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UFR Sciences de l’homme et de la société Département des Sciences de l’Education
Master 2 pro métiers de la formation Parcours ICF FOAD
Année Universitaire 2011-2012
Mémoire
Ingénierie de Formation et Insertion Socioprofessionnelle: de la logique de
projet au développement de l’employabilité.
Directeur de Mémoire : Thomas Renaud
THROMAS Mélanie N° étudiant : 21109058
Juin 2012
« Quel que soit le choix, ses conséquences financières, ses
répercussions dans une relation de couple, l’essentiel est d’avancer
avec soi-même, de progresser dans une orientation qui ne contredise
pas ce que l’on ressent comme la part centrale de soi-même »
(Pierre Dominicé, 1992)
SSOOMMMMAAIIRREE INTRODUCTION p.1 PARTIE I : Contours de l’objet de recherche p.4 I- DE L’EMPLOI A L’EMPLOYABILITE P.4 1-1 La relation Emploi-Formation-Insertion p.4 1-2 Caractéristiques du marché de l’emploi p.8 1-3 La formation professionnelle continue : entre prévention et réparation p.10 1-4 L’employabilité : objet de convoitise p.16 II- SANS PROJET POINT DE SALUT !! p.18 2-1 Qu’est ce qu’un projet ? p.18 2-2 Le projet de formation p.20 2-3 Projet et méthodologie p.22 Conclusion intermédiaire : au sujet de l’ingénierie de formation. p.23 PARTIE II : Cadre de recherche p.25 I- MISSION ET PROBLEMATIQUE P.25 1-1 Contexte de l’étude p.25 1-2 La mission p.27 1-3 La problématique de départ p.28 II-METHODOLOGIE p.30 2-1 Préambule au choix méthodo- logique p.31 2-2 Méthodologies p.32 2-3 Eléments de validité et de pertinence p.39 PARTIE III : Etude p.42 I-L’INGENIERIE DE FORMATION ENTRE PROJET INDIVIDUEL ET PROJET INSTITUTIONNEL P.42 1-1 La construction d’un projet personnel de formation p.42 1-2 Du projet personnel au projet institutionnel p.46 1-3 Des projets « sur mesure » p.49 1-4 Du rôle du conseil et de l’orientation : identifier le besoin p.52 II-INGENIERIE DE FORMATION, VECTEUR D’EMPLOYABILITE P.56 2-1 L’employabilité : compétences ou capacités ? p.56 2-2 De la nécessité d’identifier le rôle de l’évaluation p.60 2-3 Parcours et processus formatif p.64 2-4 L’impact du facteur humain p.69
III- L’INGENIERIE DE FORMATION : DES DISPOSITIFS AU PROCESSUS FORMATION p.74 3-1L’ingénierie de formation : relier pour une meilleure sécurisation des parcours p.75 3-2 L’ingénierie de formation : des qualifications à la qualification p.78 3-3 Du rôle prédominant des apprentissages en situation de travail p.82 3-4 L’individualisation : un terme générique pour des pratiques équivoques p.86 CONCLUSION P.93 BIBLIOGRAPHIE P.100 ANNEXES p.105 Annexe 1 : Organigramme de la structure Annexe 2 : Organigramme du service Annexe 3 : Organisation des actions de formation Annexe 4 : Logique de mobilisation des fonds publics. Annexe 5 : Schéma d’élaboration d’un projet formation Annexe 6 : Evaluations
1
INTRODUCTION
Le chômage défini par le petit Larousse (2005) comme la cessation
contrainte de l’activité professionnelle d’une personne se présente
comme la « résultante de diverses composantes plus ou moins
handicapantes : difficultés à définir un projet professionnel, âge,
situation du bassin d’emploi, inadaptation des compétences, problème
d’exclusion sociale. »1
Ces définitions plantent les jalons du contour de notre étude. En effet,
le traitement du chômage s’inscrit au cœur des intentions de
l’ensemble des politiques d’insertion mises en œuvre ces 30 dernières
années, depuis que dans le milieu des années 1980 est apparu un
chômage massif qui a vu émerger des personnes privées durablement
d’emploi, dit « chômeurs de longue durée ». Dés lors, l’origine de ce
fléau a dû se reposer car la seule réponse du défaut de qualification
n’y suffisait plus tant elle a vu s’accroître un nombre considérable de
problématiques individuelles générées et accentuées pour partie par la
privation d’emploi elle-même et la désocialisation qu’elle entraîne.
Ces politiques qui tentent de s’adapter à ces nouvelles donnes
et de traiter le problème par des refontes institutionnelles et
législatives œuvrent progressivement pour une approche individuelle
dans la gestion des parcours professionnels. Elles intègrent la
formation non plus comme un simple outil d’ajustement structurel
mais comme une étape qui s’inscrit dans la continuité de l’ensemble
des moyens mis en œuvre pour assurer la continuité du parcours
professionnel de la personne ou de réduire au maximum les effets
déstructurant de la privation d’emploi.
1 GUITTON Christophe, SIBILLE Hugues, (dir), 1992, Former pour insérer, Evaluation d’une politique publique de lutte contre le chômage de longue durée, Editions Syros, 239p.
2
L’évolution du cadre légal de la formation professionnelle
continue suit cette dynamique en affichant une volonté de permettre à
chacun d’être acteur de son propre parcours, de maintenir son niveau
d’employabilité et d’anticiper les éventuelles ruptures
professionnelles.
Tout l’enjeu réside alors dans la conciliation entre offre de
formation et demande d’insertion, gestion quantitative et qualitative
du chômage et la gestion de l’interdépendance des systèmes
institutionnels entre eux que ce soit, entre autres aussi bien ceux liés
aux diverses indemnisations que ceux permettant le financement des
actions.
Dans le même temps, le secteur de l’Insertion par l’Activité
Economique (IAE) lui-même apparu dans les années 1970 et
définitivement reconnu par l’article L5132-11 du code du travail
participe ainsi de cette régulation du flux quantitatif des demandeurs
d’emploi. Il se doit cependant également d’agir sur les freins qui
génèrent leur exclusion du marché de l’emploi. Composante de ce que
l’on nomme aujourd’hui l’Economie Sociale et Solidaire, l’IAE se
doit d’assurer 4 fonctions principales :
1. l’accueil et l’intégration des salariés en insertion,
2. l’accompagnement social et professionnel,
3. la formation des salariés en insertion,
4. la contribution à l’activité économique et au développement
territorial.
Pris dans un tourbillon de dispositifs destinés à réinsérer, nous
constatons qu’il existe une dualité entre la capacité et la volonté de
l’individu de choisir et être acteur de la direction qu’il souhaite donner
1 « L’insertion par l’activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en œuvre des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement ».
3
à son devenir professionnel et l’existence de prérogatives
institutionnelles qui peuvent soit se présenter comme des opportunités
soit orienter de manière coercitive l’évolution professionnelle de la
personne.
Ce qui nous intéresse dans le sujet que nous abordons réside bien dans
cette « négociation » si ce n’est obligatoire pour le moins inéluctable
entre l’individu et le cadre institutionnel dans lequel s’insère son
projet formation et le rôle que peut jouer une pratique émergente en la
matière : l’ingénierie de formation.
Habituées des missions d’accompagnement, conseil et orientation qui
leurs sont dévolues, les structures de l’IAE, voient poindre de
nouvelles fonctions liées à l’apparition de projet de formation qui
s’inscrivent dans un contexte institutionnel qui se complexifie du fait
de la raréfaction de solutions plus individuelles que collectives, de la
démultiplication des instances compétentes en matière de
financement, et de la recherche d’une cohérence structurée entre
trajectoire professionnelle, expérience et formation.
Ainsi, nous aborderons, dans un premier temps le cadre général dans
lequel a évolué d’une part la relation emploi-formation qui prend en
compte l’évolution du rôle joué par la formation professionnelle
continue et le développement de la notion d’employabilité. D’autre
part, nous nous attacherons à considérer la place accordée au projet et
le rôle dévolu à l’ingénierie de formation. Dans un second temps, nous
livrerons les résultats de notre recherche qui tentera en premier lieu de
dégager en quoi l’ingénierie de formation participe à l’émergence de
projets formation « sur mesure ». En second lieu, nous constaterons
que ce faisant, l’ingénierie de formation contribue à structurer les
parcours de formation et donc les trajectoires socioprofessionnelles.
Nous expliquerons dans un troisième temps, en quoi cela peut
contribuer à élever le niveau d’employabilité de la personne.
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PARTIE I : CONTOURS DE L’OBJET DE RECHERCHE
I- DE L’EMPLOI A L’EMPLOYABILITE
1-1 La relation Emploi-Formation-Insertion
Nous savons tous que si le taux de chômage n’a cessé d’augmenter
depuis le choc pétrolier de 1975 entraînant avec lui, durant les années
80 une augmentation des demandeurs d’emploi de longue durée, il est
plus méconnu que celle-ci s’accompagne également d’une
augmentation du nombre des demandeurs d’emploi de très longue
durée(au-delà de 2 ans) sur laquelle la reprise de la fin des années 80
n’a eu que peu d’impact et qui constitue désormais une caractéristique
intrinsèque et impénétrable du marché de l’emploi. Or, on sait
désormais que le seuil d’un an d’inactivité professionnelle constitue
un cap au-delà duquel les personnes s’inscrivent plus progressivement
dans une démarche de non emploi. Une enquête réalisée par l’INSEE
en 1991 et reprise dans une étude menée par l’ANPE1 à cette même
époque parle de « modèle de cheminement » qui induit un rapport
stable au marché du travail : contrat à durée déterminée, régime stable
de travail temporaire ou au contraire installation dans le chômage
(Huygues-Despointes, 1990). Ceci ne signifie pas que de manière
systématique les demandeurs d’emploi de longue durée se trouvent
condamnés à errer dans les méandres de recherches d’emploi peu
fructueuses mais il y a fort à parier qu’il s’agit là du sort réservé à un
noyau dur d’entre eux.
1 Agence Nationale pour l’Emploi devenue depuis le 19 Décembre 2008, Pôle Emploi, né de la fusion entre l’ANPE et les Assédic.
5
Si l’on s’en réfère à l’étude menée par Bernard Martin1, jusqu’en
1974 la formation ne venait couvrir que les besoins de salariés qui
avaient intégré la sphère de l’emploi majoritairement par la voie de la
formation initiale et qui avaient besoin, soit pour progresser au sein de
leur entreprise soit pour changer d’emploi de faire évoluer leurs
compétences. A partir de 1975 jusqu’au début des années 1980 se
profile une nouvelle configuration du marché de l’emploi qui
positionne le champ de la formation comme le vecteur permettant de
réguler l’afflux d’un pan entier de la population touché par un
chômage qui se nourrit aussi bien de personnes provenant directement
de la sphère éducative que de celle de l’emploi.
Une étude de Lucie Tanguy2 explique les facteurs qui ont amené à une
situation de déclassement des qualifications que nous connaissons tous
bien maintenant et qui touche ou a touché en premier lieu les
personnes que nous retrouvons dans les dispositifs et structures
d’insertion professionnels :
« Pour comprendre cette évolution, il faut se référer aux phénomènes
de concurrence pour l’accès à l’emploi et de relégation au chômage.
Ainsi la prise en compte des entrées en emploi que permettent les
bilans montre que les emplois non qualifiés ont vu leur nombre
baisser plus rapidement que celui des individus les moins
qualifiés(baisse du nombre d’emplois de 42% pour les hommes et de
36% pour les femmes, pour une baisse de 26% des effectifs des non
diplômés des deux sexes). Et comme le nombre des emplois qualifiés,
qui représente 80% des effectifs des hommes titulaires d’un CAP, d’un
BEP ou d’un baccalauréat en 1973 n’en représente plus que 54% en
1980(les chiffres étant respectivement de 82% et de 43% pour les
femmes), ces diplômés se sont en partie reportés sur des emplois non
1 MARTIN Bernard, (1993), L’emploi par la formation, les populations en grande difficulté, Lyon, Ed.Chronique Sociale, 145p.
2 TANGUY Lucie, (dir.), 1989: L’introuvable relation formation/emploi, Paris, La documentation française.
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qualifiés, la part de ceux-ci croissant donc pour cette catégorie, une
proportion grandissante de non diplômés se voyant rejetée dans une
situation de chômage ».
Ainsi la formation s’adresserait à deux typologies de chômeurs et
répondrait à deux missions différentes :
1- La première consiste à qualifier des chômeurs qui appartiennent à
un « flux » régulier d’inactifs qui se régule parce que ceux-ci
trouveront plus ou moins rapidement un emploi. Ce qui ne signifie
pas qu’ils retrouvent un emploi du fait d’avoir « investi » dans la
formation, mais parce que le laps de temps consacré à celle-ci
correspondait peut-être au temps nécessaire pour qu’émergent sur
le marché de l’emploi des postes auxquels ils pouvaient prétendre.
2- La seconde consiste à gérer un stock de personnes durablement
privées d’emploi et dont on sait qu’elles n’y parviendront que très
difficilement, si elles y parviennent. Il s’agit des chômeurs de
longue durée. La formation permet alors de répondre dans un
premier temps au besoin de faire tourner le stock de chômeur de
longue durée et de faire ainsi baisser leur temps d’inactivité. Dans
un deuxième temps elle permet une prise en charge et un
traitement « psychologique » de l’inactivité. Mieux vaut être en
formation même si l’horizon professionnel ne s’en trouve pas
dégagé pour autant que chez soi à s’enliser dans une détresse
quotidienne et sans issue.
Les politiques et dispositifs de promotion et surtout de financement
d’actions de formation à destination des demandeurs d’emploi
relèvent d’une stratégie qui s’appuie sur une évaluation permanente
des besoins du bassin d’emploi concerné. Cette évaluation, menée par
des organismes intégrés aux différents financeurs que sont Pôle
Emploi et la région leur permettent de déterminer des orientations et
des axes de formation prioritaire, ce sont les GFE (groupe emploi
formation) à partir desquels s’élabore les programmes de financement
notamment le fameux SPRF (Service Public Régional de la
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Formation). Les demandeurs d’emploi qui souhaiteraient acquérir une
qualification qui ne relève pas des programmes ainsi constitués ne
disposent que d’une marge de manœuvre infime puisqu’ils n’ont que
peu de chance d’obtenir un accord de financement. Ils doivent alors se
retourner vers des solutions individuelles dont l’autofinancement,
solutions qui relèvent de l’utopie.
La contrepartie d’un tel fonctionnement qui a certainement eu pour
effet d’éviter bien des égarements professionnels a été, comme nous
l’avons constaté, de créer des appels d’air sur certaines qualifications
sur une durée peut être trop longue et pour lesquelles l’effet a été
l’inverse de celui initialement prévu, à savoir, faciliter le recrutement
de personnes éloignées de l’emploi. Lorsque le taux d’emploi à
pourvoir a été atteint, le dispositif aurait du s’interrompre pour éviter
de former des personnes pour des emplois qui seraient pourvu le
temps qu’elles terminent leur formation. Le problème réside dans le
fait que les études menées par les observatoires de prospection, ayant
identifié un secteur dit « en tension », ne tiennent pas compte du
temps qu’il faudrait à ce secteur pour réussir à recruter le personnel
suffisant pour pourvoir à ses besoins. Il leur faudrait pour cela tenir
compte du fait que les employeurs ne « s’approvisionnent » pas
uniquement auprès des demandeurs d’emploi sortant de formation
mais qu’ils sont également alimentés par les salariés formés en
interne, les demandeurs d’emploi déjà qualifiés, les surdiplômés que
l’on recrute massivement dés lors qu’il y a pénurie d’emploi et ceux
qui accèdent à la qualification par des voies autres que celles réservées
aux publics en insertion, notamment celle de la formation initiale et de
la validation des acquis de l’expérience(VAE). Les secteurs de la
petite enfance et de l’aide à domicile sont les plus concernés par ce
phénomène. Ceci a pu contribuer à créer des voies de garage pour des
publics déjà en mal d’insertion professionnelle car il s’agit de
formation professionnelle pour la plupart de niveau V et qui n’offrent
que peu de perspective soit de poursuite d’études soit de transfert de
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compétences à un autre secteur d’activité car trop spécialisées. De
toute façon, rares sont les demandeurs d’emploi qui, ayant investi du
temps, de l’énergie et indirectement des moyens (du fait d’avoir
accepté parfois de voir leur situation matérielle et financière se
dégrader du fait de l’entrée en formation) accepteraient de se relancer
dans l’aventure de la formation parce que celle qu’ils viennent de
terminer n’a déjà plus de pertinence sur le marché de l’emploi. Ils se
retrouvent alors de nouveau sur les structures d’insertion
professionnelles, à la différence près que cette fois-ci ils sont
qualifiés !! Mais toujours sans emploi et pas prêts d’en trouver !
S’il est de plus en plus commun de parler de l’évolution du marché de
l’emploi, il nous semble important de nous arrêter un temps soit peu
sur les diverses acceptions que ce terme recouvre pour identifier de
quelle manière cela peut avoir un impact sur les publics que nous
embauchons.
1-2-Caractéristiques du marché de l’emploi
Nous nous réfèrerons dans un premier temps aux notions de marché
interne et externe développée par Claude Dubar1 dans une approche
micro-économique. Ils représentent tous les deux, deux voies d’accès
au marché de l’emploi au sein desquels la formation joue un rôle
différent. Le marché interne définit l’évolution professionnelle au sein
d’une structure qui privilégie et promeut pleinement l’ascension par le
biais de l’augmentation du niveau de qualification mais également
celui de la valorisation de l’expérience interne. Ce fonctionnement
relève d’un type plutôt bureaucratique mais nous intéresse en ce qu’il
renvoie à la notion de carrière, notion dont sont dépourvues les
personnes que nous accueillons, du moins au moment de leur entrée
sur notre structure. Par opposition, le marché externe correspond à la
1 DUBAR Claude (2000), La socialisation, construction des identités sociales et professionnelles, 3ème édition, Paris, Armand Colin, 255p.
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phase plus ou moins préalable, la phase d’insertion, où s’opère un jeu
de concurrence pour accéder au marché interne et ce faisant, à une
certaine stabilité, à une certaine sécurité de l’emploi. Cependant, le
rôle joué par le niveau de formation (initiale) est d’autant plus
prégnant sur le marché externe qu’il conditionnerait la rapidité avec
laquelle les individus en sortiraient. Ainsi, ce marché pourrait se
caractériser par des allers et venues entre des emplois de transition et
des périodes de recherche et/ou d’acquisition éventuelle de nouvelles
compétences. Nos structures offrent une échappatoire à cette dualité
entre marché interne et marché externe en ce qu’elles n’offrent aucune
perspective d’évolution interne mais préparent soit à l’accès direct au
marché interne soit au retour sur le marché externe en ayant,
normalement, accru son capital concurrentiel.
Rentrons maintenant un peu plus dans le détail dans la mesure où il
faut tenir compte des évolutions structurelles du marché de l’emploi.
Pour ce faire, les mutations technologiques et économiques, la
mondialisation et l’internationalisation de la concurrence sont souvent
invoquées, au même titre que les évolutions démographiques qui
contribuent à déterminer le niveau et type de qualification requis voire
même plus particulièrement le niveau et la nature des compétences
recherchées. Si ces causes sont invoquées, c’est parce qu’elles
modifient au passage la nature même des emplois. Nous emprunterons
à Philippe Zarifian1 la description des trois grandes mutations qui
définissent aujourd’hui ce que travailler veut dire. La première
consiste à gérer des évènements. Parce qu’il ne s’agit plus de produire
en masse des produits standards mais de diversifier une gamme de
produits qui soit spécifique à un grand nombre de clients. Ainsi, il
entend par ce terme le fait d’avoir à gérer une discontinuité dans la
1 ZARIFIAN Philippe (1999), « Objectif compétence. Pour une nouvelle logique » in EVEQUOZ Grégoire (2004), Les Compétences clés, Paris, Ed. Liaisons, pp 39-59.
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production liée à des ruptures qui peuvent subvenir de manière
imprévisible et surtout qui relève d’une certaine singularité. La
seconde mutation, plus explicite renvoie au fait de produire des
services. Il considère que désormais, toute production induit la notion
de service dés lors qu’elle s’adresse à un destinataire. Cette notion
n’est plus l’apanage du secteur tertiaire. Enfin, Philippe Zarifian
postule que le propre du travail contemporain est la place
prédominante donnée à la communication. Ces mutations sont
importantes à retenir parce qu’elles induisent un nouvel élément dans
la relation emploi- formation. Elles nécessitent en effet, entre autres,
que les individus soit en capacité de faire preuve d’initiative, de
responsabilité, d’anticipation, et d’analyse. La seule qualification peut
alors ne plus y suffire et nous entrevoyons les limites de la relation
emploi-formation qui s’insinuent dans l’apparition d’un genre
nouveau de compétences qui relèvent plus de « qualités personnelles »
et d’aptitudes que de la combinaison de savoirs.
Ce qui se joue au niveau individuel dans la relation emploi-formation
serait alors d’éviter des ruptures trop récurrentes entre marché interne
et marché externe en développant régulièrement un ensemble
d’aptitudes fruit de la qualification, de l’expérience et de qualités
personnelles.
Pour ce faire, la formation professionnelle continue peut se présenter
comme un outil de prévention de ruptures durables avec le monde du
travail.
1-3 La formation professionnelle continue : entre prévention et
réparation.
Un des objectifs de la formation professionnelle continue ne
serait-il pas alors de lutter contre ce que Yves Morvan1 appelle la
1 Professeur émérite de l’université de Rennes 1
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« fracture cognitive »1 qui touche en premier lieu les non ou les moins
qualifiés ?
Le rôle joué par la formation professionnelle continue s’inscrit dans
une démarche d’insertion professionnelle jalonnée par des périodes de
transitions. Le tout constitue ce que nous pourrons appeler parcours
professionnel. Il convient de revenir rapidement sur ces termes qui
plantent le décor dans lequel se réalise notre terrain de recherche.
Pour Lucie Tanguy2, le processus de transition professionnelle
« affecte tout le monde et peut se produire à tout moment de la vie ».
Cependant, il n’affecte pas les individus de la même manière et par
conséquent n’induit pas les mêmes comportements. Pour les publics
que nous accueillons, les différentes phases de transition
professionnelle se présentent de manière beaucoup plus récurrente,
sont subies plus que vécues comme des opportunités et ne sont pas
nécessairement investies de sens sur du long terme mais représentent
un pis- aller par rapport à une situation qui pourrait être pire que celle
dans laquelle ils se trouvent.
Le terme même de transition professionnelle devient sujet d’étude
dans les années 70 en lien avec les diverses mutations socio-
économiques. Il n’est d’ailleurs certainement pas anodin que de
manière concomitante soit votée une des premières lois liée à la
formation professionnelle continue3.
Pour l’auteure, ce terme convient mieux que celui d’insertion car il
retranscrit de manière plus pertinente l’idée d’un processus complexe
1 En référence à l’expression « fracture numérique », la « fracture cognitive » renvoie à un système inégalitaire entre ceux qui accèdent aux savoirs et ceux qui n’y accèdent pas ; entre ceux qui, pour diverses raisons, ont pu entrer dans un processus formatif et ceux qui en sont exclus. 2 TANGUY Lucie., (dir.), 1989: L’introuvable relation formation/emploi, Paris, La documentation française,302 p. 3 Loi Delors du 16 juillet 1971 portant sur l’organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente mais également liée à l’apprentissage, l’enseignement technologique et professionnel ainsi que la règlementation de la participation financière des employeurs aux formations technologiques et professionnelles.
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régit par des temps de « transition » relativement autonomes par
rapport à celui de la formation ou de l’emploi. Ces derniers
fonctionnant selon des règles et des procédures spécifiques.
Ainsi, Lucie Tanguy propose de définir la transition professionnelle
comme : « l’ensemble des formes sociales de la mise au travail des
inactifs ».
Nous entendrons donc la mise au travail à travers les caractéristiques
suivantes :
1-Pouvoir être un agent de production dans un cadre régit par des
normes qui déterminent les moyens à mettre en œuvre pour satisfaire
et répondre à la demande (compétences techniques, savoirs, diplômes
requis, expériences, maîtrise des rapports sociaux).
1- Etre en situation de se présenter sur le marché du travail comme un
individu potentiellement « actif » (par opposition à des périodes ou
la personne, pour des raisons diverses, ne veut (congés maternité)
ou ne peut (maladie) rechercher d’emploi).
2- Etre un agent social économique gouverné par un rapport au
salariat qui lui confère en ce sens un certain nombre de
prérogatives.
La transition professionnelle se veut un processus singulier, long et
complexe.
Elle se caractérise par des périodes de vie observables marquées par
des ruptures et/ou changement de statut, d’activité, de priorités. Lucie
Tanguy distingue les temps de vie où « la mise au travail est
secondaire » et ceux où «elle est temporairement acquise ». Ainsi il y
a un temps pour la préparation, l’acquisition, la production des pré-
requis quels qu’ils soient, et un temps pour leur mise en œuvre dans le
cadre d’un espace professionnel structuré.
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La complexité du processus de transition professionnelle tient à
l’imbrication de composantes qui agissent en amont, en aval ou dans
l’accès à l’emploi lui-même. Ces composantes s’avèrent être de
différentes natures (professionnelles, sociales, psychologiques,
financières) et induisent une multiplicité de statut (demandeur
d’emploi, stagiaire, inactif, actif précaire). Comme nous le constatons
par le biais de notre terrain, ces composantes et statuts peuvent
s’additionner rajoutant un niveau de complexité supplémentaire et
l’identification du stade et de la nature de la transition difficile.
La véritable distinction d’avec l’insertion s’opère dans ce que la
transition professionnelle se réalise dans le cadre d’un processus
socialement organisé. Ainsi apparaît une relativement grande diversité
d’agents de « médiation » qui interviennent à différents niveaux
(politique, accompagnement, conseil, financier, pédagogique) et qui
s’incarnent dans les rôles attribués aux différents acteurs sociaux qui
constituent un élément du rouage à un moment donné. Ce rouage a
pour vocation d’encadrer le processus de transition de sorte d’y
apporter en permanence une solution adaptée. Cet élément représente
une donnée majeure qui influera sur l’attribution des fonctions
assignées à l’ingénierie de formation dans le cadre d’une Structure
d’Insertion par l’Activité Economique.
Si la notion de parcours intègre depuis maintenant plusieurs années
l’idée qu’un même individu fera de moins en moins « carrière » au
sein d’une même entreprise, cette considération fait partie intégrante
du fonctionnement des personnes dites en insertion pour des raisons
qui n’émanent néanmoins pas d’un choix personnel. Ceci rend leur
avenir aléatoire et contredit une définition généraliste du parcours qui
considèrerait, comme le rappelle Christophe Parmentier1, qu’il s’agit
de se rendre d’un point à un autre. Dans le cas de notre étude, à la
1 PARMENTIER Christophe (2011), Encadrer et sécuriser les parcours professionnels, Paris, Ed. Dunod, 213p.
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différence de salariés pour lesquels l’entreprise se charge de jalonner
les perspectives d’évolution ou d’anticiper les conditions de maintien
dans l’emploi, le point d’arrivée représente souvent une nébuleuse
avec laquelle il faut composer.
L’idée même de parcours professionnel renvoie de manière beaucoup
plus insistante l’individu face à ses « responsabilités » et au rôle
majeur qu’il devrait jouer en prenant en charge les conditions de
maintien d’un certain niveau d’employabilité (et
adaptabilité).Cependant, cette vision des choses, même si elle se
concrétise, entre autre, par l’évolution du cadre légal de la formation
professionnelle continue (notamment à travers le Droit individuel à la
formation) et des moyens accrus de reconnaissance et validation des
compétences et qualifications( à travers la VAE par exemple), peut
occulter l’inaccessibilité et l’incapacité de tout un chacun de les
mobiliser soit par manque de maîtrise des modes d’organisation qui
les gouvernent soit parce que le cadre socio- professionnel dans lequel
se trouve l’individu ne permet pas de les utiliser comme tel.
Ainsi l’émergence de la notion de sécurisation des parcours
professionnels devrait se présenter comme un ensemble de mesures
qui, si elles ne parviennent pas à enrayer le phénomène d’exclusion
professionnelle permet de prévenir et anticiper les ruptures1.
Cependant, encore faut-il pouvoir identifier les facteurs qui génèrent
les ruptures, tous les individus ne possèdent pas la capacité
d’anticipation et les entreprises qui ne se munissent que
progressivement d’outils le permettant sont peut être encore démunis
face à une certaine catégorie de salarié dont les causes de ruptures
peuvent être difficiles à identifier parce qu’elles ne relèvent pas
toujours nécessairement que du secteur professionnel.
1 En témoigne la dernière loi en date du 24 Novembre 2009, loi d’orientation et de formation portant sur la création du Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels qui assure la péréquation des excédents des OPCA mais aussi le financement d’actions de qualification ou de requalification des demandeurs d’emploi ou salariés les moins qualifiés.
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Certains, principalement les partenaires institutionnels, considèrent
que les Structures d’Insertion par l’Activité Economique(SIAE)
relèvent de cette sécurisation des parcours professionnels. Nombre de
ces structures elles-mêmes pensent qu’elles opèrent dans le registre de
la réparation lorsque la rupture avec le milieu professionnel a déjà été
consommée.
L’insécurité professionnelle relève d’ailleurs, bien au-delà d’une
probabilité de risque liée à des facteurs objectifs, d’un sentiment
personnel construit autour de sa situation personnelle. Une étude
menée au niveau européen par Laurence Rioux et Alexandre Deloffre
entre octobre 2000 et octobre 2001 confirme les constats faits
quotidiennement par notre service, à savoir que les caractéristiques
sociales et les parcours individuels influencent ce sentiment
d’insécurité ; une personne seule avec un enfant et ayant déjà connu
des périodes de chômage vivra d’autant plus dans la crainte d’une
prochaine rupture.
La sécurisation des parcours professionnels qui pourrait se présenter
comme une avancée majeure en matière de lutte contre les exclusions
professionnelles nous concerne de ce fait en premier lieu. Cependant,
il nous faut tenir compte du contexte de sa création et des limites
qu’elle rencontre à ce jour.
Inspirée de la flexisécurité danoise, scandinave et anglaise, la
sécurisation des parcours professionnelle telle qu’elle se conçoit
depuis le traité de Lisbonne (2006) renvoie à une volonté européenne
d’assurer la sécurité de l’emploi tout en préservant une flexibilité
suffisante au marché de l’emploi pour satisfaire l’offre et la demande.
Ainsi, la sécurité de l’emploi désigne « le fait, pour une personne, de
demeurer employée sans interruption notable, même si il y a
16
changement d’entreprise »1. Cette sécurité se mesure donc par le
risque de se trouver durablement sans emploi.
La formation professionnelle continue met en évidence le rôle que
joue la formation (quelle qu’elle soit) dans la sécurisation des parcours
professionnels en ce qu’elle devrait permettre de maintenir un certain
niveau d’employabilité.
1-4 L’employabilité : objet de convoitise
La notion d’employabilité renvoie à un rapport « pervers » au
marché du travail. Ce dernier exerce un pouvoir discriminant par
lequel il définit si telle ou telle personne est ou n’est pas employable.
Les critères d’appréciations s’avèrent cependant aléatoires tant ils sont
soumis à un certain nombre de paramètres qui fluctuent en fonction de
l’état du marché du travail même s’il est commun de ne rejeter que sur
l’individu le défaut d’employabilité.
Ainsi, employabilité et insertion professionnelle sont intimement liées
pour deux raisons :
1-Ce concept n’existe que parce qu’il y a confrontation entre offre
et demande d’emploi dans des proportions rarement équitables.
2- L’employabilité d’une personne ne se définit que par rapport à
un cadre professionnel qui pose les exigences inhérentes à son
activité, son contexte de production, son mode d’organisation.
Nous retiendrons la définition faite par Yvon Minvielle2 pour qui il
s’agit de: « la capacité des personnes à remplir les conditions
nécessaires et suffisantes pour se maintenir ou trouver un emploi à
l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise ».
Ainsi, être employable se traduirait par :
1 Rapport d’étape provisoire sur la sécurisation des parcours professionnels, Mars 2007, Paris, Conseil d’Orientation pour l’Emploi, p.31 2 MINVIELLE Yvon, (1996), « Employabilité, compétences et validation des acquis », in Stratégie et compétences, n°10.
17
1-la capacité à obtenir un emploi initial, conditionné entre autre par le
système éducatif
2-La capacité à conserver son emploi et à mener à bien les transitions
entre les emplois et les rôles dans une même organisation.
3-La capacité à trouver un autre emploi si nécessaire.
Ces éléments nous amènent à plusieurs considérations.
L’employabilité relève de la « performance de l’individu », autrement
dit de son niveau de compétence. Ce terme étant entendu dans son
acception la plus générale, à savoir, la capacité de mobiliser des
savoirs, la capacité de les combiner entre eux, et la capacité de les
transférer à de multiples situations de travail.
L’employabilité relève également de la capacité d’initiative,
d’autonomie et d’anticipation de l’individu quant au fait d’être acteur
du maintien de son niveau d’employabilité. Il s’agit d’une capacité
réflexive à mettre en lien les acquis quelque soit le cadre dans lequel
ils ont été appris (fruit de l’expérience, formation initiale, continue,
professionnalisation sur le poste de travail).
L’employabilité relève de l’étendue des réseaux sociaux et de la
capacité de la personne à maîtriser les « codes » qui régissent la
recherche d’emploi et l’aptitude à « se vendre » auprès d’un potentiel
employeur.
Dans tous les cas, il s’agit bien d’évaluer et de mesurer les écarts qui
séparent l’individu des prérogatives fixées par le marché du travail.
Cependant, parce que certaines modifications structurelles de ce
marché peuvent fragiliser ou renforcer la sécurisation des parcours
professionnel, nous assistons de plus en plus au développement d’une
« co- responsabilité » partagée entre la personne, l’entreprise, l’Etat et
les politiques qu’il met en œuvre. Ce dernier tend à résoudre un
paradoxe qui veut que l’on soit privé d’emploi parce
18
qu’ « inemployable » mais que l’employabilité se construit et
s’entretien principalement dans l’emploi. Ainsi, nos structures
répondent à cette volonté politique de ne pas laisser choir le niveau
d’employabilité de personnes privées d’emploi et de leur proposer
d’autres voies d’accès à la qualification.
Cependant, toute action qui viserait à développer ou maintenir le
niveau d’employabilité de la personne ne peut se réaliser si elle n’est
pas traversée ou impulsée par une dynamique individuelle ou
institutionnelle qui pourrait s’incarner dans la notion de projet.
II SANS PROJET, POINT DE SALUT !
Le projet en soi et quel qu’il soit porte en lui, selon Pierre
Goguelin1, trois caractéristiques intrinsèques qui nous paraissent
incontournables:
1-Pouvoir se représenter le futur à travers une image mentale.
2-Garder en mémoire cette image jusqu’à ce que soit posé les actes
permettant de l’atteindre.
3-Pour ce faire, planifier un programme d’actions.
Ces caractéristiques constituent des points de repères qui peuvent nous
permettre d’identifier dans le cadre de notre pratique, si l’action en
cours relève bien d’un projet ou d’une simple utopie.
Pour autant, il nous semble important de faire un détour du côté de la
philosophie pour interroger ce qui constitue l’essence même de la
notion de projet.
1 GOGUELIN Pierre, KRAU Edgar (1992), Projet professionnel, projet de vie, Château-Gontier, ESF Editeur, 194p.
19
2-1 Qu’est ce qu’un projet ?
Nombre d’auteurs font état de société « sans-projet » ou « anti-
projet » pour reprendre l’expression de J.P Boutinet1 pour désigner
des organisations sociales dites « traditionnelles » au fort pouvoir
intégrateur du fait de la prégnance de leurs institutions. Dés lors que
celles-ci commencent à faire preuve de moindre autorité, les individus
se retrouvent confrontés à eux-mêmes. Le lien social doit être repensé
car mis en péril par la montée de la capacité d’autonomisation de
chacun et la dissolution de repères communs, vecteurs d’intégration.
Se profile alors la nécessité de se projeter si ce n’est individuellement
au moins collectivement pour anticiper des ruptures et réduire
l’apparition de ces facteurs de délitement de la cohésion sociale.
Cependant, on constate, à l’instar de ces sociétés dites
« traditionnelles », que, dans nos sociétés « modernes », plus les
personnes sont en situations de précarité, plus elles sont concentrées
sur une immédiateté du quotidien qui relève parfois de la survie et
moins elles sont à même de développer une capacité d’anticipation
qui constitue pourtant un puissant fertilisant dont se nourrit le projet.
En visitant l’émergence philosophique du concept de projet, nous
constatons qu’il porte en germe, dés le départ, les notions
d’anticipation, de motivation et d’autonomisation.
Dés la première moitié du XXème siècle, on perçoit comment, avec
Heidegger2, projet et intentionnalité sont intimement liés. Cependant,
le vouloir induit-il le passage à l’acte ? Nous considérons que, pour les
publics en insertion, l’intentionnalité même peut déjà constituer un
projet en soi. Pour aller plus loin, Heidegger associe le projet à celui
de « souci » (Sorge) qui émane de cette liberté dégagée par
1 BOUTINET Jean Pierre (1990), Anthropologie du Projet, Paris, PUF ,297p. 2 HEIDEGGER Martin (1964), L’être et le temps, Paris, Gallimard.
20
l’individualisation et qui impose à l’individu comme compétence
première le « savoir être autonome », capacité à se projeter, à
identifier et concevoir un devenir possible. Le projet met ainsi
l’individu face à ses responsabilités ; idée sous jacente largement
véhiculée dans la sphère professionnelle par le développement du
principe de formation tout au long de la vie qui veut que tout un
chacun prenne en main les conditions de maintien de son
employabilité.
Jean Paul Sartre lui, a affirmé que : « tout homme se définit
négativement par l’ensemble des possibles qui lui sont impossibles,
c’est-à-dire par rapport à un avenir plus ou moins bouché »1. Cela ne
signifie-t-il pas en ce qui nous concerne que au-delà du simple fait de
choisir pas défaut, l’homme est capable, seul ou avec une aide
extérieure, d’évaluer de manière pertinente les facteurs et conditions
de réussite d’un projet et ceux qui conduisent à l’échec ? Rentre alors
en ligne de compte la relation que l’individu entretien avec son
environnement. Pour Merleau-Ponty2, le projet est précisément ce qui
relie l’individu, le sujet, à son environnement par le truchement de
l’intention et de l’anticipation.
Il nous faut alors identifier ce sur quoi porte le projet. Doit-on parler
de projets ou de projet ?
2-2 Le projet de formation.
Le projet de formation n’a presque pas de sens en soi s’il n’est pas
associer à un projet plus global dont il fait parti et qui est le projet de
vie. Celui-ci gouverne la manière dont chaque individu opère à un
1 SARTRE Jean Paul (1985), Critique de la raison dialectique, Paris, Gallimard. 2 MERLEAU-PONTY Maurice (1945), Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard.
21
moment donné des choix qui ont pour conséquence d’organiser et
d’arbitrer l’agencement des 4 grandes sphères dans lesquelles évolue
tout individu et que Pierre Goguelin1 identifie par la sphère sociale,
économique, familiale et celle du développement personnel. Ainsi, le
projet de vie sert de fil conducteur et définit le degré d’investissement,
à un moment donné, dans l’une ou l’autre de ces sphères. Nous
observons en effet qu’il détermine la trajectoire que souhaite
emprunter la personne. Cette trajectoire qui s’inscrit dans le long
terme, s’élabore à travers un ou plusieurs projets à court ou moyen
terme. Le projet de vie, parce qu’il se nourrit des diverses expériences
rencontrées ou construites, évolue, et peut, à tout moment, changer
ainsi d’orientation. Cet arbitrage que l’individu doit opérer, résulte,
toujours selon Pierre Goguelin de facteurs internes et de facteurs
externes. Les premiers, qui sont des facteurs propres à la personne
peuvent se résumer en trois grandes catégories : les capacités et
aptitudes, la ou les motivations et la personnalité. Nous constatons
qu’il s’agit d’éléments qui relèvent à la fois de l’inné et de l’acquis et
qu’il est donc difficile de les identifier. Les facteurs externes, eux,
relèvent des conditions dans lesquelles vit l’individu. Il s’agit donc
des conditions économiques et sociologiques, de l’environnement
socio-économique, des opportunités ou des obstacles.
Pour un public en insertion, le projet de formation peut ainsi s’inscrire
dans une volonté de reconquérir son investissement dans une des
sphères précédentes et de regagner la main mise sur un projet de vie
qui a du mal à s’inscrire sur du long terme car il s’agit bien souvent
d’un projet de « sur- vie ». Le projet formation, parce qu’il joue un
rôle socialisant maintenant bien connu, interfère sur les
représentations sociales de l’avenir que peuvent avoir ces personnes et
les replace dans une dynamique d’ « être capable de ». Cette
1 GOGUELIN Pierre, KRAU Edgar (1992), Projet professionnel, projet de vie, Château-Gontier, ESF Editeur, 194p.
22
socialisation est rendue possible parce qu’elle se réalise dans cadre
« voulu et organisé » comme tel pour reprendre l’expression d’Yvon
Minvielle et Marcel Lesne1. Elle met, un tant soit peu, les personnes à
l’abri des formes de socialisation « sauvages ou naturelles » en les
reconstituant dans un environnement formatif sécurisé et sécurisant.
Pour autant, l’élaboration du projet formation procède, comme le
décrit Pierre Goguelin, de la faculté à s’inscrire dans une dynamique
cohérente qui résulte d’un positionnement personnel entre le monde
réel et les capacités réelles dont on dispose pour y jouer un rôle et un
monde imaginé et les capacités subjectives que l’on pense posséder.
Posséder cette faculté peut poser problème à bon nombre de personnes
en insertion et justifie bien souvent la nécessité d’un
accompagnement. Le souci de la juste auto- évaluation de son
potentiel domine dans la construction d’un projet formation.
2-3 Projet et méthodologie
La notion de projet professionnel ou de projet formation relate donc
aujourd’hui l’articulation entre la capacité de l’individu de se
« vendre » sur un marché de l’emploi en pleine mouvance, sa capacité
d’anticiper l’inadéquation de son profil et celle de jauger efficacement
les ressources dont il dispose pour remédier à cette inadéquation. En
cela, le projet peut nécessiter un accompagnement extérieur qui lui
soit spécifique. Comme nous nous positionnons dans le cadre d’un
projet de dispositif de formation dans son approche micro- sociale,
nous devons considérer la confrontation existant entre le projet
individuel et le projet porté par le cadre institutionnel dans lequel il
s’intègre. Dans ce sens, les relations entretenues par le triptyque objet
(en tant que dispositif de formation), sujet et projet nous paraissent
1 LESNE Marcel, MINVIELLE Yvon, « Socialisation et formation d’adultes », Education permanente, N°92, janvier 1988, p23-38.
23
incontournables. Elles permettent de mettre en lumière la part
d’autonomie des uns à l’égard des autres (qui décide de quoi) et en
conséquence, l’impact ou les effets produits par ces relations dans
l’apprentissage. A ce sujet, le projet formation semble plus relever du
terme « processus de formation » (qui prend en compte l’avant et
l’après et le cheminement des divers savoirs capitalisés par l’individu)
que celui de « dispositif » qui renvoie précisément aux modes
d’acquisition de ces savoirs. Le projet de formation s’inscrit, par
ailleurs, dans une triple dimension qu’il conviendra d’analyser. Le
niveau micro auquel l’individu opère ses choix et stratégies. Le niveau
mezzo qui est celui de la structure dans laquelle ses choix peuvent
devenir opérationnels et le niveau macro qui est celui du cadre
institutionnel qui détermine les orientations politiques qui
transcendent le projet formation. Pour réaliser un projet formation,
nous pouvons nous référer à une méthodologie dont nous
emprunterons les caractéristiques les plus pertinentes à J.P Boutinet1.
D’une part, il convient de dissocier le « projet-visée » du « projet-
programme » et ne pas confondre l’objectif qui sert de fil conducteur
avec les moyens de sa réalisation. D’autre part, il faut considérer que
tout projet représente une solution inédite à un problème qui se pose
lui-même de manière inédite. Enfin, la gestion de projet formation doit
en permanence permettre l’ouverture sur des opportunités que le
contexte peut faire inopinément apparaître. Dans tous les cas, ce qui
est sous tendu est bien l’idée de transformation et de changement avec
la situation actuelle. Cette volonté fait ainsi l’objet d’une
contractualisation qui pose les termes des objectifs à atteindre et des
moyens mis en œuvre pour y parvenir.
Conclusion intermédiaire : au sujet de l’ingénierie de formation
1 BOUTINET Jean Pierre (1990), « Eléments pour une méthodologie de projet » chap.VII in Anthropologie du Projet, Paris, PUF ,297p
24
Comme le résume Christophe Parmentier1 : « Dans la construction
puis l’encadrement des parcours professionnels il est possible de
considérer que les salariés sont pour partie entrepreneurs de leurs
propres compétences. Mais ils n’en sont pas les seuls responsables ».
Mûe par une évolution empreinte du rapport entretenu par le champ de
la formation avec celui du marché du travail, nous considèrerons
l’ingénierie de formation à travers la définition qu’en donne Patrice
Leguy2: « la conception, la construction, le pilotage et l’évaluation
d’un système complexe d’apprentissage dans les situations formelles
et informelles prenant en compte, de manière concourante les logiques
et stratégies collectives et individuelles, les parcours
socioprofessionnels et les contextes d’activité des acteurs-auteurs
impliqués ». De cette complexité et de l’enchevêtrement des éléments
qui composent l’ingénierie de formation, nous sommes amenés à
penser, comme nous l’avons évoqué précédemment qu’il serait
illusoire de croire que tous les individus puissent, face aux nouvelles
exigences de flexibilité du marché de l’emploi, être les seuls et
uniques acteurs du développement de leurs compétences.
Ainsi se développerait ce que Gaston Pineau3 nomme l’ingénierie des
spécialistes qui mettraient en exergue des fonctions annexes et
connexes de la formation devenant des démarches à part entière avec
chacun une ingénierie qui lui est propre. Le domaine de l’insertion,
prenant appui sur la qualification des individus, en est une des
1 PARMENTIER Christophe (2011), Encadrer et sécuriser les parcours professionnels, Paris, Ed. Dunod, 213p.
2LEGUY Patrice (2005), « L’ingénierie de la formation. Une démarche transectorielle, transprofessionnelle, transdisciplinaire. », in BREMAUD Loic et Catherine GUILLAUMIN Catherine (dir.), (2010), L’Archipel de l’Ingénierie de la formation, Mayenne, 364p.
3 PINEAU Gaston (2005), « l’ingénierie stratégique de la formation », in LEGUY Patrice. et al., Se former à l’ingénierie de formation, Paris, L’Harmattan, p.15.
25
premières émanations. Elle donnerait lieu à une ingénierie de la
professionnalisation qui prendrait en compte les discontinuités
professionnelles et sociales et contribuerait à élargir le champ
d’intervention de l’ingénierie de formation et de ses méthodes. Elle
tendrait à considérer le rôle de conseil, d’orientation et
d’accompagnement comme faisant partie intégrante du processus de
formation et s’inscrit dans la mouvance des années 80 d’une
diversification du cadre de l’ingénierie et de ses zones d’intervention.
L’individualisation et la régionalisation de la formation en représente
un des principaux marqueurs dont l’incidence sur notre terrain de
recherche ne s’avèrera pas des moindre.
Le rôle de l’ingénieur en formation s’articulerait donc autour de
l’ingénierie de parcours et de professionnalisation et, en cela, il doit
être en mesure de soutenir une continuité dans le développement des
compétences mais il relève également de l’ingénierie de la relation
emploi-formation pour laquelle il doit composer avec des données
politiques et institutionnelles. Pour ce faire, ce professionnel d’un
genre nouveau, doit puiser dans le contexte même de la situation-
problème à résoudre, la clé lui permettant de construire une réponse
pertinente ancrée dans un agencement original et approprié des
ressources humaines, techniques et matérielles disponibles.
PARTIE II : CADRE DE RECHERCHE
I- MISSION ET PROBLEMATIQUE
Partant du travail réalisé dans le cadre de la mission en ingénierie de
formation, et qui a fait apparaître une démarche spécifique de
professionnalisation, notre étude s’attachera plus globalement à
26
rechercher l’articulation entre l’expression de projets individuels qui
rendent compte d’une démarche personnelle et renvoie à la
représentation de la place de chacun sur le marché de l’emploi et la
capacité de mobilisation des moyens pour y parvenir.
1-1 Contexte de l’étude
Notre réflexion de départ s’enracine dans le rôle et la mission
professionnelle qu’il nous est donné d’assurer au quotidien, à savoir,
l’accompagnement socio- professionnel de personnes embauchées
dans le cadre d’un Service d’Insertion par l’Activité Economique.
Ces structures sont des dispositifs conventionnés qui doivent réaliser
un triple objectif :
- L’insertion sociale et professionnelle de publics éloignés de
l’emploi
- Répondre à des impératifs de production qui, même si ils ne
relèvent pas de ceux du secteur marchand tendent de plus en plus à
s’en rapprocher.1 (Au final le client bénéficie de la même prestation
que s’il avait eu à faire à une entreprise classique même si les moyens
mis en œuvre pour y parvenir diffèrent de par la nature même
des « ressources humaines »2.)
- La formation et l’adaptation de salariés qui ne disposent pas
nécessairement des pré-requis nécessaires pour la réalisation de
l’activité demandée.
1 Leurs activités peuvent s’exercer dans l’ensemble des secteurs d’activité dés lors que les avantages et aides octroyées par l’état ne créent pas de distorsion de concurrence et que les emplois ainsi créés ne se substituent pas à des emplois privés ou publics existants. Les biens et services qu’ils produisent peuvent être commercialisés si cette commercialisation contribue au développement des activités d’insertion sociale et professionnelle. Ces recettes ne peuvent couvrir qu’une part inférieure à 30% des charges liées à ces activités. Cette part peut être augmentée sans pouvoir atteindre 50% après avis favorable du conseil départemental de l’insertion par l’activité économique (CDIAE), si les activités développées ne sont pas déjà assurées et satisfaites par les entreprises locales. 2 Tant par la nature des moyens humains (en termes de personnel et d’encadrement) que dans la gestion de ces ressources d’une nature un peu particulière au sein du service et de l’ensemble de la structure.
27
Pour ce faire, les salariés et la structure disposent d’un contrat de 6
mois renouvelable dans la limite de deux ans.
Ce qui signifie que la structure ne s’appuie pas sur une stratégie
d’optimisation des ressources, de valorisation et de développement
des compétences sur du long terme pour répondre à sa mission de
production car c’est la situation de travail et la production qui
constituent un support d’insertion. Autrement dit, on ne cherche pas à
développer des compétences pour produire, on produit pour
développer des compétences.
Le champ de l’insertion par l’activité économique, s’organise à
différents niveaux :
1- Un niveau opérationnel de mise en œuvre du service demandé :
produire et accompagner.
2- Un niveau financier : avec une répartition des différents financeurs
par publics, moyens (accompagnement et encadrement) et
finalités (économique ou sociale).
3- Un niveau institutionnel et politique qui fixe le cadre règlementaire
dans lequel doit se réaliser l’action, détermine les objectifs à
atteindre et organise l’évaluation des moyens et des résultats
escomptés.
L’articulation de ces différents niveaux se joue dans les perspectives
de retour à l’emploi des publics accueillis, même si en fonction des
différents partenaires institutionnels, cet objectif peut être controversé.
Certains estiment, tel que le Conseil Général, que le développement
même du niveau d’employabilité de la personne peut constituer une
fin en soi, sans retour immédiat à l’emploi. A l’inverse, l’état par
l’intermédiaire de la DIRECCTE1, prône comme aboutissement
premier l’accès à un contrat de travail et/ou une entrée en formation
qualifiante. Au milieu, la structure d’insertion peut considérer que le
1 Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’emploi.
28
fait même d’embaucher la personne constitue une étape majeure à son
insertion compte tenu de l’impact de la mise en situation de travail en
termes de (re) socialisation.)
La question de la formation se profile alors comme une tentative de
résolution d’une problématique d’insertion professionnelle qui
transcende le cadre structurel de ce service.
1-2 La mission
Le terrain de notre mission ne porte que sur une unité de production
qui s’intègre dans un service en comprenant plusieurs1. Il s’agit, au
sein d’un chantier d’insertion, de l’activité consacrée à l’entretien et
l’aménagement des espaces verts qui comprend 4 salariés et un
encadrant technique. Le choix de cette entité comme terrain de
mission s’inscrit dans une conjoncture propice à une réflexion sur la
professionnalisation du fait que cette activité donne lieu à un projet de
création d’entreprise d’insertion; projet déposé auprès des services de
l’état au cours de notre mission et auquel nous participons.
Cependant, les limites de cette mission résultent dans ce qu’elle ne
traite que d’une partie de l’ensemble de la problématique générale
rencontrée sur un service d’insertion par l’activité économique à
savoir, la professionnalisation des salariés par rapport au poste de
travail qu’ils occupent et non l’accès à une professionnalisation qui se
rapporterait au projet de la personne parfois dénué de lien avec le
poste occupé.
En effet, les salariés embauchés dans le cadre d’un service d’insertion
par l’activité économique occupent une place bien particulière au
regard des autres salariés ; à aucun moment leur insertion
professionnelle ne peut se faire au sein même de la structure qui doit
pourtant contribuer au développement de leurs compétences. Ces
1 Se reporter aux schémas 1 et 2 en annexe
29
salariés en contrats aidés subissent une mobilité qui ne peut se réaliser
qu’en externe.
Ainsi s’opère une superposition de cadres, dispositifs et objectifs
institutionnels qui entrent impérativement en interaction avec les
projets individuels.
1-3 la problématique de départ
Nous nous proposons donc d’aborder notre thème de recherche à
travers la problématique suivante :
Comment l’ingénierie de formation pourrait- elle répondre à une
démarche d’insertion socio- professionnelle de personnes
embauchées dans le cadre d’une structure d’insertion par
l’activité économique ?
Nous préférons utiliser le terme d’insertion socio- professionnelle à
celui d’insertion professionnelle qui nous paraît faire débat pour les
raisons suivantes :
1- Comment mesurer l’impact d’une démarche de formation dans
l’accès à l’emploi puisqu’il faudrait d’une part suivre la personne
un certain temps après sa sortie de notre structure pour vérifier si
celui-ci se réalise. Quelle durée serait alors significative pour
pouvoir attribuer à la formation ce rôle.
2- Il parait hasardeux de pouvoir définir ce que l’on entend par
insertion professionnelle du fait qu’il faudrait prendre en compte
des critères tels que :
- La nature du contrat (contrat stable ou précaire, temps complet ou
temps partiel, etc)
- La nature de l’emploi : l’activité réalisée est-elle en lien avec celle
que s’était fixée la personne.
30
- Les perspectives de mobilité, évolution ou de reconversion
souhaitées par la personne ont- elle été atteintes ?
Ainsi, nous préférons parler d’insertion socio- professionnelle qui
prend en compte :
1-L’évolution globale de la personne et le développement de ses
compétences/aptitudes/qualités personnelles.
2-La poursuite du parcours dans une entrée en formation.
3-La notion de trajectoire professionnelle et le fait que l’accès à la
formation se traduit souvent par des allers et retours, des paliers
successifs entre le temps d’apprentissage extérieur à la structure et aux
dispositifs d’insertion et le temps « d’intégration » des retombées de
ces nouveaux apprentissages qui peut s’effectuer par un nouveau
passage dans nos structures
Les hypothèses
Hypothèse 1 :
L’ingénierie de formation répond à une démarche d’insertion
socioprofessionnelle en construisant un parcours qui s’enracine dans
l’émergence d’un projet de formation individuel « sur mesure ».
Hypothèse 2 :
Le projet de formation « sur mesure » se réalise dans la création d’un
lien cohérent et structuré entre les divers dispositifs d’apprentissage.
31
Hypothèse 3 :
La « reliance » de ces dispositifs élève ainsi le niveau d’employabilité
de la personne.
II- METHODOLOGIE
Pour reprendre l’expression empruntée à Paul Taylor1 nous
pouvons nous considérer comme un « chercheur indigène » qui,
appartenant au système qu’il étudie doit tenir compte des
représentations qu’il a à son encontre et de l’incidence de celles-ci
ainsi que de ses actes sur la recherche qu’il souhaite mener. Nous ne
pouvons alors, faire l’économie de l’analyse de notre rôle de
Conseillère en Insertion Professionnelle et ce pour trois raisons :
1-Nous devons prendre en compte l’impact de notre intervention en
tant que professionnel sur l’environnement que nous étudions
2-Du fait de ce rôle nous avons d’autant plus aisément accès à un
certain nombre d’informations informelles relevées en dehors du
temps définit par celui du master. Nous ne pouvons pas, en effet,
ignorer, les éléments recueillis au cours de nos 4 années d’activité
professionnelle sur ce poste.
3-Notre pratique professionnelle évolue en même temps que se réalise
l’étude. Cette évolution est guidée par une sélection opérationnelle de
ressources et outils utilisés au quotidien et qui empruntent leurs
1 Professeur à l’Université Rennes 2 in BREMAUD Loic et Catherine GUILLAUMIN Catherine (dir.), (2010), L’Archipel de l’Ingénierie de la formation, Mayenne, p 257.
32
savoirs faire à ceux de la démarche d’ingénierie que nous développons
en même temps dans ce mémoire.
2-1 Préambule au choix méthodo-logique.
A partir du moment où l’on étudie la construction des trajectoires
professionnelles des personnes nous ne pouvons que nous interroger
sur la place qu’occupe la formation initiale et professionnelle dans
celles-ci. Ces trajectoires résultent de décisions stratégiques que
réalisent tout un chacun en fonction d’un certain nombre de données
qu’il a en sa possession au moment d’opérer un choix qu’il estime
alors le plus opportun possible pour arriver à ses fin (la plupart du
temps, le maintien ou le retour à l’emploi). La manière dont s’opèrent
ces choix (et les revirements de situations qui peuvent s’en suivre !!)
nous parvient, dans un premier temps, principalement par le biais de
comportements et d’attitudes. Ceux-ci traduisent les représentations
auxquelles se réfère l’individu en pleine évolution. Celles-ci se
façonnent au gré des interactions qu’il a avec les diverses sphères.
Ces éléments signifient plusieurs choses. La réalité de la personne est
une donnée subjective qu’elle s’est construite et qui constitue une
construction symbolique lui permettant d’interpréter le monde dans
lequel elle évolue et de donner du sens à ses actions.
Du fait des contacts et échanges permanents avec les autres, que ce
soit au niveau professionnel, social ou privé, la personne réajuste la
perception qu’elle a du monde qui l’entoure. Elle évolue ainsi et
surtout parce qu’elle se définit à travers le regard que les autres
portent sur elle, le rôle qu’ils lui attribuent, et l’image qu’ils lui
renvoient d’elle même. Cette image étant plus ou moins en accord
avec ce qu’elle souhaite être ou faire, il peut s’en suivre un certain
nombre de conflits, cognitifs et identitaires, qui la poussent à réajuster,
ou pas, sa manière d’être.
33
D’autre part, ces comportements et attitudes, qui peuvent paraître
incohérents ou irrationnels, s’accompagnent, généralement,
d’explications qui les justifient et permettent à l’entourage d’y
associer une ou des raisons socialement acceptables. Ce n’est pas pour
autant qu’il s’agisse des raisons réelles qui ont motivé la personne à
adopter tel ou tel choix. Elle peut ne pas avoir conscience de ces
raisons (ce qui peut être le cas dans la reproduction d’un rapport à
l’éducation qui émane du premier contact qu’elle a eut avec le système
éducatif dans le cadre de la formation initiale, par exemple) mais elle
peut aussi délibérément choisir les arguments qui lui paraîtront les
plus convaincants pour ne pas avoir à se justifier et à rentrer dans le
détail d’éléments qu’elle estime relevant d’une affaire personnelle. A
l’aune des préceptes des phénoménologues (tel Merleau-Ponty entre
autres), il s’agit de considérer que derrière l’apparence il y a un sens.
2-2 Méthodologies
Ainsi, au vu de notre parcours personnel d’une part et du fait
que l’objet de l’ingénierie de formation s’enracine dans un contexte
qui génère des interactions qui lui sont propres, nous choisirons
l’ethnométhodologie1 comme mode d’investigation et d’analyse du
terrain de recherche.
2-2-1Quelques éléments de repères pour définir
l’ethnométhodologie
Il faut partir de l’idée que les individus produisent, au cours des
interactions, en permanence et de manière contingente l’ordre social
dans lequel ils vivent. On ne peut donc prévoir quels éléments
1 L’ethnométhodologie a été créée dans les années 1960 par Harold Garfinkel, élève de Talcott Parsons et Alfred Schütz. Après avoir connu un considérable succès dans les pays anglo- saxon notamment à travers la publication de l’ouvrage Studies in Ethnomethodology, Prentice-Hall, Englewood Cliffs (NJ), 1967 (trad. fr., Paris, PUF, 2007, l’ethnométhodologie a émergé en France dans un courant radical défendu par Robert Jaulin et Yves Lecerf.
34
individuels vont intervenir dans la formation d’une situation, d’une
rencontre (d’un projet). C’est pourquoi, les actions, en
s’accomplissant, exhibent, à travers des signes, ce qu’elles sont, ce
qu’elles signifient. Ces signes autoproduisent la norme en même
temps qu’ils sont identifiables, descriptibles et analysables par
l’individu même qui les produit. Une part importante de la démarche
ethnométhodologique consiste à observer les individus dans ce rôle de
« sociologue à l’état pratique », tel que les nomme Alfred Schütz1.
Sans ces analyses que les membres opèrent sur ce qu’ils sont en train
de faire, l’action se déroulerait autrement ou n’aurait peut être pas
lieu. Pour rendre compréhensible et cohérent chaque évènement, les
individus formulent des explications à leur sujet, nommées
« rationalités locales ». Elles définissent la manière dont chacun rend
compte de ses choix, de ce qu’il est en train de faire. Pour cela,
l’individu s’appuie sur ce qu’Harold Garfinkel2 désigne sous le terme
« d’accountability » et qu’il définit par « une représentation du monde
existant dans l’esprit d’une personne et servant de base à une
succession de prise de décisions dans le cadre d’activités pratiques ».
Cependant, cette représentation ne concerne qu’un ensemble restreint
de personnes qui la partagent et qui forment un univers local. Ce peut
être un groupe d’apprenants, un groupe de salariés, des partenaires
institutionnels qui répondent ensemble à une mission, etc. En
ethnométhodologie, on ne peut raisonnablement prétendre savoir et
interpréter ce qui se joue, ce qui se vit, ce qui se décide, si l’on ne
possède pas « la qualité de membre » qui renvoie à la plus médiatisée
notion d’appartenance sociale. C’est parce que le chercheur fait partie
1 SCHUTZ Alfred (1998), « Eléments de sociologie phénoménologique » in COULON Alain (2002), L’ethnométhodologie, Paris, PUF, Collect. Que Sais je ?, 127p.
2GARKINKEL Harold (1984), Qu'est-ce que l'Ethnométhodologie ?, in Arguments ethnométhodologiques, Cahier n° 3, pp. 54-99
35
du groupe qu’il peut accéder aux « allant-de-soi », c’est-à-dire ce qui
rend le groupe intelligible. Il s’agit d’affirmations qui mettent en jeu
des formes et des significations au cours de la communication et qui
n’ont pas besoin d’être explicitées parce qu’elles « vont de soit ». Le
terme même d’ « IAE » est un « allant se soi », il est compris de
l’ensemble des membres du système que nous étudions, aussi bien des
salariés en insertion, que des responsables et encadrants de la structure
ou de certains partenaires extérieurs. On touche d’ailleurs là, les
limites de la notion de membre et de groupe. Ceux-ci peuvent se faire
et se défaire d’une part (de nouveaux partenaires peuvent intégrer les
« allants de soi » dés lors qu’ils ont l’occasion d’être en contact avec
le groupe considéré, inversement, un salarié en insertion qui quitte la
structure pour rentrer en formation où parce qu’il a trouvé un emploi,
perd également la qualité de membre car dés lors, ses repères vont se
modifier). D’autre part, il faut tenir compte des interférences entre les
« allants de soi » qui ont lieu au cours des interactions entre les
membres des différents groupes en présence car le travail d’ingénierie
de formation se situe à l’interface de plusieurs d’entre eux et des
notions telles que celle d’individualisation ou de compétences par
exemple, peut ne pas avoir la même signification pour chacun d’entre
eux. Nous avons du alors de prendre acte d’une appartenance multiple
à divers groupes et de faire en sorte de réduire les écarts
d’incompréhension entre ceux-ci afin de mobiliser et relier les
ressources de chacun. On touche là à une des caractéristiques des
« allants de soi » : ils peuvent posséder, à certains moments et entre
certains individus un caractère arbitraire du fait que les individus
peuvent être obligés de négocier le sens de ce qui, à un moment
donné, ne va pas ou plus de soi.
Ainsi l’ethnométhodologie prône une position du chercheur qui
s’incarne dans le principe d’« ethnocentrisme réflexif ». Ce principe
privilégie deux éléments méthodologiques. Le premier que nous
venons d’évoquer et qui répond à « la qualité de membre » du
36
chercheur comme condition première de l’étude. Cette qualité doit
permettre de se prémunir de conclusions qui relèveraient d’un certain
ethnocentrisme tant décrié par les ethnologues et principalement
Claude Levi Strauss. L’ethnocentrisme étant entendu comme le fait
d’étudier une population à travers le prisme déformant de nos propres
représentations et schémas de pensée, de raisonnement voire d’a priori
à l’égard de cette population. La qualité de membre ne veut cependant
pas dire, dans notre cas, être comme ou occuper la même place, mais
faire partie du système. C’est pourquoi nous nous attarderons sur la
définition de notre position et des fonctions assignées par le groupe
lui-même et par des membres de groupes extérieurs, mais également
sur nos motivations. Cela n’est pas sans incidences sur les résultats de
l’enquête bien sûr. Le second élément prôné par l’ethnocentrisme
réflexif est celui de « la compétence unique » qui laisse au groupe la
compétence de se décrire lui-même. L’ethnométhodologie entend
ainsi emprunter les catégories dont elle a besoin au groupe même
qu’elle étudie afin d’éviter de faire de la description une opération
inductive. Ce paradigme développé par Harold Garfinkel vient de sa
volonté de « refuser de tenir compte du projet dominant qui vise à
évaluer, reconnaître, catégoriser, décrire(…) en se servant d’une règle
ou d’un étalon définis en dehors des situations(…). », et d’ajouter à
cela que « toutes les procédures qui invoquent des règles pour évaluer
sur un plan général les propriétés logiques et méthodologiques des
pratiques d’enquêtes et de leurs résultats, n’intéressent (pas)
l’ethnométhodologie(…sauf à les étudier en tant que
phénomènes…) ». Ainsi, le terrain étudié doit lui-même fournir les
éléments et cadre d’analyse au chercheur. Ceux-ci, en ce qu’ils
émanent du contexte de leur production/réalisation/utilisation
empêchent ce dernier de tomber dans les travers de l’universalité des
résultats de l’enquête.
Le contexte constitue bien l’axe central de la démarche
ethnométhodologique. Ceci induit une double compétence du
37
chercheur. S’appuyer sur l’indexicalité des choses dans son analyse.
Partant du constat que la vie sociale se construit à travers un langage
qui est celui de la vie de tous les jours, pour le comprendre, il faut
analyser les expressions indexicales dont le sens renvoie au contexte
de leur énonciation. Les mots ne prennent sens, qu’indexés à une
situation d’échange linguistique. Leur signification peut varier en
fonction de facteurs contextuels tels que la biographie du locuteur, son
intention immédiate, la relation unique qu’il entretien avec l’auditeur,
leurs conversations passées. Seconde compétence du chercheur en
ethnométhodologie, la réflexivité. H. Garfinkel avance à ce sujet que
« pour les membres de la société, la connaissance de sens commun des
faits de la vie sociale est institutionnalisée comme connaissance du
monde réel ».1 La réflexivité exprime alors l’équivalence entre la
compréhension d’une interaction et l’expression de cette
compréhension.
Nous rajouterons qu’aborder une étude sous l’angle
ethnométhodologique nous permet d’accéder à des éléments d’analyse
portant sur des « non-dits » et pour autant centraux. Nous le verrons
en abordant par exemple la question liée de l’employabilité. Une
simple étude d’analyse de contenu d’entretien ne nous aurait pas
permis d’accéder au sens singulier de ce concept qui n’est jamais cité
en tant que tel.
Pour conclure et résumer notre posture méthodologique, nous nous
réfèrerons à la notion d’indifférence ethnométhodologique qui veut,
entre autre, que le chercheur dépasse les aléas idéologiques, affectifs
ou politiques qui peuvent naturellement naître du fait de sa qualité de
membre, en restant la garant/ le maître de la définition des conditions
et du cadre de réalisation de l’étude. En cela, il doit réguler les
échanges et veiller « à mettre sous contrôle les processus
1 COULON Alain (1996), L’ethnométhodologie, Paris, Ed.PUF, Collect. Que sais je ?
38
d’induction ».1 De manière paradoxale, nous devons nous fondre dans
l’activité du groupe étudié en étant aussi participant que possible et
par ailleurs nous devons faire preuve d’une indifférence suffisante
pour garantir notamment l’application du principe de compétence
unique.
2-2-2 Biographie éducative
Partant du constat que les adultes en formation ont leurs propres
objectifs qui s’avèrent parfois différents de ceux poursuivis par le
cadre dans lequel a été conçue la formation, nous développerons une
approche qui s’inspire de celle de la « biographie éducative » prônée
par Pierre Dominicié2. La préoccupation première d’une telle
démarche réside donc moins dans l’effet des programmes éducatifs
que dans les processus qui amènent les adultes à se former.
Cette approche se distingue des simples récits de vie, en ce qu’elle
oriente la reconstruction narrative des parcours de vie selon une
direction donnée et dans le but précis de mettre en évidence ce que les
adultes font de leur éducation dans leur parcours de vie.
Prenant le contre-pied de différents champs disciplinaire et notamment
de ceux qui abordent la question de manière plus quantitative ou à
l’inverse trop psychologique, il propose d’appréhender la dynamique
de la formation d’avantage à travers « l’analyse biographique que les
adultes font de leur éducation » qu’à travers la structuration des
programmes.
1 LECERF Yves (1985), « Lexique ethnométhodologique » in Pratiques de formation (analyses), Ethnométhodologies, ( Université de Paris VIII), numéro spécial de la revue Pratiques de formation, numéro double pp 11-12. 2 DOMINICIE Pierre(1992), L’histoire de vie comme processus de formation, Héricourt, L’Harmattan, Collection Defi-formation, 174p
39
Selon Vincent Merle1, « un adulte en formation n’est pas quelqu’un
qui ne sait pas mais quelqu’un qui aspire à savoir autrement pour
mieux construire sa propre autonomie de pensée et d’action ».
Cependant, nous ne pratiquerons que des entretiens oraux individuels
qui s’appuient sur l’ambivalence du parcours retranscrit dans le CV et
celui réellement et subjectivement vécu par la personne. Nous ne
pouvons donc que nous inspirer de cette méthode qui éprouve dans
notre cas particulier ses limites. En effet, pour aller au bout de la
démarche, il faudrait qu’il y ait passage à l’écrit et entretiens
collectifs. Or, pour ce faire, il faut qu’il y est un minimum de
disponibilité intellectuelle de la personne et une certaine confiance en
soi, notamment dans le fait de juger que sa propre vie, bien que
jalonnée d’embûches et étiquetée comme « en insertion », présente un
intérêt et soi porteuse d’actions éducatives pertinentes. Même si ce qui
importe réside moins dans les actes que dans l’interprétation que l’on
en donne. Une telle démarche doit impérativement prendre en compte
la posture et le rôle joué par chacun des protagonistes (Conseiller en
insertion/accompagné) qui génère des relations de confiance et/ou
méfiance au regard des enjeux institutionnels (l’un doit s’insérer
l’autre doit insérer), du cadre plus ou moins formel de la rencontre,
(on raconte toujours plus facilement sa vie dans une voiture que dans
un bureau), de pouvoir (chacun détient un savoir, l’un institutionnel,
l’autre personnel). L’échange doit donc être réciproque pour que les
deux parties atteignent chacune leurs objectifs même si la réciprocité
exacte ne semble pas possible, car de manière volontaire ou non,
chacune des deux parties ne délivrera que les infos qui lui paraissent
utiles et pertinentes quant aux fins qu’elle poursuit.
1 MERLE Vincent in MORVAN Yves, (dir.) (2006), La formation tout au long de la vie, Nouvelles questions, nouvelles perspectives, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 311p.
40
Ainsi la personne ne dira jamais que ce qu’elle se sent capable de
partager, interpréter et ce qu’elle pense que l’interlocuteur est en
mesure d’entendre. A ce sujet, les personnes ne recherchent-elles pas,
quand elles racontent leur vie à favoriser, sélectionner et enjoliver les
éléments de leurs parcours les plus valorisants qui auraient contribué à
leur réussite. Où bien ne présentent-elles à l’inverse que ceux qui ont
contribué à l’échec et qui expliquent la situation dans laquelle elles se
trouvent ? Dans tous les cas la biographie éducative remplie peut être
son rôle d’autonomisation par rapport à un processus institutionnel qui
tendrait à une certaine uniformisation de l’éducation et empêcherait
les individus de s’approprier à travers des savoirs informels, leur
propre parcours et la connaissance et/ou compréhension qu’ils
pourraient avoir de ce qui leur à permis d’en arriver là et par
conséquent leur donner l’occasion de poursuivre une dynamique
ascendante ou d’enrayer un fonctionnement excluant ?
2-3 Eléments de validité et de pertinence
Se pose alors l’éminente question de la validité d’une étude
construite dans le cadre de ce qui s’apparenterait à une « recherche-
action ». Nous nous attacherons, pour assurer la fiabilité et la
pertinence des résultats à respecter trois caractéristiques
élémentaires :
1- La pertinence des éléments recueillis qui proviennent de sources
dites « de première main ».
2- La quantité suffisante des sources d’information.
3- La diversification et l’entrecroisement des sources d’information
qui proviennent des discours, observations, attitudes des personnes
mais également de l’analyse de documents officiels (accord cadre,
textes de lois, rapport d’études de bonnes pratiques, conventions).
Nous avons défini notre support de recherche en fonction du public
accueilli sur notre structure. A ce sujet nous n’avons pas la main mise
41
sur le type de population auprès de laquelle nous avons mené notre
étude. Nous pouvons cependant réaliser la présentation synthétique
suivante. Au total, 45 personnes étaient présentes sur notre structure
au moment de l’étude dont 23 femmes (51%) et 22 hommes (49%).
Cette quasi parité masque l’inégale répartition des sexes par type
d’activité et de service. Ainsi, on retrouvera majoritairement des
hommes sur les activités liées au travail du bois, des espaces verts et
du second œuvre, alors que l’on retrouvera majoritairement des
femmes sur celles liées au secteur du nettoyage et de la restauration.
La moyenne d’âge se situe à 38 ans et résulte d’un écart conséquent
entre les plus jeunes salariés (20 ans) et les plus âgés (60 ans). Au
moment de notre étude, 38% des personnes étaient présentes sur la
structure depuis moins de 6 mois, 33% de 6 à 12 mois et 29% depuis
plus de 12 mois. Cela signifie qu’il faut prendre en compte le fait que
certaines sont déjà entrées dans une démarche de formation au
moment de notre étude. Le niveau de qualification des salariés
reflètent la mission de professionnalisation attendue par notre
structure : 20% de ceux-ci ont un niveau VII, 26% un niveau VI, 38%
un niveau V, 7% un niveau V bis, 7% un niveau IV et 2% un niveau II
(il s’agit de personnes d’origine étrangère qui se sont vue reconnaître
une équivalence de niveau d’étude). Ceci est à mettre en lien avec la
durée de l’expérience professionnelle acquise avant la signature de
leur contrat : 40% avaient une expérience inférieure à 1 an, 2% avaient
une expérience comprise en 1 et 5 ans et 58% avaient une expérience
supérieure à 5 ans. Enfin, il faut noter que 40% du public accueilli
sont des personnes d’origine étrangère, 20% proviennent d’Afrique,
16% d’Europe de l’est, 2% d’un pays de l’Union Européenne et 2%
des Antilles. Nous verrons comment cela a une incidence notoire en
termes d’identité et de parcours professionnel mais également dans le
sens accordé à la formation.
D’autre part, nous avons poursuivi notre investigation en menant une
série d’entretiens auprès de professionnels représentants les
42
partenaires qui interviennent le plus régulièrement dans les parcours
de formation des salariés, à savoir :
Les partenaires financiers :
La chargée de mission de Pôle Emploi pour les publics relevant de
l’insertion par l’activité économique.
L’adjoint à la direction du service RSA du Conseil Général.
Le chargé de mission de la DIRECCTE en charge du dispositif
compétences clés.
Les partenaires prestataires de formation.
La responsable formation du GRETA en charge du dispositif
compétences clés.
La chargée de mission d’un centre de formation réalisant une
prestation de formation Français Langue Etrangère pour le compte de
l’OFI (Office Français de l’immigration).
Le chargé de mission territorial pour la validation des acquis de
l’expérience.
Des représentants d’autres structures d’insertion par l’activité
économique
Nous devons mentionner que nous n’avons pu, pour des raisons
éthiques, enregistrer les entretiens du fait que les protagonistes
considèrent que leur contenu peut représenter des enjeux sociaux et
politiques locales. Compte tenu du territoire sur lequel porte l’étude, il
en est effet très facile d’identifier à qui appartiennent les propos
retranscris puisqu’il n’y a bien souvent qu’un seul professionnel
compétent en la matière.
43
PARTIE III : ETUDE
I-L’INGENIERIE DE FORMATION ENTRE PROJET
INDIVIDUEL ET PROJET INSTITUTIONNEL
1-1 La construction d’un projet personnel de formation
Il s’agit pour la personne de réussir à élaborer un projet professionnel
qui témoigne d’une capacité de projection dans l’avenir qui tienne
compte des éléments de son passé ainsi que ceux liés au contexte
socio-économique du moment. Le projet de formation s’inscrit alors
dans un cadre plus global qui est celui du projet de vie.
1-1-1 Socialisation et identité socio- professionnelle
Le projet formation fait souvent suite à l’identification d’un secteur
d’activité et/ou d’un métier visé par la personne. Plusieurs stratégies
s’observent.
- L’emploi visé relève d’une opportunité liée au poste occupé dans la
SIAE et qui lui permet de développer certaines compétences, mais il
peut également s’agir des possibilités offertes par le bassin d’emploi.
- Le choix de l’emploi visé s’opère par mimétisme par rapport à une
communauté de pairs au parcours ou au profil socio-biographique
similaire. Ceci se vérifie notamment pour les personnes d’origine
étrangère qui transpose en France la trajectoire poursuivie par certains
compatriotes dans leur pays d’origine.
- Le choix est un non choix dans la mesure où il s’agit d’envisager une
solution qui soit un moindre mal, « Là où ils voudront bien de moi ».
44
- L’identification d’un emploi visé fait suite à un projet qui a muri et
s’est construit au fil du temps par adjonction d’éléments qui
contribuent à en prouver la pertinence. Il s’agit d’un choix délibéré.
Lorsque le projet formation ne succède pas à cette démarche préalable
il relève d’un concours de circonstances, « être au bon endroit au bon
moment ». Cependant, cela peut ne pas suffire, et pour que cela
fonctionne encore faut-il posséder les pré-requis nécessaires
généralement acquis au cours des différentes phases de socialisation
rencontrées par la personne que ce soit dans la sphère scolaire,
professionnelle ou familiale.
En effet, nous pouvons considérer que ce qui permet la définition d’un
tel projet prend racine dans le processus même de socialisation,
« processus de construction, déconstruction et reconstruction
d’identités liées aux diverses sphères d’activité que chacun rencontre
au cours de sa vie et dont il doit apprendre à devenir acteur »1.
Cependant, nous pouvons constater à quel point « être l’acteur »
relève souvent d’une gageure par delà les signes apparents
d’autonomie et de liberté opérés par les personnes dans leurs choix
professionnels. En ce sens, nous nous réfèrerons au concept d’habitus
développé par Pierre Bourdieu et qu’il définit par des : « systèmes de
dispositions durables et transposables, structures structurées
prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-
dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et
de représentations ». 2 Ainsi, la direction donnée par les personnes à
leur avenir professionnel s’inscrit dans une stratégie globale
gouvernée par les représentations qu’ils nourrissent quand à la place
qu’ils occupent et aux chances qu’ils ont de parvenir à mener à bien
1 DUBAR Claude (2000), La socialisation, construction des identités sociales et professionnelles, 3ème édition, Paris, Armand Colin, 255p.
2 BOURDIEU Pierre (1980), Le sens pratique, Paris, Edition de Minuit, Coll. « Documents », 475p.
45
tel ou tel projet. Ces représentations sont le fruit de l’incorporation
d’un habitus qui prédispose la personne à telle ou telle trajectoire
sociale. Nombre de personnes accueillies sur le SIAE n’en sont pas à
leur premier coup d’essai et leur CV témoignent bien souvent d’un
retour cyclique sur ce type de structure.
Il faut alors considérer que la seule définition d’un projet
professionnel ne suffit pas à l’identification d’un projet formation.
Pour ce faire il faut que le manque de qualification soit d’une part
identifié par la personne comme étant un frein à l’emploi et que
d’autre part, la démarche du projet formation soit prioritaire sur
d’autres besoins.
1-1-2 Des besoins aux moyens : le « principe de réalité »
Le projet formation s’inscrit alors, dans un premier temps, entre un
imaginaire idéal et ce que les travailleurs sociaux appellent « principe
de réalité ».
Ce faisant, nous observons que la chronologie des besoins à satisfaire
tel que l’a développé Maslow1 se vérifie pleinement dans la réalisation
du projet formation lui-même mais ne se vérifie pas dans sa
conception. En effet, pour nombre de personnes en situation précaire
qui se projettent volontiers dans un projet formation celui-ci répond
alors à la volonté suivante :
- Prendre sa revanche sur une situation excluante.
- Supplanter les problèmes du quotidien
1 Rappelons que Abraham Maslow recense en 1943 ces besoins des plus vitaux aux plus secondaires dans une pyramide à la base de laquelle se trouvent les besoins physiologiques, puis les besoins de sureté et de sécurité, les besoins d’amour et d’appartenance, de reconnaissance et estime de soi et enfin de réalisation. Il postule que l’on ne peut atteindre l’échelon supérieur sans avoir satisfait le besoin du niveau inférieur. Nous observons que cette linéarité n’est pas toujours de mise même si globalement elle se vérifie.
46
- Créer de toute pièce un projet parce que cela fait partie de la
contrepartie imposée par la structure et la nature du contrat proposé.
Pour autant, la personne semble en oublier qu’elle est confronté a ce
que Maslow a définit comme le besoin de sureté et de sécurité, besoin
en partie satisfait par le contrat de travail qui lui est proposé. Mais
nous constatons que celui-ci ne suffit pas à mener à terme un projet
formation si les quatre autres éléments que sont la santé, le logement,
la situation financière et la situation familiale ne présentent pas une
certaine stabilité.
La réalisation d’un projet formation relève pour les personnes en
insertion d’une prise de risque que peu de personnes peuvent se
permettre. Cette prise de risque intervient à trois niveaux :
Prise de risque financière parce que c’est un jeu relativement
complexe que de parvenir à assurer des conditions financières aussi
favorables pendant la formation qu’en emploi. Pour des personnes
pour qui le contrat de travail représente enfin la possibilité tant
attendue de stabiliser une situation matérielle dégradée, un tel
engagement peut porter à confusion.
Prise de risque professionnelle car la personne connaît la stabilité
d’une situation liée à l’emploi et la perspective de pouvoir commencer
à planifier des projets contribuant à sa resocialisation tant personnelle
que professionnelle, choses que beaucoup de personnes avaient
renoncées à faire du fait d’une gestion immédiate du quotidien.
L’entrée en formation relance l’incertitude quant aux perspectives
d’insertion professionnelle.
Prise de risque personnelle car qui dit entrée en formation dit
restructuration identitaire là où l’accès à l’emploi venait juste parfois
de permettre de recoller les morceaux d’un parcours empreint
d’expériences parfois dévalorisantes si ce n’est destructrices qui ont
contribué à éroder la confiance en soi de la personne. Entrée en
47
formation c’est prendre le risque de l’abandon et/ou de l’échec,
ravivant des plaies encore mal cicatrisées et replongeant la personne
dans un parcours d’insertion là où la formation aurait du jouer le rôle
inverse.
Ainsi, dés lors que le projet formation s’inscrit plus globalement dans
un projet de vie, certaines personnes auront tendance à privilégier,
dans les autres sphères, la recherche de solutions qui évinceront la
nécessité d’une entrée en formation et apporteront des garanties de
socialisation plus fiables (à cours terme bien souvent) tant au niveau
matériel qu’humain. En témoigne, entre autres, les grossesses répétées
qui font suite au contrat de travail.
La notion de « projet » prime donc mais ne peut se concevoir, comme
nous l’avons vu, que comme une donnée personnelle. Il faut
considérer qu’il s’agit de toute façon d’un construit social et
institutionnel qui veut qu’une personne en difficulté face à l’emploi ne
peut pleinement savoir où elle va et par quels moyens elle compte y
arriver. Pour cela, indépendamment d’une volonté personnelle, et pour
pallier l’éventuelle absence de celle-ci (puisqu’il n’est pas acceptable
d’envisager qu’une personne sans emploi n’ait pas la volonté de s’en
sortir !), les politiques en faveur de l’emploi se chargent de mettre en
place des dispositifs dont l’objectif est de « produire du projet
professionnel ». Ainsi, les aspirations personnelles se retrouvent
fatalement confrontées aux aspirations et impératifs que se donne la
société pour réguler un marché de l’emploi qui génère de l’exclusion.
1-2 Du projet personnel au projet institutionnel
La formation embrasse, d’après nos observations, un spectre plus
large que celui de l’insertion professionnelle. Elle contribue à former
des individus doués de compétences sociales pour qui le projet
formation s’inscrit dans un parcours/un cheminement qui n’a pas pour
48
seule finalité l’emploi mais le savoir « vivre en lien », savoir se
gouverner (au sens de savoir faire des choix, élaborer des stratégies),
savoir se situer (par rapport à un environnement social).
Héritage des politiques de l’emploi de la période des années 1980 où
s’est mis en place toute une gamme de mesures qui œuvre dans le sens
d’une individualisation des parcours qui marque encore aujourd’hui de
son empreinte indélébile le cadre d’action des systèmes de formations
à destination des publics en insertion ; nos structures interviennent
comme un des rouages d’un ensemble de dispositifs qui contribuent à
la construction d’une action communément appelé « parcours
d’insertion professionnelle ».
Cela signifie deux choses pour le public accueilli:
1-Il intègre un système conçu pour répondre à une problématique
globale commune à un ensemble de demandeurs d’emploi qui doivent
cependant pouvoir y trouver une réponse qui soit spécifiquement
adaptée à la situation de chacun.
2-Ce système réalise (à travers l’accueil, l’orientation et le suivi du
public) l’élaboration d’un projet professionnel et/ou la recherche
d’emploi ainsi qu’il veille au bon déroulement de la période de travail
ou de formation, doit, pour se faire, garantir que son action intègre en
permanence une dimension inter- institutionnelle.
Ainsi, l’ingénierie de formation doit tenir compte des différents
échelons qui interviennent dans l’élaboration du projet formation et
qui poursuivent chacun des objectifs parfois divergeant mais qu’il faut
tendre à faire converger:
Au niveau individuel, nous recensons deux principaux objectifs
professionnels poursuivit par l’entrée en formation. :
1- Les personnes qui veulent atteindre un niveau social jamais atteint,
49
soit du fait d’une rupture dans la vie personnelle qui a empêché de
poursuivre des études déjà entamées (par exemple le cas des
personnes réfugiées politique), soit parce que la possibilité ne leur a
jamais été offerte de commencer, soit parce qu’un premier niveau de
qualification avait été atteint mais n’a jamais donné suite à une réelle
insertion professionnelle ou à une poursuite d’étude.
2- Les personnes qui veulent retrouver le niveau social atteint avant la
ou les éventuelles ruptures que ce soit sur le même secteur
professionnel ou dans le cadre d’une reconversion.
La structure d’insertion peut alors tenter de répondre en partie, aux
demandes individuelles puisqu’elle doit répondre à un objectif de
retour à l’emploi. Cependant, elle doit également se préoccuper
d’accroître la productivité de l’individu (« maîtrise du travail que l’on
fait ») car elle se doit d’atteindre ou de maintenir un équilibre
financier. Le développement des compétences des salariés représente
un enjeu ambivalent qui peut lui profiter à court terme mais ne pas
répondre à ses besoins à long terme. La professionnalisation peut
même lui nuire à court terme car elle implique de dégager du temps et
des moyens qui rendent le salarié momentanément improductif et
constitue parfois une source de renoncement au projet formation ou au
fait de privilégier certaines voix de qualification plus que d’autres.
Les autres intervenants, communément appelés « partenaires »,
agissent dans une visée de coopération voire de collaboration tant au
niveau de la démarche d’élaboration que de réalisation du projet
professionnel. Ils sont cependant constitués d’organismes aussi divers
que les centres de formation, les collectivités territoriales, OPCA,
associations et entreprises. Tous ont en commun de rechercher et/ou
50
de contribuer à la qualification des personnes de faibles niveaux1 et
font de la sécurisation des parcours leur cheval de bataille. Cela se
traduit par la volonté de promouvoir des passerelles entre les divers
dispositifs, financement ou organismes de formation. Dans la réalité,
chacun n’y parvient bien souvent que dans le secteur qui est le sien
parce qu’il peine à maîtriser le fonctionnement de l’ensemble des
rouages qui gouvernent les autres. Interrogés sur la notion de projet
individuel, deux types de partenaires se dégagent. Ceux qui répondent
à un objectif de résultat (certification) et qui voient dans la formation
une fonction utilitaire (la plupart du temps liée au retour à l’emploi ou
l’entrée sur une autre formation). Ceux qui répondent à des objectifs
de moyens et qui voient dans la formation une visée beaucoup plus
globale, conçue comme une étape préalable à une autre série d’étapes
(qui ne relèvent pas d’ailleurs nécessairement du champ de la
formation ou de l’insertion professionnelle).
Cependant, un élément traverse l’ensemble des projets individuels et
institutionnels : la question du financement. Celui-ci détermine et peut
remodifier les objectifs poursuivis et/ou imposés à chacun et fixe bien
souvent les règles du jeu car au final, la réalisation du projet formation
s’inscrit dans une logique perverse : pas de moyens sans projet et pas
de projet sans moyens.
Conclusion intermédiaire:
La superposition entre politiques de l’emploi, insertion et formation
tend à définir le propre de l’ingénierie de formation :
Trouver une cohérence entre les prérogatives de ces différents
niveaux et celles de la personne.
Faire émerger des solutions nouvelles qui soient des voix possibles
d’accès à la formation parfois encore non envisagées par la personne.
1 Niveau V ou infra ou niveau IV dés lors que la qualification est obsolète.
51
L’amener à considérer ces possibles comme des opportunités et non
comme des contraintes. Ce faisant, c’est lui permettre d’être acteur et
non spectateur de son projet de formation.
1-3 Des projets « sur mesure »
Le projet formation qui s’élabore au niveau individuel et se réalise
dans un cadre institutionnel relève d’une construction cousue main
tant chaque nouveau projet s’inscrit dans un agencement des éléments
qui le compose qui lui est propre. Pour se faire, la démarche
d’ingénierie de formation s’appuie sur trois axes.
1- La définition de l’objet de formation. Il s’agit de déterminer la
nature et le niveau auquel il se situe. Plusieurs possibilités :
Les actions d’évaluations qui comprennent l’évaluation des
compétences (immersion en entreprise), l’aide à l’élaboration du
projet professionnel (Bilan de Compétences), l’évaluation du potentiel
scolaire (test de niveau, POPS1) ou professionnel (test d’habileté PVF 2), l’évaluation des connaissances professionnelles(ECP).
Les actions de remise à niveau, de préparation à des concours ou
entrée en formation (DAEU3, Savoirs de base).
Les actions de qualifications qui incluent :
La professionnalisation et l’apprentissage en emploi.
La certification.
L’expérience professionnelle qui met en œuvre des savoirs acquis
mais non expérimentés.
1 POPS : Prestation d’orientation professionnelle personnalisée, dispositif pôle emploi.
2PVF : Plateforme des vocations, dispositif de tests d’habiletés de pôle emploi préalable à un recrutement 3DAEU : Diplôme d’Accès aux Etudes Universitaires
52
La reconnaissance de niveau d’étude ou de diplôme pour les
personnes d’origine étrangère.
2- L’identification du cadre de réalisation de l’action de formation.
Chaque personne, au moment d’élaborer son projet formation, est
parvenue à un certain stade de maturation qui la conduit à être plus
réceptive et enclin à tel ou tel type de pédagogie ou de format de
formation. Il s’agit de repérer, avec elle et aux vues de son parcours, la
cadre qui favorisera le plus la réussite du projet. A ce sujet, nous
remarquons, à travers l’analyse des CV et des entretiens, que nous
pouvons différencier ce que H. Lasker et J Moore (1979) décrivent
comme des stades et des phases dans la vie d’un adulte. Les premiers
correspondent à des périodes fixes ou chronologiquement arrêtées et
les seconds correspondent au processus de développement sans que
ceux-ci soient nécessairement attachés à une période de l’existence. Il
convient alors de tenir compte de ces différents temps qui divergeront
d’une personne à une autre. Il s’en suit, au moment où se construit le
projet formation, une prédisposition momentanée, à recevoir de
nouveaux apprentissages sous certaines formes plus que d’autres.
Nous développerons cette idée dans le chapitre 3.
3- Le maillage des dispositifs et financements permettant la
réalisation de l’action.
Le jeu est complexe puisque la recherche des moyens financiers tient
en majeure partie à la possibilité de mixer des ressources pour partie
du au fait que les personnes soient salariées et pour partie au fait
qu’elles soient demandeurs d’emploi. (A la marge, mais très rarement,
il peut y avoir une prise en charge du fait qu’elles aient une
reconnaissance travailleur handicapé). Il faut prendre en compte deux
nécessités : le financement de l’action de formation et la rémunération
53
de la personne pendant la formation. Mais il faut également tenir
compte du temps pendant lequel se réalise l’action. Ce peut être celui
de la durée du contrat de travail, auquel cas l’action de formation peut
avoir lieu pendant ou hors temps de travail (avec une règlementation
spécifique à chaque cas de figure en matière de récupération du temps
de formation) et impliquer pour des formations longues un
engagement de la structure sur un renouvellement de contrat. L’action
de formation peut également se réaliser en dehors du contrat de
travail, ce qui soulève d’épineux problèmes en termes de rémunération
liées aux possibilités de rupture anticipée du contrat. Compte tenu de
la complexité des combinaisons possibles, nous préférons nous
reporter au schéma1 qui représente une vision globale et synthétique
des différents cas de figure.
Nous constatons que l’interdépendance des ressources entre elles, rend
le projet formation relativement aléatoire et peut paraître déroutant
pour des personnes qui vivent une précarité sociale quotidienne. Il
génère alors méfiance et déférence là où il se présentait au départ
comme voie de stabilité.
La caractéristique majeure dont il faut tenir compte sur ce volet qui
relève de « l’ingénierie financière », tient à une très forte
hiérarchisation et un nivellement des niveaux d’intervention des
différents opérateurs financiers. Il faut ainsi différencier les
partenaires qui ont pour compétence le financement de formation
(région, OPCA) et ceux pour lesquels il s’agit d’une compétence
« annexe » (Conseil général). D’autre part, il faut également
différencier les stratégies et logiques inhérentes à chacun à savoir sur
quels types de financements ils interviennent (frais pédagogiques,
frais annexes, salaires) et les critères d’attribution (co- financement ou
financement unique). Pour plus de clarté, la complexité de cette inter-
institutionnalisation financière est présentée en annexe2. Il faut
1 Se reporter à l’annexe 3 2 Se reporter à l’annexe 4
54
cependant noter qu’aucune action de formation ne peut se réaliser sans
un respect scrupuleux et diplomatique de cette « culture » des
dispositifs financiers.
1-4 Du rôle du conseil et de l’orientation : identifier le besoin
Selon Bernard Masingue1, il est impossible, au vue des nouvelles
formes du marché de l’emploi (insécurité, fléxi- sécurité) de penser
que chacun peut être « entrepreneur de lui-même » dans la création, le
maintien et le développement de son employabilité. Le rôle de
l’ingénieur formation dans la SIAE naviguerait entre une mission
d’orientation, conseil, accompagnement et évaluation qui prenne en
compte les particularités d’un public dont la relation à l’emploi
présente des spécificités.
Premièrement, dés lors qu’il s’agit de former des adultes apparaissent
deux éléments intrinsèques:
1- Les personnes ont besoin de donner du sens à l’action de formation.
Ce qui signifie qu’elles s’engageront plus facilement sur des
actions dont elles auront le sentiment d’avoir eu l’initiative. Le
rôle du conseiller formation consistera alors à leur (re) donner la
main mise sur le projet formation même si dans les faits, le
contexte institutionnel influe parfois majoritairement.
2- Ce sens s’inscrit dans un contexte socio- professionnel ou les
apprentissages ne sont pas que de simples connaissances
techniques mais des savoirs génériques transférables à la vie
sociale. Le conseiller formation doit alors parfois favoriser
1 BREMAUD Loic et Catherine GUILLAUMIN Catherine (dir.), (2010), L’Archipel de l’Ingénierie de la formation, Mayenne, 364p.
55
l’explicitation de ce lien qui rend attractif tel ou tel projet
formation.
Nous observons que ces deux éléments prennent en compte des
objectifs « primaires », ceux officiellement poursuivis par la personne
en formation et qui servent de point de départ entre celle-ci et les
partenaires institutionnels et des objectifs « secondaires », non
officiellement avoués excepté parfois auprès du conseiller qui peut les
utiliser comme « argument de vente ».
Deuxièmement, nous constatons que l’on parle plus souvent de
publics « accueillis » que de personnes embauchées ce qui modifie
pour partie la nature de l’accompagnement vers le projet formation qui
se développe autour de la notion de « personne en insertion ». Il faut
ainsi entendre par là, des personnes privées d’emploi mais pas
seulement puisqu’il s’agit également d’une privation de
reconnaissance socio-économique et des droits afférents. La situation
sociale de la personne à son entrée sur la structure induit alors un
rapport au marché du travail qui n’est pas anodin dans une démarche
de formation. Trois types de publics se distinguent.
1- Ceux qui bénéficient de ressources directement liées à des droits
acquis du fait d’une activité salariée (ARE, ASS1) et qui
maintiennent de ce fait un lien plus étroit avec le monde du travail
qu’avec celui de l’assistanat.
2- Ceux qui ne bénéficient que des minima sociaux (RSA, AAH2) et
qui ne relèvent, de fait, que de l’assistanat parce que le lien avec le
secteur économique est depuis plus ou moins longtemps et pour
plus ou moins longtemps encore rompu.
3- Ceux qui sont « sans droit » et qui incluent deux types de
population n’ayant pas suffisamment travaillés pour ouvrir des
1 ARE : Allocation de retour à l’Emploi et ASS : Allocation de Solidarité Spécifique. 2 RSA : revenu de solidarité Active et AAH : Allocation Adulte Handicapé.
56
droits aux indemnités chômage mais qui ne peuvent pas non plus
prétendre aux minima sociaux. Les étrangers qui possèdent un titre
de séjour de un an et qui sont présent depuis moins de cinq ans sur
le territoire et les jeunes de moins de 25 ans. L’enjeu pour eux est
d’éviter de faire leur entrée dans le monde socio-économique par
le biais de l’assistanat en valorisant l’accès à l’emploi et/ou à la
formation.
Ainsi, pour la personne, ce qui tisse le lien entre la formation et
l’emploi dépend de sa situation personnelle au regard de celui-ci.
Selon une définition de l’Organisation pour la coopération et le
développement économique (OCDE), l’orientation professionnelle
répond à 3 grandes missions :
1- Permettre l’accès à l’information sur les métiers, les qualifications
et les formations
2- Assurer des prestations de conseil et d’appui dans l’identification
des potentialités de l’individu en cours de définition ou de
redéfinition d’un parcours professionnel ou de formation
3- Des mesures d’accompagnement personnalisées dans la mise en
œuvre du parcours qui mène vers l’emploi ou la formation.
Nous pouvons reprendre à notre compte ces trois axes et
ajouterons que le rôle du conseiller en formation sur une SIAE permet
de répondre en premier lieu à la question suivante : le problème est-il
réellement un problème de formation ? Pour banale qu’elle puisse
paraître, cette question ne l’est pas, de fait, pour des personnes qui
conjuguent un certain nombre de difficultés. Nombre de partenaires
réalisant des actions d’accompagnement et/ou de prescription voire
même de formation tiennent pour acquis un projet formation qui
masque en réalité une détresse et une incapacité à se situer et à se
positionner objectivement sur le marché de l’emploi.
57
L’accompagnement favorise l’auto évaluation et ne peut se cantonner
à une relation de face à face avec un interlocuteur unique, mais
procède d’allers et retours réguliers, sur une période donnée, et
favorise la mobilisation des divers moyens qui fassent le lien entre
l’individu et la société (emploi), ses compétences et son projet, son
projet et les moyens dont il dispose. Il faut cependant, pour que cela
soit concluant, qu’il y ait une personne ressource qui soit un fil
conducteur entre les multiples autres interlocuteurs1.
Au final, si le projet aboutit, c’est du fait de l’individu et rarement de
l’infrastructure qui ne vient que soutenir, impulser, organiser une
démarche portée en germe par la personne.
Conclusion intermédiaire :
Nos premiers constats apportent la preuve, qu’en dépit du
développement des métiers de la formation et de la
professionnalisation des « ingénieurs » formation, ceux-ci ne peuvent
plus se contenter d’appliquer une démarche unidimensionnelle mais
user de méthodes qui prennent en compte l’interférence de projets
individuels et collectifs qui nécessitent un savant mélange de conseil,
orientation, accompagnement et d’expertise.
Jean Clénet postule que « l’ingénierie de la formation de qualité
s’enracine dans des génies inventifs, capables de différencier des
niveaux d’actions, de les hiérarchiser, et surtout de les relier dans un
projet rendu convenable ».2
Tout l’enjeu de la construction d’un projet professionnel réside dans la
jonction entre des prérogatives personnelles et institutionnelles et en
cela le rôle d’accompagnement, parce qu’il centralise la connaissance
1 Se reporter à l’annexe 5. 2 CLENET Jean (2005), « Complexité de la formation et formation de la complexité » in BREMAUD Loic et Catherine GUILLAUMIN Catherine (dir.), (2010), L’Archipel de l’Ingénierie de la formation, Mayenne, 364p.
58
du fonctionnement des deux parties en présence peut mettre en
évidence les intérêts que chacun peut y trouver.
II-INGENIERIE DE FORMATION VECTEUR
D’EMPLOYABILITE
Nous venons de voir comment l’ingénierie de formation peut
impulser une dynamique de projet de formation concourant à
l’insertion socioprofessionnelle, en répondant à des impératifs de « sur
mesure ». Voyons maintenant comment, de ce fait, le niveau
d’employabilité peut s’en trouver modifié. Pour ce faire, nous devons
considérer dans un premier temps ce sur quoi porte l’employabilité et
dans un second temps les facteurs qui peuvent, dans le cadre d’un
développement par la formation, constituer des freins ou des leviers.
2-1 L’employabilité : compétences ou capacité ?
S’il est bien un terme dont tout le monde parle sans qu’il soit présent
dans les discours c’est bien celui d’employabilité. Cela tient au fait
qu’il est, dans la vulgate économique, synonyme « d’inapte au
travail » et qu’il n’existe qu’à travers les éléments qui le composent.
Ainsi, de manière très générique, l’employabilité est ce qui permet de
répondre aux exigences du marché du travail mais ceci nous impose
un retour par le champ conceptuel qui, paradoxalement, pourra seul
traduire en termes opérationnels ce dont il s’agit. Perceptible à travers
les problèmes qu’elle pose dans les pratiques et les comportements
professionnels, l’employabilité relève de registres parfois difficiles à
nommer et encore plus difficiles à identifier à travers des critères
objectivables. Cependant, un certain nombre de témoignages tendent à
décrire, sous diverses formes, des termes identiques. L’employabilité
pourrait alors s’appréhender à travers deux axes qui en constitueraient
les fondements.
59
1- Au premier abord, elle relèverait de la possession ou non par la
personne de diplômes, qualification et/ou certification lui
permettant d’occuper le poste visé. Ceci scinde automatiquement
la population étudiée en deux catégories : ceux qui possèdent les
titres requis et ceux qui ne les possèdent pas.
Pour les premiers, il convient de nuancer nos observations quant à
l’inadéquation entre ces titres et le marché de l’emploi. Le projet de
formation naît de ce que la formation antérieure peut :
- Avoir conduit à un niveau insuffisant au regard de celui, non pas
théoriquement mais réellement requis par les employeurs. (Un bac
professionnel secrétariat devrait permettre d’accéder à un poste de
secrétaire mais les personnes se trouvent généralement supplantées par
des BTS).
- Se révéler inadéquat par rapport à la demande réelle de compétences
du secteur professionnel ou de l’entreprise. (un CAP de cuisinier ne
peut être confondu avec un CAP d’employé polyvalent de restauration
car il ne développe pas les mêmes savoirs et ne conduit pas aux
mêmes postes).
- S’avérer inopérant car non conforme à des exigences
professionnelles. (Ce qui est la plupart du temps le cas des personnes
d’origine étrangère en possession de diplômes d’état dont le contenu
pédagogique ne correspond pas exactement au même diplôme obtenu
en France).
- Ne plus correspondre à la demande réelle soit en termes d’emploi soit
de compétences (nous retrouvons ce problème pour les diplômes liés à
l’industrie où la technologie a considérablement fait évoluer les
pratiques et remanier ainsi les référentiels de formation).
Pour ceux qui ne possèdent pas les titres requis, la question de
l’employabilité peut, en partie, se résoudre dans le niveau
d’expérience de la personne. Dans les deux cas, cet axe n’est pas
60
suffisant et ne peut à lui seul déterminer le « niveau » d’employabilité
de la personne. Et il semblerait que ce soit là où le bas blesse, car une
autre dimension entre en jeu.
2- Dans un second temps, les personnes doivent disposer d’un certain
nombre de pré-requis dont la définition crée un malaise voire de
vives dissensions entre les professionnels de l’encadrement, de
l’accompagnement et du conseil, de la formation et les agents
économiques. Tout le monde semble désigner un objet commun
qui serait le fruit d’un agencement à chaque fois original entre des
aptitudes, des capacités et des compétences telles que les définies
André Guittet1 .
Les premières sont « des qualités attachées à un individu, elles
caractérisent des dispositions naturelles ou acquises. Utilisées ou non
dans un poste elles sont constituées d’aptitudes physiques (aptitudes
sensorielles ou motrices comme la dextérité manuelle, la résistance
physique), d’aptitudes intellectuelles (intelligence abstraite, concrète,
créative) et d’aptitudes relationnelles (autonomie, stabilité
émotionnelle) ».
Les capacités, elles, « sont mises en œuvre dans les savoirs et les
savoir-faire maîtrisés : « être capable de ». Les aptitudes dépendent
des capacités mais sont plus particulièrement le résultat des acquis des
apprentissages, de la formation. Les capacités ne sont pas directement
observables, elles se définissent à partir des opérations mentales
nécessaires pour maîtriser un savoir, un savoir-faire : informer,
rédiger, argumenter, négocier. Une compétence peut demander
plusieurs capacités différentes. Les capacités définissent le niveau de
qualification de la personne ».
1 GUITTET André (1994), Développer les compétences par une ingénierie de la formation, ESF Editeur, paris, 230 p.
61
Enfin, dernier élément, les compétences « représentent la mise en
œuvre de savoirs et de savoir-faire pour la réalisation d’une tâche. La
compétence dépend en premier lieu des aptitudes et des capacités mais
elle résulte surtout de l’expérience professionnelle ».
Les entretiens que nous avons menés mettent en évidence que ce sont
bien là, les critères distinctifs sur lesquels porte le recrutement des
salariés. De manière récurrente, ce qui est attendu d’eux et ce qui fera
plus particulièrement l’objet de leur « formation » relève de :
- L’acceptation de l’autorité
- La « disponibilité » au sens d’une capacité à se remettre en cause et
à se mettre en prédisposition d’apprentissage.
- L’envie.
- La condition physique.
Nous voyons que nous sommes là bien loin de savoirs et compétences
techniques.
Fort de ces distinctions, nous constatons qu’il subsiste toujours une
zone d’ombre que n’arrive pas à discerner le champ de la formation. Il
s’agit de compétences pour le moins non perceptibles que Grégoire
Evequoz1 nomme « compétences clés » et qui pourraient se résumer
sous le vocable de savoir-être2. Ces compétences sont très difficiles à
cerner parce qu’elles sont transversales et posent la question de ce qui
relèvent de l’inné (qualité morales, traits de caractère, traits de
personnalité et aptitudes) et de l’acquis (comportement). L’ambigüité
de leur définition se traduit d’ailleurs dans les faits par une pluralité
des sens attribués à ce terme par les institutionnels. Ainsi, les
1 EVEQUOZ Grégoire (2004), Les Compétences clés, Paris, Ed. Liaisons, 156 p. 2 Grégoire Evequoz s’inspire dans son ouvrage d’une typologie de savoir-être tel que développé par Sandra Bellier et qui le définit par l’ensemble de : qualités morales, caractère de la personne, aptitudes et de traits de personnalité, goûts et intérêts, comportements. BELLIER Sandra (2004), « Le savoir être dans l’entreprise » in EVEQUOZ Grégoire (2004), Les Compétences clés, Paris, Ed. Liaisons, 156 p.
62
compétences clés désignent par ailleurs la synecdoque suivante : un
ensemble de savoirs inconditionnels à partir desquels peuvent
s’acquérir les savoirs faire (français, mathématiques, apprendre à
apprendre,) et les dispositifs d’enseignements de ces savoirs. On est
donc là très loin d’une compétence d’ordre comportementale qui se
régénèrerait avec chaque mise en situation de travail.
Nous comprenons bien comment, avant de chercher à développer le
niveau d’employabilité de la personne par la formation, les
professionnels doivent d’abord définir sur lequel de ces niveaux il faut
agir et le mettre en lien avec l’outil pédagogique ou le dispositif le
plus approprié. Or, d’une part, aucun n’est formé à une telle pratique.
D’autre part, compte tenu de la complexité des éléments qui constitue
l’employabilité, il paraît prétentieux de croire que la formation
pourrait avoir une incidence directe et exclusive sur celle-ci.
Nous pouvons alors, à ce stade de notre étude, considérer que la
question de l’évaluation s’impose comme un outil incontournable.
Elle s’impose cependant également par son manque de clarté.
2-2 De la nécessité d’identifier le rôle de l’évaluation.
Au cœur même de la constitution du projet formation, l’évaluation
dans le cadre d’une démarche d’ingénierie de formation sur une SIAE
revêt un caractère bien particulier1. Il s’agit d’une évaluation très
complexe qui, réalisée en amont et pendant le déroulement du projet
formation, doit en permanence redéfinir ce sur quoi elle porte et quels
1 Pour une définition appropriée à celle de notre objet de recherche nous nous réfèrerons à celle de Charles Hadji : «l’évaluation qui, effectuée avant une action de formation ou une séquence d’apprentissage, a pour but de produire des informations permettant soit d’orienter le formé vers une filière adaptée à son profil, soit d’ajuster la formation à son profil ».
HADJI Charles (1989), L’évaluation, règles du jeu, ESF, 190p
63
sont les acteurs qui réalisent cette évaluation. Nous avons représenté
l’imbrication des différentes composantes dans un schéma.1
Nous voyons que le rôle du conseiller formation consiste à orchestrer
les niveaux d’évaluation suivants en un tout cohérent et réaliste pour
la personne :
- L’évaluation des écarts entre le profil professionnel de la personne et
celui requis par le secteur d’activité ou l’emploi visé. Il s’agit du
niveau de compétence réel de départ.
- L’évaluation du potentiel2 de la personne tant sur le plan des
apprentissages qui s’acquièrent dans un cadre formel que des capacités
professionnelles. Il est très important de bien distinguer les deux car il
s’agit de deux potentiels différents. Nous le voyons dans le cadre des
contrats de professionnalisation où une personne peut très bien réussir
la formation et ne pas réussir son intégration professionnelle et le
transfert des acquis et inversement.
-L’évaluation des freins psycho- socio qui peuvent empêcher toute
évolution et toute mise en œuvre du projet formation.
- L évaluation des capacités des dispositifs d’apprentissage à répondre
au projet formation de la personne compte tenu de leur pédagogie, de
la durée de leur prestation, de leur localisation, du nombre de
participants, du relationnel qui s’instaure entre l’enseignant, le salarié
et le conseiller formation (proximité et régularité des échanges).
1 Se reporter à l’annexe 6 2 Nous pourrons nous référer à la définition qu’en donne André Guittet : « La notion de potentiel désigne l’ensemble des aptitudes, des capacités, des compétences non utilisées actuellement dans le poste de travail et qui pourraient se développer dans d’autres activités, dans un autre contexte. La notion de potentiel, par différence avec celle d’aptitudes, renvoie à une conception dynamique et évolutive des compétences d’une personne ».
GUITTET André (1994), Développer les compétences par une ingénierie de la formation, ESF Editeur, paris, 230p.
64
Ces différents niveaux d’évaluation qui interviennent sur l’ensemble
des axes que nous avons définis comme étant constitutifs de
l’employabilité de la personne, permettent de déterminer les besoins
de formation, cela va de soi, mais également les pré-requis et/ou les
pré-acquis nécessaires pour satisfaire ce projet formation. Ils
permettent surtout d’identifier les moyens et dispositifs les plus à
même de répondre à la demande. C’est cette parfaite adéquation entre
la demande et les moyens que doit permettre la maîtrise des champs
de l’évaluation par le conseiller et ce n’est qu’à cette condition que
l’employabilité de la personne s’en trouvera, in fine, augmentée
d’autant.
Pour ce faire, il doit tenir compte de l’impact des éléments suivants :
- La durée accordée au temps de l’évaluation. En ce qui concerne par
exemple l’évaluation des compétences dans le cadre d’un stage en
entreprise, le temps de présence ne pouvant pas excéder celui de la
durée hebdomadaire du temps de travail (soit 24 ou 35H), il paraît
bien difficile d’avoir une vue exhaustive des compétences de la
personne.
- Le cadre et le contexte de l’évaluation selon qu’il est spécifiquement
conçu pour répondre à la problématique de la personne ou qu’il
s’intègre dans un dispositif plus vaste dont l’objet transcende cette
problématique.
- Les outils utilisés pour l’évaluation qui peuvent ne comporter qu’un
mode de critère unique ou juxtaposer une série de critères permettant
des comparaisons.
- La ou les personnes mêmes qui portent le jugement et qui agissent en
fonction de leur niveau de maîtrise de l’outil qu’elles utilisent, des
enjeux institutionnels, de leur capacité à mettre en perspective
l’évaluation avec un projet et une finalité plus vaste.
65
- Le commanditaire de l’évaluation et la finalité. Certaines évaluations
sont, si ce n’est obligatoire pour le moins « très fortement
recommandées » pour donner accès aux moyens permettant la
réalisation du projet formation. C’est le cas notamment des tests
réalisés par le POPS1 qui permettent de débloquer l’aide financière
accordée par Pôle Emploi. Par ailleurs, il peut s’agir d’un employeur,
qui préalablement à une éventuelle embauche, souhaite identifier les
actions de formation préalable qu’il devra mettre en place pour
« rendre employable » le candidat.
Les pratiques d’évaluation réalisées de manières formelles ou
informelles par des professionnels se heurtent bien souvent à l’auto-
évaluation du salarié qui ne dispose que très rarement des moyens
nécessaires pour accéder à une vision pertinente de sa situation. Il
s’agit d’ailleurs bien souvent, pour lui, de s’auto-évaluer en fonction
de l’analyse qu’il fait des évaluations dont il est l’objet. Ce décalage
tient à deux faits majeurs :
1- Les cadres de référence des diverses évaluations ne sont valides
que dans le contexte dans lequel ils ont été crée et pour répondre à
une demande qui n’est pas nécessairement celle du salarié. Ainsi,
nous rejoignons les propos de Guy Le Boterf2 à ce sujet : « Les
besoins de formation définis comme des écarts de connaissances
ou de compétences existant entre le profil professionnel requis et
le profil professionnel réel, n’existent pas en soi. Ils constituent un
écart qu’il faut identifier et analyser par rapport aux situations
concrètes ou aux référentiels qui sont à leur origine
(dysfonctionnements, projets, évolutions des métiers et des
contenus d’emplois, évolutions culturelles, etc.) ». Ainsi, un
1 POPS : Prestation d’orientation professionnelle personnalisée, dispositif Pôle Emploi 2 LE BOTERF Guy (1990), L’ingénierie et l’évaluation de la formation, Ed. D’Organisation.
66
salarié peut penser, parce qu’il vient d’obtenir le DELF1, qu’il a
atteint un niveau suffisant de maîtrise de la langue française pour
pouvoir poursuivre la formation qualifiante souhaitée parce qu’il
s’agit du niveau le plus élevé proposé par l’organisme de
formation. Or, ce qu’il ne sait bien souvent pas, c’est que ce
niveau se trouve en bas d’une échelle qui fait de lui non pas un
« expert » mais un débutant.
2- La personne se retrouve face à une série d’évaluations segmentées,
pour ne pas dire compartimentées qui, à elles toutes, constituent la
somme d’information nécessaire pour la construction d’un projet
formation réaliste, cohérent et viable. Cependant, les résultats
isolés de chacune des évaluations auxquelles se soumet le salarié,
occultent un pan entier des éléments connexes de l’évaluation
globale dans laquelle ils s’insèrent et qui permettent d’apporter
une analyse plus fine de la situation.
Conclusion Intermédiaire
Le conseiller formation a un rôle majeur à jouer dans la mise en
perspective de l’interdépendance des résultats des évaluations entre
eux. En effet, si l’agencement pertinent de ces résultats vient à
manquer, la personne se sent alors bien vite sous estimée. Cette
dévaluation entraîne souvent découragement, défiance, voire
agressivité qui annihilent toute perspective de conduite du projet
professionnel à son terme.
2-3 Parcours et processus formatif
1 DELF : Diplôme Elémentaire en Langue Française.
67
La notion de parcours est alors essentielle puisque c’est par elle
qu’apparait le lien entre le sujet, l’objet et le projet dans un temps et
un contexte déterminé.
Nos constats concernant la notion de parcours professionnel rejoignent
ceux de Christophe Parmentier1, docteur en science de l’éducation. Il
existe une dualité entre la capacité et la volonté de l’individu de
choisir et être acteur de la direction qu’il souhaite donner à son
devenir professionnel et l’existence de prérogatives institutionnelles
qui peuvent soit se présenter comme des opportunités soit orienter de
manière coercitive son évolution.
L’étude des trajectoires professionnelles montre qu’il existe un lien
étroit entre le « niveau » d’employabilité de la personne et sa capacité
à être acteur. Ce lien réside dans son degré d’autonomie qui lui permet
de :
- Evaluer sa situation socio-économique et les ressources dont il dispose
- Pouvoir mobiliser ces ressources
- Evaluer l’étendue de ses savoirs et de ses compétences
- Pouvoir se projeter dans un avenir plus ou moins proche
- Savoir saisir les opportunités
- Maîtriser le fonctionnement des systèmes dans lesquels il s’intègre.
Ce lien a donc une incidence sur le parcours professionnel. Les
entretiens menés auprès des autres structures et partenaires en matière
d’insertion confirment la présence au sein de ces dispositifs de trois
1 PARMENTIER Christophe (2011), Encadrer et sécuriser les parcours professionnels, Paris, Ed. Dunod, 213p.
68
grands types de parcours professionnel1 : stables, précaires et
instables2.
Pour être plus précis, nous constatons qu’il y a une corrélation entre la
durée de l’expérience professionnelle et le niveau d’étude initial de la
personne. Les personnes pour lesquelles la durée de l’expérience est
élevée (supérieure à 5 ans) sont soit des personnes sans qualification
qui travaillaient dans des secteurs ou aucune qualification n’était
traditionnellement requise avant que ne se mettent en place des
procédures de certification et de professionnalisation. Il s’agit
principalement des secteurs de la restauration, de l’aide à domicile, du
nettoyage et de l’industrie (poste d’ouvrier de production) par
exemple. Mais il peut également s’agir de personnes ayant acquis une
qualification technique dans un secteur en pleine évolution qui a rendu
de fait les compétences ainsi acquises inappropriées au fil du temps.
Les ruptures d’avec le monde du travail pour des raisons personnelles
ont alors empêché toute possibilité de re- qualification, éloignant ainsi
définitivement la personne du poste qu’elle occupait.
Les personnes dont la durée d’expérience professionnelle est faible
(inférieure à un an), sont, en partie, des personnes sans qualification.
Nous retrouvons ici les personnes d’origine étrangère qui cumulent le
manque de maîtrise de la langue française à la méconnaissance des
1 Classification inspirée d’une étude de l’INSEE- INSEE, enquête emploi, mars 2001 et ANPE-DARES, premières informations et premières synthèses, mai 2001, Margaret Maruani, les mécomptes du chômage, Paris, Bayard, 2002, P84. 2Les trajectoires socioprofessionnelles stables concernent des personnes qui ont été dans les 5 dernières années en CDI ou CDD longs renouvelés.
Les trajectoires socioprofessionnelles instables concernent des personnes qui ont été dans les 5 dernières années en succession de contrat temporaires (CDD et intérim) avec des temps de chômage inférieur au temps de travail.
Les trajectoires socioprofessionnelles précaires concernent des personnes qui ont été dans les 5 dernières années en succession de contrats d’insertion et/ou en contrats temporaires (CDD ou intérim) avec des temps de chômage supérieur aux temps de travail).
69
codes sociaux qui régissent le monde du travail français (technique de
recherche d’emploi, connaissance de l’organisation des secteurs
d’activité, réglementation du monde du travail). Pour une autre partie,
nous retrouvons des jeunes diplômés qui peinent à trouver un premier
emploi du fait d’une qualification inadaptée au bassin d’emploi, de
difficultés et de contraintes personnelles qui amènent les employeurs à
évincer leur candidature (en tête du palmarès le manque de mobilité !)
ou de comportements qui ne répondent pas au standard attendu (dont
l’ incontournable « manque de motivation »).
Ces grandes tendances de trajectoires induisent trois grands types de
comportements à l’égard de l’emploi et de la formation: offensifs,
paradoxaux et défensifs. Il en découle des attitudes face à l’emploi
occupé qui peuvent se résumer dans les trois postures suivantes :
Une part du public la considère comme « un emploi » comme un
autre. En résulte des difficultés à se projeter vers des démarches de
recherche d’emploi alors que ce sont bien souvent ceux qui pourraient
le plus rapidement accéder au marché de l’emploi(qui ont le moins de
freins). Ils s’installent alors dans l’emploi occupé tant d’un point de vu
professionnel (relations aux collègues, prises d’initiatives ou au
contraire attitude routinière), que personnel (ils réalisent des projets
long terme en contradiction avec la faible stabilité financière assurée
par la durée du contrat (investissement immobilier, grossesse, et) Ceci
concerne dans une moindre mesure les personnes d’origine étrangère
réfugiées, qui, à peine arrivées, voudraient être reparties.
Une part du public la considère comme un réel tremplin et
saisissent toutes les opportunités pour résoudre les problèmes qui se
posent à eux.
Une autre part, au contraire, « touche le fond ». Paradoxalement à
l’assurance que leur procure le contrat de travail, ils coupent cours
avec tous les efforts qu’ils avaient fait pour maintenir le cap et ils
70
mettent un terme aux liens qu’ils avaient entretenus avec ceux qui les
avaient aidés à s’en sortir. Ainsi, ils « replongent».
Nous pouvons constater, que ces « catégorisations », correspondent au
niveau de désinsertion atteint par la personne1, même si aucune ne se
trouve en situation de totale désaffiliation.
En fonction de cela, chacun développe une capacité à convertir un
temps professionnel en un temps de développement des compétences
plus ou moins bénéfique.
En parallèle des parcours individuels, notons que l’ensemble des
partenaires sociaux et institutionnels tentent d’œuvrer pour une
sécurisation de ces parcours en développant un certain nombre de
pratiques :
-En assurant la linéarité et la complémentarité des dispositifs pour ne
pas mettre la personne « or circuit ». Cela se traduit d’une part bien
souvent par une superposition des dispositifs sociaux, professionnels
et éducatifs. D’autre part, par l’assurance apportée par certaines
institutions d’intervenir en dernier recours même si cela déroge à leur
champ de compétence (par exemple le financement de formation par
le Conseil Général).
-Plus les institutions traitent les projets formation de manière
dématérialisée et technocratique, plus elles s’en remettent, en amont, à
l’avis d’un « technicien », en l’occurrence le conseiller en formation,
avis qui vaut bien souvent pour validation.
- Les dispositifs de formation qui interviennent en faveur des publics
en insertion développent, pour beaucoup, des passerelles avec d’autres
1 Le terme insertion se confond souvent avec le processus même qui conduit à la désaffiliation de la personne. Ce processus, tel que décrit par Vincent de Gaulejac, comporte 4 étapes : la situation de rupture, l’enchaînement des ruptures, le décrochage, la rupture spatiale, la déchéance. Chacune de ses étapes étant traversées par des attitudes de résistance, d’adaptation et d’installation dans la situation ainsi atteinte. DE GAULEJAC Vincent, LEONETTI Isabelle (1997), La lutte des places, Desclée de Brouwer Editeur, 286p.
71
dispositifs susceptibles de prendre en charge les personnes qui
échoueraient, leur laissant ainsi la possibilité d’une « seconde
chance » et les amenant ainsi vers une qualification « à tout prix ».
- Ces dispositifs démultiplient également par ailleurs les actions
d’évaluation et d’orientation préalables de manière à prévenir le
recours à la seconde chance.
Enfin, il faut prendre en compte le fait qu’il y a, quelque soit le type
de trajectoire poursuivie par la personne et quelques soient les moyens
mis en œuvre par les institutions pour soutenir le projet éducatif, un
temps pour tout. Il y a un temps pour apprendre et un temps pour faire
vivre les apprentissages, un temps pour s’adapter et un temps pour
préparer son adaptation1.
Le conseiller formation doit alors s’immiscer dans la double
dynamique dans laquelle s’inscrit la formation des publics en
insertion :
-Réduire l’inégalité d’accès à la formation des personnes les plus
éloignées de l’emploi.
-Panser les plaies engendrées par une confrontation à un système de
formation initiale qui n’a pas toujours pu jouer son rôle de promotion
sociale et/ou de levier qui favorise une trajectoire professionnelle
stable.
2-4 L’impact du facteur humain.
1 Pierre Dominicié avance à ce sujet que « (…) les adultes, face aux évènements chocs qui bousculent leur existence, vont être secoués par une série de réactions successives avant de reconquérir leur stabilité alors que les décisions qu’ils prennent dans l’orientation de leur devenir sont davantage attachées à la période de vie qu’ils traversent ». DOMINICIE Pierre (1992), L’histoire de vie comme processus de formation, Héricourt, L’Harmattan, Collection Défi-formation, 174p.
72
Parce qu’un des premiers impacts de la formation est d’accroître les
capacités d’apprentissage (d’aucun diront que la formation va à la
formation), elle ouvre le champ de possibles insoupçonnés qui se
révèlent à chaque nouvelles étapes de l’apprentissage. Nous pouvons
constater comme le prétend Gérard Vergnaud1, qu’ « il n’y a pas
d’apprentissage sans désir d’apprendre ». Ce désir ne parait pas avoir
nécessairement de lien avec les antécédents scolaires, même si il s’en
nourrit(les échecs ne le favorise pas bien sûr). Nous le constatons
notamment avec les personnes d’origine étrangère qui ont la volonté
d’apprendre alors même qu’elles n’ont parfois jamais été scolarisées.
Cette possibilité se présente comme une aubaine. Cet exemple nous
permet d’aborder la question de l’ingénierie de formation à travers un
élément qui lui est intimement lié, voir décisif, dés lors qu’on la
considère comme vecteur d’employabilité : l’incidence du facteur
humain. Nombre d’observations et d’entretiens nous amènent à
résumer celui-ci à travers les trois caractéristiques suivantes : la
motivation (résumé par le terme d’envie), la confiance en soi
(souvent évoquée à travers les capacités d’auto-évaluation) et
l’autonomie (définie par la capacité d’émancipation). Elles se
caractérisent par une relation de dépendance totale qui induit un
rapport de vases communicants.
Ce rapport peut se modifier dans un sens positif qui génère une
attitude constructive de la personne à l’égard de la formation ou bien
dans un sens négatif qui génère une attitude destructrice et inhibante.
Dans le cadre de la construction d’un projet formatif, un certain
nombre de facteurs externes influent de manière considérable, dans un
sens comme dans l’autre, sur cette relation.
1 VERGNAUD Gérard ((1999), « Les Sciences de l’éducation » in MORVAN Yves, (dir.) (2006), La formation tout au long de la vie, Nouvelles questions, nouvelles perspectives, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 311p.
73
En effet, même si toute action et tous dispositifs éducatifs tendent,
comme nous l’avons vu, à sécuriser le parcours de la personne et en ce
sens à « rassurer » la personne, elle génère également quelques
écueils. La sécurisation, en prônant un certain nombre d’étapes
préalables à la réalisation du projet formation, peut couper l’herbe
sous le pied du futur apprenant en provoquant un essoufflement et/ou
une remise en question de ses capacités qui l’éconduise de l’action de
formation finale. Plusieurs raison à cela.
1-La première tient à son organisation. Dans ce registre la durée de
l’action préparatoire peut influer considérablement. Nous constatons
que, dés lors que la durée n’est pas clairement identifiée avec une date
de début et une date de fin1 ou qu’elle est trop longue à proportion du
temps de l’action de formation à laquelle elle prépare2, la motivation
ne peut naître ou se maintenir. D’autre part, compte tenu de la
complexité liée à l’ajustement des éléments financiers et
organisationnels qui mène à l’action, il peut suffire qu’un incident se
produise et qui mette à mal le projet ou oblige à le différer pour
remettre en cause une motivation qui s’ancre bien souvent dans
l’immédiateté et souffre de la difficulté à se projeter sur du long
terme. A ce sujet, nous observons à quel point confiance en soi et
autonomie y sont également liés. La première peut dans ce cas de
figure être très dépendante de la confiance que l’on porte dans le
conseiller formation ; si il échoue, comment vais-je y arriver ? Si lui
échoue, comment moi en serai-je capable ? Et dans le même temps
c’est à cette confiance que l’on attribue les conditions de sa propre
autonomie3.
1 Comme c’est le cas entre le DELF (Diplôme élémentaire en langue française) qui impose un nombre d’heure de formation non reconductible et le dispositif « compétences clés » qui peut durer autant que nécessaire (certaines personnes y restent des années). 2 Problème fréquemment rencontré notamment avec le DAEU (Diplôme d’accès aux études universitaires). 33 « Il n’a pas réussi à me faire entrer sur la formation que je voulais et qui aurait pu me permettre de partir ! »
74
2- Le sens attribué à l’action éducative : plus il est concret, c’est-à-
dire plus la personne en tirera immédiatement les bénéfices, plus la
motivation perdurera.
3-La compréhension du rôle joué par l’action : ne pas avoir le
sentiment de réapprendre par exemple, ce qui peut être le cas des
SAS1 (à définir) préparatoires à l’entrée de formations financées par la
région, passage pourtant incontournable).
4-Le sentiment de maîtriser la finalité de ces actions dans le processus
global dans lequel elles s’intègrent et la marge de manœuvre que l’on
a. Eviter que la personne pense que « de toute façon tout est joué ! ».
Toutes ces considérations s’appliquent également aux actions de
formations qualifiantes.
Pour autant, la motivation a cette capacité à pouvoir, dans certains cas,
pour se maintenir dans la durée, se détourner de son motif initial et se
recréer d’autres prétextes qui permettent à la personne de se maintenir
dans l’action jusqu’au bout.
Nous pouvons, à ce sujet, revenir sur le lien existant avec un éventuel
projet. André Brillaud2 considère que c’est le manque de projet qui se
véhicule à travers le manque de motivation et que la démarche du
projet formatif consiste pour les personnes en insertion à surmonter
leurs propres difficultés à élaborer un projet.
Le conseiller formation, doit donc en tenir compte pour mener à bien
sa mission. A ce sujet, deux postures antagonistes se rencontrent.
1-La première postule que la construction d’un projet ne représente
pas nécessairement un inconditionnel à l’entrée en formation et que
c’est au cadre formatif de « faire adhérer l’apprenant à un projet »
1 Période préparatoire à une entrée en formation qualifiante 2 BRILLAUD André, « Enjeux des apprentissages et ses représentations sociales de l’avenir », Education Permanente, N° 136, Mars 1998, pp.69-79.
75
construit par ailleurs de toute pièce. Les conseillers ou formateurs
adoptent alors des méthodes qui vont de la coercition ou une forte
incitation partant du principe que ce n’est qu’une fois en formation
que la personne surmontera ses blocages (en se rendant compte qu’elle
« est capable » et ce faisant acceptera d’aller plus loin). La diplomatie
fait également partie des « armes » qui permettent l’adhésion, en allant
chercher des motivations autres que celles explicitement contenues
dans la formation.
2-La seconde posture considère qu’aucun engagement ne peut se faire
sans que la personne ait clairement identifié les raisons (motivations)
pour lesquelles elle souhaite s’investir en formation.
Les deux méthodes arrivent généralement à leurs fins. L’inconvénient
de la seconde est qu’elle évince souvent les personnes qui manquent
de confiance et/ou d’autonomie au départ. Le risque de la première est
de ne pas parvenir à captiver la personne jusqu’au bout et/ou qu’elle
ne retienne rien du contenu de la formation.
Le conseiller formation doit, dans tous les cas, faire preuve d’une
prise de recul suffisante pour rendre à chacun ce qui lui appartient et
ne pas endosser des responsabilités qui relève des difficultés de la
personne à trouver en elle les ressources suffisantes. Il s’agit là de
prendre en compte de ce que Philippe Carré définit comme étant « le
lieu de contrôle »1.
Par contre le conseiller peut essayer de « limiter la casse » en évitant
la surévaluation ou la sous évaluation du salarié qui fausse le triptyque
motivation-confiance en soi-autonomie.
1 Lorsque la personne attribue ce qui lui arrive à des causes qui lui son propre (les efforts qu’elle a fournis ou non par exemple), elle a un lieu de contrôle interne, par contre, lorsqu’elle attribue ses réussites ou ses échecs à des causes externes ( la chance, le formateur, etc.), elle a un lieu de contrôle externe. CARRE P., « Le cœur à l’ouvrage », Sciences Humaines N° 92, Mars 1999, pp. 21-23.
76
Un des atouts du conseiller en formation sur une SIAE est qu’il peut
s’appuyer sur la situation de travail qui génère et crée le lien entre
motivation, confiance et autonomie et ce pour trois raisons :
- Elle agit sur la confiance en soi car la personne vit une expérience
positive
- Lui prouve sa capacité d’être et d’agir
- Lui donne le temps nécessaire pour restructurer son parcours et
rassembler les éléments du puzzle.
Cependant, la motivation a ses limites et peut se montrer insuffisante
face à certaines résistances dans l’élaboration et/ou la réalisation du
projet. La mémoire des échecs prédomine souvent et alimente la peur
de l’inconnu. (C’est un cercle vicieux car c’est aussi paradoxalement
en faisant que l’on se rend compte de ses chances d’y arriver).
L’ingénierie de formation joue un rôle dans l’objectivation des raisons
fondées de croire en ces possibilités d’échecs et ou de réussite et leur
probabilité de reproduction ou non.
Nous constatons que lorsqu’un projet formation arrive a son terme,
c’est moins grâce aux diverses actions de conseil et
d’accompagnement qu’à ces « qualités » inhérentes à la personne qui,
si elles font défaut, rendent vains les efforts de chacun.
Le conseiller formation se confronte souvent au paradoxe suivant : il
apparaît évident quand une personne expose son parcours et son projet
qu’il va être très difficile de le mener à terme, pour autant, elle peut
faire preuve d’une détermination sans faille, alors que d’autres
personnes qui « auront tout pour réussir » voient leur projet réduit au
néant.
Conclusion intermédiaire
77
A ce stade, nous pouvons conclure que ce n’est pas tant la formation
mais l’ingénierie de formation qui permet de développer
l’employabilité des personnes. En effet, construisant des projets « sur
mesure » qui tiennent compte du parcours de la personne, elle met en
scène une compétence d’intermédiation qui favorise la mise en
relation entre l’expression d’une demande clairement identifiée et les
moyens les plus pertinents pour la satisfaire. Cette compétence du
conseiller formation permet de créer une réponse adaptée qui soit
garante de la plus grande efficacité possible. Pour autant, à chaque
nouveau projet formation, il doit prendre la pleine mesure de ce que
nous nommerons son « empreinte professionnelle », autrement dit le
poids et l’impact réel qu’il a dans ce jeu d’intermédiation. Il doit
chercher à identifier à chaque fois là où il peut le plus, là où il ne peut
rien et là où son « empreinte » peut s’avérer décisive.
III-L’INGENIERIE DE FORMATION : DES DISPOSITIFS AU
PROCESSUS FORMATION
Nous devons, à présent, dissocier le projet formation (processus) de
l’action de formation (dispositif).
Le projet fait référence à un processus au cours duquel se construit un
engagement vers la réalisation d’actes générant un apprentissage et
dont la maturation aboutie à la mobilisation réussie de moyens
humains et matériels. L’action de formation en est un des
aboutissements. Cependant le simple fait pour une personne de
s’engager dans un processus de formation peut enclencher une
dynamique d’évolution et d’acquisition de savoirs nouveaux même si
elle ne conduit pas son projet jusqu’à son terme. De la même manière
une personne peut avoir poursuivi son projet jusqu’à l’action de
formation dans son intégralité sans pour autant en avoir retenu les
savoirs escomptés.
78
En ce sens, nous nous intéresserons dans ce dernier chapitre à la
manière dont se constitue un lien entre les différentes phases
d’éducation et à la plus value en terme d’employabilité.
3-1 L’ingénierie de formation : relier pour une meilleure
sécurisation des parcours.
Comme nous l’avons vu, la formation forme avec l’insertion un
couple indissociable qui peut revêtir diverses facettes tant la notion
d’insertion est un terme polysémique et tant celui de formation peut
être polymorphe (actions qualifiantes, redynamisantes, remise à
niveau, etc).
Le projet formation est l’aboutissement de « l’addition » et de la
combinaison des trois expériences de formations que sont la formation
initiale, la qualification (en entreprise/professionnalisation) et la
formation expérientielle ou auto-formation.
Il suffit alors d’analyser le profil des personnes accompagnées pour
commencer à voir en quoi, plus précisément, la fonction d’ingénierie
de formation navigue entre certification, professionnalisation et
formation expérientielle.
trois cas de figure récurrents se présentent sur l’ensemble des
structures :
•Les personnes qui possèdent des savoirs et ont des acquis
professionnels issus de la certification mais qui n’ont jamais été
activés et/ou validés en situation de travail.
•Les personnes qui possèdent un fort potentiel de savoirs expérientiels
mais jamais certifiés.
•Les personnes qui ne bénéficient ni d’une expérience significative ni
d’une qualification et ce pour plusieurs raisons :
79
-Une démarche de certification avait été entamée mais n’a jamais
aboutie.
- La certification acquise n’a pas de validité (pour les personnes
d’origine étrangère le plus souvent), est insuffisante ou ne correspond
plus à celle recherchée par un secteur d’activité.
-L’expérience acquise n’est pas reconnue par le secteur professionnel
(pour les personnes d’origine étrangère).
D’autre part, ce qui fait bien souvent défaut est la prise en compte de
la temporalité dédiée aux actions formatives et celle requise pour
l’insertion socioprofessionnelle. Le conseiller formation se trouve face
à la nécessité de relier les dispositifs formation entre eux de manière
synchronique (sur le temps de l’accompagnement, par exemple un
bilan de compétences qui précède une entrée en formation), et de
manière diachronique (au regard du parcours de la personne et des
divers dispositifs déjà sollicités et des apprentissages qu’elle en a
retenus). C’est cette démarche de reliance qui génère le processus
formation vecteur de réflexivité, condition sine qua non pour
permettre ainsi la transformation, et le développement de
l’employabilité.
Le conseiller formation doit prendre en compte la relation espace-
temps comme un des éléments de réussite ou d’échec du projet
formation. Cette relation se joue sur deux axes.
1- Le temps du projet formation s’inscrit dans le temps plus global
donné pour l’insertion socio- professionnelle. Ce dernier peut être
déterminé par la personne elle-même en fonction d’éléments
personnels (financiers, familiaux, santé, logement) mais également
par la structure ou les institutions (Pôle Emploi) à travers la durée
du contrat de travail et/ou le temps accordé pour la réalisation d’un
parcours d’Insertion par l’Activité Economique (IAE). Ce dernier
80
peut donner lieu à des possibilités de renouvellement ou de
passerelles possibles d’un contrat aidé à un autre qui permettent
d’envisager le projet formation à plus ou moins grande échéance et
de le considérer ainsi comme un des vecteurs de réussite d’un
projet plus global.
2- Le temps du projet formation inclut la représentation que la
personne se fait du temps nécessaire à sa réalisation aux vues des
éléments dont elle dispose, mais il inclut également le temps
réellement nécessaire pour que tous les rouages du mécanisme
s’accordent pour rendre le projet viable. Ce temps là peut entrer en
conflit avec le premier. D’une part parce qu’il n’est pas
immédiatement perceptible par la personne du fait qu’elle ne
maîtrise pas les éléments de sa mise en œuvre et parce que celle-ci
se réalise dans un espace dématérialisé dont la personne ne connaît
pas, bien souvent, le fonctionnement. D’autre part, parce que les
délais de réalisation peuvent également échapper au conseiller en
formation qui doit faire face à une part non négligeable
d’imprévisibilité tant la coordination des moyens ne relève pas
d’une science exacte !
Les différents opérateurs amènent, par ailleurs, à prendre en compte et
à devoir gérer les antagonismes suivants :
1- Le respect de l’imbrication chronologique ou simultanée des
dispositifs entre eux. Deux éléments caractérisent cette
interconnexion :
- Compte tenu des difficultés rencontrées par les salariés en insertion, le
conseiller formation peut être amené à mixer des dispositifs
complémentaires pour assurer un meilleur taux de réussite. Ainsi, une
personne d’origine étrangère peut se retrouver par exemple à
poursuivre des cours de remise à niveau, en même temps qu’elle suit
81
des cours à l’Apfa pour l’obtention d’un CQP1 et qu’elle réalise dans
le cadre de son activité professionnelle l’évaluation de la mise en
pratique. Le jeu reste toujours précaire et périlleux car les différents
organismes ne s’accommodent pas toujours de la prestation des autres
et la seule intervention du conseiller formation peut ne pas suffire à
amener tout le monde à un travail de collaboration.
- Certains dispositifs sont des « passages obligés » dans le parcours
formatif, cependant, il arrive qu’ils portent un jugement ou une
appréciation qui contreviennent au projet de la personne ou aux
actions d’autres opérateurs. Prenons deux exemples significatifs. Le
premier concerne les résultats apportés par les bilans de compétences
qui, occultant la plupart du temps l’environnement psycho-social qui
entoure la personne, suscitent des projections irréalistes. Second
exemple, il n’est pas rare qu’une personne qui effectue deux stages
dans deux entreprises différentes pour valider un projet formation se
voit attribuer deux évaluations aux conclusions opposées.
2- Le respect de la logique des niveaux d’apprentissage qui se
confronte parfois à la logique du financeur. Un financeur public
privilégiera la souplesse d’une durée de formation adaptée et
reconductible dans la mesure du possible, là où un financeur privé
imposera des contraintes uniformes et aura tendance à vouloir
réduire le temps de formation. Ainsi certains apprenants se
retrouvent-ils, par exemple, dans le cadre d’un contrat de
professionnalisation, à devoir passer un diplôme en 12 mois au
lieu de 24.
3-2 L’ingénierie de formation : des qualifications à la
qualification.
1 Certificat de Qualification Professionnelle
82
Le conseiller formation doit, pour se prémunir d’éventuels échecs
prendre en compte un certain nombre de paramètres.
Il n’a généralement pas le choix des organismes de formation
paradoxalement au fait que tout le travail en amont de construction du
projet formation tend à s’adapter au profil et au parcours de la
personne. Ceci tient à trois raisons principales :
- Il peut s’agir d’un prestataire désigné par le financeur (VAE)
- Il peut s’agir d’un prestataire ayant remporté un appel d’offre dans le
cadre d’un marché public
- Il peut s’agir du seul prestataire présent sur le territoire qui dispense la
formation recherchée.
Dans tous les cas, il faut considérer les éléments suivants :
- L’organisme de formation ne propose pas une prestation qui soit
exclusivement destinée à des publics en insertion et rencontrant un
certain nombre de difficultés.
- L’organisme de formation ne s’adresse pas en priorité à des salariés et
n’intègrent alors ceux-ci qu’à la marge de leurs effectifs.
- L’organisme de formation ne se destine pas à former des personnes en
emploi et n’a pas conçu son plan de formation en conséquence.
Ce qui signifie, que le conseiller formation doit, parfois, « gagner »
l’adhésion du salarié, non pas au projet formation (à ce stade il est
généralement acquis), mais au cadre pédagogique et institutionnel
dans lequel il peut se réaliser.
Nous avons choisi, plutôt que de passer en revue l’ensemble des
dispositifs mentionnés par les salariés et les différents acteurs,
d’évoquer l’un d’entre eux, parce qu’il nous parait témoigner de cette
83
dualité entre la relation emploi-formation, les capacités d’autonomie, à
minima, dont doit disposer la personne pour s’engager dans une
démarche formation, et les déconvenues qui en résultent.
Ce dispositif est la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE).1
Relativement récent, il éprouve des difficultés à remporter un succès
auprès des salariés en insertion. Ceci tient à de multiples facteurs.
1- Comme tout dispositif de formation il concerne le lien que la
personne entretien avec le système formatif.
Ce lien, dans bien des cas, est ou a été des plus précaire et s’engager
dans la voix de la VAE, au lieu de susciter l’engouement qu’il prétend
éveiller du fait de la revanche qu’il permettrait de prendre sur une
destinée et un rapport au système éducatif vécu comme une fatalité,
effraie bien souvent encore plus.
Nous constatons deux raisons principales.
La première tient, malgré les dispositions prises à l’égard notamment
des personnes en insertion, à l’évanescence du cadre institutionnel qui
entoure ce type de dispositif et au manque perçu d’encadrement,
même s’il n’est pas effectif, d’un système de formation qui apparaît
alors sous certains égards comme virtuel. Sans tables ni chaises, sans
professeurs ni élèves, sans horaires ni vacances, ce type de dispositif
représente la désincarnation du lien social dont souffre les publics en
insertion.
La seconde raison en découle. Il s’agit pour elles d’un dispositif où
prime plus que dans n’importe quel autre la détermination,
l’autonomie et un ensemble de compétences cognitives (capacités
1 Loi du 20 juillet 1992 (décret du 23 Mars 1993) « toute personne qui a exercé pendant cinq ans une activité en lien avec l’objet de sa demande peut demander la validation d’acquis professionnels qui pourront être pris en compte pour justifier d’une partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l’obtention d’un diplôme de l’enseignement technologique ».
84
rédactionnelles) et qualités personnelles (rigueur, organisation,
structuration de la pensée, verbalisation, précision, conceptualisation,
planification) qui ont pu faire défaut au moment des premiers
apprentissages.
2- Le lien que la personne peut faire entre emploi et formation.
Les personnes qui ont tenté l’aventure relève de secteurs
professionnels qui se sont récemment professionnalisés comme celui
de l’aide à domicile ou du nettoyage et dont elles se trouvent, en partie
de ce fait exclues. Ayant débuté leur carrière sur des postes ou l’on
acquérait aisément les compétences requises par l’expérience, elles
perçoivent mal la finalité de l’acquisition d’une qualification qui
validerait des compétences qu’elles estiment de fait et légitimement
posséder puisque dispensées par le secteur même qui requière
aujourd’hui des certifications. Ceci constitue à double titre une
discrimination. Premièrement parce que l’expérience qui fournit les
preuves d’un savoir-faire se trouve dépréciée au profit de la
certification qui n’atteste que d’un savoir (« elles ne sont même pas
fichues de laver correctement les carreaux). Deuxièmement, parce que
progressivement disparaît du marché du travail des postes accessibles
sans qualification évinçant ainsi un certain nombre de personnes
fâchées avec le système scolaire.
3-Le troisième facteur concerne plus particulièrement les personnes
d’origine étrangère (hors communauté européenne) qui possèdent
déjà une qualification non reconnue en France tel que le diplôme
d’état d’infirmière. La VAE se présente comme un palliatif à une
démarche par ailleurs engagée auprès de la Direction Régionale de la
Cohésion Sociale pour l’obtention d’une autorisation à exercer en
qualité d’aide soignante. Cette démarche constitue déjà en soi non pas
une valorisation des acquis mais une dépréciation du statut
professionnel de la personne qui sait que de toute façon elle ne pourra
accéder à la qualification d’infirmière qu’en ne recommençant le
85
cursus de formation depuis le début. L’engagement en VAE
représente alors une voie de secours au cas où cette démarche
s’avèrerait infructueuse. Cependant, si tel est le cas, c’est que bien
souvent, le diplôme d’aide soignante ne sera pas non plus accordé
dans sa globalité, en empruntant le chemin de la VAE. Les écarts entre
diplôme d’origine et compétences requises pour l’exercice du métier
en France peuvent être tels que les personnes doivent rabaisser jusqu’à
deux niveaux leur prétention et accepter des postes d’aide à domicile.
En contrepartie de l’infortune de la VAE, nous observons une pratique
émergente qui témoigne d’une forte volonté individuelle de se former
quoiqu’il arrive : l’auto- financement de la formation. Cette démarche
n’est pas neutre car elle s’applique à des formations à distance qui
requièrent une très forte capacité d’auto- gestion et traduit une grande
autonomie de la personne tant dans sa capacité à gérer son projet (cela
se fait sans l’aide du conseiller qui découvre bien souvent, après coup,
l’inscription effective de la personne en formation) qu’à son aptitude à
envisager d’apprendre « seul ». Seules les personnes qui ont déjà un
niveau de qualification au moins égal à un niveau IV ou qui ont été, à
un moment donné leur propre employeur, se lance dans cette aventure.
3-3 Du rôle prédominant des apprentissages en situation de
travail.
Nous souhaitons traiter à part la question de la
professionnalisation qui se réalise en interne, parce qu’elle se
caractérise par une ingénierie spécifique qui met en jeu le conseiller
formation à travers une posture bien particulière à l’égard de ses
« collègues ».
Réalisée par des professionnels qui ont des fonctions « d’éducateurs
techniques spécialisés »1, voire de tuteurs1, ou de chef de chantier, les
1 Les missions de l’éducateur technique spécialisé tel que définies dans le référentiel métier, relèvent de trois axes : l’accompagnement éducatif, la formation professionnelle et l’encadrement technique.
86
encadrants ne sont pas des formateurs. A cela s’ajoute le fait que la
formation des salariés en insertion ne constitue pas un objectif
institutionnel mais un moyen par défaut pour accroître la productivité
de ceux –ci. Se pose alors la question de la pédagogie utilisée par des
encadrants qui n’ont pas été nécessairement formés à cette fonction et
qui doivent répondre la plupart du temps à des missions prioritaires de
production dont ils assument en partie la charge. Former du personnel
peut alors vite devenir une contrainte qui induit des méthodes qui
reposent plus sur des techniques d’assimilation de savoirs faire acquis
par mimétisme que dans le cadre d’un enseignement formalisé comme
tel.
D’ailleurs, de plus en plus, les services entendent par
« professionnalisation » une spécialisation dans les postes de travail
qui conduit à simplifier au maximum les tâches. Cela présente un
double avantage à cours terme :
1-Le salarié acquiert plus facilement et plus rapidement les savoirs
techniques et postures professionnelles.
2- Le salarié possède une « précision du geste » qui assure un gain de
temps productif et réduit les marges d’erreur parfois source de
« pertes » en terme économique. (Notamment le gaspillage de la
matière première).
Cependant, ces savoir-faire répondent à une demande immédiate et
contextualisée et prône un apprentissage basé sur l’observation,
l’imitation et la répétitivité. Ces formes d’apprentissages peuvent
masquer le défaut réel d’assimilation des savoirs que seul l’autonomie
ou l’imprévu pourrait mettre en valeur. D’ailleurs c’est bien quand
l’encadrement vient à manquer que l’on peut constater si la personne
a acquis ou non des savoir-faire, de même que c’est quand une
situation professionnelle originale et extraordinaire (panne d’une
1 La fonction de tuteur, elle, ne renvoie pas à une définition clairement identifiée par la structure mais relève plutôt d’une appellation administrative.
87
machine) se produit que l’on peut juger de l’acquisition réelle de
savoir-être et de compétences transférables.
Par ailleurs, le recours à l’alternance peine à trouver sa voie du fait du
« facteur humain » qui ne parvient que difficilement à remplir les
conditions requises (pré-requis, pré-acquis, motivation) et du fait
d’une organisation inter- institutionnelle (centre de formation,
financeurs, employeur) qui éprouve des difficultés à se combiner
harmonieusement.
Formation en situation de travail et alternance posent la question de ce
qui doit être acquis et/ou transmis1. Si la première s’appuie sur un lien
étroit avec le poste occupé et définit ses objectifs par rapport à un
référentiel d’activité interne à la structure, le second vise des
compétences plus génériques, transversales à l’ensemble des postes
que la personne pourra occuper sur le même métier.
Indiscutablement, l’apprentissage en situation de travail possède alors
deux avantages majeurs pour des personnes en insertion :
1-Elle développe le « co-apprentissage » en permettant la diffusion
des savoirs par les salariés eux-mêmes. Cette pratique spontanée
nécessite cependant d’être rigoureusement encadrer pour qu’elle ne
donne pas lieu à des apprentissages « sauvages » source d’erreur. Elle
n’en possède pas moins deux vertus :
- Si le salarié qui diffuse une connaissance la diffuse correctement,
ses collègues en tirent un bénéfice immédiat et l’encadrant peut
1 Tout comme Philippe Carré et Martine Fournier qui s’inscrivent en opposition à l’idée de transmission, nous nous interrogeons sur le fait qu’il s’agit moins de donner de manière univoque à un apprenant un lot de connaissances que de lui permettre d’acquérir lui-même les connaissances dont il aura besoin. L’idée est répandue dans les milieux formatifs qui intègrent une visée sociale pour ne pas dire socialisante de l’acte de formation. En ce sens, le formateur est un facilitateur. D’ailleurs, se pose la question de ce qui est « transmis » : car si le professionnel peut transmettre des savoirs il ne peut transmettre des connaissances qui seraient la conjugaison originale de la somme des savoirs acquis par l’apprenant tout au long de sa vie. C’est ce qui crée, en partie la compétence et le niveau d’employabilité recherché.
88
vérifier que le salarié en question est prêt pour passer à un autre
niveau d’apprentissage car en explicitant des procédures par
exemple, il prouve qu’il a acquis la compréhension des
mécanismes d’apprentissage (méta- cognition).
- Si le salarié commet une erreur dans la transmission de ses
connaissances, l’encadrant peut corriger collectivement
l’information et expliquer en quoi le raisonnement ou le savoir
n’est pas bon. Il rend ainsi l’erreur formative.
2-Elle développe également tout ce qui relève des savoir- vivre en
milieu professionnel et qui ne sont pas enseignés en centre de
formation1.
Cela se concrétise par le fait que l’on inculque au premier plan tout ce
qui relève de l’organisation du travail, les comportements gestes et
postures professionnelles mais surtout sociaux- professionnels. Cela
comprend les normes et moyens de communication, les usages liés
aux relations professionnelles notamment à travers le respect de la
hiérarchie, la distance avec les acteurs de coopération (collègues) et de
collaboration (prestataires extérieurs), les clients, les intermédiaires
(agent d’encadrement et de formation que sont les moniteurs), le cadre
règlementaire du droit du travail et acquis sociaux ainsi que les
procédures et modes d’interpellation des agents administratifs.
Il y a donc en ce sens effectivement transmission et reproduction de
schémas opérationnels et idéologiques génériques des modes de
rapport individuel au contexte d’une activité salariée et dans ce sens,
1 Cela revient à considérer comme le fait Pierre Hebrard, que «(…) la formation est aussi transmission d’idées, de valeurs, d’attitudes, de comportements, et qu’à ce titre elle contribue aussi à la reproduction (idéologique) des rapports de production ».
HEBRARD Pierre (1996), Du travail. De la formation, production, reproduction, création, Université Paris VII, note de synthèse pour l’habilitation à diriger des recherches, p 76.
89
la formation en situation de travail élève considérablement le niveau
d’employabilité pour des personnes qui ont perdu pied ou qui n’ont
jamais côtoyé le secteur économique.
Cependant les limites de la transmission de tels savoirs résident dans
un cadre institutionnel qui relève de l’insertion et qui, de ce fait,
entend traiter cette transmission avec souplesse. Ceci place l’individu
face à une situation qui use de marge de manœuvre et de tolérance que
ne supporterait pas le milieu « ordinaire ». Il en va ainsi de la gestion
des absences, de la prise en compte des problématiques personnelles
(notamment celles liées à la santé) en tant qu’elles interfèrent avec la
capacité de production, et en premier lieu de l’aménagement d’un
service d’accompagnement spécifiquement consacré à la gestion des
difficultés rencontrées tant au niveau personnel que collectif.
Enfin, la question sous-jacente à la mise en place d’une démarche de
professionnalisation interne à la structure, est celle de la
professionnalisation de son personnel encadrant. Celui-ci doit être en
capacité de fixer des objectifs qui soient en adéquation avec les
moyens dont il dispose et surtout les capacités des apprenants (« ne
pas placer la barre trop haut »). Ceci a un double impact :
1- En appréciant à leur juste valeur les ressources dont les salariés
disposent pour le développement de leurs compétences, les
encadrants doivent pouvoir renforcer leur sentiment « d’efficacité
personnelle »1. Il est pour cela primordial qu’ils sachent tenir
compte de la fameuse « zone proximale de développement »2.
1 Le concept de self-efficacy développé par Albert Bandura dans les années 1970 se réfère à la perception que les personnes ont de leur sentiment de compétence. 4 facteurs seraient à l’origine de ce sentiment : l’expérience personnelle, l’apprentissage social, la persuasion par autrui et l’état physiologique et émotionnel. Nous voyons comment, avec l’intervention de l’encadrant, la situation de travail peut influer au moins sur les 3 premiers. BANDURA Albert (2007), (trad. Jacques Lecomte), Auto-efficacité : Le sentiment d'efficacité personnelle, Paris, De Boeck, 2e éd. 2 Telle que définie par Vygotski comme : « la différence entre le niveau de résolution de problèmes sous la direction et avec l’aide d’adultes et celui atteint seul ». VYGOTSY L.S (1934), Pensées et langage, 1ère Edition, Paris, Messidor.
90
Ceci n’est pas toujours pris en compte car ils naviguent parfois
entre une attitude protectrice ou au contraire « le jette dans la
fausse aux lions ».
2- L’encadrant garantit ainsi que le salarié puisse maintenir jusqu’à
terme un niveau de motivation suffisant et surtout, il se prémunit
lui-même, de maintenir son propre niveau de motivation et ne pas
sombrer dans un sentiment d’inefficacité.
La fonction de conseil en formation se présente comme indissociable
de la démarche de professionnalisation en situation de travail en ce
qu’elle permet de relier les savoirs acquis à des voies de qualification
et de mettre en place des outils d’évaluation du niveau de
transférabilité en entreprise.
3-4 L’individualisation : un terme générique pour des pratiques
équivoques.
Dans le discours de nombre d’acteurs, le propre même de
l’ingénierie de formation sur une SIAE résiderait dans «
l’individualisation ». Cependant, ce terme ne recouvre pas la même
définition selon qu’il est utilisé par un centre de formation, un
financeur ou un conseiller.
Ainsi, nous pouvons distinguer trois axes sur lesquels il prétend
intervenir :
1-L’individualisation dans les modes d’accès à la formation : le « cas
par cas » qui permet de trouver en temps et heure les moyens adéquats
et spécifiques à l’entrée en formation.
91
2-L’individualisation des parcours1 de formation : qui alterne les
différentes phases liées à la construction d’un projet professionnel et
qui inclut un jeu d’aller- retours entre remise à niveau-emploi-
qualification- expérience.
3-L’individualisation dans les pratiques pédagogiques qui proposent
une pédagogie adaptée et évolutive en fonction des capacités du
stagiaire.
La démarche d’ingénierie de formation intègre l’ensemble de ces
paramètres même si elle n’a que peu d’incidence sur le dernier. Bien
que le terme même « d’individualisation » peut également endosser
les qualificatifs de « personnalisé » voire « différencié », nous avions
retenu, dans la première partie, le terme même de « sur mesure »2 qui
fait le mieux référence à ce qui caractérise la démarche formation. En
effet, celui-ci se construit autour de 3 éléments :
- Le « sur mesure » permet la « porosité » des différents dispositifs
entre eux. Il s’agit de créer les conditions nécessaires et suffisantes
pour que tous les savoirs acquis dans un cadre éducatif puissent être
réinvestis dans un autre cadre éducatif. Ainsi, par exemple, deux
problèmes majeurs et récurrents se posent aux SIAE : le niveau de
maîtrise de la langue française et le fait d’« être en capacité
d’apprendre » ou « de recevoir ». Nombre de structures utilisent alors
1 Il est intéressant de prendre note de la distinction que fait Didier Possoz entre parcours et itinéraire de formation. Le premier « relève du processus formatif, du mouvement en sa part aléatoire, ouverte ». Le second fait référence à un dispositif institué « dans son sens programmatique, ensemble d’objectifs et de contenus définis par l’institution ». Bien que nous nous situions généralement dans le cadre d’un parcours formation, il n’est pas sans se chevaucher et s’apparenter parfois à un itinéraire formation. POSSOZ Didier (2005), « L’individualisation dans la formation, de quoi parle-t-on ? » in Réseau des GRETA de l’académie de Créteil (2005), Formation des adultes et individualisation, Ingénierie, travail pédagogique et expérimentations, Nancy, pp 73-105. 2 Ainsi, comme l’explique Didier Possoz, qu’il s’agisse d’une adaptation au poste et/ou du développement des compétences en interne, ou qu’il s’agisse pour la personne de construire sa feuille de route, dans tous les cas, le terme même d’individualisation « serait alors liée à la « particularité », par la prise en considération des caractéristiques(des déterminations) de l’individu concret mais placé dans un dispositif à vocation universelle(…) ».
92
de manière massive le dispositif « compétences clés » qui vise d’une
part la remise à niveau, d’autre part l’acquisition de la compétence
« apprendre à apprendre ». Ces savoirs sont immédiatement mobilisés
dans un projet de formation professionnelle, souvent qualifiant. Une
telle perméabilité est possible du fait que ces dispositifs répondent de
plus en plus à un cahier des charges qui inclut la relation à l’emploi
comme objet même de l’acte pédagogique1.
- Le « sur mesure » fait de la prise en compte de l’expérience2 un
inconditionnel de l’acte éducatif.
Bien que plus souvent subie que choisie, l’expérience, n’en constitue
pas moins en soi une source d’apprentissage. S’il est désormais
d’usage de parler d’ « autoformation expérientielle »3 c’est que les
professionnels s’accordent à dire que les savoirs acquis dans ce cadre
constituent le socle sur lequel s’érige la démarche d’ingénierie de
formation. Il s’agit alors bien souvent pour la personne :
• D’un retour sur investissement parce qu’elle cherche à valoriser ses
savoirs « expérientiels » et les transformer en certification
monnayable sur le marché de l’emploi.
•De développer et poursuivre, par la formation, l’acquisition de
savoirs partiellement acquis en situation de travail, afin d’accéder à un
métier.
1 En témoigne encore récemment la création du label Français Langue d’Intégration dont le référentiel prône « l’intégration économique » comme un des 3 piliers fondateurs.. 2 Hervé Prévost définit qu’elle « peut être considérée comme le résultat d’interactions entre une pratique personnelle et les représentations permettant de la signifier. En cela, l’expérience représente à la fois l’aboutissement d’une construction exprimée par le sujet et ce qui en a permis l’émergence». Prévost Hervé (2006), « Expérience de soi dans le cours de la vie : entre parcours et discours », », in BEZILLE H. et COURTOIS B., (Dir.), Penser la relation expérience-formation, Lyon, Ed. Chromique sociale, pp64-70. 3 CLENET Jean (2006), « l’accompagnement de l’autoformation expérientielle », in BEZILLE H. et COURTOIS B.(Dir.), Penser la relation expérience-formation, Lyon, Ed. Chromique sociale, pp113-127.
93
•D’utiliser et combiner l’ensemble des ressources acquises par la voie
de l’expérience pour s’engager vers un projet formation qui soit un
projet « original » (mais rarement novateur en ce sens qu’il réutilise
toujours les prédispositions de la personne à travailler sur tel ou tel
secteur d’activité).
- Ce faisant, les parcours formation « individualisé » ou « sur
mesure » recherchent, autant que faire se peut, l’adhésion et la
responsabilisation du salarié au projet éducatif1.
Cependant, l’individualisation repose sur un équilibre précaire qui
tente d’associer des orientations personnelles et des stratégies
institutionnelles. De ce mariage naît inéluctablement des compromis
dont l’inéquitable rapport de force fera toujours infléchir l’individuel
au profit du collectif (« non négociable » !) dés lors que les aspirations
divergent.
Le parcours formation peut alors prendre la direction de prescriptions
et l’entrée en formation devenir un remède voire un soin palliatif que
le patient n’entend pas toujours prendre ou qu’il suit en faisant montre
de duplicité.
Le conseiller formation et le salarié se trouvent dans une situation
paradoxale où la construction du projet formation s’inscrit dans une
dynamique individualisante poussée à l’extrême mais qui peut aboutir
à l’entrée en formation sur des dispositifs « de droit commun » qui ne
reconnaissent plus l’individu dans sa singularité et qui ne prennent pas
en compte le cheminement (ses motivations réelles et l’énergie en
terme d’investissement personnel) qui l’a conduit sur telle ou telle
1 Ce qu’Albert Bandura nomme « Agentivité » et qui définit « la prise en charge » de sa formation par l’apprenant. BANDURA Albert (2007), « Auto-efficacité : Le sentiment d'efficacité personnelle » in RESEAU DES GRETA DE L’ACADEMIE DE CRETEIL (2005), Formation des adultes et individualisation, Ingénierie, travail pédagogique et expérimentations, Nancy, p125.
94
formation. Ils doivent alors gérer le clivage qui s’opère avec le
prestataire formation et qui tend pourtant à ramener l’apprenant vers la
réalité du marché du travail à laquelle il sera confronté et qui veut que
c’est à lui de s’adapter au système dans lequel il veut s’intégrer. Pour
éviter que ce clivage soit trop important et créer des désillusions, le
conseiller formation doit éviter qu’individualisation rime avec
« cocooning » et rappeler au salarié que son projet évolue dans un
système conçu pour l’aider à gérer ses difficultés et qu’en ce sens il
s’adapte à ses possibilités mais qu’une fois sorti de celui-ci, il lui
faudra faire preuve à son tour d’adaptabilité envers un système qui ne
l’attend pas.
L’ingénierie de formation doit pouvoir créer une reliance entre les
savoirs dits « expérientiels », ceux acquis dans un cadre socialement
identifié comme certificateur et ceux issus de la professionnalisation.
Cette démarche prend en compte les prédispositions de la personne à
l’égard des formes de pédagogie qu’elle est prête à appréhender au
moment ou l’on prévoit le projet formation. Cependant, ce ne sont pas
forcément ceux qui sont disponibles à ce moment là. Il faut donc
pouvoir composer avec cela et trouver la moins mauvaise solution
possible.
Le propre de l’ingénierie de formation est de permettre à la personne
de créer du lien entre les savoirs acquis et de se constituer un capital
qui enrichisse ses capacités1.
Conclusion intermédiaire : vers une définition de l’ingénierie de
formation sur une structure d’insertion par l’activité économique
1 Pour autant nous tiendrons pour acquis cette réflexion d’Hervé Prévost : « ce que nous allons faire se reflète déjà dans ce que nous faisons maintenant ».
PREVOST Hervé (2006), « Expérience de soi dans le cours de la vie : entre parcours et discours », in BEZILLE H., COURTOIS B., (Dir.), Penser la relation expérience-formation, Lyon, Ed. Chromique sociale, pp 64-70.
95
Nous pouvons, au terme de cette étude, proposer la définition
suivante de l’ingénierie de la formation telle qu’elle pourrait
s’appliquée au champ de l’Insertion par l’Activité Economique:
L’ingénierie de formation consiste en la maîtrise des outils qui
permettent la mise en œuvre d’un projet personnel de formation. Ces
outils relèvent aussi bien de la connaissance de dispositifs
institutionnels, financiers, pédagogiques, que la prise en compte de la
dimension psycho- sociologique qui entoure la personne ou le groupe.
Mais ceci ne suffit pas si l’on n’y adjoint pas :
1- Le rôle de conseil qui s’effectue en amont et permet d’élaborer une
stratégie cohérente pour que le salarié tire un maximum de
bénéfices de l’action.
2- La capacité de coordination de l’action au niveau des quatre
sphères que constituent l’employeur, le salarié, le prestataire de
formation et le financeur et qui s’exercent dans les trois temps de
l’action : avant, pendant et après.
3- L’évaluation de l’action, tant dans l’analyse des résultats escomptés
que dans la prise en compte de résultats connexes.
Une telle démarche d’ingénierie de formation ne peut se réaliser que si
une mise à jour permanente soit faite de l’ensemble des informations
permettant l’élaboration d’un projet de formation, ce qui présuppose
une capacité à développer des moyens de communication adéquats et
performants.
Le métier même d’ingénieur en formation, même s’il n’existe pas en
tant que tel dans les Structures d’Insertion par l’Activité Economique,
se présente comme une fonction émergente qui a encore de beaux
jours devant elle. Il paraît en effet difficile d’envisager que l’ensemble
des sphères pédagogique, financière, politique et de conseil qui
composent le champ de l’ingénierie de formation, puissent
spontanément s’articuler dans un tout cohérent, efficace et pertinent
96
qui permette à l’individu seul de pouvoir gérer son parcours de
formation. Ceci tient à plusieurs facteurs :
- La complexité due à l’enchevêtrement et aux maillages des
dispositifs.
- L’évolution régulière du fonctionnement de ces dispositifs et du cadre
règlementaire.
- L’acte de création et d’innovation que présuppose tout projet
formation et qui ne peut se reproduire à l’identique.
L’ingénieur en formation ne peut être un spécialiste mais un
généraliste qui a vocation à naviguer entre différentes étapes du
processus de formation, différentes sphères et différents niveaux
décisionnels.
97
CONCLUSION
Les politiques de l’emploi tentent encore aujourd’hui de trouver un
juste équilibre dans les causes réelles du chômage et éviter ainsi
d’administrer la formation comme un remède systématique, prescrit
au terme d’un diagnostic plus ou moins long élaboré par une
multitude de praticiens de l’insertion professionnelle qui ne font
parfois que juxtaposer des avis qui s’additionnent en toute
imperméabilité jusqu’à ce qu’une opportunité institutionnelle tranche
en faveur de l’un ou de l’autre.
Ces trente dernières années ont vu émerger une vague de mesures sur
lesquelles a pu surfer « l’individualisation » des méthodes de suivi et
de formation appliquées au traitement du chômage. Il n’est cependant
plus évident que nous tenions encore pour légitime de donner la
faveur aux caractéristiques individuelles et psychologiques des
chômeurs pour expliquer leurs difficultés d’insertion, passant comme
le soulignaient Elizabeth Dugué et Dominique Maillard « d’une
analyse du chômage à une analyse des chômeurs ».1
Il semble qu’une voie médiane ait encore peine à se dessiner et à
restituer à la formation le rôle qui lui appartient. Encore trop souvent
un pis-aller pour demandeurs d’emploi en mal d’activité et de fait en
1 In MARTIN Bernard(1993), L’emploi par la formation, les populations en grande difficulté, Lyon, Ed. Chronique Sociale, 145P.
98
mal des ressources subséquentes qu’elles soient d’ordre financières,
sociales, ou professionnelles.
L’individualisation pour ne pas dire la personnalisation voire la
personnification des parcours formation et professionnel trouve un
écho de plus en plus massif dans les stratégies développées par
nombre d’entreprises dont les structures d’insertion ne sont pas
exemptes. Tout le monde y trouve son compte dans la mesure où cela
permet de répondre à un double enjeu : de productivité et de
performanc, d’accès à la qualification et/ou d’insertion professionnelle
et de cohésion sociale. Cependant, cela pose la question des limites de
cette individualisation qui, une fois poussée à son extrême risque de
faire émerger un certain nombre de « dommages collatéraux » et
d’ouvrir le débat sur les possibilités de sa réversibilité et sur les
nouvelles voies de gestion de projet individuel et collectif.
Pour qu’un parcours professionnel qui s’achemine vers une entrée en
formation porte les germes de la réussite, aussi bien dans l’action
éducative que dans l’accès à l’emploi qui devrait s’en suivre, il
faudrait que les organismes de suivi et d’orientation par lesquels
soient passés la personne soient aussi en mesure de garantir qu’ils
maîtrisent aussi bien le(s) bilans psychologique(s), la connaissance du
marché du travail, les outils et modes de communication entre les
acteurs au sein des dispositifs, le fonctionnement des relations
partenariales en amont et en aval de l’action. Ceci apparaît illusoire.
On crée ainsi parfois l’inverse de ce qui est recherché puisque la
personne en insertion, démunie face à la démultiplication des
interventions et intervenants sans liens apparents les uns avec les
autres, verra ses efforts réduits, tel Sisyphe, à un éternel
recommencement. Les bénéfices de l’action de formation peuvent se
retrouver noyés sous le flot des problématiques individuelles qui
peuvent alors ressurgir.
99
Ainsi, le projet de formation qui s’inscrit entre projet professionnel et
projet de vie, constitue t-il le prétexte initial à l’émergence d’une
démarche d’ingénierie de formation. Il a pour objet de rompre la
dynamique de parcours qui emprunte régulièrement les voies de la
désinsertion et de prévenir, si ce n’est, d’enrayer les facteurs
d’inadaptation. La place du projet dans la démarche d’ingénierie de
formation pour des personnes en insertion pourrait se présenter
comme l’occasion de réaliser et poser un acte qui relève, comme le
suggère J.P Boutinet1, de « l’inédit », et conjurer le sort de trajectoires
professionnelles qui se présentent bien souvent comme des fatalités.
Cependant, nous constatons que conjurer le sort relève d’un défi qui
demande force et persévérance car, paradoxalement, le propre de
l’inédit est de se nourrir insidieusement des expériences de la vie
passée. L’anticipation d’un futur ainsi idéalisé prend sa source dans un
vécu teinté parfois d’échecs et de désillusions qui martèlent les projets
à venir d’un refrain qu’il s’avère difficile d’assourdir tant il s’est
inscrit dans les partitions comme une donnée consubstantielle. A
l’instar de J.P Boutinet nous considérons que le projet alimente
beaucoup d’espoirs, souvent déchus dans sa conception originelle car
trop rarement il n’aboutit pas tel qu’initialement prévu. Il n’en
constitue pas moins une ligne directrice qui oriente l’individu vers un
ailleurs, le rassure par la présence des balises qui le jalonnent et lui
donnent, un tant soit peu, l’impression de maîtriser son destin.
Finalement, ce qui importe et modifie une trajectoire réside souvent
moins dans l’aboutissement du projet que dans sa mise en œuvre. Le
fait même de l’avoir envisagé comme un possible jusque là
inenvisageable, peut suffire en soi à générer une nouvelle posture et
induire des comportements offensifs plus que défensifs, innovants
plus que routiniers et instinctifs, actifs plus que passifs.
Dans tous les cas, le projet formatif des personnes en insertion se
caractérise par sa précarité et sa fragilité. Celui –ci s’érige comme une
1 BOUTINET Jean Pierre (1990), Anthropologie du Projet, Paris, PUF, 297p.
100
épée de Damoclès qui vacille face à la complexité de maintenir le cap
à chacune des étapes de l’ingénierie de formation.
Ainsi, un élément fondamental s’impose en ingénierie de la
formation : la non prédictibilité des conséquences de l’agencement de
paramètres prévus pour optimiser les chances de réussite. La
malléabilité et l’imprévisibilité du facteur humain, du fait de sa
capacité de réappropriation des transformations qui surviennent à
chaque nouvelle étape du processus, le rendent alors aléatoire.
L’ingénierie de formation ouvre désormais son champ de compétence
car elle œuvre de plus en plus à résoudre les problèmes posés par la
dislocation de trajectoires sociales et professionnelles empreintes de
ruptures et de réaménagements.
L’ingénierie de formation, en tant que démarche, participe à un
assemblage complexe de composants pédagogiques, politiques,
institutionnels et financiers. On peut donc parler d’ingénieries de
formations comme analyse des pratiques inconditionnelles qui
gouvernent les actions de formation. Pour autant, quoiqu’il arrive,
l’ingénierie de formation construite pour la transformation de la
personne est également construite par elle à travers la signification
qu’elle lui en donne et les ressources dont elle dispose.
L’ingénierie de formation agit, pour reprendre l’expression consacré
par Pierre Bourdieu1 à l’habitus, comme une démarche « structurée et
structurante ». Structurée parce qu’elle procède par étapes successives
mais non causalement déterminées et inflexibles. Structurante parce
qu’à l’occasion de chacune de ses étapes, les acteurs du projet (et
principalement l’acteur principal qu’est l’apprenant), entre dans une
démarche réflexive qui leur permet de s’approprier et d’inscrire l’acte
formatif comme vecteur d’une transformation à venir et d’une re-
modélisation du projet de vie.
1 BOURDIEU Pierre (1980), Le sens pratique, Paris, Edition de Minuit, Coll. « Documents », 475p.
101
D’autre part, nous voyons comment, tout au long de notre étude,
s’insinue un non-dit qui touche à une notion relativement ambigüe
dans le secteur de l’Insertion par l’Activité Economique, celle de la
qualité. Elle n’est jamais évoquée par les professionnels du secteur
très peu familiarisés avec les normes, critères et référentiels parce que,
plus que dans d’autres secteurs, les pratiques et les résultats doivent en
permanence se soumettre aux aléas d’une nature humaine qui
s’impose par son imprévisibilité et échappe aux traditionnels outils
d’évaluation.
Pour autant, nous constatons que, au-delà du fait qu’elle ne soit jamais
évoquée, la qualité est bien sous tendue dans chacun des propos des
professionnels rencontrés et est éminemment liée à la question de
l’ingénierie de formation au moins sur 3 axes :
1- Le professionnalisme des opérateurs à deux niveaux:
- Les acteurs en interne pour qui il n’existe pas de cadre de référence
qui soit spécifique au champ de la formation même si des métiers
comme ceux de Conseiller en Insertion Professionnelle et Educateur
Technique Spécialisé font l’objet de certification. Ils rentrent alors
bien souvent en contact, collision ou complémentarité avec : les
acteurs externes dont c’est le cœur de métier et qui ont l’habitude
d’être régulièrement soumis à évaluation.
Cependant, la question de la professionnalisation des acteurs de
l’ingénierie de formation dans le secteur de l’IAE semble un thème en
pleine émergence. En témoigne le développement des actions de
formation spécifiques à destination des CIP ou des actions de
responsable de formation qui intègrent dans leur cursus des modules
liés à l’insertion professionnelle des publics éloignés de l’emploi.
2- La maîtrise et l’assurance de la qualité du produit de formation ou
d’accompagnement et de conseil.
102
Outre les formations qui donnent lieu à une certification, la question
de la qualité se pose plus précisément pour les deux cas de figure
suivant :
- L’apprentissage en situation de travail, dont la validité des acquis ne
vaut pour l’instant que dans le contexte professionnel dans lequel elle
s’acquière. Certaines SIAE rencontrées tendent à rendre visible et
opérationnels ces acquis en se constituant centre de formation et en
réalisant des référentiels certifiés.
- Les actions de formation dispensées par des centres de formation mais
qui échappent à la certification telle que les savoirs de base et
l’enseignement du français langue étrangère. Les labels répondent, de
plus en plus à ce besoin.1
3-La garantie du transfert des acquis dans le milieu professionnel. On
ne peut actuellement que difficilement prétendre que l’insertion
professionnelle des salariés ayant suivi une formation qualifiante
résulte uniquement de la bonne adéquation des compétences acquises
dans le cadre de la formation au secteur professionnel visé.
Ainsi se situe le rôle en devenir permanent joué par le conseiller de
formation. Il doit d’autant plus manier et remanier sa posture et son
identité professionnelle qu’il participe à l’élaboration de projets qui
prennent forme sur des socles mouvants. Il doit alors se repositionner
au gré des diverses interactions qu’il entretient avec les multiples
acteurs de l’action. Il doit en permanence s’insinuer avec conviction et
délicatesse, détermination et diplomatie, créativité et rigorisme dans
les logiques de chacun et prendre ainsi parfois des chemins de
traverses pour mieux servir l’objet de départ.
1 Le Label GRETA Plus par exemple ou le Label Français Langue d’Intégration qui impose que les formateurs possèdent la qualification requise, à savoir, le master ou le DU Français Langue d’Intégration.
103
Enfin, nous souhaitons souligner que notre étude ne se veut en aucun
cas exhaustive du fait de la concision dont nous devons faire preuve
pour relater des résultats de recherche qui nécessiteraient d’être
retranscrits bien plus en détail compte tenu de la somme des
informations recueillies. Nous avons donc du synthétiser les éléments
qui nous ont parus les plus fondamentaux et qui pourraient servir de
trame à l’exposé d’une recherche qui aurait la volonté d’approfondir
cette thématique qui, aujourd’hui encore, reste cantonnée à des
domaines relativement cloisonnés tel que d’un côté celui de
l’accompagnement-conseil-orientation, de l’autre celui de l’insertion
professionnelle et, entre deux, celui de la formation des bas niveaux
de qualification. L’ingénierie de formation apparaît, cependant,
comme le fil conducteur qui permet d’unifier ces trois axes, mais
comme il s’agit d’une conception émergente de cette démarche, il
semblerait que nous ayons à le démontrer !
104
BBIIBBLLIIOOGGRRAAPPHHIIEE
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109
ANNEXES
110
ANNEXE 1
CONSEIL D’ADMINISTRATION
SERVICE ADMINISTRATIF SERVICE COMPTABILITE
ADJOINTE A LA DAF
DIRECTRICE ADMINISTRATIVE ET
FINANCIERE
SIEGE SOCIAL
DIRECTEUR GENERAL
ATTACHEE DE DIRECTION
DIRECTEUR DES
RESSOURCES HUMAINES
POLE HEBERGEMENT SOCIAL POLE INSERTION PAR L’ACTIVITE ECONOMIQUE
POLE SOINS ET AIDE A DOMICILE
DIRECTEUR
ETABLISSEMENT
NIORT
DIRECTEURS
ETABLISSEMENT LA
ROCHELLE
DIRECTEUR
CADA (1) DIRECTEUR IAE DIRECTEURS
CHEFS DE SERVICE CHEF DE SERVICE CHEFS DE SERVICE
COORDINATRICES
SOCIALES
INFIRMIERS
COORDINATEURS
CHRS (2) ACCUEIL CADA
VEILLE SOCIALE (3) DOMICILIATION
SERVICES DE SUITE (4) RESO(5)
2 CHANTIERS D’INSERTION
1 ENTREPRISE D’INSERTION
1 CHANTIER D’ADAPATATION A LA VIE ACTIVE
EHPAD (6)
SPASSAD (7)
EXPLICATIF DE L’ORGANIGRAMME DE L’ASSOCIATION
(1) CADA : Centre d’accueil pour demandeurs d’asile
(2) CHRS : centre d’hébergement et de réinsertion sociale
(3) Veille sociale : service qui comprend un accueil de nuit, un accueil de jour, une équipe mobile, un dispositif hivernal, le 115, un service de stabilisation et un accueil temporaire.
(4) Le service de suite comprend : une maison relais, le service social d’aide au logement, les logements d’extrême urgence, LHSS (lit halte soin santé).
(5) RESO : Réseau d’écoute sociale et d’orientation.
(6) EHPAD : établissement pour personnes âgées dépendantes
(7) SPASSAD : Hospitalisation à domicile, Centre de soins, Equipe mobile Alzheimer, Accueil de jour Alzheimer, Service prestataire et mandataire d’aide à domicile, service de soin infirmier à domicile.
ANNEXE 2
SSEERRVVIICCEE DD’’IINNSSEERRTTIIOONN PPAARR LL’’AACCTTIIVVIITTEE EECCOONNOOMMIIQQUUEE
Centre d’Adaptation à la vie Active (CAVA) : 35 postes à 20 heures hebdomadaires réalisées dans le cadre d’une admission de 6 mois
renouvelable en contrepartie d’une rétribution.
CCHHAANNTTIIEERR DD’’IINNSSEERRTTIIOONN‐ Ateliers
13 postes
Contrat Unique d’Insertion (CUI‐CAE)
24 Heures hebdomadaires
2 ans
Petits travaux de menuiserie
Remise en état de palettes
Second Œuvre
Cartonnage
Espaces verts Projet d’extension
Structure
Nature des contrats
Activités
Dénomination des postes
Ouvrier polyvalent
Agent d’entretien des espaces verts
EENNTTRREEPPRRIISSEE DD’’IINNSSEERRTTIIOONN
14 postes
CCHHAANNTTIIEERR DD’’IINNSSEERRTTIIOONN
15 postes
Contrat Unique d’Insertion (CUI‐CAE)
24 Heures hebdomadaires
2 ans
Contrat à Durée Indéterminée d’Insertion(CDDI)
35 heures hebdomadaires
2 ans
Nettoyage industriel
Laverie linge plat
Projet de 8 postes supplémentaires en 2013
4 postes supplémentaires en 2012
Projet
Préparations chaudes
Préparations froides
Allotissement Plonge
Service en salle
Entretien des locaux et matériel
Agent de nettoyage
Lingère
Agent polyvalent de restauration
ANNEXE 3 OORRGGAANNIISSAATTIIOONN DDEESS AACCTTIIOONNSS DDEE FFOORRMMAATTIIOONNSS
STATUT DE LA PERSONNE PRIS EN CONSIDERATION
ACTIONS D’EVALUATION
TEMPS DE REALISATION
ACTIONS DE FORMATION
FINANCEMENTS
SALARIE
BCA(1) POPS(2)
IMMERSION ENTREPRISE
PVF(3)
EVALUATION INTERNE
SAS(4)
POPS
PVF
POPS
Formation d’adaptation au poste ( Normes HACCP)
Formations qualifiante s en alternance
Compétences clés
DILF/DELF(6)
VAE(7) Préparation concours
DAEU(8)
SPRF(14)
CIF CDD
Pôle Emploi
Entreprises
Conseil Général
OPCA : FPSPP(9), Fonds d’intervention.
Conseil Régional
PLIE(10) CUCS(11)
AGEFIPH(12) OFII(13)
Financement personnel
Contrat de professionnalisation
Formations qualifiantes SPRF
VAE DAEU
HORS CONTRAT DE TRAVAIL
SUR LA DUREE DU CONTRAT
AFPR/POE(5)
SAS
DEMANDEUR D’EMPLOI
BENEFICIAIRES DU RSA SOCLE
EXPLICATIF DE L’ ORGANISATION DES ACTIONS DE
FORMATION
(1) BCA : Bilan de compétences approfondi
(2) POPS : Prestation d’orientation professionnelle personnalisée,
dispositif pôle emploi.
(3) PVF : Plateforme des vocations, dispositif de tests d’habiletés de pôle
emploi préalable à un recrutement.
(4) SAS : Période préparatoire à une entrée en formation qualifiante.
(5) AFPR/POE : Actions de Formation Préalable au Recrutement,
Préparation Opérationnelle à l’Emploi, dispositif Pôle Emploi.
(6) DILF/DELF : Diplôme Initial en Langue Française, Diplôme
Elémentaire en Langue Française.
(7) VAE : Validation des Acquis de l’Expérience.
(8) DAEU : Diplôme d’Accès aux Etudes Universitaires
(9) FPSPP : Fonds De Sécurisation Des Parcours Professionnels.
(10) PLIE : Programme Local d’Initiative Economique
(11) CUCS : Contrat Urbain de Cohésion Sociale
(12) AGFIPH : Association nationale pour la Gestion du Fonds
d'Insertion Professionnelle des Handicapés.
(13) OFII : Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.
(14) SPRF : Service Public régional de la Formation Professionnelle
ANNEXE 4
LLOOGGIIQQUUEE DDEE MMOOBBIILLIISSAATTIIOONN DDEESS FFOONNDDSS PPUUBBLLIICCSS PPAARR OORRDDRREE DDEE PPRRIIOORRIITTEE
CONSEIL GENERAL
PLIE
Autofinancement
ACTIONS FINANCEES PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX
(OPCA ET OPACIF)
CCooffiinnaanncceemmeenntt
PREPARATION OPERATIONNELLE A L’EMPLOI / ACTION DE FORMATION PREALABLE AU RECRUTEMENT
(POLE EMPLOI)
PROGRAMME REGIONAL DE FORMATION DE LA REGION (SPRF)
PROGRAMME COMPETENCES CLES
Financement unique
MARCHES DE POLE EMPLOI
AFC (marchés subséquents)
AIF (Action individuelle de formation Pôle Emploi)
ARIF (Action régionale individuelle de formation)
PPRROOJJEETT
FFOORRMMAATTIIOONN
BBiillaann ccoo‐‐rrééaalliisséé ::
Salarié
Encadrant Technique
Conseillère en Insertion Professionnelle
Partenaires extérieurs
Identité image de soi/représentations de soi en tant qu’agent économique et social
Valeurs/ Attitudes/Motivations
Potentiels/aptitudes
compétence/expérience
Certifications /Diplômes/ Qualifications
Situation socio‐économique :
Réseaux sociaux
Situation professionnelle
Hébergement/santé/mobilité/ Situation familiale.
ANNEXE 5
ANNEXE
Capacité des dispositifs formation de répondre à des besoins spécifiques.
Freins psycho‐sociaux
Attitudes et
comportements
Détermine le besoin de formation EEVVAALLUUAATTIIOONN
Faite par des spécialistes (psychologue du travail, formateur, professionnel, travailleurs
sociaux)
Faite par des généralistes (conseiller en formation et orientation professionnelle)
Auto‐évaluation
Détermine les pré‐requis et/ou pré‐acquis indispensables pour satisfaire ce besoin
Mesure des écarts
‐ Niveau de
qualification
‐ Compétences
professionnelles
effectives
Détermine les moyens les plus adéquats pour répondre à ce besoin
Potentiel
- Capacité d’apprentissage
- Capacités professionnelles :
Savoirs et savoir faire
Capacités
LETTRE DE MISSION ENTRE L’ASSOCIATION ESCALE ET MELANIE THROMAS
Dans le cadre du stage que Melle Mélanie Thromas réalisera au sein de l’Association Escale,
il est entendu que la mission qui lui sera confiée se déclinera comme suit :
Finalités : mise en œuvre d’une démarche de professionnalisation de salariés embauchés au
sein d’une entreprise d’insertion.
Objectifs : 1- Analyser et identifier la demande
2-Mettre en place des outils d’évaluation individuelle préalable au montage du
projet formation
3- Déterminer les ressources mobilisables pour la réalisation du projet
4- Evaluer les facteurs possibles des risques d’échec
Le contexte de l’intervention.
La mission se déroulera au sein du Service d’Insertion par l’Activité Economique de
l’Association Escale. Ce service envisage la création d’une entreprise d’insertion plus
spécifiquement orienté vers la réalisation d’aménagement des espaces verts et de travaux
paysagers. Compte tenu des missions d’insertion professionnelle dévolu à ce type de
structure, elle souhaite que, dés le départ, le projet soit structuré autour de l’acquisition, par
les salariés, de compétences propres au secteur professionnel. Ces compétences doivent
pouvoir faire l’objet d’une validation, notamment par le biais de l’obtention d’un
diplôme/qualification.
Il est attendu que la démarche spécifique d’ingénierie de formation qui sera proposée
puisse, si elle est concluante, permettre un essaimage à l’ensemble des structures du service
d’insertion par l’activité économique à savoir : deux chantiers d’insertion de 13 postes chacun
et une entreprise d’insertion de 10 postes. En effet, l’étude sera réalisée à titre expérimental
sur un échantillon restreint de personnes (4 postes) afin de faciliter les conditions de sa
réalisation compte tenu du temps imparti. Nous partons du principe que, outre les supports
d’activités qui diffèreront par la suite, la démarche lié au montage du projet pourra aisément
être transférée à un cadre institutionnel invariant.
1
2
La réalisation
Mélanie Thromas assurera l’animation et le pilotage de l’étude. Elle devra/pourra
s’appuyer pour ce faire sur les acteurs suivants :
-La Direction du Service d’Insertion par l’Activité Economique de laquelle émane la
responsabilité de la création de la nouvelle structure et son portage au niveau
institutionnel et politique.
-L’équipe encadrante qui assure pour partie l’évaluation des salariés et le
développement de leurs compétences.
-Les salariés et futurs salariés vers qui est orientée l’action.
- Les partenaires externes qui assurent des prestations de formation et
d’accompagnement.
- Les financeurs
- Les agents économiques qui relèvent du secteur d’activité concerné.
D’autre part, elle pourra accéder à l’ensemble des informations existantes,
principalement écrites, et réaliser des entretiens individuels ou collectifs de collecte
d’information auprès des différents opérateurs dont elle jugera l’avis pertinent.
Toutes ces informations seront traitées dans la plus grande confidentialité et leur
restitution garantira l’anonymat des personnes.
A l’issue de la mission qui se déroulera sur 14 semaines soit du 2 janvier au 6 avril
2012, un rapport écrit sera présenté à la Direction du Service ainsi qu’à l’ensemble de
l’équipe encadrante.