Notre Amitié n°111 mars 2007

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Table des matières Sommaire papier 2 Édito 3 Départs 4 Le droit de dire 5 La fête de l’AnaAJ 6 « Au secours, la maison brûle » 7 La transmutation de l’épouvantail. 8 Ballade des jeunes octos 10 Le vieux bidet 11 Du sang dans le métro… 12 Le prix du sang et des larmes 14 Je ne marche plus 16 Tribune libre. 18 « Notre Amitié » n°111 Bulletin Anaaj Région Parisienne mars 2007 page1/18

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Journal trimestriel des anciens et amis des auberges de jeunesse de la Région parisienne. Reflète la vie de l'association, mais apporte aussi des témoignages sur les mouvements ajistes, et l'histoire des auberges de jeunesse en France et dans le monde, hier et aujourd'hui.

Transcript of Notre Amitié n°111 mars 2007

Table des matières

Sommaire papier" 2

Édito" 3

Départs" 4

Le droit de dire" 5

La fête de l’AnaAJ" 6

« Au secours, la maison brûle »" 7

La transmutation de l’épouvantail." 8

Ballade des jeunes octos" 10

Le vieux bidet" 11

Du sang dans le métro…" 12

Le prix du sang et des larmes" 14

Je ne marche plus" 16

Tribune libre." 18

« Notre Amitié » n°111 Bulletin Anaaj Région Parisienne mars 2007 page1/18

Sommaire papier

Editorial J. Cuesta 3 Des copains nous ont quittés 4 Le droit de dire J. Bernard 5 La fête de l’AnaAJ G. Devillard 7 Au secours, la maison brûle J. Bernard 9 La transmutation de l’épouvantail U. Henschel 11 La ballade des jeunes octos 14 Le vieux bidet M. Thomé 15 Charonne, un crime d’Etat J. Bernard 17 Le prix du sang J. Bernard 19 Je ne marche plus G. Brenier 22 Il était un petit navire G. Brenier 25 Tribune libre Mickey 27

Quelques pages pour le sourire, d’autres pour le devoir de mémoire… Un sommaire qui rassemble des articles que certains copains trouveront peut-être un peu graves ou tristounets mais qui reflètent, somme toute, la période grise que nous traversons tous présentement avec, en arrière-pensée dans le cœur de chacun l’espoir, que dis-je, la conviction que « ça va changer ! ». G.B.

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Édito

Et  nous  voilà  repartis  pour  une   nouvelle   année  qui  sera,  je   l’espère,  béné7ique  à  tous.

Notre   association  continue   à   bien  se   porter   :  activités   nombreuses,  rencontres   amicales,   anniversaires,   visites   de   sites   intéressants,  randonnées,   théâtre,   cinéma,   etc.   Chacun   fait   de   son   mieux   pour  organiser  et  participer.  

Et  je  n’arrête  pas  de  dire  à  tous  moments  :  Je  ne  suis  pas  isolée,  je  ne  suis  pas  seule,  l’AnaAJ  est  là  !  »  

La   critique   est   toujours   facile   car   tout   n’est   pas   parfait,   c’est   vrai,  mais   n’oubliez   pas   que   vous   avez   de   bons   copains,   à   l’écoute   de  chacun  et  qu’une  si  longue  amitié  est  une  vraie  richesse.

Dans   un   environnement   qui   devient   de   plus   en   plus   dif7icile   à  supporter,   continuez   à   être   «   attentifs   ensemble   »   et,   quand   un  problème  surgira,  appelez,  il  y  aura   sûrement  quelqu’un  pour  vous  écouter  et  vous  aider.  

Janine  Cuesta.  

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Départs

Nous  apprenons  le  décès  d’un  de  nos  copains  :

Christian  Caillard,

un   tout   jeune   parmi   nous,   grand   marcheur   ayant  participé  à  des  nombreuses  manifestations  sportives.  Il  a   longtemps   lutté  contre  une  méchante  maladie  qui  a  7ini  par  l’emporter.  

Nous   garderons   de   lui   le   souvenir   d’un   garçon  sympathique  et  toujours  souriant.  

Robert Auclaire, une figure de l’Ajisme.

  Robert  Auclaire  a  quitté  ce  bas  monde  en  novembre  dernier.  Il  fut  un  militant  ef8icace  qui  a  tenu  une  grande  place  dans  l’histoire  des  AJ.  

Dès  1940,  au  sein  des  Cam’  Route,  il  œuvra  pour  sauver  l’Ajisme  de  la  débâcle.  A  Lyon,   en  «   zone   sud   »,   il  organisa  des   réseaux  d’hébergement  d’enfants   juifs,   de   jeunes   fuyant   le   STO,   des   8ilières   pour   le   maquis.   Un  engagement   qui   fait   honneur   aux   AJ.   Son   vécu   ajiste   a   fait   de   lui   une  «  mémoire  »  indispensable.  

Dans  son  village  du  Diois,  il  avait  gardé  le  contact  avec  les  jeunes  du  milieu  rural  en  faisant  notamment  du  soutien  scolaire.  

C’est  triste  de  penser  qu’il  s’en  est  allé.    J.  Bernard,  AnaAJ-­Paris.

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Le droit de direCe dessin peut-il être considéré comme diffamatoire parce qu’il représente un « barbu » ? De tout temps, aux Auberges, nous avons préconisé et largement utilisé la liberté d’expression.

Si l’insulte n’est pas un argument défendable, on n’en doit pas moins répliquer fermement aux errements d’un fanatisme religieux (ou autoritaire) qui voudrait mettre la religion – sa religion – donc son pouvoir – au-dessus de tout. Dans un pays laïque, avant d’être d’une religion, on est d’abord citoyen.

Est-ce offenser un dieu que d’en discuter la légitimité ? Quelle vanité que de prétendre posséder LA vérité et de l’imposer aux autres. L’intégrisme est la pire des idéologies. Il doit être combattu. Il n’y a pas de tolérance à avoir pour l’intolérance. Quand le sang coule au nom de dieu, c’est intolérable. Car « il n’est pas de sauveur suprême ». Le rire est le propre de l’homme, a dit Rabelais. Dans la période médiévale, les bouffons du Xe siècle moquaient le roi. Plus tard, Daumier, par ses dessins grotesques, amplifiait les travers de la bourgeoisie du XVIIIe siècle. Dans L’assiette au beurre du début du XIXe siècle des caricaturistes réputés malmenaient par des dessins vengeurs l’armée sanguinaire, l’Eglise opulente, les rois au pouvoir absolu, les richards parvenus et les hommes politiques dévoyés. Oui, au pays de Molière, de Voltaire et d’Hugo, on a le droit de critiquer la religion par la confrontation des idées. Ce ne sont pas les dessins parfois dérangeants ni les mots qui tuent, mais les bombes et les assassinats d’incroyants. Ceux qui font usage de cette violence pour imposer une loi divine devant laquelle chacun devrait s’incliner sont bien mal placés pour donner au monde des leçons de morale. Ils tuent la liberté. La critique d’une idéologie ou d’un état sociétal n’implique pas pour autant une déclaration de guerre ouverte. La confrontation des idées dans le respect mutuel devrait être la règle. Une critique n’est pas un désaveu, elle permet à chacun de se faire une libre opinion et de déterminer son choix en conséquence. C’est le principe même de la laïcité. En France, nous sommes attachés à ce concept. Y déroger serait fatal à la démocratie. Notre credo, c’est les valeurs républicaines. Oui, nous devons être attentifs à la montée de l’intolérance. Menaces de mort à l’encontre d’écrivains (Salman Rushdie, en Iran), bannissement d’intellectuels (Soljenitsyne en URSS), d’artistes (Rostropovitch), assassinats d’opposants politiques ou de journalistes ici et là, femmes lapidées au Moyen-Orient pour avoir enfreint la loi des hommes, martyrisées en Afrique pour s’être élevées contre l’excision, coups de force de militants anti-IVG contre des cliniques américaines (et même en France), crimes d’honneur en Turquie pour refus de mariage libre, exécutions sommaires en Chine, femmes vitriolées pour avoir refusé des avances, cri de colère de femmes maghrébines dans certaines cités pour revendiquer une saine émancipation : depuis Giordano Bruno, la liste est longue des atteintes à la liberté d’être et de s’exprimer. L’insoumission est l’honneur de ceux qui luttent. Oui, quand au nom de Dieu on voile, on viole, on tue, on emprisonne, la conscience doit s’insurger face au fanatisme.Oui, quand au nom de Dieu on dicte un mode de vie astreignant, on doit se rebeller. A chacun sa vie privée. Oui, quand des diktats religieux, sous couvert de pureté morale, imposent des préceptes régressifs, c’est de l’obscurantisme. La liberté de penser ne peut être muselée. Oui, c’est pour cela que nous, Anaajistes, serons toujours du côté des défenseurs de la liberté d’expression.

Jean Bernard.

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La fête de l’AnaAJ Notre fête de l’AnaAJ 2007 n’a pas connu le même lustre que dans les années passées, quand nous allions à Bierville. Nous avons tous pris un peu de bouteille, quelquefois un peu de tour de taille. Nos rencontres passées, celles que nous avons connues à l’époque avaient évidemment une allure différente. Elles se déroulaient sur la durée d’un week-end. Il y avait beaucoup de préparation à cette époque et, évidemment, plus de copains pour s’y investir et y participer.

Qu’importe si nous n’avons plus les moyens ni les organisateurs d’antan ! Ma soutane est pourtant toujours là, accrochée tristement dans la penderie, soigneusement rangée. Elle sort de la « fabrique » de Janine Cuesta. Sachez qu’elle a bien servi et qu’elle ne demande qu’à reprendre du service. Quelquefois, je la redécouvre en ouvrant ma penderie. Elle a l’air de me demander pourquoi je la laisse seule sur son cintre. Je dois avouer que là, il m’arrive de surprendre une larme coulant sur ma joue en la voyant ! Surtout que maintenant on n’a plus l’habitude d’en apercevoir des soutanes quand on se promène dans la rue. Et pourtant, cette tenue avait une sacrée allure. Les gamins n’ont plus l’occasion de rigoler comme nous le faisions à l’époque de notre jeunesse. On envoyait alors un très joyeux et très bruyant : « Bonjour madame ! » aux porteurs de soutanes. Je me souviens que lors d’une fête déjà ancienne, à la neige, deux moniteurs de la station de ski avaient réalisé une descente à ski habillés de soutanes. Je vous assure que cela avait une certaine allure. Voilà encore des coutumes du passé qui disparaissent. Essuyons une larme, camarades.

Nous nous sommes tout de même retrouvés joyeux pour notre fête. C’est toujours une joie de se rencontrer entre nous. Nous avons des souvenirs à évoquer. Ainsi, je me souviens, en 1953, à Nice. Je partais pour faire le tour de la Corse en Vespa avec ma compagne. Là, sur le port de Nice, je rencontrais Mickey. C’était juste avant de monter sur le bateau pour embarquer vers la Corse. Je n’ai d’ailleurs pas gardé un excellent souvenir de la façon dont les marins avaient manipulé ma Vespa.

L’ambiance fut fort joyeuse autour de nos tablées, comme à l’habitude. C’est toujours une joie de retrouver nos copains. Quelque chose me chagrine cependant : que sont devenus nos chants joyeux, légèrement séditieux, que sont devenus nos joyeux Ki-rié et Dans les chambres de nos abbés ?

Je me souviens d’une fête ajiste, à Paris, ce devait être en 1946, dans une des salles de la mairie du XVIIIe, il devait s’y produire un groupe folklorique, celui-ci ne vint pas. Alors, à l’initiative d’un copain, une chorale fut immédiatement mise sur pied. C’était tellement réussi qu’à un moment je m’étais même demandé si ça n’était pas un coup préparé à l’avance. Ça ne l’était pas, mais quelle gueule ça avait !

Bon, évidemment, nos habitudes, comme nos rotules, ont pris un petit coup de vieux. Mais que c’est chouette de se retrouver ainsi, tous ensemble !

Notre rencontre fut réussie. Nous avons ainsi joyeusement commencé l’année. D’autres activités se préparent. D’autres rencontres se tiendront.

Nous aurons encore le plaisir de nous revoir pour de joyeuses retrouvailles.

Salut les camarades. Gil Devillard.

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« Au secours, la maison brûle »(Discours de Jacques Chirac, Rio de Janeiro, 2000)

L’écologie, tout le monde en parle. C’est le sujet bateau. Pour les journaux, les magazines, les médias, la télé, c’est l’antienne à la mode. Pierre, Paul, untel et untel se croient obligés de donner un avis sur la question. Même les politiques – mais oui, mais oui – ont saisi la balle au bond et, toutes couleurs confondues, inscrit la chose à leur programme (période électorale oblige !). C’est un excellent sujet de dissertation, on peut en parler à tort et à travers, cela n’engage à rien, on peut en blablater à longueur de pages ou de fenestron. Sujet en or, surtout depuis que, récemment, Nicolas Hulot a mis les pieds dans le plat, secouant vaillamment le cocotier pour bousculer l’inertie des décideurs en alertant l’opinion avec son « plan écologique ». Déjà, il y a plusieurs décennies, des hommes de renom, pleins de raison (le sociologue René Dumont, le volcanologue Haroun Tazieff, le commandant Cousteau, le scientifique Théodore Monod, le philosophe Edgar Morin, le photographe Arthus-Bertrand, d’autres aussi) avaient fait savoir par leurs écrits et leurs actions combien la Terre était en danger et que, pour préserver l’avenir, il fallait avoir conscience de l’urgence des remèdes à y apporter. Hélas, ils n’ont été que peu entendus, quand ils ne passaient pas pour de doux rêveurs dérangeants. Pourtant, la réalité est là. Durant des siècles, l’homme s’est érigé en maître absolu de la nature. Au fil du temps, les besoins accrus de la société ont abouti à un développement technico-économico-scientifique dont on n’a pas su maîtriser l’usage. Une industrialisation à outrance épuise peu à peu les richesses naturelles ; le non-contrôle sérieux des nuisances accélère encore les défaillances gestionnaires. On a beau faire des déclarations oratoires (Stockholm, 1972), des séminaires brésiliens (M. Chirac dixit : « Au secours, la maison brûle… »), réunir des sommités politiques ici ou là en Amérique ou au Japon, il ne semble pas que la prise de conscience soit partagée et que les décisions à prendre soient efficaces. La Chine argue de la nécessité pour elle de se développer industriellement, les Etats-Unis s’assoient sur les accords de Kyoto ; l’ex-URSS a littéralement détruit la mer d’Aral et la région de Bakou se meurt sous les pluies acides ; la forêt amazonienne est décimée par une déforestation intensive ; en Afrique le désert avance inexorablement ; aux pôles, la banquise recule et pourrait un jour disparaître. Les pays du Tiers Monde sont systématiquement pillés de leurs richesses naturelles par des groupes surpuissants qui de plus régissent les marchés mondiaux. Périodiquement, nombre de tankers pétroliers s’échouent sur les côtes océanes, causant une pollution maritime gravement domma-geable. Mais, de cela, Total et autres compagnies pétrolières n’en ont cure. Le constat général de l’état de la Terre est affligeant, alarmant. De plus en plus de scientifiques se mobilisent pour dire leur angoisse du devenir du monde. Le monde va mal. Ecoutons-les. Quant à nous, pauvres Anaajistes sans parole et sans pouvoir, que pouvons-nous faire ? Peu de choses à vrai dire, sinon être chacun à sa façon respectueux de son propre environnement, participer au tri sélectif des déchets, éviter le gaspillage coûteux de l’eau et de l’électricité, privilégier un mode de vie responsable en ne sacrifiant pas aux exigences d’une société de consom-mation mercantile avide de profits. C’est peu mais pas inutile. L’écologie est sociale, économique, culturelle. Elle se doit d’être défendue. Nous ne devons pas en ignorer l’importance. C’est un devoir moral, civique, citoyen. S’informer, réfléchir, s’indigner et agir autant que faire se peut. Nous sommes responsables de l’avenir de nos enfants et petits-enfants. Leur laissera-t-on un monde invivable ? Aidons, modestement, à sauver la Terre. Ce faisant, nous poursuivons notre rôle d’Ajistes, défenseurs de la Nature. Je ne doute pas que vous tous, mes copains, en soyez conscients.

Jean Bernard.

Des livres à lire si vous le souhaitez : - Pour un pacte écologique, de Nicolas Hulot, éd. Calmann-Lévy, 18 € - Une écologie humaniste, de Gilles Clément, éd. Aubanel, 39 € - Le développement durable, de Dominique Bourg, éd. Gallimard, 14 € - Les pollueurs, d’Anne Guérin-Herni, Points Politique n° 106.

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La transmutation de l’épouvantail.J’ai été créé par le fils du maire de mon village, avec deux gourdins cloués en croix, habillés d’une vieille chemise de laboureur qu’on n’avait même pas pris la peine de laver et qui sentait bon la sueur et la terre. Le vieux short effrangé et le chapeau de paille dont les brins se faisaient la malle de tous côtés me donnaient la respectabilité qui m’était nécessaire pour régner en maître sur le champ de blé qui était mon domaine. Je dois dire que j’avais assez bien réussi : les oiseaux, quand ils me voyaient, changeaient leur plan de vol et les lapins et petits lièvres, quand ils se trouvaient en face de moi en sortant du bois, faisaient vite demi-tour. Il est bien arrivé qu’un tout jeune lièvre, un jour sans vent, après m’avoir observé longuement, se soit approché et m’ait pissé dessus en rigolant. Cela ne m’a pas vexé, au contraire, je me suis dit : « si les artistes s’intéressent à moi, maintenant, c’est que je suis vraiment quelqu’un ! » C’était le bon temps, on vivait avec les saisons, paisiblement. Mais c’est bien fini, nous ne sommes plus au temps où des émigrés du Mayflower éliminaient les Indiens un à un. La science nous a dotés de méthodes collectives, rapides et efficaces. Les blés sont traités, les hommes continuent à les consommer. Mais les animaux, plus délicats, n’y touchent plus. Aussi, quand un jour le tracteur m’a renversé, que mon chapeau de paille a été écrasé sans que personne ne s’en émeuve, j’ai compris que si je voulais survivre, il me faudrait m’adapter aux temps nouveaux. C’est là que je me suis décidé à la transmutation. Désormais je m’occuperais des humains. Oh ! ce n’était pas évident. Contrairement à mon rôle précédent, où ma présence et ma visibilité jouaient un rôle essentiel, je devins maintenant visuel. Car pour les humains il est prudent de leur foutre la frousse, sans qu’ils ne se doutent qu’on tire profit de leurs angoisses. J’arrivais trop tard pour les cinquante glorieuses (1920-1970), la grande peur du communisme qui justifiait tout et n’importe quoi, agissant aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur même. Depuis, une seule peur est restée, celle de l’atteinte à la propriété privée. Si on ne voulait pas laisser sombrer le monde dans l’anarchie et la liberté, il fallait être inventif. Je n’ai pas travaillé seul mais je peux dire que mes contributions étaient essentielles. Nous avons remplacé la peur du communisme par la peur du chômage (ce qui arrangeait bien les patrons). La peur de Tchernobyl ne faisant pas vendre, nous nous sommes concentrés sur les banlieues et les voyous. Nous avons constamment été créatifs.

Aujourd’hui, il faut tout un travail conceptuel pour amener la peur là où elle est utile, où elle fait vendre ! Le marché des triples verrous, des digicodes, des interphones, des barbelés et des portails électroniques est saturé depuis longtemps.

Mais il y avait la peur de l’âge. Les rides, quelle horreur pour les femmes, si ça continuait on ne serait même plus baisable ! Heureusement, il y a les flocons d’avoine X, avec les vitamines Y, les crèmes à base de fesses de porc-épic, les infusions d’écorce d’ipéca et surtout, surtout, les cures qui guérissent tout (satisfait ou remboursé !)

Nous avions bien travaillé mais enfin, si les femmes sont plus nombreuses que les hommes, il n’y a tout de même aucune raison pour laisser tomber cette partie de l’humanité. Les préserver du gros ventre, du cholestérol ne suffisait plus. Là, nous avons fait très fort. Penser qu’on me trouvait obsolète quand j’étais dans le champ du maire ! Aujourd’hui, nous sommes des précurseurs : jusqu’à présent, nous nous mettions à table avec les gens pour leur dire ce qu’ils devaient (ou ne devaient pas) manger. Aujourd’hui, nous avons fait un pas de plus, nous nous sommes introduits dans les lits conjugaux. Parfaitement, et pourquoi on ne leur foutrait pas la peur de l’impuissance ? Et pas en douce, on a mêlé les femmes à l’affaire, c’est plus efficace : « Vous avez des problèmes d’érection ?

« Notre Amitié » n°111 Bulletin Anaaj Région Parisienne mars 2007 page8/18

Vous vous rendez compte de ce que les femmes vont penser de vous ? Vous n’avez aucune difficulté ? Ne vous en faites pas, ça ne va pas tarder ! »

Pour plus d’efficacité dans l’équipe, nous nous sommes tous spécialisés. Il y en a un qui s’intéresse aux sportifs, ceux qui ont l’air de n’avoir peur de rien, qui sont hardis mais qui, en fin de compte, ont autant peur que tout le monde. Alors on peut vendre : des protège-genoux, des protège-machin, des casques, des masques, des lunettes, des combinaisons, des gants spéciaux. Ils en arrivent à ressembler à des hommes verts de la Lune mais ils paient leur équipement fort cher (il faut y mettre le prix pour être bien protégé).

D’autres sont spécialisés dans la peur de l’obésité : ils arrivent à faire bouffer aux gens des choses innommables : de la crème écrémée, du beurre sans graisse, du fromage sans caséine, des saucisses sans viande et des yaourts sans lait, des eaux minérales miraculeuses aux propriétés rajeunissantes. Ces braves gens sont disposés à payer cher des cures à droite et à gauche, ce qui leur permet d’ailleurs de discuter en détail de leur handicap avec les autres curistes. Quant à moi qui, sans me vanter, ai le sens des affaires, j’ai choisi le 3e/4e âge. Ces gens-là ont besoin qu’on les prenne en mains : on ne peut plus leur vendre de maisons à crédit, ils sont logés. Leurs installations faites ils n’ont plus à se préoccuper de l’avenir de leurs enfants. En général ils ont appris dans leur jeunesse à être économes, ils ont du mal à se débarrasser de ce qui peut encore servir, ils usent peu et, si on les laissait faire, ils en reviendraient peut-être au bas de laine. Vous vous rendez compte du danger ? Et les voleurs ? ceux qui vous brûlaient la plante des pieds pour connaître votre cachette ! Et puis l’argent qui dort fait du tort à ceux qui savent le faire fructifier.

On commence par une assurance en cas de dépendance. Les conditions générales figurent au dos du contrat, écrites si petit que personne ne les lit. Mais il faut prévoir la suite : alors on leur vend leur propre enterrement. Normal, ils ont horreur de penser à leur mort, alors après ils peuvent se dire « tout est réglé ». En effet, on règle tout : les fleurs, la musique, le mort ne craint ni les allergies en reniflant du pollen allergisant ni qu’on joue du Mozart alors qu’il voulait du Berlioz. Et on est sûr d’éviter les commentaires des voisins si les enfants sont trop radins pour payer un enterrement à la hauteur des ambitions du défunt.

Le fin du fin (c’est moi qui l’ai trouvé) c’est le cholestérol : on leur vend n’importe quoi qui doit les guérir en un rien de temps (promesse tenue, on n’a rien promis) satisfait ou remboursé (par qui ?) Mais le cholestérol, c’est épatant, ça agit aussi au deuxième degré : en leur foutant la pétoche, on entretient à jamais cette affection et l’argument de vente correspondant. Oh ! ils ne risquent pas d’oublier les différentes menaces de mort : à la rigueur leurs petits-enfants sont là pour leur rappeler : « Grand-père, c’est pour que tu vives encore longtemps ! »

C’est moins calme que dans le champ de blé mais parfois on s’amuse bien. Ces humains sont beaucoup plus crédules que les bêtes, on en arrive à les prendre en pitié, alors j’aurais presque envie de laisser tomber la déontologie (ne le répétez pas à mon syndicat) pour leur murmurer à l’oreille ce que le petit lièvre m’a dit en me pissant dessus : « La peur vous bouffe l’âme ! »

Ursula Henschel.

Ursula Henschel que nombreux d’entre nous connaissent, a commis un petit ouvrage d’une centaine de pages intitulé

Vignette de piéton et autres loufoqueries,publié à compte d’auteur, que vous pouvez lui commander :

142, rue du Progrès, 38170 Seyssinet – 04 76 96 20 99.

« Notre Amitié » n°111 Bulletin Anaaj Région Parisienne mars 2007 page9/18

Ballade des jeunes octos

Non, ne vous croyez pas vieuxAu seuil de cet anniversaire

C’était vrai du temps des aïeuxMaintenant on vit centenaire

Ou tout au moins nonagénairePrécédés de Victor Hugo

Entrez, ce n’est pas une affaireBienvenue au club des octos !

Bien que le 7 soit prestigieux, Le 8 désormais doit vous plaireLa huitième merveille est mieuxQue les sept autres de la terre

Fi du manège à limonaireLaissez-vous glisser subito

Sur le grand huit spectaculaireBienvenue au club des octos !

L’octave est plus harmonieuxQue l’unisson trop terre à terre

L’octogone est proche à nos yeuxDe la perfection circulaireL’octo syllabe est lapidaireN’oublions pas l’in-octavo

Dont le format est exemplaireBienvenue au club des octos !

Ainsi nouvel/le octogénaireJe vous le dis ex abrupto

Chacun pour vous lève son verreBienvenue au club des octos !

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Le vieux bidet

Une nouvelle histoire qui m’a particuliè-rement remué dont je me rappelle à propos en ce moment.

Il s’agit d’une brave femme et d’un vieux bidet qui viennent de prendre de l’eau à une source voisine et qui regagnent le village avec leurs provisions attendues. Le village est situé en haut de la côte.

La femme est chargée d’années et c’est un poids bien lourd ; le bidet, outre les années, est chargé d’un tonneau rempli jusqu’à la bonde et ces deux fardeaux-là sont bien lourds aussi à traîner. Pourtant, le vieil animal fait vaillamment son devoir, il suit sans trop se faire prier la vieille femme qui lui tient la bricole haute.

Pendant qu’ils montent l’un et l’autre cette côte qui conduit à leur village, deux enfants suivent en méditant un vilain coup. La vieille femme étant sourde, les garnements qui ne l’ont pas oublié, se glissent sous le tonneau dont ils tournent le robinet. L’eau s’écoule alors à grand fracas sans que la vieille s’en émeuve.

Les deux enfants se tordent de rire en songeant à la mine que fera la vieille quand, arrivée au terme de sa course, elle s’apercevra qu’elle n’a plus une goutte d’eau et qu’il lui faut recommencer sous l’âpre chaleur de midi la course qu’elle a faite une première fois inutilement. Ils rient, tout en ayant soin de se tenir à distance, de peur que la vieille, à ce moment donné, ne leur allonge un beau coup de fouet dans les jambes pour les récompenser de leur mauvaise action.

La vieille n’entend pas le bruit de l’eau qui rejaillit sur les cailloux du chemin  ; mais, au bout d’un certain temps, en voyant que son bidet, qui devrait être de plus en plus fatigué, marche de plus en plus allègrement, elle s’étonne et s’arrête. Les deux petits polissons s’enfuient à tire d’ailes comme deux moineaux. La vieille a compris. Alors, sans murmurer, sans montrer le poing aux enfants envolés ni au ciel qui a permis cela, elle fait tourner la bride à son bidet et redescend tranquillement la côte pour aller de nouveau emplir à la source son tonneau.

Une aventure de mon enfance. Je plaignais la pauvre vieille, aidé des conseils d’un camarade aussi jeune et aussi sans pitié que lui, de redescendre et de remonter cette roide côte sous l’aiguillon d’un soleil d’été.

Demander pardon, à qui, aux enfants, à la vieille femme, au vieux bidet ?

C’est le vieux bidet que je plains le plus.

Maurice Thomé.

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Du sang dans le métro…Charonne, un crime d’Etat

Souvenons-nous de ce mois de février 1962. A partir de novembre 1954, en plusieurs régions d’Algérie commence une révolte contre le joug colonial. Au fil des années, le pays entier s’embrase. De maintien de l’ordre en « pacification », le gouvernement français ne connaît qu’une chose : la répression. « L’Algérie, c’est la France ! » clame-t-il à longueur d’antenne. « De Dunkerque à Tamanrasset » a même dit François Mitterrand, ministre de l’Intérieur de l’époque.

Vient la Ve République. De Gaulle est élu Président. Calculateur, manipulateur, il fut contraint par les faits à la négociation. Les colonialistes enragent. Une partie de l’armée galonnée veut « sa » guerre, la sécession est dans l’air. En 1961-62, l’OAS regroupant les jusqu’au-boutistes multiplie les attentats et cherche l’épreuve de force.

En France, les yeux se sont dessillés. Le contingent est contre la guerre. La lutte pour la paix en Algérie prend de l’ampleur. En février 1962, les attentats de l’OAS se font de plus en plus nombreux et sanglants. L’un d’eux visa André Malraux, ministre de la Culture, un autre blessa grièvement l’écrivain Vladimir Pozner. Une petite fille de quatre ans, Delphine Renard, perdit la vue à la suite d’une explosion.

Il fallait en finir. Comme souvent, depuis plusieurs mois, le peuple de Paris descendit dans la rue pour crier son indignation et affirmer sa lassitude de la guerre. Le 8 février 1962, plusieurs cortèges convergent vers la Bastille, pacifi-quement mais résolument. Sur le boulevard Voltaire police, CRS et groupes de choc interviennent avec une rare violence. La station de métro Charonne fut le théâtre d’un massacre organisé. On vit des policiers s’acharner sur des blessés à terre, d’autres lancer de lourds projectiles sur une masse de gens bloqués dans la bouche du métro que le chef de station avait reçu l’ordre de fermer.

L’histoire est terrible : on comptera neuf morts dont un gamin de 15 ans et demi. Notre ami Edouard Lemarchand, très connu et apprécié dans le milieu du plein air (Amis de la nature FSGT) fut au nombre des victimes ainsi que Maurice Pochord, également AN.FSGT.

Toutes les victimes étaient des gens du peuple, de ce peuple qui se lève en conscience chaque fois qu’il est devenu nécessaire de crier : « Halte

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au fascisme ! » et « Justice et Liberté ». En face d’eux, Roger Frey, ministre de l’Intérieur, Maurice Papon, préfet de police – qui avait couvert l’odieuse ratonnade du 17 octobre 1961 – avaient la bénédiction de Michel Debré, Premier ministre, couvert par le général de Gaulle, Président de la République. Il n’est pas inutile de rappeler ces noms, c’est l’Histoire, de l’Histoire écrite avec du sang.

Tout a été fait pour masquer la vérité. Le cynisme, le mensonge, l’impunité sont de règle, la honte est tenace sans doute car, quarante ans après, les responsables politiques se voilent la face et les archives restent obstinément bloquées.

Le jour des obsèques des neuf victimes, un million de Parisiens leur rendit hommage. Ce 8 février 2004, quelques dizaines de personnes seulement se sont retrouvées pour fleurir la plaque commémorative au métro Charonne. Le sang séché, les morts s’oublient vite.

On ne peut ignorer le passé. L’oubli serait une injure aux victimes. Le rappel au souvenir est nécessaire. Il est le garde-fou du présent. Rien n’est jamais vraiment terminé : le racisme, la xénophobie s’étalent insidieusement sous nos yeux tous les jours ici et là. Soyons donc attentifs et responsables si l’on ne veut pas que des jours sombres reviennent. Se souvenir, 40 ans après, que des hommes, des femmes, un enfant sont morts – assassinés – parce qu’ils manifestaient contre la guerre, qu’ils luttaient pour la paix, ce n’est pas faire preuve de sensiblerie. Faire entendre la voix de l’Histoire, c’est chercher la vérité, dénoncer l’injustice, défendre la liberté, réaffirmer les valeurs de la République.

Souvenons-nous de Charonne. Jean Bernard.

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Le prix du sang et des larmes 1940-1945. Une période tragique de notre histoire. L’esprit d’expansion de l’Allemagne hitlérienne avait enflammé toute l’Europe. Durant quatre ans la France a subi l’Occupation. Notre génération a eu à connaître ce qu’il en fut, chacun a encore en mémoire ces années ô combien difficiles (restrictions, privations, persécutions...).

Le gouvernement de Vichy ayant honteusement capitulé livra le pays aux appétits exorbitants de l’Allemagne. Devançant les désirs des nazis, il institua la chasse aux juifs, n’épargnant ni les femmes ni les vieillards, ni les enfants. Par milliers, ils disparurent dans les camps d’extermination. La milice, auxiliaire de la Gestapo, traquait impitoyablement : syndicalistes, militants ouvriers, universitaires, républicains, étrangers antifascistes, simples quidams pris au hasard des rafles. Fusillés, torturés, déportés, assassinés lâchement eux aussi.

Un peu partout en France, une résistance s’organisait, d’abord isolément, puis structurée. Au fil des mois elle devint une force qui mena la vie dure aux nazis. A partir de la fin de 1943, la donne changea. Stalingrad avait sonné le glas de l’armée allemande, notre armée d’Afrique progressait, les maquis harcelaient l’occupant qui recula peu à peu sur tous les fronts. La radio gaulliste de Londres entretenait l’espoir.

Enfin, juin 1944, le débarquement des armées alliées, après bien des atermoiements militaro-diplomatiques, jeta des milliers d’hommes dans l’ultime bataille. Vint alors le moment tant attendu de la Libération. Celle-ci ne fut acquise qu’au prix de lourdes pertes en hommes. Les destructions de villes firent beaucoup de morts. La guerre est toujours terrible même quand la victoire paraît certaine.

Harcelée sans répit, l’armée allemande recula partout, elle jalonna sa retraite de crimes de sans inqualifiables : assassinats au jugé, cent pendus à Tulle, le massacre d’Oradour-sur-Glane, village incendié (600 victimes), la division Das Reich sema la mort sur sa route.

Ville après ville, l’insurrection nationale prenait corps. Le Conseil national de la Résistance ayant enfin fédéré les différents courants qui avaient pris part à la lutte eut fort à faire pour imposer un objectif politique de reprise en main du pays face aux pressions des forces militaires extérieures

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dont les buts étaient disons autoritaires et antidémocratiques (AMGOT). Les archives montrent que l’avance des armées alliées fut freinée par certains militaires de l’état-major tant ils redoutaient, par exemple, une insurrection parisienne qu’ils désiraient contrôler (toujours cette méfiance viscérale envers le peuple).

Le 17 août 1944, une affiche signée du chef FTP Rol-Tanguy proclame la mobilisation générale. Des barricades se dressent aux points stratégiques, les combats de rue s’intensifient, les drapeaux tricolores fleurissent les balcons. L’armée allemande est aux abois. Hitler donne l’ordre au colonel Von Choltitz de détruire tout Paris au canon. M. Nordling, consul de Suède, entame des négociations pour que le bain de sang soit évité. Du 15 au 25 août, Paris combattra pour la victoire.

La 2e DB est aux portes de Paris, à Arpajon, à Rambouillet, elle contourne Paris, établit un front entre Aulnay et Montmorency. Dans Paris, l’hôtel de ville est pris, la préfecture de police se « républicanise », la grève des cheminots désorganise et bloque la retraite allemande. Le 20 août, le général de Gaulle débarque à Cherbourg. Lorsque les chars de la 2e DB entreront dans Paris, ce sera une explosion de joie. La liberté tant attendue était enfin reconquise, la République nous revenait. Restait un pays à reconstruire.

En ce 60e anniversaire, ayons une pensée pour ceux qui ont laissé leur vie sur le dur chemin de la conquête de notre liberté : fusillés de Chateaubriand et du Mont-Valérien (4.500), torturés des prisons de Lyon, internés de Romainville et de Drancy, maquisards du Vercors tombés les armes à la main, déportés assassinés dans les camps, soldats avec ou sans uniformes dont les stèles mémorisent le sacrifice, tous les combattants de la liberté qui ont donné leur vie pour qu’un jour le soleil se lève sur un monde nouveau.

Le souvenir est un devoir d’avenir. Jean Bernard.

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Je ne marche plusJe n’ai jamais été un randonneur infatigable, j’étais seulement un

honnête marcheur, un marcheur moyen, de bonne composition, attentif au paysage, aimant la compagnie d’autres marcheurs, sachant se repérer à l’aide d’une carte. J’ai marché derrière un allongeur de pas qui me semait dans les grimpettes, un meneur qui ne se serait pas arrêté plus de cinq secondes pour contempler un champignon ou une fleur, derrière le bucolique qui nous a fait rater des trains…

Je ne marche plus, je suis devenu le traînard qui peine dans les montées et fait rater les trains. Le souffle me manque et j’en sais la cause.

Je ne marche plus dans les deux sens du terme.

A dix ans, on m’a fait marcher pour apporter à l’école la vieille ferraille qui allait forger l’acier victorieux. Six mois plus tard, je courais vers le sud pour fuir ceux qu’on allait bientôt appeler l’Occupant. J’aurais dû en retenir la leçon. A treize ans, on m’a fait marcher pour agiter un petit drapeau sur le passage du maréchal. Notre instituteur, pourtant Parisien de souche, n’a jamais su trouver la rue de Rivoli où nous devions nous rendre, nous nous sommes malencontreusement égarés dans le quartier de l’Arsenal. A dix-huit ans, j’ai marché en retroussant mes manches. Je marchais aussi au rythme des heures sup’ et des premières reconversions. On nous parlait alors de matériel moderne. J’ai marché sur les Grands Boulevards et dans le triangle République-Bastille-Nation en criant « Liberté ! Justice ! » et, plus tard : « Paix en Indochine ! » puis « Paix en Algérie ! ». On a aussi marché en criant « L’OAS ne passera pas ! » et l’on a eu Poujade et Le Pen. J’ai marché en criant : « Pompidou, des sous ! » On marchait allègrement, c’était dans l’air du temps.Je me suis mis à réfléchir et me suis demandé en quoi Moulinex libère la femme. Libère de quoi ? me suis-je questionné. Je n’ai pas marché quand on m’a recommandé de mettre un tigre dans mon moteur. J’avais cessé de marcher quand Omo s’est mis à laver plus blanc. J’ai assisté à la marche en cortège de ceux qu’on invitait à suivre le bœuf.

J’entends d’ici : « Tu pratiques l’amalgame, le mélange des genres, en mêlant le politique au commercial ». Non car l’un et l’autre sont souvent (toujours !) intimement liés. Les lobbies sont là pour en faire la démonstration, lorsque par exemple on légifère pour rendre obligatoire le versement des salaires par virement bancaire : on contraint le prolo à se présenter devant le guichet d’une banque où il lui sera proposé insidieusement plus tard d’acquérir des valeurs maison pour faire fructifier son argent. Laissez venir à moi les petits cent francs… Et ça a marché avec l’actionnariat populaire (Salauds de grévistes qui vont faire chuter le cours de mes actions !)

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Puisque nous vivons envahis par les slogans destinés à nous faire marcher, prenons-en un au hasard : Auchan ou la vraie vie. C’est placardé grand comme ça partout. Plaçons en regard un autre slogan de la même époque derrière lequel nous avons tous marché en 2002 : Nous devons réduire la fracture sociale ! La vraie vie donne l’envie d’aller adhérer en courant : La vraie vie va réduire la fracture sociale. Non ?

Regardons-la de plus près, cette vraie vie : la vraie vie, selon la famille Mulliez, qui possède et gère de manière népotique vingt enseignes satellites d’Auchan (Auchan qui automatise sans honte ses magasins pour supprimer les caissières, ces budgétivores), consiste à fidéliser une clientèle à laquelle elle vend à la tonne des produits de basse qualité en empochant des « marges arrière », à en tirer profit et à se domicilier en Belgique, afin d’échapper à l’impôt. Voyez Moulinex qui s’est libéré des femmes en décentralisant ses lieux de production en Chine ou ailleurs. Ils ne s’y sont pas trompés mais savent nous tromper : LA VOILA LEUR VRAIE VIE ! Quant à la fracture sociale, au nom des valeurs républicaines, celui qui a su si bien nous en parler nous a fait marcher. Il n’est plus descendu dans le métro depuis qu’il a inauguré la première ligne du RER, il ne se représente pas une famille de cinq personnes dans une chambre d’hôtel et, s’il se salit les mains, c’est en flattant le cul des vaches, un de ses sports favoris. Toutefois, promis-juré, celui qui se proclame le premier écologiste de France l’a affirmé, la fracture sociale sera réduite ! Oui, mon joli, et avec Omo je lave plus blanc, Auchan c’est la vraie vie, Moulinex libère la femme et avec Axa ma petite famille dort tranquille.

Un autre est en train de nous faire marcher. Courir, devrais-je écrire. L’homme à la fracture sociale a assuré sa pérennité. Son successeur putatif aux allures de prince, qui prononce Kärcher pour dire conciliation, émule de Jaurès, grand admirateur de Léon Blum et avant peu de Marcel Sembat et Benoît Frachon, est en train de nous faire le coup du « Je vous ai compris ! » de l’ancêtre. Sentez, camarades, comme je sens la sueur ! Plus ouvrier que moi, tu meurs ! Il tient à chacun le langage qu’il veut entendre, avec les mots et le ton pour le dire. Ecoutez-le avec la dame du Medef, il se fait tout aussi rassurant : « Je vous ai compris, je suis avec vous dans l’épreuve, comptez sur moi ! » Au grand bal des faux-culs, il se classe hors-concours.

Nous aussi avons compris. Il ne me fera pas marcher cette fois s’il se retrouve seul au second tour devant l’homme aux allures mussoliniennes et aux jeux de mots douteux. Merci, j’ai donné. Je ne marche plus.

G. Brenier.

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Tribune libre. L’Etat français fonctionne comme cela dans la Ve République de charlots. Les députés sont soumis aux pressions des démagogues et des lobbies dépensiers et, quand ils voudraient couper dans la dépense, on leur interdit.

Oui, le parlement est bel et bien bâillonné. Parlement croupion à la charlot de la Ve République. N’importe quel sous-chef de bureau de n’importe quel ministère a plus de pouvoir que l’Assemblée nationale tout entière. Une fois le budget voté, l’administration en fait ce qu’elle veut. Autrement dit, toute discussion budgétaire, des centaines d’heures de débats et de préparation, tout cela n’est que pure et simple mascarade. Donc le pouvoir est bien à l’Elysée. On ne fait rien, tout simplement le vrai pouvoir n’est pas à l’Assemblée. Cette Constitution de monarque, calquée sur celle du Second Empire, des charlots. Le Président élu au suffrage universel : il est dit dans la Constitution : le Président choisit son premier ministre (même s’il n’a pas été élu) et dicte sa politique.

Avec beaucoup de réserve, aujourd’hui je sais pour qui je ne vais pas voter.

Mais pour qui je vais voter, cela pour moi pose problème. Mickey.

Les   articles   7igurant   dans   le   présent   bulletin   et   les  différents   points   de   vue   exposés   n’engagent   pas  l ’association,   ils   engagent   leur   signataire   et,  éventuellement,   le   responsable   dudit   bulletin.   Cette  précaution  prise,  je  précise  que  nous  ne  sommes  pas  une  «   publication   »   mais   un   bulletin   interne   servi   aux  membres   cotisants,   et   j’ajoute   que   nous   sommes   lus  parce   que   nous   représentons   une   pensée   active   et  militante  vers  un  engagement  7idèle  aux  idéaux  que  nous  nous   étions   7ixés   et   dont   l’essentiel   des   valeurs   n’a   pas  changé.           G.B.  

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