Origine du Langage… Souffle de l’être

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Fernand Couturier Origine du Langage… Souffle de l’être Essai de philosophie du langage Fondation littéraire Fleur de Lys

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OrigineduLangage…Souffledel’êtreEssaidephilosophiedulangage,FernandCouturier,FondationlittéraireFleurdeLys,Lévis,Québec,février2019,90pages.

ÉditéparlaFondationlittéraireFleurdeLys,organismesansbutlucratif,éditeurlibrairequébécoisenlignesurInternet.Adresseélectronique:[email protected]:http://manuscritdepot.com/Tousdroits réservés.Toute reproductionde ce livre, en totalité ou enpartie,parquelquemoyenque ce soit,est interdite sans l’autorisationécritede l’auteur.Tousdroitsde traductionetd’adaptation,en totalitéou enpartie, réservéspour tous lespays.La reproductiond’un extraitquelconquedecelivre,parquelquemoyenquecesoit,tantélectroniquequemécanique, et en particulier par photocopie et parmicrofilm, estinterditesansl’autorisationécritedel’auteur.Disponibleenversionnumériqueetpapier.ISBN978‐2‐89612‐563‐0©Copyright2018FernandCouturier.Illustrations:©Copyright2018JacintheCouturierDépôtlégal–1ertrimestre2019

BibliothèqueetArchivesnationalesduQuébec BibliothèqueetArchivesCanadaImpriméàlademandeauQuébec.

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Du même auteur MondeetêtrechezHeideggerUnpeupleetsalanguePourl’avenirduQuébecMotsdeNoëlGrâcesàlaclairièredel’êtreRégimedel’être–ConditionhumaineHeideggerenopusculeMythesReligionsLaïcitéUneairedelibertéMorthumaine…suprêmeSéjourenÊtreRecueildetextesNIETZSCHE–LangageetinterprétationNotesdecours

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Préambule

Ne pas s’attendre à simple déambulation à travers champscultivésdelalinguistiqueetautresscienceshumainesenglanantdesbrinsd’informationssurledéveloppementdelafacultédeparlerchezl’humain.Plutôtuneinvitationàpenseren deçàdesapportsscientifiquesetmêmephilosophiques courants sur lagenèsede laparolehumaine.Tenter de comprendre comment lemot du langage humainsurgit.Surgissementorigineloucommencement.

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Commencementauto‐suffisant…quinecessedecommencer.Commefontaine.Sourceintarissable.Fraîcheurmatinale,initiale.Appeldugrandlarge.Profonderespiration.Inspiration…!Règnedusilence.Souffledel’être.Surgissementdumot.Motoriginel.Enrelaischezl’humain.Grandbesoind’explicitationoud’interprétation.Fidèleattention…abondantemoisson.Lecture!

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Introduction

Commençons notre propos en évoquant une donnée immé‐diate:lelangagehumain,leseuldontnouspouvonsincontes‐tablement faire l’expérience, est farci du mot être commeverbeetcommenomousubstantif.Ilnousestbiendifficilededirequoiquecesoitsansrecourirauverbeêtredans l’uneoul’autredesesconjugaisons.Exemples:cettefemmeestrayon‐nantedebeauté,Pierreaétémalade,lecielestbleu,latempêtefutdévastatrice, l’économieestmaintenant florissante,duresfurentlesdernièresannées,l’avenirserameilleur,etc.,etc.Êtreest aussi employé comme auxiliaire de conjugaison d’autresverbes.Exemples:ilestvenu,cesmaladessontmourant,elless’enserontallées,etc.Mêmelespropositionsquinel’utilisentpasexplicitement selonune formeou l’autrene sontpas sans le

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sous‐entendre.Parexemple,cettecantatricechanteadmira‐blement. Ilest sous‐entendu:elleestdenaissancedouéeetelleestenparfaitemaîtrisede la techniquevocaleduchant.Onpourraitmultiplierindéfinimentdesexemplessemblables.Car ilnousestdifficiledenousreprésenter l’épuisementou lacomplétude du dire humain. Ce dire qui d’unemanière oud’uneautreréfèreaumondedelavie.Eneffet,toujoursl’universetlemondedesenvironsenlequelnous vivons sont nouvellement évocateurs ou offrent desaspects,desdimensionsqui sontencoreàdire,qui sedévoi‐lent prêtes à venir au langage, qui nous interpellent pour lapremièrefoisoudifféremment.Voilàl’énigmeparexcellence.L’universoul’ensembledecequiest,i.e.desétantscommeondit parfois, semble être le phénomène inépuisable dans sacapacitéd’évocation. Ilapparaîtalorsquepenseursetpoètesn’enaurontjamaisfiniaveclui.Toujoursilsaurontàécouteretà entendre ce qui est à dire, ou à redire différemment. Eneffet, ilsembleraitque laparolevienned’uneécoutedesévo‐cationsquinous interpellent,quecelles‐cisoientdirectementsonoresousimplement inspiréespar lavueou laprésencedequelque chose qui nous touche ou capte notre attention.L’attention et l’écoute paraissent être des proches parentesliéesaulangage.Mais qu’en est‐il des rêves? Souvent les rêves eux‐mêmescomportent expressémentdes situations en lesquelles l’acteurou les acteurs interviennent en langage. Langage qui alorsreflèteceluiquiacoursdans l’étatdeveille.Les rêvesentre‐tiennent toujoursquelque rapport expliciteou caché avec lemonde de la vie. Le rêveur une fois éveillé peut décrire sonrêveenun langage toutà faitsimilaireàceluiqui racontecequisepassedansleconcretdelaviedetouslesjours.Langage

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qui reste dépendant du mot être. Même si le rêve demeurenébuleux,ousemblecomplètementétrangeràcequisepassedans la vie concrètedu rêveur, lapsychanalyse s’avère alorscapabledelerattacheràquelquesituationsimplementoubliéeouinconsciemmenttenuedanslesecret.Ainsilerêvearriveaulangage.Ilsemanifesteenlangagequidécritouracontecequifut alors expérimenté en songe et est encore significatif, neserait‐ceque lointainement,pour lavieconcrètedu rêveur lui‐mêmeetaussipourcelledesonentourage.Maisqu’enest‐ildesœuvresd’artqui semblent releverde lapure imaginationhumaine?Selon lesapparences immédiatescelan’arienàvoiraveclemonde.Cependant,peut‐onimaginerun poème, un roman, une peinture, unemusique qui soientpures inventions sans référence aucune aumonde de la viehumaine?Àbienypenserouàvoirl’intérêtqu’onleurporteilsembleraitquenon.Maisnedit‐onpasdecertainespeinturesqu’elles sont abstraites? Apparemment elles seraient sansréférenceaumondedelaconcrétude.Maisabstraitesdequoi,pourrait‐on rétorquer?Alors il faut remarquer que la qualitémême d’être abstrait renvoie au moins par la négative aumonde dans lequel on vit; et on peut observer aussi que lemedium peinture lui‐même est un élément appartenant aumondeconcret.Ilparaîtenêtreainsipourtoutceque l’onditabstrait. Et cela inclut les mathématiques qui, malgré leurapparencesdepureconstruction intellectuelle, s’avèrentêtreutiles voire indispensables pour signifier adéquatement nonseulement lesdivers rapports entre les éléments constitutifsdelaréalitéconcrètelaplusimmédiate,maisdeviennenttoutà fait indispensables aux explorations astrophysiciennes desdimensionslespluslointainesdenotreunivers,distanceséva‐luéesenmilliardsd’années‐lumière.

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Même les thèmes d’un autremonde ou d’une autre vie nepeuventévoquerounousparlersansquelquerapportàcequiestconcrètementvécud’unemanièreoud’uneautredans laréalitéquotidienne.L’autremonde,concluouimaginé,entantqu’il est autreprécisément, évoque aumoins indirectement lemondeduvécu.Ilsemblebienquetousleseffortspours’abs‐trairecomplètementdecetteréalitésoientvains.Et,parailleurs,comment tous ces propos pourraient‐ils évoquer autrementqu’en éveillant chez le lecteur, le spectateur ou l’auditeurquelqueaspectoudimensiondeleurpropreexpérienceoudeleurvécudans la réalitédumonde,oupeut‐êtreencoresanséveiller laquestionde savoircequ’ilen retournede l’êtreenlui‐même?Cartoutcelasepasseenêtre.Ici,faut‐ilremarquer,lemot être apparaît commenom.La raisond’êtrede tout celaest d’être évocateur pour l’humain, de pouvoir lui parler dequelquemanière.L’humainparaîtsensibleauxévocationspeuimported’oùqu’ellespuissentvenir.Etaussi,bienévidemment,l’humainparle. Ilparlepourdirequelque chose, ilparlepourévoquerquelquechosequisoitsignificatifpour lesautres,sessemblables.Etfinalementtoutcedontilpeutfairel’expériencelui parle de quelquemanière.Mais si d’aventure ça le laisseindifférentoutoutsimplementneluiditrien,celademeureaumoins invitation à interroger oumieux à entendre ceque lerienpeutsignifieroudire.Maislemotêtren’estpasemployéennotrelangageseulementcommeverbe.Ilapparaîtaussi,mêmesimoinsfréquemment,commenom.Effectivementonparledel’êtredel’universcommedeceenquoi ilconsisteen lui‐même,en toussesdétails,entous lesélémentsdont ilconsiste.Onparleausside l’êtredel’humain. En effet l’expression l’être humain revient assez fré‐quemmentennosdires.Onopposealorsassezsouventcetêtrehumain à ce qu’on appelle aussi l’être divin ou encore l’être

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absolu.Admettantainsiimplicitementnotreincapacitédedireadéquatementceenquoi ilconsiste.Onpourraitmêmedireque ledivinou ledieu,etaussi lemondeou l’univers,deparleurêtreoudeparcelaenquoiilsconsistentsontindéfinimentévocateurs.Mystérieux langage! En quoi peut bien consister le rapportentre l’être comme nom et l’être comme verbe? L’humainserait‐ilen lui‐même le siègeou ledépositairedece rapporténigmatique?Etqu’enest‐ilaujustedel’être(nom)lui‐même?Del’êtrequiafflue,quisurgitennotrelangage,quiémergeouaffleuredetoutespartsensurfaceetmêmeauseindeschoseset de la vie; de l’être qui nous devient ainsi perceptible ouaudible lemoindrementquenous lesoulignions,ouquenouslevions la têteetdevenionsattentifsàceque l’ondit ?Bienétrangeénigme!Voilàcequeletitreduprésentessaisuggèrededémêler.

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Langage selon la philosophie

Ilestopportunde rappelerdèsmaintenant,ne serait‐cequeschématiquement, la manière habituelle de comprendre etd’expliquer ce langage, elle‐même héritée de la philosophietraditionnelleoccidentaleoumétaphysique.Ledire, leparler,ou tout simplement laparole sontgénéra‐lementcompriscomme relevantd’unpouvoiretd’uneactivitépropres à l’humain.On veut bien reconnaître que les diffé‐rentes espèces animales aient desmanières bien à elles designifieretdecommuniquer.Chacune,eneffet,asesproprescrisoumugissements,sesattitudesparticulières,sesmouve‐mentscapablesdesignifierpoursescongénères.Etiln’estpasexclusquedesindividusd’autresespècesdeviennentsensibles

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àcertainsdecessignes.Signesqui,parexemple,lesincitentàfuir ou à se cacher, à se dissimuler.Mais l’espèce humainesemblebiensedémarquerentretoutes lesautresespècesdevivantsparsesmotsetsonlangage.Ilestconvenudedirequeseull’humainparle.Etlesmots,laparole,lelangage,pense‐t‐on,résultentdupouvoireffectifproprementhumaindeparler.Puisceparlersemblevenirensuitedelapensée.Etlapenséeelle‐mêmeestconsidéréecommeuneactivitétouteintérieureaupsychismehumain.Elleporte toujourssurquelquechose,cependant.Soitquelquechosedepurementinventé,d’imaginé,oude rêvé, soitquelquechoseappartenantdirectementà laréalitéconcrèteouextérieure,unquelquechoseauquell’humainaaccèspar l’unou l’autredesessens.D’où letrajetsuivant:uneréalitéextérieure,perçueparlessensetencettemanièreintériorisée,surlaquelles’exercelapensée;penséequis’élaboreous’explicitetoutintérieurement,etensuites’extériorisedansleparlercommediscoursquicomportedesénoncéssignificatifspar l’agencementd’unensembledemots,desmotsquinom‐mentdeschoses,desaspectsdeceschoses,etquipermettentdecommuniqueraveclessemblableshumains.Tels semblent être grossomodo dans l’opinion générale lelangagehumainet lesmotsqui lui sontassociés.Mais cettemanièreassezcourantedecomprendreneditriendelasourcetout à fait originelle dans laquelle le psychisme humain peutbien puiser sa capacité de penser et de parler.Ainsi elle neparvientpasàl’originepremièredulangageetdumot.Surtoutellenementionnepas lephénomènegénéralde laprésenceconstante, immédiateou indirecte, toutdemêmeétonnantede l’êtredans le langage;de l’être impliquéexpressémentouindirectementcommeverbedansleparlerhumain,voirecommeétoffeou constitutionmêmedes choses,de ceenquoi con‐sistel’êtremêmedeschoses.Elleneditrienàproposdel’être

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Langageselonlaphilosophie

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entantqu’ilsemblereprésenterunesortedefondsurlequelsedétachent toutes choses,ouungenredemilieuen lequel ellesbaignentetquilessoutientcommeuneatmosphèreenlaquellel’humainlui‐mêmesemblebienoccuperuneplaceparticulièreetjouer un rôle à l’avenant.Enfin cettemanière coutumièredecomprendre le langage ne dit rien de l’être comme ouverture,ouverturepremièreouoriginellequeprésuppose laprésencedequoiquece soit.Etellen’enditguèreplusde laprésenceelle‐mêmeetdurapportqu’ellesembleteniravecl’être.

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Autre approche du langage; poème sur le mot

Auvingtièmesiècle,lepenseurallemandMartinHeidegger,ententantderemonterà l’originemêmede laphilosophieocci‐dentaleoumétaphysique,àsonauthentiquecommencement,est amené à penser l’originemême du langage et dumot enessayant d’expliciter le rapport de l’être lui‐même à l’humain.Proposquisous‐tendletitreduprésentessai.Commençonsparprendre connaissanceouentendre cequ’ilenditdansuncourtpoème,unesortedepoèmedidactique.Poèmequifigureàtitredepréambuleau66etome (Besinnung,1997,p.8)de l’éditioncomplèteallemandedesœuvresheideg‐gériennes.Besinnungsignifieméditation,réflexion.Cepoèmequiporteexpressémentsur lemottelque l’indiquesontitre:DasWort,Lemot,aétéécritprobablementdans ladeuxièmemoitié de la décennie 1930. Il convient de le lire d’abord enallemandetensuitedansunetraductionquenousproposons.Traductionquirespectemêmeladispositionetlaponctuationdelaversionoriginale.Uncommentaireouuneinterprétationsuivra.Voicidonccepoème:

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Das Wort

Nichts, Nirgend, Nie vor jedem Etwas, allem Dann und Dort

entragt das Wort dem Abgrund, der verlieh,

was jedem Grund misglückt,

da nur der Bund mit dem Gesagten

jeglich Ding zum Ding bestückt und die gejagten

Sinne wirr verstreut.

Le Mot

Rien, Nulle part, Jamais avant tout quelque chose, tout alors et tout là

surgit le mot de l’abîme, qui accorde,

ce que nulle cause ne réussit,

car seulement l’alliance avec le dit

permet à chaque chose d’accéder à sa propre structure et laisse la chasse

aux significations errer à l’aventure. Uncommentaire interprétatifdecepoèmeparsèmera lepré‐sentécrit.D’emblée on peut remarquer que ce poème ne ditmot del’être.Ilneditriend’explicitenonplusàproposdurapportdel’être à l’humain. Alors pourquoi l’introduire ici dans notredémarche?Ilfautvoirdeprès.

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Autreapprochedulangage;poèmesurlemot

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La première ligne comporte trois simples mots. Mots quieffacentenquelquesortelaréalitédanssonensembleaveclesrelations spatiale et temporelle qui lui sont associées.Nouspouvonsdéjànoterlapuissancedumot.Eneffet,parcestroismots, nous nous trouvons soudainement face au rien, voirecommeenvahisetpénétrésparluiouannihilés,annulés.Riende l’univers ou rien de l’étant dans l’ensemble, dont noussommesd’ailleurs,nereste.Toutcelan’estplus.Suppressionoudisparitionuniverselle.Etalors?Alors, c’est l’abîme.Nousdevonsnoter cependantque cettedernière question elle‐même et sa réponse impliquent quenous, les humains, ne sommes pas disparus complètement,quenousrestonsaumoinscommelangage.Maislaissonspourlemoment.Lemotabîmeévoqued’habitudeunprécipice,untroubéant,où règne lanoirceur, troudontonn’arrivepasàsoupçonnerlefond,trousansfond.Lemotabîmeditaussietassez justement l’absencedecequiestoude toutétant,del’étantdans l’ensemble.Toute tracede cequipeut servirdefond ou de fondement se trouve exclue de l’abîme ou parl’abîme.Iln’yaplusrien.C’estexactementcequeveutdireensapropre littéralitéce termea‐bîmeempruntéau latinetaugrec:abismusetαβυσσος.Maisnéanmoins,dit lepoème,decetabîmesurgitlemot.Surprenant!Etcelaavantquoiquecesoit d’étant. Avant tout quelque chose ou étant dit expres‐sément ce poème, et avant tout rapport de spatialité et detemporalitéquipeuts’établirdansl’ensembledecesétants.Etlepoèmederenchérir:del’abîmequiaccordecequ’aucunfon‐dement,aucunecauseouraison(Grund)nepeutfaireouréussir.Comble de la surprise!Vraiment étonnant!Mais avons‐nousbien lu?Pourquoine serait‐cepas lemotplutôtque l’abîmequiréussisseuntelexploit?Carlemot,àcequel’onsache,n’estpas rien.Lemotalorspourraitbienproduirequelqueeffet…

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Latraductionobligéeenfrançaispermetoulégitimedansunecertainemesurecettequestion.Cependantl’allemandinterditcette interprétation.Car lepronomrelatifqui(derenallemand)estaumasculin.Ilserapportenécessairementàabîme(Abgrund)quiest luiaussimasculin,alorsque levocablemot (Wort)estdugenreneutre.Alorsceseraitbien,selonletexte,l’abîmeetnonpas lemotquiaccordeouconfèrecequenullecausenepeutréussir.Maisimmédiatementsurgissentencoredesques‐tions:commentl’abîmepeut‐ilaccorder?Celanedépasse‐t‐ilpas l’entendement? Cela serait‐il pure fiction littéraire? Carl’abîme,àcequ’onensache,n’est‐ilpas rien?Etcomment lerienpourrait‐iltoutsimplementaccorderquelquechose?Ainsisepointe,voires’impose lanécessitéd’uneexplicitationoud’une interprétationparticulièrementattentivepourpouvoircomprendredequoi ilretourne icidanscettemanièredediredu poème. Comment donc l’abîme peut‐il accorder quoi cesoit…?Répondre à cette question apparaît, dumoins à pre‐mièrevue,unetâchedésespérée,voireimpossible.L’abîme accorde, énonce le poème contre toute attente.Sepourrait‐il,enfindecompte,qu’ilaccordeenlaissantsurgirlemot?Etqu’ilaccorde justementpar l’intermédiairedumot?Mais comment lemot peut‐il bien surgir de l’abîme?Mys‐tère…Ilfauts’appliqueràvoirdeplusprèsencore.Àréfléchirouméditerselonletitredulivre(Besinnung)!Parailleurs,ilestcertainquel’abîmequiditl’absencedetout,detouteschosesoudetouslesétantsdontl’ensemblerepré‐sente l’univers,quecetabîmepeutameneràpenseraucom‐mencement. Seul le commencement, semble‐t‐il bien, peutsuivre,peutadvenirdansoude l’abîme,quandc’estabîme,oudansl’absencedetoutétant,i.e.dansl’absence,selonceque

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Autreapprochedulangage;poèmesurlemot

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l’onpenseordinairementet raisonnablement,decequipeutêtrecauseoudecequipeutservirdefondement.Autrementdit,s’ilyaabîme,ouencoresic’estabîme, iln’yaplacequepour le commencement. L’abîme alors comme invitation àpenser le commencement: Comment cemonde, cemondequinous inclut,peut‐ilbienavoircommencé,sedemande‐t‐onsouvent, et bien légitimement d’ailleurs. Comment se fait‐ilqu’ilsoittoutsimplementlà,cemonde?Voilàquinousparaîttoutàfaiténigmatique,désespérémenténigmatiquedumoinsàpremièrevue.Biensûr,desthéoriesphilosophiquesetthéologiquessesontemployéesaufildessièclesàexpliquerlaprésencedumondeen exploitant l’idée même de création: geste créateur ouinitialquiposedansl’existence,oudansl’être.Alorslemonderelèveraitd’une causepremière,enseigne laphilosophie.S’iln’yavaitpascettecausepremièreonnepourraitpasexpliquerledevenir,soutient‐elle.Carcedevenirdontonfaitcontinuelle‐ment l’expérience, raisonne‐t‐on avec une certaine justesse,n’est compréhensible que par l’intervention d’une cause…, oud’uneautreantérieure,etpuisd’uneautreencore,etencoresic’estnécessaire.Mais sionn’arrêtepas la chaînedescausespar une première on laisse le devenir ou l’arrivée de quelquechose en présence, dont on fait hic et nunc l’expérience, onlaissealors cedevenir inexpliqué, incompréhensible, horsde larationalité, voire impossible. Lemonde du devenir ne seraittoutsimplementpas. Il luifautalorsunepremièrecause,unecause qui ne dépende de rien d’autre. Une cause premièrequ’on a d’ailleurs identifiée de différentesmanières et selondes sources diverses au pouvoir de quelque divinité, dequelquedieuàquionadonnédifférentsnoms.Desdieuxquiont créé cemonde et restent responsables de ce qui peutadvenirenlui,responsablesdudevenirengénéral.Etcelabien

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avant que la philosophie ait formulé la théorie de la cause première. Mais toutes ces théories ne sont pas sans laisser surgir quelque incertitude ou incrédulité. La puissance de l’expli-cation causale à laquelle ont recours ces théories, expressément ou implicitement, ne serait donc pas illimitée…? Pas tout à fait satisfaisante…? Incapable de vaincre, de supprimer complète-ment la noirceur de l’abîme…? Parce qu’elle implique de fait, malgré l’abîme, des étants comme cause première ou comme certaines divinités créatrices…? La philosophie et la théologie arrivant alors, non sans un certain désespoir, dans la parfaite obscurité de l’abîme qu’évoquent immanquablement leurs propre limites…?

Avènement du commencement

Alors se fait pressante la nécessité d’essayer d’expliciter ce qu’on peut entendre quand on dit commencement sans avoir recours à quelque cause ou quelque étant que ce soit. D’emblée le commencement laisse surgir l’idée d’autosuffisance. Celle-ci évoquerait de manière positive ce que dit négativement le mot abîme. Cette idée empêche le commencement d’être considéré comme pure lubie ou simple échappatoire. Ou comme invention en elle-même contradictoire, ayant recours à la dé-robée à quelque étant. On peut tout de suite remarquer, avec une certaine insistance, que le commencement, en stricte rigueur, doit se différencier de ce qu’on appelle couramment début. Car ce dernier terme réfère à tout phénomène ou tout évènement particulier qui arrive dans le cours normal des choses constitutives du monde. Par exemple, le début d’une course, le début d’une nouvelle année, le début d’une vie, le début d’une crise économique, etc.

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Autre approche du langage; poème sur le mot

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Tout ce qui débute, qui arrive ou peut arriver prend figure d’événement. On peut voir dans le mot même d’événement un radical qui évoque un venir et un préfixe renvoyant à ex, lui-même suggérant une sortie ou provenance. Un événement a lieu, arrive ou bien se produit en suite de quelque chose. De quelque chose qui prend alors figure d’occasion ou de cause selon la compréhension devenue commune. Ainsi tout cela se situe dans ce qu’on peut appeler l’ordre événementiel. Mais le commencement prend place ou a lieu quand c’est abîme, dans l’abîme, en l’absence de toutes choses et de tous événements. Et de ce fait il semble introduire un autre ordre qu’on peut dès maintenant suggérer d’appeler avènementiel. Le commencement ne saurait être un simple événement ou une incidence se pro-duisant et impliquant de quelque manière des choses du monde en lequel nous vivons. Le commencement, rigoureusement, ne peut surgir de quoi que ce soit d’autre. Car justement il n’y a pas d’autre, c’est abîme. Il n’y a pas d’étant, ni comme cause première ni comme dieu. Ainsi le surgissement du commence-ment doit être pur avènement, ou avènement absolument auto-suffisant. C’est de tout cela que notre explicitation du poème doit tenir compte.

Rien, abîme, commencement, être, étant

Nous pouvons d’ores et déjà remarquer qu’il est bien difficile, voire impossible, de parler de l’abîme, et aussi du rien qui lui semble associé, sans avoir recours au verbe être. Qu’est l’abîme ? Qu’est le rien ? Voilà en effet des questions inévitables. Même en situation extrême d’abîme l’être s’impose ou afflue en notre langage. Quand nous disons à l’instar du poème : rien, nulle part, jamais, ce qui reste pour ainsi dire, c’est l’abîme. Même quand en notre langage humain nous effaçons ou annulons tout étant, c’est-à-dire l’étant dans l’ensemble ou l’univers, alors

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iln’estplusrien, iln’estqu’abîme.Alors ilyaou ilestplaceenquelquesorteseulementpourlecommencement,poursonseuletpurauto‐suffisantavènement.Remarquonscependantquelepoèmeneditpasqu’iln’yaplusd’être.Carnousnepouvonsmême pas dire que l’être n’est plus sans avoir recours à lui,l’être.Sansêtre,pasdelangage…Étrangesituation!Impossible,semble‐t‐ilbien,de sedéfairede l’être.Et ildoitenêtredemêmepour lecommencement.Commentsepasserducom‐mencement…? Le commencement devrait alorsdirequelquechosede l’être. Ildevraitaumoins l’impliquerdequelquema‐nière.Lecommencementserait‐iltoutsimplementêtre?Alors, le commencement.Qu’en est‐il vraiment?MartinHei‐degger estprobablement lepenseurqui a leplus réfléchi etécritàproposducommencement.Etceladanslaperspectived’allerau commencementde laphilosophieoccidentale.Pasau simple début de cette philosophie, que d’ailleurs lescomptes rendushistorienspeuventsituerdans lesquatrièmeou cinquième siècles avant notre ère. Voici ce qu’il formulebrièvementdansletome71desesœuvrescomplètespubliéeschezVittorioKlostermann,tomequiporteexclusivementsurl’advenirou l’avènementmêmeducommencement.D’aborden allemand: Das Ereignis sagt die eigens sich lichtendeAnfängnis des Anfangs (p. 147) Nous en proposons la tra‐duction suivante: L’avènement dit la particulière ou propreinitialité auto‐éclaircissante du commencement. En simple, ils’agit de l’avènement (Ereignis) du commencement; et cetavènementoriginelestéclaircissementouéclosioninitialequid’elle‐mêmes’ouvre.Puisletexteenchaîneimmédiatementendisant qu’il s’agit de la vérité de l’être, i.e. de l’éclosion ououvertureinitialedel’être,oumieuxdel’estrepourmarquerlapropreouintimedynamiquedel’être.L’auteuramanifestementexpérimentéque lecommencementanécessairement rapport

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àl’être.Lecommencementcommencedelui‐même,est‐ildit.Etencesens ilestsansfondementautreque lui‐même, ilnedépend de rien d’autre. Et c’est bien ce que signifie en lui‐même lemot a‐bîme, à savoir sans fondou fondement.Onpeutdéjàentrevoirquelemotabîmen’apasquelesensnégatifde néant ou de non‐étant. Il laisse entendre en effet, par lanégativecependant,lecaractèred’autosuffisanceducommence‐ment,oude l’estre faut‐il toutde suite et toujours ajouter oupréciser.Parlerdu commencement, c’estparler de l’être.Lecommencementn’apasd’extérieuràlui‐mêmeoùsesitueraitquelquechosequi leprécéderaitetqui luiserviraitde fonde‐mentoudecause.Caràbienypenserl’idéemêmed’extérieurrenvoieàunechosedéterminéeetévoquecequisetrouveàcôtéd’elle,endehorsd’elle,ensonextérieur.Maisrigoureuse‐ment,lecommencement,n’étantpasquelquechosedeparti‐culier,n’apasd’extérieur,ilestsansextérieur.Lecommence‐mentestsimplementsanscauseoua‐bîme, ilestorigine,outoutàfaitinitial.Ilestsapropreéclosionououverture.Maisilnefautpasoublierquetoutcequ’onpeutdireducommence‐ment convient également à l’être: le commencement est a‐bîme, est sapropreéclosion, estou s’avère tout simplementestre.Ainsi être ou estre se décline en abîme et en rien, en autosuffisance, en auto-éclosion, en clairière et en commen-cement. L’être n’est pas effacé dans nos dires sur l’abîmecommeriendesétants.Rappelonsencoreiciquelepoèmeneditmotdel’être.Lerienetl’abîmeentretiendraientunrapportsecret à l’être…Et le commencement lui‐même impliqueraituntelrapport…Ilparaîtincontestablequenilerien,nil’abîmen’effacent l’être. Et que l’avènement du commencement nepeut surgir qu’en cet être ou en tant que cet être. Être…indépendanceouautosuffisanceabsolue !Être…commence‐mentouorigine!

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L’a‐bîmesuggère lecommencement.Etcommencementdit:advenirdesoi‐même,êtresapropreinitialité,sapropreéclosion,sa propre ouverture. Et cette ouverture est éclaircie, dit eneffet la définition de l’avènement. Il s’agit d’une clairière, laclairière originelle ou initiale. Le commencement est rigou‐reusementavènementetnonsimpleévénementquiarriveouqui estproduitdans l’universdes choses.Ceci estde l’ordreévénementiel,avons‐noussuggéréunpeuplushaut.Cetordresemblemaintenantsecondetdépendantparrapportàcequiadvient avec ou dans l’éclosion du commencement. Il paraîtalors légitime de caractériser d’avènementiel ce qui advientcommel’initialouletoutàfaitoriginel.C’est‐à‐direcequiestcommencement. Tout ce que l’on peut dire de l’initialité ducommencement parle de l’être, de ce qui est avant touteschoses,decequioffreplaceàtouteschoses,deceàquoisontredevablestouteschosesdumondeetquipartantlesconcerneou détermine toutes, et qui de cette manière leur est enquelquesortecommun.Commune redevanceà laclairièredel’estre.En leurplus intime les chosesdumonde renvoient àl’êtreetportentencettemanière samarque.C’estd’ailleurseninversantcettecaractéristiquequelaphilosophietradition‐nelleoccidentaleacomprisl’être.Maisalorsl’êtreestvucommedétermination ou qualité communeà tout cequiest.Et c’estainsiquetoutechosepeutêtrecaractériséecommeétant.Mais,devons‐nous observer, cette manière de comprendre l’êtrecomme simpledéterminationdesétants, fût‐elle laplusgéné‐rale, revient en quelque sorte à le subordonner à ces étants.Alorsquel’êtres’avèreplutôtl’ouverture,l’éclosionoul’éclaircieproprementoriginelledu commencement dont dépendent lesétants pour leur présence même. Cette dépendance desétantsparrapportà l’êtrecommecommencementesttoutàfaitoriginelleetprofondeausensoùl’êtrelui‐mêmefoisonneou abonde en étants. Les étants tiennent tout de l’être; ils

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tiennentde lui leurpropreconsistanceetprésence.(Voilàunepistepourressourcerl’idéetraditionnelledecréation.)Lecom‐mencement s’avère laclairière (Lichtung)de l’être,oumieuxde l’estre (Seyn). Heidegger emploie cette forme ancienneSeyn au lieu de Sein pour évoquer le genre de dynamismeinterne à l’être (Sein), une dynamique que l’ancienne formefrançaise estre peut à son tour justement évoquer. Ainsi laformuleclairièrede l’estreditexpressément l’activitéoumieuxladynamiquepropreà l’être;elleévoqueque l’êtreesten lui‐même é‐claircie en opération ou à l’oeuvre qui s’achève ouaboutit en quelque sorte en clairière. Telle est la véritéfondamentale ou originelle de l’être.Cette vérité initiale estavec justesse et bien à propos évoquée dans lemot estre.Cette vérité conserve en l’estre l’advenir lui‐même commedéploiementducommencementoué‐claircir,etaussil’advenuàsavoirlaclairièreoul’ouvertureelle‐même.L’êtresetransmetpourainsidireenclairière.Toutecettedynamiqueestcomplè‐tementinterneàl’être.Laclairièren’estpasunproduitquiluisoitexterne.L’être comme commencementest cet é‐clairciretilestcetteé‐claircieouclairière.D’oùSeynouestre(formesanciennesdeSeinetêtre)pourévoquercestatutparticulierdel’être.Telleestl’initialitéducommencement,telleestl’initialitépropreàl’estre.Toutcequel’onpeutdireducommencementconvientàl’être.Ainsil’êtreestrigoureusementcommencement.Ilconvientdenoterenpassantlacapacitéétonnantedenotrelangage,du langagehumain,dedireavantoumieuxen-deçàdes choses concrètes aumilieudesquelleset avec lesquellesnous nous affairons demultiplesmanières dans le cours denotrequotidien.Continuons.Lediscoursàproposdel’êtreamèneàl’ouvertouà l’ouverture originelle grâce à laquelle toute chose ou toutétantpeutapparaîtreouentrerenprésence.Lediscourshumain

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avaitdèslapremièrelignedupoèmesurlemoteffacétouteschoseset laissédans l’abîme.Maiscefaisant, ilnes’étaitpaseffacé lui‐même.Orcemêmediscourspassantde l’abîmeaucommencementetà l’êtreen saclairièreououvertureorigi‐nellepermetainsidequitteroude sortirdecetabîmeetderetrouver lesétants.Maisd’embléecetteouverturepourtantextraordinaire est oubliée, tue ou passée sous silence dansl’attitudequotidienneenlaquelleleshumainssetiennentgéné‐ralement. Elle n’apparaît ni expressément ni habituellementpour ainsi dire dans le train‐train quotidien ou l’affairementdeshumainsaumilieudesétantsetaveccesétantsdetoutessortesquimeublentlemonde.Cetteouvertureoriginelleresteenretraitparrapportàtoutcequeleshumainsfontetdisentjournellement,dans lecoursquotidiende lavieouexistence.Tout à la fois l’être ou l’estre se donne et se retient en lui‐même, pour ainsi dire. L’advenir du commencement ou del’êtrecommeestrecomportecevaetvientd’ouvertureetdefermeture.L’êtresedonneetse refuse toutà la fois,enunealternanceoriginelle.Commeunesortederespiration.Cequiamène à penser le commencement comme un commencersans relâche,uncommencerquin’apasdecesseenquelquesorte.Lecommencementnefaitquedecommencer,pourrait‐t‐on dire très justement. Il ne commence pas une fois pourtoutesoupourdebon.Iladvientoucommence,seretireouseretientetrecommence…Etcelaindéfiniment.Voilàsemble‐t‐il bien sa propre dynamique. C’est là ce qui le différenciecomplètementd’undébut.Ledébutestpourainsidirestable.Lastabilitédelamarqueparrapportàlaquelletoutesortedemouvement ou changement se fait remarquer pourrait lecaractérisercommedébut,commeceàpartirdequoicecioucelaarrive,seproduitoubienestproduit.Sansjeudemots,lecommencement sedémarqueessentiellementpar rapportaudébut.

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Ilconvientdenoter,enpassant,que l’espècede joute,cettesortede jeududonetde la retenuequicaractérise l’advenirmême du commencement ou de l’être s’avère tout à faitsemblableà lamouvance interneselon laquellesecaractériselavéritéensonoriginegrecque, i.e.en l’αληθεια.Celle‐ci,cetermeauféminin,setraduit littéralementparnon‐voilement.Lenon‐voilement vientd’un voilementet supposeundévoi‐lement.Celavadesoi.Orl’initialitéducommencementoudel’estreentantqu’auto‐éclaircissementousimplementéclairciefaitpenseràuneéclosion.Etcelle‐cicomportemanifestementuncloreetuné‐clore.Cetécloreouéclosionducommence‐ment ou de l’être revient à la vérité alèthéienne, i.e. àl’αληθειαgrecquequi,en tantquenon‐voilement (Unverbor‐genheit),dit ledévoilementou lepassaged’unvoilementàunnon‐voilement,àuneouvertureoudégagement.Sibienquel’être ou l’estre en sa vérité essentielle, i.e. en samouvanceproprepeutêtreconsidérécommel’êtreoul’estredelavérité.C’est dire la parenté étroite ou même consubstantielle del’êtreetde la vérité. Ils sont caractériséspar lamêmemou‐vanceoulamêmedynamiqueinterne.Enleurorigineouselonleurorigineêtreetvéritésemblentbiennefairequ’un.On a évoqué un peu plus haut que lamouvance propre aucommencementouà l’êtrepeutêtreconsidéréecommeunesortedetransmission.L’êtresetransmetenclairière.Etcetteclairièren’estniplusnimoinsquelelàdel’être,l’êtreentrantenmanifestation.Àcepropos la langueallemandeditdepuisdessièclesDasein.EtceDaseinouêtre‐làn’estaufondquelelàde l’être, l’ouvertou l’ouvertureoriginelle, laclairière initiale.Cet ouvert ou cette ouverture semble bien être celle enlaquelle toutétantou l’étanten sonensemble, i.e. l’univers,peutprendreplaceetentrerenprésence,entrerenmanifes‐tation ou semanifester. En tenant compte de lamouvance

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essentielleà l’êtreonpeut interpréterouexprimer leDaseinenDaseyn,etparlerdulà‐estre,i.e.dulàdel’estre.Untellànedoit pas être imaginé comme statique. Ce là est nécessai‐rementenadvenirentantquedisant lamouvance internedel’estrelui‐même.Del’estretoujoursentraind’advenir.

Entrée en scène de l’humain

Et,faut‐ilajouter,celàdel’êtrenedemeurepaspourainsidireenlui‐mêmecommeunesortedevidevagueouflou,indéfini,maissedestinedansundéploiementessentielparticulier,celuide l’humain.L’êtreoumieux l’estreélitdomicileen l’essencehumaine.Essencesignifianticitouteslesdimensionsdeceenquoiconsiste ledéploiementde l’humainconcret(WesendesMenschen).Essencecommeêtredanslemondeaveclesautreshumains,i.e.commeexistencefactuelleentoutessesparticula‐rités.Pasdedistinctionà fairedans lecasde l’humainentreessenceetexistence.C’estlàundécollementmajeurparrapportàlaphilosophietraditionnelle.L’humainensapropreessenceainsicomprisesetrouvealorsemménagéen l’être. Ilenrésulteque l’humainensondéploiementpropreesttrèsétroitementapparentéà l’estre. Ilenhérite ladynamiqueessentielleainsique l’étendue en clairière, étendue dont la grandeur ouvastitudedéfie toute imagination.L’humain y reçoit ainsi satenue fondamentale (Inständigkeit).Tenueen laquelleetparlaquelle ildevientniplusnimoins legardien, leveilleur,voirelerelaisdulàdel’être,enlui‐mêmecommeétant,biensûr,etaussiaumilieude l’ensembledetous lesétants, i.e.parmi lesétantsrassemblésenunivers.Unemission fondamentale.Deparl’êtreoul’estrel’humainestproprementouverture,ouver‐turesanslimitesimaginablesquiluipermetdesecomprendrelui‐même(doublement:saisir lesensetcomporterouréunir)etdecom‐prendreaussil’univers,peuimportesesdimensions

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et lavitessede sonexpansion.En tantquedépositairede laclairière de l’être, l’humain a une ouverture pour ainsi direillimitée. Une ouverture qui le rend capable d’explorer l’im‐mensitédel’universenlequelnousnoustenonsetd’accueillirsansaucunecrainted’inaptitudelesdonnéesscientifiquescon‐cernant cette immensité en expansion.Ainsi cette tenue deveilleur,degardienetderelaisvenantdel’estres’avèreniplusni moins une interpellation (Zuspruch) et une réclamation(Anspruch)delapartdecetestre.Dufaitmêmedesonemmé‐nagementenl’être,l’humainsetrouveappelé,etdanscesensinterpellé par lui. Dès lors on peut considérer cette inter‐pellation et cette réclamation comme l’origine du langage enl’humain.D’oùsansdoute laprésencehallucinantedumotêtreen son langage.Mêmeen son langage lepluscoutumier.Cequidevrabiensûrs’expliciterdanslasuitedenotredémarche.Mais auparavant il faut voir comment cela nous ramène àl’interprétationdupoèmedidactiquerelatifaumot.

Retour au poème

Lepoèmeditqu’avanttoutquelquechose,avanttoutalorsettout là, lemot surgit de l’abîme.De l’abîme qui confère cequ’aucune causene réussit.Nousavonsessayéde comprendrecommentl’abîmeacepouvoir.Ilestalorsapparuqu’ilacettecapacitéparcequ’ildénoteenfindecompte lecommencementlui‐même.Commencementquin’apasdecauseoufondementautrequelui‐même;cequeditd’ailleurstrèsprécisémentlemota‐bîme(sans‐fondement).L’abîmenomme,parlanégativeenquelquesorte, l’autosuffisanceducommencement.L’abîmesetrouveainsiàévoquer lecommencementensonpropreavè‐nement. Le commencement est rigoureusement abyssal ausensoùilnerenvoiepasàquelquefondementexternedontildépendrait.Etcetavènementveutsignifierceluidel’êtremême.

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L’êtreestproprementcommencement.Ainsi l’êtresedéploieavanttoutquelquechose (etwas),toutalors (dann)ettout là(dort),avantleschosesdumondeenleursdimensionstempo‐relleetspatiale.Nousnousdemandionsalorssic’étaitpar lemot,parl’interventiondumotquel’abîmepouvaitréussircesexploits.Lepoèmeneditpasexpressémentquelemotsurgitducommencement,nidel’être.Ledirepoétiqueenlui‐mêmen’apasàs’expliciter.Celaestlatâchedel’interprétation.Etencelle‐cinouscommençonsàcomprendrelepouvoirdel’abîmede conférer ou d’accomplir ce que nulle cause ne réussit. Cepouvoir reviendrait effectivement au mot qui surgit de lui,l’abîme;dumot de l’êtreenfindecompte.Etdeplus,selon lepoème,c’estseulementen liaisonavec ledit (demGesagten)quetoutechosearriveàsastructuredechose:

da nur der Bund mit dem Gesagten

jeglich Ding zum Ding bestückt «Carseul le lienou l’allianceavec leditéquipechaquechosecomme chose», i.e. confère à quoi que ce soit son état, saconstitutiondechoseouencoresonêtredechose.Or le dit dont parle le poème semble bien être, dumoins àpremièrevue,celuidel’humain,cartrèsmanifestementl’humainparle, l’humaindit.Etnousvenonsdevoirque le langageenl’humainparaîttenirsonoriginedel’interpellationdel’être,del’être se transmettantaudéploiementmêmede l’humainentoutcequiledétermine.Lelangagehumaintiendraitalorssonpouvoir de détermination sur les choses de l’êtremême, del’êtreentantquemotoriginel,s’entend.

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Comment expliciter ce pouvoir du langage humain sur leschoses?Voilàunetâcheàaccompliravecuneattentionparti‐culière.Onpeutd’embléecomprendrequec’estdans ledirehumainque chaque chose arrive proprement ou expressément à lamanifestation,qu’ilyapar lanominationbeletbien telleoutelle chose. «Voilà un beau paysage», disons‐nous. Ce quisignifievoir là,devant lesyeux,unbeaupaysage,unpaysageen présence ou enmanifestation. Et le dire humain dévoileaussicequ’ilenestdechaquechose.C’estàtraverslui,parlui,quelesdifférentesparticularitésd’unechosedeviennentpropre‐mentmanifestes. Et de plus, c’est encore à travers le direhumain que l’on peut percevoir et comprendre commentchaquechosebiendéterminéeenelle‐mêmesesitueouprendplacedanslemondeenlequelnousvivons.Maisalorsilimportedeserappelerquelelangagehumainensespropresdiressemblebienêtreredevableà l’être.Etdanscette veine il devient tout à fait pertinent et intéressant deprendre connaissance d’une conférence que Heidegger pro‐nonça en 1950 à l’Académie bavaroise des Beaux‐Arts, enlaquelleiltentadedireenquoiconsistelachose(dasDing).Cf.Band7,pp.165‐187.Il prend comme exemple la cruche (Krug), le cruchon ou lepichet.Qu’est‐cequidétermineau justecettechose‐làcommechose?Cettechosequ’estlacruche,—etcelavaudrapourn’importequelle autre chose—, semontre adéquatement en tantquetelle ou comme cruche précisément dans lamesure où ellerenvoieaumondedanslequelellesetrouve.Mondeenlequel

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se trouveaussi l’humain.Et ces renvoisn’apparaissentexpres‐sémentquedans le langage.Ainsicemondepeutêtrecarac‐térisé selon quatre pôles ou quatre dimensions se tenantétroitementensemble,commeformantuntout.Pourillustrercelaassezfacilementprenonscommeautreexempleunarbre.L’arbreplongesesracinesdanslaterre.Celle‐cilesupporteetl’alimente.Et l’arbres’élancevers leshauteurs,vers leciel.Lecield’où luiviennent lumièreetchaleur.D’où tombeaussi lapluie dont l’arbre s’abreuve, pluie qui d’elle‐même s’emma‐gasine dans le sol nourricier. Le ciel et la terre apparaissentainsicommedimensionsdéterminantessentiellementlemondeen lequel se situeet sedéveloppecettechosequ’est l’arbre.D’autrepartl’arbres’élevantmajestueusementversleshauteurslumineuses devient en lui‐même un signe évoquant la déité.Celle‐ci, selon ce qu’ont pu en comprendre les humains aucoursdesmillénaires,n’est autreque lamajesté rayonnantedecequidureetainsidéfie latemporalité.Voilàunetroisièmedimensiondumondeauquelrenvoiecettechosequ’estl’arbre.Toutesdimensionsquepeuventévoquerchacuneàsamanièreleschosesdumonde.Etcetroisièmepôledumonden’estpassansrenvoyeràl’humainquiensaproprevien’échappepasàla temporalité et à la finitude qui lui est rattachée. En effetl’humainsesaitmortel. Ilpeutmême,grâceà lavastitudedel’ouvertureoudelaclairièreinitialedel’êtretransféréeenlui,anticiperlamortcommefindesaviedanslemonde.L’humainpeut ainsi transcender toute durée déterminée de temps.Quatrième dimension dumonde en lequel semontre cettechosequ’estl’arbre.Toutescesdimensionssetiennentensemble.Ellesformentainsiungenredequatuor,unensembledequatre(Geviert).Se tenantensemble, toutescesdimensions renvoientlesunesauxautres.Alorsapparaît lemondedans lequel l’arbreprendplace;et ilenvademême,demanièreanalogue,pourtoutes lesautreschoses.Ainsitoutechosedevientproprement

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unechose,manifesteadéquatementsonêtreousaconstitutiondechose,danslamesureoùellerenvoieexpressémentàtraversledirehumainàcemondequadridimensionnel:Cielet terre,signesdeladéitéetlesmortels(HimmelundErde,dieGöttlichenunddieSterblichen).Lachosequis’appellearbremanifeste lapluridimensonalité, la richessede sonêtreouconsistancedechosevia lacapacitédenommerdu langagehumain, langagequilui‐mêmetientsonessenceetoriginedel’être,ouvientdumotdel’estre.Ilpeutêtreintéressantetmêmeenrichissantpournotreproposde prêter une attention particulière à un passage de cetteconférenceoùl’auteurprécisepourquoiilappelleleshumainslesmortels(dieSterblichen),(Page180dutome7de l’éditioncomplète).Voicicepassaged’abordensaversionallemandeouoriginelle:

«Die Sterblichen sind die Menschen. Sie heißen die Sterblichen, weil sie sterben können. Sterben heißt: den Tod als Tod vermögen. Nur der Mensch stirbt. Das Tier verendet. Es hat den Tod als Tod weder vor sich noch hinter sich. Der Tod ist der Schrein des Nichts, dessen nämlich, was in aller Hinsicht niemals etwas bloß Seiendes ist, was aber gleichwohl west, sogar als das Geheimnis des Seins selbst. Der Tod birgt als der Schrein des Nichts das wesende des Seins in sich. Der Tod ist als der Schrein des Nichts das Gebirg des Seins. Die Sterblichen nennen wir jetzt die Sterblichen – nicht, weil ihr irdisches Leben endet, sondern weil sie den Tod als Tod vermögen. Die Sterblichen sind, die sie sind, als die Sterblichen, wesend im Gebirg des Seins. Sie sind das wesende Verhältnis zum Sein als Sein.»

Etmaintenantvoicinotretraductiondecepassage:

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«Les mortels sont les humains. Ils s’appellent les mortels parce qu’ils peuvent mourir. Mourir signifie: pouvoir la mort en tant que mort. Seul l’humain meurt. La bête périt. Elle n’a la mort ni en avant ni en arrière d’elle-même. La mort est l’écrin du rien, de ce qui à tout point de vue n’est jamais quelque chose de simplement étant, qui cependant se déploie, à savoir comme secret de l’être même. La mort renferme ou abrite en tant qu’écrin du rien le déploiement de l’être même. La mort en tant qu’écrin du rien est l’abri de l’être. Les mortels, nous les appelons maintenant les mortels non parce que leur vie terrestre prend fin, mais parce qu’ils peuvent la mort comme mort. Les mortels sont, ceux qu’ils sont comme mortels, en déploiement dans l’abri (abritement) de l’être. Ils sont le déploiement du rapport à l’être comme être.»

Voilàbienunepensée fondamentale,unepenséeen laquellese reflète l’origine. On pourrait dire que la mort humaine,certes, implique la finde lavie terrestre,maisquecelane ladéfinit pas assez précisément en elle‐même. En tant quedépositairede laclairièrede l’être l’humainauneembrasuretellequ’ilpeutconcevoir laviecommeunepériodedetempsdéterminéecomportantunavant lamortetunaprès lamort.Contrairementàlabête,ditletexte,quin’alamortnienavantni après elle‐même.Cequi impliqueque l’humain contraire‐ment à la bête ne perd pas la conscience d’être après cettemort comme finde vie. (Thèmede la consciencedéjàdéve‐loppédansRégimede l’être,conditionhumaine,2èmeédition,pp.187‐191.) Cette fin de la vie terrestre peut être comprisecommeun retraitde l’ensembledeschosesdumonde.C’estencettesituationdefindeviecommeretraitdeschosesoudel’univers qu’apparaît l’essence même de la mort humaine.Mortcomportantunaprès‐la‐vieconscient.

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Ondoitnoter icique ce retrait faitpenser au toutdébutdupoèmesurlemot:Rien,nullepart,jamais,dittoutd’abordlepoème.Voilà bien la description de la situation oùmène lamort en tant que congé de tous les étants.Et dans ce senscettefindevielaissedevantrienoudanslerien.Lerien,biensûr,n’estabsolumentpas cequ’onpeutappelerétantou cequi luiappartientdequelquemanière.Or l’étantn’esteffecti‐vement telquepar l’être.C’esten l’êtreque l’étant tientsonstatutd’étant.Autrementditleschosesconstitutivesdumondetiennentleurétantitéqueparleurintégrationenl’être(àexpliciterplus loin,pp.24etsuivantes).L’êtredébordeenquelque sortel’étantitédesétants.Ilneserésumepasàcetteétantitécommesemblelecomprendrelaphilosophiehabituelle.Ainsicequ’onnomme lerien, leriend’étant, laisseapparaître l’être.Eneffeton a vu et commencé de comprendre un peu plus haut laséquenceconstituéedu rien,de l’abîme,ducommencement,de l’être et de l’étant. Le rien ou l’abîme donne à penser lecommencement advenant de lui‐même et partant à penserl’être.L’êtrequisoutientenquelquesortetouscesdiresnôtresrelativementauxétantsetà leurapparentedisparitiondanslacompréhensionhabituellede lamort.Lamortconduithorsdel’étant.Dansleriendel’étant.Lamortentantqu’écrindurien,entantquerenfermantprécieusement le joyauqu’est lerien,setrouveàabriterl’être.Leriennepeutêtrejoyauqu’enren‐voyant à l’être. Et lamort est l’écrin de ce joyau. Voilà quidonne à penser et àméditer pour l’humain qui vit dans laperspective d’une fin temporelle, dans la perspective d’unretraitradicaldesétants.L’humainmortel,encongédesétants,l’humainenêtre.C’estàpremièrevueparadoxal…C’estquandmêmevérité.

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Ceque lepoèmesur leMotappelleabîmepeutéquivaloiraurien.Cerien,rappelons‐nous,estlepremiermotdecepoème,Nichts:rien,nullepart,jamais.Avanttoutquelquechose,toutalors et tout là, est‐il dit, en cet abîme ou absence de toutétant, i.e.decetabîmesurgit lemot.Lemotsurgit.Lemot,selon la compréhension commune,nomme.Et, nommant, ilfaitapparaître; ilaainsi lacapacitéd’amenerquelquechose,quelqueaspectoudimensiond’unechose,expressémentdanslamanifestation.Etdanscesens ilfaitêtre, ilfaitêtremanifes‐tementouamèneenprésence.Ainsilemotrévèle.Lemotfaitentrerexpressémentdans l’éclaircieoriginelle,dans l’éclairciecommencement.Éclairciecommeouvertureetclarté.Clairièredel’être,avons‐nouscomprisantérieurement.Lemotfaitentrerdanslaclairièredel’être,impliquantainsiladimensiondévoi‐lanteducommencement,sapropreauto‐initialitééclaircissante.Lemotsurgitdel’abîme;del’abîmecommeannoncediscrètedu commencement et de l’être, en tant que ceux‐ci sontparfaitement auto‐suffisants, n’ont pas de fondement ou decauseendehorsd’eux‐mêmes,causequileurseraitextérieureenquelquesorte.Car,selon lepoèmeeneffet, lemotsurgitavant tout quelque chose et toute dimension spatiale outemporellequi lui serait attenanteou rattachée.Donc avanttout cequipourrait servirde causeoude fondement.Etdecontinuer lepoème,c’estseulementenunionavec leditquechaquechosepeutmontrercequilaconstitueenpropre.Celamêmeintroduitlafindecepoème:lessignifications,lesraisonsou les sens (Sinne)que l’onprétendraitatteindreouchasseràcoups de simples raisonnements, inductifs ou déductifs, sanscompter donc avec la nomination dumot et sa capacité dedévoilerourévéler,touscessensousignificationssetrouventalorsdansunétatd’éparpillementsansaucunecohésion(wirrverstreut).Carc’estseulementenunionouenallianceavecleditquesignificationsetsensseregroupentenunechosepour

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étalercequilaconstituecommetellechoseetnontelleautre,quecetteautreluisoitsemblableounon.Etceditsemblevenirdudirehumain. Il fautessayerd’expli‐citer comment on peut en venir à une telle supposition.Unassez longparcours s’annonce.Unparcoursquiva reprendreenl’explicitantdavantageunepartiedecequiadéjàétégloba‐lementmentionné. Impression d’une lancinante répétition?Peut‐être.Mais leprocessusd’explicitationdans lequelnoussommesengagésnepeutéviterlareprise,nepeuts’empêcherdereprendreledéjàdit,carils’agitdedirelemêmeenl’expli‐citant,i.e.l’avènementducommencementcommedéploiementdel’estreenrapportavecl’humain,avecl’humainentantqu’ila le langage.Cemême, on peut en convenir, paraît avoir lavertuoulapropriétédenepastarirenpossibilitésd’évocation.Cemêmeseraittroprichepourdévoilerd’unseulcouptoutcequ’ilcomporte.Etcemêmeestjustementlethèmecentraldenotreproposàsavoir l’originedu langageousoncommence‐ment.Redirelemêmeestloind’impliquernécessairementunerépétitioninutileouradoteuse.De l’abîme surgit lemot, énonce le poème qui a justementpour titre LeMot (DasWort). Selon la démarche que nousavonsdéjà entamée, cela veutdire:du commencement, quin’apasdecauseou fondementextérieurà lui,surgit lemot.Ouencore,del’avènementducommencementenlequels’expli‐citelavéritédel’estre,oudel’êtreensonpropredéploiement,doncfinalementdecedéploiementdel’estresurgitlemot.Ets’imposealorslaréflexionsuivante:Lemotoriginelquisurgiten l’absencedetoutétantdevraitêtreceluide l’estrecommecommencement,ouencoreplusprécisémentcemotoriginelnepourrait être autre que l’estre lui‐même. Reste à voir en plusexplicitequelestlerapportdecemotinitialdel’êtreàceluide

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l’humain.Etceciexigenonseulementdenepasignorercequiadéjàétéévoquéglobalement,maisde lereprendreen l’expli‐citantdavantage.Seulemanièrederendrejusticeaumême,àcemêmequinous intéresseprésentement,etquisemble iné‐puisable.Onpeutnoterenpassantquecetravaild’explicitationdumêmeimpliquantdeséjournerauprèsde luin’estnulautrequelatâcheoriginellementcomprisedel’interprétation.

Du mot de l’estre à celui de l’humain

Ici ilconvientd’avoirexpressémentrecoursàuntextemagis‐tralqueHeideggeraécrittrèsvraisemblablementà lafindesannées1930etautoutdébutdesannées40.Onletrouvedansle tome 71 de l’édition complète de ses œuvres (Gesam‐tausgabe)paruen2009.CetomeapourtitreDasEreignis,i.e.L’avènement.Cemotditou signifie lapropre éclosion auto‐éclaircissante ou le surgissementmême du commencement(Das Ereignis sagt die eigens sich lichtende Anfängnis desAnfangs(p.147).(Cf.suprapp.8‐9).Ils’agitcommeonl’adéjàmentionnéd’unetentativededirel’êtreensonpropreavène‐ment.Tentativequi,endifférentesétapes,laisseapparaîtreladynamiqueinternedel’être.Etpourquenesoitpasperdudevue cemouvement interne, lemotSeynplutôtqueSein estutilisé.Ceremplacementduiparleyrappellecontinuellementleproposdecetteentreprise.Danslamêmeperspectivenousavons choisi la forme ancienne estre; car le s n’est pas sansévoqueruncertainmouvementquel’onretrouveparexempledans le mot français existence, une sorte de sortie ou dedéveloppement.Ainsienva‐t‐ilégalementavec lemotessor.Etquantaumotexistence,ilaffiched’embléeuneaccointancecertaine avec être ou estre. C’est ainsi en cettemouvanceintime de l’estre que surgit lemot. Lemot initial. Lemot‐commencement.Cemotestrigoureusementetnécessairement

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celuidel’estre.Mieuxencore,l’estreestcemot.Carlamouvanceinterneouintrinsèquedel’estrenesauraitimpliquerunealtéritéproprementdite.Etcemotqu’est l’estredit.Cemotévoqueou parle.Reste à comprendre et à expliciter comment ceMotfondamental et souverain, ce mot‐commencement, devient lasourceou l’originedumotde l’humainoudeson langage.C’estjustementleproposduprésentécrit.Ensondéploiementcommecommencementl’estres’avèreunéclaircir.Entantquecetéclaircirl’estresetransmetouaboutitenquelquesorteenclairière(Lichtung).Heideggeralui‐mêmereconnuquec’est lemot françaisclairière,évoquantà la foisuneouvertureoudégagementetuneclarté,qui luia inspiré letermeallemandLichtung.Unepercéedusoleildanslesombred’une épaisse nuée recouvrant le bleu du firmament éclairépeutservird’imagepourl’accèsàcetteclairière.Celle‐cis’avèrel’ouverture toutà faitoriginelleou initiale.Un large indéfini.L’airedemanifestation fondamentale.Unouvertconstituantenquelquesorteunlà.Genred’écartementservantdefonde‐mentauxdérivésfamiliersquesontl’espaceetletemps.Deuxdimensionsquipermettentde situer lesétantsquiapparais‐sentouquiseprésententdanscetteclairièredel’estre.Ettoutcela, à bien y penser, devient expérimentable dans la seulemesure où l’estre en tant que cet ouvert initial se transmetdans le déploiement essentiel de l’humain. En cette guisel’estresetrans‐proprie(Zu‐einung)ousetransfertenl’essencehumaine, i.e.pour lepropreessentieldéploiementde l’humain.L’estreencequ’iladepropre,encequiledétermineenpropreélitdomicileenl’humain.L’humains’entrouvealorsfondamen‐talementemménagéen l’estre. Ilhériteainside lamouvanceinternedel’estrei.e.del’initialitéducommencement.D’oùluivient la possibilité d’en faire l’expérience. En celamême serévèleenquoiconsisteoriginellement,fondamentalementou

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essentiellement être un humain. En termes plus familiers,l’humainsetrouvealorsfondamentalementéquipéparl’estrelui‐mêmepourexpérimentersapropreinitialedynamiqueinterneou éclairciraboutissanten clairière.La vastitudede l’êtredel’humain,pourrait‐ondire,n’estautrequecellede laclairièredel’être.Unesorted’infinité.Ungenredelargequiéchappeàtoutemesure. Tel est fondamentalement ou essentiellementl’humain.Toutàfaitàl’instardel’être.Oumieuxencorel’humaindevenuestre.Combledel’étonnant!Il importede rappeler icique lecommencementn’estpasundébut.L’appellationdébutnesaurait luiconvenir.Nicelledefind’ailleurs.Cesdeuxnominationsneconviennentqu’àl’évé‐nementiel.Et dans ce sens on ne doit pas imaginer le com‐mencementcommeunpoint laisséenarrièrepar leparcoursou lechangementdont ilmarquerait ledépart.Lamouvancede l’avènementou l’initialitéelle‐même luiestcomplètementintime; et loin d’être représentable comme unmouvementayantunpointdedépartfixe,cettemouvancesuggèreplutôtuncontinuelsurgissement.L’imaged’unefontainepeutaideràcomprendrecesurgissement.L’eaudelafontainemonteetredescend. Son continuel surgissement exige ce retour nonmoins continu dans la profondeur obscure où cependant onest d’emblée porté à oublier cette eau.De lamême façon,pour ne pas être simple début, le commencement doit soncontinuelauto‐éclaircissementousacontinuelleauto‐éclosionàunincessantretourouuneincessantedescente.Unva‐et‐vientcommeenune joute.La jouteoriginelle.Le jeude l’origine.Avant le début de la philosophie occidentale chez Socrate,PlatonetAristote,Héracliteavait faitcetteexpérience.D’oùson énigmatique φυσις κρυπτεσθαι φιλει. Plus tard lesoccidentauxont traduit cemot fondamental ainsi: lanatureaimesecacher.MaisHéraclitevisaitplutôtl’êtreetnonpas la

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naturecommeensemblemouvantdesétantsouunivers.Ainsile sensoriginelde cemothéraclitéenestplutôt ceci: cequifuse,(l’être),tendàsecrypter,àsecacheroudissimuler.Cequimontetendàdescendre.C’estbiencequeveutdirecommen‐cementouestre.Desorteque lamouvance internede l’estrenedoitpasêtreimaginéecommeuneéclairciearrivantàelle‐mêmeune foispour toutes,maisplutôt commeun é‐claircircontinu,quin’apasdecesseenquelquesorte.Unpeucommeun scintillementaussi:clartéetobscurité,denouveauclartéetobscurité… indéfiniment.Ou encore comme lamouvancede la flamme d’un feu de bois que nous nous plaisons àregarder dans son continuel surgissement vacillant. Selon ceque suggèrent ces images, la montée et la descente sontindissociables dans le déploiement de l’estre. Il ne convientpasalorsd’imaginer laclairièrede l’estre (LichtungdesSeyns)selon la stabilité ou la fixité de l’immobile. Au contraire samouvanceinternerappelleplutôtl’expériencegrecqueoriginellede lavérité,c’est‐à‐direde l’αληθεια.Onenafaitallusionunpeuplustôt (pp.8et9).Celle‐ciesttraduitecourammentparvérité,maiscemotgrecditplusexpressémentnon‐voilement.Cenon‐voilementvientd’unvoilementetsupposeundévoilement.Cela s’entend assez bien. Cela va de soi. Cependant, il neconvientpasd’imaginercenon‐voilementcommeunfaitstable,réalisé une fois pour toutes. Ce non‐voilement comporte ungenred’oscillation.Lavéritédequelquechosenenousestjamaisacquise complètementnidéfinitivement, contrairementà cequ’onpeutêtreportéàpenser.Ouellenenousestpasconti‐nument présente.Ce qui fuse aime se cacher ou se crypter,disaittrèsopportunémentHéraclite.Etc’estlàlavéritéensonoriginegrecque.Onvoitquesadynamiquerevientàcelledel’estre.Sibienqu’onpeuttrès justementdireque lavéritédel’estre, i.e. l’estre en lui‐même, en sa propremouvance oudynamiqueinterne,estl’estreoul’êtredelavérité,delavérité

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originellementcomprise.Heideggernemanquepasdesoulignerce tournant, cetteespècede cercle, ce virage (Kehre) toutàfait originel. Il est bel et bien important pour la pensée del’origine d’expérimenter cette sorte de similarité étroite oumieuxcetteconsubstantialitéentreestreetvérité.Considérationmajeurequandon semeten fraisd’alleraucommencementdelaphilosophieoccidentale,etd’entirerlesrenseignementsnécessaires pour le développement de notre propos central:originedulangage,souffledel’être.Lavéritédecepropospuisedanscellemêmede l’estre.L’oscillation la caractériseessen‐tiellement. À l’encontre de la philosophie traditionnelle quiaimeàpenserl’êtreselonlastabilitéparoppositionaudevenirdumouvement, l’être est ici expérimenté et pensé enmou‐vancecontinue.Réuniondel’êtreetdudevenir.Findelafabledel’êtrecommeéternellestabilité,oseradireNietzsche.Malgré les apparences nous ne nouséloignons pas de notrepropos.Noustentonsdecomprendreetd’explicitercequiarrivedans la trans‐propriation (Zu‐eignung), dans la transmissiondupropredel’estre,i.e.del’estreenlui‐même,del’estreensavérité,dansl’essencehumaine,dansledéploiementdel’humainentoutessesdimensions.C’est làundécollementmajeurparrapportà l’animalitéraisonnableourationnellepar laquelle laphilosophiedepuisdessièclesadéfini l’humain.Etceladevraitaideràexpliciterlerapportdumotdel’estreàceluidel’humain.L’estre,avons‐nousdit,élitdomicileen l’humainetcelui‐cisetrouveainsiemménagéenlui;l’humainsetrouvedelasorteàparticiper au propre déploiement de cet estre, à la véritémême de l’estre. Et comme ce déploiement en samouvancemême peut être compris comme l’authentique hystoire del’estre,onpeutalorsparlerde l’humainhystorique, justementpoursoulignersoninclusiondansledéploiementmêmedel’estre,

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c’est‐à‐dire dans son hystoire ou son advenir. On doit iciremarquerquedans lesmotshystoireethystorique leyrem‐place le i. C’est pour bienmarquer la différence entre cettehystoireoumouvanceinternedel’estre,enlaquellesetrouveessentiellement impliqué l’humain, et la simple et usuellehistoirequiracontecequis’estpasséetcontinuedesepasseroud’arriverauniveaudumondeoudel’ensembledesétants.Etentoutcelailappertquel’humainsetrouveàparticiperaumot originel, aumot de l’estre ou aumot qu’est l’estre.Ainsil’estre en ce mot qu’il est lui‐même se trouve à interpellerl’humain. Il l’appelleàunetenue (Inständigkeit)danssaproprehystoire.Etcettetenueoustaturepermetàl’humaind’êtreledépositaire, legardiendu làde l’être(Dasein),ou làde l’estre(Daseyn), aumilieudesétants, i.e.gardiende la clairièredel’estred’aborden lui‐mêmecommeétantparticulierqu’ilest,etaussiaumilieudetous lesétantsdumonde.Aumilieudesétants… cela veut dire que ces étants dans leur ensemblebaignentenquelquesortedanscetteclairièreetqueleurpré‐sences’entrouveimprégnée.Missionfondamentaledel’humain.Responsabilitépremièreouessentielle.Il importe pour notre propos de bien dégager l’essence decette responsabilité.Onpeutd’abord convenirque l’authen‐ticité (Eigentlichkeit) de l’humain, son authentique être‐soi,l’amèneà l’assomptiondecetteresponsabilité. Ilesteneffetde l’essencehumaine,essencecommeparticipationà ladyna‐miquepropreà l’estre,d’assumer lamissiondegardervive laclairièredecetestreaumilieuouauseindesesaffairementsmultiplesavec lesétants, lesmultipleschosesdumonde.Cetteauthenticitéestmanifestementpremière,plus fondamentaleouessentielleque toutceque lapenséephilosophiquehabi‐tuelleapuetpourradire sur le sujethumainou lapersonne

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humaine.Lejeetlenous,campésdanscetteperspectivedelasubjectivitéoumieuxdelasubjectitéhumaine(subjectum),nesontquedesavatarsoudérivésmoderneset contemporainsde l’authenticitéhumaine,desonêtre‐soiou ipséité relevantdel’appartenanceàl’estrecommecommencement,voirecommemot originel.Voilàlethèmeinépuisabled’uneméditationtou‐joursàreprendresurlaprofondeurdelanaturehumaine.Ensuite il faut remarquer que le mot même responsabilitéévoqueuneréponse,uneréponseàuneinterpellationetàuneréclamation. Ilenvademêmepour l’allemandVerantwortung.LaracinedecemotestAntwort,vocablequisignifieeneffetréponse.C’estque l’estreensetransféranten l’humain,ensapropreessenceoucommesonpropredéploiementessentielouadvenir,rendcethumainfoncièrementadaptéàlui.L’humains’entrouvebeletbienemménagéenl’estre.Mieuxencore,ilsetrouveàparticiper,ensapropreessenced’humain,deceenquoiconsistel’estre.L’estres’approprieainsil’humainensonessencemême. C’est ainsi que l’humain devient responsable du là del’estre(Daseyn),gardiendesaclairière.C’estainsiqu’ilacquiertcette responsabilité,cepouvoirde répondreaumotde l’estreetde répondrede cemot.Cemotnepeutpas être compriscommeunproduitsortantde l’estreetse tenantenquelquesorteendehorsdelui,commeunechose.Ils’avèreplutôtiden‐tiqueaudéploiementmêmedel’estre,àsapropredynamiqueou mouvance interne comme commencement. Souvenons‐nousde cequedisait lepoème:de l’abîme, i.e.de lapropreautonomieouautosuffisanceducommencementoudel’estresurgitlemot.Nouscomprenonsmaintenantmieuxcommentlemotsurgitdel’abîme.Carcetabîmeévoquejustementl’auto‐suffisanceducommencementoude l’estre.Lemotsurgitdel’estre. L’être surgit enmot ou commemot. Lemot originel,c’estl’être.Cemotorigineldel’estreaccordeoriginellementle

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langageen l’humainen l’interpellanteten lemettantenétatde répondre à cette interpellation à travers la responsabilitéessentielled’êtrelegardiendesaclairièreousondépositaire.Nousvoilàbienàl’origine du langage,dulangageenl’humain.Lemot accorder, tout juste employé, signifie aumoinsdeuxchosesoudoublement:undonetunemiseaudiapason(Stim‐mung).Lelangageenl’humainestundon.C’estencedonouauniveaudecedonquelelangagehumainasonorigine,voireque l’humain est devenu et devient en continu proprementlangageoulangagier.D’autrepartlemotallemandStimmung(accord) est en étroite parenté avec cet autremot Stimme.Celui‐cisignifievoix.Cequifaitque lavoixde l’estredonne lelangage à l’humain et lemet au diapason de son propremot.Ainsi le langagehumainestfondamentalementouoriginelle‐mentenaccordaveclemotdel’estre.Audiapasonaveclui.Cettevoixdel’estrecependantn’ariendesonore.Ellenepeutdoncpasarriver chez l’humain tout simplementpar l’intermé‐diairedel’ouïe.Cettevoixestsilencieuse.Saréceptionnepeutdoncpaspasserexclusivementpar l’oreille.Maisellerequiertplutôtuneattentionbienparticulière,uneattentiontouteadon‐néeàcequiarriveouadvientenl’estrecommecommencement.L’imagelaplusappropriéequipourraitsuggérerl’arrivéeorigi‐nelledu langageen l’humainseraitpeut‐êtrecelledusouffle.Pensonsparexempleà l’inspirationpoétique.Lesmotsdulan‐gage poétique, disait très justement Nietzsche à propos dulangage de son Zarathoustra, ne viennent pas à la suite oucommerésultatd’unerecherche,maisilsseprésententd’embléecommeenun souffle. Ilne restequ’à lesentendredans leurdiscrétion et les accueillir. Telle est, dit‐il, l’inspiration. Unsoufflequiarriveàl’humain,aupoète,etlerendainsicréateurenmots, sourcedemots.Un souffle àentendre, à sentiren

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son silence, en sa discrétion, et qui partant requiert grandeattentionouécouteparticulièrementattentive.Êtretoutoreille,complètementoreillecommeonditassezsouvent, i.e.prêtervraiment l’oreille. Concentré dans l’écoute. En cette attitudel’entente ou l’écoute ne se réduit pas à celle de l’ouïe.Maiss’avèreplutôtunmaintien,unedispositionimpliquanttoutcequ’on est.Une attention totale.En somme, être attente toutsimplementouêtreadonnéoucomplètementdisposéàrece‐voir.Encettemanière l’inspiration s’avèreun soufflearrivanttoutà faitsilencieusementetreçudansuneattitudecomplètedegrandeattenteouencoredansunetenuetoutàfaitadonnéeàune interpellationouévocation.Ainsien va‐t‐ildumotde lavoixsilencieusede l’estreetde la justeattitudequi luicorres‐pond.D’où le titre du présent essai: L’origine du langage, souffle de l’être.Etqu’enest‐ilalorsde lapensée?Lapensée,d’après lacon‐ceptioncommune,elle‐mêmeinstauréeselonlesindicationsdelatradition philosophique occidentale, est un produit intérieur del’esprit humain, un produit qui peut cependant s’extérioriserdans les mots du langage. Mais la remontée au commen‐cementmêmedecettephilosophieamèneàcomprendrequelemot humain a plutôt son origine dans lemotmême del’estre, lemotqu’est l’estre.Alorsonpeut se rendrecompteque lemotne résultepasde lapensée tellequ’on laconçoittraditionnellement,maisque l’originede lapensée elle‐mêmeserait plutôt en dépendance dumot. Et comment cela? Lapensée,parexemple,tellequenousessayonsde l’expérimenterdans le présent parcours s’avère une tentative d’explicitercommentlelangagehumainsurgitdel’estrecommeavènementducommencement.Àcetégardtous lesmotsen lesquelssetraduitcetteexplicitationsontdesmotspensants,i.e.desmotsquiétalentouexplicitentcommentadvientlecommencement

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outententdedire l’estreensonpropreadvenir.L’expressionestdeHeideggerlui‐même:dasdenkendeWort,Motpensant.Alleraucommencementde laphilosophieamèneàcedépla‐cementde lapenséeparrapportaumot.Etcelui‐cisetrouveenquelque sorteàmonterengrade,promuenunenouvellenature.De lui surgit la pensée, de lui dépend la pensée quiexplicite,quiélaboreouquiinterprète.Sanslesmotsquinom‐mentetquiainsidévoilentgraduellementlesdifférentesdimen‐sionsouaspectsducommencement,diverses facesde l’estre,pasdepensée.Lapenséequiexpliciteetinterprètenepeutsedispenserdelanomination,voireellen’estautrequelanomi‐nation elle‐même dumot qui se laisse inspirer, dumot quisurgitdel’inspiration,dusouffledel’estre.Voilàunedimensionimportantedudépassementousur‐montement(Überwindung)delamétaphysique,i.e.delaphilosophietraditionnelle.Surmon‐tement est manifestement un terme idiomatique qui veutsignifier dépassement qui passe littéralement par‐dessus lamétaphysique pourmonter à sa source. Ici on doit observerque selon l’imagerie courante on descend à l’origine ou aufondement.Mais quand il s’agit de source, peut‐on encoreremarquer, celle‐ci doit être plus élevée pour qu’il puisse yavoirruissellementoudécoulement.Onpeutdoncmonteràlasource!Ondescendaufondement,maisonmonteàlasource!Caprice de l’imagerie qui se veut évocation de l’initialité, del’initialitéducommencementoudel’être.En résumé: l’estre en son avènement originel, en sa propreinitialité, élitdomicile en l’humain, ledétermine ainsi essen‐tiellement, se l’approprie pour qu’il garde vive son là ou saclairière;encelamême l’estre interpelle(Anspruch)cethumainet le réclame (Beanspruchung) pour cettemission (Auftrag)toutàfaitfondamentale;etl’humaindevientainsi,deparson

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essenceoumieuxensonessencemême,trans‐propriéetap‐proprié,responsable(Verantwortung)de laclairièrede l’estreaumilieudesétantsoudans lemonde.Cesmotsallemandsquenous venonsdemettreentreparenthèses (à l’exceptiondeAuftrag)sontdesdérivés,ous’yrapportant,dumotcentralSprache,langue,langage.Langagesilencieuxdanslecasprésent.Cequiamèneàcomprendreque latenuemêmede l’humainenlaquellel’estreledestineestd’untraversàl’autrelangagière.Riendesurprenantpuisque l’estreest lui‐mêmemot.Ainsisejustifie letitredececourtessaiOriginedu langage,Souffledel’être.À la faveurdecesdéveloppementssur lerapportde l’estreàl’essencede l’humain, sur son incidencepour ladéterminationmêmede cetteessencehumaine,onpeutetondoit remar‐querquecethumainnepeutêtredéterminéfondamentalementouensonessencecommeun jeouunnous.Lesconceptsdesujetetdepersonnepour ledésignernedisentpas l’humainensasourceouorigine.Son ipséitévéritableestd’uneautreprofondeur.C’estavecDescartesà l’oréedesTempsmodernesque l’humain, interprété depuis longtemps comme animalraisonnable, est devenu sujet. Subjectum inconcussum, ditDescartes.Sujet indiscutableoufondementdécisifde l’univers,prétend‐il. Fondement dont on ne peut douter. Cogito ergosum, «Je pense,donc je suis»,dit‐il encore triomphalement.De cela on ne peut vraiment pas douter.Cet animal raison‐nableoudouédepenséedevientainsil’assiseultime,sujetousubjectumdenosproposrelatifsaumonde.Etdanslecoursdecettemodernitécesujetfutappelépersonne.Personnedouéedeliberté.Personnemaîtressedesescomportements.Personneresponsable,siègede lamoralité.Personne‐centrede l’univers.Etunepersonnequiavecd’autressemblablespeutdevenirunnous.Unnouscommemultiplicationetrassemblementde je.

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Unnoussouventpartropconscientdesonimportanceetdesaforcepeut iciet làdonnerdans lestraversd’unautoritarismeimmodéréetdestructeur.Lesdernierssièclesenontfournidetristesexemples.L’humainplacéhorsdesaconditionetmissionfondamentalesdevientsujetàdesprisesdepositiontotalitairesnéfastespour lui‐mêmeet trèsprobablementpour sonenvi‐ronnementduquelildépendpoursapropreexistence.Situationquimalgré tout,à la limitepourrait‐ondire,ouen raisondesonabsurditéquialorspointeouse faitsentir,peut favoriserl’expériencefondamentaleenlaquellel’essencehumaineneseréduitpasà lapure rationaliténià lasubjectité,maiss’avèreplutôt être‐dans‐le‐monde‐avec‐les‐autres humains; c’est‐à‐dire l’essence humaine n’est autre que son existencemêmecommeimpliquantlefaitderassemblertouteslesdimensionsde laviedans lemonde,de lavieensonentièreconcrétude.Cette existence concrète définit l’être de l’humain.Alors onpeutdire, contrairementà cequ’enseigne la traditionphiloso‐phique,quedans lecasde l’humain l’essenceestproprementsonexistence.L’essencen’estplusabstraiteoudistinguéedufaitd’êtreoud’exister.Latournureidiomatique,être‐dans‐le‐monde‐avec‐les‐autres,impliquelelangagequiàlafoisnommeles chosesdumondedontonnepeut sepasseretétablit lacommunicationaveclesautreshumainspartageantconcrète‐mentaufildesjourslemêmemonde.Ettoutcelasurlabasecommune d’une dépendance essentielle de l’estre, i.e. parrapportàl’estre.

Langage humain ressourcé et étants

Alorssurgit laquestion:qu’endevient‐ildurapportdu langagehumainauxétantsune foisce langagecomprisensonorigine,ensonappartenanceessentielleaumotdel’estrecommeavène‐mentmêmeducommencement?Pourrépondreàcettequestion

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il semble d’abord requis de préciser ou d’expliciter ce qu’iladvientdeschosesdumonde (étants)en l’avènementmêmeducommencementcommeclairièrede l’estre.Iciseprésentel’occasiond’interpréter le lienentre lesappellationscommunes:chose,étantetobjet.Toutd’abord ilfautgarderprésentà lapenséequedans l’avè‐nementducommencementcommeéclairciedelaclairièredel’estreelle‐même,l’estreensapropreinitialitésetransmetenl’humain (Zu‐eignung), lui confèreouaccordeainsi sadéter‐minationessentielleoufondamentale.L’humainsetrouvedelasorteapparentéàl’estreettrouveenluisavéritablenature,son séjour ou sa demeure. En découle alors l’appropriation(An‐eignung) par l’estre lui‐même de cet humain issu de latrans‐propriationou fondamentalementadaptéàcetadvenirde l’estredont ildevientpourainsidire lesiègeet legardien,voire lerelaisou intermédiaire.Cetteappropriation,on l’aditetondoit le répéter,n’estautrequ’une réclamation (Beans‐pruchung)del’humainpourlagardedulàdel’estre(Da‐seyn),de sa vérité comme clairière aumilieu de l’étant en son en‐semble ou chez les (étants) dumonde.D’abord chez l’étantqu’est l’humain lui‐même, bien évidemment, et chez l’étantdanssonensemble, i.e. l’universdes (étants).Alorssepointelaquestiondesavoiroudecomprendrecequ’iladvientdeces(étants)oudeceschoses.Quantàl’étanthumainlui‐mêmeoncomprenddéjàqu’ildevientproprementhystoriqueà savoir insérédans lepropreadvenirinitialou abyssalde l’estre. L’humain devientproprement lerelais ou intermédiaire de cet advenir de l’estre. Et ainsiresponsabledecetadvenirenclairière,enouvertououvertureoùs’enracinent l’espaceet letempsselon lesquels leschosesarriventenprésence,c’est‐à‐direpeuventseprésenter,sesituer

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et évoluer. Ainsi peut‐on comprendre que l’humain en sapropre authenticité qui relève de la trans‐propriation et del’appropriationde l’estreetpour lui, i.e.pour lagardede savérité, que cet humain donc soit l’instance où arrive, enlaquellesemanifeste lephénomènedes incidencesde l’estresur leschoses,c’est‐à‐dire lephénomènede larencontredeschosesetdel’estre.Alorsdans l’authenticitéde l’humainhystoriqueadvientpource qui est auparavant sans être (l’étant) l’adaptation dansl’estre.Ceténoncén’estautrequelatraductiondecelui‐ci:Inder Eigentlichkeit des geschichthaftenMenschen ereignet sichdemvormalsseinlosen(Seienden)dieEignung indasSeyn.(Cf.Das Ereignis, p. 161.) Il est fort intriguant que sans‐être(seinlosen) soit ici l’adjectifdéterminant (l’étant) (Seienden);mais l’étantmisentreparenthèses.Comment concevoirquel’étantsoitsansêtre?N’aurait‐ilpasétépréférabledediretoutsimplementchose?Mais il sepourraitque lemot (Seienden,étant) soit ici tout simplementemployéde lamanièreoùondit communément étant sans trop penser à ce que cemotsignifie vraiment. Nous avons d’ailleurs eu recours à cettemanièrededireendifférentsendroitsdenotreparcours.Lemotétantsetrouvealorsemployépourchose.D’oùlesparen‐thèses dans la présente citation. Rigoureusement parlant lachosenedevientétantqueparleprocessusdel’adaptationdansl’estre.Pourcequiestdel’objet,nousyrevenonsplusloin.Et il convient de noter en passant que l’authenticité (Eigen‐tlichkeit) ici en question rassemble en un seul mot ce quiadvientà l’essencede l’humaindufaitde latrans‐propriation(Zu‐eignung)et l’ap‐propriation (An‐eignung)de l’advenirdel’avènement, i.e.de l’advenirde l’estrecommecommencement.C’estdans cesdimensionsde l’avènementdu commencement

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quel’humainreçoitsonoriginelêtre‐soi(Selbstsein),sapropreipséité.Ceque lemotauthenticité (Eigentlichkeit)rendbien.Sonemploipermetainsidenepasavoiràépeleràchaquefoislesdimensionsdel’advenirinitialouabyssaldel’estrecommecommencementencequ’ilimpliqueexpressémentetunique‐mentl’humainensonessence.C’est‐à‐direquiconfèreàl’hu‐main sa propre essence.Quelle élévation pour l’étant humain,pourrait‐onalorss’exclamer!Alorsretenonsbien lecœurdecettepropositionàsavoirquec’esten l’humainhystoriquequ’advientpour lachose,pour lesans‐être l’adaptationdans l’estre. Insistonsetrappelonsquelequalificatifhystoriqueveuttoutsimplementdire l’insertionde l’essencehumainedans ledéploiementou l’advenirmêmede l’estrepourquesaclairièresoitgardéeviveaumilieudesétants. Et cette garde, peut‐onmaintenant comprendre, com‐menceou se traduit toutd’abordpar l’adaptationdusans‐êtredans l’estre. Ilconvientd’appuyer:cetteadaptationsetrouveàdirecomment l’humain inaugureoucommenced’accomplirsamissionfondamentaledegardiendelaclairièredel’estreenpleincœurdes(étants).Alorscecipermetdecomprendrequel’adaptationdansl’estrenevientpasdusans‐être,delasimplechose,nerésultepasd’unesortededémarchedesapart,maisqu’ellerelèvede l’unicitémêmede l’humainhystorique,c’est‐à‐direduseulhumainimpliquéouemployéexpressémentdansl’advenirmêmede l’estre.Lavéritédecetteunicitéousingu‐laritéhumainen’estaccessiblequedansl’expériencedel’estreetdans lamesurede cetteexpériencequi conduità l’appro‐priationdel’essencehumaineparl’estre.Cetteexpérience,onl’adit,mèneaussiàl’unicitédudestin(Geschick)quiinterpellel’humainpour lemotet l’introduitde lasorteau langage.Onpeutdès lorsmieuxcomprendreque lepoèmesur lemotaitpudirequec’estenunionavec leditdu langagequechaque

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choseadvientàsonêtredechose,àcequilaconstituecommechose (DanurderBundmitdemgesagten jeglichDing zumDing bestückt).Car le langage humain a seul la capacité demontrer,demettreenprésenceouévidencecequiest,etcequ’il en est vraiment des choses, des chosesdumonde.Et iltientcettecapacitédumotoriginel,dumotdel’estrelui‐mêmedontilestessentiellementledépositaireetlerelais.Par l’adaptationdeschosesen l’estre,ceschosess’ytrouventintégrées. Intégration (Geeignetheit) fondamentale pour elles.Car alors en cette introduction en l’estre elles quittent enquelquesorteleurétatdesimplechoseetdeviennentausenspropredesétants.Voilàpourellesun importantchangementdestatut.Unetransmigrationenquelquesortequi leurconfèretout discrètement un nouvel état, celui d’étant justement.Étant comme nom vientmanifestement dumot étant parti‐cipeprésentduverbeêtre.Ceverbequigarantitenquelquesortepour le langagesacapacitéfondamentaleetuniversellede signifier.On peut d’ores et déjà penser qu’on touche làl’origine de l’habitude que nous avons de parler des étantssanstropsavoircependantcomment leschosesarriventàcestatutet sans se soucierde ceque celapeut impliquerpourellesetpournous.Toutcommed’ailleursennotre langage leplushabituelonemploiecourammentlemotestsansréfléchiràcettecontinuelleetfascinanteincidencedel’être.Parvenantà l’état d’étants les choses deviennent ainsimessagères del’insondablerichessedel’être.Intégrédansl’estre,l’étantsetrouveainsirenvoyéàl’initialitéducommencement,àsonabyssaleéclaircie.Ilytrouvesavéri‐tableorigineetappartenance.Or l’advenirducommencement,ouencorel’advenirmêmedel’estre,oscilleentremontéeetdes‐cente,c’est‐à‐direentrearrivéedanslaclartédelamanifestation

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etretraitdansl’abyssaleinitialitéoul’abîmeducommencement.Orlemotabîmenecessed’évoquerl’obscurdecequiestsansfond. Ainsi cette descente en retrait dans le sombre peutrendre compréhensible chez l’humain dans sa quotidiennetél’oublidel’estreenlui‐mêmeetpartantl’oublidelanaturedustatutd’étantdeschosesentantqu’intégréesdansl’estre.Cenouveau statut d’étant pour les choses, de par son originemême,permetàceschosesdeneplusêtreconsidéréesdansleur seule utilité pour l’humain adonné à sa quotidiennetéaffairée.Ceregardutilitaristedel’humainsurl’étantad’ailleursunelonguehistoire.Ilpritnomdansl’ουσιαgrecque,étantité,elle‐même trèsvitedevenue idéeouvisibilitéchezPlaton,puisprésence, réalité avec Aristote, et après, objectité (objectum)chezDescartesaudébutdesTempsmodernes,pour finirenvolontédepuissanceouvolontédevolontéavecNietzscheaudix‐neuvième siècledenotreère. Ici, suprêmemanifestationde lasoumissiondeschosesà lavolontéde l’humaincommesujet.Etpuis,aux finsde ressourceretde renverser ladomi‐nancedeceregardutilitariste,suitl’intégrationenl’estredansl’entreprise heideggérienne de repenser le commencement.Autreexpérienceducommencementquipermetderemonterà la source de la tradition philosophique occidentale, i.e. dedépasser ou surmonter (Überwindung) la métaphysique dusujetetsesconséquencesconcrètes.Intégrationenl’estre,changementdestatutpourchaquechoseendevenantétant.C’est‐à‐direendevenantunétantsingulier.En cette singularité l’étant, chaque étant, devient unique etéchappe ainsi au statut de simple cas parmi d’autres sem‐blablesdansuneespècedonnée,elle‐mêmesubdivisiond’ungenre.C’estlàl’étantensapropresingularitéetunicité.C’estlà sa noblesse, doit‐on dire.Cette singularité va exigerde lapartdeshumainsuneattitudeparticulièrederespect,luiquia

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à frayercontinuellementavec lesétantsdont sonmondedetouslesjourssetrouveconstitué.Orl’humainaffairéouadonnéàunebesognequelconquepeut toujoursaliéner l’étanten leramenantàune simplechose.Etceladans lamesureoùcethumainoubliantouignoranttoutsimplementsonstatutd’em‐ployédansetpourledéploiementmêmedel’estres’autoriseàconsidérer l’étant seulement comme chose.Celle‐ci retombealors dans son état de simple membre d’une catégorie ouespèce.Membre en tout semblable à d’autres et à ce titreindifférencié. Ainsi ravalée la chose peut devenir pur objetentrelesmainsdel’humainoublieuxdesondestinhystorique,i.e.del’humainréduitàl’étatdesujet;sujetpourquilachose‐objetdevientalorsreprésentableàsouhait,malléable,utilisableouutilitaire,dontonpeutabuseretqu’onpeutmêmedétruireàvolonté.L’étantestalorsenpertedesapropresingularitéoudeson individualité, i.e.enpertedesanoblesse.Àcetitredechose,ildevientunsimplenuméroàl’intérieurd’unecatégorie.Déclassé,maisreclassétoutàlafois!Déclasséi.e.diminué,etreclassésousunautretitreàl’avenant,àsavoirobjet.Nousdemandionsaudébutdecettesous‐sectioncequ’iladvientdurapportdulangageauxétantsunefoiscelangagecomprisensavéritableorigine,i.e.lemotdel’estre.Onpeutrépondremaintenant que ça dépend toujours de l’humain hystorique.Selonqu’ilgardeviveounonsonappartenanceessentielleaudéploiementmêmede l’estre.Caroublieuxdecetteapparte‐nance,ilglissealorsdanssonstatutdesujetetramènel’étantà un simple objet.Aliénation de l’étant en chose et puis enobjet. D’ailleurs la prochaine section intitulée chose‐objet etenvironnementpermettradevoirdemanièreplusconcrètelesrapportsdu langageressourcéde l’humainauxétantsdont lemondese trouveconstitué,etplusspécifiquement lemonde

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de laviecommethéâtredesrapportsquotidiensde l’humainaveclesétants.

Chose-objet et environnement

L’humainestlesiègeouledépositairedelaclairièredel’être,etilenalacharge.C’est làunedonnéeoriginelle,fondamen‐tale,offerteàuneméditationsurlecommencement.Clairières’interprétant comme Da‐sein (être‐là) ou là de l’être. Placeouverte ou écartement d’une ouverture échappant à toutemesure,permettant lesdérivésquesont l’espaceet letemps,eux‐mêmesindéfinisouindéfinissablesdansleurextensionetdurée.Leschosesadaptéesenétants,et intégréesàce titredans l’êtreoccupentcetteclairièreouyprennentplaceens’ysituant selon les coordonnées spatiale et temporelle. Leurensembleouréunionconstituelemonde.Etcelui‐ci,ramenéàcequ’onappellemondedelavie,estalorsjustementouàbondroitcompriscommel’environnementdel’humain.Environne‐mentenlequell’humainaàorganisersapropreexistencecommeêtre‐dans‐le‐monde avec les autres, i.e. les autres humains.C’estencelamêmeque l’humainpeut interveniret intervientdefaitsanscesseetdedifférentesfaçonssur lesétantsdontcetenvironnementestconstitué.C’estdanscetenvironnementquepeuventmanifestementjouerlesrapportsd’influenceentrecesdifférentsétantseux‐mêmes.Etauseindecesrapportsselogent en première place, bien sûr, les activités de l’étanthumain,dontlelangageévidemment,activitésquielles‐mêmesconcernent toujours d’unemanière ou d’une autre, plus oumoins immédiatement, lesautresétants.Etainsiproduisentchezeuxdeseffets,commeondità l’accoutumée.C’est là lejeudelacausalité.

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Causalitéquitientunrôleprimordialdanslesapprochesscien‐tifiquesetphilosophiquesdelacompréhensionetdel’explicationdumonde ou de l’univers. À noter ici, un peu en guise deparenthèse,quelasciencedoitobjectivercesurquoielleporte.On réclame d’elle, en effet, que les nouveaux éléments dusavoir, i.e. les nouvelles connaissances qu’elle apporte soientobjectivesouvenantde la réalité.Conformesàcette réalité.Est‐cequelesétantsobligatoirementconcernésparlarecherchescientifique doivent être tout simplement réduits à l’état depurs objets complètement soumis à la volonté, voire auxcapricespossiblesdechercheurs,desujetssoi‐disantmaîtresincontestésdeleursort?Ilconvientplutôtdecomprendrequecetteobjectivationpourfinderecherchesdoitêtreconsidéréecommeuneparticularitéet figurerunpeuà titred’exceptiondans l’attitudegénéralede l’humainà l’égarddesétants,danssescomportementsjournaliersetréguliersenverseux.Ainsileprocessus d’objectivation de la recherche scientifique nedevrait jamais se dérouler dans un oubli irrespectueux de lanoblesse ou de la singularité propre de l’étant sur lequel ils’exerce. C’est dans un tel respect, pourrait‐on dire, que larecherche scientifique et ses expérimentations trouvent leurlégitimité.Onpeutdurestefacilementcomprendrequelalégitimitédesinfluencesoueffetsdel’activitégénéralehumainesurlesétantsdépendde lamesureoù l’humain lui‐mêmedemeure fidèleàsamissionfondamentaledegardiendelavéritédel’estredanslemonde.Missionquidevientbiencompréhensibledu faitdel’appartenanceessentiellehumaineaudéploiementmêmedel’estre.C’estd’ailleursencedéploiementoucettevéritéorigi‐nelleentantquepartagéeparl’humainhystoriquequechaqueétantreçoitsaproprevérité.Savéritéousasingularitépropre.C’est‐à‐direceenquoirésidesonêtre.

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Mais si l’humainne comprendpas sapropreorigine commegardiendelavéritédel’estreouselaisseglisser,sansenprendrevraiment conscience, dans sa pseudo‐nature, secondaire oudérivée,desujetmaîtredeschoses,elles‐mêmes réduitesenobjetsdesesreprésentationsetdesesdésirsincontrôlés,ilenrésultepour sonpropreenvironnementdesblessuresoudesdésorganisations nocives; et bien sûr nocives aussi pour cesujethumain lui‐mêmequinepeutsepasserd’unenvironne‐mentsainouéquilibrépourcontinuerdevivre.D’où lesmou‐vementsactuelsditsenvironnementalistesouécologistespourprotégercetenvironnement.Maisondoitcomprendrequecesréactionsécologistesn’aurontleurs pleins effets que si l’humain lui‐même se ressaisit etassumeexpressémentsamissionfondamentaledegardiendelavéritéouclairièrede l’estreaumilieudesétantsoudans lemonde.C’est‐à‐dires’ilreconnaîtsapropreauthenticitéhysto‐riqueselonlaquelleilestinsérédansledéploiementmêmedel’estre,etpourcedéploiement.Fidèleàcettestatureoupostureon peut imaginer que toutes ses actions ou comportementspourrontêtreenaccordaveclestatutd’étantdévoluauxchosesdepar leurpropre intégrationen l’estre.Leschoses respectéesenleurpropresingularitéetnoblessed’étant,etainsilibéréesdeleuraliénationenpursobjetsvouésauxambitionsetcapricesutilitaristes d’un sujet humain soi‐disant maître absolu deschosesqui l’entourent.Maiscetenvironnementoumondedelavieestundon.Ilesttoutsimplementlà,présentéàl’humain.Il revient alors à cethumainde s’y accorder.De semettre audiapasonavec lui.Lespréoccupationsécologistesouenviron‐nementalistes actuelles peuvent et doivent être comprisescommeprometteusesd’un unissonoriginelou fondamental,d’unaccorduniversel.Àcondition,bienévidemment,quetous

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leshumainsparl’intermédiairedeleursgouvernementsrespectifss’emploient,parexemple,àimaginerunecroissanceéconomiquesansproduire un troppleindegaz à effetsde serre, voire àrenoncer, si besoin est, à une croissance économique pourelle‐mêmeetcelaenvued’équilibrerladensitédelaprésencehumaineaveclespossiblesnormauxdesonenvironnement,ets’emploient aussi à instaurer laperspective indispensabledemettreunfreinàlamarcheinquiétantedeladiminutiondelabiodiversitésurnotreterre.Ennommantl’unissonorigineloul’accorduniverselonnepeuts’empêcherdepenseràl’OdeàlajoiedeFriedrichvonSchillerreprisedans laneuvièmesymphoniedeLudwigvanBeethovensous le titre d’Hymne à la joie. En cet hymne on nomme etchante,sous l’influenced’unenthousiasmeapaisant,olympien,précisémentunaccorduniverseletunbaiseraumondeensonentier(seidumschlungen,Millionen,…diesenKußderganzenWelt!).Unisson fondamental source de joie, de bonheur, etgarantdeviepaisible.Onsevoitrêver…!Maiscerêvebienéveillés’avèretoutsim‐plementlaréponseàlavoixsilencieusedel’estre,l’assonanceoul’échodumotoriginel,dumotdel’estrecommecommen‐cement.Lasimplehistoireduprésentmillénaire—sitantestque l’humanité ait survécu aux catastrophes fatidiques ouapocalyptiquesannoncéesdèsmaintenanthautetfortendesmilliersde rapportsscientifiquesdesourcesdiverses—cettehistoire à venir, donc, devrait pouvoir lier ou associer sescomptesrendusdesévénementspassésaucoursdesdernierssièclesàunepenséequis’estnouvellementouverteetdevenueassidûmentattentiveauxréclamationsévoquéesparlemotdel’estre et adressées silencieusement à l’humain dans l’authen‐tique et originelle hystoire de cet estre comme avènement

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continuducommencementauseindetouslesétantsdontestconstituénotremonde.Carencettehystoireseulementpeutadvenircequisauve.

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Conclusion

Lepetitmotestapparaissantconstammentennotrelangage,même le plus coutumier,mot apparemment ou à premièrevue sans importance, voire insignifiant ou non significatif,réduitassezgénéralementà la simple fonctiondecopuleoutrait d’union purement technique dans une phrase, cemotconduit,quandons’yattarde,àlasourcedenotrelangage,àlasourcemêmede tousnosdires,de tousnospropos accom‐pagnant,dirigeant et supportantnos actionsdans lemondeconcretdelavie,àsavoirconduitàl’être,i.e.àl’estrecommeavènementducommencement.À l’estrequien sondéploie‐mentmêmeetpoursondéploiements’établitenl’humain,etdecettefaçonsel’approprie.L’humainsetrouveainsiinterpelléet réclamé par l’estremême. Et en cettemanière il devient

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accordé au déploiement du commencement, et y trouve sapropreorigine,saraison fondamentaled’être,sadestinéeousondestin.Ence rapportmêmeà l’humain l’estresedévoilecommemot.Motorigineladresséà l’humain,voire transféréen lui. On peut dès lors comprendre que cet humain soitcaractériséessentiellementpar le langage.Langagedont lesmotssontendéfinitivelesrelaisouleséchosdumotdel’estrelui‐même établi en l’humain et le déterminant en ce qui leconstitue enpropre.C’est‐à‐dire en sonpropredéploiementd’humaindans lemonde.L’humains’avèreainsifondamentale‐mentetproprement langage.L’humainestd’essencelangagière.Aussitoutnaturellementl’humainparle.Sesdiresreflètentenquelquemanièrel’unoul’autreaspectoudimensionsdiversesdecemonde;decemondequilui‐mêmeestentantquerassem‐blementde tous lesétants, i.e. réuniondeschosesdevenantétantsdeparleurintégrationenl’estre.Lemondeesttoutsim‐plementenautantqu’ilrelèvedel’estreentantqu’avènementducommencement.Entantquedecetavènementiltientsonorigineet sanature commeproprepossibilitéd’être.D’où lefait qu’en notre langage le plus familier ou coutumier nousnousdemandions assez régulièrement etquelquepeunégli‐gemmenttoutefoiscequ’ilpeutbienenêtreaujustedececietdecela.Etd’oùparfoisaussinoushabitedefaçonintriganteetlancinantel’interrogationsuprêmedesavoiroudecomprendrecequ’ilenestaufonddecemondeensonentier,decemondeque nous habitons et qui alors paraît familier,mais dont laprésence et l’étenduenousdemeurentmystérieuses sitôtquenouslevionslatêteau‐dessusdenosaffairementsquotidiensquiengénéralnousabsorbentcomplètement.Alors,moyennantunparcoursréflexifetméditatif,nouspouvonsarriveràcomprendrequ’àtraversouvial’authenticitéoriginel‐lemententenduedel’humainhystoriquelemondeentredans

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Conclusion

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l’hystoiredel’estre.Cemondedevientainsilaprésentationdujeu de cette hystoire. Les humains occupent au fil des jourscettescènedel’advenirdumondeetyjouentunrôlesupportéetéclairéparundialogueoùlesmotsappropriés leurarriventou leur sont inspirésnormalementpar lediscret souffleur encoulissesquereprésentel’êtreoul’estreensonpropremot.Entantquemotoriginel.Entantquemotuniversel.Voilà!Originedulangageenl’humain…Souffledel’être!

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Remerciements

Je tiens à remercier sincèrement l’auteure des aquarellesillustrantçàetlàlelivre.Ils’agitdemaproprenièce,JacintheCouturier,docteureenpsychologiedel’UniversitédeSherbrooke.Elleaexercésaprofessioncommepsychologuepourenfantsdanslesécolesdesenvirons.Maintenantretraitée,elles’emploieentreautreàpeindredesaquarelles.Pourlapublicationdupré‐sentlivreellealaissésonpinceautenterd’évoquerdemanièreimpressionniste laclairièrede l’être,commemilieuparticuliè‐rement discret, voire effacé, de la quotidienneté humaine.Tâche particulièrement difficile à mon humble avis. Cetteclairièrede l’êtrem’apparaîtd’embléeplus facile àdirequ’àreprésenterenpeinture.Grandmerci,Jacinthe!

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Au sujet de l'auteur Néen1928àSaint‐JosephduMadawaskaauNouveau‐Brunswickdansune famillepaysanne, l'auteur fait sesétudesclassiquesau Collège de Saint‐Laurent à Montréal. Il étudie ensuite enthéologiedanslesannées50pourensuiteenseignerauCollègedeSaint‐Laurent.Ilobtientunelicence(maîtrise)enphilosophieàParisen1961.Toutenenseignant cettematière toujoursaumême collège, ilentreprit en 1963une scolaritédedoctoratenphilosophie àl'Université de Montréal. De 1964 à 1967, il travailla sur lapenséedeMartinHeidegger,àFreiburg imBreisgau, sous ladirectiondeBernhardWelte."MondeetêtrechezHeidegger"luipermitd'obtenir ledoctoratenphilosophiede l'UniversitédeMontréalen1968. Ildevintprofesseurdephilosophiealle‐mandecontemporaineàl'UQAMde1970à1993,momentoùilprit sa retraite.Pendant cettepériode, il jointà l'enseignementdifférentestâchesdedirectiondanslamêmeuniversité:Moduledephilosophiede 1978 à 1980;Départementdephilosophiede1980à1985;Programmesd'étudesinterdisciplinairessurlamort de 1985 à 1990. C'est en dirigeant ces derniers pro‐grammesqu'il fonda la revueFrontières,organederechercheetdediffusionsurdifférentesproblématiquesdelamortetdudeuil."Monde et être chezHeidegger", 584 pages, a été publié auxPressesdel'UniversitédeMontréalen1971.Publicationd'articlesenphilosophiedansdifférentes revues,etcollaborationàquel‐quescollectifs.Puisen1990,"Herméneutique",211pages,parutchezFides.

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Retraité de l’enseignement en 1993, et au fil de l’actualité desannéesqui suivirent le référendumde1995, l’auteur travaillasurunprojetdephilosophiedu langageetde l’histoireappli‐quéeauQuébec.Cequidonnalelivre"Unpeupleetsalangue",publiéparFondationlittéraireFleurdeLysen2004.Àpartirdesannées2000,danslecontextederencontresavecungrouped’amis, ilélabora "MotsdeNoël"parupour lapre‐mièrefoisen2004chezFondationlittéraireFleurdeLys,etentroisautreséditionsprogressivementaugmentéespubliéesparlemêmeéditeuren2007,2010et2016.Avecladernièreéditionseterminel’expériencedesMotsdeNoël.En 2015, l’auteur nous propose "Régime de l’être", conditionhumaine, en suite d’une longue fréquentation desœuvres deMartinHeidegger.En2016, ilnousoffreunessai sous le titre "MythesReligionsLaïcité"sous‐titré"Uneairedeliberté"et,en2017,unrecueildetextessousletitre"Morthumaine…suprêmeSéjourenÊtre".

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Communiquer avec l'auteur

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Pages dédiées aux livres de Fernand Couturier sur le site web de la Fondation littéraire Fleur de Lys

Unpeupleetsalangue–Pourl’avenirduQuébec

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MotsdeNoël–Grâcesàlaclairièredel’êtreQuatrièmeéditionaugmentée

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Régimedel’être–ConditionhumaineHeideggerenopuscule

Deuxièmeéditionaugmentée

http://manuscritdepot.com/a.fernand‐couturier.3.html

MythesReligionsLaïcité–Uneairedeliberté

http://manuscritdepot.com/a.fernand‐couturier.4.html

Morthumaine…suprêmeSéjourenÊtreRecueildetextes

http://manuscritdepot.com/a.fernand‐couturier.5.html

NIETZSCHE–LangageetinterpretationNotesdecours

http://manuscritdepot.com/a.fernand‐couturier.6.html

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Table des matières

Préambule ........................................................................... 11

Introduction......................................................................... 13

Langageselonlaphilosophie ...............................................19

Autreapprochedulangage;poèmesurlemot .....................23

Avènementducommencement..........................................28

Rien,abîme,commencement,être,étant ...........................29

Entréeenscènedel’humain...............................................36

Retouraupoème ............................................................... 37

Dumotdel’estreàceluidel’humain ..................................46

Langagehumainressourcéetétants .................................. 57

Chose‐objetetenvironnement ...........................................64

Conclusion ...........................................................................69

Remerciements.................................................................... 73

Ausujetdel'auteur .............................................................. 75

Communiqueravecl'auteur ................................................. 77

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Page 90: Origine du Langage… Souffle de l’être

Notre langageparléouécritestfarcidumotêtre.Simplemotemployéparfoiscommenometsurtoutcommeverbedansl’uneoul’autreformede conjugaison. Même lorsqu’il n’apparaît pas expressément en cesmanières, il n’y réside pasmoins souvent en sous‐entendu. L’être sefaisantverbe.Toujoursnotrelangagearecoursàluipourdirecequ’ilenestdenotreentourageoudumondedelavie.

Remontantàlasourceouoriginedecephénomèneonydécouvrel’êtrelui‐même comme avènement du commencement. Commencementauto‐suffisant. Source originelle et universelle. Tout jaillit d’elle. Toutentre en manifestation grâce à l’être. Le monde est originellementredevableàl’être.Alorsnotrelangagequiditcemondenepeutêtrequelerefletoul’échodecequ’ilenestdelui.L’humains’avèreainsileporte‐voixdes évocationsde l’être lui‐même en tantqu’il informeoudonneformeàtoutetenparticulieràl’humain,sonhéritierlangagier.

L’être informateurorigineldont lavoixen ladiscrétiondu silencenoussoufflelesmotsrévélateursouprésentateursdenotrelangage.Inspiration!

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ISBN 978-2-89612-563-0