Rashed_Alexandre d'Aphrodise_Commentaire Perdu a La Physique d'Aristote (CAGB-1)
Paraphrase de La Physique d'Aristote Livre 3 Chap 5 Et 6
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LIVRE III
DÉFINITION DU MOUVEMENT. - DE L'INFINI.
Paraphrase de la physique d'Aristote livre 3 chap V
Il y a cinq arguments principaux à l'aide desquels on peut
démontrer l'existence de l'infini. C'est d'abord le temps, qui
est infini, et qui ne peut avoir de fin, de même qu'il n'a
point eu de commencement. En second lieu, c'est la
divisibilité des grandeurs qui est sans fin ; et les
mathématiques font souvent usage de la notion de l'infini.
En troisième lieu, la génération et la destruction
perpétuelles des êtres, et leur renouvellement indéfectible
prouvent bien qu'il y a un infini d'où sort sans cesse tout ce
qui se produit ; car, sans lui, cette succession éternelle
viendrait à défaillir. Quatrièmement, tout ce qui est fini est
toujours fini relativement. quelque chose qui le limite ; et,
nécessairement, il n'y aurait ni limite ni fin, s'il fallait que
toujours une chose en limitât une autre ; c'est donc à
quelque chose d'infini qu'aboutissent les choses, et c'est
l'infini qui est leur limite commune. Enfin, le cinquième et
dernier argument est le plus puissant de tous, et c'est celui
qui a le plus occupé les philosophes : c'est que notre
pensée conçoit l'infini, soit pour les nombres, soit pour les
grandeurs, soit pour l'espace en dehors des sphères
célestes, et que quelque grand que soit un nombre, une
grandeur, un espace quelconque, la pensée peut toujours
concevoir quelque chose de plus grand. L'espace qui est en
dehors du ciel que nous voyons étant infini, il faut bien qu'il
y ait un corps infini et des mondes sans fin ; car, pourquoi le
vide serait-il dans une partie de l'univers, puisqu'il n'est pas
dans celle où nous sommes ? Pourquoi le plein ne serait-il
point partout, du moment qu'il est quelque part ? Et même
en admettant le vide, il n'en faudrait pas moins que cet
espace vide fût infini ; et l'on reviendrait ainsi à admettre
l'existence d'un corps infini ; car dans les choses éternelles,
du moment qu'une chose peut être, elle est ; et la
puissance s'y confond avec l'acte, l'acte s'y confond avec la
puissance.
J'avoue que, malgré ce que je viens de dire, la théorie de
l'infini est toujours fort difficile, et que l'on tombe dans une
foule d'impossibilités, soit qu'on en admette, soit qu'on en
rejette l'existence. D'autre part, l'existence de l'infini étant
admise et démontrée, de nouvelles questions se
présentent. Comment existe-t-il ? Est-ce comme
substance ? Ou bien n'est-il qu'un accident de quelque
autre substance existant elle-même dans la nature ? Ou
bien encore n'existe-t-il ni à l'état de substance, ni à l'état
d'attribut ? Mais, sans se perdre dans ces recherches
épineuses, on peut affirmer que l'infini existe, ne serait-ce
que par cette seule considération que le nombre des choses
est infini. Et parmi toutes ces questions, celle qui intéresse
plus particulièrement le Physicien, c'est de savoir si parmi
les choses sensibles, dont l'étude constitue la science de la
Physique, il est une grandeur qui soit infinie.
LIVRE III
DÉFINITION DU MOUVEMENT. - DE L'INFINI.
Paraphrase de la physique d'Aristote livre 3 chap VI.
Pour approfondir cette question spéciale, il faut d'abord
avoir le soin de bien distinguer les diverses acceptions du
mot Infini. Premièrement, on entend par Infini ce qui, par sa
nature, ne peut être parcouru ni mesuré ; de même que,
par sa nature, la voix est invisible, par ce seul motif qu'elle
est faite pour être entendue et non pas vue. En un second
sens moins précis que celui-là, on dit d'une chose qu'elle
est infinie par cela seul qu'elle n'a point, an moment où on
la considère, le terme qu'elle a ordinairement. Bien que par
sa nature elle ait un terme nécessaire, on dit qu'elle est
sans terme ou à peu près sans terme ; et à cet égard on
l'appelle infinie, parce que sa fin ne nous est pas
immédiatement accessible. Enfin, une chose peut être
considérée comme infinie, soit parce qu'elle peut s'accroître
sans terme, soit parce qu'elle peut être supposée divisée à
l'infini, soit même parce qu'elle peut être considérée sous
ces deux rapports à la fois.
Ceci posé, nous disons qu'il est impossible que l'infini soit
séparé des choses sensibles, ainsi qu'on l'a quelquefois
prétendu, et que ce quelque chose ainsi isolé de tout soit
lui-même infini ; car si l'on soutient que l'infini n'est ni un
nombre, ni une grandeur, et qu'il est essentiellement une
substance, et non point un accident, il s'en suit que l'infini
est indivisible, attendu que le divisible est toujours
nécessairement ou une grandeur, on un nombre. Mais s'il
est indivisible, il n'est plus infini, si ce n'est indirectement,
de même qu'on dit de la voix qu'elle est invisible.
Essentiellement la voix n'est pas invisible ; elle est, si l'on
peut dire ainsi, inentendable. Mais ce n'est pas sous ce
rapport indirect que l'on considère l'infini quand on en
admet l'existence, et ce n'est pas ainsi que nous l'étudions
nous-mêmes, puisque pour nous la nature essentielle de
l'infini, c'est de ne pouvoir être parcouru et épuisé ; il est
divisible, et ses divisions ne peuvent avoir de terme.
D'autre part, si l'infini existe comme simple accident des
choses, et non plus comme substance, il n'est pas alors,
comme on le disait, l'élément et le principe des choses, pas
plus que l'invisible, qui est un accident de la voix, n'est
l'élément et le principe du langage, bien que la voix soit
invisible. En outre, comment comprendre que l'infini puisse
être lui-même séparé des choses quand le nombre et la
grandeur, dont l'infini est un attribut, ne sont pas eux-
mêmes séparés ? Certes, si le sujet n'est pas séparé,
l'attribut l'est bien moins encore ; et ce prétendu infini l'est
nécessairement bien moins que la grandeur et le nombre.
Mais si l'infini, ainsi compris, ne peut être ni substance, ni
principe, il est évident qu'il ne peut pas davantage être
actuellement, être en acte, dans les choses sensibles ; car,
s'il était en acte, il serait divisible ; et, alors, toute partie
qu'on en séparerait devrait être infinie comme lui. Mais, du
moment qu'on fait de l'infini, une substance et non plus un
simple attribut, il n'est plus possible de distinguer l'infini et
l'essence de l'infini. L'infini étant simple en tant que
substance, il se confond avec son essence, et il n'y a pas là
de division possible. Par conséquent, ou l'infini est
indivisible, ou selon cette théorie il est divisible en d'autres
infinis ; mais c'est là une impossibilité, et l'infini est
nécessairement un. Une partie de l'air est bien encore de
l'air ; mais il ne se peut pas de la même façon qu'il y ait un
infini d'infini, et qu'une partie de l'infini soit l'infini. C'est
cependant à cette conclusion qu'on est amené si l'on
suppose que l'infini est une substance et un principe. Dira-t-
on, au contraire, que l'infini est indivisible, et non plus
divisible ? Alors, il est impossible qu'un être réel, un être
actuel, soit infini, parce qu'il faut toujours qu'un tel être soit
une quantité déterminée, c'est-à-dire une quantité qui est
précisément le contraire de l'infini. Que si l'on cesse de
soutenir que l'infini soit une substance, et si on le réduit à
être un simple attribut, dès lors il cesse d'être un principe ;
et par suite, le véritable infini, c'est ce dont l'infini est
l'attribut, et non plus l'infini lui-même ; c'est l'air, par
exemple, si l'on prend l'air comme infini ; c'est le nombre
pair indéfiniment divisible, si c'est le nombre que l'on
considère. En un mot, c'est se tromper étrangement sur
l'infini, que d'en faire avec les Pythagoriciens, une
substance, et de le regarder en même temps comme formé
de parties diverses.