont atteint leurs lieux d’opérations dans les quartiers de la Capitale à savoir Nyakabiga, Mutakura, Jabe, Cibitoke, Musaga et Ngagara, ils ont creusé des trous en attente du génocide qu’ils allaient commettre en cas de réussite comme KAGAME l’avait fait faire en instruisant de creuser des trous chez-lui en attendant le moment J, le déclenchement

15 Le Burundi veut que le Rwanda s’explique …,http://www.iwacu-burundi.org/le-burundi-veut-que-le-rwanda-sexplique/ 16 Pas de dialogue avec les putschistes, certaines églises dévient de leur mission selon le ministre de l’intérieur, http://www.bonesha.bi/Pas-de-dialogue-avec-les.html

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du génocide lors de l’attaque de Kigali. C’est dans ce sens que de nombreux trous de plusieurs mètres de profondeur ont été découverts dans presque la totalité des familles pro-INKOTANYI en 1994 au Rwanda. Et ces trous ne pouvaient pas se creuser en un jour ou deux. Cela découlait d’un plan longuement exécuté »17;

Un autre Communiqué sorti le 26 juillet 2016 au lendemain du 27ème Sommet de l’Union

africaine tenu à Kigali du 10 au 18 juillet 2016, accuse largement le Président Rwandais

reproché d’avoir commis des crimes au Burundi : « Même si le Président du Rwanda

qui avait accueilli ce sommet avait cherché à soumettre le Burundi sous l’invasion des

troupes étrangères qui pourraient réussir là où il a échoué et qu’en partant il puisse

s’y appuyer, ça n’a pas empêché que les différents dignitaires qui aiment le Burundi

fassent échouer cette entreprise en mettant en avant la souveraineté du Burundi et ont

indiqué que les questions nationales doivent être résolues par les burundais eux –

mêmes…A part ça, ce criminel Kagame a donné une formation militaire et politique

ainsi que des armes à certains burundais depuis 2005 et continua avec une formation

diplomatique pour ceux qui combattent le Burundi en arguant que le gouvernement

du Burundi et le CNDD-FDD allaient commettre le génocide depuis 2014 comme il l’a

réalisé chez lui en 1994 et veut en porter la responsabilité aux autres. Il avait confiance

qu’il avait bien préparé ce plan à tel enseigne qu’il n’a cessé de dire que le jour où le

génocide des Tutsi va commencer, il entrera pour combattre le Burundi et le CNDD-

FDD sans qu’il ait à demander l’autorisation à quiconque…C’est inacceptable qu’une

personne comme lui nous prodigue des conseils ou donne des enseignements au

moment où il y a d’autres morts dont il est responsables au Burundi, sans oublier celles

de l’université du Burundi en dates du 11- 12 juin 1995". »

Le discours de la haine envers le Rwanda et son leadership par le CNDD-FDD au pouvoir au Burundi est progressivement devenu le négationnisme officiel du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 par le gouvernement du Burundi. Il est également à craindre la dérive xénophobe envers le Rwanda et son peuple.

Progressivement, les attaques et menaces se sont étendues à l’ensemble des étrangers vivant au Burundi. Par exemple, le 16 avril 2016, le Vice- Président Gaston Sindimwo exigeaient aux étrangers d’opérer un choix entre retourner chez eux et demander un visa de touriste18. Il faisait pareille déclaration en relation avec la décision de

17COMMUNIQUE N° 006/2016 DU PARTI CNDD-FDD DU 26 MARS 2016,http://cndd-

fdd.org/2016/03/29/communique-n-0062016-du-parti-cndd-fdd-du-26-mars-2016/

18 Le Burundi met en garde les étrangers qui ont décidé de suspendre leur coopération, http://french.china.org.cn/foreign/txt/2016-04/17/content_38259235.htm

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suspension de l’aide par l’union européenne intervenue en application de l’article 96 de l’accord de Cotonou19.

4. Intensification des accusations contre les ONGs nationales et internationales.

La haine contre les organisations nationales et internationales des droits humains n’est

pas nouvelle. Peu s’en faut. Mais la violence et l’agression contre lesdites organisations

se sont exprimées dans des termes qui ont monté en intensité en fonction des

prestations de ces organisations. Ainsi, les différents rapports sur les droits humains

sortis jusqu’en fin juillet 201620, ont fortement irrité le gouvernement dirigé par

Nkurunziza et le parti dont il est issu.

Ainsi dans son communiqué du 26 juillet 2016, le CNDD-FDD s’attaque aux ONGs des

droits humains : « A commencer par les organisations qui prétendent défendre les

droits humains comme Human Rights Watch, FIDH, la ligue Iteka, Amnesty

International et autres,….jusqu’à leur chef, ZeidRa’ad Al Hussein, il est clair que l’

objectif qu’ils ont essayé depuis 2014 est de s’associer à ceux qui ont cherché à

renverser les institutions démocratiquement élues… »

Ces organisations, continue le communique : « Qui prétendent défendre les droits humains, ce pays voisin, le Rwanda et Louis Michel ainsi que son fils Charles Michel, Bernard Maingain ainsi que d’autres en association avec Pierre Buyoya, Marguerite Barankitse, Pacifique Nininahazwe, Vital Nshimirimana, Pierre Claver Mbonimpa et Armel Niyongere et d’autres sillonnent le monde pour manipuler les burundais prétendant que le génocide est imminent, tôt ou tard la vérité les rattrapera. »

Le parti CNDD-FDD termine en demandant avec force que le gouvernement prenne des mesures importantes contre ces associations qui ne font rien d’autres que ternir l’image du parti et du gouvernement qui en est issu. Il était connu que des

19Burundi: l'UE clôture les consultations au titre de l'article 96 de l'accord de

Cotonou,http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/03/14-burundi-eu-closes-

consultations-cotonou-agreement/

20 Dans son rapport du 14 avril 2016 par exemple, FIDH et la ligue Iteka dénoncent les graves

violations des droits humains perpétrées au Burundi, en particulier par les forces de défense et de

sécurité, sur fond d’idéologie ethnique et génocidaire, voir Répression aux dynamiques génocidaires,

la réponse de l’ONU doit être à la hauteur,

https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/burundi/repression-aux-dynamiques-genocidaires-la-

reponse-de-l-onu-doit-etre . Dans son rapport du 27 juillet 2016, HumanRights Watch dénonce les

attaques visant des proches d’opposants présumés ont été perpétrées par des membres de la ligue des

jeunes et par des policiers ; voir https://www.hrw.org/fr/news/2016/07/27/burundi-des-viols-

collectifs-commis-par-des-jeunes-du-parti-au-pouvoir

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organisations comme celles-là ne pouvaient pas comploter jusqu’à s’associer avec les planificateurs du génocide

Le CNDD-FDD suggère que ces organisations devraient être radiées sur le plan

universel parce qu’elles sont les instruments des dictateurs au monde qui ne veulent

pas que d’autres pays surtout ceux de l’Afrique se relèvent sur le plan économique et

démocratique.

Manifestations anti rwandaise et anti Francaise le 30 juillet 2016 à Bujumbura

5. L’église catholique fréquemment visée.

Depuis plusieurs années déjà, la population burundaise suit avec intérêt le message contenu dans la lettre pastorale, rédigée par la Conférence des évêques du Burundi et lue dans toutes les paroisses et succursales du Burundi, et souvent retransmise et commentée par les médias en raison de sa richesse, le réconfort moral et l’éducation civique qu’elle contient. Il n’est pas rare que l’église catholique du Burundi, à travers la lettre pastorale, prodigue des conseils aux fidèles en rapport avec la situation sociale et politique. Ainsi par exemple, dans le communiqué de clôture de l’assemblée plénière de la conférence des évêques du Burundi pour le mois de mars 2016 tenue à Gitega21 les évêques catholiques du Burundi invitaient les politiciens burundais à se réconcilier entre eux tout en invitant tout chrétien à réfléchir sur un nombre de questions notamment sur ce qui est devenu le mode d’accès et de succession au pouvoir et si les burundais avaient choisis de revenir au système de parti unique ayant sur eux le droit de vie et de mort. La conférence des évêques ne voyait qu’une seule voie pour résoudre l’ensemble de questions qui prévalent : le dialogue inclusif mettant à contribution un grand éventail de parties prenantes au conflit burundais. La réaction à ce message de l’église catholique du Burundi fut surprenante à plus d’un titre en ce sens que, le parti au pouvoir et les organisations de la société civile lui affiliées ont saisi cette occasion pour calomnier les évêques du Burundi. Ainsi, dans un communiqué du 21 mars 2016, deux organisations le CAPES+ et le PISC Burundi accusaient ouvertement et sans ambages l’église catholique, d’avoir fréquemment trempé dans les crises que le Burundi a connues depuis l’indépendance

21 La lettre pastorale était diffusée le 7 mars 2016

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22 . Le CNDD-FDD n’a pas tardé à leur emboiter le pays, en prétendant leur emprunter la position concernant l’histoire du passé. L’extrait du communiqué du CNDD-FDD du 26 mars 201623 est on ne peut plus clair sur l’accusation sans précédent, portée contre l’église catholique du Burundi « Certaines organisations non-gouvernementales et Partis politiques de l’opposition démocratique s’insurgent contre les déclarations des responsables de l’Eglise Catholique du Burundi qui visent la déstabilisation des institutions démocratiquement élues. Comme l’indique Hamza BURIKUKIYE Président de CAPES+, l’Eglise Catholique a trempé dans presque toutes les crises qui ont endeuillé le Pays depuis l’arrivée des premiers missionnaires, qui par ailleurs sont les précurseurs des colonisateurs européens. Burikukiye trace dans sa déclaration l’alliance politico-religieuse assez riche qui a caractérisé la période d’avant l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE et il souligne que l’Eglise a servi de près ou de loin dans les coups d’Etat que le Burundi a connu jusqu’à nos jours. A titre d’exemple, indique le Président du CAPES+, « en 1972, l’Abbe Michel KAYOYA a été assassiné sous la bénédiction de certains responsables de l’Eglise Catholique et personne n’a rien dit ». Le Parti CNDD-FDD ne nie pas l’analyse de ce responsable de CAPES + du fait que certains membres de l’Eglise Catholique ont contribué dans l’histoire malheureuse du Burundi. En effet, poursuit le parti CNDD-FDD dans son communiqué, « le comportement de l’Eglise Catholique depuis 2010 et spécialement depuis le 26 Avril 2015 par des gestes habituels d’un certain nombre de prélats de cette confession religieuse a déçu les démocrates Burundais en particulier et tout le Peuple Burundais en général. Mais plus particulièrement encore il a été vu un activisme inconsidéré de certains responsables de cette confession religieuse se traduisant par la volonté de mettre fin aux élections en sabotant la CENI et en voulant bloquer le fonctionnement de la CVR. Et tout cela s’accompagnait de communiqués incendiaires pendant leurs homélies jusqu’à faire penser que l’Eglise Catholique n’avait plus de rôle spirituel mais uniquement politique. La volonté de diviser les chrétiens a été exprimée tantôt ouvertement tantôt à demi-mots par certains responsables de l’Eglise Catholique ainsi que le souci d’opposer les chrétiens aux différents membres des partis politiques ont poussé plus d’un à se poser des questions de la véritable mission des Chefs du clergé Burundais ».

Il est clair que le régime en place se sent gêné par l’encadrement spirituel, moral et civique des fidèles de l’église catholique du Burundi, lequel empêche les citoyens burundais, dans leurs diversités, de ne pas céder aux enseignements de la haine et les invite à la réconciliation.

22Extrait et commentaires par le journal Igihe.com, voir Ekereziya Gaturika yagirijwe ubwicanyi bubera mu Burundi , http://igihe.bi/mv/?page=mv2_article&id_article=15809# 23 Communiqué n° 006/2016 du parti CNDD-FDD du 26 mars 2016, http://cndd-fdd.org/2016/03/29/communique-n-0062016-du-parti-cndd-fdd-du-26-mars-2016/

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6. Violation des lois nationales et conventions internationales

Le Burundi a souscrit au Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté

le 12 décembre 1966 et ratifié par le Burundi le 14 mars 1990. Ledit pacte est

contraignant vis-à-vis des Etats qui l’ont ratifié. Par ailleurs, ce pacte fait partie

intégrante de la constitution de la République du Burundi24. L’article 20 .2 du pacte

dispose que Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une

incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi.

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination

raciale, adoptée le 21/12/1977 et ratifié par le Burundi le 12/09/1977 abonde dans le

même sens. L’article 4.a de cette convention oblige l’Etat partie à déclarer délits

punissables par la loi toute diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine

raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence, ou

provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d'une

autre couleur ou d'une autre origine ethnique, de même que toute assistance apportée

à des activités racistes, y compris leur financement.

Le Burundi est également partie à La Convention pour la Prévention et la répression

du crime de Génocide, adoptée le 09/12/1948 qu’il a ratifiée le 22/07/1996. Cette

convention réprime l'incitation directe et publique à commettre le génocide (article

3.c).

Le cadre légal burundais prévoit des dispositions qui prohibent la haine ethnique ou

raciale ainsi que l’incitation à la violence. L’article 78 de la Constitution du 18 mars

2005 dispose que « les partis politiques, dans leur organisation et leur fonctionnement,

doivent répondre aux principes démocratiques. Ils doivent être ouverts à tous les

Burundais et leur caractère national doit également être reflété au niveau de leur

direction. Ils ne peuvent prôner la violence, l’exclusion et la haine sous toutes leurs

formes, notamment celles basées sur l’appartenance ethnique, régionale, religieuse ou

de genre » tandis que l’article 80 de la même constitution dispose que « la loi garantit

la non-ingérence des pouvoirs publics dans le fonctionnement interne des partis

politiques, sauf pour ce qui est des restrictions nécessaires à la prévention de la haine

ethnique, politique, régionale, religieuse ou de genre et au maintien de l’ordre public ».

La loi n°1/010 du 10/9/2011 régissant les partis politiques oblige tout parti de mettre

en avant, notamment la proscription de l’intolérance, l’ethnicisme, le régionalisme, la

xénophobie et du recours à la violence sous toutes ses formes (Art 22). L’article 30 de

ladite loi dispose que les partis politiques s’engagent par écrit à lutter contre toute

idéologie politique et tout acte visant à encourager la violence, la haine ou la

discrimination basée, entre autre, sur l’appartenance ethnique, la région , le genre et la

religion.

24L’article 19 de la Constitution du Burundi

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Au demeurant, l’article 253 du code pénal burundais dispose que « quiconque a manifesté de l’aversion ou de la haine raciale ou ethnique ou aurait incité ou encouragé, ou commis un acte de nature à provoquer cette aversion ou cette haine, est puni d’une servitude pénale de six mois à deux ans et d’une amende de dix mille francs à cent mille francs ou d’une de ces peines seulement ».

7. Acteurs

Depuis le lendemain du boycott des élections de 2010 par les partis d’opposition, le Président Pierre Nkurunziza inaugura le chantier de déshumanisation des opposants, qui sont collectivement présentés comme « Mujeri » qui veut dire des chiens errants, une appellation qui est rentrée dans le jargon quasi quotidien des militants du CNDD-FDD. Lors de sa nomination comme candidat du CNDD-FDD le 25 avril 2015, il ne s’est pas empêché de déclaré que tous ceux qui s’opposent à sa volonté de briguer le troisième mandat sont faciles à contenir, facile à la lumière du « thé à boire »25, tandis qu’il annonçait que ceux qui s’obstineront à s’opposer à son projet disparaitront comme « Ifu y’imijira »(une trainée de poudre). A travers des messages codés et des représentations, il a pris le lead dans la diffusion d’un discours de la haine, incitant ainsi proches et collaborateurs à lui emboiter le pas. Autant dire que sans son accord, personne d’autre ne se serait aventuré à utiliser le discours de la haine dont nul n’ignore les conséquences dans un pays qui a déjà connu plusieurs cycles de violence politique et ethnique. Le Président de l’assemblée nationale en même temps Président du CNDD-FDD signe, sur une fréquence mensuelle voire hebdomadaire, des déclarations écrites, publiées sur le site officiel du CNDD-FDD et relayées par les médias en tête desquelles la RTNB sans oublier les réseaux sociaux. Depuis 2014, une polémique larvée a été alimentée autour de l’entrainement des Imbonerakure en République Démocratique du Congo. Les révélations du Président de l’APRODH, Mr Pierre Claver Mbonimpa au sujet desdits entrainements lui ont valu une arrestation que d’aucuns ont qualifié d’arbitraire26 et un séjour de plus d’une centaine de jours en prison malgré son état de santé fragile. Les jeunes du CNDD-FDD réunis au sein de la ligue des Jeunes Imbonerakure se sont distingués dans la divulgation des messages d’intimidation et de haine à l’endroit des opposants au troisième mandat. C’est ainsi qu’au nord du pays, en province Kirundo, ils ont fréquemment identifiés les membres de l’opposition comme Ibipinga, une dénomination qui s’est progressivement propagé sur l’ensemble du pays, avec comme menace que les Ibipinga ou d’autres personnes opposées au troisième mandat seront « lessivées »( Kumesa). Depuis le début de l’année 2015, les Imbonerakure ont

26Burundi : Détention arbitraire de M. Pierre Claver

Mbonimpa,https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/burundi/15364-burundi-detention-arbitraire-

de-m-pierre-claver-mbonimpa

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fréquemment menacé les opposants en scandant des chants contenant le mot d’ordre de « Kumesa ». Les membres de la ligue des Jeunes Imbonerakure bénéficient d’un soutien politique, légal et financier des hautes autorités du pays. En effet, ils sont fréquemment félicités et encouragés par les dirigeants du pays en tête desquels le Président Pierre Nkurunziza ou le Président du parti, qui voient en cette jeunesse, l’avenir dynamique du pays, ceux à qui le Burundi doit sa grandeur, les défenseurs invétérés de la fierté nationale et de la souveraineté du Burundi.

La légitimation des actions des Imbonerakure par les pouvoirs publics justifie qu’ils sont souvent sollicités pour faire la démonstration de force au-delà de leurs lieux d’origine. Ainsi par exemple, le 16 avril 2016, des centaines de jeunes membres de la Ligue Imbonerakure amenés de Rumonge se sont rendus à Nyagasasa en commune de Mugamba où ils ont proféré des menaces graves aux habitants de la localité à travers des chants contenant ces messages, « Tubatere inda bavyare Imbonerakure »( nous allons vous engrosser et vous donnerez naissance aux Imbonerakure), « tuzokwiruka mpaka tubacakiye;tuzokwirukampaka ibirenge bishuhe tuzobafata amaso yabakanutse »( nous courrons derrière vous, nous courrons jusqu’à ce que vos pieds s’enflent, nous vous attraperons hébétés, terrorisés).

L’institutionnalisation du discours de la haine se manifeste par le rôle joué par les hauts responsables du parti qui occupent également des postes politiques sur le plan national ou provincial. Des représentants des associations soutenues par le régime ainsi que les partis politiques alliés au CNDD-FDD excellent ces derniers jours dans la divulgation d’un discours de la haine et l’incitation à la violence. Il découle de l’implication ce ces responsables que des discours qu’ils prononcent ont un retentissement national et une force mobilisatrice suffisante et soutenue si bien que certains discours incitent à la violence qui peut se concrétiser à tout moment, pourvu que les mêmes autorités en donnent le mot d’ordre. Pire encore, les auteurs de ces discours de la haine bénéficient d’une impunité institutionnalisée.

Le discours de la haine est entièrement parrainé par le Président Pierre Nkurunziza et le Président de l’Assemblée Nationale, Hon. Pascal Nyabenda.

8. Outils utilisés.

Les médias audiovisuels sont le canal préféré de diffusion du discours de la haine. La radio-télévision nationale du Burundi(RTNB) offre régulièrement l’occasion des mobilisateurs et propagateurs de l’idéologie du parti, de se disputer la vedette en

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menaçant, accusant et surtout propageant des messages dont les personnes désignées sont simplement qualifiées de cause de tous les cycles de violence que le Burundi a connu, leur attribuant par endroit les crimes de masse commis, les présentant comme s’apprêtant à rééditer leurs crimes, les mettant ainsi dans le collimateur des membres zélés du parti au pouvoir. La RTNB relai tous les messages, discours et déclarations des ténors du CNDD-FDD. D’autres médias dont la Rema FM se sont toujours distingués dans la diffusion du discours de la haine. Les réseaux sociaux dont les comptes Facebook, twitter et WhatsApp sont généralement utilisés pour disséminer le discours de la haine. Il reste que le site web du parti CNDD-FDD est le premier site officiel par lequel les dirigeants du pays s’expriment par la voix de son parti, Pascal Nyabenda, également Président de l’assemblée nationale.

(A droite)Tweet du représentant de la Ligue des droits de l’homme Izere, Mr François Ndaruzaniye en

réaction à la Résolution 2303 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 26 juillet 2016. (A gauche) Une publication Facebook du Président de l’ONELOP, Mr Gilbert Bécaud Njangwa le 26 juillet 2016.

La radio-télévision nationale du Burundi dont le personnel est payé aux frais du contribuable est devenu le canal principal de diffusion du discours de la haine tenu par les autorités et leurs alliés

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9.Conséquences du discours de la haine Les groupes ciblés par le discours de la haine entretenu par les hauts responsables politiques du pays a déjà entrainé des conséquences graves sur la vie du pays. Certains membres des corps de défense et de sécurité ont profité du coup d’état manqué du 13 mai 2015 pour détruire les principales radios télévisions indépendantes. Evidemment, quelques mois auparavant, ces médias indépendants dont la radio RPA, la radio Bonesha FM, la télé renaissance, et la radio Isanganiro étaient présentées par les ténors du CNDD-FDD comme les pires ennemis du pays. Pareille répression a visé la société civile, sur le plan organisationnel et individuel. Ainsi, présentés généralement comme insurgés et putschistes, le régime en place les condamnait de facto, à tout genre de traitement voire la mort. Il en est résulté la tentative d’assassinat de Pierre Claver Mbonimpa le 3 août 2015, l’assassinat de son gendre et son fils les mois suivants, la persécution de la quasi-totalité des membres des familles des défenseurs des droits humains mais aussi la fermeture des principales organisations de la société civile depuis le 23 novembre 2015. On est fondé à croire que les agents d’exécution de ces plans d’assassinat et de persécution se sentent moralement soutenus, et sont convaincus de la nécessité de leurs actes en vertu du discours de la haine et des enseignements de haine qu’ils subissent. Il n’y a pas que les journalistes et les membres de la société civile qui subissent les conséquences du discours de la haine, peu s’en faut. En effet, certaines confessions religieuses et principalement l’église catholique se retrouve dans le collimateur des agents zélés du système, qui n’hésiteraient pas de priver la vie à certains membres du clergé déjà ciblés. A certaines reprises, certains prélats et prêtres ont échappé aux plans d’assassinat et certains ont été contraints à l’exile. Il en est de même pour les pasteurs des églises protestantes et évangélistes dont le manque de soumission, collaboration ou manipulation a valu une persécution de plus en plus ciblée. Le discours de la haine visant le Rwanda et son président a déjà abouti à des assassinats de nationaux rwandais, tandis que la majorité de ressortissants rwandais résidant sur le territoire national sont généralement présentés et perçus comme espions, traitres et complices ou responsables des crises que le Burundi a connues. Il découle de cette situation que cette catégorie d’étrangers peut faire objet de massacre sélectif lorsque le régime le voudra. La Belgique et ses ressortissants sont également, individuellement et collectivement pris pour cibles. Leur attribuer la paternité des divisions ethniques qui ont dominé le passé douloureux du pays, n’a d’autre visées que de les présenter comme ennemis éternels du pays dont le sort n’est autre que d’être combattus.

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Les locaux abritant la RPA (A droite)et ta Télé Renaissance(A gauche) incendiés le 14 mai 2015.

Il sied de souligner que le discours de la haine, disséminé par les organes dirigeants et par les médias, ont joué un rôle déterminant dans la commission du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. 9.Conclusion Au cours de la période concernée par la crise qui a éclaté dès la nomination de Pierre Nkurunziza pour briguer le troisième mandat, le discours de la haine a été fréquemment et systématiquement utilisé par les hauts responsables du pays pour galvaniser le soutien à Pierre Nkurunziza. En principe, le discours de la haine est répréhensible par le droit national ainsi que les conventions internationales auxquelles le Burundi a souscrit. Cependant, en vertu de leurs positions politiques et surtout du moment que ledit discours est tenu par le parti au pouvoir aux allures de parti –Etat, les auteurs du discours de la haine se sentent assurés d’une impunité quasi permanente. Les conséquences du discours de la haine sont nombreuses et variées. Dans le récent passé, les médias par exemple ont été détruits, les organisations de la société civile suspendues, tandis que les personnes visées comme opposées au troisième mandat sont persécutées, tuées et des centaines de milliers contraints à l’exile. En raison de la persistance de la crise, il n’est pas exclu que le discours de la haine aboutisse au génocide de masse. 10.Recommendations

Au Peuple burundais : de ne pas céder au discours de la haine et enseignements divisionnistes et xénophobes

Aux groupes sociales et politiques : de s’abstenir de tenir des discours de la haine et de dénoncer leurs auteurs

A la CPI : de tenir compte du contenu des messages diffusés par le parti CNDD-FDD, des dirigeants du pays et leurs alliés lors de l’examen préliminaire sur la situation au Burundi