pancréatites aigues _externe_
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UNIVERSITE D’ALGERFACULTE DE MEDECINE
DEPARTEMENT MOHAMED MAHERZI
PANCREATITES AIGUES
Module de Gastroentérologie (4éme année de médecine)
Docteur Noureddine Ait Benamar
Service de chirurgie Générale
Clinique Djillali Rahmouni
Dr N. Ait Benamar : Pancréatites aigues
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SOMMAIRE
I. INTRODUCTION
II. PHYSIOPATHOLOGIE
II.1. Activation prématurée du trypsinogène en trypsine
II.2. Phénomènes vasculaires
II.3. Stimulation des cellules inflammatoires
II.4. Phase systémique
III. ANATOMOPATHOLOGIE
III.1. Pancréatite aigue œdémateuse
III.2. Pancréatite aigue nécrotico-hémorragique
IV. DIAGNOSTIC POSITIF
VI.1. Clinique
VI.2. Biologie
VI.3. Morphologie
V. DIAGNOSTIC EVOLUTIF
V.1. Complications systémiques
V.2. Complications locales
V.3. Complications tardives
VI. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
VI.1. Lithiase biliaire
VI.2. Pancréatite aiguë alcoolique
VI.3. Pancréatites aigues métaboliques
VI.4. Causes infectieuses
VI.5. Pancréatites aigue par Obstruction canalaire
VI.6. Pancréatites aiguës iatrogènes Postopératoires, Post CPRE
VI.7. Pancréatites aigues Médicamenteuses
VI.8. Pancréatites aiguës associées aux maladies inflammatoires
ou dysimmunitaires
Dr N. Ait Benamar : Pancréatites aigues
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VI.9. Pancréatites aiguës traumatiques
VI.10. Pancréatites aiguës dites « idiopathiques » (10 à 15 %)
VII. PRONOSTIC
VI.1. Indices de gravité unifactoriels
VI.2. Indices de gravité multifactoriels
VIII. TRAITEMENT
X.1. Objectifs
X.2. moyens
X.3. Indications
IX. CONCLUSION
Dr N. Ait Benamar : Pancréatites aigues
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OBJECTIFS
1- L’étudiant doit faire appel aux connaissances fondamentales axées sur
l’anatomie et la physiologie de la glande pancréatique.
2- La connaissance de la physiopathologie de la pancréatite aigue est
fondamentale pour comprendre ses manifestations cliniques et
l’apparition du syndrome de réponse inflammatoire systémique.
3- L’étudiant doit évoquer la pancréatite aigue devant un abdomen aigue en
se basant sur des arguments biologiques et tomodensitométriques.
4- Ne retenir le diagnostic de pancréatite aigue qu’après avoir éliminer une
urgence chirurgicale.
5- Le diagnostic de la pancréatite étant retenu, l’étudiant doit apprécier sa
gravité sur le plan général et local, puis établir des scores pronostiques.
6- Rechercher les signes qui orientent vers l’étiologie biliaire de la
pancréatite aigue.
7- Adapter une thérapeutique en tenant compte de la gravité de la
pancréatite aigue, de la comorbidité du malade et de l’environnement et
surtout de la disponibilité des moyens thérapeutiques non opératoires.
Dr N. Ait Benamar : Pancréatites aigues
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Points essentiels
1. La pancréatite aiguë est une inflammation aiguë de la glande pancréatique
secondaire à l’autodigestion par les enzymes pancréatiques activées dans
les acini du pancréas.
2. Le diagnostic repose sur le dosage de la lipasémie.
3. Le scanner est essentiel au diagnostic positif en cas de doute et à
l’évaluation de la gravité de la pancréatite aigue.
4. Sa gravité est variée, en fonction de l’existence et de l’extension de la
nécrose. Elle s’évalue sur des marqueurs biologiques, des scores clinico-
biologiques et scannographiques.
5. Les principales causes sont la migration d’un calcul biliaire dans le
cholédoque, l’alcoolisme important et prolongé.
6. Les complications sont les défaillances viscérales et l’infection de la
nécrose.
7. Le traitement repose sur la prise en charge des éventuelles
défaillances viscérales et sur le drainage d’un foyer de nécrose infecté
associé à une antibiothérapie.
8. La recherche et le traitement de la cause sont essentiels.
Dr N. Ait Benamar : Pancréatites aigues
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I. INTRODUCTION
La pancréatite aigue est une autodigestion de la glande pancréatique par activation
prématurée intra-acinaire des enzymes pancréatique survenant sur un pancréas normal
ou pathologique voir même un pancréas malformé (pancréas annulaire/pancréas
divisum). C’est une urgence médicochirurgicale, doit être toujours évoquée devant un
abdomen aigue. La pancréatite aigue est fréquente, occupe la 5éme place des urgences
abdominales. Elle est sous tendu par la pathologie biliaire et l’alcoolisme chronique.
La pancréatite aigue est caractérisée par la forme œdémateuse d’évolution bénigne et
la forme nécrosante de pronostic grave, beaucoup moins fréquente que la première,
mais accompagnée d’une mortalité importante. C’est un processus inflammatoire du
pancréas avec éventuelle atteinte des organes de voisinage. Les lésions élémentaires
varient de l’œdème interstitiel à la nécrose et l’hémorragie.
Elle est de diagnostic difficile en raison de son polymorphisme clinique et de
l’absence de parallélisme anatomoclinique. Le diagnostic repose sur un faisceau
d’arguments cliniques, biologiques et morphologiques.
Le pronostic de la pancréatite aigue est étroitement lié à la forme
anatomopathologique de la pancréatite, à l’étendu de la nécrose, à l’installation du
syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS), aussi à l’âge du patient et à
l’existence de comorbidité.
La prise en charge thérapeutique de la pancréatite est controversée. Néanmoins, le
traitement est orienté en fonction, des signes cliniques, du diagnostic étiologique et
enfin des complications de la pancréatite aigue. Elle relève d’une prise en charge
multidisciplinaire, nécessite le concours de plusieurs spécialités. Son traitement est
essentiellement médical, fondé sur la réanimation dans une unité de soins intensifs.
Les interventions non opératoires (sphinctérotomie endoscopique, radiologie
interventionnelle) et surtout les progrès réalisés par la réanimation, en se basant sur les
phénomènes physiopathologiques de la pancréatite aigues, ont largement contribué à
diminuer de façon drastique le recours à la chirurgie et par conséquent améliorer le
pronostic des pancréatites aigues sévères qui autres fois étaient mortelles.
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II. PHYSIOPATHOLOGIE
Les enzymes du suc pancréatique sont présentes sous une forme inactive dans la
cellule acinaire et deviennent actives uniquement dans la lumière intestinale, lorsque le
trypsinogène est activé en trypsine par l’entérokinase. En l’absence d’agression, le
niveau d’autoactivation est neutralisé par un mécanisme de rétrocontrôle négatif via la
trypsine et par un inhibiteur protéolytique spécifique appelé « pancreatic secretory
trypsin inhibitor » ou PSTI. Le PSTI parvient à protéger le pancréas lors de périodes
de faible activation du trypsinogène. Cependant, la capacité inhibitrice du PSTI peut
être rapidement dépassée, exposant l’organe au risque de pancréatite aigue.
L’activation du trypsinogène en trypsine constitue l’étape essentielle dans l’activation
des autres pro-enzymes en leurs formes actives (réaction en cascade).
Lors de la pancréatite aigue on observe sur le plan local :
- Activation intrapancréatique des enzymes à l’origine d’une autodigestion
pancréatique.
- Des phénomènes vasculaires (ischémie/reperfusion et hémorragie)
- Stimulation des cellules inflammatoires.
II.1. Activation prématurée du trypsinogène en trypsine
Elle est secondaire à l’inhibition des mécanismes de protection représentés
essentiellement par le PSTI, ce qui va déclencher le processus d’autodigestion et
aboutir à la destruction des acini pancréatiques. La trypsine va activer à son tour les
autres pro-enzymes, la phospholipase et le chimotrypsinogene, responsables des
processus de lyse membranaires et altérations endothéliales, de même qu’elle va
activer les protéases (Prokallicreine, C3, Plasminogène, Facteur XII) responsable de
phénomènes de coagulation et de la formation de microthrombi.
Le passage de ces phénomènes de la cellule acineuse à l’ensemble de la glande puis à
la région péripancréatique sera avant tout tributaire de l’importance de la trypsine
activée, des cellules détruites (libérant encore plus d’enzymes).
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II.2. Phénomènes vasculaires
Il s’y ajoute à l’activation des enzymes pancréatiques, dont le résultat est la
destruction des acini, des phénomènes vasculaires qui vont agir en potentialisant cette
cascade. En effet, l’activation locale de la coagulation va entrainer la formation de
microthrombi qui, combiné aux altérations endothéliales induites par l’élastine
activée, va perturber la microcirculation pancréatique conduisant à une ischémie, et
donc à plus de libération de trypsine et d’enzymes pancréatiques et à moins d’apport
en anti –protéases.
II.3. Stimulation des cellules inflammatoires
Le pancréas normal ne contient normalement qu’un petit nombre de cellules
inflammatoires (neutrophiles, macrophages et lymphocytes). Dès l’apparition des
phénomènes précédents, le pancréas libère des signaux de recrutement de cellules
inflammatoires qui seront activées et déversent leurs produits de synthèse : radicaux
libres, myéloperoxidase, élastase, et collagénase par les neutrophiles ; Tumor necrosis
factor (TNF-α), Interleukine-1 (IL-1), Interleukine-6 (IL-6), Plaquetly activator factor
(PAF) par les macrophages. Ces substances de la stimulation des cellules
inflammatoires vont participer activement à la nécrose de la glande pancréatique.
II.4. Phase systémique
La nécrose régionale et l’inflammation du retro péritoine vont libérer des substances
toxiques qui empruntent le canal thoracique via les lymphatiques retro-péritonéaux et
peripancreatique, vont être à l’origine d’une amplification systémique délétère de
l’inflammation. C’est le Syndrome de Réponse Inflammatoire Systémique (SIRS).
Le SIRS est attribué au transfert secondaire vers la circulation systémique des
substances toxiques générées au cours du processus inflammatoire rétropéritonéal.
Il se définit par la présence d’au moins deux signes suivants : température > 38°C ou
< 36°C, fréquence cardiaque > 90/minute, fréquence respiratoire > 20 / minute ou
Paco2 < 32 mm Hg, leucocytes > 12.000/mm2 ou < 4.000/mm2.
Les effets délétères du SIRS vont se traduire par :
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- Une défaillance cardio-circulatoire secondaire à une diminution des résistances
vasculaires et/ou par dépression myocardique.
- Un syndrome de détresse respiratoire aigue (SDRA) résultat d’un œdème alvéolaire
lésionnel par altération de la membrane alvéolocapillaire.
- Une insuffisance rénale aigue, d’abord fonctionnelle par diminution du flux artériel
glomérulaire secondaire à l’hypovolumie puis organique par nécrose
tubulointerstitielle par dépôt de fibrine.
- Coagulation intra vasculaire disséminé (CIVD).
- Encéphalopathie Pancréatique.
III. ANATOMOPATHOLOGIE
On observe deux formes anatomopathologiques de la pancréatite aigue qui se
distinguent par le type de lésions élémentaires.
III.1. Pancréatite aigue œdémateuse
Elle est la plus fréquente, représente 80% des pancréatites aigues, d’évolution
bénigne. La lésion élémentaire est caractérisée par l’œdème du tissu conjonctif ou
tissu interstitiel. L’acinus qui est l’unité fonctionnelle du pancréas ainsi que l’appareil
canalaire sont intègres.
III.2. Pancréatite aigue nécrotico-hémorragique
Elle est plus rare mais peut être mortelle, représente 20%. On observe une destruction
de l’architecture du pancréas intéressant les acini et le système canalaire. Elle se
caractérise par la nécrose de tout ou partie de la glande pancréatique et par des coulées
inflammatoires extra-pancréatiques. Le risque est alors l’infection de cette nécrose qui
est la principale cause de mortalité.
Actuellement la classification est clinique et l’on parle de pancréatite aigue bénigne
(évolution sans complication) (80% des pancréatites aigues) et de pancréatite aigue
grave, accompagnée de complications locale et systémiques qui s’observe dans 20%
des cas.
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IV. DIAGNOSTIC POSITIF
IV.1. Clinique
La pancréatite aigue repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et
morphologiques. Elle est caractérisée par un polymorphisme clinique et l’absence de
parallélisme anatomoclinique.
La pancréatite aigue doit être suspectée devant toute douleur abdominale aigue,
notamment en cas d’antécédent de lithiase biliaire, d’alcoolisme chronique.
Le plus souvent, ce sont des douleurs épigastriques irradiant dans le dos ou
l’hypochondre gauche, rapidement intenses, calmées par l’antéfléxion du tronc ou le
décubitus latéral gauche, accompagnées de nausées et vomissements contrastant avec
un examen clinique normal. C’est le drame abdominal de Dieulafoie « coup de
tonnerre dans un ciel serein ». Parfois, l’examen physique montre une distension
abdominale témoignant d’un iléus intestinal, une défense voir une contracture
abdominale ; « Il s’agit d’un tableau qui tient à la fois de l’occlusion et de la péritonite
mais qui n’est parfaitement ni l’un ni l’autre (Henri Mondor) ». Ces affections
constituent d’ailleurs les principaux diagnostics différentiels à l’étape clinique.
La présence des signes généraux (fièvre, tachycardie, hypotension, signes
neuropsychiques), des ecchymoses péri-ombilicales de Cullen ou des flancs de Grey-
Turner) témoignent de la gravité de la pancréatite aigue. Aussi, l’examen clinique doit
rechercher les points douloureux pancréatiques (Mayo Robson, Mallet Guy,
Chauffard).
IV.2. Biologie
Les affections pancréatiques et salivaires sont les causes principales mais non
exclusives d’hyperamylasémie. Dans la pancréatite aigue, l’amylasémie est un
examen plus spécifique que sensible. Il y a beaucoup de faux négatifs. En revanche, la
lipase sérique produite et sécrétée exclusivement par les acini pancréatiques, a une
performance excellente pour le diagnostic de pancréatite aigue. Toutes fois, la
sensibilité des différentes enzymes pancréatiques pour le diagnostic de pancréatite
aigue diminue avec le délai écoulé depuis le début de la pancréatite aigue selon la
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cinétique propre à leurs voies d’élimination. Le seuil diagnostic retenue se situe entre
2 et 4 fois la normale.
IV.3. Morphologie
IV.3.1. Abdomen sans préparation (ASP): Il élimine une
perforation d’organe creux ou une occlusion intestinale par l’absence respectivement
de pneumopéritoine et de niveaux hydroaériques. Des signes indirects peuvent être
mis en évidence :
1- Anse sentinelle représentée par la sidération d’un segment grélique localisé à
gauche en regard du foyer inflammatoire pancréatique.
2- Epanchement péritonéal témoin de la séquestration liquidienne dans la cavité
abdominale, se traduit par une grisaille radiologique, l’effacement des lignes
claires pré-péritonéales, des ombres rénales et du psoas.
3- Epanchement pleural gauche pouvant aller d’un simple émoussement du cul de
sac gauche à l’épanchement de grande abondance entrainant une gêne
respiratoire.
4- Signes radiologiques d’orientation vers une étiologie à savoir des calcifications
se projetant sur l’arbre hépatobiliaire ou l’aire pancréatique faisant évoquer
respectivement une pancréatite aigue biliaire ou développée sur une pancréatite
chronique calcifiante.
IV.3.2. Echographie : Elle permet une étude satisfaisante du
pancréas dans seulement 50 à 75% des cas, principalement du fait de l’interposition
des gaz digestifs. Elle peut être normale ou montrer un œdème pancréatique, des
collections liquidiennes intra ou extra pancréatiques, un épanchement péritonéal. Elle
participe au diagnostic étiologique (lithiase biliaire, calcifications pancréatiques,
tumeur du pancréas).
IV.3.3. Tomodensitométrie : Elle permet quasi-constamment une
étude complète du pancréas. Elle est plus performante que l’échographie, analyse la
glande pancréatique, évalue la gravité locale de la pancréatite selon la classification de
Balthazar, contribue au diagnostic étiologique.
Dr N. Ait Benamar : Pancréatites aigues
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Classification de Balthazar
Stade A: Œdème localisé du pancréas.
Stade B: Œdème de toute la glande.
Stade C: Œdème péri pancréatique.
Stade D: Coulées inflammatoires intéressant un recessus péritonéal
Stade E: Coulées inflammatoire avec atteinte d’au moins deux recessus
péritonéaux.
V. DIAGNOSTIC DE GRAVITE
La pancréatite aigue grave est actuellement définie par l’existence d’une défaillance
d’organe et/ou par la survenue d’une complication locale à type de nécrose, d’abcès ou
de pseudokyste. De nombreux éléments d’appréciation de la gravité ont été évalués
pour pouvoir définir une stratégie thérapeutique.
V.1. Complications systémiques
La présence d’une défaillance viscérale au stade initial de la poussée traduit une forme
d’emblée grave que ce soit une détresse respiratoire, une défaillance cardiovasculaire
(choc) ou une oligoanurie. Les défaillances viscérales sont dues à un syndrome de
réponse inflammatoire systémique (SIRS) intense caractérisé par une sécrétion
massive de cytokines proinflammatoires.
V.1.1. Syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) : C’est
une complication grave des pancréatites aiguës nécrosantes. Une hypoxémie est
souvent présente parfois sans manifestation clinique. Le SDRA peut nécessiter une
ventilation artificielle en pression expiratoire positive (PEEP) avec une fraction
d’oxygène élevée. Radiologiquement, il existe des opacités alvéolaires diffuses
bilatérales réalisant au maximum l’aspect de poumons blancs. Il s’agit d’un œdème
lésionnel par destruction de la membrane alvéolocapillaire et du surfactant.
Un épanchement pleural (souvent gauche, parfois bilatéral) peut être associé. Il est de
type réactionnel. Dans des cas plus rares, un épanchement pleural peut être provoqué
par une fistule pancréatico-pleurale.
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V.1.2. Insuffisance rénale : Elle est observée dans environ 20 %
des cas. Elle est de caractère fonctionnel dans les trois quarts des cas et organique dans
25 % des cas. Elle constitue un facteur pronostique péjoratif. L’insuffisance rénale
fonctionnelle peut s’expliquer par l’hypovolémie ou le choc consécutif à la pancréatite
aigue.
V.1.3. Manifestations neuropsychiatriques « encéphalopathie
pancréatique » : Elles se voient avec une fréquence de 3 à 30 %, essentiellement
troubles confusionnels et désorientation temporo-spatiale.
V.1.4. Atteinte cutanée : Elle est exceptionnelle et se manifeste sous
formes de tuméfactions sous cutanées, douloureuses, érythémateuses diffuses. Il s’agit
de lésions de panniculite parfois associées à une atteinte articulaire entrant dans le
cadre d’une cytostéatonécrose systémique ou maladie de Weber Christian.
V.2. Complications locales
Elles sont de type infectieux. Elles sont fréquentes (20-40 %) au cours des pancréatites
aigues nécrosantes et ne surviennent jamais au cours d’une pancréatite aigue
œdémateuse. Les complications infectieuses sont habituellement plus tardives
survenant à partir de la fin de la première semaine jusqu’à 4 semaines après le début de
la pancréatite aigue. Elles sont responsables de 50 à 80 % des décès. Il s’agit le plus
souvent de la surinfection des coulées de nécrose non encore collectées ou parfois de
véritables abcès pancréatiques correspondant à des surinfections de pseudokystes.
La surinfection de la nécrose pancréatique est due au passage des bactéries digestives à
travers la paroi intestinale (translocation bactérienne). Celle-ci est fragilisée par la
mise à jeun du malade et l’instabilité hémodynamique. Les complications infectieuses
sont suspectées devant un malade dont, l’état clinique s’aggrave (apparition de
nouvelles défaillances viscérales, augmentation de la température centrale), les
paramètres biologiques s’altèrent (élévation de la CRP, de la polynucléose
neutrophile). La présence de bulles d’air dans les coulées de nécrose aux examens
morphologiques est très évocatrice de surinfection à germes anaérobies.
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La surinfection de la nécrose sera prouvée par une ponction, généralement guidée par
le scanner, de la ou des coulées de nécrose suspectes avec mise en culture.
Des atteintes digestives diverses peuvent survenir : colites ischémiques imputées à
l’état de choc, perforation d’un organe creux (estomac, duodénum, colon transverse),
fistules internes entres les différents organes de la cavité péritonéale (duodénum,
estomac, grêle, colon, voie biliaire). Ces fistules peuvent aussi communiquer avec la
plèvre, le péritoine ou s’extérioriser à la peau.
Les anomalies du système de coagulation à type de coagulation intravasculaire
disséminée sont possibles à la phase aiguë de la maladie. L’hémorragie est une
complication grave. Elle peut être intrapéritonéale (hémopéritoine) favorisée par les
troubles de la coagulation ou secondaire à une érosion artérielle par la nécrose. Parfois
l’hémorragie est intrakystique.
V.3. Complications tardives
La complication tardive essentielle est l’apparition de pseudokystes. Ces pseudokystes
correspondent à l’organisation et la liquéfaction des foyers de nécrose. Ils compliquent
10 à 50 % des pancréatites aiguës et apparaissent dans un délai de 5 jours à 6
semaines. Ils peuvent être totalement asymptomatiques ou provoquer des douleurs.
L’évolution de ces pseudokystes peut se faire vers la disparition spontanée dans moins
de 50 % des cas, ou vers des complications : surinfection, rupture, hémorragie,
compression des organes de voisinage. Le diagnostic est fait à l’échographie ou la
tomodensitométrie.
En cas de nécrose sévère, les fonctions du pancréas aussi bien exocrine qu’endocrine
peuvent être altérées entrainant respectivement un état d’insuffisance pancréatique
exocrine et de diabète insulinodépendant.
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VI. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
Les principales causes des pancréatites aiguës sont la lithiase biliaire
(50 à 60 %) et l’alcool (30 à 40 %).
VI.1. Lithiase biliaire
Elle augmente le risque de survenue d’une pancréatite aiguë et la cholécystectomie
diminue ce risque. Le diagnostic étiologique de l’origine biliaire est essentiel afin de
prévenir la récidive. Il s’agit d’un enclavement, le plus souvent transitoire, au niveau
de la jonction biliopancréatique avec pour conséquence spasme ou œdème de la région
oddienne. Ces éléments seraient suivis par un reflux biliopancréatique, duodéno-
pancréatique et/ou une hypertension intracanalaire pancréatique à l’origine de
l’activation enzymatique intrapancréatique. Le diagnostic de pancréatite aiguë biliaire
est généralement porté chez une patiente obèse aux antécédents de lithiase biliaire
documentée ou de coliques hépatiques, présentant volontiers au moment de la poussée
un subictère voire une angiocholite, une élévation des enzymes hépatiques et des
calculs vésiculaires à l’échographie abdominale. La microlithiase (calcul de moins de
3 mm) et le sédiment vésiculaire « sludge échographique » sont également
responsables de poussées de pancréatite aiguë à répétition.
VI.2. Pancréatite aiguë alcoolique
Elle est une des manifestations de la pancréatite chronique calcifiante alcoolique. Elle
survient surtout dans les cinq premières années de l’affection, chez un patient
alcoolique chronique de la quarantaine. A ce stade la présence de calcifications
pancréatiques sur les examens radiologiques n’est pas constante et l’echoendoscopie et
la CPRE pourront apporter le diagnostic en objectivant des anomalies canalaires et
parenchymateuses évocatrices de pancréatite chronique.
En l’absence de lithiase biliaire ou d’alcoolisme chronique, une pancréatite aigue
survenant au-delà de 50 ans doit être considérée comme d’origine tumorale jusqu’à
preuve du contraire.
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VI.3. Pancréatites aigues métaboliques
Elles sont dues à une hypertriglycéridémie, moins de 1% sont secondaires à une
hypercalcémie, secondaire à une hyperparathyroïdie.
VI.4. Causes infectieuses
De nombreux virus sont responsables de pancréatites aiguës. Il s’agit du virus ourlien,
du virus de l’hépatite virale A, du cytomégalovirus, des entérovirus coxackie B. Les
parasites incriminés sont les helminthiases. Enfin, des pancréatites aiguës ont été
décrites au cours de certaines infections bactériennes.
VI.5. Pancréatites aigue par Obstruction canalaire
Le pancréas divisum, le pancréas annulaire, tumeurs intrapapillaires et mucineuse du
pancréas (TIPMP), l’adénocarcinome pancréatique, Le dysfonctionnement du
sphincter d’Oddi et l’ampullome vatérien.
VI.6. Pancréatites aiguës iatrogènes Postopératoires, Post CPRE
VI.7. Pancréatites aigues Médicamenteuses
VI.8. Pancréatites aiguës associées aux maladies inflammatoires
ou dysimmunitaires
Maladie de Crohn, Périarthrite noueuse ou du syndrome de Gougerot-Sjögren).
VI.9. Pancréatites aiguës traumatiques
Elles surviennent après traumatisme abdominal. Elles peuvent s’accompagner d’une
rupture du canal de Wirsung parfois responsable de fistule. La CPRE est l’examen le
plus contributif pour le diagnostic. Outre la mise au repos du pancréas et
l’administration d’octreoide, certains auteurs ont proposé la mise en place d’une
prothèse pancréatique en cas de rupture du canal principal.
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VI.10. Pancréatites aiguës dites « idiopathiques » (10 à 15 %)
Il convient quoiqu’il en soit de ne pas méconnaître une cause génétique ou
métabolique, une pancréatite chronique débutante, une obstruction canalaire par une
tumeur et bien sûr une microlithiase biliaire. Cette dernière serait responsable en fait
de près de 60 % des pancréatites aiguës dites «idiopathiques ».
Dans tout les cas, il convient de pratiquer un bilan clinique et paraclinique complet à
distance de la pancréatite aiguë (2 à 3 mois) (biologie, tomodensitométrie,
echoendoscopie voir CPRE). Néanmoins, 5 à 10% des pancréatites aiguës restent
inexpliquées chez l’adulte.
VII. PRONOSTIC
Il est fonction de l’importance des complications locales et générales qu’il faudra
dépister et traiter. Les éléments d’appréciation sont le terrain, l’installation d’une
défaillance d’organe et/ou d’une complication locale évaluée à la TDM et les
paramètres biologiques. On distingue des indices de gravité unifactoriels et
multifactoriels.
VI.1. Indices de gravité unifactoriels
VI.1.1. Critères liés au terrain : Ce sont l’âge > 80 ans, l’obésité
(BMI> 30), l’insuffisance rénale chronique, les autres insuffisances organiques
préexistantes.
VI.1.2. Défaillance viscérale : C’est l’appréciation de l’atteinte de
plusieurs fonctions vitales à partir d’éléments simples qui aide à décider de
l’admission en réanimation. Les éléments d’évaluation sont des critères
hémodynamiques (fréquence cardiaque, tension artérielle, perfusion cutanée),
respiratoires (fréquence respiratoire, SpO2, gaz du sang sous air ou avec une fraction
inspirée d’oxygène connue), neurologiques (confusion, agitation, somnolence) et
rénaux (diurèse, créatininémie).
VI.1.3. Paramètres biologiques : Au cours des 48 premières heures
d’évolution, l’hyperleucocytose, l’hyperglycémie, l’élévation des LDH et des
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transaminases, l’anémie, l’hyperazotémie, l’acidose, l’hypocalcémie et
l’hyperfibrinogénémie sont les principaux critères de gravité. L’hyperglycémie et
l’hypocalcémie témoignent du degré de nécrose de la glande pancréatique.
L’hyperleucocytose traduit l’infection de la nécrose pancréatique.
VI.2. Indices de gravité multifactoriels
Ils sont plus sensibles et plus spécifiques que les indices unifactoriels. Ils cherchent à
évaluer la sévérité de la pancréatite aigue et contribuent à la prise de décision
thérapeutique. Pour certaines équipes, ils orientent vers une indication chirurgicale.
Des scores clinico-biologiques ont été décrit notamment par Ranson et sont facilement
utilisable en pratique courante. Les signes scannographiques ont aussi une forte valeur
pronostique permettent de prédire le degré de nécrose pancréatique.
Au cours de la pancréatite aigue grave, la mortalité peut atteindre 30%. Le décès
survient dans 1/3 des cas au cours des deux premières semaines, le plus souvent dû à la
sévérité de l’atteinte pancréatique. Au delà, le décès résulte le plus souvent d’une
infection nosocomiale ou d’une surinfection de la nécrose pancréatique.
La mortalité des pancréatites œdémateuses est de l’ordre de 1 à 5 %. Par contre, celle
des pancréatites aiguës graves est de l’ordre de 25 à 40%.
Toutefois, le pronostic des pancréatites aiguës a été amélioré au cours des dix
dernières années, grâce à une prise en charge précoce en unité de soins intensifs ou en
réanimation.
VIII. TRAITEMENT
La prise en charge thérapeutique est sujette à controverse. Il n’existe pas de traitement
spécifique des pancréatites aiguës. Le traitement est symptomatique, adapté à la
gravité, mais peut dans certains cas s’orienter vers l’étiologie de la pancréatite aigue.
Les principes thérapeutiques sont très différents selon qu’il s’agisse d’une pancréatite
aigue bénigne ou sévère.
Dr N. Ait Benamar : Pancréatites aigues
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VII.1. Objectifs
- Corriger le retentissement systémique
- Traiter les complications locales
- Traiter la cause
VII.2. Moyens
VII.2.1. Traitement médical : Il repose sur les mesures de
réanimation. Il est essentiellement symptomatique, comportant :
- Aspiration gastrique (en cas de vomissements répétés),
- Rééquilibration hydroélectrolytique et alimentation parentérale prolongée
énergétique.
- Traitement de la douleur avec des antalgiques morphiniques ou non.
- Antibiothérapie guidée par l’antibiogramme après ponction éventuelle de la
nécrose en cas d’infection locale ou générale.
- Traitement du choc par un remplissage vasculaire (cristalloïdes, albumine,
plasma frais congelé) en cas de pancréatite aiguë grave.
- Oxygénothérapie voire assistance ventillatoire à pression positive.
- Traitement de l’insuffisance rénale.
VII.2.2. Traitement endoscopique et radiologie interventionnelle :
La sphinctérotomie endoscopique doit être pratiquée dans les 48 premières heures
lorsque l’origine biliaire de la pancréatite aigue est établie. En cas de coulées
nécrotiques infectées, le drainage peut être réalisé sous contrôle radiologique avec
mise en place de drains d’évacuation et de lavage. Les pseudo-kystes constitués
peuvent régresser spontanément (30 à 50%), mais si la collection persiste au-delà de 6
semaines, une évacuation du kyste par voie radiologique ou endoscopique
(kystogastrostomie, kystoduodénostomie) sera réalisée.
VII.2.3. Chirurgie : La chirurgie peut être nécessaire en cas de
complications péritonéales aigues à type d’hémorragie dues le plus souvent à l’érosion
d’une artère de gros calibre ou une perforation d’un organe creux. Dans les formes
nécrotico-hémorragiques, la nécrose est théoriquement stérile et ne doit pas faire
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l’objet de résection ou de drainage. Dans le cas contraire, la nécrosectomie associée au
lavage continu semble être privilégiés. L’évolution oblige souvent à des interventions
itératives.
Dans les pancréatites aiguës d’origine biliaire, la cholécystectomie avec exploration
de la voie biliaire principale est proposée à distance de l’épisode aigue pour prévenir
les récidives. Aussi, la chirurgie peut être nécessaire pour traiter un pseudokyste du
pancréas, lorsque les moyens endoscopiques ne sont pas disponibles.
VII.3. Indications
Les indications varient en fonction de la gravité de la pancréatite aigue.
VII.3.1. Pancréatite aiguë bénigne : Le traitement se limite à
l’hospitalisation en unité simple, la mise à jeun stricte, la perfusion de solutés hydro-
électrolytiques afin de maintenir un équilibre correct et la prescription d’antalgiques, y
compris si nécessaire, des morphiniques. Une sonde nasogastrique d’aspiration ne sera
mise en place qu’en cas de vomissements importants et incoercibles. Une surveillance
quotidienne sera instaurée afin de vérifier l’absence d’évolution vers une forme plus
sévère. Une réalimentation orale classique sera reprise après disparition des douleurs,
des vomissements et reprise du transit. Ceci survient généralement au cours de la
première semaine suivant le début des symptômes. Le bilan étiologique sera fait en
parallèle et les mesures adaptées seront prises.
VII.3.2. Pancréatite aiguë sévère : L’hospitalisation en unité de
soins intensifs est de mise dans les formes graves évaluées sur le terrain, les scores
biocliniques et scannographiques (terrain, CRP > 150 mg/L, score de Ranson=3, score
de Balthazar=4) ou sur la présence de défaillances viscérales. Outre la mise à jeun
strict, les antalgiques, la pose d’une sonde nasogastrique d’aspiration (seulement en
cas de vomissements), il est souvent nécessaire de recourir à la pose d’un cathéter
central à la fois pour monitorer la pression veineuse centrale et pour perfuser des
solutés hydro-électrolytiques en quantité suffisante pour maintenir une fonction rénale
et une pression veineuse correctes. En cas d’infection prouvée, une antibiothérapie
probabiliste sera mise en place et adaptée aux germes mis en évidence secondairement.
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Une nutrition artificielle par voie entérale afin de diminuer le risque de translocation
bactérienne et donc de l’infection de la nécrose. Elle nécessite la mise en place d’une
sonde nasogastrique d’alimentation.
La surveillance sera renforcée : clinique pluriquotidienne ; biologique : créatinine,
SpO2, hémogramme quotidien, CRP bihebdomadaire ; radiologique : TDM tous les 10
à 15 jours.
IX. CONCLUSION
L’évolution des pancréatites est émaillée de complications systémiques et d’infection
de la nécrose. L’évaluation de sa gravité est capitale pour permettre une prise en
charge rapide, adaptée. Cette maladie au pronostic redoutable dans sa forme nécrotico-
hémorragique doit reposer sur des scores spécifiques bien validés. La place respective
des méthodes chirurgicales et percutanées n’est pas encore établie, mais la tendance
actuelle est à une association dans le temps des deux méthodes, selon des modalités à
affiner dans une démarche multidisciplinaire.