Oeconomia Humana - UQAM | ESG les vacances qui battent leur plein, ... Monsieur Gordon Brown, ......

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Volume 6, Numéro 6 Oeconomia Oeconomia Oeconomia Human Human Humana Août et septembre 2008 Éditorial, François Décary-Gilardeau, rédacteur en chef [email protected] Où s’en va le prix de l’essence? Avec les vacances qui battent leur plein, on peut dire que l’élément marquant pour une grande partie de la classe moyenne est le prix à la pompe. Malgré un dollar canadien fort vis-à-vis de la devise américaine, l’attrait pour cette destination sera contrebalancé par les coûts de déplacement qui ont explosé. Di- sons que cette année, nous l’avons échappé belle avec les festivi- tés du 400 e anniver- saire de Québec qui offrent une grande variété d’activités et tombent à point comme destination de choix pour les Québé- cois. Cependant, de retour de la Gaspésie, je vous confirme que la saison touristique est difficile là-bas. Comme on me le mentionnait : « l’hiver va être long ». Pour ceux qui envisagent prendre l’a- vion, il ne faudra pas vous offusquer d’avoir à débourser plus et d’être plus patient. Après une démocratisation constante des voyages aériens, stimulée par une compétition forte qui résulta en des prix peu élevés, ce mode de trans- port deviendra éventuellement un luxe. Les compagnies aériennes redoublent présentement de créativité pour sauver du précieux kérosène (diminution de la quantité d’eau transportée, utilisation de vaisselle plus légère, réduction de la vi- tesse de vol, annulation de départs, etc.). Puisque le carburant représente aujourd’hui plus du tiers des charges opérationnelles des transporteurs aériens, contre 14 % en 2003, on comprend que cette in- dustrie vit des moments difficiles. L’ampleur du change- ment des prix à la pompe est le reflet des cours du brut sur les marchés mondiaux. Alors qu’en 1999 le prix du baril va- lait aussi peu que 10 $US, nous avons at- teint un sommet, le 2 juillet dernier, en clôtu- rant à 145 $US. Plu- sieurs analystes prédi- sent que le baril attein- dra les 200 $US au cours de la prochaine décennie, voir d’ici la fin de 2009. D’autres affirment que ce n’est qu’une bulle spéculative et que l’or noir pourrait éventuellement redescendre vers les 80 $US pour remonter plus gra- duellement par la suite. À court terme, il est possible d’envisager une certaine accalmie par rapport au prix du pétrole. D’une part, la morosité de l’économie américaine et la perte de confiance des consommateurs seront susceptibles de tirer vers le bas la de- mande en pétrole de nos voisins du sud Chers lecteurs, chères lectrices, Dans cette édition du bulletin, vous aurez l’occasion de lire à la page 3 un article très inspirant. En effet, Jo- siane Lise Mabopda Fo- ka nous présente un nouveau modèle d’affai- res qui réussit à faire cohabiter rentabilité et performance sociale. Grameen Danone est certainement un exem- ple à suivre! François Décary- Gilardeau, quant à lui, dresse le portrait quel- que peu désolant du bilan énergétique et émission de gaz à effet de serre au Québec à la page 9. Bonne lecture à tous et à toutes! some rights reserve : gunnivb : 2007

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V o l u m e 6 , N u m é r o 6

O e c o n o m i aO e c o n o m i aO e c o n o m i a H u m a nH u m a nH u m a n aaa

Août et septembre 2008

Éditorial, François Décary-Gilardeau, rédacteur en chef [email protected]

Où s’en va le prix de l’essence?

Avec les vacances qui battent leur plein, on peut dire que l’élément marquant pour une grande partie de la classe moyenne est le prix à la pompe. Malgré un dollar canadien fort vis-à-vis de la devise américaine, l’attrait pour cette dest inat ion sera contrebalancé par les coûts de déplacement qui ont explosé. Di-sons que cette année, nous l’avons échappé belle avec les festivi-tés du 400e anniver-saire de Québec qui offrent une grande variété d’activités et tombent à point comme destination de choix pour les Québé-cois. Cependant, de retour de la Gaspésie, je vous confirme que la saison touristique est difficile là-bas. Comme on me le mentionnait : « l’hiver va être long ». Pour ceux qui envisagent prendre l’a-vion, il ne faudra pas vous offusquer d’avoir à débourser plus et d’être plus patient. Après une démocratisation constante des voyages aériens, stimulée par une compétition forte qui résulta en des prix peu élevés, ce mode de trans-port deviendra éventuellement un luxe. Les compagnies aériennes redoublent présentement de créativité pour sauver du précieux kérosène (diminution de la

quantité d’eau transportée, utilisation de vaisselle plus légère, réduction de la vi-tesse de vol, annulation de départs, etc.). Puisque le carburant représente aujourd’hui plus du tiers des charges

opérationnel les des transporteurs aériens, contre 14 % en 2003, on comprend que cette in-dustrie vit des moments difficiles. L’ampleur du change-ment des prix à la pompe est le reflet des cours du brut sur les marchés mondiaux. Alors qu’en 1999 le prix du baril va-lait aussi peu que 10 $US, nous avons at-teint un sommet, le 2 juillet dernier, en clôtu-rant à 145 $US. Plu-sieurs analystes prédi-sent que le baril attein-dra les 200 $US au cours

de la prochaine décennie, voir d’ici la fin de 2009. D’autres affirment que ce n’est qu’une bulle spéculative et que l’or noir pourrait éventuellement redescendre vers les 80 $US pour remonter plus gra-duellement par la suite. À court terme, il est possible d’envisager une certaine accalmie par rapport au prix du pétrole. D’une part, la morosité de l’économie américaine et la perte de confiance des consommateurs seront susceptibles de tirer vers le bas la de-mande en pétrole de nos voisins du sud

Chers lecteurs, chères lectrices, Dans cette édition du bulletin, vous aurez l’occasion de lire à la page 3 un article très inspirant. En effet, Jo-siane Lise Mabopda Fo-ka nous présente un nouveau modèle d’affai-res qui réussit à faire cohabiter rentabilité et performance sociale. Grameen Danone est certainement un exem-ple à suivre! F r a n ç o i s D é c a r y -Gilardeau, quant à lui, dresse le portrait quel-que peu désolant du bilan énergétique et émission de gaz à effet de serre au Québec à la page 9. Bonne lecture à tous et à toutes!

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et ultimement permettre à ces derniers de ren-flouer leurs réserves. Mondialement, l’inflation pourrait faire fluctuer à la baisse la consommation et la production de certains biens et diminuer la pression sur la demande en pétrole. D’autre part, en raison des prix élevés des carburants, certains secteurs d’activité et entreprises seront portés à revoir leur stratégie de production dans le but de minimiser les transports, donc de rapprocher la production de la consommation. On parle déjà d’une nouvelle vague de régionalisation de la mon-dialisation. Bien qu’encore très émergente, cette restructuration pourrait, elle aussi, avoir des im-pacts significatifs sur la demande en carburant. Bien que les économies soient moins dépendantes en pétrole que lors des derniers chocs pétroliers de 1973 et 1978 (pourcentage de la valeur du pétrole dans le produit national brut), le choc sera néan-moins douloureux. Dans une lettre ouverte publiée dans The Gardian, le Premier ministre britannique, Monsieur Gordon Brown, spécifie qu’une économie à faible émission de carbone n’est pas simplement une priorité environnementale, mais bien une prio-rité économique. Pour lui, les questions entourant le prix de l’essence devraient être priorisées lors des prochaines rencontres internationales. L’augmentation du prix du carburant entraînera

nécessairement une hausse de l’inflation. Déjà, les produits de première nécessité, tels que les ali-ments, voient leur prix augmenté à la caisse. Si le prix du carburant n’est pas l’unique raison de ces hausses, il demeure toutefois un élément clé. Quoi-que passablement épargné jusqu’à maintenant, le prix de la viande et du poisson devrait aussi aug-menter à court terme. Vu la situation délicate de l’industrie québécoise et canadienne face à un dollar fort et un ralentissement économique chez nos voi-sins du sud, il serait très surprenant de voir les sa-laires augmentés au même rythme que les produits de consommation, d’où une perte de pouvoir d’a-chat pour l’ensemble des consommateurs, particu-lièrement les plus vulnérables. Bref, il est très difficile de prévoir à court terme le prix du pétrole. Toutefois, il ne fait aucun doute qu’à moyen terme, les prix des énergies fossiles suivront une tendance à la hausse en fonction de la raréfaction des ressources. Ainsi, il faut que tous les acteurs tels que les citoyens, les organisations et les gouvernements prennent les mesures nécessai-res pour diminuer leur consommation, donc leur dépendance face aux énergies non renouvelables. C’est une question de responsabilisation qui amène-ra des bénéfices, donc qui se veut tout aussi straté-gique.

Le site Internet du mois

Implanté en 2005 à l’université Laval, l’institut EDS est un carrefour visant à favoriser la coordina-tion et le dialogue interdisciplinaire de la recherche de l’université abordant les thèmes de l’envi-ronnement et du développement durable. Il est composé d’une quarantaine de professeurs et chercheurs et un peu moins de 200 membres étudiants. Les axes de recherches prioritaires de l’institut EDS sont : la gouvernance de l'environnement et du développement durable, les consé-quences des changements environnementaux et le développement d'outils d'appréhension des rapports entre environnement, développement et société. Il regroupe également trois membres institutionnels soit l’Observatoire de l’écopolitique internationale, le Groupe de recherche en éco-nomie de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles (GREEN) et la Chaire Unesco – Université Laval sur le développement durable.

WWW.IHQEDS.ULAVAL.CA

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Grameen Danone récompensé par un jury Européen:

Un modèle de RSE-BOP et de développement durable réussi.

Par Josiane Lise Mabopda Foka, étudiante à la maîtrise en administration des affaires, option gestion internationale, UQÀM

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En novembre 2007, Grameen Danone, une coen-treprise fondée en 2006 par Danone et la Grameen Bank de Mohammed Yunus, se distingue parmi 90 solutions proposées et se classe au sein des cinq meilleures devant un jury européen a Bruxelles. Localisée à Bogra au Bangladesh, Grameen Da-none fabrique à partir du lait de vaches locales et d’extraits de dattes un yaourt enrichi de vitamines qu’il commercialise avec succès à très bas prix (0.06 euros). Ce yaourt est destiné à pallier les carences en vitamines de la population locale. Leur modèle d’affaires, s’inspirant de la stratégie de RSE-BOP, s’est avéré une réussite totale. C’est une victoire qui vient encore une fois démontrer aux sceptiques qu’il est possible de concilier renta-bilité, responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et développement durable (DD). Ces concepts, bien qu’ayant pris de l’ampleur ces dernières décennies, ne sont en rien nouveaux dans les théories managériales. En effet, les pré-occupations en ce qui concerne le développement durable s’exprimaient déjà au milieu du XIXè siècle en termes « d’ état stationnaire » par John Stuart Mill. David Ricardo, quant à lui, s’inquiétait des rendements décroissants des terres cultivables. Au fil du temps, ces notions ont mué, les enjeux se sont formés, défaits et reconstruits pour aboutir au rapport Brundtland en 1987, au sommet de Rio sur l’environnement et le développement en 1992, en passant par la mise sur pied par divers organis-mes internationaux de programmes en matière de respect des droits humains, de lutte contre le tra-vail des enfants ainsi que la pollution pour ne citer que ces enjeux. Les intérêts très souvent diamétralement opposés entre les divers acteurs et la diversité des écoles de pensée en matière de management ont alimen-té et continuent de soutenir la controverse autour du bien fondé, du sens, de la faisabilité et de la légitimité de la RSE. On pourrait, par exemple, opposer John Kenneth Galbraith, le partisan de l’interventionnisme de l’Etat, en faveur du social qui milite pour un capitalisme modéré à Milton Friedman qui fait l’apologie du capitalisme pur et dont la devise est « profit for profit ». Typologie de la responsabilité sociale des en-treprises Il faudrait cependant reconnaitre l’existence de

typifications et de pratiques diverses quant à ce que les entreprises désignent par RSE ou DD. Martinet et Payaud (2008) effectuent une distinc-tion entre la RSE « cosmétique », la RSE périphé-rique, la RSE intégrée et la RSE-BOP ou «Bottom of the pyramid». La RSE « cosmétique » désigne des opérations de « lissage» d’image où les entreprises se contentent de respecter le minimum prévu par la réglementation. Il s’agit par exemple, pour celles cotées en bourse, de transmettre de l’information au public, par l’entremise d’un rapport annuel, quant aux conséquences environnementales, so-ciales et territoriales de leurs activités. Ainsi, les entreprises ne manifestent ni la volonté de bâtir avec les parties prenantes, ni un engagement véritable. Brammer et Pavelin (2005) vont plus loin en accusant certaines entreprises de consen-tir à des investissements sociaux uniquement dans le but de s’assurer une bonne réputation derrière laquelle elles pourront s’adonner en toute tranquillité à des actes des plus irresponsa-bles. La RSE annexe ou périphérique désigne des ac-tions qui n’ont rien à voir avec les activités de l’entreprise. Cela peut se traduire par du mécé-nat, des programmes de santé ou de scolarisa-tion dans des villages, etc. La RSE intégrée fait référence aux actions en lien avec les activités et les compétences de l’entre-prise. Il s’agit ici d’intégrer les dimensions de la RSE au tableau de bord afin de contrebalancer les indicateurs financiers par des indicateurs sociaux pour aboutir à une performance durable. Finalement, lorsqu’il est question la RSE-BOP «Bottom of the pyramid» (Prahalad 2004), on s’intéresse aux plus pauvres, aux 4 milliards d’in-dividus disposant de moins de 2 dollars par jour. Prahalad propose aux firmes multinationales de procéder à des innovations ainsi que des restruc-turations de manière à offrir des produits et des services de qualité à cet immense bassin de consommateurs potentiels qui forment la base de la pyramide (BOP). Or, comme vous allez le constater dans les pro-chains paragraphes, la philosophie de Grameen

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Danone se classe dans cette dernière catégorie, soit la RSE-BOP. Mais tout d’abord, quelques mots sur Grameen. 1. Le phénomène « Grameen »1

Mohammed Yunus, prix Nobel de la paix 2006, est l’homme derrière ce phénomène. Il adhère à la théorie de la pauvreté de masse de John Kenneth Galbraith (1979). Ce dernier estime que « de tous les maux de l’homme, la pauvreté est le plus puis-sant et le plus massif »2 . D’une part, il dénonce l’existence de forces qui annulent les efforts des pauvres pour s’en sortir et qui les ramènent tou-jours au point de départ de telle sorte qu’ils finis-sent par s’accommoder. Cette «accommodation», selon Galbraith, est renforcée par des croyances religieuses en ce qui a trait aux vertus de l’humili-té et de la pauvreté. Des vertus d’ailleurs prônées par la plupart des religions. Un constat qui a été également dénoncé par Marx qui qualifiait la reli-gion d’«opium du peuple». D’autre part, Galbraith reconnaît l’importance du capital comme facteur clé du succès des pays ri-ches. La disponibilité d’une offre de capital appa-raît occuper une place de choix dans la panoplie de remèdes contre la pauvreté. L’accès au capital vient soutenir les efforts des pauvres qui désirent rompre l’«équilibre de la pauvreté» auquel la ma-jorité s’est accommodée. Le modèle d’affaires de Mohammed Yunus prend donc ses racines dans cette lutte pour l’affranchissement, le bien-être, l’amélioration des conditions de vies des popula-tions et la responsabilité envers la société. Il est convaincu qu’une « paix durable ne peut pas être obtenue sans qu’une partie importante de la popu-lation trouve les moyens de sortir de la pauvreté» et que « le microcrédit est l’un de ces moyens »3. 1.1 La Grameen Bank: le microcrédit comme outil de lutte contre la pauvreté Fondée officiellement sous le nom de « Grameen » en 1977 par Mohammed Yunus avec pour objectif de transformer le cercle vicieux de la pauvreté en cercle vertueux, elle devient « Grameen Bank » en 1983. Il s’agit d’une banque spécialisée dans le microcrédit qui intègre la dimension sociale. On y prête de l’argent à un groupe de cinq personnes qui sont en quelque sorte mutuellement responsa-bles du remboursement : la défaillance d’un seul membre du groupe annule l’éligibilité de tous à un éventuel prêt dans le futur. La Grameen Bank ap-partient aux membres à 94% et le reste au gou-vernement. Elle privilégie les clients de sexe fémi-nin, 97% de la clientèle sont des femmes, avec un taux de remboursement autour de 95%.

2. Le modèle d’affaires de Grameen Danone 2.1 La RSE-BOP La RSE-BOP est un modèle d’affaires dont l’objec-tif principal est de satisfaire les besoins des plus pauvres. On parle ainsi d’individus disposant d’un revenu de moins de 2 dollars par jour. Sur le plan économique, l’importance du nombre de consom-mateurs potentiels concernés rend l’idée très al-léchante. Il faut cependant passer par un chan-gement radical à plusieurs niveaux : mental, organisationnel, managérial, relationnel. L’inno-vation prend une place capitale, car le prix doit être considérablement réduit pour que le produit «repensé» puisse être accessible aux populations ciblées. L’innovation doit toucher tous les mail-lons de la chaine de création de la valeur. Il s’agit

Les « 16 décisions » de Grameen Danone inspirées des valeurs morales de Grameen 1-Nous devons suivre les quatre principes de la Grameen Bank : discipline, unité, courage et travail; 2-Apporter la prospérité dans nos familles; 3-Nous ne devons pas vivre dans des maisons délabrées, nous devons les réparer et travailler pour en construire de nouvelles; 4-Nous devons cultiver des légumes toute l’an-née, en manger beaucoup et vendre le surplus; 5-Durant la saison des semences, nous devons semer autant de graines que possible; 6-Nous devons planifier dans le but d’avoir des familles de petite taille, minimiser nos dépen-ses et nous occuper de notre santé; 7-Nous devons éduquer nos enfants et nous assurer du financement de leurs études; 8-Nous devons toujours garder nos enfants et notre environnement propres; 9-Nous devons construire et utiliser des latri-nes; 10-Nous devons boire de l’eau du robinet. Si cette dernière n’est pas disponible, nous de-vons la bouillir ou la purifier; 11-Nous devons éviter d’exiger et de donner des dots lors de mariages. Arrêter la pratique du mariage des enfants; 12-Nous ne devons pas infliger des injustices et empêcher quiconque d’en infliger; 13-Nous devons investir collectivement pour de revenus plus élevés; 14-Nous devons être toujours prêts à nous en-traider. Si une personne est en difficulté, nous devons lui apporter de l’aide; 15-Si nous sommes au courant d’un bri de dis-cipline dans un centre quelconque, nous de-vons nous y rendre et y restaurer la discipline; 16-Nous devons prendre part collectivement aux activités sociales.

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de mettre sur pied un design complètement nou-veau qui tient compte et qui s’adapte à tous les aspects contextuels. Toutes ces transformations aboutissent à la création d’un nouvel écosystème local au sein duquel s’encastrent les activités de tous les intéressés au gré de diverses contraintes, mais aussi de statuts facilitateurs. Une autre particularité de ce modèle est la pré-sence d’une forte collaboration qui permet d’at-teindre un certain équilibre entre les intérêts des parties prenantes et non celui des propriétai-res et/ou dirigeants seulement pour un avenir du-rable. Le modèle RSE-BOP n’est pas un modèle purement philanthropique, mais bel et bien un modèle dont l’objectif est de dégager des marges de profits tout en satisfaisant les exigences sociales, écologiques et politiques. Le succès d’un projet d’entreprise durable dépend dès lors non seulement de sa capacité d’innova-tion, mais aussi de celle de composer avec les spé-cificités culturelles, sociales, géographiques et dé-mographiques ainsi que les diverses compétences du marché concerné. 2.2 L’écosystème Grameen Danone Il est formé d’employés, de fournisseurs, de clients, de distributeurs (petits grossistes et « Grameen Ladies »), des ONG tels que l’ONG GAIN (Global alliance for improved nutrition), de a banque Grameen et de Grameen Danone. 2.3 Analyse du modèle Grameen Danone à

l’aide du «schéma directeur des pôles d’ac-

tions du management stratégique RSE-BOP» de Martinet et Payaud (2008) 2.3.1 Intention stratégique Les buts assignés à Grameen Danone se résu-ment essentiellement à répondre aux besoins nutritionnels locaux, à réduire la pauvreté à tra-vers la création d’emplois et à protéger l’environ-nement. 2.3.2 Formule et stratégie générique La RSE-BOP de Grameen Danone s’inscrit dans la formule stratégique de l’entreprise à savoir : Da-none produits laitiers frais. Il y a toutefois une différenciation en termes de rapport valeur/prix à coûts faibles. Le skoktidoi5 est détaillé à 0.06 centimes d’euros. 2.3.3 Clients et marchés Les produits commercialisés par Grameen Da-none répondent à des besoins fondamentaux : pallier aux carences alimentaires des enfants Bangladais au moyen d’un yaourt enrichi de vita-mines et commercialisé à un faible prix. 2.3.4 Système d’offre Les partenaires d’affaires, tels que les fournis-seurs, les clients, etc., forment un écosystème d’activités : les fournisseurs sont en priorité des clients de la Grameen Bank. Cette dernière les soutient en leur prêtant de l’argent nécessaire à la tenue de petites fermes laitières, à la produc-tion de mélasse de dattiers, à la production de sucre ou toutes autres matières premières néces-saires. De plus, Grameen Bank leur garantit un prix d’achat fixe et leur permet de bénéficier de l’expertise de Danone pour améliorer la qualité de leur production. La distribution du yaourt suit les «canaux» simi-laires à ceux des services financiers de Grameen Bank. En effet, les mêmes employées « Grameen Ladies » qui font du porte à porte pour Grameen Bank s’occupent par la même occasion de la dis-tribution du yaourt. Il faut noter qu’elles s’appro-visionnent chez les petits grossistes. Cette activité de porte à porte rapporterait un revenu à plus de 1600 personnes dans un rayon d’environ 30 km autour de l’usine. Notons que certains acteurs sont la fois consom-mateurs, fournisseurs et distributeurs puisque les activités sont très encastrées. 2.3.5 Compétences et ressources stratégi-ques « Danone Communities » est un fonds à rende-ment moyen qui a été mis sur pied dans le but de financer la création d’entreprises à vocation so-ciale. Une usine financée par ce fonds devrait voir

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le jour cette année. L’ONG indépendante GAIN joue également un rôle crucial. C’est elle qui s’est occupée dès le dé-part d’effectuer des recherches pour déterminer les carences et déficits en vitamines et en miné-raux auxquelles le produit devait pallier. Depuis 2007, elle a entre-pris des recherches dans le but de mesurer les bénéfices consé-cutifs à une consommation régu-lière de Shoktidoi. La préservation de l’environne-ment est assurée par l’utilisation des énergies renouvelables. L’eau chaude est obtenue à l’aide de chauffe-eaux solaires. À Bo-gra, premier site d’implantation de Grameen Danone, on procède également à la récupération de

5Marque yaourt Grameen Danone Bibliographie Brammer, Stephen, et Stephen Pavelin. 2005. «Corporate Reputation and an Insurance Motivation for Corporate Social Investment ». The Journal of Corpo-rate Citizenship, Sheffield: Winter, Iss. 20, p. 39-51. Danone : Rapport technique de développement durable 2007. http://www.danone.com/images/pdf/dan_ratechdevdurable07.pdf consulté le 18 juillet 2008 Danone : stratégie. http://www.danone.com/quoi-de-neuf-dans-le-groupe/grameen-danone-food.html consulté le 16 juillet 2008. Galbraith, John Kenneth. 1979. Théorie de la pauvreté de masse. Paris : Editions Gallimard. Grameen: Les 16 décisions. http://www.grameen.com/index.php?option=com_content&task=view&id=22&Itemid=109 consulté le 16 juillet 2008. Martinet, Alain Charles et Marielle A. Payaud. 2008. « Formes de RSE et entreprises sociales : Une hybrida-tion des stratégies ». Revue française de gestion, vol. 34, Iss. 180, p. 199-214. Martinet, Alain Charles et Marielle A. Payaud. 2008. « un cadre théorique intégrateur pour le management stratégique BOP ». 3e congrès du Réseau International de recherche sur les Organisations et le Développement Durable, Lyon, 5 et 6 juin. Parker Emily. 2008. “The weekend interview with Mu-hammad Yunus: Subprime Lender”. Wall Street Journal (Eastern Edition), New York, Mar 1, P. A.9. Pesqueux, Yvon, et Yvan Biefnot. 2002. L’éthique des affaires : Management par les valeurs et responsabilité sociale. Paris : Edition de l’organisation, 239 p. Prahalad, C.K. 2004. 4 milliards de nouveaux consom-mateurs: vaincre la pauvreté grâce au profit. Paris. Village mondial, 376 p.

AC : Avantages concurrentiels AR : Avantages liés aux ressources et compétences AP : Avantages liés aux partenariats

l’eau de pluie. Les pots de Shoktidoi sont pro-duits en PLA (Poly Lactid Acid), un matériau élaboré à partir d’amidon de maïs et totale-ment biodégradable. L’utilisation minimale des machines avantage de telle façon l’embauche de la main-d’œuvre que d’ici quatre ans, on prévoit employer 50 individus. Conclusion Le projet d’entreprise RSE-BOP est un projet viable qui met la cause sociale au centre de ses activités tout en s’assurant une rentabilité pour la pérennité. La réussite de la transposi-tion de ce modèle résulte de la capacité à maîtriser tous les composantes du contexte de la région ciblée. En effet, la formation d’un écosystème dans lequel les activités s’encas-trent est nécessaire au bon fonctionnement du modèle. Grâce au fonds « Danone commu-nities » plusieurs autres entreprises sociales verront le jour. Il s’agira d’entreprises qui, comme Grameen Danone, jugeront leur réus-site à partir de la rentabilité, mais aussi et surtout à partir de critères non financiers comme la création d’emplois, la santé et la qualité de l’environnement. 1 Grameen signifie « villages » 2John Kenneth, Galbraith, Théorie de la pauvreté de masse. Paris: Editions Gallimard, 1979, p.32. 3 Ole Danbolt Mjoes, president du comite Nobel, 2006 4Extrait de la présentation de Alain Charles marti-net et Marielle A. Payaud au 3e congres du Réseau International de recherche sur les Organisations et le Développement Durable, Lyon, 5 et 6 juin 2008.

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Le bilan énergétique du Québec est très particulier, il se distingue par une grande utilisation et disponi-bilité de l’électricité, dont la majeure partie pro-vient de barrages hydroélectriques. Bon an mal an, entre 95 et 98 % de la production électrique réelle vient de cette source d’énergie renouvelable. Dans les faits, le Québec produit environ la moitié de l’hydroélectricité au Canada, ce qui représente au bas mot le quart de la production électrique du Ca-nada, toutes sources confondues. Tableau 1 : Consommation et production d’é-lectricité

(Source : Central Intelligence Agency : The World Fact-book 2007) Cette production d’électricité, à faible émission de carbone, permet au Québec de s’illustrer en termes d’émissions de gaz à effet de serre par habitant. On constate en effet de grandes disparités entre les provinces qui proviennent principalement du type de production électrique doublé dans le cas de l’Al-berta et de la Saskatchewan de l’extraction du pé-trole des sables bitumineux ayant des externalités

environnementales très importantes en termes d’émission de gaz à effet de serre. Tableau 2 : Hydroélectricité au Canada

( Source : Statistique Canada, 2004) Ainsi, la production électrique du Québec se distingue par sa faible contribution au bilan total de gaz à effet de serre (GES). En effet, la principale source de GES au Québec provient des transports, soit 38,7 % des émissions to-tales. De ce nombre, pas moins de 80% pro-viennent du transport routier. Depuis 1990, l’année de référence pour le protocole de Kyo-to qui exige une réduction moyenne de 6% entre 2008 et 2012, les émissions québécoises ont augmenté de 5,2 %, soit 11,2% au-dessus du niveau exigé par le protocole de Kyoto. Alors que dans cette même période, les émis-sions attribuables à l’industrie ont baissé de 8,5%, représentant tout de même 30,7 % des émissions totales du Québec, c’est clairement au niveau des transports que l’on note la plus importante augmentation, soit 24,8 % en 15 ans.

Bilan énergétique et émission de gaz à effet de serre au Québec :

le défi du transport !1

Par François Décary-Gilardeau, étudiant à la maîtrise en environnement, UQÀM

Électricité - production (TWh)

Population (million)

Électricité par habi-tants (kWh/hab)

États-Unis

4 062 300 13540

Chine 2372 1300 1825

Japon 1025 230 4457

Russie 904,4 140 6460

Inde 661,6 1100 601

Canada 609,6 33 18473

Allema-gne

579,4 82 7066

France 543,6 63 8629

Brésil 396,4 190 2086

Royaume-Unis

372,6 61 6108

Production d’hydro-électricité (GWh)

Terre-Neuve 39589

N-É & IPE 961

N-B 3013 QC 166759 ONT 39500 MAN 27219 SAS 2820 ALB 2497 BC 54653 Yukon 306 Terr. du Nord-Ouest

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Canada 337606

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(Source : MDDEP Québec, 2007) Alors que pour l’ensemble du Canada, le secteur énergétique demandera à être revu en profondeur si l’on souhaite au minimum s’orienter vers les objectifs du protocole de Kyoto, pour le Québec, le défi se situe plus spécifiquement au niveau des transports. D’ailleurs, d’un point de vue purement économique, il faut reconnaître que l’automobile n’entraîne que très peu de retombés économi-ques, mis à part la construction des infrastructu-res routières. En effet, la balance commerciale du Québec est très largement négative que ce soit dans le secteur de l’automobile ou du pétrole. Se-lon l’Institut de la statistique du Québec, les im-portations de pétrole brut ont atteint 12,9 mil-liards dollars en 2005, alors que celles des auto-mobiles et châssis atteignaient 6,6 milliards, soit environ le quart des importations du Québec. Sans même prendre en compte les coûts relatifs à la construction et à l’entretient que l’imposant réseau routier impose au gouvernement du Qué-bec et ultimement à chaque citoyen, la diminution de l’utilisation de l’automobile aura des répercus-sions positives évidente autant au niveau environ-

nemental qu’économique. Non seulement les enga-gements du Canada par rapport au protocole de Kyoto incitent à diminuer les émissions associées à ce secteur, une perspective de développement du-rable appelle à l’identification de stratégies alterna-tives à l’automobile. Il est clair que l’amélioration de l’efficacité énergétique des automobiles, quoi-que nécessaire, ne réussira pas à diminuer les émissions de GES. Inévitablement, il faudra repen-ser l’urbanisme d’une part en densifiant la ville et en centralisant les emplois et les services, d’autre part en améliorant les performances des transports en commun en orientant les infrastructures de transport de façon à favoriser ces derniers et à contraindre le trafic automobile. Ces derniers critè-res appellent une stratégie de transport durable axée inévitablement sur le long terme en raison du très coûteux et très faible taux de renouvellement du patrimoine bâti. Par rapport aux autres secteurs significatifs dans le bilan énergétique du Québec (industriel, résidentiel et commercial), renverser la tendance par rapport au transport est certainement le plus grand défi du Québec. Parallèlement, c’est ce secteur qui offre le plus grand potentiel de réduction à long terme d’é-

Tableau 3 : Émissions des GES au Québec entre 1990 et 2005

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Dans ce numéro spéciale sur le commerce équitable de la revue du Centre Interdisciplinaire de Recherche et d’Information sur les Entreprises Collectives (CIRIEC) sous la responsabilité de Véronnique Bisaillon, Corinne Gendron et Marie-France Turcotte ont relève les contradiction inhérente au commerce équitable. Malgré l’existence de ces contradiction, il convient de remarquer que le mouvement continu de croître. Disponible en ligne www.puq.ca

La citation du mois : À l’instar des autres nouveaux mouvements sociaux économiques, le commerce équita-ble participe à une restructuration éthique du marché, à travers laquelle le traitement réservé aux producteurs du Sud peut notamment être utilisé comme facteur de différen-ciation commerciale. Logique commerciale et responsabilité sociale peuvent ainsi se re-joindre, tout en appuyant des stratégies d’une institutionnalisation plus politique, et ren-forcer le processus de transformation des règles du commerce international. Bisaillon, V., C. Gendron et M-F. Turcotte. 2006 « Le commerce équitable comme mou-vement de transformation ». Dans Revue Économie et Solidarités, vol 37, no 2. p.17.

mission de GES. D’où l’importance de l’aborder im-médiatement, sans pour autant dénigrer l’effort nécessaire dans les autres secteurs.

1Cet article est une version plus étoffée d’un article ayant paru dans la version papier du magazine Vision Durable. www.visiondurable.com

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Rédacteur en chef : François Décary-Gilardeau Rédactrice-adjointe : Sophie Lévesque Collaborateur : Josiane Lise Mabopda Foka

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