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Mutations des filières de l’édition scolaire et du numérique éducatif à la lumière des BRNE Xavier Levoin Université Paris 13, LabSIC (EA 1803) sous la direction d’Éric Bruillard ENS Paris-Saclay, Stef Septembre 2017

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Mutations des filières de l’édition scolaire et du numérique

éducatif à la lumière des BRNE

Xavier Levoin

Université Paris 13, LabSIC (EA 1803)

sous la direction d’Éric Bruillard

ENS Paris-Saclay, Stef

Septembre 2017

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1 Contexte

Ce rapport vient ponctuer une mission de recherche destinée à cerner les évolutionsrécentes au sein des filières de l’édition scolaire (édition de manuel et de produits dérivésdu manuel, édition d’ouvrages et production de services parascolaires) et des structuresrelevant d’une filière du « numérique éducatif ».

Il se propose d’apporter des éclairages sur un milieu paradoxalement assez méconnu 1

dans ses dimensions socio-économiques. Plus précisément, on s’attachera ici à cerner cer-taines des mutations en cours, à la lumière du récent appel d’o�res pour la production debanques de ressources numériques pour l’enseignement (désormais BRNE), qui, à bien deségards, semble annoncer un changement de paradigme. Il ne s’agit pas tant de dresser lebilan de cette expérience : la tâche serait di�cilement réalisable sans un recul de quelquesannées. En revanche, les éléments de documentation consultés et les données de l’enquête deterrain permettent d’éclairer plusieurs caractéristiques des changements en cours, et peuventposer les premiers jalons d’un questionnement à approfondir.

2 Constats et questionnement

2.0.1 Une « alchimie »

Les acteurs rencontrés en entretien, du moins ceux qui ont participé au processus deconception des portails soulignent le caractère hors du commun de l’entreprise à laquelleils ont contribué. En dépit des délais extrêmement courts (notamment, pour les acteursde l’édition scolaire, par rapport au calendrier de production d’un manuel), et en dépit desnégociations peut-être di�ciles entre commanditaire et prestataires, l’aboutissement de tousles projets entrepris semble relever, dans la perception des acteurs, de l’exploit. En dehorsdes deux marchés dénoncés d’emblée, tous semblent avoir répondu au cahier des charges,qui relevait pourtant de la « liste au Père Noël » (Entretien : chef de projet numérique1) tant les attendus étaient nombreux, et, semble-t-il, supérieurs aux standards des filièresconcernées.

Aussi une chef de projet signale-t-elle que « quelque chose de très spécial s’est produit »(Entretien : chef de projet numérique 1), parce que les modes de production jusqu’ici envigueur dans les mondes de l’édition scolaire et de l’édition multimédia, qui n’auraient paspermis de mener les projets à bien, auraient ici été réinventées.

Du côté des acteurs dont les o�res n’ont pas été retenues, la perception est évidemmentplus amère. Plusieurs acteurs interviewés, dont la ou les candidatures ont été infructueusesou partiellement infructueuses livrent leur interprétation des résultats du marché. Leursremarques peuvent être regroupées sous les deux perspectives suivantes.

1. En dépit des travaux menés sur les manuels (souvent abordés sous l’angle des contenus), sur les« TICE » et sur le « numérique » (souvent traités dans leurs usages potentiels ou observables).

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1. Le choix des lauréats aurait privilégié les éditeurs scolaires (point de vue des startupsou des TPE multimédia/numérique éducatif). Certains considèrent même qu’il y aeu revirement, dans la mesure où les premiers échos du marché laissaient entendreque l’un des objectifs du MEN était de soutenir ou d’encourager le développementde la « EdTech » ou du « numérique éducatif », au sens du rapport des inspectionsgénérales (Perez, Cabane, Durpaire et al., 2013). Ce point de vue est ainsi illustrépar une tribune à charge rédigée par un candidat malheureux, PDG de la startupPythagora.com 2.Chez certains enseignants interviewés, l’hostilité vis-à-vis des éditeurs et de leursproduits, d’ailleurs assez ancienne et documentée par plusieurs chercheurs (voir parexemple (Mœglin, 2005)) est réactivée vis-à-vis des banques, non pour leur contenuou leur interface, mais parce qu’elles témoigneraient d’une politique de soutien tropcoûteuse envers des acteurs qui bénéficieraient déjà d’une situation de rente.

2. « il en fallait un peu pour tout le monde », (Entretien, Collectif d’enseignants).La formule résume l’analyse d’un enquêté, qui interprète la répartition des lots enconsidérant que chaque grand éditeur en aurait obtenu un (au moins). En réalité,toutes les maisons ne sont pas représentées : c’est par exemple le cas de Magnard ouBordas, pourtant membres de l’association Les Éditeurs d’éducation 3.

On notera que la « force de frappe » des éditeurs (Entretien : chercheur 2), c’est-à-direleur capacité à mener à bien des projets complexes (et la production d’un manuel est de faitun projet complexe) n’est manifestement pas prise en considération par les acteurs issusde plus petites structures, alors qu’on peut supposer qu’elle a été prise en compte dansl’attribution des lots et le rejet de structures plus fragiles, tant sur le plan financier quesur le plan organisationnel, si l’on en juge par les usages en vigueur dans les procédures demarché et par l’analyse qu’en fait le même chercheur.

2.0.2 Questionnement

Si l’appel a certainement marqué un tournant dans les relations entre pouvoirs publics etfilière de l’édition scolaire, il conviendrait cependant d’interroger l’ampleur des changementsconstatés : sont-ils de nature à modifier en profondeur la chaîne de production d’un outiléducatif ? Promettent-ils des alliances nouvelles et durables entre filières ? L’« alchimie » est-elle perçue par tous les membres d’un même consortium, et au sein de tous les consortiums ?Est-elle la conséquence du seul processus de l’appel à projets BRNE, ou résulte-t-elle d’unprocessus déjà bien engagé auparavant ? Le tissu des relations entre acteurs se limite-t-ilà une relation bipartite entre la DNE et les consortiums ? Si d’autres acteurs (privés oupublics) jouent un rôle, quel est-il ?

2. http://www.huffingtonpost.fr/pierreetiennne-pommier/comment-najat-vallaud-belkacem-a-

tue-la-filiere-du-numerique-edu_a_21572751/.3. L’association Savoir Livre, qui représentait les intérêts des six principaux éditeurs scolaires au sein du

SNE, a été rebaptisée « Les Éditeurs d’éducation » en février 2016 (Journal o�ciel, 13 février 2016, 148,7, p. 108). Elle est toujours présidée par Sylvie Marcé, directrice générale d’Humensis, holding chapeautantBelin et les Presses Universitaires de France (voir encadré Belin en annexe).

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Telles sont les premières questions qui se dégagent des constats initiaux. Au-delà, lesprocessus de conception et de production mis en œuvre, la composition des consortiums etles jeux d’acteurs permettent-ils de comprendre comment les filières (principalement cellesde l’édition scolaire et du multimédia) se recomposent, à quels modèles socio-économiquesMiège (2012) elles empruntent ? Comment les BRNE s’inscrivent-elles dans une « crise dumanuel », aussi bien sur le plan socio-économique que, plus généralement, dans la perspectived’un délitement du « compromis social » (Combès, Mœglin et Petit, 2012) que le manuela pu représenter ? Ce sont là des questions que nous ne pourrons qu’e�eurer, mais quipourraient être développées par la suite.

3 Méthodologie

Dans la préparation de ce rapport, nous avons adopté quatre modalités de recueil desdonnées :

1. une campagne d’entretiens semi-directifs avec des acteurs industriels (11) et institu-tionnels (3), des enseignants auteurs et évaluateurs de ressources (2), un responsabledes partenariats au sein d’une association active dans la production de ressourceslibres. En parallèle, deux entretiens avec des chercheurs spécialistes de l’édition sco-laire et du numérique éducatif ont été menés afin de mieux cerner les enjeux duterrain.

2. une série d’observations menées à l’occasion de salons et de séminaires de valori-sation de l’o�re en ressources numériques pour l’enseignement (EduSpot à Paris,Rencontres de l’Orme à Marseille, demi-journée de démonstration de ressources parleurs éditeurs ou di�useurs organisée par la DANE de Paris, table-ronde réunissantéditeurs, membres de la DNE et chercheurs).

3. le recueil d’une documentation sur les filières concernées, principalement par le dé-pouillement de publications professionnelles (Livres Hebdo, ActuaLitté).

4. le recueil des discours promotionnels accompagnant l’o�re en ressources numériques.

Le tableau suivant (tableau 1) présente les acteurs rencontrés, en respectant leur ano-nymat.

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Codage Fonction StructureDNE1 Chef de projet DNE A1DNE2 Chef de projet DNE A1DNE3 Chef de département DNE A1Éditeur 1 Reponsable de projets édi-

toriaux en primaireMaison d’édition

Éditeur 2 Directrice pédagogique Maison d’éditionÉditeur 3 Reponsable marketing Maison d’éditionÉditeur 4 Directeur de l’innovation et

de la pédagogieMaison d’édition

Responsable numérique Responsable du numériquepour le secondaire

Maison d’édition

Collectif d’enseignants Dirigeant de l’association Réseau disciplinaireChef de projet numérique 1 Direction de la pédagogie Structure du NumEduChef de projet numérique 2 Consultant Éditeur de logiciels de vie

scolaire et producteur deressources

Chef de projet numérique 3 Responsable du dévelop-pement commercial numé-rique

Maison d’édition

Chef de projet numérique 4 Responsable web, apps etdéveloppement numérique

Maison d’édition

Chercheur 1 Consultant Cabinet de conseilChercheur 2 Maître de conférences en

SICUniversité

Libriste Chargé des partenariats etde la sensibilisation

Association

Enseignant 1 Expérimentateur (E-RUN 4)

Académie d’Aix-Marseille

Enseignant 2 Expérimentateur Académie d’Aix-Marseille

Tableau 1 – Codage des entretiens

3.1 Plan numérique pour l’éducation

La publication des BRNE prend place dans un contexte particulier, celui du « Plannumérique pour l’éducation » initié en mai 2015, et toujours en vigueur à ce jour, à la suited’une concertation nationale sur le numérique pour l’éducation. On ne peut appréhenderles enjeux des BRNE qu’en les situant par rapport aux autres mises en œuvre de ce plan,aussi en donnons-nous ci-dessous une présentation analytique d’ensemble. Le plan s’inscrit

4. Enseignant référent pour les usages du numérique, en délégation totale ou partielle.

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dans une double ambition (Entretien : DNE2) : renouveler les pratiques pédagogiques etfavoriser l’émergence de « champions européens » dans la filière du numérique éducatif.

Les supports de communication 5 revendiquent quatre axes de développement : la for-mation, les ressources pédagogiques, l’équipement et l’innovation. Ces quatre « piliers » sesont concrétisés par des réalisations techniques complexes, associant des acteurs d’horizonsdi�érents :

1. Sur l’axe de la formation, des heures de formation orientées vers la « transformationdu numérique à l’école » ont été prévues pour les enseignants du primaire unique-ment, à hauteur de 18 heures obligatoires, dont 9 heures en ligne. Parallèlement auxformations inscrites aux Plans académiques, des modules d’autoformation libre sontproposés aux enseignants volontaires. Un portail spécifique a été créé (M@gistère),qui s’inspire d’un outil antérieur développé pour les personnels en formation à l’Écolesupérieure de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche(ESENESR), et qui hérite également de la plateforme Pairform@nce. Canopé a étéchargé de la maîtrise d’œuvre du portail.

2. Sur l’axe des équipements, un appel à projets « Collèges numérique, innovationpédagogique et ruralité » a été initié en plusieurs vagues successives d’équipementsdes collèges et des écoles primaires. En mars 2017, 4259 collèges publics et privéset 2011 écoles 6, établissements « préfigurateurs » inclus, étaient bénéficiaires de ceprogramme d’équipements en tablettes, classes mobiles et tableaux numériques in-teractifs (TNI). Le financement des achats est assuré à parts égales entre le départe-ment et l’État. Si les ressources sont financées par ailleurs (cf. axe 4), ce programmed’équipement est assorti d’une contribution versée aux établissements pour l’achatde ressources, à hauteur de 30 euros par élève et par enseignant. Ce financementspécifique hérite en réalité d’un « chèque ressource » du même montant instauré en2011, qui portait sur le catalogue du Chèque ressources.

3. Sur l’axe de l’innovation, l’appel à projets « e-Fran » a été clôturé début 2017en accordant à 22 projets d’incubation associant équipes de recherche, collectivitéset industriels. L’objectif était ici de « développer des nouveaux usages numériquesvalidés scientifiquement, qui transforment l’école par le numérique au service de laréussite de tous les élèves, afin de les déployer plus largement sur le territoire » 7.

4. Sur l’axe des ressources, trois outils ont été annoncés : le portail https://myriae

.education.fr/, destiné à o�rir un accès à l’ensemble des ressources éditées par desacteurs privés ou publics, avec l’objectif de favoriser des pratiques de recommanda-tion chez les enseignants (opérateur Canopé) ; le Gestionnaire d’accès aux ressources

5. Nous avons consulté en particulier le site http://ecolenumerique.education.gouv.fr/, les dossierset communiqués de presse accessibles depuis ce même site, ou depuis les sites académiques, et les appels àprojets archivés sur le site eduscol.education.gouv.fr.

6. Données extraites de la Carte des collèges numériques : http://ecolenumerique.education.gouv.fr

/carte-des-colleges-numeriques/, consultée le 20 juillet 2017.7. http://ecolenumerique.education.gouv.fr/plan-numerique-pour-l-education/.

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(GAR), un service d’identification sécurisé permettant aux utilisateurs d’utiliser unpoint d’accès unique aux ressources nécessitant identification ; des Banques de res-sources numériques (BRNE) couvrant les principales disciplines des cycles 3 et 4.Ces trois dispositifs ont connu des trajectoires inégales : le marché des BRNE seraclôturé à l’automne 2017, le portail Myriae et le GAR sont encore en développement.

C’est ce dernier axe qui retiendra ici notre attention, et plus particulièrement le proces-sus de production des BRNE, même si les enjeux inhérents à chacun de ces dispositifs serecoupent souvent. Par exemple, l’accès aux banques de ressources nous a été signalé parcertains acteurs comme complexe : les enseignants ne peuvent à ce jour s’y rendre que paridentification au moyen de leur adresse électronique académique, un mot de passe personnel,et parfois, le numéro UAI 8 de l’établissement. Cette procédure doit être répétée sur chaqueplateforme si l’on souhaite accéder à plusieurs banques ; or les professeurs des écoles, oules enseignants qui souhaiteraient construire des séquences inter- ou pluridisciplinaires sontpotentiellement utilisateurs de plusieurs banques. Quant au second mode d’accès disponibleaujourd’hui, consistant à s’identifier sur l’ENT, il n’est que très partiellement développé dansles académies. L’existence d’un mode d’accès unique à l’ensemble des ressources constituede fait une attente forte de la part des enseignants.

3.2 Projets e-education

Financées par les crédits du Programme investissements d’avenir (désormais PIA) dansle cadre du PIA2, les actions mentionnées ci-dessous s’inscrivent également dans la conti-nuité des projets soutenus par le Commissariat général à l’investissement, dans la doubleperspective d’une transformation des pratiques d’enseignement et d’un soutien à un secteurindustriel considéré comme prometteur, l’« e-education ». Rappelons que les principes duPIA sont les suivants 9 :

— Un financement assuré soit par le versement des intérêts d’une dotation non consom-mable, soit par une dotation consommable,

— Un financement destiné aux lauréats d’appels à projets,— Une sélection des lauréats assurée par des jurys internationaux, sous réserve de va-

lidation de l’évaluation par le Premier ministre.

Les financements attribués dans le cadre des PIA peuvent en réalité prendre des formestrès di�érentes : dotation non consommable, subvention, avance remboursable, prêt, prisede participation 10. Ainsi, au-delà des fonds adressés directement par les opérateurs duPIA, des fonds d’investissement ont été abondés, et parfois créés, pour soutenir les startups

8. Unité Administrative Immatriculée (ex-RNE), composée de 7 chi�res et d’une lettre. La liste des codesest accessible via l’annuaire des établissements : http://www.education.gouv.fr/pid24301/annuaire-de-

l-education.html.9. France Stratégie, Programme d’investissements d’avenir. Rapport du comité d’examen à mi-parcours,

mars 2016. Rapport du comité d’examen présidé par Philippe Maystadt.10. Cour des Comptes, « Le Programme investissements d’avenir. Une démarche exceptionnelle, des dérives

à corriger ». Rapport public thématique, décembre 2015 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/va

r/storage/rapports-publics/154000840.pdf.

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de la « FrenchTech », par l’intermédiaire de BPIfrance, filiale de la Caisse des dépôts etconsignations. Le Rapport d’activité 2016 du CGI 11 mentionne trois fonds créés récemment :

— le Fonds Ambition Amorçage Angels (fonds 3A) abonde l’apport des Business Angels(voir glossaire) ; il est doté de 50 millions d’euros.

— le Fonds Ambition numérique (FAN) ; il est destiné à prendre des participations aucapital de startups ayant déjà réalisé du chi�re d’a�aires.

— le Fonds FrenchTech Accélération ; il investit dans des structures d’o�re de servicesaux startups (incubateurs privés ou accélérateurs), qui prennent elles-même des par-ticipations dans ces sociétés ; il est doté de 200 millions d’euros.

On n’abordera pas ici plus en détail les modalités de financement des projets « e-education » ou du Plan numérique pour l’éducation ; il faudrait en e�et, pour disposerd’une vision panoramique, obtenir des éléments de la Caisse des Dépôts et Consignations. Ils’agit simplement de rappeler ici que ces financements s’inscrivent dans un ensemble vasteet complexe qui rend leur suivi particulièrement di�cile. La diversité des dispositifs a àrevanche permis à certains acteurs de capitaliser sur l’expérience acquise dans le cadre d’unappel à projet antérieur (voir ci-dessous les cas d’iTop Éducation et Maskott), tant sur leplan du développement technique que sur celui de la création d’un réseau d’interrelation.

Précisons enfin que quoique tout récemment mises en œuvre, les BRNE constituent uncas probablement plus aisé à analyser que d’autres : à la di�érence par exemple de projetsrestés à l’état de prototypes, les banques peuvent être explorées et analysées.

3.3 Les Banques de ressources numériques éducatives

3.3.1 Définition

Les BRNE sont des portails 12 accessibles aux enseignants, personnels de l’Éducationnationale, à leurs élèves et aux familles sous certaines conditions, o�rant l’accès à des « res-sources » ou « contenus » (médias, activités et séquences) et des « services associés » (outilsd’édition des ressources, de scénarisation et de suivi des élèves). Le volume des ressourcesest compris entre 1000 et plus de 3000, sachant que ces nombres additionnent des élémentsde granularité variable : les « séquences » ou « parcours » (selon la terminologie adoptée parles éditeurs) sont décomptés au même titre que les grains de niveau élémentaire ou intermé-diaire. Ces trois catégories correspondent aux attendus de l’appel d’o�res (Observation 4),et si, parfois, les niveaux de granularité, du micro (l’unité granulaire) au macro (le parcoursscénarisé) en passant par le méso (module ou activité) ne se superposent pas parfaitement,la tripartition a été largement appliquée.

11. Commissariat général à l’investissement, « Rapport d’activité 2016 du Commissariat général à l’inves-tissement » : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2017/03/ra-

cgi_2016.pdf.12. On emploiera ici indi�éremment banque, portail et plateforme, même s’ils ne sont pas strictement

équivalents, en particulier quand on les aborde dans une perspective socio-économique. Sur ce point, voirpar ex. Jeanpierre et Roue� (2014).

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Les « services associés », qui constituent le versant interactif du portail, puisqu’il in-cite l’enseignant à réagencer, composer ou modifier les ressources en fonction de ses choixpédagogiques, ont été préfigurés en fonction de « besoins enseignants », relevant à 70%des pratiques communes à l’ensemble des enseignants et à 30% des pratiques propres auxdisciplines (Entretien : DNE2).

3.3.2 Accessibilité

À la suite de la Loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances,la participation et la citoyenneté des personnes handicapées 13, un Référentiel général d’ac-cessibilité pour les administrations (RGAA) a été élaboré, à partir des référentiels du web— la Web Accessibility Initiative en particulier — pour permettre aux personnes en si-tuation de handicap (visuel, auditif, moteurs, cognitif, psychique, ou relevant des troublesenvahissants du développement, de l’autisme, des troubles spécifiques du langage et desapprentissages, en particulier des troubles « DYS » : dyslexie, dyspraxie, dysphasie, etc.) de« percevoir, comprendre, naviguer et interagir avec le Web, et [...] contribuer sur le Web » 14.Il a connu plus récemment une version adaptée aux ressources éducatives : Accessibilité etadaptabilité des ressources numériques pour l’École (AARNE) 15.

L’un des objectifs du marché (Entretien : DNE1) consistait à inciter les acteurs de l’édi-tion à adapter leurs productions à ces publics. Les observations e�ectuées (Entretien : DNE1,Observation 4), ainsi que le résultat d’un audit mené par un cabinet spécialisé montrentque l’objectif n’a pas été atteint, même si la démarche a pu apparaître a posteriori comme« une matrice d’évaluation et une matrice de progression, en pilotage projet, adressée auxindustriels », si bien que d’autres ministères ont souhaité s’en inspirer (Entretien : DNE1).Le cas de l’accessibilité s’inscrit ainsi dans la perspective de l’impulsion industrielle, sensibledès l’annonce (en 2012) de l’objectif de « faire entrer l’école dans l’ère du numérique ». Entreexigence de la commande et procédures d’évaluation, on voit en outre se dessiner deux ver-sants de cette politique : l’impulsion et l’évaluation, le processus ayant été une « occasionde mesurer la maturité de l’industrie française » (Entretien : DNE2).

3.3.3 Co-construire dans des délais contraints

Le choix de la procédure du marché à procédure adaptée (MAPA) avec négociationsemble avoir autorisé une forme de co-construction des banques, à plusieurs niveaux : ledispositif permet aux o�reurs de formuler des propositions nouvelles, tout en laissant lecommanditaire maître de la globalité du projet. Aussi les acteurs issus du pôle ministériels’en sont-ils félicités, puisque ce cadre juridique a permis de définir en amont les BRNE (parl’intermédiaire du cahier des charges) et pendant sa conception (par des ajustements et des

13. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2005/2/11/2005-102/jo/texte.14. Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, Référentiel Général d’Accessibilité des

Administrations (RGAA), Version 3, 2016. En ligne : https://references.modernisation.gouv.fr/rgaa-

accessibilite/introduction-RGAA.html#body-ftn4.15. http://eduscol.education.fr/a2rne/dossier/@@document_whole

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rencontres avec les porteurs de projet des consortiums). Par contraste, le cadre prévu pourles projets e-education mentionnés ci-dessus a parfois conduit à financer des projets avantleur terme, et en dépit de leur non achèvement (Entretien : DNE1).

En contrepartie, la brièveté des échéances a été diversement appréciée au sein des consor-tiums : si certains saluent le caractère stimulant de la démarche, et particulièrement lesmanières de travailler « en mode startup » (Entretien : Éditeur 3), d’autres soulignent ladi�culté de combiner découverte et interprétation des nouveaux programmes, production denouveaux contenus et constitution de partenariats avec de nouveaux acteurs. Autre contre-partie : si d’autres formes d’appels d’o�res permettent aux lauréats de percevoir des créditsavant l’aboutissement du projet, la production a ici été entreprise en amont des premiersversements. Un candidat malheureux regrette ainsi le travail fourni par ses équipes, en vain(Entretien : Collectif d’enseignants), quant aux consortiums plus heureux, ils peuvent avoirengagés des frais conséquents avant le versement du règlement. L’une des structures por-teuses de projet (en partenariat avec des éditeurs di�érents) a ainsi répondu à 12 des 14 lots,et n’en a obtenu qu’un ; le fait que deux marchés aient été dénoncés témoigne également dela di�culté de la tâche. Ce sont d’ailleurs très majoritairement des acteurs qui avaient déjàobtenu un lot qui se sont présentés lors du second appel (espagnol et allemand cycle 3).

3.3.4 Des modalités d’évaluation complexes

Le processus d’évaluation, qui a fait intervenir plusieurs types d’acteurs, s’écarte, noussemble-t-il, des pratiques en vigueur, et constitue certainement l’un des aspects centrauxdu projet. Les propos recueillis en entretien laissent entendre que les étapes successivesde ce processus ont donné lieu à des productions écrites auxquelles il serait utile d’accéderdans la perspective d’un observatoire des ressources numériques. Le principe du MAPA avecnégociation impose lui-même une traçabilité des moments de négociation (liste de questionsprécises, compte-rendus...) qui permettrait de mieux saisir les points de convergence et dedivergence entre acteurs. En l’état, ce rapport repose sur les éléments rendus publics dans lecadre de la procédure de marché et sur ceux qui nous ont été communiqués par les enquêtés.

Dans un premier temps, les réponses à l’appel d’o�res ont été évaluées par une commis-sion multipartite, composée de membres de l’IGEN, de la Dgesco, de la DNE et d’expertsdisciplinaires. Le barème d’évaluation est intéressant en soi : il n’accorde qu’une faible partau critère du prix, là où les marchés publics lui réservent généralement 30% de la note :

— 20% pour les aspects techniques,— 65% pour les aspects pédagogiques,— 15% pour le prix.Deuxième temps du processus d’évaluation, réalisé au sein de la DNE : la « recette »,

qui consiste à vérifier que les fonctionnalités d’une plateforme répondent e�ectivement auxattendus du cahier des charges. Il s’agit là d’un processus particulièrement méticuleux 16 en

16. La littérature professionnelle témoigne de l’existence de procédures contraignantes ; voir par exempleTaché, Ph. 2014, Conduire un projet informatique, Eyrolles. En ligne : https://books.google.fr/books?

id=p99qAwAAQBAJ.

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usage dans le cadre de projets informatiques, et plus récemment dans le milieu du designdes sites web et des outils documentaires, auquel les éditeurs peuvent être moins familiarisésque les acteurs de ces derniers mondes professionnels.

Les portails ont enfin été évaluées par des enseignants de premier et second degré,sollicités en tant qu’utilisateurs potentiels. Un panel de 76 enseignants issus de quatreacadémies considérées comme représentatives de la diversité des territoires (Aix-Marseille,La Réunion, Amiens, ?) ont été ainsi sélectionnés et ont joué le rôle de bêta-testeurs enmatière d’expérience utilisateur, de fonctionnalités techniques, de pédagogie et de validitédes contenus (Entretien : Enseignant 1).

Date Étape7 mai 2015 Annonce par le Pdt de la République du Plan numérique pour

l’éducation28 octobre 2015 Publication de l’appel d’o�res23 décembre 2015 Date limite de candidatureavril 2016 Notification des marchésjuin à septembre 2016 Évaluation de l’o�re par les enseignants expérimentateursseptembre 2016 Mise à disposition de 30% de l’o�re de ressourcesjanvier 2017 Mise à disposition de 100% de l’o�reoctobre 2017 Mise à disposition de l’o�re correspondant à la relance du mar-

ché (allemand cycle 3 et espagnol)

Tableau 2 – Calendrier du marché des BRNE

Si l’on ajoute la phase de test menée avant livraison par les consortiums (phase surlaquelle nous n’avons eu aucune précision), quatre étapes de validation ont ainsi été réalisées.De fait, le processus peut sembler ne laisser presque aucune place aux dysfonctionnements ;pour autant, les tests menés dans le cadre d’un rapport interne au laboratoire Stef (Beauné,Huchette, Hannoun-Kummer et al., 2017) montrent que subsistaient encore, début juillet2017, des problèmes d’ordre technique, ou des imprécisions sur le plan des contenus.

En dépit de son itérativité et de la multiplicité des modes d’évaluation des banques,le processus ne semble pas présenter les mêmes garanties que celles qui caractérisent laproduction d’un manuel scolaire. Pour ce dernier, selon les éléments communiqués par leséditeurs rencontrés (qui correspondent d’ailleurs dans ses grandes lignes au processus décritpar les représentants de l’édition scolaire 17), le processus de production est très régulière-ment ponctué par des phases de corrections, selon une répartition des métiers très rodée,et selon des formats d’échanges très encadrés. De la préparation du « plan d’édition », quiconstitue l’équivalent d’un cahier des charges du manuel à venir, jusqu’au « bon à tirer »délivré par l’éditeur en charge du projet éditorial, le processus fait en e�et intervenir unesérie de tests et d’ajustements portant sur chaque production intermédiaire :

17. Voir http://www.savoirlivre.com/edition-manuel/travail-editorial.php et http://www.savo

irlivre.com/edition-manuel/calendrier.php.

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1. après la production d’un sommaire et d’une maquette de double-page (ou d’un cha-pitre de démonstration dans le cas du manuel numérique) par l’équipe des auteurs,des tables rondes entre auteurs, éditeurs, enseignants, et parfois parents d’élèves sontorganisées, qui conduisent à amender le projet dans sa globalité.

2. le travail des auteurs consiste majoritairement à remplir des « gabarits », c’est-à-diredes formats-types préfigurant le contenu d’une double-page, qui sont soumis à unequintuple validation : celle des autres auteurs, celle du responsable de collection, del’éditeur, mais aussi du maquettiste, qui peut être amené à ajuster le contenu enfonction de l’espace restant.

3. le produit fini est soumis à des tests en classe avant les dernières corrections, testsauxquels les éditeurs s’e�orcent d’assister.

Le calendrier de production d’un manuel correspond ainsi à un processus d’un an (voireun an et demi, lorsqu’il n’est pas contraint par la publication de nouveaux programmesd’enseignement, ce qui ne constitue pas la situation la plus répandue), schématisé ainsi parles représentants de l’édition scolaire 18, au sein duquel se dégagent les étapes reproduitesdans le tableau 3.

Période (approximative) Étapeavril-juin Préparation du Plan d’édition

Constitution de l’équipe des auteursPréparation de la maquette et du sommaireTables rondes d’évaluation de la maquette

Vacances scolaires estivales Rédaction du manuscritÉchanges au sein de l’équipe d’auteurs

septembre-décembre Relectures par l’éditeur

Tests dans les classes

Corrections et réalisation des épreuvesÉchanges avec les maquettistes

janvier-mars CorrectionsBon à tirer

avril-juin Choix des manuels par les enseignants à partir des speci-mensÉventuels retours de la part des délégués pédagogiques

Tableau 3 – Calendrier de production d’un manuel imprimé

Le processus de production mis en œuvre dans le cadre des BRNE fait l’objet d’une ana-lyse spécifique ci-dessous (6.0.3) ; le processus d’évaluation en lui-même témoigne cependantde fonctionnements assez divergents entre manuel et BRNE : dans le cas du manuel, chaquecorps de métier est amené à évaluer au moins une production intermédiaire, sous peine

18. http://www.savoirlivre.com/edition-manuel/calendrier.php. Voir également (Boulet, 2011).

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de discrédit. Dans le cas des BRNE, l’évaluation a été e�ectuée à partir de « livrables »correspondant à des versions inachevées (par nature).

Reste un élément fondamental de divergence entre le manuel et la banque de ressourcestelle qu’elle a été ici mise en œuvre : la responsabilité éditoriale n’est pas assumée parles mêmes acteurs dans les deux cas. Si la situation décrite ci-dessus peut laisser penserque le contrôle éditorial pourrait être disséminé, voire dilué entre les (nombreux) acteursintervenant dans la chaîne de production du manuel, celui-ci reste sous la pleine et entièreresponsabilité de l’éditeur, comme en témoigne la signature du BAT dont il reste seul maître.Dans le cas des banques de ressources en revanche, la fonction éditoriale est partagée entrela DNE et les responsables du consortium.

4 Situation de la filière du numérique éducatif

Aborder l’o�re du « numérique éducatif » au moyen du concept de « filière » est as-sez paradoxal, quoique l’expression soit assez largement répandue dans les médias et lesdiscours promotionnels. Si l’on entend en e�et par filières des « ensembles amont/aval ho-mogènes permettant la création, la production, la di�usion et la valorisation d’un mêmeensemble de produits » (Bouquillion, 2005), il semble peu pertinent de rassembler dans unmême ensemble des structures aussi hétérogènes que des startups commercialisant en BtoCdes applications « ludo-éducatives » et des entreprises o�rant des services techniques auxacteurs de l’édition scolaire (en BtoB). L’expérience antérieure du « multimédia », analysénotamment par Miège (2017) comme un « construit social », dont l’une des fonctions revientà légitimer l’intervention de nouveaux acteurs dans un secteur donné au nom d’un tournantsociotechnique majeur, illustre assez bien le genre de situation qui se manifeste dans l’emploidu concept de filière. Cette remarque est d’ailleurs extensible à l’ensemble de la chaîne deproduction, jusqu’à son aval : considérer qu’il ne resterait plus qu’à développer des usagesà partir d’une o�re bien définie ne tient pas compte de leur caractère construit : les usagesne résultent pas tant de l’adéquation entre des besoins et une o�re que d’une constructionprogressive, fruit des stratégies industrielles et des politiques publiques.

4.0.1 Un e�ectif di�cilement quantifiable

Depuis le rapport des inspections générales (Perez, Cabane, Durpaire et al., 2013) sur lenumérique éducatif, qui s’était attaché à quantifier le nombre d’acteurs de la filière, d’autresinitiatives ont été entreprises pour en évaluer les contours. En 2013, les inspections décomp-taient 250 entreprises « liées au numérique éducatif », dont 160 actives dans la productionde ressources numériques éducatives. Le décompte repose sur la compilation de plusieurslistes d’entreprises :

1. Les entreprises figurant au Catalogue Chèques Ressources du plan DUNE,2. Les entreprises du numérique membres des fédérations de branche ou de filière (Ge-

dem, Afinef),

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3. Les entreprises membres de la communauté « éducation et formation numérique »du pôle de compétitivité Cap Digital,

4. Les entreprises dont l’o�re est visible sur internet grâce aux grandes plateformes dee-commerce (iTunes AppStore, Google Play),

5. Les entreprises du numérique membres du groupe e-education du Syntec numérique,6. Les entreprises du numérique ayant répondu à l’AAP1 ou l’AAP2 e-education du

PIA (qu’elles soient lauréates ou non),7. Les entreprises auditionnées ou citées lors des auditions menées par les inspections.

Comme l’indiquent les auteurs du rapport, ce recensement reste partiel et omet proba-blement des structures implantées en dehors de l’Île-de-France, et notamment celles quirelèvent d’autres pôles de compétitivité que Cap Digital.

Les investisseurs institutionnels (Caisse des dépôts et consignations et sa filiale BPI-france), ainsi que les fonds privés d’investissement dédiés aux entreprises du secteur éduca-tif (Educapital, Ibis Capital) devraient disposer de listes assez fines, et surtout d’élémentsbudgétaires et financiers qui permettraient de mieux appréhender le paysage des startupset TPE.

Par ailleurs, de nouveaux réseaux d’acteurs se sont constitués depuis 2013, qui recoupentparfois les réseaux antérieurs mais se placent désormais sous la bannière de la « EdTech ».L’association ed21 rassemble un petit nombre de startups (5 à ce jour) et propose desactions d’animation de communauté, d’aide à la recherche de « business angels », c’est-à-dire d’entrepreneurs apportant des capitaux (de 100,000 à 1,000,000 euros) en tant quepersonnes physiques, et des conseils aux jeunes structures.

Les annuaires et moteurs de recherche mis en place autour de l’initiative « La FrenchTech » ne permettent pas, de leur côté, d’établir une liste de ses acteurs. C’est en particulierle cas de l’annuaire « Les Pépites Tech », interrogeable sur le site web éponyme (lespep

itestech.com) ou depuis le site web de la French Tech (lafrenchtech.com/annuaire),où le système de filtres ne permet pas d’accéder à liste des startups étiquetées « EdTech ».En revanche, un Observatoire de la EdTech (observatoire-edtech.com) a récemment étécréé, à l’initiative de Cap Digital et de la Caisse des dépôts, afin d’aider à la structurationde la filière et de

« valoriser la scène EdTech française et [. . . ] montrer les grandes tendancesde ce secteur. [. . . ] Cet outil doit permettre d’identifier les solutions et de faciliterles choix des décideurs en matière de services numériques innovants. »

La base de donnée est téléchargeable et actualisée régulièrement 19 : elle décomptait 242structure lors de son inauguration, le 10 mars 2017, 271 le 21 juin 2017, 284 le 19 juillet. Laméthodologie de construction de la base de données repose sur le crowdsourcing : les struc-tures impétrantes présentent une candidature examinée par l’équipe des porteurs de projet(Observation Cap Digital, 27 avril 2017). Cette méthodologie pourrait d’ailleurs soulever

19. On en trouvera une extraction en annexe

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des objections de la part des structures qui ne seraient pas retenues, puisque l’équipe intègre,outre Cap Digital et la CDC, des structures de la EdTech : OpenClassrooms, 360Learning,LearnAssembly, AppScho, MyBlee Math, des clusters ou grappes d’entreprises (EducAzuret SPN Poitou-Charentes).

Enfin, des titres de presse se sont engagés dans le référencement des acteurs de la « Ed-Tech », non seulement en publiant régulièrement des interviews, portraits et reportages(voir documentaire), mais aussi et surtout en organisant des événements (conférences, for-mations, salons) de valorisation. Le magazine en ligne Educpros, publication destinée auxprofessionnels de l’enseignement du groupe L’Étudiant (dont l’activité principale relève del’événementiel) et partenaire média de l’Observatoire cité ci-dessus organise par exemple,depuis 2016, la conférence Ed-Up, l’objectif a�ché étant de « construire un vocabulairecommun à tous les acteurs de l’écosystème des EdTech dans l’enseignement supérieur etformuler des solutions concrètes au challenge de la transformation numérique. » La mêmeéquipe contribue activement à un autre événement qui s’est tenu pour la première fois en2012, EdTechXEurope, sur le modèle des conférences TED.

5 Enjeux de positionnement et stratégies d’acteurs

5.0.1 L’innovation sur commande

Parmi les critiques qu’encourent les outils et médias éducatifs produits par les éditeursscolaires figurent, de façon récurrente, l’absence de renouvellement des formats, qui se ca-ractériserait par le poids du « paradigme de la double-page » (Entretien : Chef de projetnumérique 4) , une trop faible exploitation des apports du numérique en termes d’interac-tivité et d’adaptabilité (Entretien : éditeur 2), et plus généralement, un attachement tropmarqué à la pérennité des formats et des modèles pédagogiques, au détriment de l’inno-vation. Le rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale établi par DominiqueBorne en 1998 ne ménage pas non plus ses critiques, résumant un propos qui correspondglobalement à ceux que nous avons entendus dans le cadre de cette enquête :

« Si les éditeurs continuent à proposer, comme ils l’a�rment constamment, leproduit souhaité par les enseignants et que ces mêmes enseignants choisissent depréférence un produit rassurant qui les conforte dans leurs habitudes, commentfaire passer l’innovation pédagogique ? » (rapport Borne, 1998 : 19)

5.0.2 Le manuel, entre rente de situation et incertitudes

Ce rappel de quelques-unes des critiques adressées au manuel et à ses producteurs nevient ici que pour préciser les conditions dans lesquelles les éditeurs scolaires sont suscep-tibles de repenser des stratégies industrielles qui ont largement fait leurs preuves, et deremettre en cause, fût-ce à la marge, un modèle de rentabilité éprouvé. Comme l’expliqueun chercheur dont les travaux portent sur le monde de l’édition scolaire et qui a assuré des

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fonctions éditoriales auprès de deux maisons, « quand un éditeur innove, c’est parce qu’il ya de la commande institutionnelle, donc du volume. » (Entretien : chercheur 2).

Rappelons que les volumes de vente de manuels sont sans commune mesure avec lesvolumes de ventes d’applications ou de licences, et, sans que l’on dispose de données précisesà ce sujet, d’abonnements à des portails de ressources pédagogiques. Les dernières donnéesaccessibles sur les ventes de manuels publiés par le SNE montrent (voir figure 1) que mêmeau cours d’une année creuse, c’est-à-dire sans refonte des programmes, les ventes de manuels(du préscolaire au secondaire) s’élèvent à 32,313,000 exemplaires. Dans le cadre d’une année

Figure 1 – Ventes de manuels en 2014, données SNE

de renouvellement des programmes, les ventes augmentent logiquement, et les années 2016-2017 apparaissent à cet égard comme des années fastes puisque tous les programmes, duprimaire au cycle 4 inclus ont été renouvelés. Pour 2016, Pascale Gélébart, directrice desÉditeurs d’éducation, évoque 8,300,000 millions d’exemplaires vendus en 2016, et prévoit6,000,000 de commandes pour 2017 (Hugueny, 2017). Restent plusieurs zones d’incertitude :les crédits annoncés par le ministère pour l’achat de manuels (150,000,000 euros en 2016renouvelés en 2017) pourraient ne pas avoir été totalement avancés, si l’on s’en tient auxdéclarations à la presse des Éditeurs d’éducations (Hugueny, 2017) : quelque 110,000,000euros sur les 150,000,000 annoncés auraient été crédités pour 2017, ce qui entraînerait unedi�érence de 4,000,000 de volumes.

La réforme des programmes était ainsi très attendue, et les déclarations alarmistes duSNE se succédaient depuis plusieurs années. Le communiqué suivant, qui rend compte defaçon synthétique de la position du SNE, figure d’ailleurs toujours sur le site du syndicat,alors même que la situation a considérablement évolué :

« L’édition scolaire (306,6 millions d’euros, soit 12,2% des ventes de livres)connaît une période très di�cile en l’absence de réformes scolaires. Après unebaisse de 4,0% des ventes en valeur en 2012 et un recul de 13,1% en 2013, c’un unnouveau repli de 5,2% que doivent a�ronter les éditeurs en 2014. Les segmentsles plus touchés sont toujours le secondaire qui après la chute de 34,4% en 2013a�che à nouveau une baisse de 10% en 2014 (en valeur) que ne compense pas une

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timide reprise sur le segment du préscolaire et du primaire qui progresse de 3%en valeur en 2014. Les ventes des autres livres du secteur scolaire (pédagogie etformation des enseignants, manuels techniques et parascolaire) sont égalementtoutes orientées à la baisse (-6% en valeur) et ne permettent pas de limiterla chute. En l’absence de réforme en 2015, une quatrième année très di�ciles’annonce. » (Syndicat national de l’édition, secteur éditorial « scolaire », publiéle 6 août 2014 20)

De fait, les données du SNE pour l’année 2016 indiquent une croissance du chi�re d’af-faires pour le scolaire de 38,9%, soit un CA de 404,000,000 euros (Syndicat national del’édition, 2017) ; le secteur scolaire constitue de fait un segment parmi les plus porteurs del’édition de livres dans un tel contexte.

Parallèlement, le mode de rémunération attaché au manuel numérique n’o�re pas lamême rentabilité. Le volume des licences attribuées n’est pas comparable à celui des ventespapier, et les licences (annuelles) ne dépassent pas 5 euros. En outre, les stratégies dévelop-pées par certains éditeurs — Magnard ayant été précurseur en la matière — pour augmenterle volume des licences attribuées les ont conduits à o�rir la licence lorsque la version papierétait acquise. À titre d’illustration, un distributeur cité par Hugueny (2017) déclare que80% des licences distribuées par sa société étaient gratuites.

Dans une situation aussi incertaine, les initiatives prises par de nouveaux entrants surle marché de l’édition scolaire ont, semble-t-il, des e�ets sur les stratégies des acteurs his-toriques. Le modèle consistant :

1. à donner gratuitement accès à une version numérique d’un modèle commercialisédans sa version papier,

2. à commercialiser des licences annuelles pour un accès hors ligne aux manuels enrichis,a en e�et été promu par Lelivrescolaire.fr. Or, cet acteur suscite des inquiétudes per-ceptibles chez les éditeurs scolaires : il revendique quelque 20% de parts de marché surles manuels numériques, dans les disciplines pour lesquelles il présente une o�re (histoire-géographie, français, anglais, espagnol, SVT, physique-chimie, maths, EPI), et 13% sur lepapier (Lelivrescolaire.fr, 15 nov. 2016), et revendique la 3e place en français et histoire-géographie. L’expérience de Sésamath, qui commercialise également des manuels papier(mais en partenariat avec les éditions Magnard), a préalablement inspiré les choix straté-giques (comme, d’ailleurs, les ambitions en termes de coopération et de collaboration) del’équipe du livrescolaire.fr (Entretien : éditeur 2).

5.0.3 Interrogations sur les coûts

Quant à la question de savoir si les coûts de fabrication du manuel papier et du manuelnumérique sont équivalents ou non, il faut reconnaître qu’il est extrêmement di�cile à cestade de connaître le détail du coût de production de l’un et de l’autre. Le rapport Séré

20. http://www.sne.fr/secteur_edit/scolaire/, consulté le 20 juillet 2017.

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et Bassy (2010) évoque un coût de 120,000 euros pour un manuel papier, et 180,000 eurospour un manuel numérique, sans préciser ses sources. Le chi�re semble élevé, même si l’ontient compte du coût important que représente la négociation des droits de reproductiondes images, textes et éléments multimédia sous droits, que l’un de nos enquêtés situentdans une fourchette de 50,000 à 80,000 euros (Entretien : collectif d’enseignants), ou del’existence d’un taux de TVA à 19,6% sur les livres numérique jusqu’en 2013. Les éditeurset les distributeurs 21 mettent cependant en avant, dans les mêmes termes, un surcoût deproduction du manuel numérique. Depuis la validation de la TVA à taux réduit pour lelivre numérique, il est probable que cet écart sera moins dénoncé.

Cette question n’est pas sans intérêt pour les banques de ressources, car elle joue unrôle déterminant dans la sélection des grains et des parcours qui les composent. Pour letexte et l’image fixe, les droits dits « numériques » ne sont par ailleurs pas les mêmes queles droits « papier ». Un éditeur qui souhaiterait utiliser dans une banque ou un « manuelenrichi » des médias déjà employés dans un manuel papier doit ainsi renégocier les droits ;or, les ayants droits n’ont pas toujours prévu de droits numériques. Une maison commeGallimard aurait ainsi à son catalogue un certain nombre d’auteurs sans droits numériques,ce qui, compte tenu des délais de préparation des manuels numériques et, à plus forte raison,des banques, conduit à y renoncer (Entretien : éditeur 1). Les enregistrements audiovisuelsposent davantage problème : le coût à la minute y est très élevé : selon le même éditeur, lareproduction d’un extrait de 4 minutes d’Autant en emporte le vent aurait coûté quelque30,000 dollars, si bien que le projet en a été abandonné. Les vidéos archivées par l’INAreprésentaient jusqu’à peu un coût également trop élevé, mais les tarifs ont été revus à labaisse.

L’intégration des maisons dans un groupe ne garantit pas que les négociations de droitssoient moindres que dans le cas d’une négociation entre des éditeurs indépendants les unsdes autres. Les tarifs peuvent y être « préférentiels », mais rien ne prouve qu’ils le soiente�ectivement (Entretien : éditeur 1), puisque l’acheteur ne dispose d’aucune informationsur les tarifs pratiqués par ailleurs. Plus concrètement, lorsqu’un éditeur de manuel dela maison Hachette Éducation cherche à négocier des droits avec la maison Le Livre depoche 22, il bénéficiera d’un délai de réponse plus court, mais pas nécessairement d’uneremise (Entretien : éditeur 1). Pour autant, il n’est pas certain que cet exemple soit contreditpar d’autres, au sein de groupes dont le fonctionnement laisse moins de marge de manœuvreaux maisons ; chez Editis en e�et, les maisons membres sont plus intégrées (Entretien :chercheur 1).

Si, en dépit des incertitudes pesant sur les financements pour la période qui succéderaau marché, les éditeurs se sont engagés dans la production des banques, c’est en partieparce que le nombre d’élèves potentiellement utilisateurs était élevé : 2,4 millions par cycle,

21. Voir par exemple le site du distributeur LDE : http://www.reforme-des-colleges-2016.fr/5-ques

tions-pratiques-sur-le-passage-au-manuel-numerique/.22. La maison Le Livre de poche édite des ouvrages originaux, et ne republie pas seulement des auteurs

du catalogue.

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soit un total de 4,8 millions (Entretien : DNE2). Ceci ne vaut, bien sûr, que si l’on consi-dère les élèves comme utilisateurs finaux, alors que les enseignants en sont les principauxutilisateurs ; mais le fait de pouvoir observer l’activité des élèves par l’analyse des tracesd’usages, même réduite dans un premier temps au temps de connexion et aux pages vuessemble ouvrir la perspective, aux yeux de certains acteurs du moins, d’un avantage concur-rentiel. C’est du moins ce que déclare l’un des chefs de projet (Entretien : Chef de projetnumérique 3) interviewé : même si les plateformes d’entraînement et de remédiation (la pla-teforme Pep’s de Belin est souvent citée en exemple) ou les exerciseurs semblent apporterdavantage d’éléments exploitables pour l’« adaptive learning », et même si rien n’a encoreété entrepris en l’absence d’un panel d’élèves utilisateurs su�sant, les porteurs de projetsenvisagent d’exploiter ultérieurement les données recueillies.

5.0.4 Adaptive LearningAbordé dans la presse spécialisée tantôt sous cette étiquette, tantôt au nom de l’intelli-

gence artificielle (en ce qu’elle favoriserait un apprentissage pleinement autonome), tantôtpar l’évocation des « learning analytics » (en ce qu’elles permettraient de mettre en adéqua-tion grains, parcours et profils d’apprentissage), l’apprentissage adaptatif semble susciterun enthousiasme débordant. Dès 2014, le Conseil national du numérique, dans le rapportJules Ferry 3.0 (Pène, Abiteboul, Balagué et al., 2014), appelle à la fois à se saisir de tech-niques (très diverses) prometteuses et à soutenir un secteur industriel dynamique, ainsi qu’àmener une réflexion sur le « cadre d’usage » des données collectées. L’engouement est trèsnettement sensible dans les médias, comme en témoigne le volume d’articles publiés sur cesujet dans la presse professionnelle, comme chez les acteurs rencontrés en entretien.

Depuis l’annonce publique —- qui tranche avec la discrétion habituelle des maisonsd’édition – par Hachette Éducation d’un partenariat noué avec Knewton, une société états-unienne considérée comme un acteur majeur de ce jeune marché, le sujet occupe égalementles acteurs de l’édition et du numérique éducatif. La maison Nathan, et par extension, lesmaisons du groupe Editis ont ainsi noué un partenariat avec une startup israélienne, TimeTo Know, pour construire des banques d’exercices d’une part, avec Paraschool, et pourproduire la banque livrée pour le lot BRNE « Anglais cycle 4 ». C’est, semble-t-il, sur lemême outil que repose la plateforme ViaScola (Hugueny, 2015). On peut y voir l’illustrationd’une tendance des maisons d’édition à ne laisser aucune de leurs concurrentes prendreun avantage concurrentiel, tendance signalée par deux de nos interlocuteurs (Entretien :chercheur 2 ; éditeur 4). À propos du manuel numérique, l’éditeur rencontré précise qu’« onfait du manuel numérique parce que tout le monde le fait ». Chez Hachette, le partenariatavec Knewton a introduit un acteur supplémentaire dans les projets éditoriaux : au seinde la maison, des correspondants Knewton sont des interlocuteurs réguliers (Entretien :responsable numérique). En pratique, ce sont essentiellement les projets parascolaires quiexploitent les outils de Knewton. Pour le restant de l’o�re, il faudrait disposer de massesde données importantes, que les éditeurs savent ne pas pouvoir recueillir à brève échéance :

« Knewton, c’est une solution toute faite. Or sans données de départ, la

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machine est stupide ; il faut trouver le moyen de l’alimenter en données, ce quiest très di�cile aujourd’hui. » (Entretien : responsable numérique).

Belin a développé un portail d’exercices en français et maths, Pep’s

23, la progressionétant conditionnée par les résultats des questions précédentes. Or, sans à notre connaissances’être tourné vers une entreprise spécialisée dans l’apprentissage adaptatif, Belin a acquisune société d’édition de logiciels de tests psychotechniques, de remédiation cognitive et de« stimulation cérébrale » fondée par des orthophonistes : Gerip. Belin est en outre liée àGutenberg Technology, avec qui elle a formé un consortium pour les réponses au marchéBRNE, mais aussi sur le plan financier, puisque la maison d’édition est détenue à 100% parScor, qui possède 39,5% du capital de Gutenberg (voir tableau synoptique en annexe).

Enfin, l’appel à « partenariat d’innovation et intelligence artificielle » publié en juillet2017 et destiné à « développer des solutions basées sur l’intelligence artificielle » devraitdonner lieu à une o�re de l’éditeur (Entretien : chef de projet numérique 3). Le projetest particulièrement orienté vers les enseignants du primaire et en particulier du cycle 2,et devrait leur permettre de « mieux accompagner leurs élèves dans les apprentissages dufrançais et/ou des mathématiques » 24.

Lelivrescolaire.fr adopte un positionnement similaire, mais selon des modalités as-sez di�érentes. Pour le service de révision en ligne qu’elle développe, AfterClasse, la sociétén’a pas fait appel à une startup, et, en dépit de leurs liens originels, ne s’est pas tournéevers Gutenberg pour développer son algorithme. La question de l’adaptive learning consti-tuerait en e�et un « enjeu trop stratégique pour être externalisé » (Entretien : éditeur 2),et s’agissant plus spécifiquement des relations avec Gutenberg, ses outils (plateforme deproduction notamment) ne sont plus utilisés par l’éditeur. Celui-ci a ainsi constitué uneéquipe de recherche et développement conséquente, proportionnellement au nombre de sessalariés : 15 sur 50 25 ; plus récemment, elle accueille dans le cadre d’un contrat de thèseCIFRE un doctorant en informatique de l’Inria 26.

Chez les acteurs du numérique éducatif, et en particulier les startups, le domaine del’adaptive learning (toujours entendu dans un sens assez extensif) rassemble de nombreuxacteurs (voir le répertoire en annexe). L’Observatoire de la EdTech référence 85 structuress’en réclamant ; pour certaines d’entre elles, le lien est ténu (OpenClassrooms) et semble netenir qu’à l’existence de tests d’évaluation. Plus éclairante est en revanche la liste des ré-compenses, qui témoigne de l’intérêt des investisseurs institutionnels (BPIfrance), des jurysd’évaluation dans le cadre d’appels à projets (en particulier e-education), et des incubateurs(Numa).

23. Parcours d’entraînement personnalisés : http://www.peps-reussite.fr/.24. http://eduscol.education.fr/cid118880/partenariat-d-innovation-et-ia.html.25. Lelivrescolaire.fr, « La startup Lelivrescolaire.fr s’invite dans le top 3 des éditeurs scolaires et compte

désormais 1 million d’élèves utilisateurs », Communiqué de presse du 15 novembre 2016 : http://us2.camp

aign-archive2.com/?u=71f108535140e25a0c555631b&id=92d7af990d.26. https://team.inria.fr/sequel/team-members/.

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L’un des aspects définitoires de l’adaptive learning résidant dans l’analyse de données(massives), comme le signale le responsable numérique, la question de leur recueil représenteun enjeu fort, à propos duquel on perçoit des hésitations : les banques permettront-elles deconstituer des jeux de données exploitables ? Les éditeurs et leurs partenaires peuvent-ilsy accéder ? Même si le partage des données d’usage entre la DNE et les porteurs de pro-jet est, semble-t-il, prévu par les conditions du marché, elles nécessiteraient selon le mêmeinformateur d’en passer par les chefs d’établissement. Aussi la recherche de partenariats etl’acquisition de petites structures innovantes semble-t-elle constituer l’une des voies privilé-giées par les maisons d’édition, suivant en cela le principe bien connu, au sein des industriesculturelles et éducatives, de l’oligopole à franges.

5.0.5 L’agenda des appels à projets

Plusieurs structures lauréates du marché BRNE ont construit leur o�re à partir deprojets de recherche et développement associant laboratoires publics et acteurs privés. Ons’intéressera plus particulièrement au cas du consortium associant iTop, Maskott, Erdenetet Cabrilog. Avant de répondre à l’appel d’o�res BRNE, Itop Éducation a en e�et développé,en lien avec l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) du Centre Pompidou, deux projetsretenus dans le cadre des appels e-education (Entretien : chef de projet numérique 2).

Le premier, « MetaEducation », est présenté comme un « Espace numérique de travailouvert » (Institut de Recherche et d’Innovation du Centre Pompidou, 2016), visant à dé-velopper dans le contexte du secondaire (lycée) une plateforme intégrée de ressources etde services. Il devrait permettre aux enseignants et aux élèves d’accéder dans un espaceunique à des ressources sous droits (contenus granulaires, mais aussi packs de vidéos, depresse, ...) et à des ressources libres, de créer et d’assembler leurs propres contenus et dedisposer de services innovants (vidéos interactives, annotations « sociales », partage pargroupe de niveau...). Dans cet espace de travail « collaboratif », la contribution de l’Iriconsistait à exploiter l’outil d’édition « Renkan », « avec pour enjeux de rendre toute mani-pulation de ressources hétéroclites transparente pour l’utilisateur. » (Institut de Rechercheet d’Innovation du Centre Pompidou, 2016). Plus précisément, Renkan s’inscrit dans lesréflexions menées dans le cadre des travaux de l’IRI et de la revue Sens Public autour duconcept d’éditorialisation et de ses trois dimensions : l’inscription dans un environnementspécifique (technologie), qui détermine la forme des contenus ; l’inscription dans un espaceculturel donné (culture) ; l’inscription dans un ensemble de pratiques(Vitali Rosati, 2016).En pratique, Renkan rassemble dans un même environnement des fonctions d’annotation,d’indexation, menées individuellement ou collectivement.

Le second projet, « RéMie », s’inscrit dans la même perspective, mais avec l’ambitiond’être intégré aux « plateformes de ressources numériques » développées par iTop, et d’ex-ploiter l’outil dans une démarche d’apprentissage. L’annotation et l’indexation apparaissenten filigrane comme moyens d’améliorer les compétences langagières des élèves, sur le plande l’écrit comme sur celui de la lecture de l’image (Institut de Recherche et d’Innovationdu Centre Pompidou, 2016, 22).

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Le cas d’iTop nous semble éclairant à plus d’un titre : d’une part, il semble indiquer quela politique de soutien à l’innovation, telle qu’elle a été mise en œuvre peut porter ses fruits,puisqu’un projet à l’origine expérimental a donné lieu à une réalisation stabilisé, même sicette dernière est probablement moins riche que ce que les deux projets antérieurs laissaiententrevoir. D’autre part, l’analyse de la constitution des consortiums mérite un examen plusattentif que la seule lecture des alliances a�chées, puisque peuvent avoir joué un rôle centraldes structures comme l’IRI. Les BRNE, telles qu’elles apparaissent aujourd’hui, sont doncprobablement le résultat d’une série de soutiens apportés par les pouvoirs publics, dont ilserait utile de mieux connaître l’historique.

5.0.6 Quel rôle pour les opérateurs publics ?

La répartition des rôles entre acteurs publics et acteurs privés peut sembler évidente,mais lorsqu’on s’intéresse plus précisément aux discours des acteurs sur ce sujet, et plusencore, sur la répartition des missions entre les acteurs placés sous l’autorité du ministèrede l’Éducation nationale, la situation s’avère plus complexe.

Comme nous l’avons signalé, les éditeurs attendent des pouvoirs publics qu’ils ménagentl’opportunité de commandes massives, avec les crédits associés. Tout délai dans le renou-vellement des programmes retardant l’acquisition de nouveaux manuels suscite ainsi desdéclarations de la part des instances représentatrices de l’édition scolaire, sans nécessai-rement que ces dernières correspondent e�ectivement aux stratégies des maisons : « [lesdéclarations du SNE] sont automatiques, et ne visent qu’à ménager une position forte dansles activités rentables, mais ne traduisent pas nécessairement les stratégies économiques deséditeurs » (Entretien : chercheur 2).

Si la « concurrence » entre éditeurs publics (principalement représentés par Canopé et leCNED en l’occurrence) et éditeurs privés a fait l’objet de déclarations de la part du SNE, leséditeurs rencontrés n’en font pas aujourd’hui une question vive, même si quelques points defriction apparaissent, notamment à propos de Prep’Exam et English for Schools, deuxressources gratuites éditées par le CNED 27 Quoi qu’il en soit, et compte tenu de la discrétioncultivée par les maisons d’édition, il est di�cile d’en prendre connaissance autrement quepar des recoupements entre l’analyse de l’o�re et l’examen des jeux d’alliance entre lesacteurs ; le cas de l’adaptive learning apporte à cet égard quelques lumières (voir 5.0.4).

De fait, les relations entre acteurs publics et acteurs privés ne sont pas présentés sontplus souvent présentées sous l’angle de la complémentarité et du « partenariat ». Dans lecontexte récent de la production de ressources numériques, deux types de relations entrele ministère et les éditeurs se dégagent : l’appel d’o�res en MAPA d’une part, illustré parles BRNE, la « subvention » attribuée à un opérateur public d’autre part, illustrée parÉduthèque.

27. http://www.sne.fr/enjeux/ressources-educative-numerique/.

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5.0.7 MAPA ou subvention : deux modes d’encadrement de la prestation

Fait marquant : dans les deux cas, la possibilité pour le commanditaire d’intervenir dansle processus de production (et non seulement au moment de la définition des attendus duprojet) est souligné. En revanche, le coût de l’investissement semble moindre dans le cas dela subvention que dans celui du marché. S’il n’est en e�et pas rare de voir une o�re refuséepour son coût trop élevé — rappelons que le coût est évalué à hauteur de 15% dans le marchéBRNE — (Entretien : éditeur 2), le rapport de force n’est pas le même pour une subvention.Dans un domaine où les fournisseurs de contenus sont habitués à négocier des droits à partird’une grille tarifaire établie en fonction du nombre d’utilisateurs, le principe de la subventionpermet d’abaisser considérablement le coût pour le commanditaire (Entretien : DNE3). Cecine vaut cependant que dans le cas où le fournisseur est un établissement public, comme lesont les structures qui alimentent le portail Éduthèque.

Dans un second temps, la poursuite du financement soulève cependant des di�cultés dumême ordre dans les deux cas. Les BRNE ont été financées, dans le cadre du marché, pourune durée de trois ans, avec une option de renouvellement sur deux ans (Entretien : DNE1) ; au-delà, plusieurs options se dessinent : soit les financements publics sont maintenus,et il faut alors prévoir de nouveaux marchés, ou envisager de tout autres modalités derémunération des consortiums, soit ils ne le sont pas, et l’o�re doit alors prendre une autreorientation, en imputant par exemple la charge d’un abonnement aux enseignants et/ouaux familles. Dans le cas d’Éduthèque, la situation n’est guère di�érente : les financementsont été prévus pour trois ans. La prolongation du dispositif nécessite donc de faire appel àdes formes de relance, comme l’appel d’o�re pour le développement de « services innovantsnumériques Éduthèque » 28.

6 Consortium et processus de développement des BRNE

L’éclairage apporté par les entretiens et la documentation recueillie témoigne d’un in-térêt sensible de la part des éditeurs pour les appels d’o�res, la situation n’étant pas fon-damentalement di�érente pour les petites structures du numérique éducatif. Pourtant, lescontreparties financières ne su�sent pas à expliquer l’enchaînement des projets, même si,sur ce point, les petites structures peuvent espérer obtenir des crédits récurrents, faute d’ac-céder par ailleurs à un chi�re d’a�aires soutenable ou de parvenir à lever des fonds auprèsdes investisseurs.

6.0.1 Répondre à l’appel d’o�res : une opportunité à saisir

Répondre à un appel d’o�re ne relève pas des mêmes motivations selon les types d’ac-teurs. Tous signalent en revanche que lorsqu’une commande institutionnelle advient, nul

28. http://eduscol.education.fr/cid108097/services-innovants-numeriques-edutheque-

sine.html.

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Page 25: Mutations des filières de l’édition scolaire et du numérique … · 2019. 3. 26. · Chef de projet numérique 2 Consultant Éditeur de logiciels de vie scolaire et producteur

n’envisagerait de s’y soustraire. Ceci vaut bien sûr pour les maisons d’édition : « un édi-teur répond toujours à une commande institutionnelle, il est présent dès qu’il y a appeld’o�res » (Entretien : chercheur 2). Proposer une o�re ne signifie pas nécessairement qu’ily a ait adhésion pleine et entière au projet : outre les incertitudes quant à la rentabilité po-tentielle des banques de ressources, certains des projets mis en avant par les éditeurs (Lib’

chez Belin et les maisons du groupe Albin Michel ; les contenus poussés sur les portails dé-veloppés par les éditeurs) montrent que leur stratégie reste en partie au moins orientée versles déclinaisons du manuel. C’est là l’une des principales ambiguïtés du positionnement deséditeurs : tout en mettant en avant le manuel, sous des formes éventuellement renouvelées,certains envisagent sa disparition prochaine :

« ils sont convaincus que les ressources seront prochainement en pure player,la seule question étant : à quelle date, et selon quelles modalités ? [...] Ils s’in-terrogent sur le fait que les appels d’o�res puissent être une manière d’engagerla conversion. » (Entretien : chercheur 2)

Les propos des chargés de projets numériques (web, applications, banques de ressources) ausein des maisons d’édition que nous avons rencontrés se démarquent cependant sensiblementde ce qui précède : pour certaines disciplines au moins, les éditeurs souhaiteraient basculerrapidement vers un modèle de banque de ressources. Ce sont les langues vivantes et les SVTqui apparaissent les plus susceptibles d’en tirer bénéfice (Entretien : responsable numérique).De fait, Hatier a produit une banque de ressources en SVT (SVTice

29), accessible surabonnement ou gratuite pour les enseignants prescripteurs. Le cas de cette banque traduitd’ailleurs, dans son interface, l’ambiguïté signalée ci-dessus : elle est interrogeable depuisdeux entrées ; l’une est homologue à l’interface d’une manuel numérique, l’autre s’apparenteplutôt à une banque, avec moteur de recherche à facettes. Pour en justifier le fonctionnement,la chef de projets numériques rend ainsi compte de ce qu’elle présente comme « un besoinremonté du terrain » :

« on a fait une étude [sur les usages du manuel]. “Le manuel scolaire, jene m’en sers pas...” On a donc fait la banque de ressources [SVTice]. Et là, lespremières questions : “où est la photo qui était p. 3 de mon manuel ? » (Entretien,chef de projet numérique 4)

C’est donc la figure stéréotypée de l’enseignant prisonnier de ses pratiques qui est présentéecomme opposée à la volonté des producteurs de contenu de les faire évoluer. En réalité, c’estune forme de consensus entre chargés de projets numériques et commanditaires, autour del’apport d’une granularité fine et de la liberté d’agencer des parcours que manifestent lesuns et les autres quand on les interroge sur leur perception de l’appel d’o�res.

Dans un contexte où les éditeurs peinent à recruter des profils spécialisés dans l’éditionde ressources numériques, et où, lorsque les maisons ont absorbé des structures spécialisées,les échanges n’ont pas toujours lieu (Entretien : chercheur 2), l’appel à projets a été perçucomme une opportunité de nouer de nouvelles alliances —- c’est d’ailleurs un second point de

29. http://www.svtice-hatier.fr/.

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convergence entre le commanditaire et certains des o�reurs –, avec des sociétés éditrices deplateformes (Bayard-Tralalere-Educlever), avec des réalisateurs de vidéos (Maskott-Twig-Schuch), ou avec des acteurs plus en marge du secteur éducatif (Belin-Weekisto).

Enfin, pour un éditeur qui n’était pas engagé jusque là dans la production de manuelsou de ressources (Bayard), et au-delà de l’expérience acquise par le travail de constructionpartagé de la banque, le projet a pu être perçu comme une occasion de « monter en com-pétence » et d’explorer un nouveau marché, tout en renforçant la visibilité, dans le cadrescolaire, de la production qui lui donne sa marque de fabrique : les magazines jeunesse(Entretien : éditeur 3). D’autres démarches entreprises par cette même maison témoignentd’ailleurs de sa volonté de prendre position sur le marché du scolaire : alors que de nom-breuses maisons ne salarient plus de délégués pédagogiques et font appel aux services deceux des grands groupes, Bayard a choisi d’adopter la démarche inverse en constituant unenouvelle équipe.

Ainsi, si certains acteurs ont souhaité « monter en compétence » (Entretien : éditeur 3),d’autres ont répondu à l’appel pour conserver un avantage concurrentiel potentiellementmenacé par des concurrents qui auraient mieux tiré parti de l’expérience acquise dans leprocessus de production.

6.0.2 Sélection des partenaires

La constitution des consortiums reste un des éléments les plus flous du projet : si cer-tains acteurs nous ont expliqué avoir puisé dans leurs propres réseaux, et si d’autres ont,à l’inverse, saisi l’opportunité de l’appel d’o�res pour nouer de nouveaux partenariats, lesmotivations quant au choix de tel ou tel partenaire restent incertaines. Sans doute lescontraintes du calendrier ont-elles amenées à aller au plus rapide : au sein du groupe Ha-chette, des spécialistes de l’infrastructure et de l’a�chage dys- ont été « recrutés » chezLarousse (Entretien, responsable du numérique) — pour autant, le module utilisé est unsimple jeu de polices de caractères (https://opendyslexic.org/), déjà utilisé pour lesmanuels du livrescolaire.fr.

Au demeurant, tous les partenaires ne sont pas explicitement nommés, ni dans les résul-tats du marché tels qu’ils apparaissent au Bulletin o�ciel des annonces des marchés publics,ni même dans les pages d’informations légales des banques. Cette omission ne permet pasd’appréhender dans toute sa mesure la complexité du processus éditorial, et en particulierde ceux qui ont été ici mis en œuvre. C’est là un mode de fonctionnement relativementusuel chez les éditeurs, qui font souvent appel à des prestataires : Hachette a fait appel àPlanet Nemo Interactive, actuellement en cours de liquidation judiciaire 30.

30. Parallèlement, Hachette acquiert des sociétés, dans une logique emblématique des évolutions de l’oli-gopole à franges.

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6.0.3 Faire consortium ou faire le métier d’éditeur : deux logiques opposées ?

On ne saurait à ce stade distinguer radicalement les manières de faire propres à l’éditionscolaire dite traditionnelle et celles qui auraient prévalu dans le cas des BRNE. Les percep-tions divergent selon les acteurs concernés, et manifestement, les modes d’organisation nesont pas identiques d’un consortium à l’autre. Pour autant, le discours des acteurs interrogéspermet de dégager deux logiques distinctes : celle qui consisterait à s’appuyer sur un moded’organisation industriel éprouvé (l’édition de manuels scolaires), et celle qui consisterait àexpérimenter des modes d’organisation moins dépendantes du contrôle éditorial. Il ne s’agitévidemment pas ici d’évaluer qualitativemnent ces deux manières de faire, mais de dégagerles lignes de force qui se manifestent dans les discours des uns et des autres.

Avec toutes les précautions qui s’imposent à ce stade de l’analyse d’un ensemble de mu-tations di�ciles à saisir, il nous semble utile de situer les tendances décrites ci-dessous dansla perspective de la théorie des industries culturelles et éducatives, l’une des « composantesdes Sciences de l’information et de la communication » (Miège, 2012). Il s’agit en e�et d’uncadre heuristique qui a donné lieu à des travaux éclairant le champ des industries éduca-tives (voir par exemple Mœglin, 2007 ; Bréda, Combès et Petit, 2012) après avoir été mis àl’épreuve pour les industries culturelles, ces deux secteurs restant cependant bien distincts.Conçus pour rendre compte de situations fluctuantes, dans des univers où la valorisationdes produits et des services paraît le plus souvent incertaine, ils nous semblent pouvoiréclairer une situation ou se jouent des formes d’organisation divergentes, mais fédérées parun objectif partagé. L’analyse des modèles repose principalement sur l’examen de quatretraits distinctifs :

— le mode de paiement des biens produits, qui peut aller de l’achat à l’unité, à lamonétisation des données générées par l’utilisateur auprès d’acteurs tiers, en passantpar la souscription d’un abonnement ;

— l’identification de l’acteur apte à occuper la fonction centrale, c’est-à-dire à détermi-ner le taux et les modalités de rémunération des di�érents acteurs de la chaîne deproduction ;

— l’identification de l’acteur occupant la fonction d’interface entre le l’amont (la concep-tion) et l’aval (l’utilisation — ou la consommation —) des biens ;

— les spécficités du bien : s’agit-il d’une copie acquise d’un original, d’un droit d’accèsà une o�re en catalogue, de la possibilité d’accéder à un flux en direct — selon unegrille de programmation ?

Dans cette perspective, le fait le plus marquant est la recomposition des quatre critères endeux ensembles. Le cahier des charges définit, en première analyse du moins, les principalescaractéristiques du modèle des BRNE :

— le paiement de l’ensemble des biens et services accessibles par les BRNE étant assurépar l’État, les utilisateurs n’y contribuent en rien, et les acteurs ne sont pas contraintsà rechercher un modèle de rémunération viable.

— les spécificités de l’o�re ont été déterminés en amont : elle consiste en un droit d’accèsétendu, permettant d’extraire des données de son espace de consultation initial.

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D’autre part, et même si la sélection des réponses à l’appel d’o�res relève également dela responsabilité du ministère, ce sont les structures pilotes de chaque consortium qui endétermine les modes de travail, de rémunération.

Deux tendances 31 se dessinent en e�et : d’un côté, des acteurs qui présentent le processusde production des banques dans la perspective d’un travail d’édition assez classique, auquelont été ajoutées des étapes supplémentaires, avec l’ambition de « rationaliser » le proces-sus de numérisation (Entretien : Responsable numérique). Ici, la construction de la banquerelève de l’exploitation de l’existant, c’est-à-dire des ressources incluses dans plusieurs col-lections de la maison, de l’achat d’une plateforme dite de « LMS » (Learning ManagementSystem), et afin d’enrichir un répertoire d’exercices interactifs, du recrutement de nouveauxauteurs. Le contrôle éditorial reste à la charge de l’éditeur, et la fourniture de fonction-nalités étrangères aux productions antérieures conduit à faire ponctuellement appel à desprestataires. À l’inverse, un chef de projet présente sa démarche sous l’angle de l’« ingé-nierie techno-pédagogique », c’est-à-dire d’un processus laissant aux enseignants auteurs lapleine maîtrise des formats et des contenus, en fonction de leur connaissance des conditionse�ectives des pratiques d’enseignement en classe (Entretien : chef de projet numérique 1).Un autre chef de projet présente le fonctionnement du consortium sous l’angle des « mé-thodes agiles », mises sur le même pied que la « R&D » et que le « mode startup ». Si lesméthodes agiles consistent essentiellement à favoriser l’intégration des utilisateurs finauxau processus de développement, et à le segmenter en étapes rapprochées de livraison, elless’opposent surtout par principe au développement linéaire d’un projet encadré par un cahierdes charges initial et une recette (Collignon et Schöpfel, 2016). Or, c’est bien cette dernièreapproche qui préside à l’ensemble du projet BRNE, même si une approche « agile » a pu,ici ou là, constituer une source d’inspiration.

C’est en particulier la place des utilisateurs dans les phases de conception et de pro-duction qui nous semble ici déterminante, parce qu’elle soulève une ambiguïté récurrentedans les projets éditoriaux propres au monde scolaire (manuel inclus). Si l’on considère quel’utilisateur final — le destinataire du produit édité — est l’enseignant, alors celui-ci figurebien au cœur du projet ; si l’on considère en revanche, comme semblent le penser certainséditeurs, que l’utilisateur final est l’élève, voire sa famille, il n’en va pas de même. L’ensei-gnant est bien mobilisé, en tant qu’auteur, de façon similaire à ce que l’on peut observerdans le phase de conception et de production d’un manuel. Son intervention en tant qu’éva-luateur extérieur au processus de production est en revanche retardée en aval, au momentde l’évaluation menée par les enseignants désignés au sein des quatre académies retenuespar la DNE. Le dispositif de la « table ronde » mis en œuvre par les éditeurs de manuelssemble ici faire défaut, probablement en raison des fortes contraintes du calendrier de pro-duction : toutes choses égales par ailleurs, le di�érentiel entre le calendrier de productiond’un manuel et celui des BRNE est de l’ordre de huit mois. Plus importante encore estl’absence de test en situation d’apprentissage, au sein d’une classe. La période d’évaluation

31. Nous insistons sur le fait que les phénomènes analysés ici ne sont pas des modèles, au sens par exempleoù les économistes parlent de « modèles d’a�aires », mais simplement des orientations perçues à partir decette enquête exploratoire.

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par les enseignants expérimentateurs est en e�et intervenue peu de temps avant les congésestivaux de 2016, si bien que les tests e�ectivement menés in situ par certains enseignants(Entretien : enseignant 1) ont été e�ectués en l’absence des élèves.

Quant à l’élève lui-même, n’étant pas considéré comme acheteur ni prescripteur, il n’estpas consulté, à moins d’envisager la phase de test des manuels en classe comme une consul-tation indirecte de ses préférences. De fait, la figure de l’élève fait l’objet de projectionsfondées de façon plus ou moins étayée sur l’expérience que les auteurs et éditeurs peuventavoir des pratiques ou des préférences des élèves. À cet égard, la conception du manuelcomme des banques présentent peu de divergences.

7 Conclusions

Au risque de la répétition, on insistera sur le fait que les observations et les analyses quiprécèdent restent purement exploratoires à ce stade. Le nombre d’acteurs impliqués dansle processus, et plus particulièrement, le fait que le rôle de certains acteurs ne puissent êtreperçu qu’après une première campagne d’entretiens rendait l’analyse di�cile, si bien quenous ne prétendons pas à l’exhaustivité. En outre, le processus de production des BRNEqui a occupé l’essentiel de notre attention étant toujours en cours (les dernières livraisonsétant prévues pour le mois d’octobre 2017), le recueil d’une documentation précise sur lesdi�érentes étapes du projet s’est avéré impossible. Cela n’empêche pas, et bien au contrairemême, que le processus ne mérite un examen plus approfondi : les jeux d’acteurs qui peuventêtre observés dans un champ relativement circonscrit permettent d’appréhender des enjeuxplus généraux dans les filières concernées.

L’enquête menée ici (voir tableau 1) permet cependant, dans un premier temps, derelever des éléments critiques formulés par les acteurs, qui pourraient compléter les analysesdes BRNE déjà produites (Beauné, Huchette, Hannoun-Kummer et al., 2017) et tenir lieude préconisations. Nous exposerons ensuite quelques perspectives de recherches ultérieures.

7.1 Préconisations

1. L’existence d’un mode d’accès unique à l’ensemble des ressources constitue une at-tente forte de la part des enseignants, et même parfois, des membres des consortiums :l’inauguration du GAR devrait simplifier les modes d’accès aux banques et la miseen relation des ressources, selon leur entrepôt. On peut regrette à cet égard que lesbanques de ressources libres de droit ne soient pas plus concrètement exploitées dansles banques. Les di�érents projets portés par la fondation Wikimedia (Wikisources,Wikidata, WikiSpecies, par exemple 32) pourraient ainsi être fléchées plus explici-tement dans les banques, ou faire l’objet d’un encouragement explicite. En outre,distinguer, comme le font encore souvent les éditeurs, des ressources « de qualité »

32. https://fr.wikisource.org/wiki/Wikisource:Accueil ;https://www.wikidata.org/wiki/Wikida

ta:Main_Page ;https://species.wikimedia.org/wiki/Accueil

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parce que produites ou négociées par des équipes éditoriales expertes et ressourceschoisies par les enseignants dans les répertoires qu’ils utilisent habituellement ne faitpas vraiment sens, à l’heure où existent de nombreux collectifs d’enseignants quiproduisent des ressources.

2. Nombreux sont les enseignants et les acteurs des Dane à avoir signalé la méconnais-sance du dispositif par les premiers concernés, les enseignants. À la rentrée 2017, ilest probable que les BRNE soient largement connues, mais le délai entre l’inaugura-tion des banques et les premières utilisations reste assez conséquent. Ce sont là desenjeux de politiques de communication qui nous semblent cruciaux. Comment avertirles enseignants au bon moment (et en particulier, à un moment où les dispositifs sontpleinement opérationnels) et par les bons canaux ? Sans doute les relais (au sein desDane ou de Canopé) pourraient-ils être davantage mobilisés.

3. L’évaluation constitue un volet central dans la production de produits et serviceséducatifs. Compte tenu du calendrier extrêmement resserré de production des BRNE,il est probable que tous les retours n’aient pas pu être intégrés. Deux pistes noussemblent pouvoir être explorés : une présence plus forte des enseignants en amont,avant les premières livraisons, et/ou un temps d’évaluation avant la publicisationdu dispositif, qui laisse toute latitude de l’expérimenter dans des conditions prochesdes pratiques ordinaires. En outre, il serait intéressant de prévoir des modalités decorrection ou d’amélioration a posteriori : en l’état, les échanges entre les enseignantset les consortiums ne semblent pouvoir être qu’indirects.

4. La question des données d’usage, et l’exploitation qui pourrait en être faite par lesdi�érents acteurs a été abordée à plusieurs reprises sur le terrain d’enquête, et suscitepar ailleurs de vives interrogations, quant à la protection des données personnellesd’une part, quant à l’intérêt qu’elles peuvent présenter dans la perspective d’uneo�re de ressources di�érenciées, et potentiellement adaptées à des profils spécifiques.En l’état, l’identification des acteurs autorisés à les traiter nous semble mériter desprécisions.

7.2 Bilan et perspectives

L’un des enjeux de cette enquête résidait dans l’identification des stratégies d’acteursau sein des filières de l’édition scolaire et du « numérique éducatif ». Il serait ambitieuxde prétendre les avoir cernées, mais quelques tendances se dégagent et mériteraient d’êtreexplorées plus avant. Le positionnement des éditeurs semble relativement stabilisé, et endépit du renouvellement de l’o�re de ressources et de dispositifs numériques auquel ils ontlargement contribué, leurs orientations semblent balancer entre la conservation de ce qui res-semble à une rente (l’édition de manuels imprimés) et l’engagement dans des territoires plusincertains. Pour paraphraser les propos de l’un de nos enquêtés (Entretien : chercheur 2),lorsqu’un éditeur innove, c’est parce qu’on le lui demande. Pour autant, le fait que certainsentreprennent des acquisitions de startups, ou engagent d’autres formes de relations que lerecrutement de prestataires avec des structures spécialisées semble témoigner d’inflexions

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organisationnelles. Du côté des structures du numérique éducatif, de fortes incertitudes sub-sistent sur leur rentabilité, et les tentatives de structuration par clusters ou en fédérationsprofessionnelles témoignent d’une volonté d’obtenir une plus grande visibilité vis-à-vis despouvoirs publics et des financeurs institutionnels.

L’un des enjeux pour l’ensemble des acteurs tient à la recherche d’un volume d’utili-sateurs su�sant à la fois pour s’assurer des revenus, à la fois pour recueillir des donnéesexploitables ultérieurement. C’est aussi dans cette perspective qu’il faut situer, nous semble-t-il, les politiques de rachat et de partenariats entre acteurs. Dans la mesure où il ne s’agitpas seulement de recruter des utilisateurs, mais aussi de les fidéliser, la plupart des acteurss’attachent à faire vivre des communautés d’utilisateurs : ainsi Maskott, avec Tactiléo,ou moins récemment, Nathan avec lea.nathan.fr. En quoi, et comment ces orientationss’opposent-elles ou, au contraire, s’articulent-elles avec les collectifs d’enseignants, avec les-quels les acteurs historiques entretiennent des relations fluctuantes ? Telle est l’une desquestions que nous souhaiterions approfondir.

Enfin, sur le plan des relations entre le ministère et les acteurs de l’édition, les mo-dalités de contrôle de la production éditoriale connaissent des évolutions qui mériteraientd’être interrogées. Si l’édition de manuel n’est pas plus aujourd’hui qu’hier contrôlée parl’État, restent qu’existent ou ont existé des formes de recommandation, dont l’ancien label« reconnu d’intérêt pédagogique » était un exemple, ou plus récemment, les commissions« Édu-Up ». Les BRNE, parce que leur conception — dans le cadre du MAPA — et leurévaluation — par l’intermédiaire d’enseignants en poste, repérés par leur hiérarchie — a étépensée par le ministère, sont-elles le signe d’une nouvelle forme de contrôle de la productionde ressources, dont Éric Bruillard (2005) distinguait déjà des signes avant-coureurs ? Unassez large ensemble de questions en découle, concernant par exemple les positionnementsdes di�érents acteurs placés sous la tutelle du ministère (il est vraisemblable que tous nese situent pas sur le même axe), ou la manière dont les ressources et les services associéspeuvent « préfigurer », au sens où l’entend par exemple Yves Jeanneret (2014), l’activitédes enseignants.

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Références

Beauné, A., M. Huchette, P. Hannoun-Kummer, X. Levoin et F. Tort. 2017, « Analyse desbanques de ressources numériques éducatives (BRNE) », cahier de recherche, Stef, ENSParis-Saclay.

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Table des matières

1 Contexte 2

2 Constats et questionnement 2

2.0.1 Une « alchimie » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22.0.2 Questionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

3 Méthodologie 4

3.1 Plan numérique pour l’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53.2 Projets e-education . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73.3 Les Banques de ressources numériques éducatives . . . . . . . . . . . . . . . 8

3.3.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.3.2 Accessibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93.3.3 Co-construire dans des délais contraints . . . . . . . . . . . . . . . . 93.3.4 Des modalités d’évaluation complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

4 Situation de la filière du numérique éducatif 13

4.0.1 Un e�ectif di�cilement quantifiable . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

5 Enjeux de positionnement et stratégies d’acteurs 15

5.0.1 L’innovation sur commande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155.0.2 Le manuel, entre rente de situation et incertitudes . . . . . . . . . . 155.0.3 Interrogations sur les coûts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175.0.4 Adaptive Learning . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195.0.5 L’agenda des appels à projets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215.0.6 Quel rôle pour les opérateurs publics ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 225.0.7 MAPA ou subvention : deux modes d’encadrement de la prestation . 23

6 Consortium et processus de développement des BRNE 23

6.0.1 Répondre à l’appel d’o�res : une opportunité à saisir . . . . . . . . . 236.0.2 Sélection des partenaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256.0.3 Faire consortium ou faire le métier d’éditeur : deux logiques opposées ? 26

7 Conclusions 28

7.1 Préconisations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287.2 Bilan et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

8 Annexes 34

8.1 Monographies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348.1.1 Belin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348.1.2 lelivrescolaire.fr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

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8 Annexes

8.1 Monographies

8.1.1 Belin

Belin revendique son ancienneté : fondée en 1777, elle était jusqu’à très récemment(2014) propriété de la famille Belin, et a été dirigée pendant six générations par ses héritiers.Jusqu’à cette date, elle était considérée comme un groupe éditorial indépendant, assumantsa propre distribution. Outre son activité dans les secteurs scolaire et parascolaire, la maisonpossède les magazines Pour la Science et Cerveau & Psycho, les éditions Le Pommier etles Éditions de l’Observatoire, l’éditeur de logiciels Gerip. En 2008, Sylvie Marcé devientprésidente directrice générale, et en 2014, la maison est rachetée par le réassureur Scor,présidé par Denis Kessler, qui venait de racheter les Presses Universitaires de France. Lamaison édite également des ouvrages destinés aux publics universitaires. Elle est enfin co-fondatrice de la plateforme de di�usion de revues et d’ouvrages scientifiques cairn.info

avec La Découverte (Editis), de Boeck Supérieur (Albin Michel), et les éditions Érès, enpartenariat avec la Bibliothèque nationale de France. Suite au rachat par Scor, Belin et PUFont été intégrées à une holding, Humensis. Les locaux historiques de Belin au 8 rue Férou(Paris 6e arrdt) ont été cédés à la famille Belin et les deux maisons se sont installées au170 bis, boulevard du Montparnasse. Belin et Magnard se sont associées à parts égales pourcréer un distributeur numérique, EduLib. À l’origine, Lib est une interface de productionde manuels numériques créée par Belin, qui est considérée comme pionnière dans la (brève)histoire du manuel numérique.

8.1.2 lelivrescolaire.fr

Cofondée en 2010 par un jeune diplômé d’HEC (Raphaël Taïeb) et une enseignante enHistoire-Géographie (Émilie Blanchard), à l’initiative de Gutenberg Technology qui avaitété fondée un an auparavant par R. Taïeb et des entrepreneurs du web, F.-X. Hussherr etFrank Van Rompay, alors tous deux dirigeants du think tank « Renaissance numérique ».Le projet initial est double : apporter à Gutenberg une vitrine de ses outils d’édition et deproduction, et expérimenter la production collaborative de manuels numériques sous licenceCreative Commons. De fait, le vivier d’auteurs, rémunérés en droits d’auteur est important :environ 500 auteurs, avec un système de liste d’attente permettant d’anticiper des parutionsdans de nouvelles matières ou sur d’autres niveaux d’études que le collège. Les évaluateurset correcteurs seraient environ 2000, et ne sont pas rémunérés (Entretien : éditeur 2). Lesrelations entre Gutenberg et lelivrescolaire.fr se sont interrompues en 2014, la seconderachetant à Gutenberg ses parts.

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Figure 2 – Répartition des lots du marché BRNE35

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Figure 3 – Structures impliquées dans l’« Adaptive Learning », Observatoire de la EdTech