"Notre avenir commun face au changement climatique"

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Notre avenir commun face au changement climatique Déclaration finale du Comité scientifique de la CFCC15*, présidé par Chris Field Présidents du Comité d’organisation et du Haut Conseil : Hervé Le Treut et Jean Jouzel Organisateurs internationaux : UNESCO, Future Earth et ICSU** 10 juillet 2015 Les scientifiques posent des bases solides pour que les gouvernements prennent des décisions ambitieuses lors de la COP 21 et au-delà. La conférence scientifique « Notre avenir commun face au changement climatique » (Our Common Future under Climate Change CFCC15*) couvre tous les domaines scientifiques relatifs au changement climatique. Avec près de 2 000 participants originaires d’une centaine de pays, la CFCC15 est la plus grande conférence scientifique internationale organisée avant la COP 21 de Paris. Elle fait le point sur l’état actuel des connaissances concernant tous les aspects du changement climatique, et passe en revue l’ensemble des options datténuation et dadaptation susceptibles d’offrir des solutions durables et équitables à tous les pays et toutes les régions. Le principal objectif de la COP 21, qui se tiendra en décembre 2015, est d’instaurer un cadre de coopération entre gouvernements destiné à assurer une croissance constante de l’ambition individuelle et collective, en vue de relever le défi du changement climatique. Le nouveau régime de gouvernance climatique doit renforcer la confiance, soutenir la mise en œuvre des politiques et des mesures, maximiser les bénéfices de la coopération internationale et consolider la prise de conscience qu’un nouveau modèle de développement est en train démerger (à émissions de carbone faibles ou nulles, et résilient au changement climatique). Pour les scientifiques, il ne s’agit plus seulement d’évaluer les risques et les possibilités d’action. Ils sont également amenés à étudier et faciliter les différentes modalités de transition vers des économies et des sociétés durables et résilientes. La présente déclaration résume le socle scientifique qui servira de base à l’action climatique, en s’appuyant sur les connaissances actuelles des solutions et des problèmes.

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Déclaration finale du Comitéscientifique de la CFCC15, presidépar Chris Field.

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  • Notre avenir commun face au changement

    climatique

    Dclaration finale du Comit scientifique de la CFCC15*, prsid par Chris

    Field

    Prsidents du Comit dorganisation et du Haut Conseil :

    Herv Le Treut et Jean Jouzel

    Organisateurs internationaux : UNESCO, Future Earth et

    ICSU**

    10 juillet 2015

    Les scientifiques posent des bases solides pour que les gouvernements prennent des

    dcisions ambitieuses lors de la COP 21 et au-del.

    La confrence scientifique Notre avenir commun face au changement climatique (Our

    Common Future under Climate Change CFCC15*) couvre tous les domaines scientifiques

    relatifs au changement climatique. Avec prs de 2 000 participants originaires dune centaine de

    pays, la CFCC15 est la plus grande confrence scientifique internationale organise avant la

    COP 21 de Paris. Elle fait le point sur ltat actuel des connaissances concernant tous les

    aspects du changement climatique, et passe en revue lensemble des options dattnuation et

    dadaptation susceptibles doffrir des solutions durables et quitables tous les pays et toutes

    les rgions.

    Le principal objectif de la COP 21, qui se tiendra en dcembre 2015, est dinstaurer un cadre de

    coopration entre gouvernements destin assurer une croissance constante de lambition

    individuelle et collective, en vue de relever le dfi du changement climatique. Le nouveau

    rgime de gouvernance climatique doit renforcer la confiance, soutenir la mise en uvre des

    politiques et des mesures, maximiser les bnfices de la coopration internationale et

    consolider la prise de conscience quun nouveau modle de dveloppement est en train

    dmerger ( missions de carbone faibles ou nulles, et rsilient au changement climatique).

    Pour les scientifiques, il ne sagit plus seulement dvaluer les risques et les possibilits

    daction. Ils sont galement amens tudier et faciliter les diffrentes modalits de transition

    vers des conomies et des socits durables et rsilientes.

    La prsente dclaration rsume le socle scientifique qui servira de base laction climatique, en

    sappuyant sur les connaissances actuelles des solutions et des problmes.

  • Le changement climatique est un dfi majeur du 21e sicle. Ses causes sont profondment

    ancres dans la faon dont nous gnrons et utilisons lnergie, produisons nos aliments,

    amnageons les territoires et consommons plus que ncessaire. Ses effets sont susceptibles

    daffecter toutes les rgions de la Terre, tous les cosystmes et de nombreux aspects des

    activits humaines. Les solutions exigent un engagement audacieux envers notre avenir

    commun.

    tant donn que le rchauffement induit par le CO2 se poursuit pendant plusieurs sicles, toute

    limitation de celui-ci une temprature maximale implique que les missions de CO2 doivent

    finir par retomber zro. Il y a deux chances sur trois de pouvoir contenir le rchauffement

    2C ou moins si on limite les missions de CO2 900 milliards de tonnes, soit prs de 20 fois la

    quantit mise pendant la seule anne 2014. Pour limiter le rchauffement 2 C, les

    missions devront tre nulles, voire ngatives, la fin du 21e sicle.

    Il est ncessaire que les politiques intelligentes en matire de gestion et de rduction des

    risques lis au changement climatique soient justes et tiennent compte de limportance de

    lhistoire, des capacits de chacun, dune rpartition quitable des financements et de la

    richesse de lexprience humaine. Lanne 2015 est cruciale pour raliser des progrs. Les

    possibilits de trouver des solutions ralisables sur le plan conomique et offrant une

    perspective raisonnable de limiter le rchauffement un maximum de 2 C diminuent

    rapidement.

    Chaque pays a un rle jouer. Ladoption de mesures ambitieuses en 2015 peut se rvler

    dterminante pour assurer notre avenir commun au sein dconomies durables et robustes, de

    socits quitables et de communauts dynamiques.

    La science constitue le socle sur lequel il convient de sappuyer pour prendre des dcisions

    intelligentes lors de la COP 21 et dans la priode qui suivra. Rpondre au dfi que pose le

    changement climatique exige de lambition, du dvouement et de la volont, non seulement de

    la part de la communaut scientifique, mais aussi de la part des gouvernements, du secteur

    priv et de la socit civile.

    Nous, reprsentants de la communaut scientifique, sommes tout fait dtermins analyser

    tous les aspects du problme, aligner le programme des recherches sur les possibilits de

    solution, informer le public et soutenir le processus politique.

    LESPACE DES SOLUTIONS

    1. Un objectif ambitieux dattnuation permettant de limiter le rchauffement moins de

    2 C au-dessus des niveaux prindustriels est possible sur le plan conomique. Mais

    tout retard dans la rduction drastique des missions, tout attentisme de la part de

    certains pays ou toute exclusion de certaines technologies nergtiques propres

    entraneront laugmentation des cots et de la complexit des mesures. Les stratgies

    dattnuation visant limiter le rchauffement 2 C et prsentant un bon rapport cot-

  • efficacit ncessitent une rduction des missions de gaz effet de serre de 40 70 %

    par rapport aux niveaux actuels dici 2050.

    2. Les mesures dattnuation des prochaines dcennies seront essentielles pour

    dterminer limportance du rchauffement long terme et des risques associs. Mais

    mme avec une politique dattnuation ambitieuse, une grande partie des changements

    climatiques observs au cours des prochaines dcennies sera invitable en raison des

    processus climatiques et du cycle dexploitation normal des technologies et des

    infrastructures en place. Ladaptation court et long termes permettra certes de se

    prparer aux risques que prsentent des impacts invitables, mais elle a ses limites.

    3. Les investissements dans des mesures dadaptation et dattnuation du changement

    climatique peuvent offrir un grand nombre davantages connexes en renforant la

    protection contre la variabilit climatique actuelle, en rduisant les dommages causs

    par la pollution de lair et de leau, et en favorisant le dveloppement durable. Les

    rponses intelligentes au changement climatique, conues pour maximiser les bnfices

    connexes et minimiser les effets indsirables, peuvent faire partie dune stratgie

    intgre de dveloppement inclusif et durable.

    4. Un objectif ambitieux dattnuation ncessitera toute une srie de mesures, parmi

    lesquelles des investissements dans la recherche, le dveloppement et le transfert de

    technologies ; llimination progressive des subventions aux nergies fossiles ; et la

    mise en place dune tarification du carbone. La tarification du carbone permet de mettre

    sur un pied dgalit les diffrentes technologies nergtiques en faisant payer pour les

    dgts causs par le changement climatique et en rcompensant les autres bnfices

    dcoulant des activits dattnuation.

    5. Dici la fin du sicle, les investissements mondiaux dans lnergie et les infrastructures

    nergtiques reprsenteront plusieurs milliers de milliards de dollars. Linvestissement

    supplmentaire ncessaire la transition vers une nergie propre peut reprsenter une

    petite fraction de ce montant. Par une mise en uvre efficace, ce surcot peut

    largement contribuer une croissance conomique inclusive et durable.

    6. Il est plus simple de rduire les missions des gaz retenant la chaleur dans certains

    secteurs que dans dautres. Il est par exemple plus facile dagir sur la diminution de la

    dforestation, lefficacit nergtique, la production dlectricit, les btiments et les

    voitures. Cela devient plus complexe dans les domaines de laviation, du transport

    routier, des navires de haute mer et de lagriculture. Les technologies fort potentiel

    concernent la gestion de la demande, lefficacit nergtique, lnergie solaire et

    olienne, la bionergie et le nuclaire : toutes prsentent des possibilits de progrs

    majeurs. Une meilleure gestion de la plante offre de grandes opportunits, non

    seulement pour le climat mais aussi pour les services cosystmiques et la biodiversit.

  • LESPACE DES PROBLMES

    1. Le rchauffement du systme climatique est sans quivoque. Jusqu prsent, il est en

    grande partie imputable aux activits humaines.

    2. Les impacts des changements climatiques qui se sont dj fait sentir sont largement

    rpandus et de grande ampleur. Ils touchent tous les continents, de lquateur aux ples

    et des montagnes aux ctes. Les changements climatiques contribuent une grande

    varit de conditions extrmes : vagues de chaleur, pluies torrentielles, incendies,

    scheresses, fonte des neiges et des glaces. Ils font obstacle laugmentation des

    rendements agricoles et modifient les implantations gographiques et les activits des

    plantes et des animaux, que ce soit sur terre, dans les lacs et les rivires, ou dans les

    ocans.

    3. Les populations et les rgions du monde entier sont vulnrables et exposes au

    changement climatique, mais les risques diffrent selon les endroits. La vulnrabilit est

    particulirement leve dans les rgions o la pauvret, les ingalits, le manque

    dinfrastructures et une gouvernance inefficace sadditionnent et limitent ainsi les

    possibilits daction.

    4. Un niveau lev dmissions de gaz effet de serre augmente les risques dimpacts

    graves, gnraliss et irrversibles. Les risques pour les personnes, les conomies et

    les cosystmes seront tous beaucoup plus importants dans un monde o les missions

    resteraient leves et o le rchauffement climatique pourrait atteindre 4 C ou plus au-

    dessus des niveaux prindustriels dici la fin du sicle, par rapport un monde o les

    efforts dattnuation seraient ambitieux. Les risques les plus proccupants concernent

    les impacts sur la scurit de lapprovisionnement en eau et en nourriture, la sant et le

    bien-tre des personnes, la biodiversit et les services cosystmiques, les ingalits et

    la pauvret, les cultures rares, les activits conomiques et les infrastructures, et le

    franchissement de seuils majeurs en ce qui concerne le niveau de la mer, la biodiversit

    et les rtroactions climatiques.

    * Organise du 7 au 10 juillet au sige de lUNESCO et lUniversit Pierre et Marie Curie Paris, la

    confrence CFCC15 vise faire avancer le dialogue scientifique sur les solutions apporter au

    changement climatique. Elle entend galement renforcer le dialogue entre science et socit travers 78

    vnements parallles organiss dans le monde entier entre le 1er

    juin et le 15 juillet par des artistes, des

    entreprises, des mdias, des ONG, des responsables politiques, des organismes publics, des

    organisations internationales et des scientifiques. Grce des sessions destines aux parties

    intresses et organises pendant la confrence, les vnements parallles renforcent le dialogue entre

    les scientifiques et les autres acteurs sur des questions majeures, comme lducation, les villes, la

    finance, la scurit alimentaire, leau, la sant et les mdias.

  • *Comit scientifique de Notre avenir commun face au changement climatique

    Chris FIELD (GIEC, USA) - Prsident Philippe CIAIS (LSCE, France) Wolfgang CRAMER (IMBE, France) Purnamita DASGUPTA (IEG, Inde) Ruth DEFRIES (Universit Columbia, USA) Navroz DUBASH (CPR, Inde) Ottmar EDENHOFER (PIK, Allemagne / GIEC, USA) Michael GRUBB (University College de Londres, Royaume-Uni) Jean-Charles HOURCADE (CNRS, France) Sheila JASANOFF (Harvard Kenny School of Government, USA) Kejun JIANG (Universit de technologie de Nanyang, Chine) Vladimir KATTSO (MGO, Russie) Herv LE TREUT, France (CNRS-UPMC, France) Emilio LEBRE LA ROVERE (Universit fdrale, Brsil) Valrie MASSON-DELMOTTE (LSCE/IPSL, France) Cheik MBOW (ICRAF, Kenya) Isabelle NIANG-DIOP (IRD, Sngal) Carlos NOBRE (SEPED/MCTI, Brsil) Karen OBRIEN (Universit dOslo, Norvge) Joe JACQUELINE PEREIRA (Universit Kebangsaan, Malaisie) Shilong PIAO (Universit de Pkin, Chine) Hans OTTO PRTNER (Institut Alfred Wegener, Allemagne) Monika RHEIN (Universit de Brme, Allemagne) Johan ROCKSTRM (Universit de Stockholm, Sude) Hans Joachim SCHELLNHUBER (PIK, Allemagne) Robert SCHOLES (Universit du Witwatersrand, Afrique du Sud) Pete SMITH (Universit dAberdeen, Royaume-Uni) Youba SOKONA (Centre Sud, Suisse) Jean-Franois SOUSSANA (INRA, France) Mark STAFFORD-SMITH (Future Earth, Australie) Thomas STOCKER (Universit de Berne, Suisse) Laurence TUBIANA (IDDRI, France) Diana RGE-VORSATZ (Universit dEurope centrale, Hongrie) Penny URQUHART (analyste indpendante, Afrique du Sud) Carolina VERA (Universit de Buenos Aires, Argentine) Alistair WOODWARD (Universit dAuckland, Nouvelle-Zlande)

    **Prsident dICSU : Gordon McBean